Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle/Trait

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TRAIT (Art du). C’est ainsi que l’on désigne l’opération qui consiste à dessiner, grandeur d’exécution, sur une aire, les projections horizontales et verticales, les sections et rabattements des diverses parties d’une construction, de telle sorte que l’appareilleur puisse découper les panneaux d’appareil, le gâcheur faire tailler les pièces de bois qui constituent une œuvre de charpenterie ; le menuisier, les membrures et assemblages des lambris, portes, croisées, etc.

Le trait est une opération de géométrie descriptive, une décomposition des plans multiples qui composent les solides à mettre en œuvre dans la construction.

L’art du trait, développé pendant l’antiquité grecque, était à peu près ignoré par les constructeurs de la première période du moyen âge, et il ne semble pas, à voir les monuments carlovingiens, que les efforts tentés par Charlemagne pour faire enseigner la géométrie aux architectes occidentaux aient produit des résultats sensibles. Ce n’est qu’après les premières croisades que l’on s’aperçoit d’un développement notable de ces connaissances en France. À la fin du XIIe siècle, les maîtres des œuvres avaient repris possession de la géométrie, et, depuis cette époque, leur habileté en cette science s’accrut d’année en année, jusqu’à la fin du XVe siècle.

La pratique de la géométrie descriptive était fort avancée chez les peuples orientaux et chez les Égyptiens dès une époque très-reculée. Après la translation de l’empire romain à Byzance, les sciences mathématiques eurent des foyers puissants à Byzance même, à Alexandrie, et plus tard à Bagdad, et dans les contrées soumises à la domination des kalifes. Les premiers croisés trouvèrent en Syrie des écoles dont ils surent tirer profit, et, dès le commencement du XIIe siècle, l’art de projeter les solides, de développer leurs surfaces, était déjà mis en pratique en Occident. Si les éléments de la géométrie semblent à peine connus des constructeurs carlovingiens, ils sont évidemment familiers aux architectes clunisiens, qui ont élevé la nef de Vézelay vers 1100 ; et, trente ans plus tard, on s’aperçoit, dans la construction du porche de la même église, que ces constructeurs ont, en géométrie descriptive, des connaissances déjà étendues, car toutes les parties de ce porche, et l’appareil notamment, sont tracées avec sûreté et précision. Bien plus, on voit naître, dans les tracés de cette belle école clunisienne, une méthode, non plus empirique comme celle des constructeurs antérieurs du moyen âge, mais appuyée sur un principe qui, à nos yeux du moins, est excellent, puisqu’il est logique et vrai. Nous expliquerons cette méthode en quelques mots. Toute structure est élevée pour remplir un objet, se propose une fin ; il semble donc que ce soit l’objet qui doive imposer les moyens ; ces moyens sont ou doivent être subordonnés essentiellement à l’objet. Une salle, par exemple, a pour objet un espace vide couvert ; c’est ce vide couvert qui est l’objet, et non les piliers ou les murs ; ceux-ci ne sont et ne doivent être que les moyens d’obtenir le vide. Supposons que la salle soit voûtée, c’est la voûte qui couvre l’espace vide, c’est elle qui est la partie essentielle de la structure, parce que c’est elle qu’il s’agit de maintenir en l’air ; c’est donc la voûte, sa forme, son étendue et son poids qui commandent la disposition ; la forme et la résistance des points d’appui. Par déduction logique, la surface à couvrir, et le moyen de la couvrir (soit une voûte) étant donnés, c’est la voûte qu’il s’agit d’abord de tracer, et c’est son tracé qui doit imposer celui des piliers ou des murs. En toute chose, c’est la conclusion à laquelle on veut arriver qui commande les prémisses, et personne ne commencera un livre ou un discours sans savoir, au préalable, ce qu’il veut démontrer.

Une méthode aussi naturelle, aussi simple, aussi logique, ouvrait alors un champ nouveau à l’architecture, comme elle l’ouvrirait encore aujourd’hui, si l’on voulait se donner la peine de l’appliquer avec rigueur et en utilisant les éléments dont nous disposons. Nous disons qu’alors, au XIIe siècle, cette méthode ouvrait un champ nouveau à l’art, parce que, depuis la décadence antique, l’art ne vivait plus que sur des traditions assez confuses et corrompues, traditions dont les éléments étaient oubliés ou incompris, parce qu’on ne se mettait guère en peine, pas plus qu’aujourd’hui, en architecture, de faire concorder les prémisses avec la conclusion, ou les moyens avec l’objet ; on parlait pour parler. Au milieu de cette confusion et de cette ignorance de la pratique de l’art, l’introduction d’une méthode satisfaisante pour l’esprit, facilement applicable, qui ne demandait tout d’abord que des connaissances en géométrie peu étendues, qui d’ailleurs était susceptible de perfectionnements infinis, comme la suite l’a prouvé, et comme on le reconnaît encore quand on veut l’appliquer, devait produire un de ces développements subits signalés de loin en loin dans l’histoire de l’art. C’est ce qui arriva. Heureusement pour ce temps, les monastères clunisiens renfermaient l’élite des intelligences en Occident, et étaient à la tête, par l’enseignement, de toutes les connaissances qui pouvaient alors donner une direction nouvelle aux arts et aux lettres. Si l’on examine les monuments que ces religieux ont élevés pendant la première moitié du XIIe siècle, on constate jusqu’à quel degré ils avaient pu s’assimiler cette architecture dont ils avaient pris les éléments en Syrie, mais aussi comment ils allaient fertiliser ces éléments en les soumettant à une méthode géométrique rigoureusement déduite de l’objet. Dorénavant, dans le tracé de la structure, c’était la chose portée, sa configuration, sa pesanteur, sa position logique, qui allaient imposer les membres et les formes de la chose qui porte. Encore une fois c’était là un progrès, une idée nouvelle, car cette idée n’avait été développée avec cette rigueur, ni chez les Grecs, ni dans les édifices romains. Elle sera encore de nos jours un des éléments de progrès en laissant faire au temps, et en tenant compte des études qui se poursuivent malgré les entraves académiques, parce qu’elle est singulièrement propre à l’emploi des nouveaux matériaux que l’industrie nous fournit.

Il faut dire que pour appliquer rigoureusement la méthode de tracé qu’inauguraient les maîtres, dès le milieu du XIIe siècle ; il fallait que ceux-ci fussent eux-mêmes traceurs, et que les formes de l’architecture fussent combinées en raison des nécessités de la structure. Il fallait qu’ils eussent sans cesse devant les yeux de leur intelligence les moyens pratiques applicables, non-seulement à la partie, mais à l’ensemble. Ils ne se fiaient point à l’opération du ravalement, si commode pour dissimuler des négligences, des oublis ou des erreurs ; car chaque pierre sortie de la main de l’ouvrier devait prendre exactement la place qui lui était destinée, suivant la forme nécessaire et tracée d’avance, pour ne plus être retouchée. Le système de voûte trouvé par ces maîtres, vers 1150, et atteignant si rapidement son développement logique, système dont les éléments étaient entièrement neufs, dérivait d’une méthode de tracé spéciale, rigoureuse dans son principe, mais très-étendue dans ses applications. En étudiant les édifices élevés dans l’ancienne France de 1130 à 1160, on découvre aisément les écoles qu’ont dû faire les constructeurs pendant cette période, les difficultés qui surgissent d’une application encore incomplète de la méthode à suivre, les perfectionnements qui se développent à mesure que ces maîtres entrent plus avant dans l’application vraie du système adopté. C’est ainsi, en effet, que se forme un art, et non par des essais vagues, produits de ce que l’on croit être une inspiration spontanée, ou d’un éclectisme nuageux ne se rattachant à aucun principe arrêté. En architecture, tout est problème à résoudre ; des traditions établies peuvent être suivies et fournir longtemps une carrière à l’artiste, mais si ces traditions viennent à manquer, ou sont reconnues insuffisantes, l’art, pour ne pas tomber au dernier degré de l’affaissement, a besoin de recourir à des principes absolus, doit adopter une méthode logique dans sa marche, serrée dans son application. Les maîtres du XIIe siècle comprirent ainsi leur rôle, et s’ils ne nous ont pas laissé d’écrits pour nous le dire, ils ont élevé assez de monuments, encore entiers, pour nous le prouver. Alors les développements de l’architecture religieuse et de l’architecture militaire étaient ce qui préoccupait le plus ces maîtres, et cependant les principes qu’ils adoptent, s’étendent sur toutes les autres branches de l’art. Une fois dans la voie logiquement tracée, ils ne s’en écartent pas, car elle les conduit aussi bien à la structure de l’église, sur des formes nouvelles, qu’à celle de la forteresse, du palais ou de la maison.

Nous avons été si fort déshabitués de raisonner, quand il s’agit d’architecture ; les formules académiques sont tellement ennemies de l’examen, de la critique, de la juste appréciation de l’objet, du besoin et des moyens pratiques, que, de nos jours, la nécessité faisant loi et étant supérieure aux préjugés d’écoles, les architectes ont vu s’élever à côté d’eux un corps puissant destiné probablement à les absorber. Ceux que nous appelons ingénieurs ne font pas autre chose, à tout prendre, que ce que firent les maîtres laïques vers le milieu du XIIe siècle. Ils prennent pour loi : le besoin exactement rempli à l’aide des moyens les plus vrais et les plus simples. Si leur méthode n’a pu encore développer des formes d’art nouvelles, il faut s’en prendre à l’influence de ces préjugés d’écoles auxquels ils n’ont osé se soustraire encore entièrement. Ils arriveront à s’en affranchir, on n’en saurait douter, car, encore une fois, la nécessité les y pousse : l’exemple que nous présentons ici finira tôt ou tard par les convaincre qu’il est des traditions abâtardies avec lesquelles il faut rompre ; que l’on ne renouvelle pas un art comme l’architecture, en s’assimilant des formes antérieures sans les passer au crible d’un examen scrupuleux, mais bien plutôt en partant d’un principe établi sur le raisonnement et sur la logique.

Peut-être les moines du XIIe siècle exprimèrent-ils leurs regrets de voir abandonner les traditions de l’art roman et les restes des arts antiques, en face de la nouvelle école des maîtres laïques qui cherchaient à établir leur système sur l’examen, les procédés géométriques et la stricte observation du besoin… ; leurs doléances ne sont point parvenues jusqu’à nous ; et, d’ailleurs, si elles se produisirent, le mouvement social qui prétendait soustraire la civilisation à leur influence exclusive fut le plus fort. Les écoles des couvents elles-mêmes, bien que puissantes, furent entraînées, en tant que les établissements monastiques aient conservé des écoles de maîtres des œuvres, le XIIe siècle écoulé. Il faut rendre cependant à ces établissements la justice qui leur est due, ils avaient commencé (les Clunisiens entre tous) la révolution savante qui allait renouveler l’art de l’architecture. Dans leurs écoles, ainsi que nous le disions tout à l’heure, l’étude de la géométrie était évidemment en honneur dès la première moitié du XIIe siècle. Ils commencèrent, sans en avoir conscience peut-être, la ruine de l’art roman, ou du moins ils ne prétendirent pas établir l’hiératisme. En supposant qu’ils aient reconnu le danger qui menaçait les traditions romanes, ils n’avaient pas, pour le combattre, cet éclectisme irraisonné de nos Académies d’art modernes, puisqu’ils ne connaissaient guère qu’une forme architectonique, celle qu’ils avaient pratiquée. Un moine de génie semble même avoir provoqué cette révolution de l’art de bâtir. Suger fit reconstruire l’église de Saint-Denis en 1137. Elle était terminée, ou peu s’en faut, en 1141. Or, on voit apparaître déjà, dans ce qui nous reste de ce monument, le système de structure dit gothique.

Les voûtes, qui constituent la partie la plus importante de ce système, sont conçues en dehors des données romanes. La figure 1re explique l’ensemble du tracé de la partie conservée du tour du chœur élevé par Suger.
Le plein cintre a complètement disparu ; tous les arcs sont tracés en tiers-point, et c’est leur projection horizontale qui commande impérieusement déjà la place et la forme des piliers. En d’autres termes, l’architecte a dû tracer les voûtes d’abord sur son plan, avant d’arrêter la disposition des piliers. Son intention a été, évidemment, de chercher, autant que possible, des branches d’arcs d’une portée égale, puisque, dans toute cette partie occupée par les chapelles et les doubles collatéraux, il était nécessaire que les clefs des voûtes fussent de niveau, ou à très-peu près.

Les piliers A, B, C, D, E, et les archivoltes AB, BC, CD, DE, ont été refaits sous saint Louis, mais les socles des piliers A, B, C, datent de l’époque de Suger. Quant aux voûtes hautes du sanctuaire, elles ont été reconstruites également au XIIIe siècle. Nous ne nous occupons donc que de la partie comprenant les chapelles et le double collatéral qui appartient à la structure de 1137.

On remarquera que les branches d’arcs ogives ab, cd, de, df, etc., sont sensiblement égales. Du moment que l’arc brisé était admis, les petites différences de longueur de ces branches n’empêchaient pas que leurs clefs atteignissent un même niveau. Les clefs des arcs-doubleaux FG, HI (arcs en tiers-point), sont à un niveau plus bas que les clefs b et d ; ce qui devait être, puisque les branches Fg, gG, etc., de ces arcs, sont plus courtes que celles des arcs ogives. Quant aux arcs doubleaux KL, tracés sur plan horizontal circulaire, leurs clefs sont à un niveau intermédiaire entre celui des clefs b d et celui des clefs g h. Les clefs m des formerets ef n’atteignent pas non plus le niveau des clefs d. Il en résulte que les voûtes d’arête LKIfe, LKFO, sont bombées d’une manière sensible[1]. Ces arcs de voûte et leurs rabattements tracés, le maître de l’œuvre a projeté leurs naissances sur les points où elles devaient porter, ainsi que nous l’avons indiqué en P pour la colonne p, — le profil des arcs-doubleaux étant n et celui des arcs ogives s ; — ces naissances ont imposé la forme et la dimension des tailloirs, et par suite celle du chapiteau et de la colonne : de telle sorte que (voyez le détail R d’une chapelle) ces colonnes prennent un diamètre en raison de la puissance ou du nombre des arcs qu’elles portent, ce qui est parfaitement raisonné et logique.

Il existe, dans le tracé général de ces chapelles et collatéraux du chœur de l’église de Saint-Denis, une irrégularité notable. Les projections d’arcs-doubleaux normaux au cercle du rond-point ABC ne tendent pas au centre Q de ce cercle. Le centre de la seconde précinction LK est en T, au delà du centre Q sur le grand axe, tandis que le centre de la troisième précinction d, d′, sur laquelle sont posés les centres des chapelles circulaires, est en Q, et celui de la tête I des chapelles est en V. L’arc-doubleau ce a donc plus d’ouverture que l’arc-doubleau HI, plus encore que celui xi, plus encore que celui pr. Par contre, l’arc-doubleau Oa a moins d’ouverture que celui FG, etc. Si nous prolongeons jusqu’au grand axe les projections horizontales d’arcs-doubleaux Ae, BI, Ci, Dp, nous voyons que seule la ligne Ae tombe sur le centre T, et que les autres rencontrent le grand axe au delà de ce point. Le traceur a fait danser ces lignes comme on fait danser les marches d’un escalier dans une partie tournante, pour éviter les différences trop grandes que donneraient les secteurs à chacune de leurs extrémités. En effet, si le maître eût tracé les rayons tendants à un centre, les arcs d’entrée des chapelles eussent eu une ouverture hors de proportion avec celle des archivoltes AB du sanctuaire. Le tracé des arcs des voûtes devenait plus difficile, ou plutôt les écarts considérables entre les longueurs de branches d’arcs eussent été un embarras pour le constructeur, sans compter le mauvais effet produit à l’œil.

Il y a aussi dans ces irrégularités, appréciables seulement sur un plan exactement rapporté, un effet de perspective cherché. Il faut se rappeler que la place Z, dans le sanctuaire, était occupée par un magnifique autel avec le reliquaire des martyrs, le tout refait avec luxe par Suger, et que par suite de la déviation des rayons des chapelles, les cérémonies pratiquées en avant de l’autel des reliques se faisaient ainsi réellement au centre de ces chapelles. Quant à la plus grande ouverture des arcs-doubleaux ce, relativement à celles des arcs-doubleaux des chapelles antérieures, c’était un moyen de donner plus de profondeur à l’église suivant son grand axe, et de combattre l’effet de raccourcissement de l’abside produit par la perspective.

Ces délicatesses nous paraissent étranges aujourd’hui, et plutôt que d’en chercher le sens ou d’en constater les résultats, nous préférons mettre ces défauts de plantation sur le compte de l’ignorance de ces artistes anciens, quitte à nous émerveiller demain devant des irrégularités non moins importantes signalées sur des monuments de l’antiquité grecque ; irrégularités qui sont le résultat d’un besoin de l’œil et d’une très-délicate appréciation des effets perspectifs. Ayant ainsi deux poids et deux mesures, méprisant ici ce que nous admirons là-bas, nous ne tenons point compte d’ailleurs, dans nos constructions, de ces conséquences des lois de la perspective. Il faut convenir que, s’il était facile de modifier les largeurs des entre-colonnements ou les diamètres des colonnes dans un portique, grec, puisque ces recherches ne modifiaient point le système de structure en plates-bandes, il l’est beaucoup moins d’appliquer ces lois imposées par un besoin de l’œil, à des édifices voûtés. Il fallait que le système de voûtes adopté se prêtât à ces libertés ; c’est aussi ce qui arriva lorsque l’on abandonna la voûte romaine et la voûte romane pour inaugurer la nouvelle structure. Aussi les maîtres du XIIe siècle, si délicats dans leurs conceptions, profitèrent largement des facilités données par le nouveau système des voûtes françaises pour obtenir de grands effets, à l’aide de moyens simples et pratiques. Une fois le tracé général obtenu, il n’y avait aucun embarras à bander un arc suivant un angle plus ou moins ouvert. Il suffisait de tracer sur l’aire la direction de cet arc et d’en faire le rabattement. Le patron du claveau, posé perpendiculairement à cette direction, donnait la naissance de l’arc. En réunissant tous ces patrons sur un point, on composait le sommier ; le sommier composé, en raison de la forme des claveaux et de la direction des arcs, on traçait le chapiteau qui devait porter le sommier. Le chapiteau tracé, on avait la colonne ou la pile. Donc c’était par le tracé général des voûtes que le maître commençait l’opération graphique du plan. Une méthode pareille exigeait, il est vrai, une pratique très-complète de la géométrie, non-seulement de la part, du maître, mais aussi chez les metteurs en œuvre, car il fallait à chaque sommier se rendre compte de la pénétration des surfaces qui venaient se grouper en faisceaux ; mais on ne prétendra pas, probablement, que ces connaissances poussées très-loin chez le maître et facilement comprises par les aides, aient jamais été une marque d’ignorance, et de barbarie. Ayant mis sous les yeux de nos lecteurs un de ces tracés généraux, il est nécessaire de pénétrer plus avant dans les méthodes de détail. Prenons d’abord un des exemples les plus simples. Soit (fig. 2) un pied-droit de porte avec ébrasement extérieur.
Cet ébrasement devra être nécessairement couvert par des arcs. Nous prendrons, pour faire ces arcs, des pierres d’une dimension proportionnée à leur portée. Soit en A une échelle d’une toise. La dimension d’un pied sera donnée aux claveaux ; l’ébrasement ayant quatre pieds de profondeur, quatre rangs de claveaux superposés le fermeront. Sur le tympan T, servant de cintre, nous tracerons donc le premier rang B de claveaux ; sur ce premier rang le deuxième C, et ainsi pour les deux autres D, E. Un bandeau F d’archivolte sertira les quatre rangs. La projection horizontale BCDE des naissances de ces claveaux donnera la dimension des chapiteaux dont les carrés supérieurs G auront ainsi un pied sur chacune des deux faces vues. Suivant la saillie que nous voudrons donner à ces chapiteaux sur le fût des colonnes, nous tracerons celles-ci. S’ils doivent être engagés, ces fûts seront tracés tangents aux côtés a, b (voyez le détail H) ; alors les chapiteaux seront eux-mêmes engagés et leurs milieux seront en d. Si nous préférons que ces chapiteaux soient entiers, nous tracerons le fût de la colonne, le centre au milieu i du carré. Les deux partis ont été adoptés au XIIe siècle, le second plus rarement dans les provinces françaises que le premier. La saillie du tailloir m sera franche et se profilera régulièrement autour de la tête des chapiteaux. Cette saillie recevra le bandeau d’archivolte F. D’ailleurs la projection horizontale des chapiteaux et de leurs tailloirs donnera celle des bases et de leurs socles, ainsi que le démontre la projection verticale L. Ce détail très-simple, puisqu’il ne s’agit que du tracé d’une suite d’archivoltes concentriques, fait ressortir le principe dominant. Ce sont les arcs, leur projection horizontale, qui commandent la forme des chapiteaux, les fûts et les bases des colonnes. Le maître a dû tracer ces rangs d’arcs avant de tracer le plan par terre[2].

S’il s’agit de tracer les arcs d’une nef et leurs supports, l’opération (cela va sans dire) est plus compliquée. En architecture, comme en toute chose, quand un principe nouveau est admis, les premières applications que l’on en fait ne sont pas les plus simples. Nos moteurs à vapeur sont moins compliqués que ne l’étaient ceux du commencement du siècle ; ce n’est que par l’étude que l’homme arrive à simplifier ce que son génie lui fait trouver tout d’abord.

Mettons en parallèle deux systèmes de piles de nefs portant des voûtes en arcs d’ogive (fig. 3).
L’un, A, appartient à l’église cathédrale de Paris ; l’autre, B, à l’église cathédrale de Reims. Le premier date de 1195, le second de 1220 environ. Jetons les yeux sur la coupe de la nef de l’église Notre-Dame de Paris (voy. Cathédrale, fig. 2). Nous verrons que des piliers cylindriques partent : à rez-de-chaussée, deux archivoltes, un arc-doubleau, deux arcs ogives et un faisceau de trois colonnettes destinées à porter les arcs des voûtes hautes ; au premier étage, une galerie voûtée, c’est-à-dire un arc-doubleau et deux arcs ogives ; à la hauteur des fenêtres, un contre-fort, le mur percé de baies, deux colonnettes pour les formerets, l’arc-doubleau et les deux arcs ogives des voûtes hautes. Le maître de l’œuvre, en maintenant le système des piles cylindriques, croyait certainement partir d’une donnée simple, et cependant ce premier point devait lui causer des embarras et l’obliger à des complications d’épures.

On voit sur notre figure 3, en A, la projection horizontale de tous ces membres superposés à la demi-circonférence du pilier cylindrique. Sur cette circonférence, le traceur a fait retomber l’arc-doubleau a et l’arc ogive b du collatéral, l’archivolte à deux rangs de claveaux ccd portant l’ordonnance longitudinale, la colonnette e et celle f destinées à porter l’arc-doubleau et l’arc ogive des voûtes hautes. Pour recevoir ces membres, il a tracé le tailloir du chapiteau opqr carré aux angles abattus, ce qui n’empêche pas qu’il reste des surfaces horizontales v ne portant rien. Ce premier tracé reçoit le plan des piliers au niveau de la galerie, plan que l’on trouve en ghijk. Adossées à la partie interne de ce pilier, ont été tracées les colonnettes l des arcs-doubleaux et m des arcs ogives des voûtes de cette galerie. Les projections horizontales des arcs de ces voûtes sont les mêmes que celles des arcs ab des voûtes du collatéral. La claire-voie de la galerie étant enveloppée par une archivolte, la projection horizontale de cette archivolte a été tracée en n et s, débordant vers la nef, en n′, le nu du tympan de l’archivolte inférieure pour former saillie sur les chapiteaux du pilastre d’angle (voy. Cathédrale, fig. 4). Quant à l’archivolte interne s, elle sert de formeret à la voûte de la galerie. Pour mieux ouvrir la claire-voie, les petites archivoltes formant arcature (voy. Cathédrale, fig. 4) retombent en t sur le pilastre i, et non sur une colonnette. Le nu extérieur du mur au-dessus de la galerie étant en u, porté sur le formeret s, le contre-fort extérieur est en XX′r (voy. Cathédrale, fig. 2).

Les colonnettes e, f, continuent à s’élever et reçoivent l’arc-doubleau e′ et l’arc ogive f’, dont la naissance est projetée sur notre figure. Ces naissances donnent la forme des chapiteaux et des tailloirs tracés en y. Sur la saillie Z de ce tailloir retournant d’équerre, repose la base de la colonnette W qui porte le formeret de la voûte haute. Il ne faut pas oublier que ces voûtes hautes sont croisées, c’est-à-dire que les arcs ogives prennent deux travées, et donnent, par conséquent, une projection horizontale voisine de 45 degrés. Les difficultés de tracés eussent encore été augmentées, si ces arcs ogives eussent été les diagonales d’une seule travée.

On voit, par cet exemple, quelles complications et quels tâtonnements y entraîne l’emploi incomplet d’une méthode, une fois un principe admis. L’ordonnance ne commence réellement qu’au-dessus du tailloir des gros chapiteaux, et cette ordonnance est gênée par cette nécessité d’un tailloir carré posé parallèlement au grand axe de la nef. L’architecte a procédé logiquement pour la partie supérieure ; il a tracé ses arcs de voûtes avant tout, et ceux-ci lui ont donné la forme, la place et la dimension des supports ; mais cette surface carrée dans laquelle il fallait se renfermer et qui lui était donnée par le cylindre inférieur, l’obligeait à mêler les membres, à les enchevêtrer les uns dans les autres pour trouver leur place. Encore, malgré ces efforts, laissait-il sur ces tailloirs, trop restreints en deux sens, des surfaces non occupées. Voulant avoir, à rez-de-chaussée, des piliers cylindriques et adoptant l’ordonnance de la structure nouvelle, il eut été plus logique et plus simple de poser les tailloirs diagonalement, puisque c’était parallèlement et perpendiculairement au grand axe de la nef qu’il avait à développer les membres de la structure. En effet, si les tailloirs eussent été tracés ainsi que nous l’avons indiqué en G, le traceur plaçait les diagonales dans le sens du développement des membres portants ; il était moins gêné et ne laissait pas des surfaces inoccupées. Ce raisonnement, comme on le pense bien, fut bientôt suivi par les maîtres, dès le commencement du XIIIe siècle. La cathédrale de Reims fut fondée en 1212 ; la partie de la nef voisine du transsept s’élevait vers 1220, vingt-cinq ans après la construction des piles de la nef de Notre-Dame de Paris. Le plan B (fig. 3) donne la moitié de la projection horizontale d’un des piliers de la nef de Notre-Dame de Reims (partie ancienne), avec les membres qui portent ces piliers. L’architecte conserve la pile cylindrique, mais il diminue comparativement son diamètre, et il la cantonne de quatre colonnes engagées[3]. Sur cette pile (voy. Cathédrale, fig. 14) il pose un chapiteau, ou plutôt un groupe de chapiteaux (voy. Chapiteau, fig. 33), dont les tailloirs réunis adoptent la forme générale indiquée en G. Mais, grâce à ces colonnes engagées sur le cylindre et à la forme franche des tailloirs, l’ordonnance qui commence au-dessus de cette pile se lie à la partie inférieure. En effet, la colonne engagée C (côté de la nef) porte une autre colonne d’un diamètre un peu plus faible et deux colonnettes D qui monteront jusqu’aux voûtes hautes pour recevoir l’arc-doubleau F et les arcs ogives H. La colonne engagée K porte l’archivolte longitudinale, dont la largeur est K′K″, et au-dessus se découpe la pile LMN du triforium avec sa colonnette 0, puis le jambage de la fenêtre supérieure UU′U″ enveloppée par le formeret de la voûte haute dont la colonnette est en I. La colonne engagée P porte l’arc-doubleau Q ; au-dessus, la pile postérieure du triforium R se reliant au mur de clôture du passage intérieur SS′. Sur la pile se détache la colonne T″ adossée au contre-fort avec passage extérieur. Les arcs ogives des voûtes des collatéraux se rangent en V, leur trace sur le tailloir étant en V′[4]. Le progrès sur l’exemple précédent est très-sensible. Tous ces membres ont leur place, ne se gênent plus réciproquement : aussi, à Notre-Dame de Reims, la stabilité est parfaite, l’effet clair, l’aspect rassurant. Les conséquences logiques du principe devaient cependant être poussées plus loin encore.

En 1231 furent commencés les travaux de reconstruction de la nef de l’église abbatiale de Saint-Denis. L’architecte chargé de cette reconstruction est resté inconnu, ainsi que la plupart des maîtres des œuvres de cette époque. Mais l’édifice qu’il nous a laissé indique dans toutes ses parties une sûreté et une perfection rares dans l’art du trait.

Prenons, ainsi que nous venons de le faire pour les cathédrales de Paris et de Reims, une des piles de la nef, et voyons comment les divers étages de la construction viennent se poser sur cette pile. Les dernières traces de la colonne cylindrique centrale qui s’accorde si peu avec les divers membres des voûtes sont effacées ; les arcs de ces voûtes commandent absolument la forme de la pile. Les archivoltes longitudinales se composent, suivant l’usage, de deux rangs de claveaux[5] ; les arcs-doubleaux des voûtes du collatéral qui reçoivent les dallages des terrasses sont composés d’un même nombre de claveaux ; puis il faut la place des arcs ogives. Les voûtes hautes se composent d’un arc-doubleau, ne portant que les remplissages, et n’ayant qu’un seul rang de claveaux de 33 centimètres de largeur, de deux arcs ogives et de deux formerets qui sertissent les meneaux des fenêtres. La position nécessaire de ces membres de voûtes donne rigoureusement la forme et le nombre des membres de la pile.
En effet (fig. 4), l’arc-doubleau des voûtes du collatéral comprend les deux membres a et b ; l’archivolte longitudinale, les deux mêmes membres a′ et b′ ; l’arc ogive le membre c. L’arc-doubleau des voûtes hautes se compose du membre d, et l’arc ogive des mêmes voûtes du membre e. La projection horizontale de la naissance de ces divers arcs est tracée sur notre figure avec leurs profils. L’arc ogive c du collatéral peut naître et prendre sa courbure avant la doublure b de l’arc-doubleau, de sorte que cet arc ogive repose sur l’assiette qui sert de point d’appui à cette doublure b ; aussi voit-on les deux projections se confondre en c. La pile se compose donc d’une seule colonne engagée pour ces deux membres confondus. Les projections des arcs sont d’ailleurs exactement comprises dans les lignes fghiklmnop se coupant à angles droits et formant l’épannelage de la pile. Les colonnes engagées sont tracées en retraite de ces lignes, leurs centres sur les diagonales, de manière à donner la saillie des chapiteaux dont la tête, sous les tailloirs saillants, est cette projection fghik, etc. Pour les arcs des grandes voûtes est tracé le faisceau spécial de colonnes engagées qr ; les tailloirs des chapiteaux de ces arcs sont tracés en stuv ; les saillies des tailloirs des autres chapiteaux en f′h′k′, etc. Du côté A de notre figure est tracée la pile avec ses bases. Au-dessus des archivoltes longitudinales, à la hauteur du triforium, se dégage la colonnette engagée B, qui porte le formeret à l’intérieur. En DEFGH est tracée la pile au niveau du triforium. Le passage est en P, le mur ajouré de clôture de ce triforium en I, et le contre-fort extérieur en KL. Au-dessus du triforium est tracée la fenêtre avec sa colonnette M qui porte extérieurement l’arc de sertissure, qui n’est autre que le formeret lui-même ; aussi le centre de cette colonnette M est-il sur la même ligne que celui de la colonnette B. Au niveau des fenêtres est posée, sur le contre-fort KL, la colonne isolée N, qui reçoit la tête de l’arc-boutant et qui laisse un passage, au-dessus du triforium, entre elle et la pile OQ.

Il est facile de reconnaître que ce dernier tracé est préférable aux deux premiers. Cela est plus clair et plus logique. Les arcs des voûtes ont chacun leur support ; les chapiteaux de ces supports sont nettement accusés par les épannelages de ces arcs compris entre des parties rectilignes. Les projections des bases et celles des chapiteaux sont les mêmes, sauf, pour ces bases, que les angles sont judicieusement abattus en W, afin de ne pas gêner la circulation.

Dans cette voie, les maîtres du moyen âge ne devaient s’arrêter qu’à la dernière limite. On ne se soumet pas impunément, dans notre pays, à la logique. Elle nous pousse, nous entraîne jusqu’aux confins du possible. Cinquante ans au plus après l’adoption de ces principes de tracés, les architectes en étaient arrivés à donner exactement à la section horizontale des piles la section des arcs ; on peut se rendre compte de ce fait en examinant les figures 15, 16 et 17 de l’article Pilier. Ces méthodes les amenaient à ne plus concevoir une construction que par des tracés de projections horizontales superposées, et c’était naturellement les plans des parties supérieures (complément de l’œuvre) qui commandaient les sections horizontales des parties inférieures. Du temps de Villard de Honnecourt, on s’en tenait encore aux tracés conçus dans l’esprit de ceux que nous venons de présenter. On trouve, parmi les croquis de cet architecte, des indications qui se rapportent exactement aux méthodes que suggère l’étude des monuments de cette époque[6].

Villard de Honnecourt donne quelques plans d’édifices voûtés, et l’on peut constater que le tracé de ces plans dérive essentiellement de la nécessité de structure des voûtes. Ce fait est évident pour qui voudra jeter les yeux sur les plans des cathédrales de Cambrai et de Meaux[7], sur le plan conçu et discuté entre lui Villard et Pierre de Corbie[8], sur celui du chœur de Notre-Dame de Vaucelles, de l’ordre de Cîteaux[9]. Ce dernier plan, dont nous donnons (fig. 5) le principe, est une des belles conceptions du commencement du XIIIe siècle[10].


La méthode de tracé de l’abside est simple. Le quart de cercle AB a été divisé en sept parties. Chacun de ces rayons donne, ou la position des piles ab, cd, etc., ou les centres des voûtes efgh, etc. Les chapelles circulaires sont adroitement réunies au collatéral, en laissant une circulation facile. Les arcs des voûtes sont combinés de manière à donner des branches d’arcs d’un développement à peu près égal. Un plan général ainsi tracé, l’architecte avait la direction de chacun des arcs. Il arrêtait leur section, puis posant ces sections sur les naissances, suivant la direction indiquée, il en déduisait le tracé des piles.

Nous avons si souvent l’occasion, dans le cours du Dictionnaire, de donner des tracés d’ensemble et de détails d’édifices, qu’il ne paraît pas utile ici d’insister sur les procédés géométriques de ces tracés. Ce qu’il est important de faire ressortir, c’est le côté méthodique de ces procédés, soit qu’il s’agisse de la composition, soit qu’il s’agisse de la structure et de la valeur ou de la forme à donner aux divers membres.

Ceux qui nient l’utilité qu’on peut tirer de l’étude de notre architecture du moyen âge, parce qu’ils n’ont pas pris la peine, le plus souvent, d’en connaître l’esprit et les éléments, ou qui feignent de considérer nos recherches comme une tendance vers une renaissance purement matérielle des formes adoptées par les artistes de ces époques éloignées (bien que nous ayons toujours dit et écrit que ces études ne doivent être considérées que comme un moyen et non comme le type d’un art immuable), tantôt dédaignent cette architecture parce qu’elle ne serait, à les croire, qu’une structure, non un art ; tantôt l’accusent de se laisser entraîner aux fantaisies les plus étranges, ou encore d’être subtile et hardie outre mesure ; d’être le résultat de l’ignorance subitement réveillée, ou de la science, abstraction faite du choix de la forme ; d’être pauvre d’invention, ou riche à l’excès dans ses détails, hiératique ou capricieuse… ; de sorte que si l’on avait, par aventure, souci de réunir ces appréciations, la difficulté, avant de les combattre dans ce qu’elles ont d’excessif ou d’erroné, serait de les concilier. Cependant si l’on examine avec attention les méthodes employées par ces maîtres du moyen âge, on reconnaît tout d’abord qu’elles dérivent de principes définis, clairs, établis sur une observation profonde et judicieuse des conditions imposées à l’architecture en général, quel que soit le milieu ou le temps ; que ces méthodes se développent suivant un procédé logique dans sa marche, sincèrement appliqué dans la pratique.

Aucune architecture ne saurait supporter mieux que la nôtre, pendant la belle période du moyen âge, cette superposition des plans d’une structure, superposition qui fait voir qu’aucun membre n’est superflu, que tous ont leur place marquée dès la base. Qu’on essaye d’en faire l’épreuve ! et avec la dose de bonne foi la plus légère (encore en faut-il), on reconnaîtra bien vite que, ni l’architecture grecque, ni même l’architecture romaine, souvent si rationnelle, ne possèdent au même degré ces qualités logiques de structure.

Le système de tracé de notre architecture du moyen âge, du XIIe siècle à la fin du XVe, peut se résumer en ces quelques mots : « C’est la chose portée qui commande la forme de la chose qui porte » ; et cela sans qu’on puisse trouver une seule exception à cette loi si simple et naturelle. De ce système à l’absence de tout système qui nous fait, entre autres exemples, élever des colonnes le long d’un mur pour ne rien porter du tout, et pour occuper les yeux des badauds, il y a loin, nous en conviendrons volontiers ; mais considérer comme un progrès cet oubli des lois les plus naturelles de l’architecture, et prendre des airs dédaigneux devant les œuvres d’artistes qui ont appliqué une raison rigoureuse à ce qu’ils faisaient, quand on a perdu l’habitude de raisonner, cela ferait sourire, si ce n’était pas si cher.

  1. Voyez Construction, fig. 65, H.
  2. Voyez Porte, fig. 53, 59, 60, 62, 63 et 64.
  3. Une tentative de ce genre avait déjà été faite dans la partie de la nef de Notre-Dame de Paris voisine des tours, et dont la construction date de 1215 environ.
  4. Pour bien saisir la place et la fonction de tous ces membres, il est nécessaire de recourir à la figure 14 de l’article Cathédrale.
  5. Voyez Architecture Religieuse, fig. 36. Cette gravure trace, en perspective, la coupe de la nef de l’église abbatiale de Saint-Denis.
  6. Voyez l’Album de Villard de Honnecourt. D’après le manuscrit original, publié par J. B. Lassus et A. Darcel, 1858.
  7. Planches xxvii et xxviii.
  8. Planche xxviii.
  9. Planche xxxii.
  10. L’église cistercienne de Vaucelles s’élevait à quelques kilomètres de Cambrai ; elle avait été dédiée, en 1235, par Henri de Dreux, archevêque de Reims. En 1713, elle était encore debout, et ne fut détruite qu’à la fin du dernier siècle.