Fables originales/Livre IV/Fable 20

Edouard Dentu (p. 111-112).

FABLE XX.

Les Demi-Mesures.


Un jardin sans clôture attirait les voleurs.
La nuit ils dérobaient le céleri, l’oseille,
Les poireaux, le raisin, les pommes, la groseille ;
Rien n’était épargné. Pour comble, nos pilleurs
Au maître du jardin qu’ils rencontraient en ville
Montraient les fruits volés, l’appelant imbécile !

Celui-ci, peu content, circonvint leur retour
En faisant élever un mur d’argile autour
De sa propriété. Guidé par l’avarice,
Il ne paya pas cher la nouvelle bâtisse.
Elle atteignait au plus la hauteur des genoux.
Les voleurs, le soir même enlevaient tous les choux.
Le mur fut exhaussé de trois ou quatre pouces.
Aux carrés plantés d’aulx il ne demeura gousses.
À la fin révolté, l’avare décida
Que son mur atteindrait les sommets de l’Ida.
Neuf pieds avant suffi pour défendre la place,
Le maçon s’arrêta ; de même aussi l’audace
Des effrontés voleurs
Dévastateurs.

En tout, pour tout, sur tout, point de demi-mesures.
Faites les choses bien si vous les voulez sûres.