Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Alcyon

Henri Plon (p. 16-17).
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Alcyon. Une vieille opinion, qui subsiste encore chez les habitants des côtes, c’est que l’alcyon ou martin-pêcheur est une girouette naturelle, et

 
Alcyon
Alcyon
 
que, suspendu par le bec, il désigne le côté d’où vient le vent, en tournant sa poitrine vers ce point de l’horizon. Ce qui a mis cette croyance en crédit parmi le peuple, c’est l’observation qu’on a faite que l’alcyon semble étudier les vents et les deviner lorsqu’il établit son nid sur les îlots, vers le solstice d’hiver. Mais cette prudence est-elle dans l’alcyon une prévoyance qui lui soit particulière ? N’est-ce pas simplement un instinct de la nature qui veille à la conservation de cette espèce ? « Bien des choses arrivent, dit Brown, parce que le premier moteur l’a ainsi arrêté, et la nature les exécute par des voies qui nous sont inconnues. »

C’est encore une ancienne coutume de conserver les alcyons dans des coffres, avec l’idée qu’ils préservent des vers les étoffes de laine. On n’eut peut-être pas d’autre but en les pendant au plafond des chambres. « Je crois même, ajoute Brown, qu’en les suspendant par le bec on n’a pas suivi la méthode des anciens, qui les suspendaient par le dos, afin que le bec marquât les vents. Car c’est ainsi que Kirker a décrit l’hirondelle de mer. » Disons aussi qu’autrefois, en conservant cet oiseau, on croyait que ses plumes se renouvelaient comme s’il eut été vivant, et c’est ce qu’Albert le Grand espéra inutilement dans ses expériences[1].

Outre les dons de prédire le vent et de chasser les vers, on attribue encore à l’alcyon la précieuse qualité d’enrichir son possesseur, d’entretenir l’union dans les familles et de communiquer la beauté aux femmes qui portent ses plumes. Les Tartares et les Ostiaks ont une très-grande vénération pour cet oiseau. Ils recherchent ses plumes avec empressement, les jettent dans un grand vase d’eau, gardent avec soin celles qui surnagent, persuadés qu’il suffit de loucher quelqu’un avec ces plumes pour s’en faire aimer. Quand un Ostiak est assez heureux pour posséder un alcyon, il en conserve le bec, les pattes et la peau, qu’il met dans une bourse, et, tant qu’il porte ce trésor, il se croit à l’abri de tout malheur[2]. C’est pour lui un talisman comme les fétiches des nègres. Voy. Âme damnée.


  1. Brown, Erreurs populaires, liv. III, ch. x.
  2. M. Salgues, Des erreurs et des préjugés, t. III, p. 374,