Encyclopédie méthodique/Artillerie/Introduction

Panckoucke (p. v-vii).
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INTRODUCTION.

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L'artillerie est une des parties de l’Art militaire qui exige le plus de talens et de connoissances, car elle a des relations avec presque toutes les sciences, tous les arts et tous les métiers. En effet, l’artilleur a recours aux mathématiques, à la physique, à la chimie, aux arts graphiques, à l’art militaire, etc. ; soit pour diriger les travaux des poudreries, des fonderies, des forges, des manufactures d’armes et des arsenaux de construction ; soit pour détruire les remparts d’une ville, ou pour ruiner les attaques de l’ennemi devant une place ; soit pour faire manœuvrer les bouches à feu qui jouent un rôle si important dans les armées modernes ; soit pour jeter les ponts nécessaires au passage des fleuves, etc. Ainsi on trouvera dans ce Dictionnaire des termes communs à diverses sciences, à divers arts et métiers ; mais ils n’y sont présentés que sous le rapport des travaux de l’artillerie : par exemple, en parlant des métaux employés pour la fabrication des armes, des projectiles, des voitures et des attirails de ce service, on a laissé aux ouvrages de minéralogie à expliquer les moyens de les extraire des entrailles de la terre, de les combiner, de les travailler et d'en rectifier les usages généraux.

J’ai tâché de faire connaître, dans les articles importans, le point de départ de cette science, le chemin qu’elle a parcouru et l’état où elle est maintenant en France.

J’ai consigné aux articles qui en étoient susceptibles, les découvertes qui se sont succédées si rapidement dans ces derniers temps, et qui sont relatives à l’artillerie ; telles que la fabrication de la poudre ronde, la manipulation des poudres fulminantes, l’usage des armes à percussion, etc. Ceux qui viendront après nous, ajouteront leurs connais- sances aux nôtres, rectifieront nos erreurs et légueront à leurs successeurs des matériaux pour faire un meilleur ouvrage : telle est la marche des connaissances humaines.

J’ai puisé dans im grand nombre de sources que j’ai indiquées à fur et à mesure que l’occasion s’en est présentée. Je me contenterai de dire ici que les autres Dictionnaires de l’ Encyclopédie méthodique m’ont été fort utiles, la plupart des arts et des sciences étant liés et dépendant en quelque sorte les uns des autres. L’Aide-mémoire à l’usage des officiers d’artillerie m’a été aussi fort utile en raison des nombreux détails qu’il contient. Les articles concernant les armes portatives, anciennes et modernes, de guerre et de luxe, sont tirés d’un grand ouvrage que je me propose de publier incessamment, mon Mémoire sur la fabrication des armes portatives, imprimé en 1806, étant épuisé. Je n’ai rien donné sur la fortification et les mines ; ces connoissances, d’ailleurs si nécessaires aux officiers du corps royal de l’artillerie, sont particulièrement du domaine du génie militaire. On peut consulter pour ces articles le Dictionnaire de l’Art militaire de l’ Encyclopédie méthodique.

La description des objets qui composent le matériel de l’artillerie, est généralement sèche, aride et minutieuse. La langue des diverses branches de ce matériel est, comme celle de tous les arts mécaniques, très-imparfaite, principalement à cause de la disette des mots propres et de l’abondance des synonymes et des homonymes : il y a des pièces et des outils qui ont plusieurs noms différens, tandis que d’autres n’ont au contraire que le nom générique, sans aucune addition qui les spécifie ; enfin il y en a qui sont désignés par ceux de pièces et d’outijs avec lesquels ils n’ont aucune analogie. J’ai parlé d’une manière succincte dps choses qui ne sont plus en usage, et de celles qui sont de peu d’utilité, afin de traiter plus en détail les articles importans et qui constituent l’artillerie moderne. J’ai employé à la fois les dénominations nouvelles du système métrique et celles des anciennes mesures, parce qu’il est des objets que les artilleurs désignent encore par l’ancien système ; par exemple y on dira encore long-temps un obusier de 6 pouces, au lieu d’un obusier de 0 met. 1624 ; une pièce de 12, au lieu d’une pièce de 5 kilog. 8740.

M. de Pommereul, artilleur d’une grande réputation, avoit entrepris en 1784 de traiter l’artillerie pour l' Encyclopédie méthodique ; mais les événemens ont obligé ce général à abandonner un travail qui, malgré les changemens survenus depuis cette époque, seroit encore aujourd’hui d’un grand intérêt pour le corps.

J’ai essayé de traiter cette partie de l' Encyclopédie méthodique : chargé successivement, à diverses époques, de la direction générale des manufactures royales d’armes, de celle des forges de l’artillerie, des fonctions de commissaire du Gouvernement près l’administration des poudres et salpêtres, de l’examen militaire des élèves d’artillerie à l’École d’application, nommé membre de différens comités d’artillerie, du conseil de perfectionnement de l’École polytechnique, etc., j’aî pris sur tous ces services des notions qui, indépendamment des connoissances pratiques que tout artilleur acquiert à la guerre, sont les élémens de ce Dictionnaire.

Je me suis borné à ne donner, autant que le comporte la nature de cet ouvrage, que des choses de principes, ou fondées sur l’expérience. Heureux si j’ai rempli la tâche que je m’étois imposée, et si mon travail est digne de figurer dans le plus beau et le plus grand monument que les hommes aient élevé aux sciences !


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