Esprit des lois (1777)/L29/C15


CHAPITRE XV.

Qu’il est bon quelquefois qu’une loi se corrige elle-même.


La loi des douze tables[1] permettoit de tuer le voleur de nuit, aussi bien que le voleur de jour, qui, étant poursuivi, se mettoit en défense ; mais elle vouloit que celui qui tuoit le voleur[2], criât & appellât les citoyens ; & c’est une chose que les lois qui permettent de se faire justice soi-même, doivent toujours exiger. C’est le cri de l’innocence, qui, dans le moment de l’action, appelle des témoins, appelle des juges. Il faut que le peuple prenne connoissance de l’action, & qu’il en prenne connoissance dans le moment qu’elle a été faite ; dans un temps où tout parle, l’air, le visage, les passions, le silence, & où chaque parole condamne ou justifie. Une loi qui peut devenir si contraire à la sureté & à la liberté des citoyens, doit être exécutée dans la présence des citoyens.


  1. Voyez la loi IV, ss. ad legem Aquiliam.
  2. Ibid. Voyez le décret Tassillon, ajouté à la loi des Bavarois, de popularibus leg. art. 4.