Encyclopédie anarchiste/Chatelet - Classes

Collectif
Texte établi par Sébastien FaureLa Librairie internationale (tome 1p. 329-341).


CHATELET (LE). n. m. Un des deux édifices où, autrefois, se rendait la justice royale de la Ville de Paris. Il y avait le grand et le petit Châtelet. Le grand Châtelet semble avoir été bâti sous le règne de Louis le Gros ; mais en 1657 les bâtiments tombaient en ruine et un ordre du roi arrêta que le tribunal qui y siégeait irait, durant les réparations, s’établir dans le Couvent des Grands Augustins. Pendant un an les moines résistèrent à l’Édit royal et aux arrêts du Parlement et ce n’est que par la force qu’ils furent expulsés. En 1864 on ajouta de nouveaux bâtiments aux anciens et avant la grande révolution il ne restait plus quelques vieilles tours entièrement désaffectées. En 1802 il fut complètement démoli. Les prisons du Châtelet se divisaient d’abord en neuf parties puis en quinze, dont les noms seuls évoquent la barbarie et la terreur. On s’imagine ce que devaient souffrir les malheureux emprisonnés dans les cachots dénommés : « Les Chaînes », « La Barbarie », « La Boucherie », « Les Oubliettes ». Dans un de ces cachots appelés « La Fosse », il paraît que l’on faisait descendre les prisonniers par un trou pratiqué dans le souterrain au moyen d’une poulie, comme un seau dans un puits. Dans un autre cachot, appelé Chausses d’Hypocras, les prisonniers avaient les pieds dans l’eau, et ne pouvaient rester ni debout ni couchés. Le cachot désigné sous le nom de Fin d’Aises était plein d’ordures et de reptiles. (Lachâtre).

Le petit comme le grand Châtelet fut le théâtre de scènes de carnage. En 1418, ses prisonniers furent massacrés par les Bourguignons. Ils tentèrent de se défendre à coup de pierres et de tuiles ; mais les assaillants les précipitèrent par les fenêtres et les malheureux prisonniers étaient reçus sur les pointes des piques. Par la suite, et jusqu’à la Révolution, le Châtelet devint le siège de la prévôté, institution qui jugeait en premier ressort les causes civiles des personnes attachées à la Cour du roi. Il ne subsiste plus rien aujourd’hui de cette construction hideuse dans laquelle s’accomplit tant de meurtres et de crimes. Hélas, si le Châtelet a disparu, comme la Bastille, d’autres châtelets et d’autres bastilles ont été construits et la souffrance humaine se perpétue à l’ombre des chambres de torture, qu’ignorent volontairement les grands de ce monde. C’est au peuple qu’il appartient, en transformant la société, de raser toutes les prisons, tous les bagnes qui ne sont que des Châtelets modernes, dans lesquels le capital et le Gouvernement détiennent ceux qui se révoltent contre l’Ordre établi.


CHAUVINISME. n. m. Sentiment belliqueux, qui a pour base le culte fanatisé de la patrie. Le chauvinisme est l’exagération du patriotisme. De par son caractère et son esprit, le chauvinisme est une source de douleurs et de souffrances. Il donne naissance à tous les abus nationaux, et provoque par son aveuglement les plus horribles boucheries. Il se fait remarquer par ses pratiques stupides et son admiration pour tout ce qui a trait à la force brutale du militarisme, et son amour impondéré de la guerre. Aveugle et inconscient, le chauvinisme sacrifie tout à l’idée de patrie. Le droit, la liberté, la justice, ne sont que des mots pour le chauvin ; il se refuse à tout examen, à toute raison, à toute logique, et entraînerait son pays à la ruine, pour satisfaire le fanatisme de ses sentiments. Pourtant, si au nom de l’idée patriotique, le chauvinisme exalte les populations et les entraîne sur les champs de bataille, la plupart des chauvins ne se signalent pas par leur courage et s’ils envoient les autres se faire tuer pour défendre la « Nation menacée », ils se gardent bien de participer à la tuerie. On peut donc dire, que le chauvinisme n’est pas seulement un sentiment belliqueux qui éloigne l’ère de la paix, mais qu’il est également un sentiment intéressé, qui anime ceux qui ont intérêt aux grandes conflagrations humaines, et recherchent dans les hécatombes une source de revenus et de richesse. Ce sentiment est maintenu vivace par toute la caste des hobereaux et de militaires de métiers ayant intérêt à ne pas voir s’éteindre le feu ardent du patriotisme, qui leur permet de poursuivre leur vie d’inutiles et d’oisifs. Ce sentiment ne subsiste et n’exerce ses ravages que grâce à la bêtise, l’ignorance et la lâcheté des populations. Il disparaîtra avec les sociétés qui lui ont donné le jour.


CHÈRE (La vie). La vie chère est un phénomène d’ordre économique, inhérent à l’ordre capitaliste, qui est caractérisé par une hausse de toutes les choses nécessaires à la vie et généralement, par une diminution de la capacité d’achat du consommateur.

Il y a le plus souvent à l’origine d’une crise de vie chère persistante, une guerre, un conflit social important, une situation économique et financière difficile. Très souvent encore, tous ces facteurs se trouvent réunis. C’est ce qui donne à la crise toute son acuité en même temps que la durée s’en trouve prolongée.

Il ne faut pas seulement mesurer l’étendue, la valeur chiffrée de la vie chère en se basant exclusivement sur le prix des denrées, des vêtements, du chauffage, etc…

Trois facteurs entrent en jeu pour évaluer la vie chère. Ce sont : le salaire nominal, l’indice du coût de la vie et le salaire réel.

On peut en effet toucher un salaire nominal très élevé par rapport à l’indice de base d’avant la crise, exprimé généralement par le chiffre 100, et n’avoir qu’un salaire réel, c’est-à-dire un pouvoir d’achat, très limité, si l’indice du coût de la vie est supérieur de beaucoup à celui du salaire. Nous le verrons tout à l’heure par des tableaux statistiques et des exemples concrets.

En période normale, avant la guerre de 1914/1918, la vie était stabilisée, en raison d’une longue période de prospérité économique et de paix.

Et, à peu près dans tous les pays, le coût en était identique.

Un facteur qui, en ce moment, joue un grand rôle, a détruit cet équilibre : c’est le change. Alors qu’avant guerre la valeur réelle de l’étalon monétaire était au pair, c’est-à-dire égale à l’unité de même valeur des autres pays, il n’en est plus de même aujourd’hui. La fluctuation continue des changes, les écarts existant entre la valeur réelle et la valeur nominale des étalons monétaires à rompu l’équilibre d’autrefois.

Immédiatement la dévalorisation de la monnaie à change bas a amené une augmentation du coût de la vie qui a, surtout au début, porté sur les produits importés, les denrées coloniales, achetés sur les marchés des pays à change élevé. Tout naturellement, les produits indigènes ont suivi la hausse et, insensiblement, ont atteint les prix des produits exotiques ou étrangers importés.

Parallèlement à cette crise des changes s’est tout naturellement développée l’inflation fiduciaire.

A mesure que le nombre des billets croissait, le pouvoir d’achat du consommateur diminuait, parce que la valeur du salaire réel ne suivait pas la courbe ascendante du coût de la vie. La vie déjà chère par le prix des denrées, du chauffage, du vêtement, de l’éclairage, devenait plus chère encore, parce que le pouvoir d’achat, du consommateur était diminué, parce que son salaire réel ne correspondait plus au coût de la vie en constante élévation.

Ce sont là les causes essentielles de la vie chère. Il y en a d’autres et de nombreuses : la spéculation, la sous-production d’objets nécessaires, la surproduction des objets dont la fabrication est supérieure aux besoins, l’impossibilité d’achat à l’étranger par suite du change déprécié et le remplacement des productions étrangères par l’installation d’industries non adéquates au pays qui veut néanmoins se suffire à lui-même, le protectionnisme, les impôts.

La spéculation. — Au moment des grands conflits armés, des grandes crises sociales, les spéculateurs, la nuée de leurs courtiers, de leurs intermédiaires, de leurs raccoleurs, sont à l’affût. Dès qu’ils sentent de gros besoins, de grosses demandes d’une marchandise quelconque, ils se dépêchent de la rafler, de la stocker ou de l’acheter à terme chez le producteur ou le fabricant. En un clin d’œil toute la production est achetée et, généralement, par quelques individus seulement. Ceux-ci ont beau jeu pour ne la revendre qu’au prix qu’ils veulent et quand ils veulent. Il va sans dire que, les besoins étant supérieurs aux offres, le produit ou la marchandise subissent une forte hausse, et c’est presque toujours sur le cours supérieur, que se stabilisera, pour un temps, le prix à venir de ce produit ou de cette marchandise, avant de préparer le prix à une opération spéculative ou un coup de Bourse, ce qui revient au même.

Lorsque nous avons traité l’accaparement, nous avons aussi démontré, comment par le jeu de la resserre, de la cessation d’envoi, les mandataires aux Halles provoquaient la hausse des denrées de première nécessité et périssables. C’est encore une forme de la spéculation à la hausse.

La spéculation, en temps normal ne réussit pas toujours et souvent des groupes rivaux provoquent des baisses qui, en quelques jours, ruinent leurs concurrents non prévenus ou moins forts, moins soutenus par les Banques. Une spéculation à la baisse reste presque sans influence sur les cours du détail. Elle reste aussi inconnue au consommateur qui ne peut en bénéficier ; souvent encore elle n’est que le prélude d’une spéculation à la hausse lorsque la concurrence est supprimée et, alors, le consommateur connaît la hausse chez le détaillant, s’il n’a pu bénéficier de la baisse.

Comme on le voit, ce sont là des opérations assez compliquées, mais courantes. La spéculation est sans nul doute le principal facteur normal de la vie chère.

Sous-production d’objets nécessaires et surproduction des objets dont la fabrication est supérieure aux besoins. — Comme nous l’indiquons en traitant du chômage, la production est organisée non pas en vue de la satisfaction des besoins mais, au contraire, pour la réalisation des profits. Il en découle, forcément, que des productions utiles mais peu rémunératrices, sont délaissées au profit de productions moins utiles mais plus avantageuses ; que des produits, denrées, cultures diverses, indispensables pourtant, ne sollicitent pas l’effort, tandis que d’autres, moins nécessaires mais d’un meilleur rapport sont poussés au-delà des besoins.

Il est de toute évidence que les produits dont l’utilité, la demande est supérieure à l’offre, à la production sont vendus, même sans spéculation, à un prix supérieur à leur valeur réelle et provoquent ainsi une hausse partielle du coût de la vie. Si on considère que nombreux sont les produits et denrées pour lesquels il en est ainsi, on concevra facilement que cette organisation capitaliste de la production soit un facteur sensible de vie chère.

La contrepartie n’existe d’ailleurs pas pour les produits dont la production est supérieure aux besoins. Le développement de ces besoins d’une part, la spéculation, la destruction ou le stockage d’autre part, permettent aisément aux détenteurs, spéculateurs et intermédiaires de fixer le cours qu’ils veulent. Ainsi l’abondance du vin, depuis la guerre, en France, n’a pas fait baisser le prix de cette marchandise. Elle a tout simplement suivi le cours général des autres marchandises et, le consommateur n’a pas bénéficié, le moins du monde de cet excédent réel de production. Il a consommé davantage et c’est tout.

Impossibilité d’achat à l’étranger en raison de la dépréciation du change et installation d’industries de remplacement non adéquates au pays. — La dépréciation trop considérable de la monnaie d’un pays ne permet plus à ce dernier de s’approvisionner en denrées coloniales, en produits étrangers dans les pays à change haut.

Conséquemment, il doit chercher, dans la mesure du possible à vivre sur lui-même. Pour cela, il est obligé de créer de toutes pièces des industries de remplacement pour lesquelles il n’est pas outillé, pas préparé ni approvisionné en matière première.

En produisant des « ersatz », des objets ou marchandises qui lui font défaut, ou en s’approvisionnant en matières premières au lieu des produits finis, il arrive parfois à se suffire ou à peu près. Mais toutes ces installations, tous ces achats, faits, il est vrai, en monnaie du pays, n’en coûtent pas moins très chers et provoquent une augmentation du coût de la vie.

Le protectionnisme. — En protégeant, et souvent d’une façon extrêmement outrancière, les produits ou l’industrie du pays, les dirigeants obligent la population de ce pays à vivre sur ses ressources ; s’il arrive que la récolte ou la production soient déficitaires et qu’il faille acheter au dehors, le prix de la marchandise importée subit une hausse correspondante à l’importance de l’achat extérieur.

En outre, le cours de la marchandise du pays, dont la parité s’établit sur le cours extérieur, subit une hausse de même importance.

Parfois les gouvernements baissent bien les droits de douane pour la marchandise nécessaire, mais le vendeur, par représailles, tenant compte du droit normal, majore d’autant le prix initial. Enfin, la spéculation, agissant extérieurement et intérieurement, pousse à la hausse en tenant la dragée haute aux acheteurs directs, aux détaillants et ceux-ci, par répercussion, aux consommateurs.

Le protectionnisme est donc une cause certaine d’augmentation du coût de la vie et les droits prohibitifs dont sont frappés marchandises et produits retombent en fait sur le consommateur. Seuls le commerce et l’industrie du pays protégé en bénéficient, puisque toute concurrence extérieure devient impossible.

Les impôts. — Les impôts divers : chiffre d’affaires, taxe de soi-disant luxe et surtout les impôts indirects, droits d’octroi, etc., sont aussi une cause permanente de vie chère. Rentrant dans les frais généraux des exploitants, fabricants, industriels et commerçants pour leur valeur réelle, ils sont majorés, plusieurs fois leur valeur et, en définitive, payés entièrement par le consommateur.

L’annonce de nouveaux impôts donne toujours lieu à une augmentation sensible du coût de la vie. Pour peu que les choses traînent en longueur, que le Parlement discute quelques mois de la nouvelle taxe, on peut-être certain que le consommateur subira trois ou quatre augmentations sur denrées, loyers, etc., etc., ce qui ne l’empêchera pas, au vote de la loi ou à la mise en vigueur du décret. de subir l’augmentation majorée comme il convient et cela parait normal aux vendeurs. Hélas ! le commerce comme la propriété, c’est bien le vol, a dit Proudhon !

Il y a enfin des causes locales ou régionales d’augmentation du coût de la vie. L’affluence de la troupe, le gros mouvement des affaires, les situations spéciales occupées par les stations balnéaires ou climatériques, la présence dans une localité d’une industrie neuve à gros bénéfices, payant de hauts salaires sont autant de causes de vie chère.

Le calcul du salaire réel ou pouvoir d’achat s’obtient de la façon suivante : nombre indice du salaire réel ; nombre indice du salaire nominal x 100 ; nombre indice du coût de la vie ce qui veut dire que le salaire réel s’obtient en divisant le nombre indice du salaire nominal multiplié par 100 (indice général de 1914), par le nombre indice du coût de la vie.


Statistiques indiquant : Le salaire nominal, le coût de la vie et le salaire réel des principaux pays


NOTA. — Ces chiffres sent ceux publiés par les services officiels des différents pays. Nous ne pouvons les contrôler en raison de l’absence de statistiques dressées par la classe ouvrière de chaque pays — ce sont des chiffres moyens pris par corporation. Ils s’appliquent à la métallurgie.


Statistique particulière à l’Allemagne pendant la grande crise économique et financière de 1922



Statistique particulière à l’Autriche pendant la grande crise économique et financière de Juin 1920 à Décembre 1922.




On remarquera par l’examen des tableaux ci-dessus, que le pouvoir d’achat on salaire réel a diminué, se trouve au-dessous de celui de 1914, pour l’Angleterre, la Belgique, les États-Unis et l’Italie, c’est-à-dire que sauf les neutres : Suède, Danemark, Norvège, Pays-Bas, tous les pays ayant participé à la guerre sont affectés par la vie chère et que le pouvoir d’achat, du consommateur y a sensiblement diminué, ce qui corrobore pleinement notre expose objectif du début.

En ce qui concerne l’Allemagne, l’Autriche et l’Italie, atteintes par des crises économique et financière, on remarquera de quelle façon a agi sur le salaire réel, la debâcle financière de ces pays, ce qui confirme egalement ce que nous affirmons.

Enfin, et bien que le gouvernement français s’abstienne soigneusement de nous renseigner, nous savons que la baisse du franc, l’inflation qui suivit, portèrent le coût de la vie a 470 alors que les salaires atteignent 380, ce qui ramène le salaire réel ou pouvoir d’achat du producteur — consommateur français a 89 % de sa valeur de 1914.

Les remèdes à une telle situation sont presque nuls ou empiriques. Les mesures gouvernementales contre la vie chêre restent sans effet. Il ne pourrait y avoir qu’un palliatif — nous disons bien : palliatif — le développement des coopératives de consommation afin de « régulariser » le marché dans une certaines mesure. Ce remède ne pourrait être efficace que si ces coopératives pouvaient se soustraire à la pression des spéculateurs en s’approvisionnant directement dans des coopératives de production et chez le producteur libéré des spéculateurs.

Nous ne sommes pas près d’en être là. Le capitalisme ne permettra d’ailleurs jamais que nous atteignions ce stade qui marquerait la fin de son rôle. Ce n’est que par la transformation du système social qu’on pourra efficacement porter remède à un tel mal. — Pierre Besnard.


CHIMIE. — Voir Sciences naturelles.


CHÔMAGE. n. m. Le chômage est la période pendant laquelle une Industrie est momentanément arrêtée. Le chomage peut être partiel ou total, local, national. Il se peut aussi qu’une usine, un atelier, une entreprise, une exploitation ne marchent qu’au « ralenti ». Ce moyen est souvent employé pour ne pas créer des troubles. Dans ce cas les ouvriers ne font plus qu’un certain nombre d’heures par jour et parfois par roulement, ne travaillant que quelques jours par semaines. Le chômage, c’est donc pour l’ouvrier, l’arrêt forcé du travail. Le chômage tient à des causes multiples : incapacité du capitalisme d’organiser la production d’une façon rationnelle, limitation du capital-argent, mauvaise répartition des matières premières, spéculations sur celles-ci et sur les produits, afflux de main-d’œuvre sur un point donné par voie d’immigration organisée par le patronat, fabrication intense de produits spéciaux et nouveaux dont l’offre arrive à dépasser la demande, sous-production des objets utiles, journées trop longues. Telles sont les causes générales et principales qui engendrent le chômage sous toutes ses formes et à toutes les époques.

Il convient cependant, dans les temps actuels d’y ajouter celles qui résultent de l’instabilité du change des monnaies, des écarts considérables qui existent entre ces changes et rendent presque impossible l’approvisionnement, en matières et en produits, des pays à change bas dans les pays à change élevé.

Cette crise des changes a produit après la guerre de 1914/18 un chômage intense en Angleterre et en Amérique, où des stocks de charbon, de fer, d’acier, de produits de toutes sortes restent inemployés et ne trouvent pas acquéreurs chez les acheteurs habituels trop appauvris.

Il y a enfin le protectionnisme qui joue, lui aussi, son rôle qui est considérable. Le protectionnisme va, en effet, en général à l’encontre du but qu’il poursuit. Une industrie protégée est enfermée dans le cadre national. Si des tarifs prohibitifs ferment en effet les frontières douanières aux produits étrangers, les pays qui se trouvent lésés dans leurs exportations et leur développement industriel usent de réciprocité en établissant des tarifs qui empêchent dans une très large mesure les produits de la nation protectionniste, d’entrer chez eux.

Bien entendu au bout de peu de temps les marchés nationaux sont engorgés, encombrés, l’offre reste sans demande et le chômage sévit dans cette industrie protégée.

Il y a encore, surtout en ce moment, en cette période de transformation du machinisme et de la technique, des chômages provoqués par l’utilisation beaucoup moins considérable de certains produits ou matières.

L’avènement de la vapeur a révolutionné les transports et fait disparaître sans qu’il y ait l’emploi immédiat des éléments employés en nombre d’industries ou de métiers ; celui du machinisme a eu les mêmes conséquences, parce que le déplacement industriel et agricole qui en est résulté n’a été ni réglé ni ordonné. L’application sans cesse plus considérable du pétrole et surtout de l’électricité, a produit des troubles profonds dans l’industrie minière en réduisant considérablement les besoins en charbon. L’utilisation de la houille blanche généralisée, produira des crises plus profondes encore, parce que le capitalisme est impuissant à réajuster et à réadapter les industries et les efforts humains.

Le chômage, qui atteint en Angleterre plus de 3 millions d’hommes en 1925 et frappe en Amérique un nombre presque égal d’individus, tient surtout à la crise des changes et à la sous-consommation du charbon dont l’utilisation s’est considérablement amoindrie.

Le chômage est un mal endémique en régime capitaliste. Il est la conséquence même de ce régime organisé pour la réalisation des profits au lieu de l’être en vue de satisfaire les besoins utiles.

Le chômage ne disparaîtra donc qu’avec le capitalisme lui-même. Il est facile de prévoir qu’il s’amplifiera sans cesse, à mesure que le capitalisme développera ses productions nouvelles et en raison de son impuissance à ordonner son effort industriel. Toutes les mesures prises pour l’enrayer resteront vaines.

Il serait encore plus grand, si, ne craignant pas pour la stabilité du système, le capitalisme laissait libre cours de s’exercer à la technique, à la science. Craignant d’être débordé par le progrès qui en résulterait, sachant d’avance que la ruine s’en suivrait pour nombre d’industries incapables d’évoluer assez rapidement, le capitalisme restreint, par l’argent, les recherches de la science et les applications de la technique.

Les causes du chômage sont, on le voit, extrêmement complexes et diverses. Revenons à celles qui sont essentielles et courantes, à celles qui sont exposées au début de cette étude.

1o Incapacité du capitalisme à organiser de façon rationnelle. — Le capitalisme, nous l’avons dit, dirige ses efforts en vue de profits à réaliser et non pour satisfaire les besoins utiles. Cette conception l’entraîne fatalement à surproduire dans certaines branches d’industrie et à sous produire dans d’autres.

Pendant que la surproduction, en jetant sur les marchés des quantités de matières ou de produits non utilisables, non demandés, engendre au bout de peu de temps l’arrêt de l’industrie ou des industries qui n’ont pas su limiter leur effort, la sous-production ne permet pas de satisfaire les demandes. Dans les deux cas, le chômage en résulte. Ici, afflux de main-d’œuvre, là, moins de main-d’œuvre, mais cessation de l’effort. Dans les deux cas, c’est le chômage pour l’ouvrier, l’arrêt ou la marche ralentie de l’industrie qui l’emploie.

Si l’effort capitaliste devait — et ce ne peut pas être — avoir pour but de satisfaire les besoins collectifs, il en irait tout autrement. La limitation de la production dans tous les domaines à la satisfaction des besoins, la stabilisation des marchés sur des bases statistiques solides, rendrait impossibles toute surproduction et sous-production. Ce serait ainsi qu’on verrait la fin du chômage. Seuls les ouvriers, par leurs syndicats, sont capables d’organiser la production sur ces bases parce qu’ils auront au préalable, fait disparaître l’intérêt particulier et donné naissance au véritable intérêt collectif.

2o Limitation du capital-argent. — Par la limitation des ressources dont il dispose chaque année, ressources qui sont déterminées par le volume des transactions avec bénéfices réalisés dans le cours de l’année précédente, le capitalisme, par son caractère individualiste, est obligé de limiter la production, les frais de celle-ci au chiffre de ses ressources.

Bien souvent, des besoins accrus, des bénéfices possibles seraient ou satisfaits ou réalisés par voie de développement si les industriels et les commerçants pouvaient étendre le cercle de leurs affaires et augmenter pour cela leur production ou leurs ventes.

L’une et l’autre restent stationnaires ou régressent souvent, parce que les exploitants ne disposent pas des ressources suffisantes.

Cette limitation des ressources entraîne forcément celle des frais généraux dans lesquels les salaires entrent pour une large part. Si l’industriel a travaillé à perte, il licencie en partie le personnel qu’il emploie ou fait appel à une main-d’œuvre moins onéreuse par voie de mise à pied. C’est le chômage pour le personnel ancien.

3o Mauvaise répartition des matières premières. — L’absence totale de statistiques commerciales et industrielles fixant chaque année les besoins approximatifs de tous les pays et la quantité de matières disponibles, empêche que les industries soient approvisionnées en vue des productions nécessaires, tandis que d’autres reçoivent des quantités énormes de matières qui resteront inemployées.

Si les industries de transformation ne reçoivent pas ce que représente leur utilisation à plein rendement, c’est le chômage forcé des ouvriers dans cette industrie.

Si au contraire les industries de base, les exploitations d’extraction ont auparavant constitué des stocks et approvisionné les industries de transformation à leur pleine capacité, c’est le ralentissement chez ces exploitants et le chômage des ouvriers travaillant dans l’industrie de base.

On ne pourra remédier à cet état de choses que par la création d’offices nationaux et internationaux qui fixeront et les besoins de la consommation et le chiffre de la production. Ce n’est pas, encore, le régime capitaliste qui opérera ces redressements nécessaires à la réalisation de l’équilibre du système incriminé.

4o Spéculation sur les matières premières et les produits. — Les matières et les produits n’étant pas l’objet d’appréciations exactes dans le domaine des disponibilités et des nécessités, la répartition rationnelle des matières premières étant impossible, il va de soi que la fabrication est chaotique, comme nous venons de l’exposer ci-dessous.

Mais cette conception de l’économie, favorable aux audacieux, aux coquins de toutes nuances et de tout acabit, à tous les « corsaires » de l’industrie et du négoce, permet aux uns et aux autres de spéculer sans vergogne sur matières et produits.

Quoi de plus facile, pour les grandes Firmes, pour les Cartels et les Trusts, que d’accaparer des quantités énormes de matières premières ou de produits, qui permettent de ralentir ou d’accélérer le rythme de la production.

C’est pour les spéculateurs une question de disponibilités liquides. Les banques se chargent de résoudre facilement semblable problème qui est, pour elles, d’ordre courant.

Bien entendu, en opérant ainsi, financiers et exploitants, commerçants et usiniers se moquent parfaitement de ce que deviendront leurs ouvriers et leurs employés. Si, par exemple, la spéculation donne des bénéfices supérieurs à ceux que permet de réaliser la fabrication, ils n’hésitent pas à ralentir ou à arrêter pour un temps l’extraction, la fabrication ou l’écoulement jusqu’au moment où leurs intérêts exigent la manœuvre inverse.

C’est ainsi que des hausses fantastiques se produisent, que le coût de la vie augmente pendant que la misère croît avec l’intensification du chômage.

La spéculation est un des principaux facteurs du chômage. Elle cause des ravages terribles dans tous les domaines. Elle fait, elle aussi, partie intégrante du capitalisme. Vouloir l’abattre et laisser debout le système qui l’engendre, c’est chevaucher la chimère.

Afflux de main-d’œuvre par voie d’immigration. — Pour faire échec aux revendications des travailleurs d’une industrie, soit dans une localité, soit dans une région, le patronat n’hésite pas à faire appel à la main-d’œuvre étrangère, à organiser dans les pays pauvres et à population très dense, un courant d’émigration avec la complicité des pouvoirs publics des deux pays intéressés.

Ces travailleurs importés sont bien embauchés suivant des contrats qui, théoriquement, respectent à peu près la législation du travail du pays où on les envoie, mais dès l’arrivée des émigrés les contrats sont violés. Ni le taux des salaires, ni la durée du travail ne sont respectés. Le patronat règne en maître sur ces malheureux esclaves du travail. Ils les nourrit comme des chiens dans ses cantines infectes et les loge comme du bétail dans ses baraques, tout en les payant un prix dérisoire et en leur imposant, avec l’aide de ses tâcherons, des journées de travail très longues.

Toutes ces pratiques réduisent naturellement au chômage les ouvriers indigènes, qui ne peuvent ni ne veulent accepter un semblable traitement, qui ont une famille à élever, des besoins normaux à satisfaire.

Et c’est malheureusement la lutte entre exploités pour la bouchée de pain. Ce sont les brimades et les rixes sur les chantiers, dont le patronat exploite sans vergogne le triste résultat.

Les moyens dont dispose la classe ouvrière pour remédier au chômage sont extrêmement précaires. Ne pouvant s’associer à l’œuvre de filtrage du gouvernement, ne pouvant par esprit de classe internationaliste, s’opposer à ce qu’un travailleur soit partout chez lui, quelle que soit son origine, le prolétariat est, en quelque sorte, désarmé devant l’immigration et tout ce qui en découle.

Ce n’est que par l’établissement de rapports constants entre les différentes Centrales nationales ouvrières, par le développement d’une propagande intelligente touchant sans cesse un plus grand nombre d’individus, qu’on parviendra, dans la Société actuelle, à limiter, — mais à limiter seulement — les méfaits d’une telle utilisation des travailleurs.

Fabrication intense et exagérée de produits spéciaux et nouveaux dont l’offre dépasse la demande. — Il est, en effet, à remarquer que dès l’application d’une découverte scientifique et l’industrialisation à laquelle elle donne lieu, les ouvriers, recherchés au début, par les chefs d’industrie qui fabriquent les produits ou par les commerçants ou industriels qui les écoulent ou les emploient, se précipitent nombreux dans cette profession. Bientôt, au bout de très peu de temps, celle-ci est encombrée à un tel point que le chômage ne tarde pas à y sévir avec intensité, jusqu’au jour où une nouvelle industrie viendra utiliser la main-d’œuvre en surcroît.

Il en fut ainsi successivement dans l’industrie mécanique et électrique, dans le cycle, l’automobile, l’aviation. Il en est de même dans la sténo-dactylo par exemple.

De même que les jeunes gens veulent tous être mécaniciens en quelque chose, les jeunes filles veulent toutes être sténo-dactylos. Et l’encombrement crée le Chômage et la dépréciation du salaire.

Les patrons se gardent bien de tarir une pareille source de recrutement qui leur procure à bon compte un personnel qualifié.

Mais ce n’est là qu’un des côtés de la question. En poussant intensivement une production nouvelle, en cherchant à réaliser au plus vite de gros bénéfices, les patrons encombrent, eux aussi, rapidement le marché et, bientôt, il y a pléthore de marchandises, crise d’achat, stockage forcé, et partant, chômage jusqu’au jour où le marché se stabilise, sous la poussée des nécessités où jusqu’à ce qu’une industrie nouvelle arrête, paralyse ou ralentisse l’essor de l’industrie en question.

Bientôt à la production exagérée succède la sous-production et ce tassement ne va pas sans inconvénient pour les ouvriers qui sont employés dans cette industrie et en supportent toutes les crises et fluctuations.

Les journées trop longues. — Par principe, par routine et aussi par calcul intéressé autant que par la tactique de combat, le patron est enclin à maintenir très longue la journée de travail. Soit qu’il refuse d’évoluer et d’appliquer les découvertes mécaniques, d’en généraliser l’emploi par esprit d’économie et de routine, le patronat maintient, malgré les lois sociales, la journée de travail au-dessus de la durée légale. Cependant petit à petit, pour soutenir la concurrence, il est obligé d’utiliser les machines qui produisent davantage et plus rapidement. Mais comme il prétend utiliser aussi le matériel humain à plein rendement, il ne diminue pas, pour cela, le temps de travail. Il se, trouve qu’il s’effectue ainsi une production anormale supérieure aux besoins, qui vient à nécessiter la mise en chômage d’une partie du personnel lorsque le stockage se fait important.

Si on réduisait la longueur de la journée de travail, en utilisant au maximum le machinisme, il est incontestable que tous les bras seraient employés.

En maintenant complet ce réservoir d’hommes en chômage dans lequel, il peut puiser, tout à son aise, pour briser toutes velléités de mieux-être de la classe ouvrière, on conçoit facilement que le patronat se soit opposé, dans tous les pays, avec tant de force et de persévérance à l’application de la journée de 8 heures.

Là, comme en toutes choses, seule la force ouvrière organisée intelligemment et puissamment, pourra faire disparaître le chômage qui découle des trop longues journées de travail.

Jusqu’à ce qu’il en soit ainsi, le chômage perdurera et, avec lui, toutes les misères qui en découlent, toutes les maladies, toutes les tares sociales qui en sont les conséquences.

Il y a une autre sorte de chômage, c’est celui qui est décidé par les ouvriers soit par protestation, soit pour participer à une manifestation quelconque. Le 1er mai est un jour de chômage de ce genre. — Pierre Besnard.


CHRISTIANISME. — Voir Religion.


CITOYEN. n. m. Terme d’antiquité. Ce mot n’a jamais eu de féminin. Il n’a d’usage moderne que pour les ironistes conscients, politiciens ou non, et pour les imbéciles. Quelques bavards de réunion publique poussent la plaisanterie jusqu’à appeler leurs auditrices : citoyennes. La plaisanterie n’est pas beaucoup moins forte d’appeler citoyen n’importe quel homme d’aujourd’hui. Il arrive à tel orateur érudit de citer le mot d’Aristote : « Le citoyen se doit à l’État ».

Les pauvres gens qui font usage de l’argument d’autorité ont le droit de s’appuyer sur cette parole d’Aristote à peu près comme le naturaliste qui décrit le lézard a le droit de le comparer au plésiosaure. Le citoyen est une espèce qu’Aristote a connue mais qui est disparue depuis longtemps.

Le caractère spécifique du citoyen, c’est la participation aux fonctions de l’État. Or l’État, — nous enseignent Aristote et la pratique des anciens — a deux fonctions principales : légiférer et juger. Le citoyen, celui qui « appartient à l’État », c’est l’homme qui juge et qui fait partie de l’Assemblée législative. Un député est, pour quatre ans, un quart de citoyen : il ne juge pas et les lois qu’il vote n’ont de force que si elles sont approuvées par un autre ramassis de quarts de citoyens, le Sénat. Dans la classification que nous faisons d’après Aristote, le juge, animal supérieur, est un demi-citoyen. Quant à nous, pauvres gens, dont tout l’office social consiste à subir l’arbitraire des lois et des faiseurs de lois, et des appliqueurs de lois, Aristote constaterait en bouffonnant qu’on nous a châtrés des deux puissances du citoyen. Nous appliquer le beau titre historique, c’est proprement s’émerveiller devant la virilité des eunuques et les prier de remédier à la dépopulation de notre cher pays.

Mais, peut-être, à nous entendre nommer citoyens, le rire d’Aristote serait différent. Il se souviendrait de Diogène, allumerait sa lanterne, la promènerait devant nos visages et proclamerait qu’elle n’a éclairé que des faces d’esclaves.

Aux armes, citoyens… — Han Ryner.


CIVILISATION. n. f. La définition du mot est assez complexe, car au sens général il est employé par diverses écoles historiques et sociales de façon différente et c’est ce qui prête à confusion. La meilleure définition, malgré sa brièveté, nous semble être celle que nous empruntons à Lachatre : « Ce qui est civilisé, par opposition à la sauvagerie ». En effet, la civilisation est l’ensemble de la vie sociale, qui marque une époque d’évolution morale et de développement intellectuel et scientifique sur l’époque précédente. Elle doit être une course ininterrompue vers le progrès et une victoire constante de l’esprit sur l’égoïsme brutal qui anime trop souvent l’humanité. La civilisation est toujours relative à une époque et il faut la comprendre non pas dans le temps, mais dans son temps, et c’est ce qui explique que certaines populations, à des dates indéterminées de l’histoire ont été considérées comme les plus civilisées, alors que de nos jours elles seraient qualifiées de barbares. « L’humanité peut être comparée à un homme qui ne vieillissant jamais, ne mourant jamais, n’oubliant rien, avancerait continuellement dans la science et dans la raison » (Pascal). On peut donc dire de la civilisation, quelle est la marche en avant de l’humanité, abandonnant sur sa route les vieux préjugés néfastes à l’épanouissement de l’individu et de la collectivité, elle poursuit la réalisation du bien-être social. Son but — si toutefois la civilisation a un but — ne peut être que la fraternité, la liberté et l’égalité de tous les hommes. Tout ce qui s’oppose par les faits ou par les idées au bonheur des humains ou qui éloigne l’ère de leur libération est contraire à la civilisation.

La civilisation ne s’impose pas par la force brutale et c’est un paradoxe des temps modernes de prétendre que les nations les plus civilisées sont celles qui sont les plus fortes militairement. En vérité, l’étude et l’observation de l’évolution historique nous portent à affirmer que la plupart des civilisations passées se sont écroulées en abusant de la violence. Malheureusement, et de nos jours encore, la force a toujours triomphé dans une certaine mesure de la raison, du droit et de la logique et les civilisations furent souvent subordonnées à la brutalité et à l’ambition des hommes qui ne savaient ni maîtriser leurs instincts, ni mettre un frein à leur désir de dominer. C’est toute l’histoire de l’humanité qu’il faudrait écrire pour traiter de la civilisation ; c’est toute l’histoire des peuples et des nations qui, depuis des siècles et des siècles, nous lèguent en héritage le produit de leurs recherches et de leur savoir.

La civilisation ? C’est la Chine, aujourd’hui broyée sous les dents voraces d’un capitalisme international qui, il y a cinq mille ans, donnait déjà le jour à des savants, des philosophes, des agriculteurs, dont les connaissances n’atteignaient certes pas celles de nos savants modernes, mais qui défrichaient le terrain, permettant ainsi aux générations futures de s’acheminer vers un avenir meilleur. La, civilisation ? C’est la lumière qui, pendant trois mille ans, jaillissant de ce grand empire, par la sagesse, le travail, la courtoisie, l’austérité des mœurs de son peuple, illumina le monde, malgré les divisions régnant au sein de la nation, malgré les vices, les débordements, la licence, l’ambition des grands et des seigneurs qui, finalement, devaient avoir raison de toute cette population soumise et pacifiste. Les efforts du grand Confucius, philosophe qui chercha, 500 ans avant notre ère, à redonner à la Chine un caractère moral et sain, furent vains. La Chine, décadente, fut écrasée sous le talon de la soldatesque. Il ne reste plus rien aujourd’hui de sa civilisation ; depuis deux mille ans, la Chine fut le théâtre de bien des invasions contre lesquelles elle ne sut se défendre, car ce peuple de plusieurs centaines de millions d’individus, qui pourrait mettre sur pied des armées formidables, ne possède pas l’art de la guerre. Sa civilisation, qui fut réelle, s’orientait vers d’autres buts et, désemparée, elle fut la proie facile de tous les conquérants qui, au nom d’une fausse civilisation, entendaient accaparer ses richesses. C’est toujours sous le fallacieux prétexte de « civilisation » que, de nos jours, la France, l’Angleterre, l’Allemagne, l’Italie, toutes les grandes puissances qui, au sens bourgeois du mot, sont des foyers de civilisation, tuent et pillent d’innocentes peuplades qui ne réclament que du travail et de la tranquillité.

Quel fossé sépare les civilisés de cette caricature de civilisation moderne que l’on voudrait nous faire accepter ! La civilisation ne peut évoluer que par le travail et la liberté du peuple, alors que, de nos jours, nous assistons à l’étalage le plus ignoble de l’oisiveté et de la paresse. Il semble que l’on revive dans nos pays occidentaux l’époque de la décadence Romaine, où le peuple, se contentant du pain et du cirque, se laissait mener et conduire par les maîtres du pouvoir. Toutes les civilisations d’antan sont mortes de la même mort. L’histoire serait-elle une éternelle répétition ? C’est dans la paresse et le vice que s’est éteinte la civilisation chaldéenne. Et pourtant, 2.700 ans avant l’ère chrétienne, Babylone était maîtresse du monde. La richesse de son architecture amoindrirait sensiblement la prétention de nos fabricants de gratte ciels américains. La renommée de ses palais, de ses jardins, traversait les océans. L’utile n’était pas sacrifié à l’agréable et si les Chaldéens surent construire des châteaux et des terrasses, ornant les larges voies de cette ville fantastique de 80 kilomètres de tour, ils surent aussi, pour fertiliser une terre sèche et aride, creuser des canaux dont la construction dépasse, vu l’époque, l’imagination humaine. Ils surent creuser, afin de garantir les populations, des lacs immenses dans lesquels, durant les périodes de crue, venaient s’écouler les eaux de l’Euphrate. De tout ce travail gigantesque, de toute cette force dépensée par des générations, il ne reste plus que le souvenir et un amas de ruines. La fausse civilisation, la guerre a passé là, pour réduire à néant l’effort productif de milliers d’années ; et, de même qu’elle a détruit la civilisation chaldéenne, elle a détruit celle de l’Egypte, celle de la Perse, de la Judée, de la Grèce, de Rome ; les deux dernières plus récentes nous ont laissé plus que les précédentes le produit de leurs travaux manuels et intellectuels et si, aujourd’hui encore, on peut lire les grands poètes et les grands philosophes, de la Grèce et de la Rome antique en peut également contempler les ruines de leurs arènes et de leurs palais qui rappellent un génie architectural tout au moins égal sinon supérieur à celui de nos civilisations modernes.

On ne s’inspirera jamais assez de cette idée : que les conquérants militaires, que les hommes avides de jouissance et de richesses et qui sacrifient tout le présent, tout le passé, tout l’avenir à l’assouvissement de leurs bas instincts, sont les irréductibles adversaires de la civilisation. Et dans l’actualité douloureuse, où la civilisation pourrait être triomphante avec ses chemins de fer, son téléphone, ses aéros, sa T.S.F, elle est encore en lutte avec tous les puissants de la terre qui, en voulant accaparer toutes les richesses sociales et bénéficier seuls des découvertes multiples, entravent la marche en avant de l’humanité.

Cependant, malgré la route jonchée d’épines, la civilisation suit progressivement son cours. Elle marque parfois un temps d’arrêt, mais elle reprend son chemin et repart, lentement sans doute, mais sûrement, pour atteindre son but. Rien n’est perdu des idées auxquelles elles donnent le jour, et si, sur un petit coin de la terre, une nation est détruite, un territoire anéanti par un fléau, ce n’est qu’un accident dans le temps et dans l’espace, qui ne peut arrêter sa marche en avant. Contre tous la civilisation triomphera. Si une puissance peut se permettre, durant une période plus ou moins longue, d’asservir les populations d’une autre puissance ; si la ploutocratie domine toujours et si la guerre n’a pas encore disparue de la surface du globe, il n’en est pas moins vrai, que les progrès de la science appliquée et du machinisme, que les découvertes sensationnelles de nos savants, que les idées émises par nos penseurs, planent au-dessus de nous et que tout travaille à la réalisation d’une humanité meilleure, c’est-à-dire réellement civilisée.

Les apparences, sont parfois trompeuses. Il peut sembler aux pessimistes que tout dégénère et que l’humanité rétrograde, que la civilisation décline. Aux heures de lassitude et de doute, il faut jeter un regard en arrière, contempler toute la route parcourue depuis des siècles.et des siècles et considérer les transformations formidables des sociétés. Si la civilisation, c’est-à-dire l’idée dominante de fraternisation humaine, a su résister à tous les assauts ; si elle ne fut pas anéantie malgré les catastrophes, les carnages, les brutalités de la religion, de la patrie, de l’État, c’est qu’elle répond aux besoins et aux désirs des hommes et que, seule, elle peut assurer la paix au sein des collectivités. Il faut l’aider ; et plus elle est enveloppée des nuages obscurs de la réaction qui cherche à l’étouffer, au nom d’un passé glorieux et de l’avenir qui sera éclairé par ses flambeaux, plus il importe de la défendre. Il faut la défendre pour qu’elle réalise enfin l’idéal que nous, Anarchistes, nous voulons voir se matérialiser : le bonheur et le bien-être pour tous. — J. Chazoff.


CIVISME. n. m. Montesquieu appelait le civisme une « vertu politique » et ajoutait : « C’est un renoncement de soi-même. On peut le définir l’amour des lois et de la patrie. » On peut donc également ajouter en empruntant le mot à J.-J. Rousseau : « Les nations manquent aujourd’hui de civisme. » Et il ne peut en être autrement ; car il n’y a pas de vertus politiques ; il ne peut y avoir que des erreurs politiques, les qualités et la politique ne pouvant faire bon ménage. Le civisme n’est donc pas, selon nous, une vertu, mais une erreur, et le « bon citoyen », un homme aveuglé qui se laisse tromper par les apparences et leurrer par ses représentants.

Au lendemain de la Révolution française, on exigeait de toute personne voulant occuper une fonction publique, un certificat de civisme. De nos jours encore, pour avoir le droit de remplir ses devoirs « civiques », il faut faire preuve de son honorabilité et de son honnêteté. Ce qui n’empêche pas que nous soyons toujours et que nous serons toujours gouvernés par des coquins, malgré le civisme des électeurs. Le civisme est donc bien, comme le dit Montesquieu, une « vertu politique » mais elle est purement politique et nullement morale et logique. Pour nous, anarchistes, nous n’avons pas à nous embarrasser de civisme ; mais il faut s’attacher à en détruire l’esprit ; car l’amour des lois et de la patrie, est une qualité néfaste à l’évolution des individus et des sociétés.


CLAN. n. m. Vient du mot écossais « Klaan » qui servait à désigner une tribu composée d’un certain nombre de familles. Les clans persistèrent fort tard en Écosse et en Irlande et leurs mœurs étaient simples et pures ; mais vers le milieu du xviiie siècle, les populations paisibles des montagnes écossaises furent persécutées et assassinées par Georges II et, à dater de cette époque, disparurent les derniers vestiges du clan. À présent, dans le langage courant, le mot est employé pour désigner une fraction qui, au sein d’un parti ou d’une organisation, se singularise par une particularité quelconque qui la sépare du reste du groupe. Il se forme dans toute association des clans qui se combattent, s’opposent et parfois se déchirent. Généralement, les individus se groupent autour d’un homme : le chef de clan.

En Amérique, le Ku Klux Klan est une organisation réactionnaire groupant des milliers d’individus, et il peut être assimilé à nos organisations fascistes occidentales. Ses procédés et ses agissements sont semblables à ceux employés en Europe par les émules de Mussolini, le dictateur italien.


CLARTÉ. n. f. (du latin : clarus). Ce qui éclaire, ce qui est lumineux ; lueur, lumière. Antidote de obscurité. La clarté du jour ; l’obscurité de la nuit. Une clarté pâle, une clarté rayonnante, une clarté joyeuse. Il y a aussi la clarté qui est la lumière de l’esprit, et cette clarté de l’intelligence est aussi utile que la clarté du jour. Elle permet à l’individu de se faire comprendre tout en étant bref, mais précis, et évite bien des contradictions et souvent des erreurs. La clarté, c’est l’ordre dans le cerveau. C’est « elle qui est la loi fondamentale du discours » dit d’Alembert avec raison. Avec de la clarté on exprime nettement et facilement ses idées ; elle est donc indispensable à celui qui veut défendre ou soutenir une cause, car la meilleure des causes est perdue si elle est soutenue de façon équivoque et ambiguë. Il faut également de la clarté dans le style, lorsqu’on se permet d’écrire et d’exprimer ses idées et ses opinions par la plume. Rien n’est plus insipide, indigeste, qu’une prose lourde et équivoque, permettant toutes les spéculations. La clarté doit être la qualité première du littérateur s’il veut œuvrer utilement.

Mais ce qui est indispensable au-dessus de tout, c’est la clarté dans les conceptions. Que de discussions évitées, que de temps gagné, et que de travail social on pourrait fournir, si chacun savait clairement ce qu’il veut ! Il semble que le manque de clarté dans nos conceptions est ce dont nous souffrons le plus. Combien de socialistes sont perdus dans leur collectivisme dont ils ignorent même l’A.B.C. Combien de communistes sont incapables de déterminer ce qu’ils entendent par communisme et, comme il ne faut pas être plus tendre pour soi que pour les autres, combien d’anarchistes manquent de clarté et confondent une chose avec une autre ! Il est donc nécessaire que le militant acquiert, s’il veut sincèrement poursuivre l’œuvre qu’il a ébauchée et atteindre le but qu’il s’est fixé, cette clarté sans laquelle tout travail demeure stérile. La clarté dans les idées ? C’est le plus sûr moyen de communiquer avec autrui, de lui exprimer sa foi et sa croyance, et de lui faire partager ses opinions. Plus que tout autre, l’anarchiste doit être clair car son idéal est un idéal de lumière.


CLASSES (Lutte des). Dans ce problème d’ordre sociologique, nous nous trouvons en face de deux thèses fondamentales, opposées. La première est la thèse bourgeoise. Elle reconnaît l’existence de différentes classes au sein de la société moderne, elle en reconnaît aussi les antagonismes. Elle ne peut pas nier ces faits. C’est leur explication qui est caractéristique. Pour les théoriciens bourgeois, l’existence et l’antagonisme des classes, — de même que l’inégalité des hommes par rapport aux capacités, intelligence, etc., qui, disent-ils, en est la véritable cause — sont des phénomènes normaux et, partant, immuables. Ce n’est pas tout. D’après eux, l’existence, l’antagonisme et la lutte aiguë des classes sont loin d’avoir l’importance qui leur est attribuée par les doctrines socialistes, syndicalistes ou anarchistes. A côté des intérêts de classe, il en existe, disent-ils, bien d’autres, beaucoup plus importants, se plaçant bien au-dessus des premiers, pouvant et devant les aplanir : tels les intérêts nationaux, ceux de la société prise en son entier, ceux des individus pris séparément, etc. De là, leurs considérations d’ordre pratique, leurs conceptions politiques, leur justification du système capitaliste. Les intérêts et les avantages des classes possédantes sont, d’après eux, naturels et légitimes. La nature même des sociétés humaines exige des organisateurs de la vie nationale, sociale, économique. La classe bourgeoise est précisément cette grande organisatrice. Il faut donc qu’elle subsiste et qu’elle ait en sa possession les moyens nécessaires pour pouvoir exercer ses fonctions qui sont de première importance. Il faut qu’elle commande, qu’elle dirige, qu’elle gouverne. La classe capitaliste est loin d’être celle des parasites. Au contraire, elle travaille beaucoup : elle organise la vie des masses, elle assure leur existence, l’ordre et le progrès de la société entière dont elle est un élément indispensable. Elle manie les capitaux, elle fait des dépenses, voir même des sacrifices… Elle court des risques… Il est donc dans l’ordre des choses qu’elle veuille être récompensée pour son action. Il faut que cette action compliquée, difficile, chargée de responsabilités, soit dûment rémunérée. Si les autres classes lui en veulent, tant pis pour elles : c’est de la non compréhension, de l’égoïsme, de l’envie, de la démagogie… Les intérêts de différentes classes de la société peuvent être parfaitement réconciliés. Ceci ne dépend que de leur bonne volonté. C’est l’État qui est appelé au rôle de conciliateur, en se plaçant au-dessus des intérêts des classes. C’est l’État qui doit atténuer et dissiper les antagonismes surgissant entre elles. Plus l’État y réussit, plus son existence et sa forme sont justifiées. Ce fut la démocratie qui, au cours du dernier siècle, prétendait être le mieux appropriée à remplir cette tâche. C’est le fascisme qui, de nos jours, écartant la démocratie disqualifiée, se targue de la même prétention. Telle est la thèse bourgeoise.

Elle est vigoureusement combattue par la conception de la lutte des classes par excellence : la conception marxiste. Sa formule, établie par Marx lui-même, porte que toutes les luttes ayant eu lieu au sein des sociétés humaines au cours de l’histoire, étaient, au fond, des luttes de classes. Plus encore. Le marxisme considère la lutte des classes comme l’unique élément réel, déterminant, de toutes les manifestations de la vie humaine. D’après lui, l’intérêt de classe se trouve invariablement à la base de toutes ces manifestations. Non seulement la vie sociale, économique, politique, juridique des sociétés humaines est déterminée par cet élément primordial, mais aussi tous les phénomènes de la vie spirituelle et intellectuelle : les luttes religieuses, les conflits nationaux, les sciences, les arts, la littérature, etc., etc., ne sont, pour les marxistes, que des expressions et applications différentes des instincts, des intérêts, des aspirations ou des mouvements de telles ou telles autres classes de la société. Il n’existe pas d’intérêts « nationaux », ni de la « société entière », ni des individus pris séparément » : il n’existe, au fond, que des intérêts de différentes classes, en lutte entre elles. Le reste n’est que parure, un trompe-l’œil pouvant égarer les profanes. Les origines des classes sont à chercher dans les lointains progrès de la technique et de la productivité du travail, lesquels, ayant porté un coup mortel à la primitive communauté des clans, amenèrent à un surplus de produits, à l’inégalité et, partant, à la division en classes, les unes se partageant le surplus des produits, ou plus-value, les autres en étant privées.

L’aspect des classes, et aussi celui de leurs luttes, varient au cours de l’histoire ; mais le fond de ces luttes reste toujours le même : les classes accaparant la plus-value, cherchent à la conserver à tout jamais et à tout prix, à subjuguer et à dominer celles qui en sont privées, tandis que ces dernières s’efforcent à secouer le joug, à se libérer, à supprimer la plus-value et, finalement, les classes elles-mêmes. La domination d’une classe donnée de la société est toujours plus ou moins passagère. Elle correspond à une époque historique déterminée, à un certain état de développement des « forces productives ». L’antagonisme et la lutte des classes découlent des « rapports de production » donnés.

Donc, les classes de la société ne sont pas immuables. Ainsi, à notre ère, la classe féodale a dû céder sa place à celle de la bourgeoisie. L’évolution ultérieure amena à la naissance d’une nouvelle classe, celle des prolétaires, dont les intérêts sont opposés à ceux de la bourgeoisie, et qui est en lutte contre cette dernière. Conformément à la doctrine marxiste, la classe prolétarienne est appelée à renverser la bourgeoisie, à s’émanciper et à rétablir une société sans domination ni lutte de classes.

À cette conception théorique des marxistes, répondent leurs considérations d’ordre pratique, leurs thèses politiques, toute leur stratégie de la lutte de classes. D’après eux, la bourgeoisie qui, à un certain moment de l’histoire, a bien joué un rôle progressif, le perd, à son tour, au fur et à mesure du développement économique ultérieur, et finit par devenir une force régressive. Actuellement, elle est en décadence. Aujourd’hui, c’est une classe parasitaire. L’état présent de l’évolution économique exige une autre forme d’organisation sociale et demande d’autres organisateurs. Cette nouvelle forme d’organisation est « l’État prolétarien ». Cet organisateur, c’est la classe prolétarienne. La classe capitaliste disparaîtra à la manière de la classe féodale. L’État n’est nullement un conciliateur placé au-dessus des classes. Bien au contraire, il est l’instrument le plus qualifié entre les mains des classes possédantes. C’est à l’aide de l’État — indépendamment de sa forme — que la bourgeoisie opprime et exploite la classe prolétarienne. L’État n’est, donc, qu’un instrument de domination de classe. Afin de supprimer cette domination, de vaincre la bourgeoisie, le prolétariat doit briser l’État bourgeois et organiser l’État prolétarien. Le prolétariat n’ayant aucun intérêt à exploiter qui que ce soit, l’État servira entre ses mains, non pas comme instrument d’exploitation, mais uniquement comme moyen de dominer la bourgeoisie résistante, de la vaincre définitivement, de la supprimer et de mener à bien la tâche de la réorganisation complète de la société moderne : la suppression des classes et de la domination de classe, le rétablissement d’une organisation sociale libre et égalitaire. Telle est la thèse marxiste.

Il faut ajouter que la doctrine socialiste en général comprend d’autres courants d’idée opposés en quelque sorte à la théorie strictement marxiste. Tout en se basant sur les principes fondamentaux de la lutte des classes exploitées, ces courants s’opposent, néanmoins, à réduire tout le processus historique à ce facteur unique. Ils conçoivent l’histoire humaine d’une façon beaucoup plus large. Ils admettent la grande importance d’autres facteurs historiques, en dehors de celui de la lutte des classes. Ils tiennent compte d’autres forces et éléments de l’évolution humaine. Et ce qui importe surtout, ils comprennent la notion même de la lutte des classes d’une façon beaucoup plus ample que les marxistes. Ils apprécient autrement le rôle de la classe paysanne, de celle des intellectuels exploités. C’est pourquoi, ils ont aussi une notion différente de la « dictature du prolétariat » (après sa victoire sur la classe capitaliste) et de l’ « État prolétarien ». C’est pour la même raison que les partisans de ces courants parlent des « classes exploitées et opprimées », des « classes travailleuses » plutôt que de la « classe des prolétaires », « classe ouvrière ». Du reste, ces courants sont en désaccord avec le marxisme « orthodoxe », non seulement par rapport à la théorie de la lutte des classes, mais aussi sur d’autres points, d’ordre philosophique et sociologique : ils font plus grand cas des mouvements psychologiques, éthiques et autres, formulant des objections à la doctrine du « matérialisme historique ».

Ajoutons encore que les conceptions marxistes — et aussi socialistes en général — ne sont pas d’accord sur la façon dont les classes exploitées doivent mener leur lutte, les unes (le socialisme « réformiste » de la droite, le « menchevisme » ) préconisant la conquête graduelle et lente du pouvoir politique dans l’État bourgeois, les autres (le socialisme « révolutionnaire » de gauche, le bolchevisme) insistant sur la méthode brusque et violente. (Voir aussi : Antiétatisme, Bolchevisme, Menchevisme, Collectivisme, Socialisme, Marxisme, Réformisme, Parti Communiste.)



Vis-à-vis des doctrines exposées ci-dessus, quel est le point de vue anarchiste ?

Constatons, tout d’abord, que la notion classe (notion sociologique) n’est pas encore définie scientifiquement. Comme on le sait, le manuscrit du troisième volume du « Capital » (de Marx) s’arrête précisément au commencement de l’analyse de cette notion. Et quant aux autres ouvrages de ce penseur (et d’Engels), le mot « classe » y est employé dans des sens assez différents, étant souvent confondu avec des notions telles que « caste », « corps », « profession ». De sorte que l’on y chercherait en vain, non seulement une définition scientifique, mais même une notion plus ou moins précise de la classe sociale. Les autres auteurs sociaux — qu’ils soient bourgeois, socialistes ou autres (A. Smith, Voltaire, Guizot, Turgot, Mignet, Saint Simon, Considérant, Louis Blanc, Spencer, Proudhon, Ch. Gide, Kropotkine, Jules Guesde, Jaurès, Kautsky, Lénine, pour ne citer que les plus connus), — emploient tous le mot classe dans des sens divers et imprécis. Un jeune sociologue russe, P. Sorokine, qui a commencé, en 1920, la publication (en russe) d’un ouvrage capital de 8 volumes ( « Système de sociologie » ), essaye de donner, dans le deuxième volume (le dernier paru tant que je sache), une définition précise de la classe sociale. Cette définition est étroitement liée à toute son édification sociologique, très personnelle. Elle ne pourrait être comprise sans qu’on tînt compte de toute cette édification ; elle devrait, en outre, avant d’être généralement admise, subir l’examen et la critique…

C’est en partie pour cause de cette imprécision de la notion fondamentale qu’existent les désaccords et les divergences d’opinions dans les problèmes s’y rapportant. Plusieurs écrivains bourgeois critiquent sévèrement ce manque de clarté. Ils se moquent de tous ceux qui parlent de la « classe », de la « lutte des classes », de « la conscience de classe », etc., sans savoir exactement ce que c’est qu’une classe. Ces bourgeois ont tort. D’abord, parce qu’eux-mêmes opèrent avec nombre de notions indéfinies (il suffit de noter celle de Droit), ce qui ne les empêche nullement d’en faire usage, théoriquement et pratiquement. Ensuite, parce que, — comme c’est presque toujours le cas dans le domaine social —, tout en n’étant pas encore définies scientifiquement, les notions classe, lutte des classes, etc., sont suffisamment nettes intuitivement et répondent à des phénomènes historiques et sociaux indéniables, connus. On comprend, généralement, sous le mot de classe, un groupe social caractérisé par certaines propriétés se rapportant à l’avoir, à la profession et à l’étendue des droits dont il dispose. La différence énorme entre les groupes ayant à eux tout l’avoir, tous les droits et tous les avantages au point de vue profession (jusqu’à l’avantage de n’en exercer aucune) et ceux qui, n’ayant ni avoir ni droits, n’ont pour eux qu’un travail meurtrier, exploité par les premiers, est un fait historiquement certain et démontré.

L’anomalie de ce fait, à tous les points de vue et, partant, la nécessité historique d’un redressement social, sont des vérités acquises à tout homme sensé. La résistance des classes avantagées à ce redressement, pourtant historiquement nécessaire, est un fait indéniable. La lutte des classes désavantagées et exploitées, intéressées à ce redressement, contre les classes privilégiées et exploiteuses, est un fait qui joue un rôle de plus en plus prépondérant dans les événements sociaux des siècles derniers. Cette lutte remplit de son fracas toute l’histoire moderne. Ce sont ses succès qui, conjointement avec les conquêtes techniques de notre époque, marquent le pas du progrès humain. Il n’y a que les aveugles pour ne pas le voir.

Comme nous l’avons déjà dit, le manque de précision dans tout ce qui se rapporte à la notion « classe », divise entre eux les socialistes en général et aussi les marxistes. C’est la même imprécision qui explique, en partie, les désaccords entre les socialistes et les anarchistes. C’est elle encore qui désunit quelque peu les anarchistes eux-mêmes.

Arrêtons-nous, d’abord, sur ce dernier point.

Les intérêts normaux caractérisant et guidant les hommes vivant à notre époque, sont surtout de trois sortes : intérêts de classe, intérêts largement humanitaires et intérêts individuels. Un problème qui préoccupe beaucoup les milieux libertaires, est celui-ci : la conception anarchiste, est-elle une doctrine de classe, une conception humanitaire ou bien une théorie individuelle ? Il existe des courants anarchistes qui y répondent comme suit : 1o la conception anarchiste est largement et strictement humanitaire. Elle n’a rien à voir avec la doctrine de classe ou de lutte des classes. Elle doit, par conséquent, éliminer tout ce qui s’y rapporte, cette dernière étant une doctrine rigoureusement marxiste. L’anarchisme ne doit se préoccuper que des problèmes et des intérêts concernant l’humanité comme telle, sans distinction de classes. La lutte des classes n’est pas de son domaine ; 2o l’anarchisme est une conception rigoureusement individuelle. L’individu est l’unique réalité. La solution des problèmes le concernant résoudra le reste. Classes, humanité, voir même société, ne sont que des abstractions, des fictions dont un vrai anarchiste n’a pas à s’occuper.

Nous dépasserions le cadre de cette étude, si nous voulions pousser ici à fond la critique de ces points de vue. (Voir pour cela : Communisme, Individu, Individualisme, Société, Syndicalisme, Révolution, etc.) Bornons-nous à dire qu’une doctrine qui ne tiendrait pas compte du fait social saillant de l’histoire humaine durant des dizaines de siècles : la lutte des classes ou mieux la lutte des classes exploitées pour leur émancipation comme force progressive de nos jours, une telle doctrine serait, précisément, une abstraction, une fiction qui ne saurait avoir aucune valeur, ni sociale, ni humanitaire, ni individuelle. Elle ne saurait être qu’une doctrine d’aveugles ne pouvant jamais nous démontrer de quelle façon l’humanité entière ou les individus qui la composent, auraient pu arriver su maximum de bonheur possible sur la terre, en dehors de la lutte salutaire des millions et des millions d’opprimés.

Hâtons-nous de dire que ces deux courants forment dans les rangs du mouvement anarchiste international une infime minorité. L’énorme majorité des anarchistes — ceux surtout qui se nomment anarchistes-communistes — résolvent le problème posé d’une tout autre façon. Ils déclarent que l’anarchisme est justement, essentiellement la conception susceptible de concilier, de satisfaire, aussi bien théoriquement que pratiquement, les trois sortes d’intérêts paraissant contradictoires : ceux des classes exploitées, travailleuses, ceux de l’humanité et ceux de l’individu. Ces anarchistes affirment qu’il n’y a pas lieu d’opposer ces trois sortes d’intérêts, mais qu’il faut, au contraire, s’efforcer de les rapprocher, de les souder. Malheureusement, le manque de précision dont nous avons parlé, ne permet pas encore de résoudre ce problème avec le fini voulu. L’une des tâches les plus pressantes de l’anarchisme est celle d’apporter à la synthèse de ces trois éléments : lutte des classes, mouvement humanitaire et principe individuel, le plus de précision possible. Ce serait le moyen le plus sûr de mettre un terme à la dispersion des anarchistes, d’activer leur unification. Or, cette tâche exige préalablement la définition plus exacte des notions : « classe » et « lutte des classes ». Ce n’est que par cette voie qu’on pourra arriver à une formule plus nette et plus complète, qui réconciliera définitivement, dans une motion harmonieuse et entière, les trois éléments en question, et précisera leur rôle respectif : la lutte des classes comme méthode ; l’organisation sociale humanitaire comme résultat de la victoire et de l’émancipation des classes opprimées, et aussi comme base matérielle de tout progrès social et individuel ; la liberté, l’épanouissement illimité de l’individualité, comme le grand but de toute l’évolution sociale.

Naturellement, une tâche de ce genre ne pourrait être entreprise que dans un ouvrage spécialement consacré à ce sujet.

Ici, il nous reste à constater que la majorité écrasante des anarchistes font leur le principe de la lutte des classes et reconnaissent la lutte révolutionnaire des classes exploitées contre les classes exploiteuses comme l’unique voie de progrès social à notre époque.

La question surgit alors : « Qu’est-ce qui sépare, dans ce domaine, les anarchistes des socialistes en général et des marxistes ? » Ce qui les sépare, ce sont, d’abord, quelques considérations d’ordre théorique. Ce sont, ensuite et surtout, des considérations d’ordre pratique qui découlent des bases générales profondément différentes des deux conceptions : socialiste et anarchiste, c’est, notamment, la façon dont l’une et l’autre conçoivent les formes, la tactique, la stratégie de la lutte des classes travailleuses.

En ce qui concerne le côté théorique ou, plutôt, historique du problème, la conception anarchiste se rapproche de celles des socialistes anti-marxistes dont il a été question plus haut. D’accord avec ces socialistes, les anarchistes s’opposent à réduire tout le processus historique à l’unique facteur de la lutte des classes. Ils conçoivent l’histoire humaine d’une façon beaucoup plus large. Ils admettent la grande importance d’autres facteurs historiques, etc. Ils forment des objections à la doctrine du soi-disant « matérialisme historique », etc. (Voir plus haut la caractéristique des courants socialistes opposés au marxisme « orthodoxe » ). Une réserve est, toutefois, nécessaire : tandis que les socialistes (et aussi les marxistes entre eux) sont en désaccord par rapport à la voie réformiste ou révolutionnaire de la lutte sociale, les anarchistes sont tous partisans de la conception révolutionnaire, à l’exception, peut-être, de la tendance dite tolstoïenne qui conçoit la révolution d’une façon toute spéciale.

Ajoutons que les opinions des anarchistes sur les origines et le développement des classes ainsi que sur le rôle passé « progressif » de la bourgeoisie, diffèrent de la conception marxiste. (Voir, surtout, État où le problème d’origine et du développement des classes est traité plus à fond.)

Mais ce qui est surtout typique pour la différence entre les conceptions socialiste et anarchiste par rapport à la lutte des classes, c’est le côté pratique de la question.

Tandis que les socialistes de toutes tendances conçoivent la lutte des classes comme une lutte politique, ce qui les amène logiquement à la formation d’un parti politique appelé à conquérir le pouvoir politique et à organiser, à l’aide de ce pouvoir, le nouvel « État prolétarien » — organisme essentiellement politique et autoritaire exerçant la « dictature du prolétariat », — les anarchistes affirment que la lutte des classes est, positivement, une lutte apolitique, essentiellement sociale, n’ayant rien de commun ni avec les partis ou le pouvoir politique, ni avec l’État, l’autorité, la dictature, etc.

Les anarchistes affirment que la voie politique (parti, pouvoir, État, autorité, dictature), que la lutte politique (comprise dans ce sens) sont contraires à la lutte des classes. (Voir : Politique) Ils prétendent que cette dernière est déformée, mutilée, meurtrie et réduite à l’impuissance complète par les moyens politiques. Ils citent le cas du bolchevisme en Russie dont l’épopée confirme, à leurs yeux, leur point de vue. Ils déclarent que la lutte des classes, que toute action de classe désirant aboutir à une victoire réelle, doit être menée par les intéressés — les classes travailleuses elles-mêmes — s’organisant et agissant eux-mêmes, directement, sur le terrain strictement social, économique et de classe, sans recours aucun aux partis politiques ni à leurs programmes politiques de pouvoir, d’État, de dictature, etc. Ils pensent que la Révolution vraiment victorieuse, sera celle qui ne sera politique que négativement : c’est-à-dire, qui tuera toute politique, tous partis politiques, tout programme politique, tout pouvoir, toute autorité, tout État, toute dictature, et qui, au point de vue positif, s’efforcera à établir la société nouvelle sur des bases apolitiques, sociales, économiques.

Logiquement, l’anarchisme nie : le parti politique, le pouvoir politique, l’État, l’Autorité, la dictature. Il considère le soi-disant « État prolétarien » ou la fameuse « dictature du prolétariat » comme des non-sens, estimant que tout État et toute dictature ne peuvent être que des institutions essentiellement bourgeoises exploiteuses, et que tout moyen politique est également un procédé bourgeois.

C’est pourquoi, les anarchistes prétendent que leur conception, leur idéologie, sont les seules qui, réellement, s’appuient sur la véritable lutte des classes comme le levier immédiat de la salutaire Révolution sociale.



La différence des conceptions fondamentales mène, logiquement, à celle de toutes les notions dérivées.

Pour les socialistes, la conscience de classe consiste en ce que l’exploité se rende parfaitement compte de ce qu’il appartient à la grande famille, à la classe des travailleurs dont les intérêts sont opposés à ceux de la classe bourgeoise ; qu’il soit, par conséquent, conscient de la grande tâche sociale de sa classe ; qu’il prenne part activement à la lutte menée par sa classe ; qu’il soit prêt à sacrifier, à tout instant, ses intérêts personnels à ceux de sa classe, etc. ; et, surtout, qu’il adhère au « parti politique de sa classe », qu’il « soit conscient de la nécessité des méthodes politiques, qu’il reconnaisse les principes de là conquête du pouvoir politique, de l’établissement de l’ « État prolétarien » et de la « dictature du prolétariat ».

Étant d’accord sur tous les autres points, les anarchistes rejettent, naturellement, le dernier. Ils affirment juste le contraire. Pour eux, tout exploité se rangeant à la doctrine politique, manque de conscience de classe : il est trompé ; il perd le véritable terrain de la lutte des classes ; il n’en a pas la juste notion. Pour eux, la vraie conscience de classe implique la condamnation des moyens et des buts politiques. Ils considèrent la confusion de la « classe » avec le « parti politique » comme un manque de conscience de classe.

Les socialistes et les anarchistes sont d’accord sur ce que la justice de nos jours est une justice de classe habilement masquée par les serviteurs des classes possédantes. Mais : tandis que les uns s’apprêtent à lui substituer la « justice » organisée par l’État dit « ouvrier », les autres, estimant que tout État sera fatalement bourgeois et qu’un « État ouvrier » est une illusion ou une tromperie, en concluent, logiquement, que cette nouvelle « justice » ne serait autre chose que la justice des nouveaux privilégiés, encore plus habilement masquée et dirigée contre les éternels exploités. La « justice » fameuse, exercée de nos jours dans l’État soviétiste, leur donne entièrement raison. Ils estiment, donc, que la véritable justice humaine aura lieu, après la Grande Révolution, en dehors de tout État et dans des formes n’ayant rien de commun avec les procédés politiques, étatistes, juridiques.

Les uns et les autres — les socialistes et les anarchistes — savent bien que l’armée moderne est une armée de classe appelée à défendre la classe possédante. Mais, tandis que les socialistes prévoient, après la révolution, une nouvelle armée d’État ( « Armée Rouge » en Russie) qui, d’après eux, devra défendre les travailleurs, les anarchistes affirment que toute armée d’État défendra les privilégiés contre les travailleurs. Ils conçoivent la défense de la révolution dans des formes non étatistes, par les forces organisées des travailleurs, établies sur d’autres bases que celles d’une armée d’État.

Nous pourrions multiplier les exemples de ce genre, en parlant de l’éducation de classe, de l’enseignement de classe, de la science de classe, et ainsi de suite. Après tout ce qui précède, nous le tenons pour superflu.


Une objection est faite assez souvent aux anarchistes, surtout par les « communistes » autoritaires. Si ce ne sont ni le parti politique, ni le pouvoir politique, ni l’État ouvrier, ni la dictature du prolétariat qui guideront l’action, la lutte de la classe ouvrière, la révolution sociale, qui assureront leur succès, leur victoire et la solidité de celle-ci, qui sera-ce alors ? Quelles seront les forces, les éléments et les organisations qui mèneront au succès complet, toute cette lutte formidable, et compliquée des classes exploitées et opprimées ?

La réponse des anarchistes ne serait point difficile, surtout aujourd’hui.

Les forces et les éléments ? Mais ce seront, naturellement, les classes exploitées et opprimées elles-mêmes.

Les organisations ?… Il y a une quarantaine d’années, les anarchistes y répondaient : la lutte des classes et son point culminant et final : la Révolution, devant être l’œuvre de ces classes mêmes, celles-ci trouveront sûrement les formes de lutte appropriées et créeront certainement leurs organisations qui répondront aux besoins de l’heure. Aujourd’hui, cette prévision s’est déjà, en partie, réalisée. La réponse peut, donc, être plus précise encore : des travailleurs ont créé dans tous les pays leurs organisations de lutte et de combat : les syndicats révolutionnaires. Tout en n’étant pas sans défauts — comme, du reste, toutes les institutions humaines, à notre époque surtout, — et sans qu’on songe à réduire à elles seules toute l’action, toute la conduite de la lutte et de la révolution, les organisations syndicales sont les prototypes des organisations de classe appelées à prendre sur elles quelques tâches fondamentales de cette lutte et de cette révolution.

C’est le syndicalisme révolutionnaire qui, en dépit de ses quelques faiblesses naturelles, excusables et peu importantes, en dépit aussi de son recul momentané à la suite de la guerre et de ses conséquences, donne aux partis politiques une réponse concrète. Elle est celle-ci :

Ce ne seront ni les partis politiques, ni les groupements anarchistes qui mèneront la lutte de classe, l’action ouvrière, toute la formidable révolution à la victoire et au succès complet : ce seront les masses elles-mêmes, les millions et les millions de travailleurs des villes et des champs rassemblés dans leurs organisations sociales de classe, et non de politique — syndicats et autres — qui s’en chargeront (voir Syndicalisme).

Les anarchistes sont en grande majorité d’accord avec cette réponse. La vie, l’histoire, l’avenir prochain décideront. — Voline.