Dictionnaire raisonné du mobilier français de l'époque carlovingienne à la Renaissance/Ceinture

Dictionnaire raisonné du mobilier français de l'époque carlovingienne à la Renaissance
VE A. MOREL ET CIE, ÉDITEURS (tome 5p. 253-256).

CEINTURE, s. f. Il s’agit ici, non du baudrier, mais de la ceinture militaire, noble, que les chevaliers seuls avaient le droit de porter, et qui n’est adoptée que vers 1340. On portait même cette ceinture comme marque distinctive avec l’habillement civil, mais sa véritable place est sur le harnais militaire. Elle fut attachée d’abord à la cotte courte et rembourrée (corset d’armes) vers la hauteur des hanches ; puis, quand à la jupe du corset d’armes on substitua les braconnières, la ceinture fut fixée à la dernière lame de cette partie des plates couvrant les hanches (voy. Braconnière). Le luxe de ces ceintures militaires devint bientôt excessif, et il en était, appartenant à de

très-nobles personnages, qui valaient un domaine. À cette époque, c’est-à-dire de 1350 à 1395, en France, en Italie et en Angleterre, le vêtement militaire était, à peu de détails près, identique ;
cependant la ceinture noble paraîtrait avoir été adoptée en Angleterre avant l’époque où nous la voyons posée sur l’armure française ; car la statue tombale de sire Roger de Bois[1], mort en 1300, montre déjà la ceinture militaire sur la cotte juste treillissée. Une des plus remarquables, parmi ces ceintures nobles, est figurée sur une statue déposée dans le passage communiquant de l’église Saint-Antoine de Padoue au cloître, et qui représente Sévère de Lavellongo, mort en 1373 (fig. 1). Sur la cotte de peau armoyée est posé, à la hauteur des hanches, ce joyau d’une grande richesse et muni d’un fermoir représentant une porte de ville. L’épée est attachée à cette ceinture par un crochet. La ceinture se
compose de parties d’orfèvrerie, carrées, façonnées en tables biseautées, réunies par des charnières (voyez en A). Le bas de la cotte est, en outre, décoré d’ornements d’orfèvrerie représentant des feuilles de chélidoine. Une chaîne retient la poignée de l’épée. Cette admirable statue, sur laquelle nous avons l’occasion de revenir, présente l’armure admise en France à cette époque, à quelques accessoires près qui appartiennent à l’Italie septentrionale. La ceinture militaire est déjà posée sur les braconnières de l’armure française, qui apparaissent dès 1350, ainsi que le démontre la figure 2[2]. Elle est très-volumineuse sur la cotte juste de l’armure des derniers temps du règne de Charles V, et fort riche, attachée sur cette cotte à la hauteur des hanches (fig. 3[3]). Il en est encore fait mention en 1400 ; mais, à dater de cette époque, on ne la trouve plus sur les monuments français, tandis qu’elle persiste en Angleterre jusque vers 1420.

L’épée y est attachée ainsi que la dague ; mais il arrive aussi qu’avec la ceinture militaire, une courroie suspend l’épée de la taille à la hanche gauche. Cette courroie, dès lors, passe sur la ceinture d’orfèvrerie ; toutefois cet usage paraît avoir été adopté plus habituellement en Angleterre qu’en France.

  1. Voyez Stothard, the Monumental Effigies of Great Britain, pl. 58.
  2. Manuscr. Biblioth. nation., Tite-Live, trad. française (sous le roi Jean, environ 1350).
  3. Manuscr. Biblioth. nation., Guillaume de Machau, français.