Esprit des lois (1777)/L29/C1


LIVRE XXIX.

De la maniere de composer les Lois.




CHAPITRE PREMIER.

De l’esprit du Législateur.


Je le dis, & il me semble que je n’ai fait cet ouvrage que pour le prouver : L’esprit de modération doit être celui du législateur ; le bien politique, comme le bien moral, se trouve toujours entre deux limites. En voici un exemple.

Les formalités de la justice sont nécessaires à la liberté. Mais le nombre en pourroit être si grand, qu’il choqueroit le but des lois mêmes qui les auroient établies : les affaires n’auroient point de fin ; la proriété des biens resteroit incertaine ; on donneroit à l’une des parties le bien de l’autre sans examen, ou on les ruineroit toutes les deux à force d’examiner.

Les citoyens perdroient leur liberté & leur sureté ; les accusateurs n’auroient plus les moyens de convaincre, ni les accusés le moyen de se justifier.