Encyclopédie des gens du monde/Tome 1






ENCYCLOPÉDIE


DES


GENS DU MONDE.






*


IMPRIMÉ
PAR LA PRESSE MÉCANIQUE DE E. DUVERGER,
RUE DE VERNEUIL, N° 4


*
ENCYCLOPÉDIE

DES

GENS DU MONDE,


DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES ARTS ;

AVEC DES NOTICES

SUR LES PRINCIPALES FAMILLES HISTORIQUES,
ET SUR LES PERSONNAGES CÉLÈBRES, MORTS ET VIVANS ;

PAR UNE SOCIÉTÉ

DE SAVANS, DE LITTERATEURS ET D’ARTISTES, FRANÇAIS ET ÉTRANGERS.

______

TOME PREMIER.
PARIS.

LIBRAIRIE DE TREUTTEL ET WÜRTZ, RUE DE LILLE, N° 17,

DE LILLE, N° 17,
STRASBOURG, GRAND’RUE, N° 15. – LONDRES, 30, SOHO-SQUARE.
______
1833

DISCOURS PRÉLIMINAIRE.


_____________


LEs Encyclopédies se multiplient de plus en plus dans tous les idiomes. Leur utilité est universellement reconnue, et les besoins de l'époque les réclament. Après de longues agitations politiques, après les essais les plus multipliés, les expériences souvent les plus hardies, nous cherchons à transformer en un système plus ou moins complet de notions positives et de vérités applicables les laborieux résultats des épreuves par lesquelles nous avons passé ; pressé de jouir des améliorations qu'appellent l'état actuel de la société et la raison publique, chacun se montre disposé à étendre ses connaissances, à refaire même son éducation, pour prendre une part quelconque à la révision des jugemens portés jusqu'à ce jour sur toutes les matières. Impatient que l'on est de s'élancer dans l'avenir, on demande pour point de départ un résumé général des connaissances humaines, espèce de panorama intellectuel où d'un coup d'oeil on puisse connattre l'œuvre des siècles écoulés.

Un écrivain supérieur, l'homme d'état que les intérêts littéraires et scientifiques se glorifient d'avoir aujourd'hui pour gardien, et auquel l'instruction publique doit les services les plus signalés, s'est exprimé à cet égard dans les termes suivans :

« Il manque à notre état social quelque chose dont l'absence se fait partout sentir, que tout le monde cherche, souvent même sans le savoir : c'est un état intellectuel qui lui corresponde et le complète. Les révolutions ne changent pas le monde intérieur et moral aussi promptement que le monde extérieur et matériel. On s'enrichit plus vite qu'on ne s'éclaire ; on monte sans grandir à proportion. Il y a maintenant un nombre immense de citoyens honnêtes, influens, importans par leur fortune, leur activité, leur clientelle, el dont l'instruction n'est pas au niveau de leur situation ; qui n'ont pas les lumières de leur influence ; ni les principes de leur conduite, ni les croyances de leurs sentimens ; la civilisation intellectuelle, en un mot, est moins avancée que la civilisation sociale. C’est donc de la civilisation intellectuelle qu’il faut seconder les progrès ; il faut se hâter de répandre des connaissances, des principes qui rétablissent entre les pensées et les situations, les esprits et les existences, cet équilibre, cette harmonie qui fait l’éclat et assure le repos de la société. C’est là le premier et le plus noble besoin de notre époque. Il y a un étrange aveuglement à lui en contester la satisfaction. »

Réflexions pleines de vérité et d’élévation, et qui caractérisent l’homme auquel l’avenir de la France se trouve confié au moyen de l’éducation publique ! Et afin de déterminer d’une manière plus expresse l’utilité des Encyclopédies, il ajoute dans un autre endroit :

« Les Encyclopédies, plaçant une foule d’idées et de faits à la portée d’une foule d’hommes qui n’y songeaient point, qui sans cela peut-être n’en auraient jamais entendu parler, font pénétrer partout et arriver pour ainsi dire de toutes parts cette provocation dont notre intelligence a besoin. Les ouvrages spéciaux ne parviennent qu’aux hommes qui les demandent et ont formé d’avance le dessein de s’en servir. Par la voie des Encyclopédies les connaissances de tout genre vont au-devant de tous les lecteurs : les regards de celui qui s’occupe d’histoire y tomberont sur un article de philosophie : y cherchez-vous le sens de quelque terme ? l’explication pratique d’un art appellera votre attention. C’est comme un vaste bazar intellectuel où les résultats de tous les travaux de l’esprit humain s’offrent en commun à quiconque s’y arrête un moment, et sollicitent à l’envi sa curiosité. »

Les avantages qui résultent de ce spectacle de la science dans ses diverses parties sont immenses ; car dans le domaine de l’intelligence rien n’est isolé, tout se tient, et un coup d’œil jeté par hasard sur une branche nouvelle ne manque pas de répandre une vive clarté sur celle dont on s’était occupé auparavant. Plus on apprend, mieux on sait ce qu’on avait appris. Peu à peu les choses nous apparaissent dans leur étroite liaison, dans cet enchaînement qui les met en lumière et leur donne de l’intérêt : l’horizon individuel s’étend ; les préjugés et les chances d’erreur s’affaiblissent.

On peut le dire, les connaissances ne sont véritablement utiles et ne nous appartiennent en propre qu’à la condition qu’elles soient encyclopédiques, c’est-à-dire enchaînées, vues dans leur ensemble, s'expliquant les unes par les autres. C'est d'ailleurs ainsi qu'elles se produisent à l'entour de nous, dans les relations sociales, dans la vie de tous les jours. Les sciences, les lettres, les arts, dans toute leur variété y sont à peu près également représentés : chacun, suivant ses préoccupations, aborde un sujet particulier, et tour à tour les matières les plus diverses alimentent la conversation, sans que la transition soit brusque ou l'association des idées forcée. Confinée jadis dans les écoles ou dans les obscurs cabinets des érudits, la science maintenant envahit le monde, et sans des connaissances très étendues on se trouve généralement déplacé, dépaysé, et par suite effacé, humilié, dans nos sociétés, où les intérêts de l'esprit occupent aujourd'hui la place que dans d'autres temps on accordait aux intérêts matériels ou à des occupations frivoles. Chimie, physique, religion, morale, politique, histoire, littérature et théâtre, toutes les questions s'agitent journellement dans les réunions d'hommes de toutes les classes ; et l'artiste, le savant ou le philosophe, y trouvent des juges non moins que le guerrier, le ministre ou le prince. La langue usuelle s'enrichit forcément à mesure que le cercle des idées communes s'agrandit, et une foule de locutions qui, il y a cent ans, appartenaient exclusivement au vocabulaire technique, sont entrées aujourd'hui dans le domaine public et apparaissent, sans pédantisme, dans le langage le plus familier.

Ainsi les barrières tombent , et le monopole est abrogé ; ainsi se répandent dans la foule les connaissances et les talens pour lesquels on admirait autrefois les adeptes des sciences et des arts, et qui trop souvent gonflaient d'orgueil ceux qui les possédaient.

C'est donc comme une œuvre de sociabilité et de civilisation bien plus que comme un instrument de la science que les Encyclopédies veulent être envisagées. A la science elles n'offrent qu'un point de départ, et pour ainsi dire un terrain sur lequel elle appuie ses opérations, joint à un moyen commode d'échapper à l'isolement, en ce que par elles la branche spéciale se rattache à l'arbre scientifique tout entier. Mais quant à la civilisation, elles en hâtent réellement les progrès, tout en paraissant ne s'occuper que d'en enregistrer les produits. C'est à elles, en effet, qu'il appartient de faire pénétrer dans les masses la vie intellectuelle ; elles livrent à la foule, en les appropriant à son usage, les trésors qui eussent été uniquement destinés à satisfaire la curiosité des érudits.

Ainsi, ce n’est pas précisément aux savans, c’est avant tout aux gens du monde, c’est-à-dire à tous ceux chez qui le besoin d’une instruction supérieure est éveillée, que les Encyclopédies s’adressent. Les premiers y recourent avant d’être savans, ou pour les branches dans lesquelles ils ne le sont pas : pour les autres classes, elles sont le livre de tous les jours ; nous dirions presque le livre par excellence si cette qualification n’était consacrée par le respect des hommes pour désigner le précieux dépôt des vérités religieuses.

L’objet des Encyclopédies ainsi défini, on sent que la première condition à remplir par cette sorte d’ouvrages, c’est d’être dégagés de tout appareil d’érudition pure, même en embrassant la science dans toute son étendue ; d’être clairs mais concis, simples et néanmoins composés avec art, le plus courts possible, mais complets malgré cette brièveté. On comprend aussi que nos grandes Encyclopédies, monumens dont à Dieu ne plaise que nous contestions le mérite, mais ouvrages systématiques et très volumineux, n’atteindraient pas le but indiqué, quand même ils n’auraient pas vieilli sous tant de rapports.

Le champ était donc ouvert ; le prix restait au concours : il nous était permis d’entrer en lice, et d’aspirer aux honneurs du combat. Nous ne nous dissimulions pas combien la tâche était grande, laborieuse, peut-être au-dessus de nos forces ; mais la voyant si élevée, si noble, si éminemment utile, nous nous sommes dévoués à son accomplissement, sûrs de l’appui d’un grand nombre d’hommes qui sont l’honneur des lettres et les oracles de la science, et nous flattant de trouver dans les suffrages du public que nous voulions servir les encouragemens dont nous aurions besoin dans une carrière longue et si épineuse.

Dans le même traité sur le mot Encyclopédie et sur ses divers genres, dont nous avons déjà cité quelques passages, M. Guizot, suppose la nécessité de deux Encyclopédies différentes liées entre elles, l’une élémentaire, l’autre savante ; « afin, dit-il, qu’à côté des sources d’une instruction moyenne, coulent parallèlement les sources d’une science plus profonde, toujours voisines bien que séparées, toujours accessibles à quiconque y voudra puiser. »

« Quant à L' Encyclopédie élémentaire, continue-t-il, il est clair que toute apparence de prétention scientifique ou littéraire en doit être bannie. Ce n'est point à fournir une lecture suivie, ni à donner sur tel ou tel genre de faits ou d'idées plutôt que sur tel autre des moyens d'instruction, qu'un tel ouvrage est destiné. Il s'adresse à un public dont la vie est pleine et occupée, qui n'a que peu de loisirs à consacrer à l'étude, qui même, à proprement parler, n'étudie rien en particulier, mais qui, ne voulant pas rester dans l'ignorance, désire un livre où il trouve promptement, sur tous les objets qui se peuvent présenter dans le cours de la conversation ou de la vie, des renseignemens, des notions suffisantes pour dissiper en quelque sorte devant lui le gros des ténèbres et satisfaire sa curiosité. Le public ne demande ni qu'on expose et débatte longuement sous ses yeux les opinions diverses, ni qu'on mette sa pensée en mouvement par des idées neuves et hardies, ni qu'on lui procure le plaisir trompeur de se croire savant sans travail ; il veut une réponse positive aux questions peu ambitieuses, peu compliquées, mais innombrables, qu'il peut avoir à faire sur l'histoire, la géographie, les sciences morales, exactes, naturelles, médicales, les arts, les métiers, etc. Dans une telle Encyclopédie, aucun article ne peut donc prétendre à se faire spécialement remarquer ; aucune science ne doit se promettre, se proposer même d'exciter un intérêt particulier ; mais en revanche toutes les sciences y doivent prendre place, et des explications s'y doivent rencontrer sur un aussi grand nombre de mots qu'elle en pourra contenir en demeurant accessible à un grand nombre de lecteurs. On ne lui adressera point de questions savantes, mais on peut l'interroger sur toutes choses ; et il faut qu'elle soit toujours prête à répondre ; qu'elle offre, pour ainsi dire, le résumé populaire de tous les dictionnaires spéciaux dont les connaissances humaines ont été l'objet. Moins dans chaque article elle prétend à la science, plus elle doit aspirer dans son ensemble à l'universalité .... Sur les graves questions, il lui convient d'en référer chaque fois à l' Encyclopédie savante qui lui correspond. »

« Celle-ci sera un ouvrage non-seulement de dimensions fort différentes, mais d'une autre nature ; ce n'est plus un besoin d'instruction générale et moyenne, ce sont des besoins de connaissances spéciales et plus précises qu'il s'agit de satisfaire. On cherche dans une Encyclopédie élémentaire des renseignemens, des explications sur ce qu'on ignore ; on attend d'une Encyclopédie savante qu'elle traite avec exactitude et détail des questions dont on s'est déjà occupé. Le principal mérite de la première est l'universalité ; chaque article pris à part a nécessairement peu de valeur : dans la seconde ce n'est pas de l'ensemble de l'ouvrage, mais du mérite de chaque article en particulier qu'il faut s'inquiéter ; elle ne prétend point à traiter de toutes choses, car elle méconnaîtrait les limites de sa puissance, et retomberait dans les vices dont les premières Encyclopédies sont entachées ; mais elle s'engage à donner sur les matières dont elle s'occupe des notions exactes et assez étendues. »

Pour bien faire ressortir en quoi notre plan diffère de celui qui vient d'être retracé, nous nous permettrons d'opposer quelques doutes aux réflexions sur lesquelles il s'appuie.

Nous ne voyons pas d'abord en quoi les traités spéciaux composant l' Encyclopédie savante différeraient des bons livres en général, de ceux qui, sans verbiage et sans inutilité, font connaître l'état actuel d'une question relative aux connaissances humaines. Trop étendus pour les loisirs des hommes du monde , ils ne satisferaient pas complètement le savant avide d'instruction spéciale, et ne se trouveraient à la hauteur de la science qui en fornie l'objet qu'au moment même de leur publication.

Quant au résumé populaire des connaissances humaines, nous craignons qu'en le réduisant presque aux proportions d'un vocabulaire on ne lui ôte un puissant attrait, celui que l'on trouverait à se reposer à la lecture d'un morceau développé et particulièrement intéressant pour l'homme du monde, de la fatigue qu'il a ressentie en courant d'un article aride à l'autre, en feuilletant l'ouvrage suivant les besoins du moment. Nous avons pensé que ce ne sont pas les élémens de l'instruction que cherche celui qui recourt à un ouvrage de cette nature, et nous avons eu en vue un public plus nombreux, moins ignorant et ayant un peu plus de loisir. C'est aux gens du monde, et non pas à ce qu'on nomme le peuple, que nous nous adressons. Si une Encyclopédie savante va au-delà des besoins des premiers, un résumé populaire reste au-dessous ; et il nous a paru qu'il était possible de les satisfaire sans rendre notre ouvrage inabordable à ceux dont les besoins sont plus limités.

L' Encyclopédie des Gens du monde se placera donc au milieu des deux genres indiqués : ni élémentaire ni savante, elle sera intelligible pour tous, et dispensera l'instruction dans la mesure dans laquelle elle lui sera demandée. Son but est si bien d'être complète que la nomenclature déjà composée qui lui sert de base est la plus riche qu'on ait jusque là reçue dans cette sorte d'ouvrages, et qu'elle est au moins quintuple de celle d'une Encyclopédie qui vient d'être achevée et dont nous nous plaisons à reconnaître les qualités re commandables. En acceptant presque dans leur plénitude les conditions exigées par M. Guizot pour son Encyclopédie élémentaire, nous croyons pouvoir aller au-delà sans inconvénient et nous charger encore, par exemple, du rôle d'historiens des idées humaines, lequel, dit-il, « n'est point admissible dans une Encyclopédie élémentaire, car il donnerait aux articles beaucoup trop d'étendue. »

Pour nous la méthode historique sera un moyen d'entretenir l'unité dans un ouvrage immense auquel concourent nécessairement un très grand nombre d'écrivains aux opinions desquels nous ne pourrions nous ne voudrions pas toujours substituer celles qui nous dirigent nous-mêmes et d'après lesquelles nous avons conçu cette entreprise. Par elle nous éviterons deux écueils l'hésitation et l'inconstance dans les vues d'un côté, et de l'autre le dogmatisme ou des opinions exclusives. Notre tâche à nous c'est d'exposer les questions plutôt que de les trancher ; nous rapporterons les idées produites à différentes époques plutôt que nous n'établirons les nôtres nous constaterons ce qui aura été fait et écrit, sans décider ce qu'il faudrait écrire et faire encore, et sans condamner le passé d'après des idées qui n'appartiendraient qu'au temps où nous vivons. Les hypothèses nous sont interdites ; nous nous mettrons en garde contre les idées que l'on appelle neuves et dont le principal mérite est d'être hardies ; car nous prenons la science et la vie comme elles sont, et nous avons aussi peu pour objet de réformer celle-ci que d'avancer celle-là autrement qu'en la propageant.

L'histoire sera donc notre unité fondamentale l'histoire appliquée à toutes les branches du savoir étudiée avec conscience et jugée sans passion mais non sans critique. C'est elle qui nous élèvera au-dessus des préjugés et de l'esprit de coterie c'est par ses enseignemens puisés aux meilleures sources que nous nous garantirons de ces préoccupations de temps et de lieux qui empêchent de comprendre des situations diverses et de respecter des tendances opposées.

Car notre ouvrage, bien que calculé essentiellement sur les soins de la France, doit avoir une portée beaucoup plus vaste. A nos yeux, nous ne le cacherons pas, son but est européen presque autant que français c'est assez dire qu'il nous interdit de jamais prêter l'oreille aux préventions et aux rivalités nationales, et qu'il nous impose le devoir de nous dépouiller de ce qui serait exclusivement français, à plus forte raison de ce qui serait individuel, dans notre manière de juger les relations des hommes et des choses. La langue française ayant ce grand avantage d'être dans tous les pays celle des hommes bien élevés, et de former ainsi entre les nations un lien également précieux pour la science et pour la sociabilité, nous avons pensé que c'était dans cette langue surtout qu'il importait que fût écrit un ouvrage destiné à offrir à tous les peuples le moyen de se placer dès l'abord au degré de civilisation et de culture dont notre Encyclopédie doit être l'expression, à celui où la société française nous paraît arrivée.

Mesure et tolérance, telle sera notre première loi, et nous répétons que la méthode historique nous aidera efficacement à nous y conformer. La seconde c'est d'être complets, autant du moins qu'on peut l'être dans un cadre nécessairement borné, et dans lequel viennent se ranger des matières divisées à l'infini ; la troisième enfin c'est d'enchaîner méthodiquement et de rassembler en un faisceau plus de vingt mille articles épars[1], de faire sortir de cet amas immense de richesses fragmentaires une œuvre philosophique, et de réduire en système les données fortuites de l'alphabet.

Notre titre d’Encyclopédie nous prescrivait déjà cet enchaînement, et nous y avons pourvu en coordonnant entre eux tous nos matériaux, et en déterminant d'avance l'importance relative de chacun. Le choix des collaborateurs et l'attention la plus scrupuleuse apportée par le directeur à l'emploi et à la disposition des articles fournis par eux, achèveront de maintenir l'unité nécessaire. D'ailleurs, ce que l'histoire sera pour le fonds pour les doctrines, des renvois multipliés le seront pour la forme pour la distribution et le classement des matières. Par eux les articles les plus éloignés se lieront en quelque sorte les uns aux autres, s'appelleront et s'expliqueront réciproquement, de manière à former par leur ensemble des corps de doctrine complets.

Cependant, malgré nos soins, malgré notre vigilance, des lacunes et des disparates peut-être se feront remarquer dans cet ouvrage, car jamais on n'arrivera à réaliser, sous ce rapport, l'idée que l'on peut se former théoriquement d'une Encyclopédie. Embrasser dans son ensemble tout le savoir de l'homme est une chose si peu facile que sans doute le public nous tiendra compte de nos efforts consciencieux. Et de même qu'en cherchant à établir dans notre ouvrage toute l'harmonie qu'il dépendra de nous de lui donner, nous n'espérons point parvenir à un système rigoureux, de même aussi en promettant de le rendre le plus complet possible, nous ne prenons pas l'engagement d'y verser la totalité des nomenclatures de tous les dictionnaires spéciaux des sciences et des arts, ni même d'y faire figurer alphabétiquement le plus grand nombre des termes propres à l'histoire naturelle, à la médecine, aux métiers, aux beaux-arts, à la géographie, etc. En remplissant nos colonnes de cette longue et stérile nomenclature nous n'en serions pas plus certains de ne rien omettre et la richesse sans doute fastidieuse du vocabulaire ne rachèterait pas la pénurie du fonds ou des explications. Ainsi, pour les arts du dessin, négligeant des termes d'ateliers usités seulement parmi les artistes, nous n'expliquerons les termes techniques qu'autant qu'ils seront entrés dans la langue universelle, tandis que dans le nombre infini d'artistes de tous les âges et de toutes les écoles, nous choisirons ceux dont quelques productions ornent les musées les plus connus, et dont l'importance dans l'histoire de l'art est généralement admise en géographie, loin de promettre à nos lecteurs l'indication de tous les lieux, de toutes les villes, de tous les courans d'eau, etc., tâche réservée aux dictionnaires géographiques, nous ne donnerons au contraire que les noms auxquels se rattache quelque fait remarquable, une curiosité de la nature, un chef-d'œuvre des arts, quelque grande exploitation, un traité, une bataille, etc. Il en est de même des sciences naturelles, de la botanique, par exemple, dont nous n'admettrons que les plantes usuelles et les familles les plus intéressantes; ou de l'agriculture, dont nous pourrons faire connaitre les utiles opérations, sans entrer dans l'interminable détail de son vocabulaire particulier. Dans les sciences en général, nous nous attacherons surtout à ce qui prête à l'application, sans entrer dans les détails que l'homme du métier seul pourrait comprendre.

En agissant autrement, outre l'ennui qui en résulterait pour la presque totalité des lecteurs, il n'y aurait plus possibilité de trouver une limite. En effet, à quel nombre faudrait-il alors s'arrêter? Cent mille mots suffiraient-ils ou en faudrait-il deux, trois cent mille ? Dans une Encyclopédie qui viserait à être rigoureusement complète dans son vocabulaire, l'immensité des noms à inscrire en un cadre toujours trop exigu absorberait entièrement l'espace qu'il nous sera permis, d'après notre division des matières, de donner à des développemens utiles.

Ces développemens seront accordés de préférence, quoique toujours avec sobriété, aux sujets vers lesquels l'attention de l'époque actuelle est particulièrement appelée, et qui, touchant de près aux intérêts, aux passions du moment, sont en possession d'exciter le plus la curiosité du public. Les personnes et les choses contemporaines les réclameront surtout trop neuves encore pour apparaître dans leur vrai jour, celles-ci ont plus besoin de détails, et n'admettent point encore un résumé rapide possible seulement alors qu'il s'agit d'hommes ou de faits définitivement jugés par l'opinion du grand nombre. Introduire dans une Encyclopédie la biographie des hommes vivans, c'est sans doute une innovation; mais, incomplet sans elle, notre ouvrage n'offrirait aucune instruction sur une branche essentielle de la conversation; il laisserait dans l'ombre la partie la plus vitale du tableau de notre époque et par une étrange exception, s'attacherait, pour la peindre, uniquement aux choses, quand c'est dans le présent surtout que toute question de principes devient une question de personnes, tandis que le passé plus réfléchi et moins exclusif, sait reconnaître à chacun l'importance qui lui appartient et envisager les événemens suivant leurs causes ou leurs. principes, et sans s'arrêter davantage aux petites passions des hommes.

Les hommes vivans ne devaient donc pas être exclus de l’Encyclopédie des gens du monde; mais, admis avec choix, ils y trouveront de l'impartialité et des égards plus que partout ailleurs la mesure nous était recommandée pour cette partie de notre tâche. Nous n'avons point la mission de juger nos contemporains, dont tous les actes, toutes les intentions peuvent ne point être encore suffisamment connus, et dont le point de vue, dans une société partagée d'opinions, où toutes les croyances, toutes les convictions sont ébranlées et fermentent en quelque sorte pour se refaire, pouvait être diamétralement opposé à celui où nous sommes placés.

Après nous être fixés sur le caractère que devait avoir une entreprise telle que la nôtre, sur les conditions qu'elle avait à remplir et par conséquent sur l'étendue et les limites qu'il convenait de lui assigner, nous avons dû regarder autour de nous et chercher un modèle à imiter pour son exécution. Le prodigieux succès d'un ouvrage allemand de même nature, publié à Leipzig sous le titre de CONVERSATIONS-LEXIKON, déjà parvenu à sa huitième édition et dont les tirages multipliés suffisent à peine à la demande du public dans tous les pays où la langue allemande est répandue, n'a pu manquer d'appeler notre sérieuse attention. Sans exemple dans la librairie, un tel succès nous prouvait que l'ouvrage satisfaisait ou au moins répondait à un besoin presque universellement senti dans la société qu'il remplissait une lacune évidente, et qu'il méritait bien peut-être de servir de base à notre propre travail. Cette observation s'étant trouvée confirmée par les traductions du Conversations-Lexikon, qui furent entreprises en diverses langues, nous avons songé un moment à réduire notre travail à une simple reproduction de l'ouvrage allemand en français sauf les changemens qui devaient naturellement résulter de la différence des besoins dans des lieux différens.

C'est dans cette idée que notre premier prospectus a été rédigé en 1829, et l'accueil qui lui a été fait aurait pu fortifier encore notre résolution. Mais nous y avons bientôt renoncé et nous plaçant sur un terrain qui nous appartint en propre nous avons essayé de construire un édifice nouveau, un monument qui pût être nommé national, dont le plan et l'exécution fussent nôtres, encore que le plus souvent possible nous y eussions employé des matériaux venus de l'étranger et dont nous reconnaissions la haute utilité. Telle est la cause du long retard de cette publication, que nous aurions craint de mettre au jour avant qu'elle eût atteint un degré de maturité qu'on voudra bien, peut-être, lui reconnaître aujourd'hui, et qui sera son caractère distinctif.

Indépendamment des besoins divers de deux nations essentiellement différentes, nous avons reconnu que les diverses branches de la science n'étaient pas traitées dans le Conversations-Lexikon avec la même faveur; que, trop fidèle encore à sa mission primitive et au titre de Dictionnaire pour la lecture des Gazettes (Zeitungs-Lexikon) que Hubner avait donné aux volumes qui en formaient l'ébauche, il s'attachait de préférence aux personnes surtout contemporaines, sans accorder la même attention à l'exposition des faits naturels ou industriels, et des vérités philosophiques ou mathématiques. De ces lacunes, qu'à la vérité les éditeurs ont cherché à combler graduellement dans chaque édition nouvelle il résulte que l'ouvrage est strictement ce que son litre promet, un Dictionnaire de la conversation; non pas une Encyclopédie, non pas un tableau systématique des principaux faits appartenant aux diverses branches du savoir humain.

Un ouvrage commencé à Paris sous un titre semblable, et dont les éditeurs, pressés de prendre l'avance sur nous, ont dans un petit nombre de mois multiplié les volumes, a pu mettre en évidence un autre inconvénient qui nous avait fait renoncer à entreprendre la traduction pure et simple du Conversations-Lexikon. Avant d'être sûre d'un immense débit, la direction de l'ouvrage allemand, n'ayant encore à elle que son plan et quelques articles fondamentaux, avait été forcée de puiser rapidement à toutes les sources, pour en tirer ce qui lui paraissait un complément nécessaire du Zeitungs-Lexikon. Ainsi la Biographie universelle de M. Michaud, la Biographie des Contemporains et d'autres ouvrages français, ayant été largement mis à contribution par elle, notre traduction, si nous l'avions entreprise, nous aurait fait souvent courir le danger d'être accusés de plagiat.

Déterminés par ces considérations nous avons suivi une autre marche. Le Conversations-Lexikon continuera de nous servir, sinon de modèle au moins de point d'appui et de comparaison; mais un petit nombre seulement de ses articles, qui seront désignés par un signe particulier ( C. L. ou C. L, m. ) passera dans nos colonnes. Tout le reste, bon ou mauvais, sera notre ouvrage, la nomenclature aussi bien que l'exécution des articles; et chacun de ceux-ci portera la signature de son auteur, qui en prend sur lui la responsabilité.

On reconnaîtra, nous osons le croire, l'exactitude scrupuleuse avec laquelle nous avons procédé en vérifiant les faits, les noms, les dates, en ajoutant une bibliographie succincte à chaque matière, et déjà en dressant d'avance cette nomenclature générale, qui répartie dans les vingt-quatre volumes que nous avons promis au public, nous donne la certitude que ce nombre, s'il était dépassé, ne pourrait jamais l'être d'une manière onéreuse pour les souscripteurs, en même temps qu'elle nous fait dominer notre immense matière et qu'elle en a préparé un rigoureux classement. Mais plus on accordera d'attention aux détails d'exécution de cet ouvrage, plus, si nous ne nous abusons, on rendra justice à nos soins, à notre zèle, à notre désir d'offrir au public un ouvrage digne de son intérêt.

Connaissant ainsi nos intentions, c'est d'après elles qu'il voudra bien nous juger. Loin de craindre la comparaison, nous la provoquons de toutes nos forces ; pourvu qu'on ne nous demande autre chose que ce qui découle des principes que nous posons. Dans ce cercle, une libre carrière est ouverte à la critique : ses observations ne seront pas perdues pour nous, et nous ne nous dissimulons pas combien nous aurons besoin de conseils et d'avertissemens. Puissent-ils être toujours fraternels et bienveillans ! puissions-nous être jugés comme nous sommes décidés à juger les autres, sans passion, sans vues exclusives, sine ira et studio quorum causas procul habeo ! ! !



_________________

SIGNATURES

DES AUTEURS DU PREMIER VOLUME.

__________


MM. MM.
Anders G.E.A. Labourderie (abbé) J. L.
Andral G. A-l. Lafargue L. f.
Artaud (le chevalier) A-o . Lebrun (Isidore) J. L. B.
Aubert de Vitry A.D.V. Leclerc-Thouin O. L. T.
Berr (Michel). . . . . . M. B. Lefebvre-Cauchy L. C.
Berville S.A.B. Matorez M-z.
Castéra C.-a. Matter M-r.
Chamrobert (de) P. C. Orfila O-a.
Charlier C.-r. Parisot Val. P.
Chopin d'Arnouville E. C. D. A. Poncelet P. t.
Depping D.-g. Ratier F. R.
Dufau P.A.D. Reinaud R.
Eckstein (baron d') d'E. Schnitzler J. H.) S. et J. H. S.
Fayot D.-g. Sinner (de) S-b.
Fétis F.-s. Thiébaut de Berneaud A. T. d. B.
Gence G.-ce. Viel-Castel (Henri de) V.
Guillemin G. Walckenaër (baron) W. r.
Jouy (de). E. J. Walez W. z.
Klaproth K.-l. Worms W. s.
Young J. Y.


Les lettres C. L. indiquent que l’article est traduit du Conversations-Lexicon.
C. L. m. signifie Conversation-Lexicon modifié.


_________________

ADDITIONS ET ERRATA

A la page 10, article Abbas Mirza. Le prince n’alla pas en personne à Pétersbourg, mais il y envoya l’un de ses fils, Khosref, dont le voyage est décrit dans plusieurs numéros de la Revue de Paris de 1833.

A la pag. 47, article Ablécimof. Il est né à Moscou en 1784, lisez il est né à Moscou et mort en 1784.

A la page 104, aux Académies de chant ajoutez celle de Vienne qui jouit de la plus haute célébrité.

A la page 201, article Adoptiens. Au lieu de Flipand, lisez Élipand.

A la pag. 385, ajoutez ce qui suit à l’article Alexandre-le-Grand :

Les artistes, peintres, sculpteurs, médailleurs, etc., se sont fréquemment occupés d’Alexandre-le-Grand, depuis le portrait qu’Apelles en a fait. On connaît les tableaux d e Lebrun et de Mignard représentant le roi macédonien visitant la famille de Darius.

Thorwaldsen a représenté son Entrée triomphale à Babylone dans un magnifique bas-relief en marbre que Napoléon avait commandé et qui sert aujourd’hui d’ornement au château de Christiansbourg. Un ciseleur habile, M. Kirstein, à Strasbourg, a reproduit ce bas-relief, en de moindres dimensions, sur un beau vase en vermeil qui fut admiré à l’exposition des produits de l’industrie.

M. Raoul-Rochette a entretenu le 2 mai dernier (1833), l’Institut royal de Frnnce (séance des cinq Académies), d’une mosaïque récemment découverte à Pompéïa, et représentant une victoire d’Alexandre sur Darius. Ce beau monument prouve que la peinture antique était bien supérieure à l’idée qu’on s’en était faite jusqu’à présent.

ENCYCLOPÉDIE


DES


GENS DU MONDE.


________________


A.


A, voyelle, première lettre de l’alphabet dans toutes les langues connues, à l’exception seulement de l’amarique, dialecte de la langue éthiopienne, où elle est la treizième, et de l’écriture runique, où elle est la dixième. C’est le signe du son le plus facile à rendre, de celui que l’enfant fait entendre le premier. Pour prononcer la lettre A il suffit d’ouvrir la bouche et de pousser l’air des poumons. Nous en avons emprunté le nom aux Romains. Chez les Grecs la lettre A se nommait alpha, et alef chez les Phéniciens. Elle était employée par les Grecs et par les Romains comme signe numérique ; chez les uns l’A (alpha) valait 1 chez les autres 500, suivant l’opinion commune, réfutée toutefois par M. Grotefend ; mais il fut bientôt chez ces derniers remplacé par le D.

Dans les abréviations latines l’A s’emploie pour Aulus, Augustus ; AA pour Augusti, les Césars ; Ap. pour Appius, et Agr. pour Agrippa ; A. K. pour avant les calendes, ante calendas ; A. U. C. pour l’an de Rome, ab urbe conditâ, depuis la fondation de la ville ; A. A. C. indique s l’année avant J.-C., anno ante Christum ; A. M. signifie l’an du monde, anno mundi, et aussi maître-ès-arts, artium magister.

En logique, la lettre A des mots bien connus de barbara, celarem, darii, etc., indiquait autrefois des propositions généralement affirmatives, en conformité de la règle :

Asserit A, negat E verum generaliter ambo
Asserit, negat O, sed parliculariter ambo.


A en musique fut long-temps employé et l’est encore dans quelques pays pour désigner la note que nous appelons aujourd’hui la. En grec, Α et Ω désignent le commencement et la fin. Sur les monnaies françaises A désigne Paris, et le double A A signifie qu’elles ont été frappées à l’hôtel des monnaies de la ville de Metz. Sur une lettre de change la lettre A indique qu’elle est acceptée. J.H.S.

AA (VAN DER), libraire hollandais qui s’est distingué au commencement du XVIIe siècle par ses grandes entreprises, était établi à Leyde. Les immenses collections in-folio des Antiquités grecques par Gronovins, des Antiquités d’Italie, un atlas de 200 cartes, un recueil de cartes et de vues en 66 parties, des recueils de voyages et d’autres grands ouvrages sont sortis de ses magasins. On attribue communément à P. Bergeron le Recueil de divers Voyages curieux faits en Tartarie, en Perse et ailleurs, parce qu’à la tête de ce recueil on a mis le’Jraité de la Navigation et des Voyages de découvertes par cet auteur mort en 1637 ; le véritable éditeur a été Pierre Van der Aa, Leyde 1729, 2 vol. in-4o. Une autre édition, La Haye 1735, ne diffère de la précédente que par le titre. Yoy. Barbier, Examen critique et complément des diction. histor., t. I. D-G.

AALBORG, voy. Jutland.

AAR. Ce fleuve de la Suisse, le quatrième en grandeur, prend sa source au pied du Finsteraarhorn, dans le canton de Berne, à peu de distance des sources du Rhône, du Rhin, de la Rcuss et du Tessin. Son eau, d’abord trouble et char4 chargée de matières terreuse, qu'il emporte dans son cours rapide, devient, lorsqu'il a traversé le lac de Brientz, beaucoup plus claire. L'Aar passe aussi par le lac de Thun, à peu de distance de la ville du même nom et de Berne, et entrant ensuite dans le canton de Soleure il en arrose la capitale, puis le canton d'Argovie où il reçoit la Reuss et la Limmat, après avoir touché une seconde fois aux cantons de Berne et de Soleure. A Coblentz, dans le canton d'Argovie, il se réunit au Rhin. L'Aar, torrent peu navigab1e, mais poissonneux et chariant un sable aurifère, se grossit d'environ 150 autres courans ; ses ondes souvent majestueuses se répandent au-delà de son lit et produisent alors de cruelles dévastations. S.

AARON, premier grand-prêtre des Juifs, frère ainé de Moïse, fils d'Amram et de Jochabed, de la tribu de Lévi, naquit en Égypte l'an 1574 avant J.-C. Il seconda Moïse dans toutes ses tentatives pour la délivrance du peuple hébreu, et reçut de lui le titre de grand-prêtre, au pied du mont Sinaï, peu de temps après la sortie d'Egypte. Pendant l'absence de Moïse, il se bissa effrayer par les menaces des Israélites, au point de leur livrer un veau d'or, devant lequel ils se prosternèrent (voy. Apis). Dans le désert de Gadès, il douta de la toute-puissance de Dieu et de l'exécution du miracle promis à Moïse. En punition de son incrédulité, il fut condamné à ne point voir la terre promise : en effet, il mourut dans le désert sur la montagne de Thor, à 1'âge de 122 ans, 1452 années avant la naissance de J.-C. La dignité de grand-prêtre passa à son fils Eléazar, puis à ses descendans en ligne directe. Les Juifs modernes croient connaître encore les descendans d'Aaron, et les nomment en hébreu Koanim, c'est-à-dire prêtres. Ce titre n'emporte aucune distinction personnelle. M. B.

AARON RASCHID, voy. Haroun al Rachid.

AB, voy. Calendrier hébreu.

ABA ou Abats, On nomme ainsi un costume oriental consistant en une espèce de redingote sans manches, avec un large pantalon. On donne le même nom au drap grossier dont le vêtement est


fait et qu'on appelle encore salonika. L'aba sert à babiller en Turquie les soldats, les matelots et les indigens : autrefois il formait un article d'exportation considérable, surtout à Saloniki et dans toute la Macédoine. Marseille même en faisait le commerce et en expédiait de grandes quantités aux Antilles pour l'habillement des nègres ; on ne l'exporte plus que pour l'Asie, particulièrement dans les ports de la Mer Noire, et les abats n'ont presque plus de valeur. J. H. S.

ABABDEHS, tribu d'Arabes qu'on voit errer dans la Haute-Egypte, où la plupart d'entre eux subsistent du transport des marchandises à l'aide de leurs chameaux ; les autres Ababdehs vivent de leurs troupeaux. Ils recueillent aussi le séné dans les déserts, et le vendent dans les villes. A l'égard des mœurs et coutumes, les Ahabdehs ne diffèrent que peu des autres Bédouins. Le voyageur allemand Rüppell assure pourtant avoir vu à Cosseïr et à Assouan des Ababdehs appartenant à des tribus qui habitent plus au midi, et dont la physionomie ou la coupe du visage ressemblait à celle des anciens Dongolais. Ceux-là ont aussi quelques usages des habitans de la Nubie, tels que l'excision des parties naturelles chez les filles. Il présume que la tribu des Ababdehs est une branche de l'ancienne race éthiopienne établie à Méroé. D-G.

ABACUC, Voy. Habacuc.

ABAD Y QUEYPEO (Manoel), né dans les Asturies, vers 1775, passa au Mexique après avoir embrassé l'état ecclésiastique. Il était juge des testamens à Valladolid de Méchoacan, lorsqu'en 1808 il fut envoyé en Espagne avec la mission de solliciter l'abrogation ou du moins la suspension du décret qui affectait les revenus des capellanias au trésor de l'Etat. Ayant obtenu ce qu'il demandait, il retourna en Amérique ; et vers la fin de 1809 il fut nommé évêque de Méchoacan. Bientôt après éclata l'insurrection de la Nouvelle-Espagne. Abad se rangea parmi ceux qui résistèrent à ce grand mouvement. Réduit à quitter son diocèse, il se réfugia à Mexico ; et lorsqu'ensuite les événemens lui permirent de rentrer à

  1. (l) La lettre A, une des plus chargées de l'alphabet embrassera environ le huitième du nombre total des articles,et remplira d'après cette proportion,environ le huitième de l'ouvrage ; le présent volume en renferme 740.