Mercure de France (p. 100-101).

L

La pluie et le beau temps.


La science météorologique a dû naître dans une boutique d’épicier. On sait l’exactitude scrupuleuse avec laquelle ces négociants estimables renseignent, chaque jour, sans acception de personnes, toutes leurs pratiques, sur l’état certain ou seulement probable de l’atmosphère. Rien ne leur échappe, ni un nuage, ni un rayon de soleil, ni une bise, ni un zéphyr, et tout le monde en profite à l’instant même.

Ce qui me subjugue, c’est la diligence et l’infatigabilité de ces informateurs bénévoles. Ils renseigneraient mille clients, ils renseigneraient le diable !

— Et avec cela ? disent-ils du fond d’un sourire. On a beau répondre avec impatience qu’on n’a plus besoin de rien. On a beau leur beugler ça, en s’accompagnant de gestes furieux : — Eh ! bien, ce sera pour la prochaine fois ! soupirent-ils, tout de même pleins d’amour, et ils vous reconduisent et vous gratifient, jusque sur le seuil, d’un dernier et, autant que possible, favorable pronostic.

La pluie et le beau temps sont la ressource universelle et qui jamais ne s’épuise. « Notre conversation est dans les cieux », a dit saint Paul. Parole étonnamment prophétique, vérifiable, trente millions de fois par jour, après dix-neuf siècles, non seulement chez l’épicier, mais chez tout bourgeois.

Il y en a qui parviennent à un très grand âge et qui meurent environnés de respect, au sein du gâtisme le plus avancé, sans avoir jamais parlé d’autre chose que de ce qui se passe dans le ciel.