Encyclopédie anarchiste/Façade - Fakir

Collectif
Texte établi par Sébastien Faure, sous la direction de, La Librairie internationale (tome 2p. 755-763).


FAÇADE n. f. (du latin facies, visage). La façade est la partie extérieure d’un édifice. Lorsque cet édifice a plusieurs façades on ajoute à ce mot un déterminatif et l’on dit : façade postérieure, façade latérale, etc., etc. Une belle façade, une riche façade, une façade décorative. Il est des façades qui sont de véritables chefs-d’œuvre d’architecture où se trouvent combinés le génie manuel et intellectuel. À Paris les façades du Louvre, de l’hôtel de ville et de tant d’autres monuments, témoignent de la puissance artistique du peuple, capable de tailler dans la pierre brute une pensée, un visage, un symbole, qui non seulement par leur beauté, leur richesse, leur élégance, charment la vue, mais encore impriment pour les générations futures l’histoire tour à tour heureuse ou tragique du passé.

De même qu’il faut savoir lire entre les lignes d’un livre, il faut savoir comprendre tout ce que cache une façade et ne pas se fier aux apparences ; les façades sont souvent trompeuses. La pureté d’un style, le luxe extérieur d’un monument, la richesse architecturale d’un frontispice, signalent parfois, aux yeux éclairés et avertis, la tyrannie d’un despote et la souffrance d’un peuple. Les plus grandes œuvres artistiques du passé ont le plus souvent été enfantées dans la misère et dans le sang, et ce sont les larmes du peuple qui coulent le long de ces murs ciselés par le burin de l’artiste. Il faut s’en souvenir. Si dans la souffrance, le peuple a su accomplir de si grandes choses, que ne sera-t-il pas capable de faire le jour où il sera libéré de tous les soucis matériels et qu’il pourra occuper ses loisirs selon ses goûts et ses aspirations ! La vie ne sera plus belle qu’en surface mais également en profondeur.

Pour atteindre ce but, le peuple a une tâche à accomplir et qu’il ne s’arrête pas comme il le fait toujours à la façade.

C’est à contempler les façades qu’il se laisse griser par les mauvais bergers qui le conduisent et l’empêchent de voir ce qui se trouve à l’intérieur des maisons. Qu’il jette un regard derrière la façade « républicaine », « démocratique », « sociale », « communiste » et il verra qu’elles servent de paravent à une poignée de politiciens avides qui ne cherchent qu’à maintenir l’ignorance populaire pour jouir plus facilement.

Qu’il abolisse la façade, qu’il construise une grande maison, saine et aérée où l’intérieur sera aussi beau que l’extérieur, et le peuple vivra heureux ayant conquis son bonheur et sa liberté.

FAÇADE. On désigne sous ce terme l’extérieur d’un édifice vu sous l’un de ses quatre aspects : la façade du nord, la façade du midi, etc. On dit aussi, pour désigner une façade : façade sur la rue, façade sur la cour ; façade de la salle des fêtes, façade des bureaux, des écuries, et ainsi de suite. ― Employé seul, le mot façade désigne surtout la façade principale, celle qui sert de frontispice à l’édifice et sur laquelle s’ouvre l’entrée d’honneur. ― Les façades empruntent encore leur désignation aux motifs d’architecture. Ainsi, on distingue : la façade ionique, la façade corinthienne, etc…

Quand on bâtît un édifice, on a soin, habituellement, de faire la façade principale aussi belle que possible. Cette façade joue, donc, entre autres, un rôle décoratif, avec ses socles, balcons, marquises et autres ornements appelés à charmer l’œil.

Naturellement, les pièces, les objets et les choses les plus laides et répugnantes peuvent se trouver ou se passer derrière la plus belle des façades.

C’est pour cette raison qu’au sens figuré « façade » signifie l’extérieur attrayant, l’apparence belle et charmante d’une chose dont l’intérieur est, au contraire, vilain, et dont la façade n’est, par conséquent, qu’un trompe-l’œil.

Quand il s’agit d’un édifice, chacun comprend qu’il serait naïf de se fier à la façade, de ne supposer que de belles choses derrière une belle apparence. Mais lorsqu’il s’agit des choses de la vie, les naïfs ne manquent pas qui croient qu’un paradis doit se trouver nécessairement derrière toute façade qui nous charme. Pourtant, l’apparence de n’importe quelle chose peut être trompeuse. Souvent même, on fait une belle façade décorative exprès pour tromper les naïfs et les attirer. La nature même procède de la sorte. Telles certaines fleurs de rare beauté ou d’un parfum exquis, qui, à l’aide de cette façade trompeuse, attirent les insectes pour les dévorer. Tels certains animaux qui fascinent et attrapent leurs victimes avec des moyens analogues.

La vie humaine, la vie sociale surtout, abonde d’exemples de ce genre. « Liberté, Égalité, Fraternité », cette belle maxime gravée sur les édifices officiels en France, même sur les façades des prisons, n’est qu’une « façade trompeuse » au double sens : direct et figuré. Bien naïf serait qui s’y fierait. Et cependant, des millions de prolétaires dans tous les pays du monde se laissent toujours tromper par toutes sortes de « façades sociales » que les dominateurs et exploiteurs de toute espèce dressent devant eux pour les fasciner et les égarer. Telle, par exemple, la belle façade de la démocratie bourgeoise ou socialiste, qui trompe encore tant de « bonnes brebis » avec son parlement, ses élections, ses municipalités, sa fête nationale, ses cinémas et ses bistros… Telle aussi la façade magnifique de la « République Socialiste » russe, avec son « pouvoir ouvrier », sa « dictature du prolétariat », ses « soviets », ses drapeaux écarlates, son « Internationale », son « Armée Rouge », ses mots d’ordre et ses fanfares… Usines et écoles exemplaires, théâtres, clubs, meetings et manifestations savamment préparées et organisées, toutes ces choses et d’autres encore, font partie de la même « façade rouge » qui continue de tromper plus d’un naïf ne sachant pas voir l’imposture éhontée, la faillite totale et les horreurs qui se cachent derrière.


FACE n. f. Partie antérieure de la tête humaine, depuis le menton jusqu’aux sourcils. ― En peinture et en sculpture, le mot face est employé dans le même sens. ― On le dit aussi quelquefois de la partie antérieure de la tête d’un animal. ― Se dit, dans le style poétique et figuré, en parlant de « Dieu » et des « êtres supérieurs » en général. ― Par extension, toute la partie antérieure d’une personne.

Le mot face est employé dans des sens extrêmement variés et dans de très nombreuses locutions.

Citons les cas et les exemples les plus importants :

Face désigne souvent la partie antérieure d’un objet, d’un édifice, etc., celle qui est faite pour être offerte de préférence à la vue. Ex. : Montrer un objet de face. La face d’une maison.

Dans un sens plus étendu et moins rigoureux : Superficie, surface, extérieur, en parlant des corps. Ex. : La face de la terre. La face de la mer. La face des eaux.

Face signifie encore : Aspect, tournure, point de vue sous lequel une chose, une affaire peut être considérée. Ex. : Envisager l’affaire sous toutes ses faces. Cette découverte changea la face du problème.

On dit aussi face dans le sens : état, situation. Ex. : Changer la face de la fortune. Ce n’est pas avec l’aide de l’État, du pouvoir politique ou des partis politiques, que les travailleurs arriveront à changer la face du monde.

Dans l’anatomie, face désigne les parties qui composent la superficie d’un organe. Ex. : La face supérieure de l’estomac.

Dans l’architecture : Le devant, les côtés, le derrière d’un édifice. Ex. : Cette maison a tant de mètres de face sur tous les côtés. La face du côté du jardin.

Dans les beaux-arts : Mesure proportionnelle prise de la longueur de la face et applicable à toutes les parties de la figure. Ex. : On compte deux faces dans la longueur de la cuisse jusqu’au genou.

Dans la géométrie : Chacune des surfaces planes qui terminent un corps solide. Ex. : Les faces d’un prisme.

On appelle face le côté d’une pièce de monnaie ou d’une médaille, qui représente une tête.

Faire face : être vis-à-vis. ― Faire face à l’ennemi, signifie lui présenter le front, l’attendre de pied ferme pour le combattre. ― Faire face à quelque chose : pourvoir ou parer à quelque chose. ― Faire face partout : se trouver en état de défense partout où est le danger ― Face à… Ex. : Les travailleurs doivent prendre une attitude nette face à la bourgeoisie, au fascisme, au bolchevisme. ― Avoir deux faces, Être à plusieurs faces, signifie être faux, hypocrite. Ex. : Le bolchevisme est à plusieurs faces.

FACE n. f. (du latin facies, visage). Surface, superficie, façade. Visage, partie antérieure et principale de la tête humaine. Une face glabre ; une belle face ; se voiler la face. On compte dans la face quatorze os et un nombre considérable de muscles. Les parties essentielles de la face sont les yeux, la bouche et le nez ; ce sont elles qui traduisent les impressions les plus diverses ressenties par le corps humain. Tour à tour la face se transforme par des mouvements qui expriment la terreur, la gaîté, la douleur ou le bien-être, l’amitié où le mépris, l’amour ou la haine.

Lisse et unie chez la femme, la peau de la face se couvre, chez l’homme adulte, aux joues et au menton de poils appelés « barbe ». Les traits de la face, chez l’homme sont d’autre part plus accentués que chez la femme. Si l’on peut, dans une certaine mesure, lire sur la face humaine les sentiments d’un individu, il faut pourtant se garder d’une trop grande confiance dans les altérations passagères subies par le visage humain. L’homme est un comédien doué de sublimes facultés et bien souvent les expressions de sa face ne sont qu’un jeu admirablement étudié pour tromper son semblable. Tel visage qui exprime la colère ou la révolte ne cache en réalité que l’indifférence et la sécheresse du cœur. Il ne faut donc pas se fier aux manifestations extérieures de la face pour juger un individu, mais chercher plutôt à analyser son caractère sur les actes qu’il commet.

Le mot face s’emploie également comme synonyme de « aspect ». « Étudier une affaire sur toutes ses faces. » Au figuré : Faire face à un danger. Changer la face des choses. « Le cardinal Richelieu changeait alors la face de l’Europe » (Fénelon). Être face à face avec la vérité, etc…

Avoir une double face, se dit d’un individu peu sincère, hypocrite. Avoir une face de carême, un visage blême. La Révolution sociale en libérant l’humanité changera la face du monde.


FAÇONNER v. a. Au sens propre : travailler une matière lui donner la façon qui la revêt d’une certaine forme. Ex. : façonner les pierres. ― Donner la dernière forme à un ouvrage, y faire des ornements, des embellissements. Ex. : façonner un vase. ― En agriculture : perfectionner par la culture. Ex. : façonner un champ, une vigne, des plantes. ― On dit : façonner un cheval, ce qui veut dire : lui donner une allure régulière et gracieuse. Au sens figuré : former l’esprit, le cœur, les mœurs de quelqu’un, par l’éducation, l’instruction, l’usage, la propagande ou tout autre moyen. Ex. : Tous les partis politiques, tous ceux qui voudraient « guider » les masses travailleuses, prétendent les façonner ― et façonner la révolution ― à leur idée. ― Habituer, accoutumer. Ex. : Je l’ai façonné à mes manières. ― Façonner v. n. Faire des difficultés en acceptant quelque chose. Ex. : Pourquoi tant façonner ?


FACTIEUX (adjectif et nom du latin factiosius, qui fait beaucoup). Qui fait partie d’une faction. Le mot a une signification différente selon ceux qui l’emploient.

Le Larousse nous dit qu’une faction est un « parti de gens unis pour une action politique violente » ; les factieux selon la définition du Larousse seraient donc des révolutionnaires. Ce n’est pas ainsi que nous l’entendons. Le Lachâtre n’est pas plus clair que le Larousse dans la définition du terme. Adjectivement il nous dit que « factieux » signifie : « qui provoque, qui excite le trouble dans un État » et substantivement « celui, celle qui fait partie d’une faction, qui a un esprit de désordre ». Or si, bourgeoisement, nous sommes considérés comme des « factieux », à notre sens les politiciens de tous grades et de toutes couleurs sont les véritables responsables du désordre social et en conséquence c’est avec raison et logique que nous devons leur retourner le qualificatif. Les hommes qui occupent le pouvoir dans un État quel qu’il soit, représentent la bourgeoisie et le capital qui sont un perpétuel facteur de trouble. Ce ne sont donc pas en réalité les révolutionnaires qui sont des factieux, mais bel et bien ceux qui veulent conserver une forme d’organisation économique et sociale contraire aux nécessités collectives et qui nuit à la libre expansion et à l’harmonie de l’humanité.


FACTION n. f. Il y a trois mots rapprochés par leur sens : cabale, faction, parti. Une cabale (voir ce mot) est surtout une intrigue, une menée conduite par un petit groupe d’hommes contre un autre. Un parti (voir ce mot) signifie une organisation plus ou moins importante, composée d’hommes professant les mêmes opinions et poursuivant les mêmes buts, politiques ou autres. Une cabale est toujours secrète. Un parti ne l’est pas nécessairement. La notion faction se place entre les deux et, partant, s’emploie de façon assez variée. D’une part, faction signifie une ligue d’individus qui veulent, dans tel ou tel autre intérêt, plutôt personnel et vil, abattre le gouvernement, bouleverser la société, l’État, etc… Pris dans ce sens, le mot « faction » se rapproche du terme « cabale » ; il implique une action, une machination secrète et a, en outre, quelque chose d’odieux. D’autre part, le mot faction peut s’employer dans un sens très vaste et général, plus vaste même (et surtout général) que le mot « parti ». On peut dire, par exemple : Deux grandes factions divisent le monde : celle des riches et celle des pauvres, celle des gouvernants et celle des gouvernés, celles des parasites et celle des prolétaires, celle des exploiteurs et celle des exploités.

Un parti séditieux, quand il est encore faible, n’est qu’une faction, dit un dictionnaire.

FACTION. Terme militaire qui désigne le guet que font les sentinelles à tour de rôle. Prendre la faction, être en faction, relever de faction. Au figuré une faction est une cabale, un parti qui se dresse contre l’État et cherche à l’attaquer par des moyens séditieux. Nous emprunterons au dictionnaire Lachâtre la définition de ce mot car elle nous paraît la plus claire et la plus simple.

« Une faction est une ligue d’individus qui veulent, dans leur intérêt personnel, bouleverser la société ou renverser un État ; un parti est une réunion de personnes qui professent en politique la même opinion. »

Il ne faut donc pas confondre parti et faction, mais nous ajouterons cependant qu’au sein même des partis politiques se forment des factions ― avouées ou non ― et que d’ordinaire les chefs ou les dirigeants des partis politiques sont des factieux qui travaillent uniquement dans leur « intérêt personnel ». La politique offre un terrain fertile à exploiter par les intrigants et les ambitieux et il ne faut pas s’étonner si des factions se forment pour s’emparer ― même parfois par la violence ― du pouvoir qui est une source de richesse pour ceux qui le détiennent.


FACULTÉ n. f. (du latin facultas). Puissance physique ou morale d’un individu. Aptitude à faire une chose. Pouvoir qu’à un individu de raisonner, de comprendre, de saisir, de sentir, de vibrer. Nos sens sont les premières facultés que nous remarquons (Condillac). « Avoir de brillantes facultés. Des facultés intellectuelles. De grandes facultés.

Aux premiers âges de l’humanité, les facultés physiques, qui se manifestaient par la violence, dominaient toutes les autres. L’homme était un animal aux facultés intellectuelles peu développées qui se laissait uniquement conduire par son instinct. Petit à petit sa puissance de raisonnement et d’observation se développe et à présent les facultés intellectuelles et morales gagnent chaque jour un peu plus de terrain. Si sous un vernis de civilisation l’homme primitif réapparaît parfois dans l’homme civilisé et que la puissance brutale l’emporte encore trop souvent sur la raison, il faut tout de même espérer que dans un avenir prochain la volonté, l’intelligence et la sensibilité écraseront définitivement la bestialité qui était une des facultés des hommes d’hier.

On donne aussi le nom de « facultés » dans les universités aux corps de professeurs dont les cours se rapportent à une même matière générale. Faculté de Droit, Faculté de médecine, etc., etc…

FACULTÉ n. f. Au sens général : puissance, physique ou morale, qui rend un être capable d’agir. Ex. : les facultés physiques ; les facultés naturelles ; les facultés intellectuelles ; la faculté de penser, de raisonner, de juger ; la faculté de la mémoire. Se dit aussi de l’aptitude à faire une chose, du talent dont on est doué. Ex. : la faculté de bien parler ; c’est un homme doué de grandes facultés.

« La faculté est une certaine énergie personnelle, active et persistante. » (Dictionnaire Lachâtre.)

Tout homme est doué de telles ou telles autres facultés. La grande tâche, et aussi la grande difficulté, consiste à leur donner l’élan nécessaire : la possibilité, les moyens de leur plein épanouissement. Le véritable et profond sens de tout le problème social est, précisément, l’aspiration à résoudre cette tâche, à surmonter cette difficulté. L’humanité se rend de plus en plus compte de la nécessité absolue d’y arriver. On commence à comprendre que les humains ne pourront être vraiment libres, heureux et bons que lorsque chaque individu aura la facilité de développer pleinement et d’appliquer toutes les facultés qu’il possédera. On commence à saisir que le plus grand malheur de l’humanité jusqu’à notre temps, est justement l’absence de cette facilité pour l’immense majorité, sinon pour la totalité des hommes. La faculté la plus intéressante et la plus importante chez l’homme est, à notre avis, la faculté créatrice (voir Création). Or, de nos temps, les individus qui arrivent à la développer et à l’appliquer, sont de rares exceptions. De nos jours, nous ne pouvons guère que vaguement pressentir la grande beauté, la grande vigueur de la vie, de l’activité futures, qui seront l’expression et la combinaison vivantes des millions d’initiatives et de facultés humaines développées et agissantes.

La situation des choses actuelles étant, d’une part, le résultat du développement des siècles passés, et d’autre part, engendrant les phénomènes qui vont suivre, une double question se pose, d’un intérêt primordial : Quelles furent les raisons fondamentales pour lesquelles les collectivités humaines ont dévié de la voie d’une évolution générale et harmonieuse dans le sens du développement et de l’application des facultés de tous les individus, voie qui paraissait pourtant toute indiquée comme celle de la véritable évolution progressive ? Quels seraient les moyens par lesquels l’humanité pourrait retrouver la bonne voie perdue ?

Ce problème se rapportant aux notions de l’Évolution et du Progrès (voir ces mots), son étude serait ici déplacée. Bornons-nous à constater que c’est dans le développement complet et l’application variée de toutes les facultés de chaque individu que nous reconnaissons le véritable sens du progrès et de toute l’évolution sociale. Et ajoutons que c’est l’Anarchisme qui s’attache le plus à ce problème.

Au sens strictement psychologique. ̶ Habituellement on divise les phénomènes conscients en trois classes : les phénomènes sensibles, les phénomènes intellectuels et les phénomènes volontaires. On a donné à ces classes le nom de facultés. Si, en effet, on découvre en nous des phénomènes de sensibilité, c’est que nous pouvons sentir, que nous avons la faculté de sentir. On distingue trois facultés fondamentales : la sensibilité, l’intelligence et la volonté. Dans la vie et l’activité des hommes, ces trois facultés sont intimement liées entre elles. Leur division n’est pas une abstraction théorique. Seule, peut-être, la sensibilité peut exister sans intelligence et sans volonté. (Voir : Psychologie).

La science n’a pas encore établi avec la précision voulue l’origine ni la véritable essence des facultés : leur formation première, leur mécanisme, le rôle de divers facteurs (adaptation, répétition ; exercice, hérédité, intuition, etc. et ainsi de suite). Le problème est, du reste, très compliqué, car il comporte des éléments biologiques, physiologiques et psychologiques.

« La force occulte et naturelle qui fait que les organes produisent ainsi leurs effets particuliers s’appelle faculté. » Cette formule de Fossati n’a pas encore vieilli.

En jurisprudence (droit civil), faculté désigne le droit de faire ou de ne pas faire. Ex. : la faculté de se marier, de contracter, de changer de domicile, de cultiver ou de ne pas cultiver le fonds, de faire usage de telle ou telle chose (ou de ne pas le faire), etc…

Dans le domaine de l’instruction publique, les facultés sont des établissements publics d’enseignement dit « supérieur » ou, autrement, des corps de « professeurs dans une Université », dont les cours se rapportent à une même matière générale : la faculté de droit, des lettres, de médecine (ou la Faculté), etc…

Le mot faculté est, enfin, employé dans le sens de vertu, propriété. Ex. : l’aimant a la faculté d’attirer le fer. ̶ Voline.


FAILLITE n. f. État d’un commerçant qui a cessé ses paiements par suite d’événements imprévus ou de circonstances malheureuses. Donc, c’est un terme propre au système économique bourgeois.

D’après le droit commercial bourgeois, il ne faut pas confondre la faillite avec la banqueroute (voir ce mot). Celui qui fait banqueroute cause, par sa faute, par négligence ou par fraude, un préjudice à ses créanciers ; celui qui fait faillite est réputé la première victime des pertes dont les autres ressentent le contre-coup. La banqueroute est toujours répréhensible à quelque degré ; la faillite n’est souvent que malheureuse et, par conséquent « innocente ». La faillite devient banqueroute alors seulement qu’elle est accompagnée de certaines circonstances prévues et définies par le Code.

Toute personne qui fait faillite relève du tribunal de commerce qui, par un jugement, déclare et constate le fait. Le failli est privé de l’exercice de ses droits civils et civiques, et il se trouve dessaisi de l’administration de tous ses biens, qui est confiée à un syndic (voir le mot). Lorsque le failli est de bonne foi, il peut demander une liquidation judiciaire, qui aboutit à un concordat. Dans les cas où le failli finit par payer à ses créanciers capital et intérêts, il obtient sa réhabilitation qui le réintègre dans tous les droits dont il jouissait antérieurement. Ajoutons que les incapacités dont le failli est frappé, dérivant du jugement déclaratif de la faillite, sont absolument indépendantes de toutes condamnations pénales.

Au sens figuré, faillite veut dire : échec, non-réussite, insuccès, chute, impuissance, décadence, disqualification. Exemples : Le bolchevisme fournit aux masses travailleuses du monde entier, et d’un seul coup, la preuve matérielle, palpable, de la faillite de la doctrine socialiste, étatiste, autoritaire et politique. Tel est son véritable sens historique. ̶ La faillite morale du capitalisme, de la démocratie et du socialisme autoritaire, est le fait essentiel de notre époque. C’est le prélude indispensable de leur faillite matérielle, définitive et complète, faillite qui ne se fera plus attendre longtemps.

FAILLITE. État de tout commerçant qui suspend ses paiements. État de celui qui exerçant un commerce achète des marchandises payables à terme et ne se trouve pas en mesure d’en effectuer le paiement au jour prévu pour l’échéance. Être déclaré en faillite, faire faillite. Lorsqu’un commerçant suspend ses paiements ou n’est pas en mesure de faire face à ses engagements, il a cependant la ressource de demander le bénéfice de la liquidation judiciaire en déposant son bilan au greffe du tribunal de commerce dans les quinze jours qui suivent la cessation de ses paiements. La liquidation judiciaire peut lui être accordée ou refusée. Dans le premier cas il poursuit et dirige ses affaires comme par le passé, mais avec l’assistance de liquidateurs et sous la surveillance d’un juge commissaire nommés par le tribunal de commerce. Le « liquidé » est obligé de traiter toutes ses affaires au comptant ne pouvant contracter aucune dette nouvelle. La liquidation judiciaire n’est pas infamante. Durant son exercice, le « liquidé » perd ses droits éligibilité mais conserve ses droits d’électeur ; il peut être juré, tuteur, témoin.

Il n’en est pas de même en ce qui concerne le failli. Lorsque le commerçant qui suspend ses payements n’a pas réclamé ou n’a pas obtenu le bénéfice de la liquidation judiciaire, il doit, dans les quinze jours qui suivent la suspension de ses payements, faire au greffe du Tribunal de Commerce la déclaration de son domicile et l’énumération de ses biens, de ses dettes, de ses profits et de ses pertes.

On constitue alors le personnel de l’administration de la faillite qui comprend un juge commissaire chargé de surveiller les opérations, les contrôleurs nommés par les créanciers et le syndic, représentant de la masse du failli.

La faillite peut aboutir au concordat, c’est-à-dire qu’une convention intervient entre le failli et la majorité de ses créanciers qui, sous certaines conditions, le remettent à la tête de ses affaires. Si aucun arrangement n’intervient, le syndic est chargé de procéder à la liquidation de l’entreprise, et convoque, à la suite de cette opération, les créanciers auxquels il rend ses comptes en présence du failli.

Il arrive fréquemment d’interrompre les opérations de la faillite, faute d’actif. On prononce alors la clôture pour insuffisance d’actif. Chaque créancier a alors le droit de poursuivre individuellement son débiteur.

Une faillite est simple ou frauduleuse. La faillite est frauduleuse lorsque le failli dissimule une partie de l’actif ou la détourne à son profit, ou s’il est reconnu débiteur de sommes qu’il ne devait pas. La faillite frauduleuse est punie de deux à cinq ans de prison, ou de cinq à vingt ans de travaux forcés.

Le failli simple ne peut être ni éligible ni électeur pendant trois ans, à dater du jugement déclaratif. Il ne peut exercer aucun commerce sous son nom tant qu’il ne s’est pas réhabilité envers ses créanciers. Cependant la loi réhabilite de droit les faillis lorsque dix années se sont écoulées après la déclaration de faillite. Les réhabilités au point de vue pénal peuvent, à leur demande, obtenir leur réhabilitation commerciale.

La faillite est une conséquence du commerce. On pourrait même dire qu’elle est inhérente au commerce, La centralisation du capital et de la richesse sociale l’accaparement de toute la production par les grosses sociétés financières, le contrôle de toutes les matières par de puissants trusts capitalistes rend chaque jour plus difficile la vie du petit commerçant. N’étant pas admis dans les syndicats groupant les gros financiers et les gros industriels, le petit commerçant achète ses produits à des intermédiaires qui prélèvent déjà un bénéfice, et ne peut, en conséquence, rivaliser avec ses puissants concurrents. Ses frais généraux, ses impôts sont relativement lourds en regard de ses bénéfices et il arrive qu’il ne peut équilibrer son budget. C’est la faillite. Si, au point de vue individuel, on peut plaindre le petit commerçant écrasé par la grosse entreprise, au point de vue social nous pensons que le petit commerce est une entrave à la Révolution, car il est plus facile de lutter contre le bloc capitaliste que contre ces forces éparses qui n’appartiennent ni au Capital, ni au Travail. D’autre part, il n’y a pas à s’apitoyer sur le sort du petit commerçant victime de la faillite. La centralisation des richesses sociales est une étape du Capitalisme, et c’est sans doute la dernière ; demain il n’y aura plus en présence que deux classes bien distinctes qui se livreront bataille et avec le capitalisme disparaîtra la faillite.

Il faut dire que, bien souvent, sans être déclarées frauduleuses, les faillites le sont cependant ; c’est-à dire qu’elles sont provoquées et que le failli se retire des affaires en ayant eu soin, auparavant, de s’assurer une petite fortune. En ce qui concerne les banqueroutes frauduleuses, elles sont de moins en moins nombreuses puisque la loi bourgeoise, dans son esprit et dans sa lettre, permet toutes sortes de vols, d’escroqueries, sans aucun danger pour celui qui s’y livre, et lorsqu’un krach formidable soulève l’opinion publique, les hommes qui l’ont dirigé sont ordinairement déclarés irresponsables, comme ayant agi au nom d’un groupe ou d’une société anonyme.

Faillites, banqueroutes, liquidations judiciaires sont, sous différents noms, des formes d’escroquerie et c’est en dernier lieu toujours les travailleurs qui en sont victimes. Cela changera quand ils le voudront.


FAIM n. f. (du latin fames). Chacun connaît, par son expérience immédiate, la sensation de la faim (chez l’homme). Notons, cependant, que cette connaissance, cette expérience sont loin d’être les mêmes pour tous les individus, membres de la société moderne. Tandis que pour ceux des classes aisées, la faim est un besoin agréable, exempt de soucis, richement et régulièrement satisfait avec des mets abondants, elle dégénère trop souvent, chez les pauvres et les travailleurs, chez les parias de la Société, en une sensation physiologique extrêmement douloureuse, prolongée, même chronique, ne pouvant être soulagée, accompagnée, de plus, d’une angoisse morale, de la certitude qu’on ne peut, à volonté, faire disparaître le besoin dont il s’agit. En effet, la sensation de la faim n’est agréable qu’à condition d’être encore faible et de pouvoir la changer rapidement en celle de la satisfaction, de la satiété. Or, combien de gens, en notre société actuelle, ne peuvent presque jamais manger « à leur faim » ! Pour combien de gens la faim, au lieu d’être la condition agréable, normale, même indispensable, de bien manger, de bien digérer, de soutenir les forces de l’organisme et sa santé, dont la faim normale est même l’une des preuves, pour combien de gens la faim n’est qu’une menace constante, une épouvante, une souffrance atroce physique et morale, poussant souvent au désespoir, au suicide, au crime !… Et combien de gens, d’autre part, souffrent plutôt de ne plus jamais avoir faim, à la suite d’excès de toute sorte, à force de manger toujours trop, de fatiguer, d’abîmer l’estomac et, surtout, de ne rien faire, de ne pas fournir à l’organisme un travail sain et régulier. Car, la condition essentielle d’une faim normale, agréable, saine, est le travail : la dépense régulière de nos forces, de notre énergie vitale, dépense dont la faim est l’enregistreuse, et le manger, le recouvrement. Normalement, ce n’est que le travailleur qui devrait connaître la véritable faim et pouvoir toujours la satisfaire. Dans notre belle société moderne, c’est le travailleur qui, souvent, épuisé par un travail excessif, forcé, fait à contrecœur et ayant lieu dans des conditions malsaines, finit par ne plus avoir faim du tout ; c’est le travailleur encore qui, souvent, épuisé par la faim, n’arrive pas à satisfaire celle-ci ou à en préserver les siens ; et c’est le parasite, le fainéant qui peut, lui, l’éprouver et la satisfaire à volonté.

Nous avons dit que la condition essentielle d’une faim normale était le travail. Hâtons-nous, cependant, de faire des réserves importantes et de constater que ce n’en est point la condition unique. D’abord, quel travail ? En effet, pour que le travail puisse engendrer une faim normale et saine, il faut que ce travail soit sain lui-même, qu’il soit volontaire, libre, agréable, gai, accepté en pleine connaissance de cause, exécuté dans une ambiance de camaraderie, dans des conditions parfaites d’hygiène et de sécurité. Le travail actuel, à l’exception peut-être de celui des champs, le travail accompli dans les horribles usines modernes, au profit de l’exploiteur, travail absorbant, pour de maigres salaires, tout le loisir, ̶ que dis-je ? ̶ toute la vie de l’ouvrier, un tel travail ne peut guère devenir la source d’une bonne faim saine, régulière, rénovatrice. Ensuite, cette bonne faim normale ne peut avoir lieu que chez des organismes sains, bien portants, en plein épanouissement des forces. Or, les hommes de la Société actuelle, les travailleurs comme les autres, vivent dans des conditions qui ruinent l’estomac, les intestins, les poumons, le cœur, les nerfs, etc., dès le plus bas âge. Empoisonné dès l’enfance avec des aliments de mauvaise qualité, fanés, souvent avariés ; alcoolisé méthodiquement ; respirant l’air malsain des grandes villes, des ateliers puants, des souterrains meurtriers ; soumettant, tous les jours, son système nerveux à des épreuves qui finissent par le rendre malade, quelle faim robuste, solide, naturelle, peut-il avoir, l’homme moderne dégénéré, meurtri, broyé, écrasé sous les misères et les vices de notre société mourante ?

On pourrait dire que l’homme moderne, à peu d’exceptions près, ne connaît pas la véritable faim saine et naturelle, comme il ne connaît point la véritable santé, le véritable travail, la véritable jouissance de la vie. C’est l’homme non « civilisé », l’homme « sauvage », qui a connu sans doute cette faim normale. Et ce sera peut-être l’homme de demain, réellement civilisé, qui l’aura retrouvée, en même temps qu’il profitera d’autres joies nouvelles, inconnues celles-là, de ses ancêtres.



En ce qui concerne la définition scientifique, précise de la faim comme phénomène biologique, c’est une tâche autrement difficile et compliquée. La science ne l’a pas encore résolue, en dépit des tentatives multiples n’ayant abouti, jusqu’à présent, qu’à de nombreuses hypothèses que nous trouvons superflu d’énumérer ici, en raison même de leur insuffisance. On ne possède pas encore l’explication exacte de la sensation de la faim. La seule chose qu’on peut constater, c’est que, chez la plupart des animaux, la faim (normale) est un certain état physiologique (et aussi psychologique, cérébral) de l’organisme, provoqué par le besoin pressant d’introduire des aliments dans l’estomac plus ou moins vide, besoin se traduisant par un désir aigu de « manger ». La cause fondamentale de cet état de l’organisme doit être la nécessité pour le corps de réalimenter ou de restituer certaines cellules épuisées ou usées, et aussi de recouvrer l’énergie dépensée. En somme, la faim avertit celui qui l’éprouve qu’il est temps d’ingérer des aliments dans les voies digestives afin de soutenir au niveau normal les processus vitaux de l’organisme.

Il se peut bien que lorsque la pleine lumière sera projetée sur le phénomène de la faim, sur ses causes et son essence, alors on pourra, se basant sur certaines découvertes biologiques et chimiques, modifier complètement le caractère de notre nourriture, les procédés mêmes de l’alimentation de notre corps, et qu’en conséquence la sensation de la faim subira également des modifications importantes. Si, par exemple, on arrive à remplacer les copieux repas de nos temps par quelques injections introduisant les substances nutritives directement dans le sang, la sensation de la faim devra certes changer de caractère. Ceci, d’autant plus que ces procédés nouveaux devront infailliblement aboutir à des transformations profondes, sinon à l’atrophie complète de tout le système digestif chez l’homme.

Il est, certes, des gens qui, jouisseurs grossiers et bornés de la vie charnelle contemporaine, ou pauvres myopes, pensent avec effroi à cet homme futur, à cet état de choses éventuel. Outre cette consolation qu’ils n’y assisteront pas, nous devons les rassurer : à la place des jouissances modernes matérielles, corporelles, les hommes de l’avenir tiendront à savourer d’autres joies : spirituelles, intellectuelles, créatrices, qu’ils préféreront aux misérables plaisirs de nos jours. Tout le sens, toute la véritable justification de l’évolution humaine, de cette civilisation tortueuse et dénaturée, consiste en ce que l’homme s’éloigne, à l’aide de son génie créateur, de l’existence et des joies animales, pour s’approcher, ̶ après avoir traversé l’ère pénible de la demi-civilisation que nous subissons en ce moment, ̶ de la vraie civilisation humaine : d’une existence qui rendra possible, pour tout homme, les insondables, les intarissables joies spirituelles ; les délices intellectuelles, la création illimitée, non sans posséder, en même temps, une santé parfaite et robuste, un corps sain, harmonieux, beau, bien que transformé. C’est pour cette raison qu’il faut certainement préférer à la bonne faim naturelle de l’homme primitif l’absence éventuelle de toute faim chez l’homme futur civilisé. C’est pour cette raison qu’en dépit des horreurs de la « civilisation » moderne, il faut, non pas reculer, non pas « retourner à la nature », mais toujours foncer en avant.



Très intéressante est, justement, l’étude du rôle social de la faim. (La faim comme facteur social. La faim comme problème sociologique.)

Quelle est la portée historique et sociale de la faim, c’est-à-dire de la nécessité imposée par la nature à l’homme, comme aux autres animaux, de se nourrir pour vivre et, par conséquent, de se procurer les aliments indispensables ? Quelle serait la juste appréciation de ce fait ? Cette nécessité est-elle un facteur positif, progressif ou, au contraire, négatif et régressif ? La faim attache-t-elle l’homme aux autres animaux, dans ce sens qu’elle l’empêche de s’en détacher définitivement et de réaliser entièrement son évolution véritablement humaine : spirituelle, intellectuelle, créatrice ? Ou, au contraire, est-ce précisément la faim qui, au fond, engendre et pousse le progrès humain ? Ainsi se pose le problème. Il est clair que sa solution s’entrelace avec celle de beaucoup d’autres problèmes importants (de celui, par exemple, si la science devra modifier, peut-être même supprimer, la nécessité en question ; de celui encore, si le véritable épanouissement de l’humanité est possible tant qu’existe cette nécessité ; de celui des autres forces motrices du progrès, en dehors de la faim, etc., etc…). Il est clair aussi que la solution du problème est intimement liée à la conception de l’Évolution et du Progrès. (Voir ces mots.)

L’opinion courante est que l’évolution de l’homme et la civilisation de la société humaine sont, au fond, les résultats de la nécessité pressante de satisfaire les premiers besoins matériels et des moyens dont l’homme disposait pour y faire face. La faim tenant une place honorable parmi ces besoins, elle serait donc l’un des facteurs principaux du progrès.

D’après cette conception, ce fut la faim, la nécessité de la satisfaire, qui, la première, poussa les humains à s’unir, à se grouper, à former des sociétés, à s’organiser. Car, tout seul, avec ses faibles moyens physiques, l’individu isolé ne pouvait guère se rendre maître de ces nécessités.

Ce fut la faim, aussi, qui, de pair avec d’autres besoins primordiaux, amena les premières découvertes et inventions, fit poser les premières pierres du progrès technique et scientifique.

C’est la faim, et les autres besoins matériels, qu’on trouve à la base de tout le progrès humain.

Personnellement, je ne suis pas de cet avis. Je conçois tout autrement l’évolution humaine. Je pense que les forces motrices du progrès de l’homme gisent ailleurs que dans les besoins matériels. Je pense que la faim et les autres nécessités matérielles héritées par l’homme des animaux, tout en lui prêtant l’occasion, à l’aube de son évolution, d’appliquer et de développer ses capacités (qui, théoriquement parlant, auraient pu s’éveiller, s’appliquer et se développer dans d’autres conditions également), devinrent rapidement, au contraire, des entraves à son progrès et restent telles jusqu’à présent. Je pense que le, véritable progrès humain ne commencera que lorsque la science deviendra maîtresse complète de ces besoins et les réduira, pour ainsi dire, à néant.

L’analyse à fond de cette question dépasserait les cadres du présent sujet. Je me bornerai donc à quelques considérations rapides seulement.

1° Il n’y a pas que l’homme qui fut poussé, par les besoins matériels, à s’unir, à se grouper, à former des sociétés, à s’organiser. D’autres animaux le furent aussi. Cependant, ces animaux restent, au cours des millions d’années, sur le même niveau d’existence. Seul l’homme connaît le progrès historique. Conclusion : les besoins matériels seuls ne suffisent pas pour expliquer ce progrès. Il doit y avoir quelque chose de plus profond, des facteurs spéciaux, n’existant pas chez les autres animaux.

2° L’existence des autres animaux se borne à la tâche de satisfaire leurs besoins matériels, la faim surtout, tels qu’ils sont, sans chercher à les modifier en quoi que ce soit. Or, le progrès humain consiste, précisément, à s’en débarrasser, c’est-à-dire à pouvoir les satisfaire avec le moins de temps et d’efforts possible : preuve indirecte de ce que ce progrès n’est pas poussé par eux, et qu’ils n’expliquent nullement la civilisation humaine.

3° L’histoire de l’humanité fournit aussi pas mal de preuves directes de ce que l’activité et l’évolution humaines ont d’autres mobiles plus puissants et profonds que la satisfaction des besoins matériels, et que l’effet de ces mobiles se trouve, précisément, entravé par la nécessité de vaquer aux besoins d’ordre matériel.

4° Tout en pouvant être considérée comme une impulsion progressive au début de l’évolution humaine, la faim a joué, incontestablement, un rôle régressif aux époques ultérieures. À l’ère actuelle, c’est elle qui, au fond, accule les masses à l’esclavage et permet de les maintenir sous le joug épouvantable du système d’exploitation capitaliste. Elle est aujourd’hui l’ennemie de l’émancipation, du progrès, de l’évolution.

Donc, le rôle social de la faim varie au cours de l’histoire. Et l’on peut même prévoir l’heure où il deviendra nul. (C’est alors que commencera, à mon avis, la véritable évolution humaine.) Ceci prouve que, dans l’ensemble du processus d’évolution, ce rôle est secondaire, passager, et, pour ainsi dire, accidentel. Les facteurs primordiaux fondamentaux de cette évolution sont d’un tout autre domaine. ̶ Voline.

FAIM. « La faim est la honte des hontes pour une société. » (E. Bergerat.)

La faim est un besoin de nourriture qui se manifeste généralement par l’envie que l’on éprouve de manger ; c’est la misère et la privation de nourriture qu’elle impose, la souffrance qui en résulte.

« Il n’y a pas de nécessité plus impérieuse que la faim. » (Homère.)

Lorsque, par des titillations dans la région de l’estomac, l’être éprouve le besoin de manger, c’est-à-dire lorsqu’il a faim, il ressent un certain charme que crée ce désir ; mais celui-ci peut devenir bientôt douloureux, être plus ou moins aigu et occasionner, alors, un affaiblissement général, lorsque ce besoin n’est pas satisfait à temps ; dès que l’individu a ingéré quelques aliments, tout cesse et redevient normal.

Ce sont les tissus du corps devenus pauvres en matières nutritives qui provoquent le système nerveux, qui, en éprouvant le contre-coup, traduit généralement ce phénomène par une sensation que l’on a appelée la faim.

La faim peut varier d’intensité suivant l’âge, le sexe, le tempérament, le climat, etc., etc…

L’on doit se garder de confondre le mot faim avec celui d’appétit, qui semblent l’un et l’autre désigner à première vue une même sensation qui nous porte à manger.

La faim semble indiquer un besoin que l’on éprouve, par suite, d’une longue abstinence ou de toute autre cause, tandis que l’appétit semble être plus en rapport avec le goût, le plaisir que l’on va éprouver en songeant aux aliments qu’on se propose de prendre.

Ces deux sensations qui paraissent se trouver réunies dans la plupart des cas peuvent exister l’une sans l’autre.

La faim est plus vorace ; l’appétit, plus patient et plus délicat.

La faim indique donc un besoin physiologique plus ou moins urgent, tandis que l’appétit reste Une impression périphérique sensuelle que provoque ordinairement la vue, l’odorat ou parfois même le souvenir des mets savoureux.

Certains physiologistes attribuent la faim au froncement de l’estomac, à la pression ou au frottement de sa tunique interne, à la lassitude de ses fibres musculaires contractées durant de trop longues heures, à la compression de ses nerfs, au tiraillement du diaphragme ou à l’action des sucs gastriques sur les parois qui les contiennent.

Ce sont des hypothèses ; rien n’a encore permis de conclure des lésions multiples que revêtent les êtres qui meurent de faim, ou plutôt d’inanition.

Généralement, la faim se manifeste chez l’individu lorsque la perte de poids du corps atteint 500 à 600 gr. environ, poids dans lequel il ne faut pas comprendre l’urine et les excréments expulsés par les voies naturelles.

Contrairement à ce qu’on pourrait supposer, la faim n’est pas localisée au seul organe : l’estomac ; c’est une sensation générale. C’est ainsi que certains poisons du système nerveux (opium, nicotine, liqueurs) peuvent la diminuer, de même que les infections ou les fièvres la supprimer.

Dans certains cas de diabète, par exemple, la faim peut devenir tout au contraire exagérée (boulimie).

Deux ou trois fois en vingt-quatre heures, la faim se fait sentir chez l’adulte en bonne santé ; chez les enfants, les adolescents et les convalescents, elle peut se montrer plus souvent ; chez les vieillards et les individus sédentaires et surmenés, beaucoup moins.

Certains animaux qui absorbent des aliments peu réparateurs, tels les lapins, mangent constamment.

Si, par l’absorption de matières alimentaires, on peut calmer la faim, il ne faut pas en conclure que le résultat cherché est obtenu, car on ne fournit pas toujours aux tissus les aliments nutritifs nécessaires à leur entretien et à leur réparation.

L’appareil digestif des jeunes enfants, si délicat parfois, ne peut pas toujours incorporer les aliments que nous leur donnons ; le résultat que nous désirons n’est donc pas atteint ; de même que les individus qui souffrent de faim chronique, tout en absorbant tout ce qu’ils trouvent, finissent cependant par mourir quand même.

Ces phénomènes, dits fréquemment d’inanition, se déroulent plus ou moins rapidement. Lorsque la faim est poussée à l’extrême, elle amène parfois la mort ; prolongée longuement, elle ralentit la respiration, la circulation, et occasionne des dérangements parfois très graves des facultés intellectuelles.

Quant aux perversions de la faim, bien distinctes des perversions de l’appétit, elles rendent les sensations douloureuses, déterminent un trouble cérébral profond qu’on dénomme faim angoissante ou phobique.

Sous le nom de faim canine on désigne les diverses altérations maladives de la faim : polyphagie, boulimie, cynorexie, anorexie, dysorexie, qui, le plus souvent, sont liées à des affections nerveuses des organes digestifs.

On n’arrête pas le murmure
Du peuple quand il dit : j’ai faim.
Car c’est le cri de la nature :
     Il faut du pain !

P. Dupont.

Au sens figuré, le mot faim désigne ordinairement un désir ardent, une ambition, une ardeur de jouir de quelque chose ou de posséder cette chose.

C’est ainsi qu’on peut avoir faim de gloire, de richesses ou d’honneurs.

La faim, roman du grand écrivain norvégien Knut Hamsun, qui est un chef-d’œuvre.

Knut Hamsun y a dépeint les souffrances physiologiques d’un être en proie aux affres de la faim.

L’analyse y est donnée avec toute la pénétration, toute l’acuité qui font l’originalité même de l’œuvre entière de Knut Hamsun.

« Et maintenant, j’avais faim, je sentais mes boyaux se tordre comme des serpents ; et, je le prévoyais, il n’était pas écrit que je dusse manger ce jour-là. »

Cette étude faite sur soi-même, en quelque sorte, car comme « le héros » de son livre, Knut Hamsun a connu les souffrances psychologiques et physiologiques de la faim, est extraordinairement aiguë et intense et rappelle par plus d’un point une autre grande figure littéraire : Dostoïevski. ̶ Hem Day.

FAIM (Grève de la). — Action qui consiste à refuser de prendre toute nourriture. La grève de la faim est l’ultime moyen de protestation employé généralement par les prisonniers d’État pour mettre fin à un cas d’arbitraire dont ils sont victimes ou pour attirer l’attention des pouvoirs publics sur un objet digne d’intérêt.

C’est surtout avant la guerre, dans les prisons russes, et plus particulièrement aux heures tragiques qui succédèrent à la révolution de 1905 que les révolutionnaires détenus dans les geôles tsaristes employèrent ce moyen pour attirer l’attention du monde civilisé sur la cruauté du régime pénitentiaire qui leur était infligé. Depuis, tous les pays ont eu leurs grévistes de la faim, car tous les pays traversent, à certaines époques, des périodes de réaction durant lesquelles les prisonniers politiques ont de nombreuses raisons de protester.

Un cas de grève de la faim qui mérite d’être particulièrement signalé, est celui du maire de Cork, Mac Swiney, qui se laissa mourir de faim pour protester contre la tyrannie britannique qui s’exerçait en Irlande et contre l’emprisonnement et l’exécution de milliers d’Irlandais.

Le sacrifice de cet homme courageux et généreux, les pétitions signées en sa faveur par des milliers et des milliers d’individus appartenant il toutes les classes sociales, la réprobation unanime de tout le monde civilisé contre le despotisme exercé en Irlande par l’Angleterre n’apitoyèrent pas les dirigeants de la perfide Albion, qui laissèrent s’éteindre, après deux mois de souffrances, ce héros de la cause irlandaise. Le sacrifice du maire de Cork ne fut pas inutile. Si le peuple irlandais n’a pas encore conquis son entière liberté, son régime s’est cependant amélioré, et c’est, dans une certaine mesure, au sacrifice d’individualités comme celles de Mac Swiney qu’il le doit.

En France, pays démocratique par excellence, la grève de la faim fut employée à plusieurs reprise ; pour faire respecter des droits acquis par les usages et les coutumes. C’est à cette action que les « détenus politiques » doivent le bénéfice d’un régime spécial ̶ plus supportable que celui du droit commun ̶ qui fut supprimé durant la guerre et rétabli à la suite de la grève de la faim faite par un petit nombre d’anarchistes détenus à la prison de la Santé.

Bien que la grève de la faim n’ait que rarement une issue fatale pour celui qui la fait, elle nécessite un véritable courage et une réelle volonté. Les affres de la faim sont terribles, surtout lorsque, sans obligation, on se refuse à toute nourriture. D’autre part, ce n’est pas sans déclencher une révolution dans l’organisme que l’on reste plusieurs jours sans manger et ceux qui se livrèrent à cette protestation restèrent parfois toute leur vie sans pouvoir définitivement se rétablir.

Conséquemment, la grève de la faim ne doit être faite que lorsqu’il n’y a aucun autre moyen d’aboutir à un résultat ; mais celui qui la commence doit bien réfléchir auparavant, et sans fléchir aller jusqu’au bout de sa protestation.

N’est-il pas terrible de songer qu’au vingtième siècle des hommes soient contraints de se mutiler pour obtenir ce qui leur est dû légalement, et cela dans la France républicaine ? Eh non, il ne faut pas s’en étonné, quelle que soit la forme de gouvernement qui dirige la chose publique, tant que le capital subsistera, il y aura des parlementaires, des magistrats et des prisons et derrière les murs de ces prisons des hommes qui feront la grève de la faim pour s’élever contre l’injustice des lois et la tyrannie des puissants.


FAKIR ou FAQUIR n. m. (de l’arabe fakara, pauvre). Les Faquirs sont des ascètes musulmans qui se divisent en deux classes : les réguliers et les irréguliers. Les premiers, les ba-char appartiennent à un ordre et observent rigoureusement les règlements de cet ordre ; les seconds sont les bi-char. En Perse, en Turquie et dans le nord de l’Afrique, les fakirs sont désignés sous le nom de derviches. C’est surtout les ascètes hindous que l’on nomme faquirs.

Le costume des fakirs se compose d’un manteau de feutre blanc ou noir et d’une coiffure également en feutre. Leur existence est purement contemplative et ils ne vivent que d’aumônes. Pour les soutenir durant leurs contemplations, ils sont toujours munis d’une béquille en bois ou en fer sur laquelle ils reposent la tête ou le coude. Leur matériel se complète par une baguette en bois terminée par une main et qui leur sert à se gratter, car ils sont d’une crasse remarquable.

Pour mériter une félicité éternelle, les fakirs soumettent leurs corps à certaines pratiques cruelles et douloureuses. Ils restent parfois de nombreux jours sans manger et des nuits sans dormir, répétant sans cesse ces mots : Lâ ilâha illâ allah (Il n’y a d’autre Dieu qu’Allah). En un mot, ce sont des fanatiques, des fous, qui, malheureusement exercent encore une puissante influence en Orient, car les Musulmans ont pour eux une grande admiration.