Fables originales/Livre IV/Fable 15

Edouard Dentu (p. 106-107).

FABLE XV.

La Griffe.


Couché devant la cheminée,
L’épagneul de ma sœur aînée
Regardait jouer le minet
Avec la boule du chenet.
Le chat, fin velouteur de patte,
Preste comme Arlequin à batte,

Sautait léger, batifolait,
L’épagneul s’en affriolait.
Il se dresse, il court à la boule,
Vigoureusement il la roule.
Chat, chien, lancés dans leurs ébats,
Se livrent mutuels combats.
Fre fre ! Aôye aôye ! tandis qu’un lorgne,
L’autre traîtreusement l’éborgne.
De son œil brillant l’épagneul
Dut ce jour-là faire le deuil.

On aime les grâces félines,
Des chais et des femmes calines,
Combien s’aperçoivent trop tard
Qu’elles sont gaines de poignard.
Ma fable n’est pas apocryphe,
Sous poil et gant perce la griffe.