Encyclopédie méthodique/Artillerie/Acier

Panckoucke (p. 1).
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A

ACIER. L’artillerie, qui n’employoit dans ses nombreux travaux que de l’acier provenant d’Allemagne & d’Angleterre, ne fait plus usage maintenant que d’acier indigène : l’industrie française ayant créé de belles aciéries en divers lieux du royaume.

On sait que l’acier est du fer affiné & combiné avec du carbone ; qu’il diffère de la fonte par l’absence de l’oxigène, & du fer par la présence du carbone : ainsi l’on peut tirer l’acier de la fonte ou du fer, en privant la première de son oxigèné, en introduisant du carbone dans le second.

On distingue trois espèces d’acier : l’acier naturel, l’acier de cémentation & l’acier fondu.

On obtient l’acier naturel immédiatement de la fonte grise par sa fusion dans des foyers brasqués. C’est le produit des mines spathiques & de quelques mines hématiques, que par cette raison on appelle mines d’acier. La fabrication de l’acier naturel ne diffère de celle du fer forgé qu’en ce qu’on ne détruit de carbone, dans la gueuse qu’on affine, que ce qu’il faut pour qu’il reste acier. L’acier naturel se nomme acier de fusion, de forge ou d’Allemagne, d’où il étoit principalement apporté autrefois.

L’acier de cémentation est celui qu’on obtient avec du fer épuré, bien corroyé & cémenté avec de la poussière de charbon de bois. Pour cette opération on place les fers qu’on veut convertir en acier dans une caisse de ce métal ; on les met par lits en les recouvrant & les entourant de charbon, & on recouvre le tout d’une couche de sable humecté & bien battu pour empêcher le charbon de brûler. On expose cette caisse au feu d’un four à réverbère, aussi long-temps que l’exigent les échantillons de fer qu’on veut convertir en acier. Ces échantillons retirés du cément s’appellent acier poule ; leur surface est boursoufflée & la fracture est lamelleuse. On les chauffe & on les forge de nouveau pour les convertir en acier propre à être employé. Cette espèce d’acier soude avec lui-même & entre deux fers ; elle est propre à faire des outils tranchans, mais elle n’a pas assez de corps pour être employée à faire des ressorts de platines ni des lames de sabres.

L’acier fondu est le produit de la fonte de l’acier naturel, de l’acier de cémentation, & même du fer affiné, avec un flux ; il se coule dans des moules carrés ou octogones en fer forgé ou coulé. On étend cet acier au marteau comme on le fait pour l’acier de cémentation ; mais on le chauffe moins & avec plus de précaution, parce qu’on risqueroit de le briser. La cassure de cet acier coulé ressemble beaucoup à celle de l’acier poule ; il se trouve à sa surface de petites cavités qui paroissent dues au retrait de la matière. Plus il est étiré sous un mince échantillon, plus il devient doux & facile à travailler. C’est d’après cette observation que l’on fait de la tôle d’acier fondu.

On fabrique maintenant en France de l’acier fondu qui se foude bien, est très-flexible & assez facile à travailler. Cet acier est homogène dans toutes ses parties, exempt d’impureté, d’un grain très-fin, susceptible du plus beau poli.

Acier ferreux. C’est celui qui conserve des veines de fer. Quoique le fer & l’acier doivent être distingués par des qualités bien tranchantes, il y a cependant un point de contact où ils se confondent : en effet, l’acier le plus tendre peut être regardé comme un fer très-dur, & le fer dur qui contient une forte dose de carbone se rapproche des propriétés de l’acier. De-là vient qu’on obtient quelquefois de la même fonte des espèces de fer qui sont très-différentes : il suffit pour cela de changer l’inclinaison de la tuyère.