Esprit des lois (1777)/L3/C7

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CHAPITRE VII.

Du principe de la Monarchie.


Le gouvernement monarchique suppose, comme nous avons dit, des prééminences, des rangs, & même une noblesse d’origine. La nature de l’honneur est de demander des préférences & des distinctions ; il est donc, par la chose même, placé dans ce gouvernement.

L’ambition est pernicieuse dans une république. Elle a de bons effets dans la monarchie ; elle donne la vie à ce gouvernement ; & on y a cet avantage, qu’elle n’y est pas dangereuse, parce qu’elle y peut être sans cesse réprimée.

Vous diriez qu’il en est comme du systême de l’univers, où il y a une force qui éloigne sans cesse du centre tous les corps, & une force de pesanteur qui les y ramene. L’honneur fait mouvoir toutes les parties du corps politique ; il les lie par son action même ; & il se trouve que chacun va au bien commun, croyant aller à ses intérêts particuliers.

Il est vrai que, philosophiquement parlant, c’est un honneur faux qui conduit toutes les parties de l’état ; mais cet honneur faux est aussi utile au public, que le vrai se feroit aux particuliers qui pourroient l’avoir.

Et n’est-ce pas beaucoup d’obliger les hommes à faire toutes les actions difficiles, & qui demandent de la force, sans autre récompense que le bruit de ces actions ?