Fleurs de rêve/Balance-toi !

)
Boehme et Anderer (p. 60-62).



BALANCE-TOI !



Balance-toi, petite plante,
Ta feuille est tendre et verdoyante,
L’air est suave de fraîcheur ;
Balance-toi ! l’heure est passée
Où par le soleil oppressée
Tu pâlissais sous sa chaleur.

Balance-toi ! le crépuscule
Déjà sur les balcons ondule
Ses fantômes mystérieux ;
Et sur la nature assoupie
Coule cette paix alanguie
Qui ne peut venir que des cieux.


Oh ! les douceurs de l’heure brune !
De deviner au ciel la lune
Quand l’azur est encor serein !
Oh ! la brise qui vous caresse !
Oh ! la chère ombre qui vous presse
Contre son chaste et moelleux sein !

Oh ! les mille voix soupirent
Lorsque les longs stratus expirent
Quand le jour finit de mourir !
Oh ! l’or des paupières lointaines
Des étoiles qui dans les plaines
D’azur commencent à s’ouvrir !

Oh ! les rêves du crépuscule
Quand l’ombre de la nuit circule
Que les oiseaux ne chantent plus !
Ô tendresse ! quand la pensée
En rythmes divins cadencée
Murmure de ces mots voulus…

Quand le toit des maisons s’efface,
Que l’œil, inquiet, perd la trace
Du Moukattam dans le lointain ;
Quand a l’entour tout, calmé, rêve,
Du cœur un cantique s’élève
Au Dieu du soir et du matin :


Salut, honneur, amour, louange
À Toi qui fis et l’homme et l’ange,
À Toi qui suspendis le ciel ;
Qui dans le temps et dans l’espace
Au jour, la nuit, marquas leur place,
Salut à Toi, Père Éternel !

Plante, balance-toi, palpite,
Balance-toi, danse, petite !
L’air est suave de fraîcheur ;
Balance-toi ! l’heure est passée
Où par le soleil oppressée
Tu pâlissais sous sa chaleur…