Encyclopédie méthodique/Arts et métiers mécaniques/Moulage

Panckoucke (5p. 248-274).

MOULAGE ( Art du )

Dans la rédaction de cet article, nous ne pouvons choisir un plus sûr guide que M. Fiquet, qui a traité dans le plus grand détail, d’après son expérience & ses conoissances très-étendues, l’art du Mouleur en plâtre.

Qu’il nous soit donc permis, ne pouvant mieux faire, de suivre sa marche, d’exposer la doctrine du maître avec ses propres expressions, & d’indiquer ses procédés, qui sont ceux de l’art & d’une pratique raisonnée.

Avant d’entrer dans aucun détail, jetons un coup d’œil rapide, dit M. Fiquet, sur l’histoire de l’art du mouleur en plâtre, & tâchons de démêler ce qu’il a été chez les anciens. Nous suivrons ses progrès chez les modernes, & nous finirons par examiner quelle est son utilité générale, & quels secours les articles & les amateurs en peuvent tirer.

Tous les commencemens des arts sont obscurs : on ne peut former que des conjectures sur la manière d’opérer des anciens. Quelques passages de ne marche qu’à travers des ténèbres.

Tout ce que l’on peut recueillir de quelques traits épars dans leurs ouvrages, se réduit à très-peu de chose ; & les monumens de ce genre, devenus si rares, ou presqu’absolument détruits, ne peuvent suppléer au silence des historiens.

Il paroit que la méthode la plus communément suivie parmi les anciens, & particulièrement pour les grands ouvrages, étoit de fondre en lames de diverses épaisseurs les métaux dont ils vouloient faire leurs statues ; ils rassembloient ensuite ces platines ou pièces différentes sur une armature de fer, les rapprochoient au marteau & leur donnoient les formes désirées.

C’est ainsi que paroissent avoir été construits le colosse de Rhodes, la statue colossale de Néron, &c. monumens dont la grandeur nous étonne, mais dont le merveilleux disparoit dès qu’on s’est formé une idée de la mécanique qui les a élevés.

Tantôt ils se servoient d’une espèce de pierre, dans laquelle ils avoient reconnu la propriété de résister à la violence du feu ; ils la creusoient & en faisoient un moule grossier, dans lequel ils couloient la matière. Ils n’en retiroient, à la vérité, que des figures massives, & qui le plus souvent ne présentoient que des formes à peine ébauchées ; mais on les perfectionnoit au ciseau.

Quelquefois même on conçoit des métaux sans forme, on en faisoit un bloc dans lequel, à force de travail & de patience, on parvenoit à tailler une statue comme on travaille le marbre.

Lorsque l’art fut perfectionné, l’on se servît de modèles, qui n’étoient cependant point destinés à l’usage que nous en faisons aujourd’hui.

Ces modèles se faisoient de terre préparée ; on en enlevoit par-tout une épaisseur égale à celle qu’on vouloit donner à la matière qu’on devoit couler, de sorte que le modèle devenoit proprement ce que nous appelons noyau.

On faisoit recuire ce noyau, on le couvroit de cire ; l’artiste terminoit ces cires, & c’étoit sur ces cires terminées que se faisoit le moule de potée ; ensuite l’ouvrage s’achevoit comme chez les modernes.

Cependant il y a lieu de croire que les anciens n’ont coulé de cette manière que des morceaux d’une grandeur médiocre : telles sont les oies du Capitole, qui subsistent encore.

Ils couloient, suivant la même méthode, les différentes parties de la figure par morceaux réparés qu’ils rassembloient ensuite avec art.

La statue de Marc-Aurèle, seul monument de ce genre un peu considérable qui nous soit resté de la main des anciens, paroit avoir été coulée en deux parties, la figure & le cheval séparément.

On ignoroit encore, il y a moins d’un siècle, l’art de fondre un grand morceau d’un seul jet.

Il paroit donc constant que les anciens ont absolument ignoré l’usage du plâtre liquide : ils s’en sont servi comme du marbre & de la pierre pour travailler au ciseau, ou pour faire des modèles, mais jamais pour prendre des empreintes, faire des creux sur les reliefs & reproduire des originaux.

On s’est quelquefois servi de la cire à peu-près pour le même objet.

Le frère du célèbre Lysippe fit des figures en moulant le visage des personnes avec de la cire qu’il peignoit ensuite : travail peu estimé sans-doute ; car il y a une grande différence entre l’ouvrage fait avec l’ébauchoir & celui qui se jette en moule : l’un est le fruit du génie, l’autre d’une manœuvre purement mécanique.

Le premier artiste est créateur, & le second copiste servile ; dans quelques cas cependant on est forcé d’employer cette méthode, mais on ne doit jamais se la permettre pour se dispenser d’étudier la nature.

L’art de mouler en plâtre, qui multiplie les chef-d’œuvres de la sculpture, commença à naître entre les mains de Verrochio, Sculpteur habile amant que peintre célèbre, il ne moula le premier avec du plâtre le visage de personnes mortes ou vivantes, que pour fixer des traits qui s’échappent, choisir les formes les plus beureuses, embellir & copier plus sûrement la nature.

Cette découverte s’applique bientôt à l’art lui-même ; on connoit le prix des chef-d’œuvres de antiquité, on déterre les ruines précieuses, on étudie ces modèles. Le Rosso, le Primatice, paroissent ; ils ressucitent, pour ainsi dire, ces morceaux jusqu’alors ensevelis ; ils moulent quantité de statues, de bustes, de bas-reliefs antiques, &c. richesses se multiplient, & chacun jouit de copies précieuses & fidelles, dont les originaux ne peuvent se déplacer.

Alors François Ier, juste appréciateur des talens, attire en France les artistes célèbres. Ils y viennent chargés de leurs trésors. Fontainebleau l’embellir de statues jetées en bronze. Les Gougeon, les Pileur étudient l’art devenu pour eux une seconde nature plus sûre que la première ; leur goût se développe, leur génie s’enflamme, & la France se glorifie de produire des artistes.

Telle est sur les bords de la Seine la marche de cette révolution rapide, pendant qu’on élève à Florence, au père de la partie & des ans, Comme de Médicis, une statue équestre dont la figure & le cheval sont coulés séparément.

En France, tous les arts se replongent dans les ténèbres sous les successeurs de Henri II. Sous Louis XIII enfin, ou plutôt sous Richelieu, ils recommencèrent à paraître.

On place sur un pont magnifique la statue du plus adoré des rois. Cet ouvrage n’est pas en entier de la main d’un François. Un élève de Michel-Ange a fondu la figure du cheval à Florence ; & Dupré a lutté avec succés contre Jean de Bologne, son maître, dans celle du héros.

La statue équestre de Louis XIII s’exécute dans le même tems On voit encore un Italien, Rlociarelli, s’immortaliser par la figure du cheval, qui est un chef-d’œuvre, tandis que celle du monarque, coulée séparément par un François, fait regretter qu’elle ne soit pas du même artiste.

Enfin sous le règne de Louis XIV, où tout est perfectionné, Keller s’associe à la gloire de Girardon ; & de leurs talens réunis naît le plus grand & le plus superbe ouvrage de ce genre, la statue de la place Vendôme fondue d’un seul jet.

C’est là le plus haut période de l’art. Il n’y a rien de mieux à faire en pareil cas, que d’étudier & de répéter les procédés qu’on a suivis alors. Aussi n’ignore-t-on pas que, cinquante ans après, lorsqu’on a voulu exécuter la slatue de Louis XV à Rordeaux, la pratique en étoit presqu’oubliée, & que sans les mémoires de Bertrand, l’art de fondre d’un seul jet une statue équestre, eût peut-être été trouvé & perdu dans l’espace de deux siècles.

Quant aux avantages qu’on retire de la méthode du mouler, ils sont sensibles. On a déjà vu que c’est à cette heureuse découverte que nous sommes en partie redevables de la renaissance de l’art. Les antiques moulées par le Rosso & le Primatice, ont jeté parmi nous les semences du bon goût.

Les bons modèles aïnfi répandus, les connoissances multipliées, la nature enfin étudiée, les finesses de l’art mieux saisies, ont enfanté des artistes.

Louis XIV avoit bien senti l’utilité de cette méthode, quand il fit mouler à grands frais à Rome les antiques & toute la colonne Trajane, qui fut apportée par pièces au Louvre, où l’on en voit encore quelques débris dans la salle des antiques. Ces objets de curiosité & d’instruction ont été détruits par le terms, qui réduit le plâtre en salpêtre.

Dans le même lieu sont les creux des figures antiques, ou du moins ce qui s’en est conservé, malgré les ravages du tems, & peut-être le défaut des soins nécessaires.

Qu’il nous soit permis de former un vœu, & de souhaiter qu’il parvienne jusqu’au citoyen instruit & connoisseur, qui chez nous préside aux arts ; c’est de voir renouveler fur les originaux ces moules si utiles au maintien des arts en France, & maintenant détruits ou dépareillés, & d’en multiplier les plâtres.

Sans parler de la colonne Trajane, dont il n’appartient qu’à des souverains d’avoir des copies, & que l’impératrice de Russie vient de faire mouler de nos jours, combien de morceaux précieux, dont les amateurs ne sont redevables qu’à l’art de mouler !

Si la France jouit de l’Hercule Farnèse, du LaO-coon, du Gladiateur, de la Vénus de Médicis ; si l’Amour de M Bouchardon, le Mercure de M. Pigalle, la Vénus de M. Coustou, font les délices des connoisseurs : ( car pourquoi refuserions-nous à nos artistes célèbres les éloges que leur prodiguera la postérité reconnoissante ?) enfin, si nos jardins, nos vestibules, nos cabinets sont ornés de ces chef-d’œuvres, nous ne les devons qu’à cette méthode ingénieuse qui fait les multiplier. Grâces à ses soins, celui qui achète n’est point le possesseur exclusif d’un trésor dont il connoit rarement tout le prix.

Si de ces avantages généraux, nous examinons en détail ceux que les artistes en urtnt journellement pour leurs travaux, nous verrons criThien cette mjthode a fervi aux progrès de l’art. Un homme utile à la patrie vient d’expirer, on veut saisir & perpétuer des traits chéris que la mort va détruire ; on se hâte de le mmiler : alors ce masque donne à l’artiste le profil & les formes principales qui font la ressemblance. Il ne le dispense pas de copier la nature, mais il lui tient lieu de ce modèle qu’il doit avoir sous les yeux pour la saisir plus sûrement.

D’ailleurs, quand un artiste a fait son modèle en terre molle, qu’il l’a animé du feu de son génie ; s’il veut travailler le marbre d’après le modèle, il faut en fixer les formes, qui deviendroient maigres & arides en séchant, & les conserver sans altération. L’imitation seroit impossible sans le secours du mouleur.

On coule le modèle en plâtre ; c’est d’après ce plâtre, devenu le vrai modèle, qu’on travaille le marbre, à moins cependant que le sculpteur ne fasse son modèle en plâtre à la main, opération qui refroidit le génie ; & dans ce cas même, Il est souvent obligé d’en faire mouler des parties pour faciliter son exécution.

Quand enfin l’on veut avoir de bons modèles, soit d’après nature, soit d’après les monumens, on fait mouler des parties séparées, un bras, une jambe, une main, un buste, &c. Ce sont des études toujours sûres, qu’on multiplie à son gré ; c’est le moyen de faire un beau choix.

C’est ainsi que l’art est parvenu à réunir tous les traits, toutes les proportions qui constituent essentiellement la beauté parfaite, mais que la nature, plus inégale, n’a peut-être jamais rassemblées dans le même individu.

Il est vrai que l’art de mouler, sur-tout pour les ouvrages de conséquence, demande une intelligence qu’on ne trouve pas toujours dans ceux qui l’exercent : de-là cette foule de morceaux faits à la hâte & sans soin, qu’on rencontre partout ; copies infidelles & difformes, où l’œil même de l’artiste a peine à reconnoitre son ouvrage.

Les sculpteurs jaloux de leur réputation, savent bien faire un choix ; pour les autres qui ne veulent que multiplier des plâtres bons ou mauvais, il importe peu de quelle main ils se servent.

Après avoir expofé la naissance, les progrés & l’utilité d’un travail jusqu’ici peu connu, il ne reste plus qu’à dire un mot de l’ordre observé dans ce traité. On a commencé par donner une idée des différentes matières relatives au moulage ; on a indiqué les instrumens nécessaîres pour opérer ; on est entré dans le détail de l’exécution, en observant de mettre par degrés sous les yeux du lecteur, d’abord les opérations les plus faciles ou d’un plus commun usage, ensuite les plus difficiles.

Des différentes matières relatives au moulage.

Il est nécessaire que l’artiste sâche choisir & préparer par lui-même ces différentes matières. Leur bon choix & leur préparation peuvent contribuer beaucoup à la perfection de son ouvrage.

Du Plâtre.

Le meilleur plâtre est celui qui devient le plus dur après qu’il est détrempé avec de l’eau, ou, pour parler plus communément, lorsqu’il est gâché.

Celui des carrières de Pantin est moins susceptible d’efforts & de poussière ; mais il a le défaut de se relâcher, étant souvent trop cuit ou brûlé. Pour éviter cet inconvénient, il faut choisir les pierres cuites à propos, ce qu’on connoît en les cassant, lorsqu’il n’y a pas de noyau dedans, & même en gâchant le plâtre, s’il est gras & s’attache aux doigts.

Afin qu’il soit exempt de tous ces défauts, il est à propos de le faire cuire soi-même dans un four de boulanger, après avoir cassé la pierre en morceaux de la grosseur d’un œuf.

Le choix de la pierre dans la carrière est aussi essentiel il y a des bancs préférables les uns aux autres : les lits tendres sont meilleurs que les lits durs ; cette pierre étant bien cuite ne se gonfle pas, & reste telle qu’elle a été employée.

On ne fauroit trop prendre de soins pour cette préparation, car c’est de-là gue dépend la réussite de l’ouvrage, sur-tout lorsqu’on doit mouler sur des figures de marbre.

Pour bien préparer le plâtre, il faut le battre dans un mortier, ou le broyer le plus fin qu’il est possible ; cette seconde manière est la meilleure, en ce qu’elle rend le plâtre plus gras.

Lorsqu’il est suffisamment broyé, on le passe au tamis de crin & ensuite à celui de soie : ( on dit souvent passé au pas de crin, ou au pas de foie ) ce qui reste dans ces tamis s’appelle mouchette.

On le rebat & le conserve sans être passé, pour faire des chapes, ou de fortes pièces.

On observera en général de conserver le plâtre dans des caisses ou tonneaux, pour le garantir de l’humidité qui le perd entièrement, en lui ôtant sa première qualité de devenir dur en séchant.

Si vous désirez qu’il soit bien blanc, vous le gratterez avant de le broyer dans le mortier, surtout celui qu’on achète aux carrières tout cuit, comme le plâtre pour la bâtisse. On le vend à Paris environ six sols le sac ; mais cuit au four du boulanger, il vaut depuis vingt jusqu’à trente sols.

Du talc ou gypse cristallisé.

On se sert aussi de talc pour couler de petites figures, ou autres pièces délicates ; c’est un gypse fin & cristallisé qui se trouve dans les carrières de plâtre : il est diaphane, d’un blanc verdâtre.

On doit, avant de le faire cuire, le diviser par feuillets d’une ligne ou deux d’épaisseur, & le mettre au four comme le plâtre. Il se prépare de même ; mais comme il prend plus vite, il faut le gâcher fort clair.

On ne se sert pas ordinairement de cette matière pour faire des creux, parce qu’elle n’a pas assez de consistance, à moins qu’on n’y mêle partie égale de plâtre commun.

On emploie le talc pour couler des figures de bas-relief, des médailles ou autres choses précieuses qui doivent être parfaitement blanches.

De la terre à modeler.

Cette terre se trouve chez les potiers de terre, qui la préparent. Elle se vend communément dix sols le pain pesant depuis cinquante jusqu’à soixante livres.

On se sert de cette terre pour estamper & pour faire des portées autour des moules, ainsi que des épaisseurs pour la fonte des plombs ; c’est avec cette terre que le sculpteur fait son modèle : souvent il le fait en plâtre à la main, sur-tout dans les grands ouvrages.

De la cire.

L’usage de la cire est très-fréquent dans l’opération du moulage : tout ce que l’on doit fondre en bronze est coulé en cire avant que le fondeur fasse son moule de sable ou de potée.

Voici comme elle se prépare : sur une livre de cire neuve on met un quarteron de suif & une demi-livre de poix de Bourgogne blanche ; l’on fait fondre le tout ensemble, en observant de ne pas la laisser bouillir.

Cette cire devient liante ; elle sert à faire des épaisseurs pour les bronzes, à réparer des pièces perdues ou cassées dans les moules, & même à durcir les creux ; mais dans ce dernier cas, il faut que la cire ne soit altérée par aucun mélange.

Du mastic.

La composition du mastic se fait de plutieurs matières : prenez une livre de cire, une livre de poix-résine, un quarteron de soufre en poudre, & faites fondre le tout dans un vaisseau de terre ou de cuivre sur un feu médiocre, en observant de ne pas le laisser bouillir. Lorsque tout est fondu, vous y joignez de la poudre de marbre ou de brique passée au tamis de foie, en remuant le tout avec une spatule de bois. On ne peut déterminer au juste la dose de cette poussière ; c’est ordinairement cinq ou six poignées pour la quantité de cire donnée ci-dessus.

Lorsque le mastic est froid, il est facile de voir s’il est trop dur ou trop mol : dans le premier cas, on y ajoute un peu de cire ; dans le second on y met un peu de poudre de marbre.

On peut faire ce même mastic en substituant du plâtre fin au marbre ou à la brique.

Ce mastic sert pour mouler sur les marbres, sur les terres cuites, & autres morceaux de sculpture dont la matière est plus cassante.

Lorsque l’on veut s’en servir, on le fait fondre au bain marie, afin qu’il ne brûle pas au fond du vase.

On emploie aussi un autre mastic pour rejoindre les modèles en terre cuite, qui se cassent dans le four par l’action du feu, ou pour rejoindre les coupes que l’on est obligé de faire sur cette terre.

Les marbriers appellent cette composition mastic gras : il est composé de cire & de poix-résine en égale quantité ; observez de chauffer les deux parties que l’on veut rejoindre.

Il y a une troisième espèce de mastic, dont on se sert plus particulièrement pour le marbre ; il est plus long à durcir, & tient plus fortement que l’autre : il est composé de fromage blanc, nommé vulgairement à la pie, & d’égale portion de chaux vive, que l’on mêle ensemble en les broyant sur un morceau de marbre ou pierre de liais.

On emploie aussi au même usage de l’alun de Rome, qui jaunit moins que toute autre matière ; il faut faire chauffer les parties que l’on veut rejoindre, sans toutefois les brûler ; le marbre alors change de couleur, & la jonction paroit.

Des huiles & de leurs préparations.

On se sert ordinairement d’huile d’œillet, pour enduire les creux dans lesquels on veut couler du plâtre : si le creux est durci, on emploie l’huile telle qu’elle est : si le creux est tout frais, on fait fondre dans l’huile un peu de suif ou de sain-doux, ou bien l’on fait dissoudre du savon blanc dans l’eau chaude ; & lorsque le savon est entièrement dissous, l’on y ajoute de l’huile d’œillet dans la proportion de la moitié du savon employé : le tout fait une huile très-bonne pour les creux, qui sont secs sans être durcis.

L’huile grasse est une huile cuite, dont on se sert pour durcir les creux & même les figures de plâtre que l’on veut mouler, on qui sont exposées a l’air ; cette huile doit être de lin, parce qu’elle est plus dessicative.

Voici la manière de la faire cuire : mettez une livre d’huile de lin dans un vaisseau de terre ; joignez-y un demi-quarteron de cire neuve ; puis prenez un quarteron de litharge, que vous envelopperez dans un linge & suspendrez au milieu de votre huile, en sorte que le nouet y trempe entièrement ; faites cuire cette huile à petit feu pendant cinq ou six heures : elle s’emploie chaude.

Huile de Rome.

On appelle huile de Rome, la terre à modeler que l’on a détrempée avec de l’eau en la battant avec la spatule. Ce mélange forme une huile qui n’est pas bien rare, mais qui a cependant son utilité ; on s’en sert pour enduire les grottes pièces d’un moule que l’on doit casser, & pour les autres ouvrages de peu d’importance.

Eau de savon.

L’on se sert aussi d’eau de savon blanc pour mouler sur le marbre, & pour enduire des creux que l’on coule tout frais ; on fait chauffer de l’eau de rivière, dans laquelle on jette des morceaux de savon que l’on remue ensuite : on peut faire cette eau aussi épaisse que l’on veut, en y mettant plus ou moins de savon ou d’eau.

Des instruments.

Quand on a les matières toutes prêtes, il faut se pourvoir des outils nécessaires.

Ils consistent en spatules de différentes grandeurs, de cuivre ou de fer, avec un manche de bois ; en jattes de bois ou de faïence : ces dernières sont plus commodes, le plâtre ne s’y attache pas ; & l’on se sert de celles de bois, il faut, lorsqu’elles sont neuves, les imbiber d’huile ou de cire.

On se procurera ensuite des couteaux fort aigus, fort minces & bien affilés, des pinceaux & des brosses à longs poils, pour appliquer le plâtre détrempé clair sur la portion du modèle où vous voulez faire une pièce, ou pour enduire les creux avant que d’y couler le plâtre ; des pinces de fer terminées en pointes, pour retirer les petites pièces, dans le cas où elles ne peuvent se dépouiller, & pour faire les annelets de fil d’archal ; des ripes de fer à dents pour gratter ou rustiquer la cire, afin que les épaisseurs de cire puissent s’attacher ensemble ; des ébauchoirs de buis ou de cuivre.

On se sert aussi de petites agraffes de fil de fer, nommées annelets, & qui se mettent dans les pièces que l’on doit retirer : la forme des annelets est à peu-près semblable à ce qu’on appelle la porte d’une agraffe.

Il faut de plus un fermoir, ou ciseau à manche de bois, des grattoirs pour unir les pièces de plâtre.

Il y a plusieurs autres outils dont la forme est arbitraire ; car chaque opération oblige le mouleur à chercher des moyens & des outils propres à son objet particulier.

Manière d’estamper.

Une des opérations les moins difficiles du mouleur, mais qui demande beaucoup de soins, est la manière d’estamper.

Lorsque les artistes ont besoin de différentes parties des figures qui composent les monumens publics, comme d’une tête, d’une main, & qu’ils ne veulent pas faire la dépense d’un bon creux, alors on est obligé d’estamper, c’est à-dire, de prendre les formes avec de la terre molle sur toutes sortes de reliefs, marbre, bronze ou bois, &c. excepté sur la terre molle, par la raison que cette même terre sert à faire l’opération.

S’il s’agit, par exemple, d’une tète de marbre, vous commencerez ainsi : renfermez dans un linge un peu de cendre, pour faire une ponce que vous frapperez contre ladite tête ; il sortira de ce linge une poudre qui couvrira le marbre & empêchera la terre de s’y attacher ; prenez ensuite de cette terre, (la plus ferme est la meilleure ) & faites-en des pièces en la poussant contre l’ouvrage, en commençant toujours par les endroits les plus creux.

Vous observerez soigneusement de ne couvrir les parties les plus saillantes que les dernières.

Chaque pièce que vous avez poussée dans les fonds doit se retirer, afin de la pouvoir couper & la remettre ensuite à sa place ; il faut jeter dessus chaque pièce un peu de plâtre fin en poudre, ou les huiler, afin que les autres que vous placerez à côté, ne s’y attachent point : tout étant ainsi couvert, vous faites une chape de plâtre sur toutes vos pièces que vous huilez auparavant, & lorsque le plâtre est bien pris, vous les retirez.

S’il reste des pièces de terre attachées à la tête, vous les retirerez avec soin pour les remettre dans les creux.

Versez ensuite du plâtre clair dans le creux. Lorsqu’il sera pris, vous dépouillerez entièrement toute la terre, & vous aurez un plâtre qui ressemblera parfaitement au marbre, si tout a été parfaitement bien estampé.

L’opération étant faite, il faut nettoyer le marbre avec de l’eau & une éponge.

On se sert quelquefois de mastic & de cire molle pour estamper de petits objets, comme médailles, &c.

On peut essayer pour cet usage une pâte qui réussit assez bien : voici la composition. Prenez une livre de cire neuve, une demi-livre d’huile d’olive, une livre de poudre à poudrer ou de la belle farine.

Lorsque la cire est fondue, vous versez l’huile, & cette composition tirée du feu, vous mêlez votre poudre avec une spatule, & remuez jusqu’à ce que le plâtre soit d’une consistance ni trop molle ni trop ferme.

Creux perdu.

On appelle creux perdu, celui duquel on ne peut retirer qu’un plâtre.

Il arrive quelquefois que, pour éviter la dépense, on moule ce creux perdu : il faut alors plus de précautions, attendu que le creux & le modèle sont également perdus, si celui qui fait cet ouvrage n’apporte pas assez de soin,& se hâte trop en cassant le moule sur le plâtre.

Il est à propos que la terre du modèle soit encore fraîche, car autrement l’on auroit beaucoup de peine à retirer du creux la terre qui, sans cette précaution, feroit casser les parties saillantes & aiguës, formant les touches du moule.

On suppose une figure ou un buste grand comme nature, qu’on veuille mouler à creux perdu : voici la méthode la plus sûre. Il faut d’abord faire de grandes pièces avec du plâtre fin, dans lequel on met un peu de rouge ou de noir en poudre, ce qui produit deux effets avantageux ; le premier, de rendre le plâtre moins dur que celui qui est gâché simplement ; le second, d’empêcher, au moment où l’on casse ce plâtre sur l’ouvrage, qu’il ne se confonde avec le plâtre blanc.

Ces pièces se font ainsi. Vous ne gâchez d’abord que la quantité de plâtre que vous jugez nécessaire pour couvrir la surface du modèle : vous prenez ensuite une brosse douce à longs poils pour appliquer le plâtre clair : lorsqu’il commence à prendre, vous donnez avec votre spatule la forme que la pièce doit avoir, & l’épaisseur proportionnée au modèle.

Le plâtre étant un peu pris, vous taillez avec la pointe de votre couteau la pièce sur la terre sans rien gâter. Huilez ensuite ces surfaces que l’on nomme coupes, afin que les autres pièces ne s’attachent pas ensemble.

Continuez de même jusqu’à ce que votre modèle soit entièrement couvert de grandes pièces ; sur chacune desdites pièces vous ferez des repaires avec bout de la spatule, & vous huilerez le tout avec telle huile ou graisse qu’il vous plaira ; vous ferez alors votre chape, qui est une enveloppe générale des pièces, & vous la composerez de gros plâtre ; vous la soutiendrez par une armature de fer faite avec des fantons de fer doux que l’on nomme fer de Berry, pliés suivant les contours de l’ouvrage.

Cest au mouleur à juger de la quantité nécessaire pour la solidité du creux : il faut que la chape du devant soit plus large que celle du derrière, parce qu’elle embrasse les côtés.

Lorsque le plâtre est pris, vous retirez la chape de derrière, & vous arrachez la terre qui se trouve dans les creux : vous le nettoyez ensuite, & le lavez avec de l’eau de savon claire ; après cela, vous donnez une couche d’huile d’olive, dans laquelle vous avez fait fondre du suif. La juste proportion est d’une chandelle d’un sol pour une livre d’huile. Le creux étant bien huilé sans laisser aucune épaisseur, coulez-y votre plâtre,& faites ensorte que les dessous soient bien imprimés. Servez-vous pour cela d’une brosse à longs poils.

Si le creux est en deux coquilles, c’est-à-dire en deux parties, vous aurez soin qu’elles soient bien garnies de plâtre fin par-tout, sans en mettre sur coupes ou joints qui doivent s’appliquer l’une sur l’autre.

Lorsque le creux est bien rejoint, il faut le lier très-fortement, afin que le plâtre, par son action, ne le fasse point ouvrir : c’est pourquoi on bouchera les joints avec de la terre molle, puis on y coulera du plâtre clair afin de lier tout l’ouvrage.

Si le creux est facile à remuer, vous le roulez pour faire entrer le plâtre par-tout. Si cela n’est pas possible, vous vous servez de la brosse pour gobeter les joints.

On met ordinairement du f.r dans le plâtre que l’on coule ; il se pose sur le plâtre fin, & l’on recouvre le tout avec du gros plâtre.

Le plâtre étant bien pris, vous cassez le creux sur l’ouvrage avec soin & patience.

S’il arrive qu’il se fasse quelques éclats, on les met à part pour les recoller ensuite avec du plâtre fort clair.

Ayant suivi ce procédé à la lettre, vous aurez le modèle en plâtre tel qu’il étoit en terre.

Si on moule de plus petits objets, tels que des ornemens, des fleurs, des bas-reliefs, &c. à creux perdu, même des figures, on emploie une autre manière de faire le creux.

On pose le modèle horizontalement sur une table, ou sur une planche ; on gâche du plâtre fin, dans lequel on a mis, comme on l’a dit ci-dessus, du noir ou du brun-rouge, & on le verse sur le modele, faisant ensorte que le plâtre soit d’une égale épaisseur, de deux ou trois ligees plus ou moins.

On laisse prendre un peu le plâtre, afin de pouvoir y passer une légère couche d’huile ; ensuite on couvre le tout de gros plâtre garni de fantons à proportion de la grandeur du modèle.

Ce moyen est plus facile, mais il demande beaucoup plus de soins pour retirer la terre du creux, de crainte que cette petite couche de plâtre fin ne se lève avec la terre, qui doit être dans ce cas fort molle.

Pour couler le plâtre dans le creux, on emploie le même procédé expliqué ci-dessus : c’est à l’intelligence du mouleur à prévoir les difficultés qui peuvent se rencontrer dans cette opération.

Manière de mouler sur nature.

On entend par mouler sur nature, l’empreinte que l’on fait sur les différentes parties du corps humain vivant, ou mort.

Plusieurs personnes se laissent couvrir le visage de plâtre, croyant avoir par ce moyen leur portrait au naturel. Il est bon de les désabuser. L’empreinte que l’on fait sur la figure est toujours désagréable, les yeux sont fermés, & la bouche est souvent de travers.

Mais s’il s’agissoit d’un homme à qui on voulût élever un monument avec son portrait, & qu’il n’eût point été fait de son vivant, alors il n’y auroit pas d’autre ressource que de lui mouler le visage. Ces traits, tout altérés qu’ils sont, donnent toujours une ressemblance approchée, & guident l’artiste dans son travail.

Quelques auteurs qui n’étoient point artistes, ont donné la manière de mouler une personne vivante en entier. L’on voit le détail de cette opération dans quelques ouvrages, mais on ne conseille pas d’en subir l’épreuve. Le plâtre en se gonflant pourrait étouffer la personne qui auroit cette imprudence, à moins que le mouleur ne fût extrêmement prompt & intelligent.

Cependant les attifles, pour avoir sous les yeux de bons modèles, se trouvent souvent obligés de faire mouler des parties séparées, comme une tête, des bras, des jambes, &c.

Il faut d’abord remarquer généralement qu’on ne moule sur nature qu’à creux perdu, parce qu’il faut que tout soit couvert d’une seule fois.

Si l’on veut avoir plusieurs épreuves, alors on moule à bon creux sur ce premier plâtre.

Pour mouler le visage ( nous choisissons cet exemple comme le plus difficile ) il faut avoir du plâtre très-fin & très-prompt : on commence par graisser les sourcils, les cils & la naissance des cheveux avec de la pommade ou du beurre frais, le reste du visage avec de l’huile d’olive ; ensuite on dispose une ou deux serviettes autour du visage, pour empêcher que le plâtre ne coule dans les cheveux & dans les oreilles.

Tout étant prêt, & la personne étant couchée horizontalement, on gâche le plâtre avec de l’eau qui ne soit ni trop froide ni trop chaude, & on le laisse un peu prendre : alors on en met une égale épaisseur sur tout le visage, en commençant par les bords, & réservant à couvrir en dernier lieu la bouche & le nez.

Pour que la respiration ne soit point gênée, on place dans la bouche & dans les narines un petit tuyau de plume. Si l’on ne veut pas user de cette précaution, il faut au moins faire ensorte que les narines ne soient pas bouchées, en posant le plâtre tout autour avec dextérité & promptitude.

Lorsque le plâtre est bon, c’est l’affaire d’une minute au plus.

On relève promptement la personne, & le masque se détache de lui même.

On lave ensuite le visage avec de l’eau-de-vie, afin de prévenir le mauvais effet de la fraîcheur du plâtre.

Cette opération finie, on fait sécher le creux, afin de pouvoir le durcir avec de l’huile grasse. Il faut que l’huile soit bien chaude & le creux bien sec.

Lorsque le creux est durci, si vous voulez y couler de la cire, il faut prendre garde qu’elle ne soit trop chaude, parce qu’elle s’attacheroit au creux & le feroit écailler ; on connoit le juste dégré de chaleur lorsqu’on peut aisément y tenir le doigt.

A l’égard des autres parties du corps, comme le bras, qui peut se mouler sans courir le moindre risque, on commence par raser les endroits où il y a du poil, excepté le dessous des aisselles, que l’on peut graisser avec de la pommade, & l’on huile tout le bras.

La personne doit être placée commodément près d’une table solide, sur laquelle on a bâti une espèce de caisse de planches minces arrêtées avec de la terre molle.

Cette caisse doit suivre à une certaine distance la forme du bras & de la main qu’on veut mouler : alors on détrempe, s’il se peut, la quantité de plâtre suffisante pour couvrir le tout.

C’est toujours avec de l’eau chaude qu’il faut gâcher le plâtre : lorsqu’il commence à prendre, on la verse dans la caisse, observant de la verser également.

Quand le plâtre est pris, on ôte les petites planches qui composent la caisse, & avec un ébauchoir de buis ou de cuivre bien mince, on fait une entaille des deux côtés du bras sans toucher à la chair.

Lorsque le plâtre est bien pris, on approche un fermoir dont on a ôté le taillant sur un grès ; on fait une petite pesée dans les entailles que l’èbauchoir a faites ; alors le creux éclate en deux ou plusieurs parties, on se sert aussi de petites planches taillées en forme de coin, que l’on place à quelque distance de la chair en suivant les coupes qu’on désire de faire.

Ces planches doivent être bien graissées avec du sain-doux ou du suif, afin que dans l’instant où le plâtre est suffisamment pris, on puisse les retirer.

Le bras étant débarrassé du plâtre, il faut le laver avec de l’eau-de-vie & faire tremper le creux dans l’eau, jusqu’à ce qu’il ne boive plus ; on le laisse ensuite égoutter, & on le frotte avec de l’huile d’olive dans laquelle on a fait fondre du suif.

Si en ouvrant le creux sur le bras, il se détache quelqu’éclat, on le recolle avec un peu de saindoux en faisant l’assemblage des morceaux du creux.

Avant de couler dans ce creux, il faut percer avec une grosse épingle les extrémités des doigts pour donner de l’air, afin que le plâtre ne fasse point de soufflure.

Tout étant ainsi disposé, l’on coule le plâtre, & on le laisse bien prendre avant que de casser le moule.

Cet ouvrage doit être fait avec précaution : on courroit, sans cela, le risque de perdre le creux & le plâtre.

On emploie quelquefois du fil ciré pour faire les coupes du creux : on applique pour cet effet les fils sur la chair avec de la gomme, ou de la cire dans l’endroit où l’on juge que le creux doit s’ouvrir ; mais cette manière ne vaut pas la première, parce qu’il arrive que les fils se dérangent & se cassent toujours, ce qui fait que les joints ne sont pas nets.

Pour mouler les autres parties du corps, il faut faire une semblable opération relativement à l’objet ou à la pose que l’on donne au modèle.

J’ai fait, ajoute M. Fiquet, plusieurs épreuves pour mouler sur nature : voici celle qui m’a réussi le plus ordinairement. Il est très-rare de trouver des gorges bien formées dans les modèles de femmes qui servent aux artistes : c’est pourquoi, lorsqu’il s’en trouve de bien proportionnées, on se hâte de les mouler. ( On ignore assez généralement que la fraîcheur du plâtre affaisse la chair & gâte la gorge. )

Je place le modèle assis sur une chaise, le dos appuyé contre le dossier du siège & les bras croisés sous la gorge. Après avoir huilé la peau, je détrempe le plâtre avec de l’eau chaude ; & lorsqu’il commence à prendre, j’en fais un enduit sur la gorge avec un pinceau à longs poils sans perdre de tems. J’applique sur l’enduit plusieurs brins de filasse de chanvre qui se lie avec le plâtre & empêche la respiration de faire gercer le moule.

On donne à ce moule le moins d’épaisseur, de peur de causer trop de pression sur l’estomac. Si le plâtre est prompt, c’est l’affaire d’un instant.

Lorsqu’on moule sur un cadavre, on suit le même procédé ; mais on ne prend pas les mêmes soins pour la conservation du sujet ; cependant, si c’est le visage que vous voulez mouler, faites ensorte qu’il soit encore chaud, pour que les chairs ne soient pas retirées.

Si l’on veut en retirer une cire colorée, il faut prendre de la cire blanche, dans laquelle on aura mis un pied de vermillon.

La cîre étant fondue & le creux étant durci, on coule cette cire à la volée, c’est-à-dire en la versant à plusieurs reprises dans le creux, afin de lui donner une épaisseur égale par-tout.

Pour que la cire ne se déjette pas, on coule ordinairement un noyau de plâtre par-derrière.

Ces figures de cire que l’on voir par-tout, & qui ne sont, pour l’ordinaire, qu’ébauchées d’un assez mauvais goût, se font à peu-près de cette manière, à l’exception du noyau dont elles manquent toujours.

L’opération finit par la pose des yeux d’émail.

On peut aussi mouler sur nature, des animaux, des fleurs, &c.

Voici une méthode aisée pour mouler les choses les plus délicates, telles, par exemple, qu’une fleur.

On prend un vase un peu plus haut que la fleur, on l’attache simplement au fond avec un morceau de cire à modeler, on remplit le vase d’eau jusqu’à une certaine hauteur, & l’on coule dans ce liquide du plâtre fin sans l’agiter ; il faut que le plâtre surmonte la fleur & la couvre entièrement.

Lorsqu’il est bien dur, on casse le vase pour en retirer le moule d’un seul morceau, on le partage ensuite en deux ou quatre pièces, afin de pouvoir retirer la fleur par morceaux en faisant recuire le creux.

Les feuilles qui restent dedans se sèchent & sont faciles à détacher.

On coule après cela de l’étain rouge, c’est à-dire très-chaud, dans le moule, ayant soin d’y pratiquer des ouvertures pour donner une issue à l’air, afin que tout se remplisse : si le moule est bien net, la fleur se trouve rendue au naturel.

On se servoit autrefois, pour les ornemens des tables, de fruits & de fleurs coulés en cire ; mais la mode en est passée en France, & ne s’est conservée qu’en Italie, où l’on voit des tables servies en fruits de différentes espèces, tous en cires colorées.

Ces moules se font ordinairement en deux coquilles, & l’on ne coule pas la cire dedans qu’ils ne soient bien durcis.

Lorsque les artistes veulent conserver la forme d’une fleur, ils la plongent dans de la cire tiède à y pouvoir tenir le doigt : il se forme alors une petite couche dessus la fleur, qui la conserve, & n’empèche pas d’en apercevoir à peu-près toutes les formes.

On peut aussi mouler sur nature avec de la cire.

Si c’est, par exemple, sur une main, on la plonge à plusieurs reprises dans la cire chaude, & on lui donne par ce moyen telle épaisseur que l’on veut : on recouvre le tout ensuite avec du plâtre pour maintenir la cire, & on ouvre le creux comme celui qui n’est fait qu’en plâtre.

Après avoir coulé dans ce creux, on ôte la cire qui peut servir à d’autres usages.

Manière de couler à bon creux sur la terre molle.

Quand le sculpteur a fini son modèle en terre molle, il le confie au mouleur, dont le travail influe beaucoup sur le mérite du sien ; car le moindre défaut d’attention ou d’intelligence de la part du second, peut ôter tout le prix de l’ouvrage du premier.

Il s’agit de mouler ce modèle à bon creux tandis qu’il est frais, parce qu’en séchant, les parties se retirent & s’amaigrissent.

On appelle bon creux celui duquel on peut retirer plusieurs plâtres, comme celui du petit modèle de la statue équestre de Louis XV, par M. Pigalle. Ce creux a été fait par le sieur Pomel ; on peut le regarder comme un des bons dans ce genre : il en est sorti plus de cent plâtres tous également bien faits.

Supposé qu’on veuille mouler la Vénus de Médicis, dont le modèle soit en terre molle ; on choisit cette figure en particulier, parce qu’elle est connue, soit en grand, soit en petit : on commence d’abord par faire les coupes des bras avec un fil de fer ou de laiton fort mince, & avec un ébauchoir on trace deux lignes appelées repaires sur la coupe, afin de pouvoir rapporter les parties avec précision lorsqu’elles seront moulées.

Le bras séparé du corps, on le pose sur une planche où l’on met en plusieurs endroits des morceaux de terre molle huilée, afin que la terre du bras qui est molle ne s’attache pas à la planche, ni à la terre sur laquelle il doit être placé : on fait ensuite des portées de terre aux endroits où se trouvent terminées les pièces. Elles se font ordinairement en quatres parties, d’une extrémité à l’autre du bras : les petites pièces pour les doigts doivent se renfermer dans les grandes.

Lorsque les creux sont faits, on retire les pièces de dessus la terre, & on les rassemble afin de les lier, pour que le creux ne se tourmente pas.

Le second travail a pour objet le grand creux de la figure, qui doit être en deux assises de niveau.

La première se fait depuis la plinthe jusqu’à la moitié des cuisses ; de là, la seconde s’étend jusqu’aux épaules : on moule, si l’on veut, la tête séparément pour pouvoir remuer le creux avec plus de facilité.

Comme cette figure est nue, les pièces doivent être plus grandes que pour une figure ornée de draperies.

On commence donc les pièces par les fonds, & toujours par le bas de la figure. Il faut marquer avec un petit morceau de terre l’endroit où l’on doit mettre la pointe du couteau ou d’un outil, pour faire quitter la pièce lorsque le plâtre est coulé, évitant, autant que cela est possible, de tailler les pièces à angles trop aigus : la poussée du plâtre les feroit casser, & l’on ne pourroit pas en retirer beaucoup de copies.

La façon de tailler ces pièces est à angles droits, autant que la forme du creux le permet.

On peut retirer la pièce pour la tailler à la main, & c’est la meilleure manière, sur tout pour les petites pièces.

Il faut aussi mettre des annelets dans les pièces des fonds, afin de pouvoir les retirer avec les pinces ; on les attache aux chapes dans certains cas.

Il y a même des creux dans lesquels toutes les pièces font attachées : on peut alors tourner les creux lorsque le plâtre est coulé.

C’est la façon ordinaire des mouleurs Italiens, & de-là vient qu’ils font des figures si minces.

Pour bien raisonner les pièces d’un moule, il faut se les figurer déjà faites sur le modèle à la place qu’elles occuperont dans le moule : sans cette étude préparatoire, une pièce entraîne l’autre.

Si au contraire les pièces ont été bien jugées, elles se tiennent d’elles-mêmes, de façon que lorsque l’on coule le plâtre, rien ne se dérange.

Quand on aura fait plusieurs pièces dans un fond de draperie, on en formera une seule pour recouvrir toutes les autres ; ce qui donnera une très-grande facilité pour imprimer le plâtre dans le creux.

Certains mouleurs n’ayant pas assez d’intelligence pour prévoir les difficultés qui doivent suivre leur opération, croient leur objet rempli lorsque le modèle est couvert entièrement de pièces mises au hasard, & s’embarrassent très-peu de l’endroit où se trouvent les jointes desdites pièces.

Il faut, pour règle générale, que toutes les coutures se trouvent sur la même ligne, & sur les endroits les plus faciles à réparer.

Ce seroit en effet une grande mal-adresse de faire passer la couture dans le milieu d’un œil.

On observera, en faisant les pièces sur le visage d’une figure, de placer la couture précisément sur le milieu du nez, & les autres en suivant.

La couture de la mâchoire inférieure sur les endroits les plus saillans de l’os.

Pour un bras, une jambe, &c. l’on doit suivre de même les endroits les plus élevés.

Rien ne peut dispenser de cette attention dans les figures de ronde-bosse.

Lorsque toute la figure est couverte de pièces jusqu’à la hauteur de la première assise, on fait des hoches ou marques arbitraires pour reconnoître leurs places, en les montant dans la chape, ensuite on huile tout, & on fait les chapes avec du gros plâtre gâché bien également.

Quand il est en état d’être employé, l’on commence à bâtir la chape par les bras, comme si l’on élevoit un mur, en observant que l’épaisseur soit égale par-tout : autrement elle voileroit.

On met pour plus grande solidité une armature de fer formée par des tringles de fantons doux, pliées & contournées suivant la forme du moule.

Lorsque les chapes font faites, il faut les lier fortement avec de bons cordages, & construire l’autre assise avec les mêmes soins.

On peut cependant, dans les figures nues, faire ce qu’on appelle pièces & chapes aux endroits du corps dont la dépouille est aisée ; c’est-à-dire que la pièce doit avoir autant de force & d’épaisseur que si elle étoit recouverte d’une chape dont elle tient lieu.

Lorsqu’on doit conserver le modèle en terre, c’est-à-dire, lorsqu’on veut la faire cuire, il faut défaire les chapes & les pièces avec soin, & pendre garde de ne rien arracher.

Ne veut-on pas attendre que le creux soit durci ? on peut couler un plâtre tout de suite ; mais alors on monte le moule en arrangeant les pièces dans les chapes.

Pour celle de derrière, qui doit recouvrir l’autre, on attache les pièces, de crainte qu’elles ne s’échappent, avec des ficelles passées dans les annelets à travers la chape.

On se sert ordinairement de petits morceaux de bois pour arrêter les ficelles.

Quant aux pièces de la chape du devant, on se contente de les arrêter avec du sain-doux, afin qu’elles ne quittent pas leurs places.

En appliquant le plâtre, chaque pièce doit être jugée de dépouille avant que d’être placée ; mais si l’on aperçoit quelque chose qui y mette obstacle, il faut la couper sans endommager les formes.

Il faut même, pour que le creux foit bien fait, que l’on ne soit point obligé de recourir à cette méthode, qui souvent rend le plâtre très-différent de l’original sur lequel on a fait le moule.

Tout étant ainsi disposé, l’on passe de l’eau de savon claire dans le creux pour en imbiber les pores du plâtre.

On met ensuite une couche d’huile d’œillet, dans laquelle on aura fait fondre un peu de suif, ayant soin de n’y point laisser d’épaisseur, parce qu’elle rendroit le plâtre flou & altéreroit le modèle.

On détrempe du plâtre fort clair pour en imprimer le creux avec une brosse douce à longs poils, afin d’en remplir exactement toutes les concavités, & d’empêcher la formation des vents, défaut très-difficile à éviter lorsque l’on coule dans un creux tout frais.

La première couche de plâtre fin mise également par-tout, on la renforce avec une autre de gros plâtre.

On rassemble les deux chapes l’une sur l’autre en observant de bien nettoyer les coupes, & de remplir les vides des joints au-dedans du creux, afin que le tout ne fasse qu’un seul corps.

Lorsque le plâtre est bien pris, on détache les cordages qui retiennent les chapes & les ficelles qui sont attachées aux pièces ; vous retirez alors les chapes, qu’on pose dans un endroit sec : elles ne doivent pas porter à faux, car elles se voileroient ; on ôte ensuite les pièces de dessus le plâtre, en commençant par celles qui ont été faites les dernières.

A mesure qu’on les retire, on les met sur des planches ou sur des claies pour les faire sécher, afin de pouvoir les durcir, & en retirer dans la suite autant de plâtres qu’on jugera à propos.

Voici la manière de durcir les creux.

On fait sécher toutes les pièces, grandes ou petites au soleil si c’est en été, & en hiver sur un four de boulanger, ou en quelqu’autre endroit de même température, parce qu’autrement on courroit risque de brûler le plâtre.

On fait chauffer de l’huile grasse sans toutefois la laisser bouillir ; & lorsqu’elle est bien chaude, on met les plus petites pièces sur une grille de fil d’archal suspendue avec d’autres fils de fer, comme le bassin d’une balance, pour les faire tremper dans l’huile : à mesure que les pièces en sont imbibées, on les place sur des planches pour les laisser sécher naturellement.

A l’égard des grosses pièces, on les imbibe d’huile avec une brosse sur les faces où se trouve l’empreinte du modèle ; on passe aussi de cette même huile sur les coupes, afin que le plâtre ne s’y attache pas.

Toutes les pièces du creux étant ainsi durcies, on le remonte avec les mêmes soins détaillés ci-dessus, en observant seulement que dans la couche d’huile qui s’applique ordinairement avant de couler les plâtres, il n’est pas nécessaire d’y mettre du suif.

On durcit aussi les creux avec de la cire chaude : il faut pour cela que les pièces soient bien sèches, & d’un degré de chaleur qui cependant ne les brûle pas.

On se sert de cire neuve, à laquelle on mêle les deux tiers de résine, & même sans aucun mélange si l’on veut ; lorsque toutes les pièces sont imbues de cire, on les met de nouveau sécher au feu, à une telle distance que le plâtre ne recuise pas.

Ces creux deviennent très-durs ; mais on observera que la cire laisse plus d’épaisseur que l’huile. Jusqu’ici nous n’avons parlé que d’une figure nue ; lorsqu’elle est drapée, elle est plus difficile à mouler.

Si elle est chargée de fleurs & d’ornemens, on multiplie les coupes pour faciliter l’opération, mais avec soin & intelligence, afin que les parties coupées puissent se rejoindre avec facilité.

Les artistes voient avec peine tailler en morceaux leurs modèles ; ils citent au contraire avec complaisance les creux qui sont faits sans aucune coupe.

Avec du tems & de la patience, on peut mouler des figures entières ; mais il en résulte de grandes difficultés pour les pièces qui sont multipliées à l’infini & deviennent très-petites, ce qui empêche qu’elles ne résistent long-tems dans le creux.

On ne retire alors qu’un plâtre, tandis que l’on en retireroit deux & même trois dans un autre creux dont les coupes & les pièces seroient bien jugées.

On doit encore avoir soin que toutes les petites pièces des fonds soient renfermées dans les grandes : comme il se trouve souvent des noirs qui ne font pas de dépouille, dans ce cas on est obligé de faire des pièces en cire.

Par exemple, dans un fond de draperie où il faudroit mettre une douzaine de petites pièces, on peut en faire une de plâtre : on la moule ensuite pour en avoir le creux, dans lequel on coule de la cire qui prend la forme de la pièce de plâtre ; mais à chaque figure que l’on coule, on est obligé de faire une nouvelle pièce en cire.

La figure étant coulée, ainsi que les parties qui en dépendent, pendant que le plâtre est frais on rustique les coupes, & avec du plâtre gâché très-clair on les attache au corps avec soin & propreté, à l’aide des repaires pratiquées avant la coupe des parties ; c’est ce qu’on appelle remonter une figure.

Pour les grandes figures, on est obligé de mettre du fer dans les bras & les jambes ; on met même dans les doigts qui sont isolés, du fil d’archal que l’on entoure d’un autre fil plus fin, pour que le plâtre s’y attache.

Il faut enduire le fer que l’on emploie dans les figures, de cire chaude ou de poix-résine, cela empêche la rouille de pénétrer le plâtre & de le faire casser.

L’on peut aussi, pour empêcher la rouille, enduire le fer de chaux détrempée : dans les figures où l’on n’a pas pris cette précaution, on voit que le plâtre se lève en éclats.

Lorsque les figures que l’on coule sont petites, on emploie du laiton au lieu de fer.

Si l’on craint qu’une figure soit surmoulée, voici comme il faut s’y prendre pour empêcher cette supercherie, si cependant il est possible.

Comme les ouvriers qui en font les frais sont obligés de couper les parties pour faciliter leur opération en les montant, on creuse assez avant les coupes pour y insérer un paquet de fil d’archal très-fin, dont on fait un rouleau ; après quoi on soude les deux parties avec du plâtre clair ; j’ai même imaginé de placer un goulot de bouteille entouré de fil d’archal.

Il n’est pas possible alors de séparer les parties de la figure sans endommager les coupes : on est forcé de la mouler d’une seule pièce, ce qui prend trop de tems à ceux qui veulent en faire un grand débit.

Lorsque les creux sont assez légers & qu’ils peuvent se remuer facilement, on les coule à la volée ; il faut que ces creux soient durcis, & que toutes les pièces soient attachées : alors on verse une quantité de plâtre clair, qu’on fait pénétrer par-tout en roulant le creux.

Quand il commence à prendre, on le verse dans la jatte où il avoit été gâché, & on le reverse ensuite dans le moule, puis dans la sébile ou jatte : on donne ainsi à la figure telle épaisseur qu’on veut ; c’est ce qu’on appelle couler à la volée. Les figures que les Italiens vendent à si bon marché sont coulées de cette manière : souvent tout leur mérite est dans leur légèreté.

Si l’on veut avoir des plâtres colorés, il faut mettre du rouge en poudre dans l’eau qui est destinée à gâcher le plâtre, observant d’avoir la quantité d’eau suffisante pour couler le corps adhérent à la figure, afin que la teinte du plâtre ne change pas.

Les figures étant sorties du creux, on les laisse sécher afin de les pouvoir réparer, ce qui se fait en enlevant légèrement les coutures sans endommager les formes ; on se sert pour cela d’une ripe douce & de la peau de chien de mer.

S’il se trouve des vent ou soufflures dans les plâtres, on les bouche avec du plâtre noyé qui se fait en le gâchant extrêmement clair ; lorsqu’il commence à prendre, il faut le battre plusieurs fois de suite, il perd alors sa force, & devient parfaitement semblable à celui qui a été coulé.

Couleur de terre cuite, & vernis blanc.

Une figure de plâtre étant ainsi réparée, veut-on la mettre en couleur de terre cuite ? on prendra du blanc de plomb broyé à l’eau, du jaune broyé également, du vermillon en poudre. L’on fait dissoudre ces couleurs séparément dans des vaisseaux propres ; on prend ensuite de la gomme arabique, fondue dans de l’eau tiède, on fait un mélange de ces couleurs avec l’eau de cette gomme. La quantité n’est pas absolument déterminée, elle est plus ou moins considérable à proportion du volume de la figure.

Avant d’employer la couleur, il faut bien la remuer avec le pinceau, & en faire l’essai sur un morceau de plâtre ou blanc d’Espagne : si elle est trop rouge, on y ajoute du blanc ; si elle est trop blanche, on y ajoute du jaune : on observe soigneusement de ne pas faire d’épaisseurs, & de ne pas passer plusieurs fois sur le même endroit.

On vernit aussi les plâtres en leur donnant plusieurs couches de savon blanc, détrempé dans de l’eau claire. Le plâtre doit être bien sec ; & lorsque le savon est bien imbu dans le plâtre, on frotte légèrement la figure avec un linge fin : c’est ce qui donne le poli au plâtre. Cette manière est susceptible de jaunir.

Manière de mettre les figures de plâtre en bronze

Il faut que le plâtre soit entièrement dépouillé d’humidité, afin que le bronze ne pousse pas de verd-de-gris ; on passe ensuite sur la figure une couche d’huile grasse faite suivant la méthode indiquée.

Lorsque cette première couche est sèche, on en met une seconde, dans laquelle on ajoute du noir de sumée[illisible] broyé à l’huile, ou de la terre d’ombre, ou du rouge d’Angleterre.

Cette seconde couche étant sèche, il faut appliquer le mordant ; & lorsqu’il est à son point, qu’il happe le doigt en le posant dessus sans se détacher, on prend un blaireau, avec lequel on couche le bronze en poudre pour faire plus d’illusion : il faut mettre sur les parties saillantes de la figure le bronze d’une teinte plus claire ; l’on peut aussi mêler le bronze dans le vernis qui sert alors de mordant.

On bronze de même les figures au vernis, en y mettant trois couches : la première imbibe la figure & bouche les pores du plâtre ; on met dans la seconde un peu de noir de sumée, & la troisiéme doit être uniquement de vernis gras à l’huile ; lorsqu’il commence à sécher, on pose le bronze avec une brosse douce, comme on l’a dit plus haut.

Une figure ainsi bronzée & faite avec goût, trompe l’œil & imite la nature.

Pour conserver une figure en blanc, on l’enferme dans une caisse de verre, ou on la recouvre d’une gaze blanche. Ces précautions empêchent les taches que les mouches font ordinairement sur les figures de plâtre.

On a trouvé depuis quelque tems une autre manière de bronzer dans le genre antique ; il faut encoller le platre avec une eau de colle de Flandre, ensuite on fait la teinte verte au point désiré, & l’on détrempe le bronze avec cette eau ainsi que la couleur.

Après en avoir mis partout également, on prend un peu de bronze que l’on met sur les parties saillantes.

Lorsque la couleur est sèche, on passe une dent de loup sur les saillies, & un morceau de buffle sur toute la figure.

Manière d’estamper dans les creux.

Lorsqu’on est obligé d’estamper dans les creux (on dit communément pousser la terre dans le creux) avec de la terre molle, on commence par attacher solidement toutes les pièces aux chapes, & après avoir huilé le creux, on prend de la terre un peu ferme, qu’on pousse dans le moule en commençant par les fonds, ayant soin que les pièces ne se dérangent pas.

Si on ne remplit pas entièrement le creux de terre, il faut couler dedans un noyau de plâtre, afin que la terre ne se déjette pas, & que le modèle prenne de la consistance.

La terre étant bien imprimée, on retire les pièces avec toute l’attention possible, afin de ne pas arracher la terre avec les pièces.

L’huile laisse ordinairement sur la terre un œil gras, qu’on peut faire passer en soufflant du vinaigre dessus.

Les sculpteurs, dont le commerce consiste en figures de terre cuite, estampent ainsi les vases de jardins & autres figures & ornemens, dans des moules faits pour cet usage, ainsi que ceux qui font des poêles de faïence ; ce sont des creux plats sans pièces, dans lesquels ils poussent la terre en frappant : ils la laissent ensuite bien sécher avant de la mettre au four.

Manière de mouler sur la terre cuite, sur la terre sèche sans être cuite, sur le plâtre & sur le marbre.

La terre cuite se moule de même que la terre molle ; on remarquera seulement que la terre cuite est cassante, & que le plâtre en se gonflant se resserre & donne beaucoup de peine pour le dégager.

Pour prévenir ces inconvéniens, il faut se servir de mastic & de plâtre cuit au four.

On fait des coupes sur la terre suite, sur celle qui ne l’est pas : l’on se sert pour cela d’une scie d’horloger la plus mince & la meilleure, Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T05.djvu/269 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T05.djvu/270 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T05.djvu/271 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T05.djvu/272 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T05.djvu/273 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T05.djvu/274 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T05.djvu/275 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T05.djvu/276 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T05.djvu/277 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T05.djvu/278 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T05.djvu/279 y trace des filets d’or ou d’argent, avec des feuilles appliquées & retenues par un mordant.

Si l’on veut donner des couleurs au plâtre, voici différens procédés.

Pour le jaune d’or.

Il faut prendre des racines d’épine-vinette, que vous ferez bien bouillir dans de l’eau : mettez dans cette décoction un peu de saffran, que vous y ferez bouillir : filtrez le tout au travers d’un linge, & pétrissez votre gypse avec ce mélange : it sera d’un beau jaune d’or.

Couleur verte.

On prendra de la morelle ; faites la bouillir dans moitié eau & moitié vinaigre : servez-vous de cette décoction pour colorer votre gypse.

Couleur bleue.

Il faut avoir des baies d’hyèble : faites-les bouillir dans de l’eau, après y avoir joint de l’alun ; humectez votre plâtre avec cette composition ; il sera d’un beau bleu.

Couleur rouge.

Vous prendrez du bois de fernambouc ; faites-le bien bouillir dans de l’eau claire pour en extraire la teinture ; mêlez y un peu d’alun, & colorez-en votre plâtre, comme on l’a dit ci-dessus.

Couleur brune.

Vous aurez du bois de Brésil ; mettez le dans une lessive assez forte, faites bien bouillir, & procédez comme il a été dit ci-dessus.

Couleur noire.

Faites usage des écorces du bois d’aune encore vertes ; faites-les bouillir dans de l’eau claire avec de l’alun jusqu’à réduction de la moitié : procédez comme pour les couleurs précédentes.

Quand vous voudrez colorer du plâtre, quelque couleur que vous y portiez, il faudra toujours que l’eau dans laquelle vous mettrez la couleur, soit une eau de colle : par ce moyen, non-seulement le plâtre se colore, mais encore il se durcit. Si on se sert de colle de poisson, cela n’en vaudra que mieux.

VOCABULAIRE de l’art du Moulage.

Alun ; sel cristallisé, composé d’acide vitriolique uni à une terre aigileuse.

Annelets ; ce sont de petites agraffes de fil d’archal recuit, que l’on met dans les pièces afin de les pouvoir retirer avec des pinces, ou pour les lier aux chapes avec des ficelles que l’on passe à travers leur forme. Ils sont à-peu-près semblables à une porte d’agraffe.

Argile ; espèce de terre qui est compacte.

Armatures ; c’est le fer que l’on met dans les chapes & dans les figures coulées en plâtre ou plomb ; la grosseur & la forme sont arbitraires relativement à l’objet que l’on moule : on se sert de fantons pour faire les armatures.

Attaches ; lorsqu’on coule des bas-reliefs ou autres pièces qui doivent se suspendre contre un mur, il faut y mettre une attache, soit de fil d’archal ou de cadre.

Blaireau ; on nomme blaireau une brosse à longs poils, qui sert à imprimer la cire ou le plâtre. On l’appelle blaireau, parce que c’est avec le poil de cet animal qu’on fait cette espèce de pinceau.

Bon creux ; on appelle bon creux celui qui est fait de façon à pouvoir y couler plusieurs plâtres.

Brosses ; on donne le nom de brosse à des pinceaux faits avec du poil de sanglier : elles servent à huiler les creux, à imprimer les pièces, à nettoyer les moules lorsqu’ils sont remplis de poussière.

Caler ; lorsqu’un creux est posé horizontalement & qu’il porte à faux, il est à propos de le caler, pour qu’il ne se tourmente pas.

Cartonner ; c’est couvrir la surface d’un moule de papier ou de pâte faite avec des rognures de papier : tous les ouvrages de ce genre se nomment cartonnages.

Chapes ; c’est l’enveloppe extérieure d’un moule, dans laquelle on rassemble les pièces qui composent le creux.

Chassis ; c’est un assemblage de charpente qui forme la base du moule d’une statue équestre ou autre creux de cette nature : ce même chassis s’appelle aussi plate-forme.

Coquilles ; lorsque les moules sont en deux parties égales, on dit que le creux est fait en deux coquilles. Si l’on moule, par exemple, une pomme ou une boite en deux parties, il faut observer que le joint soit bien au milieu, sans cela il se trouveroit une partie qui ne seroit pas de dépouille.

Coulage ; lorsqu’on jette du plâtre dans un creux, on dit communément couler des figures : on coule aussi à la volée du plâtre ou de la cire, lorsqu’on les verse dans les creux à plusieurs reprises.

Couler à la volée ; c’est verser sur une figure une quantité de plâtre clair qu’on fait pénétrer partout en roulant le creux. Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T05.djvu/281 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T05.djvu/282 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T05.djvu/283 Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T05.djvu/284