Effets de la lumière sur le Sélénium

EFFETS DE LA LUMIÈRE
SUR LE SÉLÉNIUM.

La Société des ingénieurs du télégraphe a reçu dernièrement une communication très-importante, faite par M. Willoughby Smith sur l’effet extraordinaire de la lumière sur le sélénium. La découverte du sélénium est, comme on le sait, déjà ancienne, mais c’est tout dernièrement seulement qu’on a utilisé ses propriétés particulières dans certaines opérations électriques. Le sélénium, après avoir été fondu et doucement refroidi, possède une couleur éclatante d’un bleu gris ; si on le refroidit rapidement, il prend l’éclat métallique. Sa densité est de 4,30. Il s’amollit à la température de 74° centigrades et devient pâteux à 100° ; on peut l’étirer en fils, quand on le soumet à une plus haute température. D’après des expériences exécutées depuis peu, il paraît que le sélénium est un corps conducteur de l’électricité, mais c’est une des substances qui offre le plus de résistance à son passage. Les grandes difficultés qui se présentent pour la fabrication de ce métal rendent les recherches expérimentales assez rares. Cependant, on a obtenu quelques spécimens qui ont permis d’entreprendre des essais du plus haut intérêt.

Dans le magnifique système imaginé par M. Willoughby Smith et qu’il a introduit pour l’essai des câbles sous-marins pendant leur submersion, il est nécessaire d’établir à la côte une résistance qui indique celle que le câble oppose par son isolation ; le câble est constamment essayé par ce moyen. Un courant provenant d’un nombre donné d’éléments passe à travers un galvanomètre, situé à bord du navire qui déroule le câble ; de là il suit le fil sous-marin et vient aboutir à un second galvanomètre placé à la côte, d’où il se rend dans le réservoir commun, la terre, en surmontant la haute résistance qu’elle oppose. On observe un écart sur l’aiguille du galvanomètre du navire, écart dû à la légère perte qu’éprouve le courant d’électricité dans son trajet à travers le câble aussi bien qu’à son arrivée dans la terre. Un écart constant est donc obtenu (il décroît à mesure que le câble se déroule) et pendant que le système, capable de maintenir cet essai à tout instant, est en action, on a l’énorme avantage de pouvoir établir une libre correspondance entre le navire et la côte, sans interrompre l’essai permanent d’isolation. Cette communication s’établit facilement entre les deux stations en augmentant ou en diminuant légèrement l’écart permanent du galvanomètre, par une modification de la dose d’électricité dans une telle mesure que ces changements puissent être pris comme des signaux de convention.

Avec ces dispositions, il y a un grand intérêt à employer quelque matière qui possède la résistance requise, il y aurait un grand avantage à ce que cette résistance soit constante sous toutes les circonstances et qu’elle reste, aussi invariable que possible. L’auteur de ce système, connaissant les propriétés du sélénium, se décida à faire des expériences à ce sujet. Il obtint plusieurs petits barreaux variant d’une longueur de 5 à 10 centimètres et d’un diamètre de 1 à 1,5 millimètres. Ces petits barreaux, entourés de fils de platine, étaient renfermés dans des tubes en verre. On trouva que le sélénium possédait la haute résistance que l’on recherchait, mais malheureusement il y avait une grande disparité dans sa constante et les essais concordaient rarement entre eux. En recherchant les circonstances qui occasionnaient d’aussi grandes différences dans ces résistances, on remarqua en dernier lieu que la lumière était une des causes principales de ce fait, et M. W. Smith découvrit alors que la résistance était modifiée proportionnellement à l’intensité de la lumière à laquelle le sélénium était exposé. Quand les barreaux étaient fixés dans une boite munie d’un couvercle qui pouvait glisser de façon à intercepter toute lumière, leur résistance était la plus haute et demeurait très-constante, ils remplissaient ainsi pleinement les conditions recherchées dans cet essai ; mais aussitôt qu’on ouvrait le couvercle de la boîte, la conductibilité s’accroissait depuis 15 jusqu’à 100 pour cent, suivant l’intensité de la lumière arrivant sur les barreaux. Différentes expériences eurent lieu pendant lesquelles on interceptait la lumière soit avec la main, soit avec des verres colorés, et l’on trouva chaque fois que la résistance variait avec l’interruption de la lumière.

La température pourrait aussi être une cause d’altération pour les qualités du sélénium en essai, mais il fut prouvé qu’elle n’agissait en rien ; on plaça un des barreaux dans un vase d’eau que l’on soumit à diverses températures, la chaleur n’exerçait aucune action sur le pouvoir conducteur du sélénium ; la différence dans les résultats était uniquement due à l’accroissement ou à la diminution de la lumière.