Fables (Stevens)/60
LX.
LE CHEVAL, LA LOCOMOTIVE ET LE TÉLÉGRAPHE.
Que te servent tes pieds légers et résonnants,
Disait d’une voix convulsive
Une grosse locomotive
À mon noble coursier dont les naseaux fumants
Chassaient l’air avec bruit ? Oserais-tu, de grâce,
Essayer de suivre ma trace
À moi qui dévore l’espace,
À moi plus prompte que les vents ?
Va cacher dans les bois, ta honte et ta défaite !
— Halte là ! rabattez votre présomption,
Lui dit le télégraphe en secouant la tête ;
Pourquoi cet orgueil et ce ton ?
Vous devancez les vents, avez-vous dit, la belle ?
Oh ! la folle prétention.
Prenez-vous le coursier pour un sot sans cervelle ?
Vous surpassez, j’en conviens, les chevaux.
Voilà tout. Beau sujet vraiment de gloriole !
Mais lorsque vous voudrez devancer les oiseaux,
Le tonnerre et les vents, venez à mon école.