Fables d’Ésope (trad. Chambry, 1927)/Le Fils et le Lion peint

Pour les autres éditions de ce texte, voir Le Fils et le Lion peint.

Traduction par Émile Chambry.
FablesSociété d’édition « Les Belles Lettres » (p. 129r-130r).
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LE FILS ET LE LION PEINT


Un vieillard craintif avait un fils unique plein de courage et passionné pour la chasse ; il le vit en songe périr sous la griffe d’un lion. Craignant que le songe ne fût véritable et ne se réalisât, il fit aménager un appartement élevé et magnifique, et il y garda son fils. Il avait fait peindre, pour le distraire, des animaux de toute sorte, parmi lesquels figurait aussi un lion. Mais la vue de toutes ces peintures ne faisait qu’augmenter l’ennui du jeune homme. Un jour s’approchant du lion : « Mauvaise bête, s’écria-t-il, c’est à cause de toi et du songe menteur de mon père qu’on m’a enfermé dans cette prison pour femmes. Que pourrais-je bien te faire ? » A ces mots, il asséna sa main sur le mur, pour crever l’œil du lion. Mais une pointe s’enfonça sous son ongle et lui causa une douleur aiguë et une inflammation qui aboutit à une tumeur. La fièvre s’étant allumée là-dessus le fit bientôt passer de vie à trépas. Le lion, pour n’être qu’un lion en peinture, n’en tua pas moins le jeune homme, à qui l’artifice de son père ne servit de rien.

Cette fable montre qu’il faut accepter bravement le sort qui nous attend, et ne point ruser avec lui, car on ne saurait y échapper.