Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Périclès


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PÉRICLÈS, a été l’un des plus grands hommes qui aient paru dans l’ancienne Grèce. Ses ancêtres, tant du côté paternel que du maternel, étaient fort illustres. Il fut élevé avec tous les soins imaginables, et il eut entres autres maîtres Zénon d’Élée, et Anaxagoras, deux des plus illustres philosophes qui enseignassent dans Athènes. Il apprit du dernier entre autres choses à craindre les dieux sans superstition (A), et à donner une cause des éclipses, qui rendit une fois un très-bon office aux Athéniens (B). On fut assez injuste pour le soupçonner d’athéisme, sous prétexte qu’il avait appris à fond la doctrine de ce philosophe (C). Il se signala par un courage intrépide et par une force d’éloquence extraordinaire [a] qui s’était nourrie et armée dans la science de la nature ; et il s’accommoda de telle sorte au goût du peuple selon les temps, qu’il s’acquit une autorité presque aussi grande sous un gouvernement républicain, que s’il eût été monarque (D). Il est vrai qu’il ne fut pas à couvert des railleries satiriques de la comédie (E). Les poëtes le diffamèrent sur plusieurs choses, et nommément sur ses amours pour Aspasie. La débauche des femmes fut l’un des vices qu’on lui reprocha le plus [b]. Il supporta patiemment ces médisances (F), et il aurait pu passer pour heureux, s’il n’avait pas été exposé à d’autres maux ; mais il éprouva par bien des endroits la malignité de la fortune, et principalement dans son domestique [c] (G) ; car il fut malheureux et en femme et en enfans. Il y a une réflexion à faire sur les médisances qui coururent contre lui (H). Il mourut la troisième aunée de la guerre du Péloponnèse [d], après une longue maladie qui lui avait affaibli le jugement (I). Néanmoins un peu avant que d’expirer, il dit une chose très-sensée, et qui a fait faire à Plutarque une réflexion solide sur la nature de Dieu (K) ; mais cet auteur allait trop loin : il outrait l’idée de la bonté souveraine : il ne voulait pas que jamais elle pût nuire, et il aimait mieux imputer le mal à une autre cause. Nous verrons. à ce sujet l’une de ses preuves de la malignité d’Hérodote, et ce que l’on y a répondu. Cette preuve est tirée de l’humeur jalouse, et de l’esprit envieux à quoi cet historien prétend que la nature divine est sujette (L). Valère Maxime est tombé dans une erreur qu’il ne faudra pas laisser passer, et qui nous donnera lieu de mettre ici un aphorisme de politique (M). La sœur de Cimon s’avisa un jour de critiquer la conduite de Périclès, et ne s’en trouva pas bien. La réponse qu’il lui fit nous fait connaître qu’il avait l’esprit présent (N). J’ai fait espérer qu’on verrait ici l’histoire de la fameuse Aspasie (O) ; et je tiendrai ma parole. Voyer la remarque (O). Je ferai aussi un petit recueil de quelques erreurs qui se rapportent à cette femme (P). Je n’oublierai point les fautes de M. Moréri (Q), ni celles de son continuateur, ni celles d’un autre écrivain français touchant Périclès (R). J’aurai là une occasion de faire observer les injustices et les désordres qui régnaient souvent sous l’état républicain des Athéniens (S).

L’expédition de Samos, dont je touche les motifs dans l’une de mes remarques [e], fut de toutes les actions de Périclès celle que les écrivains empoisonnèrent avec le plus de malignité [f]. Plutarque vous l’apprendra, mais il a omis une circonstance odieuse qu’il eût pu trouver dans Alexis le Samien, au second livre des Confins de Samos. Cet auteur avait observé que les garces qui suivirent Périclès dans cette expédition firent un gain si considérable, qu’elles bâtirent à Samos le temple de Vénus surnommée des roseaux, ou des marais (T). C’était reprocher à ce général, qu’il avait mal observé la discipline militaire.

  1. Voyez la rem. (D).
  2. Voyez la rem. (G).
  3. Tiré de Plutarque, Vie de Périclès.
  4. Thucydides, lib. II, pag. m. 118 : c’était la 3e. de la 87e. olympiade.
  5. Ci-dessous citat. (167).
  6. Voyez Plutarque dans la Vie de Périclès, pag. 166 et suiv.

(A) Il apprit d’Anaxagoras à craindre. les dieux sans superstition. ] Le peuple d’Athènes s’alarmait mal à propos, dès qu’il paraissait en l’air quelque phénomène peu commun. Il s’imaginait que c’étaient des signes de la colère des dieux. Le philosophe Anaxagores délivra Périclès de cette crainte, en lui expliquant par des raisons naturelles l’apparition de ces météores. Ainsi il lui inspira une religion plus raisonnable, qui n’était pas inquiétée par des frayeurs superstitieuses, et qui espérait tranquillement les faveurs célestes. Οὐ μόνον δὲ ταῦτα τῆς Ἀναξαγόρου συνουσίας ἀπέλαυσε Περικλῆς. ἀλλὰ καὶ δαισιδαιμονίας δοκεῖ γενέσθαι καθυπέρτερος, ὅση πρὸς τὰ μετέωρα θάμϐος ἐργάζεται τοῖς αὐτῶν τε τούτων τὰς αἰτίας ἀγνοοῦσι, καὶ περὶ τὰ θεῖα δαιμονῶσι καὶ ταραττομένοις δἰ ἀπειρίαν αὐτῶν. ἣν ὁ ϕυσικὸς λόγος ἀπαλλάττων, ἀντὶ τῆς ϕοβερᾶς καὶ ϕλεγμαινούσης δεισιδαιμονίας, τὴν ἀσϕαλῆ μετ᾽ ἐλπίδων ἀγαθῶν εὐσέϐειαν ἐνεργάζεται. Nec verò hunc solum fructum tulit Pericli Anaxagoræ usus, verùm omni etiam liberavit eum superstitione, quæ terrorem ex rebus æthereis imprimit ignorantibus earum causas, et iis qui rerum divinarum metu pavent, percellunturque rudes earum : quem eximens naturalis ratio, pro terrificâ et æstuante superstitione, securam inserit cum bonâ spe religionem [1].

Ce que Plutarque raconte ensuite de ces paroles, mérite d’être allégué. On apporta un jour à Périclès une tête de belier où il n’y avait qu’une corne. Ce belier était né dans une maison de campagne de Périclès. Le devin Lampon déclara que c’était un signe que la puissance des deux factions qui étaient alors dans Athènes [2], tomberait toute entre les mains de la personne chez qui ce prodige était arrivé. Anaxagoras s’y prit d’une autre manière. Il fit la dissection de ce monstre, et y trouvant le crâne plus petit qu’il ne devait être, et d’une figure ovale, il expliqua la raison pourquoi ce belier n’avait qu’une corne, et pourquoi elle était née au milieu du front. (On admira cette méthode de donner raison des prodiges ; mais quelque temps après on admira Lampon, quand on vit abattue la faction de Thucydide, et toute l’autorité entre les mains de Périclès. L’historien dit là-dessus que le devin et le philosophe pouvaient être tous deux fort raisonnables ; l’un pour avoir deviné l’effet, l’autre pour avoir deviné la cause. C’était l’affaire du philosophe, ajoute-t-il, d’expliquer d’où, et comment cette corne unique s’était formée ; mais c’était le devoir du devin de déclarer pourquoi elle avait été formée, et ce qu’elle présageait. Car ceux qui disent que dès que l’on trouve une raison naturelle, on anéantit le prodige, ne prennent point garde qu’ils détruisent les signes artificiels aussi-bien que les célestes. Les fanaux que l’on allume sur les tours, les cadrans solaires, etc., dépendent de certaines causes qui agissent selon certaines règles ; et néanmoins ils sont destinés à signifier certaines choses. Voilà ce qui se peut dire de plus spécieux et de plus fort en faveur du dogme vulgaire qu’Anaxagoras voulait combattre. Afin qu’un phénomène de la nature soit un prodige, ou un signe de quelque mal à venir, il n’est point du tout nécessaire que les philosophes n’en puissent donner aucune raison ; car quoiqu’ils le puissent expliquer par les vertus naturelles des causes secondes, il est très-possible qu’il ait été destiné à présager. N’explique-t-on point par des raisons naturelles la lumière des fanaux ? Cela peut-il empêcher qu’ils ne soient un signe de la route quels pilotes doivent prendre ? Avouons donc que Plutarque a soutenu l’opinion commune aussi doctement qu’on la puisse soutenir. La cause efficiente trouvée n’exclut point la cause finale, et la suppose même nécessairement dans toute action dirigée par un être qui a de l’intelligence. Sur quoi donc se fondent les philosophes, quand ils soutiennent que les éclipses, étant une suite naturelle du mouvement des planètes, ne peuvent pas être un présage de la mort d’un roi, et que le débordement des rivières, étant un effet naturel des pluies, ou de la fonte des neiges, ne peut pas être un présage d’une sédition, d’un détrônement, ou de tels autres malheurs publics ? Je réponds à cette demande, qu’ils se fondent sur ce que les effets de la nature ne peuvent être des pronostics d’un événement contingent, à moins qu’une intelligence particulière ne les destine à cette fin. Il est visible que les lois de la nature, laissées dans leur progrès général, n’auraient jamais élevé des tours, n’auraient jamais allumé des feux sur ces tours pour l’utilité des pilotes. Il a fallu que des hommes s’en soient mêlés ; il a fallu que leurs volontés particulières aient appliqué la vertu des corps d’une certaine façon, qui se rapportât à la fin qu’ils se proposaient. D’autre côté, il est visible que les lois de la nature, laissées dans leur progrès général, ne sauraient produire des météores, ou un débordement de rivières qui avertissent les habitans d’un royaume, qu’au bout de deux ou trois ans il s’élèvera une sédition qui renversera la monarchie de fond en comble. Il est visible qu’il faut qu’une intelligence particulière forme ou ces météores, ou ces grandes inondations, afin que ce soient des signes du changement du gouvernement. Or, dès là, ce sont des choses dont la physique ne peut point donner de raison ; car ce qui dépend des volontés particulières de l’homme, ou de l’ange, n’est point l’objet d’une science : la philosophie n’en peut point marquer les causes. D’où il s’ensuit, 1o., qu’un événement dont la physique donne raison, n’est point un présage de l’avenir contingent, et qu’un tel présage n’est point une chose qu’on puisse expliquer par les lois de la nature. Afin donc que Plutarque puisse dire raisonnablement, que le devin et le philosophe rencontrèrent bien, l’un la cause finale, l’autre la cause efficiente, il faut qu’il suppose qu’un esprit particulier disposa de telle sorte le crâne de ce bélier, que le cerveau se rétrécissant et aboutissant en pointe vis-à-vis du milieu du front, ne produisit qu’une corne qui sortit par cet endroit-là. Il faut aussi qu’il suppose que cet esprit modifia de cette façon le cerveau de ce belier, afin que la ville d’Athènes fût avertie que la faction de Périclès opprimerait la faction de Thucydide, et qu’elle obtiendrait seule tout le pouvoir. Mais cette supposition étant contraire aux idées qui nous apprennent qu’il n’y a que Dieu qui connaisse les événemens contingens, ne peut être admise, et ainsi l’on ne saurait adopter le dogme vulgaire des présages, sans reconnaître que Dieu produit par miracle, et par une volonté particulière, tous les effets naturels que l’on prend pour des pronostics. Selon cette proposition, les miracles proprement dits, seraient presque aussi fréquens que les effets naturels : absurdité prodigieuse ! N’oubliez pas que si Dieu eût voulu faire un miracle, pour avertir les Athéniens que l’une de leurs cabales serait éteinte, il n’aurait pas eu besoin d’étrécir le crâne de ce belier. Il eût produit une corne au milieu du front sans rien changer dans le cerveau, et cela eût mieux marqué le prodige. Quoi qu’il en soit, j’espère qu’on ne trouvera pas mauvais que j’aie un peu réfléchi sur une pensée de Plutarque, assez spécieuse pour être capable de sembler solide à la plupart des lecteurs.

(B) .... Et à donner une cause des éclipses, qui rendit une fois beaucoup de service aux Athéniens. ] Rapportons un passage de Plutarque : il concerne une expédition navale, au commencement de la guerre du Péloponnèse. « Comme il fut prest à faire voile estant ja tous ses gens embarquez, et luy mesme monté dedans la galere capitainesse, il advint que le soleil éclipsa soudainement, et le jour faillit : ce qui effroya merveilleusement toute la compagnie, comme si c’eust esté un fort sinistre et dangereux présage. Parquoy Pericles voyant le pilote de sa galere tout esperdu, et ne sachant qu’il devoit faire, estendit son manteau, et luy en couvrit les yeux, puis luy demanda si cela lui sembloit mauvaise chose. Le pilote luy respondit que non : et adonc, lui dit Pericles, il n’y a autre difference entre cecy et cela, sinon que le corps qui fait ces tenebres est plus grand que mon manteau qui te bouche les yeux [3]. » Quintilien observe que Périclès délivra alors d’une grande crainte les Athéniens, An verò cùm Pericles Athenienses solis obscuratione territos, redditis ejus rei causis, metu liberavit : aut cùm Sulpitius ille Gallus in exercitu L. Pauli de lunæ defectione disseruit, ne velut prodigio divinitùs facto militum animi terrerentur, non videtur esse usus oratoris officio [4] ? Valère Maxime ne suppose pas comme Plutarque que Périclès fût sur la flotte ; il veut que cette leçon astronomique ait été faite au milieu d’Athènes. Cùm obscurato repentè sole inusitatis perfusæ tenebris Athenæ sollicitudine agerentur, interitum sibi cœlesti denuntiatione portendi credentes ; Pericles processit in medium, et quæ à præceptore suo Anaxagorâ pertinentia ad solis et lunæ cursum acceperat, disseruit : nec ulteriùs trepidare cives suos vano metu passus est [5]. Frontin parle de l’explication de la foudre, et non pas d’une explication d’éclipse. Périclès, dit-il [6], cùm in castra ejus fulmen decidisset, terruissetque milites, advocatâ concione, lapidibus in conspectu omnium collisis, ignem excussit, sedavitque turbationem, cùm docuisset similiter nubium attritu excuti fulmen.

Si tous les généraux des Athéniens avaient eu pour maître le philosophe Anaxagoras, le malheur qui arriva devant Syracuse à la flotte athénienne, ne serait pas arrivé. Elle était prête à faire voile pour se retirer ; mais la lune s’étant éclipsée, le général Nicias fit différer le départ, ce qui fut la cause de la ruine de la flotte. Laissons parler Plutarque. Cette éclipse « apporta une grande frayeur à Nicias et à ses semblables, qui par ignorance et superstition redoutoient telles apparences. Car quant à l’éclipse et obscurcissement du soleil, qui se fait toujours en la conjonction de la lune, le commun peuple presque de ce temps là en avoit desia connoissance, et entendoyent aucunement que cela se fait par le corps de la lune : mais l’eclipse de lune mesme, que c’est qu’elle rencontre qui l’obscurcit ainsi, et comment estant au plein, elle vient tout soudain à perdre sa clarté et se muer en toutes sortes de couleurs, cela n’estoit pas facile à comprendre, et le trouvoient fort estrange, tenant pour tout certain que c’estoit signe de quelques grands malheurs, dont les dieux menaçoient les hommes. Car Anaxagoras, le premier qui a escrit le plus certainement et le plus hardiment de l’illumination et de l’obscurcissement de la lune, n’estoit pas alors ancien, ni son invention encore divulguée, ains estoit tenue secrette connue de peu de gens, qui ne l’osoyent communiquer qu’avec crainte à ceux desquels ils se fioyent fort bien, à cause que le peuple ne pouvoit lors endurer les philosophes traitans des causes naturelles, que l’on appelloit alors meteorolesches, comme qui diroit, disputant des choses superieures qui se font au ciel ou en l’air, estant avis à la commune qu’ils attribuoyent ce qui appartenoit aux dieux seuls à certaines causes naturelles et irraisonnables, et à des puissances qui font leurs operations, non par providence ne discours de raison volontaire, ains par force et contrainte naturelle : à raison de quoi Protagoras en fut banni d’Athènes, Anaxagoras en fut mis en prison, dont Pericles eut bien affaire à le retirer [7]. » C’est une grande matière à réflexion que ce que l’on voit dans ces paroles de Plutarque.

(C) On fut assez injuste pour le soupçonner d’Athéïsme, sous prétexte qu’il avait appris.... la doctrine d’Anaxagoras. ] Je vous citerai sur cela un auteur de poids. ἤκουσε δὲ διδασκάλων, Ἀναξαγόρου μὲν ἐν ϕιλοσόϕοις, ὅθεν, ϕησὶν Ἄντυλλος, καὶ ἄθεος ἠρέμα ἐνομίσθη, τῆς ἐκεῖθεν, θεωρίας ἐμϕορηθείς. Doctores autem audivit in philosophiâ quidem, Anaxagoram : undè etiam, Antyllo teste, atheus paulatim haberi cœpit, quod illius philosophiæ disciplinam avidiùs hausisset [8]. Voyez ci-dessous dans la remarque (O), à la fin, un passage de Plutarque. En voici un autre de Diodore de Sicile. Διόπερ ἐκκλησίας συνελθούσης περὶ τούτων, οἱ μὲν ἐχθροὶ τοῦ Περικλέους ἔπεισαν τὸν δῆμον συλλαϐεῖν τὸν Φειδίαν, καὶ αὐτοῦ τοῦ Περικλέους κατηγόρουν ἱεροσυλίαν. πρὸς δὲ τούτοις Ἀναξαγόραν τὸν σοϕιςήν, διδάσκαλον ὄντα Περικλέους, ὡς ἀσεϐοῦντα εἰς τοὺς θεοῦς ἐσυκοϕάντουν. συνέπλεκον δ᾽ ἐν ταῖς κατηγορίαις καὶ διαϐολαῖς τὸν Περικλέα, διὰ τὸν ϕθόνον, σπεύδοντες διαϐαλεῖν τὴν τἀνδρὸς ὑπεροχήν τε καὶ δόξαν. Advocatâ igitur ob hoc concione, malevoli Periclis suasores populo existunt, ut Phidiam comprehendant, ipsumque Periclem sacrilegii requirant. Anaxagoram prætereà sophistam, qui præceptor Periclis erat, quòd impiè de diis sentiat, criminantur. Eisdem interim criminibus et calumniis etiam Periclem involvunt, hoc unicè agentes, ut excellentem viri auctoritatem et gloriam calumniis suis convellerent ac labefactarent [9]. Cet auteur ajoute que Periclès ne trouva point de meilleur moyen de conjurer cette tempête, que d’engager la république à une guerre d’importance. Il connaissait le génie et le naturel des peuples [10]. Ils font cas d’un grand personnage, quand ils sont embarrassés d’une grande guerre ; mais les douceurs de la paix les plongeant dans l’oisiveté ; ils lâchent la bride à leurs jalousies, et lui suscitent quelque procès criminel.

(D) Il s’acquit une autorité presque aussi grande..... que s’il eût été monarque. ] On a dit que son éloquence lui avait acquis cet empire. Pericles felicissimis naturæ incrementis, sub Anaxagorâ præceptore summo studio perpolitus et instructus, liberis Athenarum cervicibus jugum servitutis imposuit : egit enim ille urbem, et versavit arbitrio suo. Cùmque adversùs voluntatem populi loqueretur, jucunda nihilominùs et popularis ejus vox erat. Itaque veteris comœdiæ maledica lingua, quamvis potentiam viri perstringere cupiebat, tamen in labris ejus hominis melle dulciorem leporem fatebatur habitare : inque animis eorum, qui illum audierant, quasi aculeos quosdam relinqui prædicabat [11]. Valère Maxime ajoute qu’il n’y avait point d’autre différence entre Pisistrate et Périclès, sinon que l’un exerçait la tyrannie par les armes, et l’autre sans armes. Quid enim inter Pisistratum et Periclem interfuit, nisi quòd ille armatus, hic sinè armis tyrannidem gessit ? Pour donner un plus grand poids à ce témoignage de Valère Maxime, j’observe qu’il l’a copié de Cicéron : Quid Pericles ! de cujus dicendi copiâ sic accepimus, ut quùm contrà voluntatem Atheniensium loqueretur pro salute patriæ, severiùs tamen id ipsum, quod ille contrà populares homines diceret, populare omnibus, et jucundum videretur, cujus in labris veteres comici etiam quùm illi maledicerent, quod tùm Athenis fieri licebat, leporem habitâsse dixerunt, tantamque in eo vim fuisse, ut in eorum mentibus qui audîssent, quasi aculeos quosdam relinqueret. At hunc non declamator aliquis ad clepsydram latrare docuerat, sed, ut accepimus, Clazomenius ille Anaxagoras vir summus in maximarum rerum scientiâ. Itaque hic doctrinâ, consilio, eloquentiâ excellens, quadraginta annos præfuit Athenis, et urbanis eodem tempore, et bellicis rebus [12]. Nous avons ici une preuve de ce que j’aurai à dire, touchant la licence que se donnaient les poëtes comiques contre Périclès. Leurs traits satiriques donnent du relief aux éloges qu’ils n’ont pu lui refuser, par rapport à son éloquence. Si l’on veut savoir le nom des poëtes qui l’ont louée, il ne faudra que consulter Cicéron : il nous apprend qu’Eupolis a dit que la déesse de la persuasion avait son siége sur les lèvres de Périclès [13], et que l’éloquence de cet homme laissait un aiguillon agréable dans le cœur de ses auditeurs. Non quemadmodùm de Pericle scripsit Eupolis, cùm delectatione aculeos etiam relinqueret in animis eorum à quibus esset auditus [14]. Diodore de Sicile [15], et Pline le jeune, nous ont conservé les paroles mêmes de ce comique. Nec me præterit summum oratorem

.....Πρὸς δέ γ᾽ αὗ τούτῳ τάχ᾽ ἡ
Πειθώ τις ἐπεκάθητο τοῖσι χείλεσιν.
Οὔτως ἐκήλει, καὶ μόνος τῶν ῥητόρων,
Τὸ κέντρον ἐγκατέλειπε τοῖς ἀκροωμένοις [16].


Periclem sic à comico Eupolide laudari. Vous trouverez dans le scoliaste d’Aristophane ces mêmes vers d’Eupolis avec quelques autres qui les précèdent, et qui font l’éloge de l’éloquence de Périclès ; éloquence qui plaisait, que l’on admirait et que l’on craignait : Hujus suavitate maximè hilaratæ sunt Athenæ, hujus ubertatem et copiam admiratæ, ejusdem vim dicendi terroremque timuerunt [17]. Elle charmait par sa douceur ; elle donnait de l’admiration par son abondance ; elle épouvantait par sa force. Ne trouvons donc pas incroyable qu’elle ait fait régner Périclès au milieu d’une république. Ses paroles ont été comparées au tonnerre. Qui (Pericles) si tenui genere uteretur, nunquàm ab Aristophane poëtâ fulgurare, tonare, permiscere Græciam dictus esset [18]. Ce passage de Cicéron a été paraphrasé pa le jeune Pline. Adde, quæ de eodem Pericle comicus alter, ἤςραπτ᾽, ἐϐρόντα, ξυνεκύκα τὴν Ἑλλάδα. Non enim amputata oratio et abscissa, sed lata, et magnifica, et excelsa tonat, fulgurat, omnia denique perturbat ac miscet [19]. La première fois que Cicéron publia son livre, il attribua ces paroles à Eupolis ; mais il reconnut sa méprise dans un autre ouvrage. Mihi quidem gratum, et erit gratius si non modò in libris tuis sed etiam in aliorum per librarios tuos Aristophanem reposueris pro Eupoli [20]. Nous ne voyons que l’éclair et le tonnerre d’Aristophane ; mais nous verrons aussi la foudre si nous consultons Plutarque. Les comedies, dit-il, que feirent jouer les poëtes de ce temps-là, esquelles il y a plusieurs paroles dites de luy, les unes à bon esciant, les autres en jeu et avec risée, tesmoignent que ce fut pour son eloquence principalement que luy fut donné le surnom d’Olympien ; car ilz disent qu’il tonnoit, qu’il esclairoit en haranguant, et qu’il portoit sur sa langue une foudre terrible. Je me sers de la version d’Amyot, et je mets le grec en note [21]. L’auteur ajoute une réponse de Thucydide qui confirme bien cela. Comme Archidamus roy de Lacedæmone luy demandast un jour, lequel luctoit le mieulx de luy ou de Pericles, il luy respondit, quand je l’ay jetté par terre en luctant, il sçait si bien dire en le niant, qu’il fait croire aux assistans qu’il n’est point tumbé, et leur persuade le contraire de ce qu’ilz ont veu.

Ne finissons pas encore ce qui concerne l’éloquence de Périclès. Quelques-uns veulent qu’il soit le premier qui ait écrit ses harangues avant que de les réciter. Πρῶτος γραπτὸν λόγον ἐν δικαςηρίῳ εἶπε, τῶν πρὸ αὐτοῦ σχεδιαζόντων. Primus scriptam orationem habuit in judicio, cùm illi qui ipsum antecesserant ex tempore dicerent [22]. C’est à tort ce me semble que Corradus se figure que cela veut dire qu’il lisait son manuscrit [23] ; car une harangue que n’est guère propre à produire les effets que l’on attribue à l’éloquence de cet orateur. Du temps de Quintilien, on avait encore quelques harangues de Périclès ; mais cet habile rhéteur, les trouvant disproportionnées à la haute réputation de ce grand homme, approuvait le sentiment de ceux qui les regardaient comme un ouvrage supposé [24]. Cicero in Bruto negat ante Periclem scriptum quicquam quod ornatum oratorium habeat : ejus aliqua ferri. Equidem non reperio quicquam tantâ eloquentiæ famâ dignum : ideòque minus miror esse qui nihil ab eo scriptum putent : hæc autem quæ feruntur, ab aliis esse composita [25]. Mais rien n’empêche qu’une harangue médiocre récitée par un excellent orateur, n’enlève le monde. L’action fait presque tout. Voyez la remarque (C) de l’article Narni. Finissons par un passage de Thucydide, qui nous apprend que Periclès ayant le don, et de refréner les Athéniens quand ils étaient trop hardis, et de leur donner du courage quand ils ne l’étaient pas assez, était dans le fond le roi d’une république titulaire. Ὁπότε γοῦν αἴσθοιτό τι αὐτοὺς παρὰ καιρὸν ὕϐρει θαρσοῦντας, λέγων κατέπλησσεν ἐπὶ τὸ ϕοϐεῖσθαι, καὶ δεδιότας αὖ ἀλόγως ἀντικαθίςη πάλιν ἐπὶ τὸ θαρσεῖν· ἐγίγνετό τε λόγῳ μὲν δημοκρατία, ἔργῳ δὲ ὑπὸ τοῦ πρώτου ἀνδρὸς ἀρχή. Quoties itaque intelligebat eos quippiam intempestivè ferociterque conantes, orationis acrimoniâ deterrebat : quoties ab re formidantes, rursùs ad fiduciam erigebat. Denique verbo quidem, popularis status, re autem ipsâ, penes primarium virum principatus erat [26]. Plutarque a merveilleusement paraphrasé ce passage de Thucydide [27] : il y joint fort à propos ce que dit Platon sur la force de l’éloquence : il observe aussi que les poëtes se moquaient de la république, qui accordait tant de pouvoir à un seul homme ; et qu’ils exhortaient Periclès à s’engager par serment à ne tyranniser point. Αὐτὸν δ᾽ ἀπομόσαι μὴ τυραννήσειν κελεύοντες, ὡς ἀσυμμέτρου πρὸς δημοκρατίαν καὶ βαρυτέρας περὶ αὐτὸν οὔσης ὑπεροχῆς. ὁ δὲ Τηλεκλείδης παραδεδωκέναι ϕησὶν αὐτῷ τοὺς Ἀθηναίους. πόλεών τε ϕόρους, αὐτάς τε πόλεις, τὰς μὲν δεῖν, τὰς δὲ ἀναλύειν· λάϊνα τείχη, τὰ μὲν οἰκοδομεῖν, τὰ δὲ αὐτὰ πὰλιν καταϐάλλειν, σπονδάς, δύναμιν, κράτος, εἰρήνην, πλοῦτόν τ᾽ εὐδαιμονίαν τε. Ιpsumque jubent, ut cujus sint immodicæ opes et intolerabiles liberæ civitati, tyrannidem se usurpaturum abjurare. Teleclides permisisse ei refert Athenienses urbium tributa, ipsasque adeò urbes has ligare, illas solvere, muros lapideos nunc extruere, nunc eosdem demoliri, fœdera, opes, vires, pacem, opulentiam, fortunasque omnes [28].

N’oublions pas qu’avec une force de génie peu commune, il s’est servi très-heureusement de ses lumières philosophiques, pour donner un grand relief à son éloquence. Les hautes spéculations, et les profondeurs physiques et métaphysiques, dont il avait nourri son esprit par les leçons d’Anaxagoras, eussent été un obstacle à plusieurs autres qui auraient voulu aquérir la gloire de grands orateurs. Mais pour lui, il y trouva un excellent suc qui donna à ses harangues une force merveilleuse. Platon nous apprend cette belle particularité : ses phrases sont magnifiques : elles charmeront ceux qui entendent le grec. Πᾶσαι ὅσαι μεγάλαι τῶν τεχνῶν, προσδέονται ἀδολεσχίας καὶ μετεωρολογίας ϕύσεως πέρι. τὸ γὰρ ὑψηλόνουν τοῦτο καὶ πάντη τελεσιουργικὸν ἔοικεν ἐντεῦθεν πόθεν εἰσιέναι, ὃ καὶ Περικλῆς, πρὸς τῷ εὐϕυὴς εἴναι, ἐκτήσατο. προσπεσὼν γάρ, οἶμαι, τοιούτῳ ὄντι Ἀναξαγόρᾳ, μετεωρολογίας ἐμπλησθεὶς, καὶ ἐπὶ ϕύσιν νοῦ τε καὶ ἀνοίας ἀϕικόμενος (ὧν δὴ πέρι τὸν πολὺν λόγον ἐποιεῖτο Ἀναξαγόρας), ἐντεῦθεν εἵλκυσεν ἐπὶ τὴν τῶν λόγων τέχνην τὸ πρόσϕορον αὐτῇ. Magnæ quælibet artes exercitatione dialecticâ, contemplationeque sublimium in naturâ rerum indigent. Ipsa enim mentis sublimitas, et vis efficax in quâvis re perficiendâ, hinc quodammodò proficisci videntur : quod Pericles ad ingenii acumen adjunxit. Anaxagoræ namque hujusmodi rerum indagatoris familiaritate fretus contemplationi se tradidit mentisque et dementiæ naturam illam comprehendit, de quâ Anaxagoras diffusè disseruit. Undè ad dicendi artem quod ipsi conducere videbatur, traduxit [29]. Cicéron, qui avait en vue, ce me semble, ce passage de Platon, n’en exprime pas toute la sublimité. Périclès, dit-il [30], primus adhibuit doctrinam, quamquam tùm nulla erat dicendi, tamen ab Anaxagorâ physico eruditus exercitationem mentis à reconditis abstrusisque rebus ad causas forenses popularesque facilè traduxerat, hujus suavitate, etc. [31].

(E) Il ne fut pas à couvert des railleries satiriques de la comédie. ] Cratinus, Téléclide, Eupolis, Platon le comique, et Dexippus, le frondèrent. Plutarque ne se contente pas de le dire, il rapporte aussi leurs paroles [32]. M. le Fèvre de Saumur remarque [33] que Cratinus était ferme et hardi en ses compositions, et que la liberté de son style n’épargnait pas même les premiers officiers de la république, le grand et l’Olympien Périclès. Voyons aussi ce qu’il dit en un autre endroit. « Hermippe fit une chose que saint Augustin ignorait sans doute ; car ce grand docteur, qui ne savait pas tant de grec qu’on pourrait bien croire, et qui étudiait plus soigneusement les matières de la grâce que l’histoire grecque et les poëtes comiques, dit en quelque endroit de la cité de Dieu, que jamais la licence du théâtre ne fut assez effrontée pour offenser Périclès ; mais que Térence n’avait pas fait scrupule d’’offenser Jupiter même. (ce passage se trouve dans l’Eunuque.) Il se trompait donc ; car Hermippe fit des vers contre Périclès [34]. » Jamais censure ne fut plus injuste que celle-ci ; car il est très-faux que saint Augustin ait dit ce que le critique de Saumur lui impute. Il a cité un long passage, où l’on déplore que le grand Périclès n’ait pas été épargné par les poëtes du théâtre. Quid autem hic senserint Romani veteres, Cicero testatur in libris, quos de Republicâ scripsit, ubi Scipio disputans ait, nunquàm comœdiæ nisi consuetudo vitæ pateretur, probare sua theatris flagitia potuissent. Et Græci quidam antiquiores vitiosæ suæ opinionis quandam convenientiam servaverunt, apud quos fuit etiam lege concessum, ut quod vellet comœdia nominatim, vel de quo vellet, diceret. Itaque sicut in eisdem libris lequitur Africanus, quem illa non attigit, vel potiùs quem non vexavit, cui pepercit ? Esto : populares homines improbos, in repub. seditiosos, Cleonem, Cleophontem, Hyperbolum læsit. Patiamur, inquit, etsi hujusmodi cives, a censore meliùs est quàm à poëtâ notari : sed Periclem, cum jam suæ civitati maximâ autoritate plurimos annos domi et bello præfuisset, violari versibus, et eos agi in scenâ non plus decuit, quàm si Plautus, inquit, noster voluisset, aut Nævius, Publio et Cneo Scipioni, aut Cæcilius Marco Catoni maledicere. Deindè paulò post nostræ, inquit, contrà duodecim tabulæ cùm perpaucas res capite sanxissent, in his hanc quoque sanciendam putaverunt, si quis actitavisset, sive carmen condidisset ; quod infamiam faceret, flagitiumve alteri. Præclarè. Judiciis enim ac magistratuum disceptationibus legitimis propositam vitam, non poëtarum ingeniis habere debemus, nec probrum audire, nisi eâ lege ut respondere liceat, et judicio defendere. Hæc ex Ciceronis quarto de Republicâ libro ad verbum excerpenda arbitratus sum, nonnullis propter faciliorem intellectum vel prætermissis, vel paululùm commutatis [35]. Cette faute de M. le Fèvre doit apprendre à tous les auteurs à se défier de leur mémoire, et à n’alléguer jamais une chose sans consulter tout de nouveau les livres où l’on se souvient de l’avoir lue. Il avait lu dans saint Augustin, que les romains n’eussent pas permis que leurs comédies offensassent Scipion, quoiqu’ils permissent que Térence choquât Jupiter : ses idées se brouillèrent ; il mit Périclès à la place de Scipion, et par cette métamorphose il se crut très-bien fondé à traiter saint Augustin. Voyons les paroles de ce père de l’église : elles sont belles et sensées ; elles reprochent aux législateurs romains un très-grand défaut : ils défendirent aux poëtes de médire des magistrats ; mais ils leur permirent de se moquer de leurs dieux, At romani sicut in illâ de repub. disputatione gloriatur Scipio, probris et injuriis poëtarum subjectam vitam famamque habere noluerunt, capite etiam punire sancientes tale carmen condere si quis auderet. Quod ergà se quidem satis honestè constituerunt, sed ergà Deos suos superbè et irreligiosè. Quos cùm scirent non solùm patienter, sed etiam libenter poëtarum probris maledictisque lacerari, se potiùs hujuscemodi injuriis indignos esse duxerunt, seque ab eis etiam lege munierunt, illorum autem ista etiam sacris solennitatibus miscuerunt. Itane tandem Scipio laudas, hanc poëtis romanis negatam esse licentiam, ut cuiquam opprobrium infligerent romanorum, cùm videas, eos nulli deorum pepercisse vestrorum ? Itane pluris tibi habenda est existimatio vestræ curiæ, quàm Capitolii, imò Romæ unius quàm cœli totius : ut linguam maledicam in cives tuos exercere poëtæ etiam lege prohiberentur, et in Deos tuos securi, tanta convicia nullo senatore, nullo censore, nullo principe, nullo pontifice prohibente jacularentur ? Indignum videlicet fuit, ut Plautus aut Nœvius Publio et Cneo Scipioni, aut Cœcilius M. Catoni malediceret : et dignum fuit, ut Terentius vester flagitio Jovis optimi maximi adolescentium nequitiam concitaret [36]. Arnobe avait fait déjà le même reproche aux gentils. Voyez la note [37] : ses paroles méritent bien d’être lues.

(F) ..... Il supporta patiemment ces médisances. ] Nous ne lisons point qu’aucun des poëtes qui le maltraitèrent en ait été châtié. Il y a pourtant beaucoup d’apparence qu’il eût été bien facile à un homme d’un si grand crédit de punir l’audace de ces gens-là. On le touchait par les endroits les plus sensibles : car on traitait Aspasie de concubine impudente et chaude ; on la traitait, dis-je, de cette façon sur le théâtre. Ἐν δὲ ταῖς κωμῳδίαις Ὀμϕάλη τε νέα καὶ Δηϊάνειρα καὶ πάλιν Ἥρα προσαγορεύεται. Κρατῖνος δὲ ἄντικρυς παλλακὴν αὐτὴν εἴρηκεν ἐν τούτοις, Ἥραν τε οἱ Ἀσπασίαν τίκτει, καταπυγοσύνην παλλακὴν κυνώπιδα. In comœdiis nova Omphale et Dejanira, aliàs Juno nominatur. Cratinus disertè pellicem appellavit hisce versibus :

Junonem Aspasiam parit,
Et impudicam et pellicem, inverecundamque [38].


La politique avait quelque part à cette indolence ; car si Périclès avait travaillé à fermer la bouche aux poëtes, il eût éclairé les Athéniens sur une chose qu’il était de son intérêt qu’ils ne vissent pas : ils eussent senti qu’ils ne retenaient que de nom le gouvernement républicain, et que dans le vrai toute la puissance était réunie en une seule personne. Rien n’est plus capable d’empêcher le peuple de s’apercevoir de l’extinction de la liberté, que la permission qu’on lui laisse de médire impunément de ceux qui possèdent la réalité de la puissance monarchique, sous des noms qui n’ont rien d’odieux. Il importait donc à Périclès de mépriser la licence du théâtre ; mais n’attribuons pas uniquement à l’artifice cette patience : il y entrait de la grandeur ; car jamais un homme aussi courageux et aussi vif qu’il l’était n’eût supporté les injures avec la patience que l’on vit en lui, s’il n’eût eu une force d’âme extraordinaire. Lisez cet endroit de sa vie. On conte, qu’il y eut quelquefois un meschant effronté, qui fut tout un jour à l’oultrager de paroles diffamatoires en pleine place, et luy dire toutes les injures dont il se pouvoit adviser : ce qu’il endura patiemment sans jamais luy respondre un seul mot, depeschant ce pendant quelque affaire de consequence, jusques au soir qu’il se retira tout doulcement en son logis, sans se monstrer alteré en façon quelconque, combien que cest importun là le suyvist tousjours, en luy disant tous les oultrages qu’il est possible de dire : et comme il fut prest à entrer dedans son logis, estant desia nuict toute noire, il commanda à l’un de ses serviteurs qu’il prist une torche, et qu’il allast reconduire cest homme, et l’accompagner jusques en sa maison [39]. La force de son courage et sa patience se montrèrent d’une façon éminente au commencement de la guerre du Péloponnèse. Les ennemis ravageaient l’Attique, et comme il n’était pas en état de les repousser, il se contenta de pourvoir à la sûreté d’Athènes. On murmurait contre lui de cette conduite ; on faisait des vers piquans contre lui ; on le déchirait ; on le menaçait. Il méprisa ce déchaînement, et se conduisit avec la dernière tranquillité selon ses lumières. Ἐχρῆτο τοῖς αὐτοῦ λογιςμοῖς, βραχέα ϕροντίζων τῶν καταϐοώντων καὶ δυσχεραινόντων. καί τοι πολλοὶ μὲν αὐτοῦ τῶν ϕίλων δεόμενοι, προσέκειντο δὲ πολλοὶ τῶν ἐχθρῶν ἀπειλοῦντες καὶ κατηγοροῦντες. πολλοὶ δ᾽ ᾖδον ᾄσματα καὶ σκώμματα πρὸς αἰσχύνην, ἐϕυϐρίζοντες αὐτοῦ τὴν ςρατηγίαν, ὡς ἄνανδρον καὶ προϊεμένην τὰ πράγματα τοῖς πολεμίοις. ἐπεϕύετο δὲ καὶ Κλέων ἤδη διὰ τῆς πρὸς ἐκεῖνον ὀργῆς τῶν πολιτῶν πορευόμενος ἐπὶ τὴν δημαγωγίαν..... πλὴν ὑπ' οὐδενὸς ἐκινήθη τῶν τοιούτων ὁ Περικλῆς, ἀλλὰ πρᾴως καὶ σιωπῇ τὴν ἀδοξίαν καὶ τὴν ἀπέχθειαν ὑϕιςάμενος. Sua sequens consilia, contempsit obstrepentes et stomachantes : quamvis multi eum amici obtunderent precibus, multi minitarentur adversarii insectarenturque, multi carmina canerent et dicteria probrosa, convitiisque incesserent ejus imperium ut molle et prodens hostibus rempubl. Et verò etiam Cleon, incensam conspiciens in illum civitatem, mordebat eum, auram popularem captans ….. Verum istorum movit Periclem nihil : sed comiter et tacitè tulit ignominiam et invidiam [40]. Quel courage ! Quelle constance ! Quelle force, ne voit-on point-là !

(G) Il éprouva la malignité de la fortune.……. dans son domestique. ] La femme qu’il épousa était sa parente, et avait été déjà mariée à Hipponicus, dont elle avait eu un garçon. Périclès eut d’elle deux fils, et s’en dégouta. Elle de son côté n’était pas contente de lui, et consentit sans aucune peine à épouser l’homme qu’il lui proposa [41]. Je ne crois point qu’elle eût tout le tort ; car Périclès se gouvernait d’une manière qui donnait à son épouse un juste sujet de se fâcher. Il aimait ailleurs ; car pour ne rien dire de Chrysilla [42], dont il fut peut-être amoureux pendant qu’il était mari, il est certain qu’il entretenait Aspasie. Il en était si coiffé, qu’il l’épousa, quoiqu’elle fût dans une mauvaise réputation. Les médisans divulguèrent mille choses qui étaient fort propres à aigrir l’esprit de sa femme, et peut-être ne mentaient-ils pas en tout. Ils disaient que Phidias, le plus excellent sculpteur du monde, et l’intendant général de tous les ouvrages que Périclès faisait faire pour l’ornement de la ville, attirait chez lui les dames, sous prétexte de leur montrer le travail des plus grands maîtres ; mais dans le vrai afin de les débaucher, et de les livrer à Périclès. Πάντα δ᾽ ἦν σχεδὸν ἐπ᾽ αὐτῷ, καὶ πᾶσιν ἐπιςάτει τοῖς τεχνίταις διὰ ϕιλίαν Περικλέους. καὶ τοῦτο τῷ μὲν ϕθόνον, τῷ δὲ βλασϕημίαν ἤνεγκεν, ὡς ἐλευθέρας τῷ Περικλεῖ γυναῖκας εἰς τὰ ἔργα ϕοιτώσας ὑποδεχομένου τοῦ Φειδίου. δεξάμενοι δὲ τὸν λόγον οἱ κωμικοὶ, πολλὴν ἀσέλγειαν αὐτοῦ κατεσκέδασαν, εἴς τε τὴν Μενίππου γυναῖκα διαϐάλλοντες, ἀνδρὸς ϕίλου καὶ ὑποςρατηγοῦντος, εἴς τε τὰς Πυριλάμπους ὀρνιθοτροϕίας, ὃς ἑταῖρος ὢν Περικλέους, αἰτίαν εἶχε ταῶνας ὑϕιέναι ταῖς γυναιξὶν αἷς ὁ Περικλῆς ἐπλησίαζε. Omnia ferè hic ob Periclis necessitudinem curabat, artificibusque præerat omnibus, id quod huic convitia, illi conflavit invidiam, quasi ingenuas matronas, ad spectanda opera commeantes, in gratiam Phidias Periclis reciperet. Eos rumores excipientes comici, insolentem lasciviam et impegere, ac Menippi uxorem amici atque in bello legati improperavére, Pyrilampisque avium vivaria, cui, quùm familiaris Periclis esset, infligebatur, ipsum mulieribus quibus consuesceret Pericles, subjicere pavones [43]. « Les poëtes comiques, prenans l’occasion de ce bruit, espandirent à l’encontre de luy force paroles injurieuses et diffamatoires, le calumnians qu’il entretenoit la femme d’un Menippus, qui estoit son amy et son lieutenant en guerre, et luy mettans sus aussi que Pyrilampes l’un de ses familiers nourrissoit des oyseaux, et notamment des pans [44], qu’il envoyoit secrettement aux femmes dont Pericles jouïssait [45]. » Si Périclès n’était pas content de sa femme, il l’était encore moins de son fils aîné. C’était un garçon d’un fort mauvais naturel ; il était prodigue, et se plaignait éternellement de l’économie de son père : ses plaintes redoublèrent après qu’il se fut marié avec une femme qui faisait beaucoup de dépenses. Il emprunta de l’argent au nom de son père, et ayant vu que Périclès, au lieu de rembourser cette somme, mit en justice celui qui l’avait prêtée, il se déchaîna horriblement contre lui. Servons-nous des paroles d’Amyot [46]. « Le jeune homme Xantippus, estant griefvement indigné contre son pere, alloit mesdisant de luy en public par la ville, comptant par une manière de moquerie les occupations ausquelles il vaquoit et passoit son temps quand il estoit en son privé, et les propos qu’il tenoit avec des sophistes et maistres de rhetorique : car comme il fust advenu, qu’en un jeu de pris l’un des champions qui combattoyent à qui lanceroit mieulx le dard, eust par meschef [47] attaint et tué un Epitimius Thessalien [48], il alloit par tout racontant que Pericles avoit tout un jour esté à disputer avec Protagoras le rhetoricien, à sçavoir qui devoit estre jugé coulpable de ce meurtre, selon la vraye et droitturiere raison, le dard, ou celuy qui l’avoit lancé, ou bien ceulx qui avoient dressé le jeu de pris. Davantage Stesimbrotus escrit que le bruit qui courut par la ville, que Pericles entretenoit sa femme, fut semé par Xantippus mesme. Tant y a, que ceste querelle et dissenssion entre le pere et le filz dura, sans jamais se reconcilier, jusques à la mort. » Il y a dans cette version d’Amyot une équivoque très-obscure. Pericles entretenoit sa femme. Était-ce sa propre femme ? Était-ce la femme de Stésimbrotus ? Était-ce la femme de Xanthippus ? Le premier sens, quelque ridicule qu’il soit, est le plus conforme de tous à la grammaire française. Ce n’est point celui de Plutarque. L’historien a voulu dire que ce fut Xanthippus qui divulgua que sa femme avait été débauchée par Périclès. On ne devinerait jamais cela, ni par les paroles grecques de Plutarque, ni par la version latine ; il faut le deviner par un autre endroit de l’historien. Il dit dans la page 160, que Périclès fut accusé d’avoir eu affaire avec sa bru ; qu’il en fut, dis-je, accusé par Stésimbrotus. Στησίμβροτος ὁ Θάσιος δεινὸν ἀσέβημα καὶ μυθῶδες ἐξενεγκεῖν ἐτόλμησεν εἰς τὴν γυναῖκα τοῦ υἱοῦ κατὰ τοῦ Περικλέους. Quùm Stesimbrotus quoque Thasius, atroci scelere et fabuloso Periclem asperserit in filii conjugem admisso [49]. Moyennant ce passage, l’on peut entendre celui-ci, qui autrement serait une énigme. Πρὸς δὲ τούτοις, καὶ τὴν περι τῆς γυναικὸς διαϐολὴν ὑπὸ τοῦ Ξανθίππου ϕησὶν ὁ Στησίμϐροτος εἰς τοὺς πολλοὺς διασπαρῆναι. Infamiam etiam à suâ ipsius uxore Stesimbrotus per Xanthippum memoriæ prodidit vulgatam [50]. En comparaison de ce chagrin domestique, celui dont je vais parler n’est point grand ; mais considéré sans parallèle, il n’est point petit. Périclès avait un maître d’hôtel qui réglait avec tant d’économie toute la dépense de la maison [51], qu’on n’eût pas pu être plus en garde contre les frais superflus chez les plus petits bourgeois. Ces manières épargnantes faisaient murmurer le fils de Périclès, et toutes les femmes du logis. N’était-ce pas un rabat-joie pour le maître ? On peut croire assez raisonnablement que Périclès ne s’estima point heureux de perdre ce fils aîné, qui lui donnait si peu de satisfaction ; car la nature nous porte à aimer mieux la vie d’un fils que sa mort, quoiqu’il ne fasse pas son devoir. Mais on peut être assuré que ce grand homme vit avec douleur que la peste lui enlevait son second fils, le seul enfant légitime qui lui restât. Il conserva sa constance à la mort de son aîné, et à celle de sa sœur, et à celle de la plupart de ses amis et de ses parens ; mais il ne put retenir ses larmes, quand il fut frappé de ce dernier coup [52]. Il n’en rabaissa de rien la grandeur et haultesse de son courage, quelques malheurs qui luy survinssent, ny ne le veit on jamais plorer, ny mener dueil aux funerailles d’aucun de ses parents ou amis, jusques à la mort de Paralus le dernier de ses enfans legitimes ; car la perte de celuy là seul lui attendrit le cueur : encore tascha il à se maintenir en sa constance naturelle, et se conserver en sa gravité accoustumée ; mais comme il luy vouloit mettre un chapeau de fleurs sur la teste, la douleur le forcea quand il le veit au visage, de maniere qu’il se prit soudainement à escrier tout hault, et espandit sur l’heure grande quantité de larmes ; ce qu’il n’avait jamais fait en toute sa vie [53]. Cela me fait souvenir d’un roi d’Égypte dont parle Hérodote [54], et d’une omission de Valère Maxime. Pericles intra quatriduum duobus mirificis adolescentibus filiis spoliatus ; iis ipsis diebus et vultu pristinum habitum retinente, et oratione nullâ ex parte infractiore concionatus est. Ille vero caput quoque solito more coronatum gerere sustinuit, ut nihil ex vetere ritu propter domesticum vulnus detraheret [55]. Je compte pour un notable désavantage les démarches que fit Périclès en faveur de son bâtard. Il avait fait faire une loi qui fut la ruine de plusieurs personnes ; et puis en faveur de ce bâtard il demanda qu’on la cassât ; et il n’obtint cette grâce que par la pitié qu’on eut de ses infortunes. Ὄντος οὖν δεινοῦ τὸν κατὰ τοσοῦτον ἰσχύσαντα τὸν νόμον, ὑπ᾽ αὐτοῦ πάλιν διαλυθῆναι τοῦ γράψαντος, ἡ παροῦσα δυστυχία τῷ Περικλεῖ περὶ τὸν οἶκον, ὡς δίκην τινὰ δεδωκότι τῆς ὑπεροψίας καὶ τῆς μεγαλαυχίας ἐκείνης, ἐπέκλασε τοὺς Ἀθηναίους· καὶ δόξαντες αὐτὸν νεμεσητά τε παθεῖν, ἀνθρωπίνων τε δεῖσθαι, συνεχώρησαν ἀπογράψασθαι τὸν νόθον εἰς τοὺς ϕράτορας, ὄνομα θέμενον τὸ αὑτοῦ. Quùm esset igitur res indigna, ut quæ contrà tam multos vim habuerat, ab eodem lex qui tulerat eam, rursùs abrogaretur : præsens Periclis clades domestica (ut qui pœnam luisse jàm fastus et arrogantiæ illius suæ videretur) infregit populum Atheniensem, putavitque eum, Deorum oppressum invidiâ, esse humanitate allevandum, quarè indulsit ei ut in curiâ suâ nothus censeretur nomine paterno [56]. Une faveur a bien de mauvais côtés lorsqu’elle coûte cela. Quel chagrin de se figurer les réflexions de toute une ville sur la conduite d’un homme, qui ayant fait une loi dont l’importance voulait qu’on sacrifiât une partie des habitans, je veux dire qu’on les réduisît à l’esclavage, demande ensuite qu’on la révoque pour ses intérêts particuliers ? La loi dont je parle portait que tous ceux qui n’étaient point nés de père et de mère Athéniens, fussent réputés bâtards. En exécution de quoi il y eut près de cinq mille bourgeois qui furent vendus.

(H) Il y a une réflexion à faire sur les médisances qui coururent contre lui. ] Cette réflexion est de Plutarque ; elle tend à faire voir l’incertitude de l’histoire ; c’est un des moyens de l’époque dans le système du pyrrhonisme historique. Plutarque ayant rapporté les médisances des poëtes contre Périclès, et la calomnie énorme de Stésimbrotus, s’écrie qu’il est malaisé de parvenir à la vérité. Les auteurs contemporains l’étouffent ou la pervertissent, les uns par haine et par jalousie, les autres par amitié et par un esprit flatteur. Ceux qui viennent après eux rencontrent le temps passé, comme une barrière qui les exclut de la connaissance des véritables événemens. Οὕτως ἔοικε πάντη χαλεπὸν εἶναι καὶ δυσθήρατον ἱςορίᾳ τἀληθὲς, ὅταν οἱ μὲν ὕςερον γεγονότες τὸν χρόνον ἔχωσιν ἐπίπροσθεν ὄντα τῇ γνώσει τῶν πραγμάτων, ἡ δε τῶν πράξεων καὶ τῶν βίων ἡλικιῶτις ἱςορία, τὰ μὲν ϕθόνοις καὶ δυσμενείαις, τὰ δὲ χαριζομένη καὶ κολακεύουσα, λυμαίνηται καὶ διαςρέϕῃ τὴν ἀλήθειαν. Tantæ molis est et difficultatis assequi ex historiâ veritatem, quùm posteriores, antequàm cognoscant res, præveniantur tempore : æqualis rerum gestarum et hominum historia partim invidiâ et odio, partim gratiâ et adulatione opprimat et pervertat veritatem [57]. Plutarque connaissait par expérience ces difficultés. Il a été obligé de dire que la cause de la guerre du Péloponnèse n’est guère connue [58]. Qu’est-ce qui le sera donc ? La raison pourquoi cette cause était obscure a lieu en mille occasions. La gloire et la puissance de Périclès le rendaient odieux, et de là vint que les médisans inventèrent cent mensonges contre lui. Ils voulurent à toute force lui imputer les malheurs de cette guerre : les uns inventèrent ceci, les autres cela. À quoi voulez-vous qu’un lecteur se détermine, au milieu de tant de médisances ? Dès qu’on le vit exposé à la haine de la multitude, il s’éleva plusieurs esprits satiriques qui sacrifièrent à cette haine, comme à un mauvais génie, les victimes qu’ils jugèrent les plus convenables : Καὶ τὶ ἄν τις ἀνθρώπους σατυρικοὺς τοῖς βίοις καὶ τὰς κατὰ τῶν κρειττόνων βλασϕημίας ὥσπερ δαίμονι κακῷ τῷ ϕθόνῳ τῶν πολλῶν ἀποθύοντας ἑκάςοτε, θαυμάσειεν. Et quidem quis miretur, petulanti homines linguâ, si maledicta in principes invidiæ multitudinis, tanquàm malo dæmonio, assiduè consecraverint [59]. Or ils n’en trouvèrent point de plus propres que les injures qui le diffamaient. Je sais bon gré à Plutarque du peu d’égard qu’il a eu aux prétentions des Mégariens [60], quoiqu’elles fussent appuyées du témoignage d’Aristophane. Ils étaient partie dans cette affaire contre Périclès, et l’on peut dire d’Aristophane et de tous les poëtes comiques de ce temps-là, ce que l’on a dit depuis peu d’un auteur moderne [61], qu’ils ne sont capables que de faire douter des vérités les plus claires quand ils les avancent. Si Plutarque vivait aujourd’hui, il assurerait que notre postérité aura mille peines à discerner les histoires véritables de notre temps ; car on publie tant de faussetés, et l’on offre tant de victimes au mauvais démon de la haine et de l’envie des peuples, que si les satiriques d’Athènes revenaient au monde, ils se regarderaient comme des novices. D’ailleurs on publie tant d’éloges, que les flatteurs de ce pays-là, s’ils ressuscitaient, seraient convaincus qu’ils n’ont été que des écoliers.

Je me souviens d’un très-beau passage de Plutarque où Périclès est mêlé [62]. Quand on est certain d’un fait, mais non pas de l’intention de l’auteur, c’est une conduite méchante et maligne, que de diriger ses conjectures vers le côté des mauvais motifs. C’est ce qu’ont fait les poëtes comiques : ils ont assuré que Périclès alluma la guerre du Péloponnèse pour l’amour de la courtisane Aspasie, et à cause de Phidias, et nullement par la noble et la courageuse ambition d’abattre le faste des Péloponnésiens, et de ne céder quoique ce soit à ceux de Lacédémone [63]. Ceux qui, ne pouvant disconvenir qu’une action ne soit louable, fouillent dans les intentions du cœur, et supposent qu’elles ont été mauvaises, sont montés au plus haut sommet de l’envie, et de la malignité. Ἐν μὲν γὰρ τοῖς εὐδοκιμοῦσιν ἔργοις καὶ πράγμασιν ἐπαινουμένοις αἰτίαν ϕαύλην ὑποτίθησι, καὶ κατάγεται ταῖς διαβολαῖς εἰς ὑποψίας ἀτόπους περὶ τῆς ἐν ἀϕανεῖ προαιρέσεως τοῦ πράξαντος, αὐτὸ τὸ πεπραγμένον ἐμϕανῶς οὐ δυνάμενος ψέγειν.... εὔδηλον ὅτι ϕθόνου καὶ κακοηθείας ὑπερβολὴν οὐ λέλοιπε. Præclaris enim et laudatis factis atque rebus maligni causam qui subjiciunt vitiosam calumniandoque in sinistras abducunt suspiciones de latente ejus qui rem gessit consilio, quandò ipsum factum palàm vituperare non possunt..... hos liquet ad summam invidentiam et nequitiam nihil sibi fecisse reliquum [64]. Je voudrais bien savoir si Duris de Samos, et Théophraste, attribuèrent à Aspasie les deux guerres que les poëtes lui imputèrent. Harpocration les cite de la même manière qu’il allègue Aristophane. Δοκεῖ δὲ δυοῖν πολέμων αἰτία γεγονέναι, τοῦ τε Σαμιακοῦ, καὶ τοῦ Πελοποννησιακοῦ, ὥς ἔςι μαθεῖν παρά τε ∆ούριδος τοὺ Σαμίου, καὶ Θεοϕράςου ἐκ τοῦ τετάρτου τῶν πολιτικῶν, καὶ ἐκ τῶν Ἀριςοϕάνους Ἀχαρνέων. Duorum bellorum, Samiaci et Peloponnesiaci, caussa censetur ; ut è Duride Samio, Theophrasti libro quarto Politicorum, et ex Aristophanis Acharnensibus cognoscere licet [65]. Mais que sait-on s’ils l’assuraient de leur chef, ou s’ils rapportaient cela comme l’opinion des envieux de Périclès, et comme celle des poëtes ?

(I) Il mourut... après une longue maladie qui lui avait affaibli le jugement. ] « Il fut atteint de la peste, non pas si violente ne si aguë que les autres, ains foible et lente, et qui par long traict de tems, et avec plusieurs changemens luy amortit. peu à peu la force et vigueur de son corps, et surmonta la gravité de son courage et de son bon jugement : et pourtant Theophrastus en ses morales, au lieu où il dispute si les meurs des hommes se changent selon leurs avantures, et si les passions et afflictions du corps les peuvent tant altérer, qu’elles les facent issir hors des lices et des bornes de la vertu, recite que Pericles en ceste maladie monstra un jour à l’un de ses amis, qui l’estoit allé visiter, ne gay quel charme preservatif, que les femmes luy avoient attaché comme un carcan autour du col, pour luy donner à entendre qu’il estoit fort mal, puisqu’il enduroit qu’on lui applicast une telle folie [66]. » J’ai cité le grec de Plutarque dans l’article Desbarreaux [67]. Il y a sans doute une faute dans le chapitre où Élien conte que Périclès, Callias et Nicias, ayant mangé tout leur bien, avalèrent un grand verre de ciguë. Ce fut la dernière santé qu’ils se portèrent, ne voulant plus vivre après qu’ils ne pouvaient plus faire bonne chère [68]. Si la mémoire d’Élien ne l’a point trompé, il faut dire que ses copistes ont écrit Périclès au lieu d’Épiclès : car nous lisons dans Athénée, qu’Antoclès et Épiclès ayant résolu de vivre ensemble, et sacrifiant toutes choses à la volupté, s’ôtèrent la vie avec un verre de ciguë, lorsqu’ils virent que tout leur argent était dépensé [69].

(K) Plutarque fait une réflexion solide sur la nature de Dieu. ] Immédiatement après les paroles que j’ai rapportées dans la remarque précédente, selon la version d’Amyot, vous lisez ceci [70] : « À la fin, comme il fut arrivé bien près de passer le pas de la mort, les plus gens de bien de la ville, et ceulx qui estoyent demourez encore vivans de ses amis, estans autour de son lict, se meirent à parler de sa vertu, et de la grande puissance et authorité qu’il avoit eue, en pesant la grandeur de ses faicts, et comptant le nombre des victoires qu’il avoit emportées : car il avoit gaigné neuf batailles estant capitaine general d’Athenes, et en avoit érigé autant de trophées à l’honneur de son païs, et devisoyent de toutes ces choses entre eulx : comme s’il ne les eust point entendues, pensans qu’il eust ja perdu tout sentiment : mais au contraire, ayant encore l’entendement sain, il avoit tout bien noté : si se prit à leur dire, qu’il s’esmerveilloit comme ilz louoyent si haultement ce qui luy estoit commun avec plusieurs autres capitaines, et en quoy la fortune mesme avoit sa part, et cependant ils omettoyent à dire ce qui estoit en luy le plus beau et le plus grand : c’est que nul Athenien, pour occasion de luy, n’avoit onques porté robbe noire. » Voici la réflexion de Plutarque [71] : Si me semble que cela seul rendoit son surnom d’Olympien, c’est-à-dire divin ou celeste, lequel autrement estoit trop arrogant et trop superbe, non odieux ny envié, ains plustost bien seant et bien convenable pour avoir eu la nature si benigne et tant debonaire, et en si grande licence avoir conservé ses mains pures et nettes, ne plus ne moins que nous reputons les [72] dieux pour estre autheurs de tous biens, et cause de nuls maulx, dignes de gouverner et regir tout le monde : non pas comme disent les poëtes, qui mettent noz esprits en trouble et en confusion par leurs folles fictions, lesquelles se contredisent à elles mesmes, attendu qu’ils appellent le ciel, où les dieux habitent, sejour tres asseuré, et qui point ne tremble, et qui n’est point agité de vents, ny offusqué de nuées, ains est tousiours doulx et serein, et en tout temps également esclairé d’une lumiere pure et nette, comme estant telle habitation propre et convenable à la nature souverainement heureuse et immortelle : et puis ilz les descrivent eux mesmes pleins de dissensions d’inimitiez, de courroux et d’autres passions, qui ne conviennent pas seulement à hommes sages et de bon entendement. Tout ce que Plutarque nous dit là contre les poëtes est très-bon et très-solide : le reste est une beauté trompeuse, ce sont des fleurs empoisonnées, et qui couvrent un serpent, latet anguis in herbâ. On s’imaginera peut-être que je veux dire qu’il y a là-dessous quelques semences du faux dogme d’Épicure touchant la tranquillité des dieux, exempte de haine et de colère ; mais ce n’est point cela : ce n’est point le venin d’Épicure, c’est celui du manichéisme que Plutarque nous présente. Nous avons vu ailleurs [73] qu’il s’est déclaré hautement pour de dogme des deux principes. Il y revient ici par la réflexion sur la réponse de Périclès. Il ne veut point, comme Épicure, que Dieu jouisse d’un repos de fainéant : il lui attribue l’action et la providence ; mais ce n’est qu’une providence bienfaisante, distributrice de faveurs, et de bonheur. Ce n’est pas une providence qui s’irrite quelquefois, qui punit et qui châtie, qui accable de misères le genre humain. Il n’approuve pas que Périclès porte le surnom d’Olympien, c’est-à-dire de divin et de céleste, parce que son éloquence éclairait, tonnait, lançait la foudre ; mais parce que son crédit ne fut jamais employé à la vengeance, et ne fit jamais porter le deuil à quelque famille. Le goût de Plutarque n’était pas le plus commun : une infinité de gens reconnaissent mieux la divinité de Jupiter dans la foudre et dans le tonnerre [74] que dans la distribution des biens : les cérémonies de religion dans le paganisme se rapportaient beaucoup plus à détourner l’infortune qu’on craignait d’en haut qu’à s’attirer les faveurs que l’on en pouvait attendre. Il régnait néanmoins une idée générale dans les esprits, qu’aucune chose n’était plus conforme à la nature divine que de faire du bien. L’épithète de très-bon précédait celle de très-grand, lorsqu’on louait Jupiter. Sed ipsa Jupiter, id est juvans pater, quem conversis casibus appellamus à juvando Jovem, à poëtis pater divûmque, hominumque dicitur ; à majoribus autem nostris Optimus, Maximus, et quidem antè Optimus, id est beneficentissimus, quam Maximus : quia majus est, certèque gratius prodesse omnibus, quàm opes magnas habere [75]. Consultez la remarque (G) de l’article Jupiter. Plutarque rapporte que le roi Amasis ayant à résoudre plusieurs questions où l’on cherchait le superlatif, je veux dire le souverain degré des choses, par exemple qu’est-ce qu’il y a de plus ancien, de plus grand, de plus sage, de plus beau, de plus commun, de plus utile, de plus pernicieux [76], répondit, quant aux deux derniers articles, Dieu et le Démon. Τί ὠϕελιμώτατον ; θεός. Τί βλαβερώτατον ; δαίμων. Quid utilissimum ? Deus. Quid damnosissimum ? Genius [77]. Pour le dire en passant, voilà le dogme des deux principes, et même ce que les chrétiens disent du diable ou du démon. Je ne sais si l’on a pris garde à ces paroles, ou à cette idée du δαίμων des anciens. Je reprends le fil. Le philosophe Antipater définissait Dieu un animal heureux, immortel et bon à l’homme [78]. Il n’y avait point de gens qu’on fût si enclin à déifier que ceux qui étoient les inventeurs des choses utiles. Persæus ejusdem Zenonis auditor, eos dicit esse habitos Deos, à quibus magna utilitas ad vitæ cultum esset inventa, ipsasque res utiles et salutares Deorum esse vocabulis nuncupatas : ut ne hoc quidem diceret, illa inventa esse Deorum, sed ipsa divina [79]. C’était le chemin de l’apothéose, si l’on en croit Pline : Deus est mortali juvare mortalem, et hæc ad æternam gloriam via. Hâc proceres iêre Romani : hâc nunc cælesti passu cum liberis suis vadit maximus omnis œvi rector Vespasianus Augustus, fessis rebus subveniens. Hic est vetustissimus referendi benè merentibus gratiam mos, ut tales numinibus adscribantur. Quippè et omnium aliorum nomina eorum, et quæ suprà retuli siderum, ex hominum nata sunt meritis [80]. D’autres, tournant la chose d’une manière plus raisonnable, disaient que les dieux avaient inspiré à l’homme l’invention des arts.

Κεῖνοι γὰρ τέχνας πολυκερδέας ἀνθρώποισι
Δῶκαν ἔχειν, καὶ πᾶσαν ἐπιϕροσύνην ἐδίδαξαν.

Illi etiam artes multùm lucrosas hominibus
Dederunt habere, et omnem solertiam docuerunt [81].


Enfin, on disait que la meilleure méthode d’imiter les dieux était de faire du bien [82], et que jamais l’homme ne s’approchait davantage de la nature divine que lorsqu’il sauvait un homme. Homines ad deos nullâ re propiùs accedunt, disait Cicéron à Jules César, vers la fin de l’oraison pour Ligarius, quàm salutem hominibus dando. Nihil habet nec fortuna tua majus, quam ut possis, nec natura tua melius, quàm ut velis conservare quam plurimos. Voici ce que les Scythes représentent à Alexandre : Si tu es un dieu, tu dois faire du bien aux hommes, et non pas leur ôter ce qu’ils possèdent. Si deus es, tribuere mortalibus beneficia debes, non sua eripere [83]. La bonne théologie s’accorde avec toutes ces idées des anciens païens. Il y a cent passages de l’Écriture qui témoignent que Dieu est infiniment plus porté à user de miséricorde qu’à se servir de rigueur. Joignez à cela les belles paroles de Grégoire de Nazianze, qui nous apprennent que l’homme devient un dieu à son prochain misérable, lorsqu’il le soulage. Γενοῦ τῷ ἀτυχοῦντι θεὸς, τὸν ἔλεον θεοῦ μιμησάμενος· οὐδὲν γὰρ οὕτως, ὡς τὸ εὖ ποιεῖν, ἄνθρωπος ἔχει θεοῦ. Esto misero Deus dei misericordiam imitando. Nihil enim tam ex Deo habet mortalis quàm ut beneficia largiatur [84].

Strabon a limité cette pensée : il veut que la vie heureuse, c’est-à-dire celle qu’on passe à des jours de fêtes, à se réjouir, à philosopher, et à chanter, soit une meilleure imitation de la nature divine que n’est la distribution des bienfaits. Ses paroles méritent d’être rapportées. Εὖ̓͂ μὲν γὰρ εἴρηται καὶ τοῦτο, τοὺς ἀνθρώπους τότε μάλιςα μιμεῖσθαι τοὺς θεοὺς, ὅταν εὐεργετῶσιν· ἄμεινον δ ̓ ἂν λέγοι τις ὅταν εὐδαιμονῶσι· τοιοῦτον δὲ τὸ χαίρειν, καὶ τὸ ἑορτάζειν, καὶ τὸ ϕιλοσοϕεῖν, καὶ μουσικῆς ἅπτεσθαι. Benè quidem dictum est, homines maximè Deum imitari, cùm beneficia conferunt : rectiùs autem diceretur, cùm feliciter vivunt : id autem fit gaudendo, dies festos agitando, philosophando, musicam tractando [85].

J’ai lu dans le Voyage du chevalier Drach, que les habitans de la Nouvelle-Albion prenaient les Anglais pour des dieux, et qu’ils leur rendaient les honneurs divins, parce que leur montrant leurs plaies, ils en recevaient des emplâtres et des onguens qui les guérissaient. Les Espagnols, au contraire, furent pris pour des dieux dans l’Amérique, à cause du mal qu’ils faisaient par leurs canons. On prit leur navire pour un oiseau qui les eût portés du ciel en terre [86]. Cela montre que deux choses opposées font connaître Dieu à l’homme : l’une est le pouvoir qu’il a de faire le mal, et qu’il exerce si sévèrement ; l’autre est la bonté avec laquelle il répand mille bienfaits sur le genre humain. On pourrait mettre en question, si l’une de ces deux choses le fait mieux connaître que l’autre. Tacite prétend que les dieux ont plus à cœur de punir l’homme que de le laisser en repos. Nec enim unquam, dit-il [87], atrocioribus populi romani cladibus magisve justis judiciis approbatum est, non esse curæ deis securitatem nostram, esse ultionem. Un journaliste soutient que les effets de la bonté sont plus étendus que les effets de la punition. Voici ces paroles : De toutes les vertus de Dieu, c’est la bonté qui serait la plus visible, si les hommes se servaient de réflexion. Quelle bonté n’est-ce pas d’avoir attaché du plaisir à toutes les actions nécessaires, et de nous avoir rendus susceptibles du plaisir en une infinité de façons ? On a beau dire que nous sommes encore plus susceptibles du chagrin et de la douleur, cela n’est pas vrai ; et quand cela serait vrai, nous ne devrions pas pour cela méconnaître la grande bonté de Dieu, puisqu’il nous serait aisé de voir que les plaisirs dont nous jouissons viennent des lois qu’il a posées dans la nature, et qu’au contraire la plupart de nos chagrins viennent du mauvais usage que nous faisons de notre raison. Mais il n’est pas vrai que, dans ce monde, l’homme souffre plus de maux que de biens, [* 1] c’est notre ingratitude, notre orgueil, et notre humeur insatiable qui nous fait parler de la sorte. Falsò queritur de naturâ suâ genus humanum, a fort bien dit un célèbre historien dans la préface de la Guerre de Jugurtha. Le genre humain est plus heureux qu’il ne mérite ; et il est vrai au pied de la lettre que pour une douleur l’homme sent mille plaisirs, excepté peut-être un petit nombre d’âmes malheureuses, qu’un païen assurerait avoir été produites par les destinées dans quelque moment de dépit [88]. Notez en passant que la différence qu’il observe, et qu’il fonde sur les suites du mauvais usage que nous faisons de la liberté, ne pourrait pas contenter des adversaires difficiles ; car ils diraient que cela même, que l’homme abuse de sa raison pour se chagriner mal à propos, est un grand malheur, et doit être mis nécessairement dans le partage des afflictions, de sorte que si l’on fait le parallèle des biens et des maux que la Providence fait à l’homme, il ne faut pas moins compter les maux qui naissent de la faiblesse de notre raison, les maladies, la faim, le froid, etc.

Ovide remarque qu’il y a plus de beaux jours dans l’année que de jours sombres [89] : l’on peut dire aussi que les jours où l’homme se porte bien sont en plus grand nombre que les jours où il est malade. Mais peut-être aussi qu’il y a autant de mal dans quinze jours de maladie, que de bien dans quinze mois de santé ; car le bien n’est bien qu’à proportion qu’on le sent : or on ne sent guère la santé, quand on en jouit sans interruption. Prenez bien garde que je considère la santé comme séparée des autres plaisirs dont elle laisse jouir. Le journaliste que j’ai cité eût pu alléguer un beau passage de Cicéron, où après un dénombrement exact des utilités que l’homme tire des plantes et des animaux, on observe qu’il semble que la Providence ait travaillé pour les voluptés du genre humain, comme si elle eût été épicurienne. Ex quibus tanta percipitur voluptas ut interdùm pronœa nostra epicurea fuisse videatur [90]. Quoi qu’il en soit, l’homme se porte plus naturellement à reconnaître le caractère de la nature divine dans les effets de la bonté, que dans les distributions des peines et du malheur. On a reconnu les bontés de la Providence dans les services que les grands hommes ont rendus à leur patrie. Multos prætereà et nostra civitas et Græcia tulit singulares viros, quorum neminem nisi juvante Deo talem fuisse credendum est..... nemo igitur vir magnus sinè aliquo afflatu divino unquàm fuit [91]. Et Sénèque dit en général que personne n’est homme de bien, et grand homme, sans l’assistance de Dieu. Bonus vir sinè Deo nemo est. An potest aliquis suprà fortunam, nisi ab illo adjutus, exsurgere ? ille dat consilia magnifica, et erecta. In unoquoque virorum bonorum (Quis Deus incertum est) habitat Deus...... Si hominem videris interritum periculis, intactum cupiditatibus, inter adversa felicem, in mediis tempestatibus placidum, ex superiore loco homines videntem, ex æquo deos : non subibit te veneratio ejus ? non dices : ista res major est altiorque, quàm ut credi similis huic, in quo est, corpusculo possit ? Vis istùc divina descendit : animum excellentem, moderatum, omnia tanquàm minora transeuntem, quidquid timemus optamusque ridentem, cœlestis potentia agitat. Non potest res tanta sinè adminiculo numinis stare. Itaque majore sui parte illìc est, undè descendit [92]. Quant aux maux, on se servait de mille détours pour ne les attribuer pas à Dieu : on se faisait un fantôme que l’on appelait Fortune, à qui l’on imputait ses disgrâces : on se représentait je ne sais quels êtres malfaisans de leur nature ; et nous voyons ici Plutarque qui nous déclare que les dieux ne font que du bien. Ailleurs il se moque de Chrysippe, qui attribuait le mal à la négligence et à la méchanceté des génies que Jupiter préposait à certaines choses. Τὸ δὲ ϕαύλους δαίμονας τό δέ φαύλους δαίμονας ἐκ προνοίας ἐπί τάς τοιαύτας ἐπιςασίας καθίςασθαι· πώς ούκ ἔςίν ἔγκλημα τοῦ θεοῦ, καθάπερ βασιλέως κακοῖς καὶ ἐμπλήκτοις σατράπαις καὶ ςρατηγοῖς διοικήσεις ἐπιτρέποντος, καὶ περιορῶντος ὑπὸ τούτων ἀμελουμένους καὶ παροινουμένους τοὺς ἀρίςους ; καὶ μὴν εἰ πολὺ τὸ τῆς ἀνάγκης μέμικται τοῖς πράγμασιν, οὔτε κρατεῖ πάντων ὁ θεὸς, οὔτε πάντα κατὰ τὸν ἐκείνου λόγον διοικεῖται. Malos autem genios à Providentiâ his præfici muneribus, qui non sit vitio vertendum Deo, qui tanquàm rex malis et væcordibus satrapis ac præfectis provincias mandaverit, patiaturque ab his despici et contumeliosè tractari optimos ? Et quidem, si multum necessitatis admixtum rebus est : neque omnia Deus habebit in suâ potestate, neque omnia secundùm ejus rationem gubernabuntur [93]. Ailleurs encore il accuse d’une maligne impiété un historien [94], pour avoir fait dire à Solon, est-ce à moi qu’il faut demander si l’homme est heureux, moi qui sais que tous les dieux sont envieux et turbulens ? Τοῖς δὲ θεοῖς λοιδορούμενος ἐν τῷ Σόλωνος προσωπείῳ ταῦτα εἴρηκεν, ὦ Κροῖσε, ἐπιςάμενόν με τὸ θεῖον πᾶν ἐὸν ϕθονερόν τε καὶ ταραχῶδες ἐπερωτᾷς ἀνθρωπηίων περὶ πραγμάτων. ἃ γὰρ αὐτὸς ἐϕρόνει περὶ τῶν θεῶν, τῷ Σόλωνι προςριβόμενος, κακοήθειαν τῇ βλασϕημίᾳ προςίθησι. Diis autem maledicens sub personâ Solonis : me, inquit, gnarum omne numen invidum esse ac tumultuosum, de rebus humanis interrogas. Suam enim de dis Soloni tribuens sententiam, malignitatem impio sermoni adjunxit [95]. Je suis sûr qu’il se fût moqué de la glose mitigée des anciens prêtres de l’Étrurie. Ils attribuaient à Jupiter deux sortes de foudre, l’une favorable, l’autre funeste, et ils prétendaient qu’il ne lançait la seconde que par le conseil des autres dieux ; mais que de son propre mouvement, et sans l’avis de personne, il lançait l’autre. Cela n’eût pas contenté Plutarque : il ne croyait pas qu’une bonté comme celle des souverains débonnaires suffit à Dieu. Les bons princes se plaisent à distribuer eux-mêmes les grâces, et à donner à leurs ministres la commission de châtier ; ils usent de promptitude quand ils récompensent, et de lenteur quand ils punissent [96]. Ils font du bien avec joie, et du mal avec regret. C’est ressembler à un père : mais encore un coup cette glose des Toscans eût fort déplu à Plutarque : il eût dit peut-être de leur Jupiter ce que d’autres disent d’un empereur [97] qui a fort persécuté le christianisme, et qui ne voulut pas commencer la persécution sans l’avis d’autrui. Placuit ergò amicorum sententiam experiri. Nam erat hujus malitiæ. Cùm bonum quid facere decrevisset, sinè consilio faciebat, ut ipse laudaretur. Cùm autem malum, quoniàm id reprehendendum sciebat, in consilium multos advocabat, ut aliorum culpæ adscriberetur quidquid ipse deliquerat [98]. C’est une finesse, c’est un artifice de vieux politique. Je m’en rapporte à Pie IV : quand on le pressait de terminer les disputes de la préséance entre les ambassadeurs du roi très-chrétien, et ceux du roi catholique, il se servait de délais, et enfin il leur conseilla de s’en remettre à la décision du sacré collége. Il ne voulut pas s’exposer seul aux mauvaises suites du jugement, et il plaisanta même sur ce qu’il se conformait à la conduite de Jupiter. Ad extremum utrique occultè suadere ut ad sacrum cardinalium collegium causam integram remitterent : intereà à publicis in pontificio sacello cæremoniis abstinerent. Ratus eâ ratione ob diversa cardinalium studia producendum infinitè judicium, se certè à ferendæ sententiæ necessitate, atque adeò ab invidiâ subtrahendum. Nempè imitandum principi Jovem facetè dicebat : qui (ut est vetus Etruscorum disciplinæ commentum) ex duplici fulminum genere, prosperum ipse per se, at infaustum adhibito Deorum consilio contorquere solitus sit [99].

C’est donc ainsi que l’esprit de l’homme, trop borné pour comprendre clairement que les misères et les crimes dont la terre est toute couverte, puissent compatir avec l’Être infiniment bon, s’est précipité dans l’hypothèse des deux principes. Voilà ce que je voulais dire touchant l’observation de Plutarque.

J’ajoute encore ce petit mot. Le proverbe grec [100], je tiens pour Dieu tout ce qui me nourrit, fait plus d’illusion qu’on ne s’imagine. Voyez la réponse qui fut faite à Philippe de Comines [101], et celle d’un chirurgien à un moine de Saint-Denis. « Il est certain qu’avant Charles VIII, la vérole était inconnue en France : l’armée de ce prince en périt presque toute. Parce que ce mal n’étant pas encore connu, on n’y pouvait apporter de remède : ce qui fait voir que ce n’était pas la lèpre. La nécessité y avait fait trouver des remèdes, ce qui a enrichi quantité de chirurgiens, un desquels, fort reconnaissant de ce bonheur, s’en alla un jour à Saint-Denis, et s’agenouilla devant la statue de Charles VIII pour lui en rendre grâce ; mais comme un moine lui dit qu’il se trompait, et que ce n’était pas l’image d’un saint : Taisez-vous, mon père, répondit-il, je sais bien ce que je fais, il est bien saint pour moi, puisqu’il m’a fait gagner trente mille livres de rente ; ainsi c’est une action de justice à moi de l’en remercier [102]. » L’auteur du Moyen de Parvenir ne fait pas la somme si grande, et il nomme le chirurgien. Voici ses paroles. Vous me faites souvenir ce moine de Saint-Denis en France, qui voulut faire l’entendu, voyant maître Thierre de Héry [* 2] à genoux, tourné vers la figure de Charles VIII. Le moine lui dit : Monsieur mon ami, vous faillez ; ce n’est pas l’image d’un saint que celle devant qui vous priez. Je le sais bien, dit-il, je ne suis pas si bête que vous ; je connais que c’est la représentation du roi Charles VIII, pour l’âme duquel je prie, parce qu’il a apporté la vérole en France ; ce qui m’a fait gagner six ou sept mille livres de rente [103]. Il ne faut point finir sans citer Virgile. Il était fort disposé à déifier ses bienfaiteurs : ses terres ayant été épargnées par une grâce particulière d’Octavius, il le qualifia dieu.

O Melibœe, Deus nobis hæc otis fecit :
Namque erit ille mihi semper Deus : illius aram
Sæpè tener nostris ab ovilibus imbuet agnus [104].


Le bon Mathurin Cordier [105], par une fraude pieuse et bien pardonnable, faisait accroire à ses petits écoliers que ces paroles étaient fort dévotes. Il les traduisit en vers français qui commencent par, Mélibée, ce bien nous vient d’un Dieu seul sage. Ce n’était point la pensée de Virgile, il ne parle que d’Auguste [106].

(L) ... L’une des ses preuves de la malignité d’Hérodote, et ce que l’on a répondu. Cette preuve est tirée l’humeur jalouse …......., à quoi cet historien prétend que la nature divine est sujette. ] Voyez les paroles de Plutarque que j’ai rapportées ci-dessus [107]. Je m’étonne qu’il se soit borné à la réponse que Solon fit au roi Crésus, et qu’il n’ait pas, pour le moins, insinue que l’on trouve dans Hérodote plusieurs passages semblables. Il eût fortifié par là son accusation : il eût fait sentir qu’on ne pourrait pas justifier Hérodote, en alléguant que ce petit trait de médisance contre les dieux était échappé de sa plume par inadvertance : il eût fait connaître qu’un homme qui revient souvent à la même réflexion, est tout pénétré du venin qu’elle renferme, et de l’envie de le répandre et d’en infecter ses lecteurs. Il est certain qu’Hérodote à répété fort souvent la même maxime qu’il avait fait débiter à Solon. Voyez ci-dessus [108] ce qu’il a mis dans la bouche d’Artaban ; et voici ce qu’il suppose qu’un roi d’Égypte écrivit à Polycrate, tyran de Samos : J’apprends avec joie qu’un homme qui est mon ami soit heureux. Mais vos grandes prospérités ne me plaisent point ; car je sais combien la divinité est envieuse. Ἐμοὶ αἱ σαὶ μεγάλαι εὐτυχίαι οὐκ ἀρέσκουσι, τὸ θεῖον ἐπιςαμένῳ ὡς ἔςι ϕθονερόν. Tuæ magnæ prosperitates mihi non placent, qui intelligo quam invidum numen sit [109]. Henri Étienne, qui justifie le mieux qu’il peut cet historien à l’égard de plusieurs autres reproches, ne s’amuse point à repousser l’accusation de Plutarque sur ce point-ci. Je n’ai pas trouvé qu’il fasse semblant de l’avoir sue. Il a ramassé soigneusement plusieurs maximes et plusieurs observations d’Hérodote, qui peuvent être des preuves d’orthodoxie pieuse sur le chapitre de la Providence, et il a mis même dans cette classe un endroit du VIIe. livre, où Artaban insiste beaucoup sur le naturel envieux de Dieu. Artaban représente que la divinité ne jette ses foudres que sur les grands corps [110], car, ajoute-t-il, elle se plaît à opprimer tout ce qui est éminent. ϕιλέειγὰρ ὁ θεός τὰ ὑπερέχοντα πάντα κολούειν. Gaudet enim Deus eminentissima quæque deprimere [111] De là vient qu’une grande armée est battue par une petite, lorsque Dieu, portant envie [112], jette la terreur ou la foudre. Ainsi quelques-uns ont été précipités dans la misère autrement que ne portait leur dignité ; car Dieu ne souffre nullement qu’autre que lui ait grande opinion de soi-même. Δἰ ὦν ἐσϕάλησαν ἀναξίως ἑωϋτῶν· οὐ λὰρ ἐᾶ ϕρονέειν ἄλλον μέγα ὁ θεὸς ἢ ἑωϋτόν. Proptereà quidam secùs ac dignitas sua postulabat in calamitatem inciderunt, quia Deus neminem alium quùm seipsum sinit magnificè de se sentire [113]. Voilà l’un des exemples que Henri Étienne donne de la piété d’Hérodote ; piété, dit-il, aussi grande qu’elle pouvait être dans un homme destitué de la lumière évangélique. Il veut même que ces sentimens d’Hérodote sur la puissance et la providence de Dieu, soient ceux que les chrétiens en doivent avoir : il veut qu’il soit impossible d’en rien dire de plus divin que ce qu’en a dit cet historien [114] : Multæ sententiæ sive γνωμαι tùm quas aliis locis adhibuit, tùm quas narrationibus vel præfixit, vel tanquàm corollaria adjunxit, tantâ illum pietate præditum fuisse testantur ; quantâ in hominem christianæ religionis ignarum cadere potest : imò verò ea de divinâ potentiâ providentiâque sensisse quæ christianum sentire et deceat et oporteat. Hujusmodi sunt hæc in Thaliâ, sed profectò..... Consideremus et hæc ex Polymniâ Viden’ ut Deus [115]... quid, obsecro, de divinâ potentiâ diviniùs istis dici potuit ? Il rapporte ensuite quatre vers grecs [116] qui reviennent à quelques paroles d’Horace [117] qu’il rapporte aussi, et qui signifient que Dieu peut changer le haut en bas ; et que Dieu abaisse les grands et élève les petits, et il conclut que les louanges que l’on donne à cette sentence-là sont très-légitimes ; mais qu’Hérodote va beaucoup plus loin, et meritò quidem certè illam veteris poëtæ sententiam laudibus extollunt : sed quantò tamen ulteriùs progreditur hic noster historicus ? Je ne puis comprendre par quel éblouissement d’esprit Henri Étienne prend ici les choses un peu de travers. Il n’en voit que le beau côté ; il ne fait aucun attention au défaut le plus nuisible. Il se laisse charmer à la grande idée qu’Hérodote donne de la puissance de Dieu, et il ne s’aperçoit pas qu’une puissance dirigée par la jalousie de la prospérité d’autrui, ne peut être qu’une qualité odieuse et défectueuse. C’est là le nœud de l’objection de Plutarque.

Camérarius, qui avant Henri Étienne avait entrepris de justifier Hérodote, avait bien senti où était le mal : mais il n’avait point trouvé d’autre remède que de donner le change, et de traiter de vaine chicanerie le point principal de objection. Voici ses paroles : Nam quod exagitat (Plutarchus) præclaram sententiam de instabili et incertâ fortunâ rerum humanarum, quam Herodotus [* 3] Soloni attribuerit (cui quidem similes et alibi leguntur), nimiæ sapientiæ et pietati hominis concedatur : qui veritus si, ne si ita de Deo loquamur, ut humanus intellectus quæ dicuntur percipere possit, parùm pii esse videamur. Cur ergò Deo oculos, manus, pedes, aures attribuimus ? cur dicimus Deum trasci ? cur ulcisci ? etiam vereri profectò, tentare, pœnitere, lætari, dolere. πόῤῥω γὰρ λύπης καὶ χαρᾶς ἵδρυται τὸ θεῖον. Sinè quibus illa ne intelligi quidem possunt. Quid Xenophon (quo nemo fuit numinis colentior, nemo observantior, nemo impietatis ergà Deum acrior hostis) ? nonne eamdem sententiam ponere non dubitavit in præclaro illo opere suo historiæ rerum Græcarum ? sic enim ait [* 4], καὶ ὁ θεὸς δέ, ὡς ἔοικε, πολλάκις χαίρει τοὺς μὲν μικροὺς μεγάλους ποιῶν, τοὺς δὲ μεγάλους μικρούς. Hæc igitur sacrilega est in Herodoto sententia, quia secundùm hominum intelligentiam ϕθονερòν dixit esse τὸ θεῖον. Sed hæc quàm sint futilia quis non videt [118] ? Il est clair qu’il donne le change ; car on n’avait point blâmé Hérodote d’avoir dit que la condition des choses humaines est très-fragile, on le blâma d’avoir dit que l’humeur jalouse de Dieu est la cause de cette grande fragilité, et il n’est nullement nécessaire, pour représenter à l’esprit humain les inconstances de la fortune, de recourir à une image qui nous fasse concevoir la divinité comme un être qui porte envie au bonheur des hommes. De plus, il y a une très-grande différence entre les choses que d’autres auteurs, et même l’Écriture Sainte, ont attribuées à Dieu, et la jalousie qu’Hérodote lui impute. Un œil et des mains, la colère, le repentir, la joie, la crainte, peuvent servir d’image pour représenter au peuple la conduite de la Providence ; car nous n’envisageons pas ces choses comme des faiblesses incompatibles avec l’honnête homme, et avec un excellent prince. Être jaloux de sa gloire, et n’en point souffrir l’usurpation, ne passe point pour un défaut parmi les hommes ; on croit même que c’est une qualité digne des grands rois et des héros. Voilà pourquoi l’Écriture ne fait point difficulté de donner à Dieu une telle jalousie. Mais être jaloux du bonheur d’autrui, et ruiner les gens parce que leur prospérité nous fait sentir les morsures de l’envie, c’est une des plus honteuses qualités qui se puissent concevoir ; les plus lâches artisans ne sauraient souffrir qu’on les en accuse. Très-peu de gens peuvent éviter cette maladie ; mais personne n’ose confesser qu’il en soit atteint On avouera hautement qu’une noble émulation d’égaler ou de surpasser le mérite et la gloire des grands hommes nous anime à de beaux projets ; mais non pas que la jalousie des prospérités d’un voisin nous engage à travailler à sa perte. Camérarius n’est donc pas trop excusable d’avoir employé les comparaisons qu’il a mises en avant. Les expressions de Xénophon ne peuvent guère servir à justifier Hérodote ; car si elles signifient ue Dieu se donne souvent le plaisir de bouleverser la disposition des choses, par la réduction des grands à la condition des petits, et par l’élévation des petits à la condition des grands ; si elles signifient, dis-je, que Dieu fait cela à ses heures de récréation, et que c’est son jeu de paume, à peu près comme les princes se divertissent d’un côté à faire tuer de grosses bêtes dans des combats de taureaux, pendant que de l’autre ils comblent de caresses un petit chien, elles sont aussi impies que les phrases d’Hérodote. Ce serait donc justifier une impiété par une impiété. Mais rien ne demande que l’on donne ce sens-là aux paroles de Xénophon. On peut leur donner un sens raisonnable en supposant qu’il a voulu dire que Dieu se plaît à cette fréquente vicissitude des conditions, parce que sa qualité de juge, et de père commun des hommes, exige cela de lui [119]. Les grands abusent de leur puissance ; il faut donc que la chute de quelques-uns serve de leçon, et qu’elle prévienne le mal qu’ils auraient pu faire, et qu’elle console ceux qu’ils chagrinaient. Et puisque la condition humaine ne souffre pas que tous les hommes soient dans les grands postes en même temps, il faut que l’élévation roule, et que le père commun du genre humain en dispose tantôt en faveur des uns, tantôt en faveur des autres. Le tour de monter doit venir pour les petits, comme celui de descendre doit arriver pour les grands. Il est vraisemblable que Xénophon se représentait ainsi la chose, et qu’il ne s’arrêtait pas à la simple idée de la suprême autorité qu’on voyait par-là que Dieu avait sur les biens de la fortune. Il ne serait point digne de l’Être souverainement parfait de ne renverser les grandeurs humaines, et de n’élever les petits, qu’afin de marquer sa puissance. Il n’y a point de prince qu’on ne blamât justement, si par une pure ostentation de ses forces, il s’occupait à faire applanir des montagnes, combler des vallées, dessécher ici des marais, inonder ailleurs des campagnes sablonneuses. Il faut se proposer en cela l’utilité du public ; autrement ce n’est que faste et que luxe tyrannique ; ce n’est qu’un sujet de scandale ou de justes plaintes. Lisez ces paroles de Salluste : Nam quid ea memorem, quæ nisi iis, qui videre, nemini credibilia sunt, à privatis compluribus subversos montes, maria constructa esse ? quibus mihi ludibrio videntur fuisse divitiæ. Quippè quas honestè habere licebat, per turpitudinem abuti properabant [120]. Lisez aussi ces paroles de Suétone, touchant l’empereur Caligula : In extructionibus prætoriorum atque villarum omni ratione posthabitâ, nihil tam efficere concupiscebat quàm quod posse effici negaretur. Et jactæ itaque mos infesto ac profundo mari, excisæ rupes durissimi silicis, et campi montibus aggere æquati, et complanata fossuris montium juga, incredibili quidem celeritate, cùm moræ culpa capite lueretur [121]. Et pour joindre le moderne avec l’ancien, lisez aussi un passage qui concerne M. Fouquet : Fouquetus Lucullianis sumptibus naturam possessor domuit, et contumaciam situs repugnantem in delicias suas mansuescere coegit nullo læso, nisi se et arcâ régiâ [122]. Je ne doute point que Xénophon n’ait donné un sens orthodoxe à la maxime qu’il a avancée. Il avait trop bien profité des leçons de son professeur [123], pour être capable de dire que si Dieu se plaît à élever les petits et à renverser les grands, c’est afin de se divertir, ou de faire montre de sa puissance. Il croyait sans doute que Dieu ne faisait cela que pour les utilités publiques du genre humain, et par conséquent Camérarius l’a cité mal à propos en faveur de son Hérodote censuré d’avoir imputé à Dieu une humeur jalouse, cause du renversement des prospérités humaines. Notez qu’il n’importe point à la terre ni aux rochers d’être, ou dans un vallon, ou dans un lieu élevé. Ce sont des corps insensibles ; toutes sortes de situations leur sont également bonnes ou indifférentes. L’eau n’est ni plus ni moins malheureuse quand elle suit la pente d’un lit de rivière, que quand on la force à s’élancer d’un tuyau jusques aux nues ; mais la ruine d’un monarque, la disgrace d’un premier ministre, et tels autres renversemens des prospérités mondaines abîment dans le chagrin un très-grand nombre de gens, l’y aurait donc moins de désordre à renverser la situation de quelques endroits de la terre, par le seul motif de satisfaire ses fantaisies et d’étaler ses richesses, qu’à précipiter les hautes fortunes des hommes par le seul motif de se divertir, ou de faire voir ce que l’on peut. Concluez de là que tous ceux qui ont pensé judicieusement de la Providence, ont entendu la maxime de Xénophon au sens que j’ai rapporté. Ils ont cru sans doute que la ruine des grandeurs était un acte de justice, où l’infortune de quelques particuliers était compensée par un plus grand avantage du public.

Le tour que M. de Valois a pris pour justifier Hérodote est un peu plus ingénieux que celui des autres apologistes. Voyez son commentaire sur un endroit où Ammien Marcellin nous donne la description de la déesse Némésis. Cet historien ayant parlé de la fin tragique de quelques grands criminels, ajoute : Hæc et hujusmodi quædam innumerabilia ultrix facinorum impiorum, bonorumque prœmiatrix aliquoties operatur. Adrastia (atque utinàm semper), quam vocabulo duplici etiam Nemesim appellamus..... : hæc ut regina causarum, et arbitra rerum ac disceptatrix, urnam sortium lemperat, accidentium vices alternans : voluntatumque nostrarum exorsa interdùm alio, quàm quò contendebant, exitu terminans, multiplices actus permutando convolvit. Eademque necessitatis insolubili retinaculo mortalitatis vinciens fastus tumentes incassum, et incrementorum detrimentorumque momenta versans, ut novit, nunc erectas mentium cervices opprimit et enervat : nunc bonos ab imo suscitans, ad benè vivendum extollit [124]. Vous voyez bien qu’il suppose que cette déesse préside aux vicissitudes d’élévation et d’abaissement qui se voient dans le cours des choses humaines, et que c’est elle qui dirige ce jeu de bascule dont j’ai parlé quelque part [125] au sujet d’une réponse d’Ésope toute pareille à la maxime de Xénophon ; mais n’oublions pas qu’il suppose aussi qu’elle dispense cette alternative avec une souveraine équité [126]. M. de Valois observe, 1°. Qu’on la nomme Némésis, parce qu’elle rend à un chacun ce qui lui est dû ; 2°. Que Platon, au IVe. livre de Republicâ, la nomme la messagère de la Justice ; 3°. Que Dion Chrysostome, dans sa Harangue LXIV, a remarqué que la Fortune en tant qu’équitable a été nommée Némésis, το ἶσον αὐτῆς Νέμεσις. Equitas ejus (Fortunæ) Nemesis dicta est ; 4°. Que les anciens ont attribué à Dieu une certaine puissance qui mortifiait les orgueilleux, et qui ruinait toutes les choses sublimes ; 5°. Que cette puissance était nommée, ou envie ϕθόνος, ou indignation νέμεσις ; 6. Que l’indignation ou nemesis, a beaucoup d’affinité avec l’envie, et que dans le IIe. livre de la Morale d’Aristote elle tient le milieu entre l’envie et le vice qui fait qu’on se réjouit du malheur d’autrui [127] ; 7°. Qu’Hérodote, sur ce fondement, a fait dire à Solon que toutes les divinités sont envieuses, et à Artaban, que Dieu était envieux. Artabanus apud eundem Herodotum in lib. 7. iisdem verbis alloquitur Xerxem : ὁ δὲ θεὸς γλυχὺν γεύσας τὸν αἰῶνα, ϕθονερὸς ἐν αὐτῷ εὑρίσκεται ἐών. At Deus qui suavi perfruitur ævo, invidus ipse esse deprehenditur. Quæ quidem Herodoti verba immeritò reprehendit Plutarchus [128] ; 8°. Que Plutarque a censuré sans raison ces paroles d’Hérodote [129] ; car si nemesis est attribué à Dieu justement, pourquoi l’envie ϕθόνος ne lui serait-elle pas attribuée ? l’un de ces vices n’est pas plus petit que l’autre parmi les hommes : mais quand ces sortes de choses sont dites de Dieu, elles se dépouillent de tout défaut, et on les doit interpréter d’une façon favorable ; et si l’on ne le faisait pas, Plutarque lui-même serait convaincu du même pêché, puisqu’il a dit dans la Vie de Paul Émile [130], Οὐδενὶ γὰρ δε τῶν ἀγαθῶν ἐπίϕθονον, πλὴν ἔ τι δαιμόνιον.... etc. [131] ; c’est-à-dire, selon la version d’Amiat : « Æmilius estoit publiquement loué, benit et honoré de tout le monde, et de nul homme de bien haï ni envié. Si ce n’est qu’il y ait quelque Dieu, duquel le propre office soit oster tousiours et retrencher quelque chose des trop grandes et excessives prosperitez humaines, en mestant et diversifiant la vie de l’homme du sentiment de bien et de mal, a fin qu’il n’y en ait pas un qui la passe entierement pure et nette de tout malheur, ains que, comme dit Homere, ceux là soyent reputez bien heureux, ausquels la fortune a contrepezé le bien avec le mal. Ce que je dis, etc. » Vous verrez ci-dessous [132] la suite de ces paroles.

Faisons quelques notes sur cette apologie que M. de Valois a voulu faire. Je dis en 1er. lieu, que tous les auteurs païens qui donnent à la divinité les fonctions de Némésis ne sont pas blâmables ; car ceux qui les lui donnent selon les idées que nous avons vues dans le passage d’Ammich Marcellin, ou suivant cette égalité et cette équité dont parle Dion Chryspstome, ne lui donnent rien d’indigne, ou qui ait besoin d’être dépouillé d’une imperfection morale. Mais il y a eu je ne sais combien de poëtes et d’orateurs, et d’autres gens, qui ont entendu par Némésis une nature chagrine ; qui n’avait point de plus grand plaisir que de renverser les grandeurs humaines, et d’empoisonner de quelque infortune les événemens qui pouvaient donner le plus de joie aux illustres personnages. En ce sens-là, il était aussi impie de se servir du mot νέμεσις que de se servir de celui de ϕθόνος par rapport à Dieu ; et ainsi M. de Valois n’a point dû prétendre qu’on peut excuser le dernier par le premier. Je dis en 2e. lieu, que le chapitre de la morale d’Aristote, où il nous renvoie, ne lui est pas favorable. Il est vrai que l’on y trouve qu’il y a trois sortes d’envie, deux aux extrémités et une au milieu. Celle du milieu est appelée νέμεσις nemesis, et consiste à être fâché qu’un homme qui n’est pas digne d’être heureux soit pourtant heureux. L’extrémité en excès s’appelle ϕθόνος, et consiste à être fâché qu’il y ait des gens heureux. L’extrémité en défaut s’appelle ἐπιχαιρεκακία, et consiste à se réjouir du malheur d’autrui [133]. Cette doctrine n’est pas fort juste, et a été fort bien réfutée par le commentateur Eustathius. Il fait voir qu’un homme qui se réjouit du mal d’autrui s’afflige du bien d’autrui ; et par conséquent que la passion nommée ϕθόνος et la passion nommée ἐπιχαιρεκακία appartiennent aux mêmes personnes, et non pas l’une à celui-ci, l’autre à celui-là. Ce ne sont donc pas deux extrémités au milieu desquelles on puisse placer la passion appelée νέμεσις Mais laissant là cette dispute, je me contente d’observer que le style populaire, à quoi l’on se conformait dans les matières de religion, n’admettait pas ces distinctions scrupuleuses qu’Aristote a employées en traitant de la morale, et qui ne sont la plupart du temps que des abstractions de logique. Il ne faut donc pas s’imaginer que la nature ou le caractère de la déesse Némésis ait eu pour règle dans l’esprit de ceux qui la redoutaient, et qui parlaient de sa conduite, la différence que ce philosophe a marquée entre νέμεσις, l’indignation, et ϕθόνος l’envie. Disons en 3e. lieu, que rien ne peut être plus préjudiciable au dessein de l’apologiste, que les secours qu’il a prétendu tirer de la morale d’Aristote ; car selon ce philosophe le mot ϕθόνος signifie le chagrin qu’on a du bonheur d’autrui en général, soit que la personne heureuse mérite de l’être, soit qu’elle ne le mérite pas. On appelle ϕθονερὸς celui qui est sujet à cette passion [134]. Il surpasse celui qu’on nomme νεμεσητικὸς, C’est-à-dire qui ressent ce que l’on appelle νέμεσις le chagrin de la prospérité des indignes. Or il est certain qu’Hérodote a donné à Dieu l’épithète de ϕθονερὸς : donc par la doctrine d’Aristote il est plus coupable que s’il ne se fût servi que du terme de nemesis, ou de nemesiticus. C’est donc fournir des preuves aux accusateurs d’Hérodote, et non pas à ses défenseurs, que d’alléguer le IIe. livre de la Morale d’Aristote, À quoi songeait donc M. de Valois ? N’avait-il pas oublié son exactitude ordinaire, puisque voulant soutenir que ϕθόνος et νέμεσις sont aussi vicieuses l’une que l’autre parmi les hommes, il a confirmé sa pensée par la doctrine de ce philosophe ? Je dis en 4e. lieu, qu’il a grand tort d’assurer que lorsque l’envie ou telles autres imperfections sont attribuées à Dieu, elles perdent ce qu’elles ont de vicieux, et qu’il faut les interpréter favorablement. Cela ne doit point s’étendre jusques aux imperfections morales, ou jusques à cette espèce de défauts que nous jugeons incompatibles avec l’honnête homme. Telle est la fraude, la cruauté, la trahison, et cette espèce d’envie lâche, qui ne peut souffrir la prospérité de personne, et qui porte à persécuter tout ce qui excelle. Tous les blasphèmes des poëtes, et tous les dogmes impies sur quoi les cultes de la religion païenne étaient fondés, et que les pères de l’église réfutent très-solidement, seraient excusables si la maxime de M. de Valois était reçue. Rejetons-la donc, et ne nous amusons pas à interpréter au sens figuré les expressions d’Hérodote. Disons plutôt qu’il a pris le terme d’envie dans un sens odieux. Il faut juger de cela comme des murmures que les païens répandaient contre le ciel dans leurs disgrâces. Le mal qu’ils disaient de la Fortune, la cruauté dont ils accusaient les dieux, s’entendaient non dans un sens allégorique, mais dans un sens littéral : ils prétendaient les offenser en paroles, comme ils prétendaient les offenser en actions quand ils lapidaient des temples : le peuple romain purifiait-il l’idée de cruauté, la dépouillait-il de quelque chose de vicieux, quand il murmurait contre la Fortune au temps du triomphe de Paul-Émile ? Servons-nous des paroles de Plutarque, qui suivent immédiatement celles qu’on a vues ci-dessus [135]. Elles concernent proprement la déesse Némésis, où cette prétendue vertu divine qu’Hérodote appelait envie. « Ce que je dis, pour autant qu’Æmylius avoit quatre fils, deux qu’il avoit donnez à adopter en autres familles....... et deux autres qu’il avoit eus d’une seconde femme, lesquels il retenoit pour lui en sa maison, et estoyent encore tous deux fort jeunes, dont l’un mourut en l’aage de quatorze ans, cinq jours avant le triomphe de son pere, et l’autre mourut aussi trois jours après la pompe du triomphe, en l’aage de douze ans : tellement qu’il n’y eust si dur cœur en toute la ville de Rome, à qui ce grand accident ne fist pitié, et à qui ceste cruauté de la fortune ne fist frayeur et horreur, et ayant esté si importune, que de mettre en une maison triomphale, pleine d’honneur et de gloire, de sacrifices et de liesse, un si piteux dueil, et mesler des regrets et des lamentations de mort parmi les cantiques de triomphe et de victoire. » Il est si vrai qu’on prenait le mot d’envie au sens littéral le plus odieux, qu’il se trouva des gens sages qui, pour s’opposer à cette impiété, se mirent à dire nettement et expressément que les dieux n’étaient point sujets à cette passion. Nous avons vu ci-dessus [136] la remarque d’un célèbre platonicien, et nous voyons dans Stobée quatre vers de Phocylide qui déclarent qu’il n’y a aucune envie parmi les dieux ἄϕθονοι οὐρανίδαι, etc. 5e. Je dirai en dernier lieu, que Plutarque ne peut pas être complice de la faute d’Hérodote, puisqu’il n’a parlé qu’en doutant : il se sert d’un si, il se borne à un certain dieu dont la commission particulière, ou le partage, serait de traverser le bonheur de l’homme. Mais Hérodote affirme que tous les dieux sont jaloux et turbulens. Concluons que l’entreprise de Henri Valois de justifier Hérodote, et de repousser la censure de Plutarque, n’a pas été fort heureuse.

Il a donné [137] à un passage d’Hérodote un tout autre sens que moi. J’en avertis ici mon lecteur, et j’avoue que sa traduction est plus littérale que celle de Laurent Valla, que j’ai suivie [138]. J’avais quelque scrupule de m’en servir, mais considérant un côté qu’Henri Étienne ne l’a point critiquée, et de l’autre qu’elle fait raisonner Hérodote plus finement et plus nettement, je la préférai à celle que le docte Henri Valois a suivie. Peut-être ai-je eu tort.

(M) L’erreur de Valère Maxime nous donnera lieu de mettre ici un aphorisme de politique. ] Il dit qu’Aristophane, dans l’une de ses comédies, introduit Périclès revenant des enfers, et déclarant qu’il ne faut pas nourrir le lion, mais que si on le nourrit, et si on le laisse croître, il faut lui obéir. Aristophanis quoque altioris est prudentiæ. præceptum, qui in comœdiâ introduxit remissum ab inferis Atheniensem Periclem vaticinantem, non oportere in urbe nutriri leonem ; sin autem sit alitus, obsequi ei convenire. Monet enim, ut præcipuæ nobilitatis et concitati ingenii juvenes refrenentur. Nimio verò favore ac profusâ indulgentiâ pasti, quò minùs potentiam obtineant, ne impediantur : quòd stultum sit, et inutile, eas obtrectare vires, quas ipse foveris [139]. C’est Eschyle, et non pas Périclès, qui dit cela dans Aristophane. Voici les vers de ce poëte :

Οὐ χρῆ λέοντος σκύμνον ἐν πόλει τρέϕειν,
Μάλιςα δὲ λέοντα μὴ ᾽ν πόλει τρέϕειν.
Ἢν δ᾿ ἐκτραϕῇ τις, τοῖς τρόποις ὑπηρετεῖν.

Catulum ne alas leonis in republicâ,
Ac maximè ipsum leonem ne alas ibi.
Quòd si quis alitus ; obsequendum moribus [140].


Cette traduction est d’Érasme : il observe que Valère Maxime cite ce passage [141], mais il ne le censure point d’avoir pris Périctès pour Eschylé [142]. Il entend mieux cette sentence que Valère Maxime ne l’a entendue. Celui-ci raisonne de cette façon. Puisque vous avez élevé un homme, vous devez considérer sa puissance comme votre ouvrage : vous seriez donc fous si vous tâchiez de la détruire, et même vous ne pourriez pas en venir à bout. Ce raisonnement est pitoyable. Ce ne fut jamais la pensée du poëte grec. Il voulait dire sans doute, que pour éviter les malheurs qui naissent de l’opposition que l’on veut former à une puissance que l’on a trop laissé : croître, il vaut mieux céder au torrent. Admonet ænigma, ce sont les paroles d’Érasme [143], non esse fovendam potentiam quæ leges posset opprimere : quòd si fortè talis quispiam extiterit, non esse è rep. decertare cum illo, quem nequeas nisi magno reip. malo devincere. Tyrannus aut ferendus est, aut non recipiendus. On fait une grande faute dans les républiques, quand on laisse parvenir à une trop grande autorité un sujet factieux et entreprenant. Mais c’est une faute encore plus grande de s’opposer à cet homme, après qu’on l’a laissé devenir le maître. Il y a cent abus qu’on doit empêcher de s’introduire ; mais quand ils se sont fortifiés, c’est bien souvent un moindre mal de les tolérer que d’en entreprendre la réformation : Ceux qui l’entreprennent font presque toujours comme Sylla : ils se servent d’un remède pire que le mal [144]. Un historien a dit avec beaucoup de bon sens, qu’il eût mieux valu laisser en repos la république malade et blessée, que de la remuer pour lui faire prendre des remèdes, et pour mettre un appareil à ses plaies. Expediebat quasi ægræ sauciæque reipublicæ requiescere quomodocunquè, ne vulnera curatione ipsâ rescinderentur [145]. Je pourrais citer cent choses sur les inconvéniens de certains remèdes qu’on veut apporter aux maux publics, mais cela sentirait trop la recherche des lieux communs.

(N) La réponse de Périclés à la sœur de Cimon fait connaître qu’il avait l’esprit présent. ] Il y avait une grande opposition d’intérêts et de parti entre Cimon et Périclès. Celui-ci devint supérieur à l’autre, et le fit bannir [146]. Ce ne fut pas son seul avantage, il contribua au rappel de Cimon. Cette marque de crédit, pour faire les choses et pour les défaire, ne fit qu’augmenter la jalousie dans la famille de Cimon : les victoires de Périclès augmentèrent encore cette passion. C’est pourquoi Elpinice, sœur de Cimon, peu contente des éloges qu’on donnait aux victoires de Périclès, ne fut pas assez maîtresse de son dépit pour ne les pas critiquer : il la rembarra en lui alléguant un vers qui portait : ne vous fardez pas, vous êtes trop vieille pour cela. Rapportons les paroles de Plutarque traduites par Amyot [147]. Ayant doncques Pericles subjugué la ville de Samos, il s’en retourna à Athenes, la ou il feit honorablement inhumer : Les os de ceulx qui estoient morts en cette guerre, et luy mesme fit le blason funebre à leur louange selon la coustume, dont il fut merveilleusement estimé ; de sorte que quand il descendit de la chaire ou il avoit harangué, les autres dames de la ville luy venoyent baiser les mains, et luy mettoient des chapeaux de fleurs et des couronnes sur la teste, comme l’on fait aux champions victorieux, quand ils retournent des jeux ou ilz ont emporté le pris. Mais Elpinice s’approchant de luy. Vrayement, dit-elle, ce sont de beaux faicts que les tiens, Pericles, et bien dignes de chapeaux de triumphe, de nous avoir perdu beaucoup de bons et vaillans citoyens, non point en guerroyant les Medois, Phœniciens, et barbares, comme fait mon frere Cimon ; ains en destruisant une cité qui est de nostre propre nation et nostre alliée. A ces paroles respondit Pericles taut doulcement, en riant, ce vers d’Archilochus,

Si vieille estant ne te perfume plus [148].


Qu’eût-on pu choisir de plus propre à mortifier cette dame ? On parle d’une autre réponse qui n’est pas si glorieuse à Périclès. Il était l’un des accusateurs de Cimon dans une affaire capitale. Elpinice fut le supplier très-humblement de ne pas nuire à son frère : vous êtes trop vieille, lui répondit-il, pour réussir dans une telle sollicitation. Ἐλθούσης δὲ πρὸς αὐτὸν τῆς Ἐλπινίκης καὶ δεομένης, μειδιάσας εἶπεν, Ὦ Ἐλπινίκη, γραῦς εἶ, ὡς πράγματα τηλικαῦτα δράσειν. Quùm adisset autem eum supplex Elpinice, ridens, at enim anus es, inquit, Elpinice : anus es nimiùm, quàm ut res tantas transigas [149]. Cela ne veut-il pas dire, si votre jeunesse me pouvait persuader qu’en m’accordant la jouissance de votre corps, vous paieriez les services que je rendrais à votre frère, je le servirais ; mais vous n’êtes point d’un âge à me faire souhaiter cette marque de reconnaissance, vous n’obtiendrez donc rien de moi ? On pourrait répondre deux choses pour Périclès : la première, qu’il ne parlait pas sérieusement ; la seconde, qu’il n’avait en vue que le mépris que feraient de la vieillesse d’Elpinice les autres personnes qu’elle tâcherait de fléchir. Une belle et jeune solliciteuse de procès vient à bout de mille choses que les prières d’une vieille femme n’obtiennent point. Plutarque observe que nonobstant cette réponse, Périclès ne soutint l’accusation que faiblement et par manière d’acquit. D’autres disent qu’il trouva Elpinice fort à son goût, et qu’il jouit d’elle en récompense des bons offices qu’il rendit à Cimon. Les paroles que je cite nous apprennent que cette femme n’était pas fort difficile à gagner, car elle couchait avec son frère. Καὶ Κίμωνος δ᾽ Ελπινίκη τῇ ἀδελϕῇ παρανόμως συνόντος, εἶθ’ ὕςερον ἐκδοθείσης Καλλίᾳ, καὶ ϕυγαδευθέντος, μισθὸν ἔλαβε τῆς καθόδου αὐτοῦ ὁ Περικλῆς τὸ τῇ Ελπινίκῃ μιχθῆναι. Cùm Cimon Elpinice sorore. quam post nuptum Calliæ dedit, contra leges abuteretur, exilioque damnatus fuisset, ejus reditus mercedem Pericles accepit Elpinices concubitum [150]. Sans compter qu’elle s’abandonna à un peintre [151]. Notez, 1°. qu’Athénée, fondé sur le témoignage d’Aristhène, suppose qu’elle gagna le suffrage de Périclès pour le retour de son frère en lui accordant le déduit [152] ; 2°. que selon Plutarque elle reçut de Périclès la réponse de rebut à cause de sa vieillesse, en le sollicitant pour un procès criminel de Cimon, antérieur au temps dont parle Athénée [153]. Il est bon de noter cela ; car si Plutarque eût parlé d’une sollicitation postérieure au rappel de Cimon, nous aurions sujet de croire que Périclès ne fut favorable à cet exilé, que pour s’acquitter de ce qu’il devait à Elpinice. La réponse rapportée par Plutarque nous conduirait à ce sentiment. Elpinice, se souvenant que ses dernières faveurs accordées à Périclès l’avaient engagé à consentir que Cimon fût rappelé, se fût encore adressée à lui pour le prier de ne pas nuire à son frère, embarrassé dans un procès criminel ; mais Périclès lui aurait fait une réponse dont le sens serait : n’espérez rien de vos sollicitations, vous n’êtes plus ce que vous étiez lorsque l’amoureux déduit que vous m’accordâtes me porta à rendre de bons offices à votre frère ; vous êtes présentement trop vieille pour mériter que je fasse un pareil échange de courtoisie avec vous. Mais, comme je l’ai déjà dit, Plutarque suppose que cette réponse fut faite avant l’ostracisme de Cimon. Quoi qu’il en soit, nous apprenons d’Athénée que notre Périclès fut fort adonné à l’amour [154].

(O) J’ai fait espérer qu’on verrait ici l’histoire d’..Aspasie. ] Cette femme était de Milet : elle marcha sur les traces de Thargélie, qui par sa beauté et par son esprit avait gagné l’affection des principaux Grecs de l’Ionie, et les avait engagés à favoriser le roi de Perse [155]. Aspasie était si habile, que Socrate allait chez elle et y amenait ses amis [156]. Parlons plus clairement, et disons que ce fut elle qui lui enseigna la rhétorique et la politique. Ἀσπασία μέν τοι ἡ σοϕὴ τοῦ Σωκράτους διδάσκαλος τῶν ῥητορικῶν λόγων. Aspasia sapiens fœmina Socratis in eloquentiæ studiis magistra [157]. Πλάτων ἐν τῷ Μενεξένῳ τὸν Σωκράτην παρ᾽ αὐτῆς ϕησὶ μαθεῖν τὰ πολιτικά. Plato in Menexeno testatur, Socratem ab eâ didicisse politica [158]. Ce qu’il y a de plus admirable, est que ceux qui la fréquentaient menaient chez elle leurs femmes, pour leur faire entendre ses discours et ses leçons, et néanmoins elle nourrissait dans sa maison plusieurs courtisanes. Τὰς γυναῖκας ἀκροασομένας οἱ συνήθεις ἦγον εἰς αὐτήν, καίπερ οὐ κοσμίου προεςῶσαν ἐργασίας, οὐδὲ σεμνῆς ἀλλὰ παιδίσκας ἑταιρούσας τρέϕουσαν. Fœminasque ad audiendam eam duxerunt familiares : licet officinam tractaret parùm decoram et honestam, quæ puellas ad quæstum corpore faciendum aleret [159]. Elle entendait bien la politique, et l’on disait que Périclès s’attachait à elle, parce qu’elle avait une grande intelligence des maximes du gouvernement ; mais il y eut d’autres causes : qui formèrent leur liaison. L’amour fut de la partie : Périclès n’aimait point sa femme, et la céda de fort bon cœur à un autre et puis il se maria avec Aspasie, et l’aima passionnément. L’historien [160] dont j’emprunte tous ces faits rapporte comme une preuve fort singulière de cet amour, une chose qui passerait aujourd’hui pour une preuve très-ridicule. Périclès, dit-il, n’allait jamais au sénat, et n’en revenait jamais, sans donner un baiser à Aspasie [* 5]. Αὐτὸς δὲ τὴν Ἀσπασίαν λαβὼν, ἔςερξε διαϕερόντως· καὶ γὰρ ἐξιών, ὥς ϕασι, καὶ εἰσιὼν ἀπ᾽ ἀγορᾶς, ἠσπάζετο καθ᾽ ἡμέραν αὐτὴν μετὰ τοῦ καταϕιλεῖν. Aspasiam urorem duxit, quam mirè dilexit, nam, sive exiret, sive rediret à foro, salutabat semper eam osculo [161]. Cet auteur peut-être n’a pas bien pris ce qu’il avait lu sur ce sujet. J’aimerais mieux dire, comme l’insinue l’auteur d’Athénée [162], que Périclès allait voir Aspasie deux fois le jour, et qu’il la baisait en entrant et en sortant. Ce qui nous renvoie au temps qu’il ne l’avait pas encore épousée. On a débité qu’il chassa sa femme, et que logeant avec Aspasie, fille de joie de Mégare, il se plongea dans la volupté, et qu’il dépensa pour cette garce une bonne partie de son bien [163]. Περικλέα δὲ τον Ὀλύμπιον ϕησὶν Ἡρακλέιδης ὁ Ποντικὸς ἐν τῷ περὶ ἡδονῆς, ὡς ἀπήλλαξεν ἐκ τῆς οἰκίας τὴν γυναῖκα, καὶ τὸν μεθ ̓ ἡδονῆς βίον προείλετο, ᾤκει τε μετὰ Ἀσπασίας τῆς ἐκ Μεγάρων ἑταίρας, καὶ τὸ πολὺ μέρος τῆς οὐσίας εἰς ταύτην κατανάλωσε. Periclem Olympium Heraclides Ponticus scribit, libro de voluptate, exactâ domo uxore voluptati se tradidisse, cum Aspasiâ scorto Megarico [164] habitâsse, et magnam rei familiaris partem in eam dilapidâsse. Cette femme, après la mort de Périclès, s’attacha à un personnage de basse naissance, et l’éleva aux premières charges de la république [165]. Ce qui témoigne que l’adresse de son esprit, et sa bonne langue, ne trouvaient rien d’impossible. Il fallait bien qu’elle entendît l’art de parler, puisque plusieurs Athéniens furent ses disciples de rhétorique. Elle s’acquit une telle réputation, que le jeune Cyrus donna le nom d’Aspasie à une maîtresse qu’il aimait et qu’il estimait uniquement [166]. Notre Aspasie fut cause que la république d’Athènes attaqua les Samiens. Ils étaient en guerre avec les Milésiens pour la ville de Priène, dont chaque parti se voulait attribuer la possession. Les Samiens remportèrent la victoire. Ainsi Aspasie, pour servir ses compatriotes, pria Périclès de faire déclarer les Athéniens contre ceux de Samos [167]. On dit aussi qu’elle fut la cause de la guerre de Mégare, qui fut le commencement de celle du Péloponnèse ; et que le motif d’Aspasie est bien honteux. Quelques jeunes Athéniens ayant trop bu, s’en allèrent à Mégare, et y enlevèrent une fameuse prostituée. Les Mégariens enlevèrent par représailles deux filles de joie d’Aspasie. Voilà le sujet de sa colère : c’est ce qui fit, disait-on, qu’elle employa tout son crédit pour faire que l’on attaquât les Mégariens, à quoi Périclès était assez disposé. Μεγαρεῖς δὲ.... τὰς αἰτίας εἰς Ἀσπασίαν καὶ Περικλέα τρέπουσι· χρώμενοι τοῖς περιβοήτοις καὶ δημώδεσι τούτοις ἐκ τῶν Ἀχαρνέων ςιχιδίοις, Πόρνην δὲ Σὶμαίθαν, ἰόντες Μεγάραδε Νεανίαι κλέπτουσι μεθυσοκότταβοι·
Κἆθ' οἱ Μεγαρεῖς ὀδύναις πεϕυσιγγωμένοι, Ἀντεξέκλεψαν Ἀσπασίας πόρνας δύο. Megarenses verò..... causam omnem in Aspasiam detorquent et Periclem, allegantque celebratos et vulgatos hosce versus Aristophanis ex Acharnibus,

Juvenes profecti Megaram ebrii auferunt
Simæthiam ex scortatione nobilem :
Megarensis hinc populus dolore percitus,
Furatur Aspasiæ duo scorta baud impiger [168].


Plutarque eût bien fait de rapporter les deux vers qui suivent ces quatre ; car ils contiennent la conclusion que le poëte tire de ce récit, c’est que trois garces furent cause que toute la Grèce fut en guerre [169].

Κᾀντεῦθεν ἀρχὴ τοῦ πολέμου κατεῤῥάγη
Ἑλλησὶ πᾶσιν, ἐκ τριῶν λαικαςριῶν.

Hinc initium belli prorupit
Universis Græcis, ob tres meretriculas.


Athénée, qui a rapporté les six vers d’Aristophane, venait de dire que l’école d’Aspasie avait peuplé de filles de joie tout le pays [170]. Καὶ Ἀσπασία δὲ ἡ Σωκρατικὴ ἐνεπορεύετο πλήθη καλῶν γυναικῶν, καὶ ἐπλήθυνεν ἀπὸ τῶν ταύτης ἑταιρίδων ἡ Ἐλλάς. ὡς καὶ ὁ χαρίεις Ἀριςοϕάνης παρασημαίνεται λέγων τὀν Πελοποννησιακὸν πόλεμον, ὅτι Περικλῆς διὰ τὸν Ἀσπασίας ἔρωτα, καὶ τὰς ἁρπασθείσας ἀπ᾽ αὐτῆς θεραπαίνας ὑπὸ Μεγαρέων, ἀνεῤῥίπισεν τὸ δεινόν [171]. Dalechamp tourne ainsi ce grec : Aspasia Socratica formosas mulieres, et cas quidem multas, Athenis præbuit. Jam indè scortis abundavit Græcia, ut indicat facetus Aristophanes, Peloponnesiaci belli caussam explicans, nempè ob amorem Aspasiæ, et raptas à Megarensibus ejus ancillas, Periclem decretum luctuosum illud de bello Megarensibus indicendo, velut ignem flabello, excitâsse, et accendisse. N’oublions pas les deux crimes dont Aspasie fut accusée par le comédien Hermippus : ce ne furent pas des médisances de théâtre ou de comédie ; car Hermippus se porta pour accusateur dans toutes les formes devant les juges : il l’accusa d’impiété, et d’attirer chez elle des femmes pour les plaisirs de Périclès [172]. Je ne sais pas bien si l’on prétendit qu’elle eût fait ce maquerellage depuis que Périclès l’eut épousée. En ce cas-là le second crime eût été aussi extraordinaire que le premier ; car il est presque aussi rare qu’une femme serve de maquerelle à son époux, qu’il est rare qu’elle soit sans religion. Pendant que la cause fut plaidée, Périclès employa tant de prières et tant de pleurs auprès des juges, qu’il obtint l’absolution d’Aspasie. Il n’espéra pas la même grâce pour Anaxagoras que l’on avait accusé d’irréligion en même temps, sous prétexte qu’il expliquait les météores par des raisons philosophiques [173] : il le fit sortir d’Athènes pour le tirer du péril. Ἀσπασίαν μὲν οὖν ἐξητήσατο πολλὰ πάνυ παρὰ τὴν δίϰην, ὡς Αἰσχίνης ϕησίν, ὰϕεὶς ὑπὲρ αὐτῆς δάϰρυα, ϰαὶ δεηδεὶς τῶν διϰαςῶν, Ἀναξαγóραν δὲ, ϕοβηθεὶς, ἐξἐπεμψε καὶ προὔπεμψεν ἐϰ τῆς πόλεως. Ac Aspasiam quidem eripuit Pericles precibus, pro quâ vim lacrymarum in causâ dicendâ (ut scribit Æschines) profudit, obsecravitque judices : Anaxagoram trepidans ablegavit, atque ex urbe deduxit [174]. Athénée cite un autre auteur qui rapporte le même fait, et qui observe que Périclès courant risque de la vie avait moins versé de larmes, qu’il n’en versa dans le péril d’Aspasie. Καὶ ϕευγούσης ποτὲ αὐτῆς γραϕὴν ἀσεβείας, λέγων ὑπὲρ αὐτῆς, πλείονα ἐδάκρυσεν ἢ ὅτε ὑπὲρ τοῦ βίου καὶ τῆς οὐσίας ἐκινδύνευσεν. Et cùm impietatis accusata fuisset, orationem pro illâ habuisse, effusiùs lacrymantem, quàm cùm vitæ ac fortunarum periculum adiisset [175]. M. le Fèvre, dans la Vie des Poëtes grecs, page 81, enveloppe cette accusation d’Aspasie sous des paroles que tout le monde n’entend pas. Aspasie, dit-il, mérite bien cet honneur, puisqu’elle fut la maîtresse d’un homme qui fut maître de l’Attique et des les de la mer Égée ; puisqu’elle fut la Junon de l’olympien Périclès ; puisqu’elle faisait des vers et des harangues ; et puisque enfin elle savait autant de réthorique qu’en savait Prodicus et Gorgias, le grand cymbaliste de Grèce. Mais elle savait bien encore autre chose, que je ne vous dirais jamais si je n’avais résolu de vous parler d’Hermippe, poëte comique qui vivait en même temps qu’elle. Cet Hermippe..... fit des vers contre Périclès, et accusa même Aspasie de faire un certain métier que Périclès ne haïssait point. Ce métier c’est ce qui m’embarrasse. Voyons pourtant si on ne saurait s’expliquer honnêtement sur un si sale sujet. Disons, monsieur, qu’elle faisait pour Périclès ce que Livie faisait pour Auguste, lorsqu’il était dégoûté, et que les nuits lui semblaient trop longues, etc. Ce que M. le Fèvre dit de Livie se trouve dans Suétone, au chapitre LXXI de la Vie d’Auguste. Circà libidines hæsit, posteà quoque ut ferunt, ad vitiandas virgines promptior, quæ sibi undique etiam ab uxore conquirerentur. Amyot a représenté naïvement le sens de Plutarque : je rapporte toutes ses paroles, afin qu’on voie toute l’étendue du crime dont Aspasie fut accusée : on verra qu’elle débauchait, non pas des esclaves et des étrangères, mais les femmes nobles d’Athènes. Environ ce mesme temps fut aussi Aspasie accusée de ne croire point aux dieux, étant l’accusateur Hermippus faiseur de comedies, qui la chargea davantage, qu’elle servoit de maquerelle à Pericles, recevant en sa maison des bourgeoises de la ville, dont Pericles jouissoit. Diopithes au mesmes temps meit en avant un decret, Que l’on feist inquisition des mescreans qui n’ajouxtoyent point de foy aux choses divines, et enseignoyent certains propos nouveaux touchant les effects qui se font en l’air et au ciel, tournant la suspicion sur Pericles à cause d’Anaxagoras [176] Voyez ci-dessus la remarque (C).

(P) Quelques erreurs qui se rapportent à Aspasie. ] Quintilien s’est trompé en rapportant les questions qui furent faites à la femme de Xénophon. On lui demanda : Si l’or de vôtre voisine était meilleur que le vôtre, le quel aimeriez-vous mieux, le vôtre ou le sien ? Le sien, répondit-elle. Si ses habits et ses ornemens étaient plus riches que les vôtres, aimeriez-vous mieux les siens que les vôtres ? Oui, répondit-elle. Mais si son mari était meilleur que le vôtre, l’aimeriez-vous mieux que le vôtre ? Elle fut toute honteuse de cette demande, et ne répondit rien. Cicéron rapporte cela [177], et dit clairement que ces questions furent faites par Aspasie à la femme de Xénophon. Mais Quintilien assure qu’elles furent faites à Aspasie par la femme de Xénophon. Ut apud Æschinem Socraticum malè respondit Aspasia Xenophontis uxor : quod Cicero his verbis transfert [178]. Vossius a critiqué cette faute, et s’est trompé à son tour [179] ; car il a cru que Quintilien admettait deux Aspasies [180]. Ce n’est point en cela que consiste la méprise ; mais en ce que l’on a cru que l’Aspasie mentionnée dans le livre de Cicéron était femme de Xénophon. M. Colomiés a censuré cette faute de Quintilien [181], et observé que Brusonius la suivie [182]. Je ne saurais me persuader que cette bévue vienne d’ailleurs que des copistes ; je crois que Quintilien avait dit apud Æschinem Socraticum malè respondit Aspasiæ Xenophontis uxor. Un copiste presque demi-savant se sera imaginé qu’il fallait mettre Aspasia : il a cru que Quintilien avait rapporté le nom propre de la femme de Xénophon. Noter qu’Aspasie, ayant réduit la femme par ses demandes captieuses à n’oser répondre, s’adressa tout aussitôt au mari, et lui faisant les mêmes questions, le fit rougir dès la troisième, et le réduisit au même silence ; après quoi elle fit à tous deux une leçon bien sensée [183]. Le docte Léopardus ne savait pas que Quintilien, comme nous l’avons aujourd’hui, à été cause de l’erreur de Brusonius ; il s’est contenté de reprendre le moderne. Idem Brusonius, dit-il [184], eodem capite : Aspasia, inquit, Xenophontis uxor quùm esset (ut muliebre ingenium est) rerum alienarum appetens atque invida, interrogata, si vicina tua, etc. Voilà une faute que Léopardus n’a point critiquée. Brusonius, de sa pure autorité, vient supposer qu’Aspasie, femme de Xénophon, était avare et envieuse. Où a-t-il trouvé cela ? Est-il permis de forger de telles choses ? À quoi bon sa parenthèse ? Au reste, ayant montré à un savant humaniste ma petite correction de Quintilien, il la trouva bonne, et me fit voir quelques jours après dans son édition de Quintilien Variorum, que Turnèbe a déjà ainsi corrigé l’endroit.

Suidas a dit faussement que Périclès eut d’Aspasie deux garçons, Xanthippe et Paralus : il les eut de son autre femme.

Lloyd a dérobé à notre Aspasie un passage de Xénophon qui l’aurait pu rendre bien glorieuse ; Lloyd, dis-je, nous débite qu’il s’agit là d’une Aspasie, femme de Cléobule. Il se trompe visiblement ; car, en premier lieu, l’interlocuteur de Xénophon ne s’appelle pas Cléobule, mais Critobule ; en second lieu, Socrate, qui est l’autre interlocuteur, ne parle point de la femme de Critobule : il parle d’Aspasie la réthoricienne, la savante ; il dit qu’elle donnera à Critobule de meilleurs préceptes, que lui, Socrate, n’en saurait donner. Συςήσω δὲ σοὶ ἐγὼ καὶ Ἀσπασίαν ἣ ἐπιςημονέςερον ἐμοῦ σοὶ ταῦτα πάντα ἐπιδέιξει. Ego tibi exempli causâ Aspasiam constituam, quæ doctiùs hæc omnia quàm ego tibi monstrabit [185].

Un commentateur de Minutius Félix n’est point exact dans les paroles que l’on va lire. De Pythagorâ referunt Diogenes Laërtius, lib. 8, et Lucianus in Gallo eum dixisse se primùm fuisse Æthalidem Mercurii filium, indè Euphorbum Panthi filium, mox Aspasiam nobile Periclis scortum, deindè Cratem Cynicum [186]. Voilà trois déménagemens consécutifs de Pythagoras : il passa du corps d’Æthalide dans celui d’Euphorbus ; puis dans celui d’Aspasie, et enfin dans celui de Cratès. Si le commentateur était exact, on trouverait cette liste toute entière dans Diogène Laërce, et toute entière dans Lucien ; mais on n’en trouve qu’une partie dans l’un, et une partie dans l’autre. C’est une mauvaise manière de citer. Je compte cela pour la 1re. méprise de cet auteur. La 2e. consiste en ce qu’il rapporte mal le narré de Diogène Laërce, où l’on trouve que Pythagoras se vantait d’avoir été successivement Æthalide, Euphorbus, Hermotime, Pyrrhus, Pythagoras. La 3e. est qu’il ne rapporte pas mieux la narration de Lucien : car s’il l’avait bien copiée, il aurait dit que l’âme de Pythagoras fut premièrement dans le corps d’Euphorbus, puis dans celui de Pythagoras, puis dans celui d’Aspasie, puis dans celui de Cratès, ensuite dans celui d’un roi, etc., et enfin dans celui d’un coq. La 4e. est que, pour agir raisonnablement, il ne fallait pas citer sur cette matière un homme qui ne fait que badiner, et qui prend un siècle postérieur à Pythagoras : il ne fallait citer que ceux qui rapportent ce que Pythagoras disait lui-même, en parlant de la part qu’il avait eue aux transmigrations de l’âme.

Les fautes de M. Moréri ne sont pas en fort grand nombre. Je ne le critique que sur une chose ; c’est qu’il a dit qu’Aspasie était très-savante en philosophie et en éloquence, et surtout en poésie. Je ne prétends pas disputer à cette femme, ni la science philosophique, ni l’art de parler ; ce n’est point à cet égard que je m’érige en censeur de M. Moréri. Je dis seulement qu’il a eu tort de donner la poésie pour la science en quoi Aspasie excellait le plus. Cela est si faux, qu’il y a lieu de douter qu’elle ait jamais fait des vers. Je pense qu’Athénée est le seul auteur que l’on pourrait alléguer, si l’on voulait soutenir qu’elle a entendu la poésie ; mais le témoignage de cet auteur est bien faible pour cela ; car il ne dit autre chose, sinon qu’on avait des vers qui étaient attribués à Aspasie [187], et qu’Hérodicus avait publiés. Pour marquer juste en quoi elle a excellé, il faut s’arrêter à la réthorique : c’était son fort. Périclès ne dédaignait pas de réciter les harangues qu’elle composait [188]. Elle entendait mieux la politique que la philosophie ; et puisque Périclès la consultait sur l’art de régner, il ne faut pas trouver étrange que d’autres grands politiques fassent un grand cas des conseils de femme. J’ai dit ci-dessus qu’elle enseigna cette science au grand Socrate.

(Q) Les fautes de M. Moréri. ] I. Je doute que les maîtres qui enseignèrent la philosophie à Périclès, fussent jaloux de la connaissance universelle qu’il s’en acquit. Les trois auteurs que M. Moréri cite [189], ne parlent point de cela. Je n’ai point trouvé cette circonstance dans aucun ancien auteur ; cependant je n’ose dire que M. Moréri l’ait inventée, ou que l’auteur moderne qui aura pu la lui fournir en soit l’inventeur ; je dis seulement que la possession où il s’est mis de ne citer rien que d’une manière vague, m’empêche de m’inscrire en faux contre plusieurs faussetés, et m’oblige à ne proposer qu’un doute. II. Puisque Plutarque n’a dit autre chose, sinon que Périclès remporta une victoire sur les Sicyoniens à Néméa [190], d’où vient que M. Moréri assure que cette bataille fut donnée près le fleuve de Néméa ? III. En tout cas cette rivière n’est point assez considérable pour être nommée un fleuve. Les fautes qui suivent se trouvent dans le supplément. IV. Périclès ne fortifia point l’isthme de Corinthe d’une bonne muraille. On a confondu des choses qui différent extrêmement l’une de l’autre. Il fit bâtir à Athènes ce qu’on appelait la longue muraille [191]. C’était plutôt l’affaire des habitans du Péloponnèse de fortifier l’isthme de Corinthe, que celle des Athéniens. V. Plutarque et Hérodote sont mal cités : le dernier ne fait aucune mention, ni des Apophthegmes, ni des actions de Périclès, et l’autre ne dit qu’une partie des choses qui sont narrées dans le supplément. Le beau mot amicus usquè ad aras, n’étant point dans la Vie de Périclès, il fallait citer le livre où Plutarque le rapporte [192]. VI. L’article du fils de Périclès est très-mauvais : personne ne le saurait lire sans croire que ce personnage commandait en chef la flotte des Athéniens qui défit celle de Lacédémone aux îles Arginuses. Il fit des merveilles dans cette expédition, nous dit-on, et brûla la flotte des ennemis. C’est ainsi qu’il eût fallu s’exprimer, si l’on eût parlé d’un homme qui eût eu lui seul le commandement. On venait de dire que les Athéniens le choisirent pour prendre la place d’’Alcibiade. Cela est encore plus trompeur pour ceux qui n’ignorent pas qu’Alcibiade avait été capitaine général des Athéniens [193]. La vérité est que l’on choisit à la place d’Alcibiade dix généraux, et que le fils de Périclès fut l’un de ces dix [194]. Xénophon l’assure très-nettement, et il ne dit point que la flotte lacédémonienne fut brûlée ; il dit seulement qu’elle fut battue, et qu’elle se retira diminuée de soixante-dix vaisseaux [195]. Notez que le commandant de jour dans cette bataille n’était point Périclès ; c’était Thrasybule [196]. Si l’on m’objecte que le supplément de Moréri ne laisse pas ignorer que Périclès avait des collègues, car on y trouve qu’il fut condamné avec les sept autres capitaines de l’armée à perdre la tête ; je réponds que cela n’empêche pas que ma censure ne soit juste. Un auteur qui se contredit par l’emploi de certaines phrases qui s’entre-détruisent, narre mal un fait, brouille et trompe son lecteur. Voici une nouvelle tromperie. Un lecteur que cette dernière phrase aurait pu désabuser de la pensée qu’il aurait eue, que Périclès commandait en chef, ne croira-t-il pas qu’il n’y avait que huit commandans sur cette flotte ? Il se trompera donc, car is étaient dix : il est vrai qu’on n’en condamna que huit à perdre la vie. Il eût donc fallu s’exprimer ainsi : il fut condamné avec sept autres. Xénophon observe qu’on n’en fit mourir que six, et que les deux autres étaient absens [197]. C’était lui ou Diodore de Sicile qu’il fallait citer dans le supplément, et non pas Plutarque qui n’a parlé qu’en passant du fils de Périclès [198], et sans circonstancier les causes de son supplice. Elles furent si injustes, que jamais peut-être sous les monarchies les plus despotiques, il ne s’est rien vu de plus énorme. On fit mourir six généraux qui venaient de remporter la plus insigne victoire que les Grecs eussent jamais remportée sur les Grecs, et qui s’étaient signalés en bien d’autres occasions ; on les fit, dis-je, mourir à cause qu’ils n’avaient pas enterré ceux qui étaient morts dans le combat ; et l’on n’eut aucun égard à la raison qui les disculpait. On n’écouta point ce qu’ils alléguèrent pour leur défense : c’est que ceux qu’ils avaient chargé de ce soin furent battus d’une tempête qui les empêcha d’exécuter cette commission [199]. Socrate, l’un de leurs juges, s’opposa vigoureusement à cette injustice ; mais ses raisons ne furent pas écoutées [200]. La manière dont ces braves gens souffrirent la mort, fut très-propre à rendre exécrable cette iniquité. Diomédon parla pour tous ; et au lieu d’imprécations ou de plaintes, au lieu d’étaler leurs services si mal reconnus, il se contenta de souhaiter que leur supplice fût heureux à la patrie, et de prier l’assemblée d’accomplir les vœux qu’ils avaient faits pour obtenir la victoire. Τὰ μὲν περὶ ἡμῶν κυρωθέντα συνενέγκαι τὰ μὲν περὶ ἡμῶν κυρωθέντα συνενέγκαι τῇ πόλει· τὰς δὲ ὑπὲρ τῆς νίκης εὐχὰς ἐπειδήπερ ἡ τύχη κεκώλυκεν ἡμᾶς ἀποδοῦναι, καλῶς ἔχον ὑμᾶς ϕρονῆσαι, καὶ τῷ Διὶ τῷ σωτῆρι καὶ Απόλλωνι καὶ ταῖς σεμναῖς θεαῖς ἀπόδοτε· τούτοις γὰρ εὐξάμενοι, τοὺς πολεμίους κατεναυμαχήσαμεν. Quod in capila nostra jam decretum est, id faustum ac felix civitati huic eveniat. At vota pro victoriâ Diis nuncupata, qui fortuna reddere nos prohibuit, vos accurare pium et pium et honestum est. Jovi igitur servatori et Apollini et venerandis Deabus illa persolvitote. Horum enim numine invocato hostes profligavimus [201]. L’historien qui me fournit ces paroles, y ajoute une réflexion sur la fureur qui porta le peuple à cette injustice : le peuple dis-je, animé par des orateurs. Οὕτω δὲ ὁ δῆμος τότε παρεϕρόνησε, καὶ παροξυνθεὶς ἀδίκως ὑπὲρ των δημαγωγῶν, τὴν ὀργὴν ἀπέσκηψεν ἐις ἄνδρας οὐ τιμωρίας, ἀλλὰ πολλῶν ἐπαίνων καὶ ςεϕάνων ἀξίους. Tam perditè tunc populus insanivit, ut ab oratoribus præter jus et fas exacerbatus, iram suam in viros, non modò nullâ pœnâ, sed magnis insuper laudibus et coronis dignos, exonerârit [202]. Mais faut-il donner ce nom à de telles gens ? N’a-t-on pas défini l’orateur, un honnête homme qui entend l’art de parler, vir bonus dicendi peritus [203] ? Il ne faut donc point donner le nom d’orateur, ou celui de prédicateur, à un brouillon, à un factieux, à un scélérat qui abuse de son éloquence et de la force de ses poumons, pour pousser le peuple à des violences. On a vu ailleurs [204] que Thomas Hobbes, voulant inspirer aux Anglais quelque dégoût pour l’esprit républicain, fit une version de Thucydide. Cette pensée n’était pas mauvaise ; mais il eût encore mieux fait s’il eût composé un ouvrage de l’état intérieur d’Athènes. L’Histoire que nous avons de ce peuple n’est guère propre qu’à imposer ; elle nous frappe par son bel endroit ; nous y sommes éblouis par les batailles de Marathon et de Salamine, par des armées de mer et de terre ; par des conquêtes ; par l’opulence des habitans ; par la pompe des spectacles ; par la somptuosité des édifices publics. Tout cela nous porte à croire que de vivre sous une autre forme de gouvernement, c’est être esclave. Mais si l’on voyait une histoire où ces choses ne fussent touchées que légèrement, et qui étalât avec beaucoup d’étendue les tumultes des assemblées ; les factions qui divisaient cette ville ; les séditions qui l’agitaient ; les sujets les plus illustres persécutés, exilés [205], punis de mort au gré d’un harangueur violent ; on se persuaderait que ce peuple, qui se piquait tant de liberté, était, dans le fond, l’esclave d’un petit nombre de cabalistes, qu’il appelait démagogues, et qui le faisaient tourner tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, selon qu’ils changeaient de passions : à peu près comme la mer pousse les flots tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, selon les vents qui l’agitent [206]. Vous chercheriez en vain dans la Macédoine, qui était une monarchie, autant d’exemples de tyrannie, que l’histoire athénienne vous en présente. En voilà trop ; la digression est un peu longue. Voyez la remarque (S).

(R) Les fautes d’un autre écrivain français touchant Périclès. ] Il n’a point mis son nom à la tête de son ouvrage. C’est un livre qui fait imprimé à Paris, en deux volumes in-12, l’an 1699, et qui a pour titre : Histoire générale de la Grèce. On y trouve que Phidias fut accusé d’avoir en sa possession plusieurs deniers sacrés qui lui avaient été donnés par Périclès [207] .... Que les Athéniens imposèrent ce sacrifice à Périclès, et qu’ils accusèrent Anaxagore le philosophe, son précepteur, d’en être complice, et de lui avoir donné ces enseignemens [208]. Cet auteur n’a pas bien compris l’historien qu’il copie ; car voici ce que nous lisons dans Diodore de Sicile. On accusa Phidias d’avoir détourné une grande somme d’argent au su de Périclès, qui lui avait donné à faire la statue de Minerve. Là-dessus les ennemis de Périclès poussèrent le peuple à mettre en prison Phidias, et à faire informer contre Périclès touchant un tel sacrilége. Ils accusèrent aussi Anaxagoras de dogmes impies, et enveloppèrent Périclès dans la même accusation [209]. On ne saurait soutenir qu’un historien qui représente ce fait de la manière que l’auteur moderne le représente, ne le falsifie, et ne le déguise notablement. Quelques pages après, il dit que Périclès ayant fait l’oraison funèbre qui se trouve au second livre de Thucidide...., fut si accueilli de caresses et de courtoisies par les dames athéniennes, qu’au sortir de la tribune elles l’embrassèrent, lui baisèrent les mains, et couronnèrent sa tête de fleurs, comme s’il retournait triomphant des jeux olympiques [210]. C’est confondre les temps : la harangue de Périclès, rapportée par Thucydide, fut prononcée en l’honneur de ceux qui avaient été tués au commencement de la guerre du Péloponnèse. Mais alors les dames ne firent point de caresses à l’orateur. Si notre moderne avait bien examiné Plutarque qu’il cite, il aurait su que Périclès reçut ces caresses aprés l’oraison funèbre qu’il récita pour ceux qui avaient perdu la vie dans la guerre de Samos [211]. Il se passa environ dix ans depuis l’une de ces harangues jusqu’à l’autre [212]. Voyons une autre méprise de cet auteur. Après avoir rapporté les événemens des deux premières campagnes de la guerre du Péloponnèse, il dit que Périclès, fâché des reproches du peuple, harangua le conseil d’Athènes, et représenta plusieurs choses qui ne firent pas beaucoup d’impression sur les esprits [213], puisque ce grand homme fut condamné a une amende pécuniaire [214]. Mais, ajoute l’historien [215], il fut élu derechef général de l’armée d’Athènes, duquel honneur il ne jouit pas longtemps, car il mourut deux ans et six mois après. Il aurait donc vécu jusqu’à la cinquième année de la guerre du Péloponnèse ; et néanmoins selon Thucydide, qui le savait bien [216], il mourut deux ans et six mois après le commencement de cette guerre. Si l’on épluchait ainsi toute cette histoire générale de la Grèce, je pense qu’on y trouverait partout de telles erreurs.

(S) Les injustices et les désordres qui régnaient souvent parmi les Athéniens. ] Voyez dans la remarque (Q) ce que j’ai dit sur cela par forme de digression. Je n’y ajouterais rien si je ne savais qu’il y a eu des personnes à qui cette digression a été désagréable, et qui ont même assuré que j’étais le seul qui eût fait une remarque de telle nature. Il leur faut montrer qu’ils n’ont guère lu, et que les autorités qu’on leur pourrait alléguer ne leur sont pas plus favorables que la raison. Je dis la raison, car quelle bonne idée peut-on avoir d’un gouvernement où les factions opposées des déclamateurs étaient un mal nécessaire. Ὁ μὲν οὖν Μελάνθιος, εἴτε παίζων εἴτε σπουδάζων, ἔλεγε διασώζεσθαι τὴν Ἀθηναίων πόλιν ὑπὸ τῆς τῶν ῥητόρων διχοςασίας καὶ ταραχῆς· οὐ γὰρ ἀποκλίνειν ἅπαντας ἐις τὸν αὐτὸν τοῖχον, ἀλλὰ γίγνεσθαί τινα τοῦ βλάπτοντος ἀνθολκὴν ἐν τῇ διαϕορᾷ τῶν πολιτευομένων. Sanè Melanthius, sive seriò id, sive joco, Atheniensium civitatem conservatam fuisse dixit oratorum dissidiis atque turbis. Ita enim non in unum uiuversos parietem inclinâsse, sed eorum qui rempublicam tractabant in dissidio quippiam fuisse quod repelleret à damnosâ parte urbem [217]. Comparez un peu, je vous prie, deux passages d’Aristote, celui où il décrit les déréglemens des démocraties, et celui où il remarque comment la ville d’Athènes était parvenue au gouvernement démocratique. Vous trouverez, en conférant ces deux passages, qu’il a fallu qu’il ait regardé comme une vraie tyrannie le gouvernement qui fut établi dans Athènes après les victoires remportées sur les Perses. Il dit que depuis que Solon eut commis la souveraine autorité à des juges choisis par le peuple, on flatta le peuple comme on flatte les tyrans ; qu’Éphiates et Périclès diminuèrent l’autorité de l’aréopage ; que Périclès rendit mercenaires les magistratures, et que les autres démagogues imitant ces exemples, introduisirent la démocratie que l’on vit enfin. Il prétend qu’on ne suivit pas en cela l’esprit de Solon : mais que l’orgueil des habitans après la gloire qu’ils acquirent dans la guerre contre les Perses et les mauvaises qualités des démagogues, produisirent cet effet [218]. Le voilà donc qui avoue que la démocratie régnait dans Athènes, c’est-à-dire, selon la description qu’il a donnée de cette forme de gouvernement en un autre endroit de son ouvrage [219], un état où toutes choses, les lois mêmes, dépendant de la multitude érigée en tyran, et gouvernée par les flatteries de quelques déclamateurs. Ce que Boëce met en la bouche de la philosophie, n’est-il pas bien avantageux aux Athéniens ? Si cujus oriundus sis patriæ reminisceris, non uti Atheniensium quondam, multitudinis imperio regitur, sed εἶς κοίρανος ἐςὶν, εἶς βασιλεύς : qui frequentiâ non depulsione lætatur [220]. On ne peut guère rien voir de plus satirique contre le peuple d’Athènes, que les vers de Jules César Scaliger qui ont plu extrêmement à un docte professeur en histoire dans l’université d’une ville impériale. Je remarque cela afin qu’on voie qu’un professeur qui était aux gages d’une république, ne s’est point cru obligé de ménager le gouvernement d’Athènes. Il ne se contente pas de rapporter l’invective de Scaliger le père, et de la munir d’éloges, il la fortifie d’exemples, et d’une apostrophe de Démosthène à Minerve. O déesse, dit cet orateur prêt à s’en aller en exil, d’où vient que vous aimez tant trois bêtes qui sont très-méchantes, la chouette, le dragon et le peuple ? Cùm nulla cœna tam parca sit, in quâ non hilaritatis poculum circumeat ; propinabo ejus loco lepidissimos hosce versus Julii Scaligeri de insaniente Athéniensium vulgo :

Nulla est, puto respublica natiove vera,
Commentitiâ, fictave cogitatione,
Aut stultitiâ aut nequitiâ Atticâ priores.
Ita consiliis flagitiisque demagogos
Tetris nugivoram excruciâsse cerno plebem,
Fecem pelagi turbine turbulentiorem.
Justos opibus, patriâ et exuisse vitâ.


Nihil solemnius hoc postremò ; et extemplò est Diomedon apud Valerium nostrum, qui non ad meritum supplicium ductus nihil aliud loentus est, quàm ut vota pro incolumitate exercitûs ab ipso nuncupata solverentur. Fertur, cùm Demosthenes jam exulaturus urbe cederet, extensis versùs arcem manibus exclamâsse ? O Domina Polias (ita Minervam cognominabant), quid ita gaudes tribus molestissimis bestiis, Noctuâ, Dracone, et Populo [221].

(T) Les garces..... firent un gain si considérable qu’elles bätirent....... le temple... de Vénus... des Marais. ] Athénée est l’auteur qui nous apprend ces particularités. Ἀλέξις δ᾽ ὁ Σάμιος, dit-il, ἐν δευτέρῳ ὅρων Σαμιακῶν τὴν ἐν Σάμῳ Αϕροδίτην, ἣν οἱ μὲν ἐν Καλάμοις καλοῦσιν, οἱ δὲ ἐν Ἕλειατικαῖς, ϕησὶν, ἑταῖραι ἱδρύσαντο αἱ συνακολουθήσασαι Περικλεῖ, ὅτε ἐπολιόρκει τὴν Σάμον, ἐργασάμεναι ἱκανῶς ἀπὸ τῆς ὥρας. Alexis Samius libro secundo de Samiorum finibus, scribit, ædem Veneris in Samo, quam in arundinibus quidam vocant, ali in palustribus, meretrices Periclem secutas, cùm obsideret Samum, ædificâsse, ingenti quæstu prostitutâ formâ ditatas [222]. Admirons ici l’aveuglement de l’esprit humain : voilà des prostituées conscientieuses qui consacrent à la religion une partie considérable de l’argent qu’elles ont gagné par leurs infâmes débauches. À qui les peut-on mieux comparer qu’à ces financiers qui, après s’être enrichis du sang et de la sueur des peuples, font bâtir une chapelle magnifique, et décorent de leurs offrandes le maître-autel de la cathédrale ?

Si l’on vient à chercher pour quel secret mystère
Alidor à ses frais bâtit un monastère ;
Alidor, dit un fourbe, il est de mes amis,
Je l’ai connu laquais, avant qu’il fût commis :
C’est un homme d’honneur, de piété profonde,
Et qui veut rendre à Dieu ce qu’il a pris au monde [223].


Tous les païens n’ont pas manqué dé discernement comme ceux de Samos. Croyez-vous que l’empereur Alexandre eût voulu permettre que les courtisanes de Rome employassent une partie de leur gain à la construction d’un temple ? il ne voulut pas même souffrir que le tribut des femmes publiques, et des maquereaux, fût porte dans son épargne : il ordonna qu’on le fît servir aux réparations de l’amphithéâtre, etc. Lenonum vectigal et meretricum, et exoletorum in sacrum ærarium inferri vetuit, sed sumptibus publicis ad instaurationem theatri, circi, amphitheatri, et stadii deputavit [224].

  1. * Joly trouve que Bayle (qui ici se cite lui-même) est en contradiction avec ce qu’il a dit à la fin de la remarque (H) de l’article Mélanchthon. tom. X, et dans la remarque (D) de l’article Xénophanes, tom. XIV.
  2. * La Monnoie, Ménagiana, IV, 317, dit que Bayle aurait dû observer, 1°. qu’au lieu de Thierre de Héry, faut lire Thierri de Héry ; 2°. que ce chirurgien n’est nommé là que pour mieux faire valoir le conte, puisqu’il n’est pas vrai dans le fond, qu’il soit jamais rien arrivé de tel à Thierri de Héry, la même chose ayant été déjà dite d’un certain maître Jean, dans les Contes d’Eutrapel, imprimés pour la première fois en 1549, sous le titre de Baliverneries d’Eutrapel. L’auteur de ces Contes est un conseiller au parlement de Rennes, nommé Noël du Fail de la Hérissaie.
  3. (*) Clione, c. 32.
  4. (*) Hellenicon., l. 5.
  5. * L’abbé Granet, cité par Joly, trouve que ces embrassemens n’étaient point une preuve ridicule de la tendresse de Périclès. Voyez Observations sur les ouvrages de littérature, I, 205.
  1. Plutarchus, in Pericle, pag. 154, E.
  2. Celle de Périclès et celle Thucydide, fils de Milésius.
  3. Amyot, dans la traduction de la Vie de Périclès, pag. 615, 616 de l’édition de Vascosan, 1567, in-8o.
  4. Quintil., Instit. Orator., lib. I, cap. X, pag. m. 55.
  5. Valer. Maximus, lib. VIII, cap. XI, num. 1 extern.
  6. Frontin., Strata g., lib. I, cap. XII.
  7. Plut., in Niciâ, pag. 538 : je me sers de la version d’Amyot.
  8. Marcell., in Vitâ Thucyd.
  9. Diodor. Sicul., lib. XII, cap. XXXIX, pag. m. 433.
  10. idem, ibidem.
  11. Valer. Maxim., lib. VIII, cap. IX, pag. m. 699, 700.
  12. Cic., de Orat., lib. III, fol. m. 95, B.
  13. Πειθὼ quam vocant Græci, cujus affector est orator, hanc suadam appellavit Ennius. Ejus autem Cethegum medullam fuisse vult, ut quam deam in Periclis labris scripsit Eupolis sessitavisse, hujus hic medullam nostrum oratorem fuisse dixerit. Idem, in Bruto, pag. m. 104.
  14. Idem, ibidem, pag. 62.
  15. Diod. Siculus, lib. XII, cap. XL, pag. m. 434.
  16. Plin., epist. XX, lib. I, pag. m. 60.
  17. Cicero, in Bruto, pag. 91.
  18. Idem, in Oratore, folio. 118, B.
  19. Plin., epist. XX, lib. I, pag. 61.
  20. Cicero, ad Atticum, epist. VI, lib. XII, pag. m. 301, 302.
  21. Αἱ μέντοι κωμῳδίαι τῶν τότε διδασκάλων σπουδῇ τε πολλὰς καὶ μετὰ γέλωτος ἀϕεικότων ϕωνὰς εἰς αὐτόν, ἐπὶ τῷ λόγῳ μάλιςα τὴν προσωνυμίαν γενέσθαι δηλοῦσι, βροντᾷν μὲν αὐτὸν καὶ ἀςράπτειν ὅτε δημηγοροίη, δεινὸν δὲ κεραυνὸν ἐν γλώσσῃ ϕέρειν λεγόντων. At comœdiæ, quòd qui eâ tempestate docebant eas, et serias et ridiculas voces in eum multas ejacularentur, traxisse ex vi dicendi eum ostendunt hoc cognomen (Olympii) tonare enim et fulminare concionuntem, et vehemens eum in linguâ dicebant gerere. Plutarchus, in Pericle, pag. 156, B.
  22. Suidas, in Περικλῆς.
  23. Corredus, in Brutum Ciceronis, pag. 77.
  24. Plutarch., in Pericle, pag. 156, B, témoigne que Périclès ne laissa point d’autres écrits que des arrêts.
  25. Quint., Inst. Orat., l. III, c. I, p. m. 115.
  26. Thucydides, lib. II, pag. 141, edit. Francof., 1614, in-folio.
  27. Plut., in Pericle, pag. 161.
  28. Idem, ibidem.
  29. Plato, in Phædro, pag. m. 1237, A, B.
  30. Cicero, in Bruto, pag. m. 72, 73.
  31. Vous trouverez la suite ci-dessus, citation (17).
  32. Plut., in Pericle, pag. 153, 154, 160, 165, 170.
  33. Vie des Poëtes grecs, pag. m. 90.
  34. Là même, pag. 81, 82.
  35. Augustinus, de Civit. Dei, lib. II, cap. IX, pag. m. 166.
  36. Idem, ibidem, cap. XII, pag. 180, 181.
  37. Nec à vobis saltem istum meruerunt honorem, ut quibus expellitis à vobis, eisdem ab his legibus propulsaretis injurias. Majestatis sunt apud vos rei, qui de vestris sequiùs obmurmuraverint aliquid regibus. Magistratum in ordinem redigere, senatorem aut convitio prosequi, suis esse decrestis periculosissimum pœnis. Carmen malum conscribere, quo fama alterius coinquinetur et vita, decem viralibus scitis evadere noluistis impunè : ac ne vestras aures convitio aliquis petulantiore pulsaret, de atrocibus formulas constituistis injuriis. Soli dii sunt apud vos superi inhonorati, contemptibiles, viles ; in quos jus est à vobis datum, quæ quisque voluerit dicere : turpitudinum jacere, quas libido confinxerit atque excogitaverit, formas. Arnob., lib. IV, pag. 150, 151.
  38. Plut., in Pericle, pag. 165, D.
  39. Amyot, dans la traduction de la Vie de Périclès, pag. 554.
  40. Plut., in Pericle, pag. 170, D et E.
  41. ., pag. 165.
  42. Αὐτὸς δὲ (Ιων) ἐν τοῖς ἐλεγείοις ἐρᾷν μὲν ὁμολογεῖ Χρυσίλλης τῆς Κορινθίας, Τελέου δὲ θυγατρός, ἧς καὶ Περικλέα τὸν Ολύμπιον ἐρᾷν ϕησὶ Τηλεκλείδης ἐν Ησιόδοις. Fatetur ille (Ion) sanè in elegiis suis dilectam à se fuisse Chrysillam Corinthiam, Telei filiam cujus amore captum quoque fuisse Periclem Olympium, ait Teleclides in Hesiodis. Athen., lib. X, pag. 436, F.
  43. Plut., in Pericle, pag. 160, C.
  44. Ces oiseaux étaient alors d’un grand prix. Voyez Athénée, lib. XIV, c. XX, p. 654, 655.
  45. Amyot, dans la version de la Vie de Périclès, pag. 577.
  46. Amyot, là même, pag. 617, 618.
  47. Il fallait dire par mégarde. Voyez Girac, Réplique à Costar, pag. 438 : il y a au grec ἀκουσίως, c’est-à-dire involontairement.
  48. Amyot n’a rien entendu ici : il fallait dire qu’Épitimius tua par mégarde un cheval : ἵππον, dit Plutarque, ἀκοντίῳ πατάξαντος Ἐπιτιμίου τοῦ ϕαρσαλίου ἀκουσίως καὶ κτείναντος. Voyez Girac, là même, qui daube d’importance Costar.
  49. Plut., in Pericle, pag. 160, E.
  50. Idem, ibidem, pag. 172, B.
  51. Idem, ibidem, pag. 162.
  52. Amyot, dans la version de la Vie de Périclès, pag. 618.
  53. Cela ne s’accorde point avec les larmes que l’on rapporte qu’il répandit pendant le procès d’Aspasie. Voyez la remarque (O), citation (174) et (175).
  54. Lib. III, cap. XIV : il raconte que Psamménitus ne pleura point la misère de sa fille et celle de son fils, et qu’il pleura en voyant celle d’un de ses amis. Voyez, là même, ce qu’il répondit quand on lui demanda la raison de cette conduite. Voyez aussi Montaigne, au chapitre II, du Ier. livre de ses Essais.
  55. Valer. Maximus, lib. V, cap. X. Voyez aussi Élien, Var. Hist., lib. IX, cap. VI. Notez que Protagoras, dans Plutarque, de Consolat. ad Apollon., pag. 118, rapporte la même chose que Valère Maxime, si ce n’est qu’il met huit jours entre la mort de l’un des fils, et la mort de l’autre.
  56. Plut., in Pericle, pag. 172, E.
  57. Idem, ibidem, pag. 160, E.
  58. Ibidem, pag. 169, A.
  59. Idem, pag. 160, D.
  60. Ils disaient que l’enlèvement de deux garces d’Aspasie avait engagé Périclès à cette guerre. Voyez ci-dessous la remarque (O).
  61. De l’auteur de l’Esprit de M. Arnauld. Voyez l’article Arnauld (Antoine), docteur de Sorbonne, tom. II, pag. 415, citation (64).
  62. Plut., de Herodoti malignitate, p. 855, F.
  63. Amyot a fort mal traduit. Là où au contraire, dit-il, ce n’avoit esté ni par ambition ni par opiniastreté, ains plustost pour rabatre l’orgueil des Peloponnesiens, et ne ceder en rien à ceux de Lacedemone. Il y a au grec, pag. 856, A. οὐ ϕιλοτιμίᾳ τινὶ καὶ ϕίλονεικίᾳ, μᾶλλον εἰς τὸ ῥῆξαι τὸ ϕρόνημα Πελοπονησίων, καὶ μηδενὸς ὑϕεῖσθαι Λακεδαιμονίων ἐθέλήσαντος.
  64. Amyot dans la version de la Vie de Periclès, pag. 856, A.
  65. Harpocr., in Ἀσπασία, pag. m. 79.
  66. Amyot, dans la version de la Vie de Périclès, pag. 620, 621.
  67. Citation (22).
  68. Κώνειον τελευταίαν πρόποσιν ἀλλήλοις προπιόντες, ὥσπεροὖν ἐκ συμποσίου ἀνελύσαν. Cicutam invicem propinantes extremam potionem quasi à convivio ad inferos migrârunt. Ælian., Variæ Hist, lib. IV, cap. XXIII.
  69. Athen., lib. XII, pag. 537.
  70. Amyot, dans la version de la Vie de Périclès, pag. 621, 622.
  71. Là même, pag. 622, 633.
  72. Καθάπερ τὸ τῶν θεῶν γένος ἀξιοῦμεν, αἴτιον μὲν ἀγαθῶν, ἀναίτιον δὲ κακῶν πεϕυκὸς, ἄρχειν καὶ βασιλεύειν τῶν ὄντων, οὐχ ὥσπερ οἱ ποιηταὶ. Sicut dignam arbitramur deorum gentem, quæ per se est propitia, et nullius autor mali, ut rebus præsit et moderetur, non ut poëtæ. Plut., in Pericle, pag. 173, C.
  73. Dans l’article Manichéens, tom. X, pag. 191, remarque (C). Voyez aussi remarque (G) de l’article Pauliciens, dans ce volume, pag. 491.
  74. Cœlo tonantem credidimus Jovem regnare.
    Horat., od. V, lib. III.
    ............Namque Diespiter
    Igni corusco nubila dividens, etc.
    Idem, od. XXXIV, lib. I.

  75. Cicero, de Naturâ Deorum, lib. II, cap. XXV.
  76. Conférez ce que dessus, au texte de l’article Pauliciens, dans ce volume, pag. 476, vers la fin, et citation (133), pag. 508.
  77. Plut., in septem Sapientûm Convivio, pag. 153, A.
  78. Ζῶον μακάριον καὶ ἄϕθαρτον καὶ εὐποιητικὸν ἀνθρώπων. Plut. de Repug. Stoic., pag. 1051.
  79. Cicero, de Naturâ Deorum, lib. I, cap. XV. Virgile, Æn., lib. VI, vs. 663, s’est contenté de les placer aux champs Élysées.

    Inventas aut qui vitam excoluere per artes
    Quippè suî memores alios fecêre merendo.

  80. Plin., lib. II, cap. VII, p. m. 143, 144.
  81. Oppian., lib II, Ἁλιευτικῶν.
  82. Strabo, lib. X, pag. m. 322 : je rapporte ses paroles ci-dessous, citation (85).
  83. Q. Curtius, lib. VII, cap. VIII, num. 26. Voyez Freinshémius, ibidem, rapportant plusieurs sentences semblables.
  84. Nazianz., orat. de Amore Pauperum.
  85. Strabo, lib. X, pag. 322.
  86. Voyez la Mothe-le-Vayer, Discours de l’Histoire.
  87. Tacit., Hist., lib. I, cap. III.
  88. Nouvelles de la République des Lettres, août 1684, article VI, pag. m. 603, 604.
  89. Si numeres anno soles et nubila toto,
    Invenies nitidum sæpiùs esse diem.
    Ovid., Trist., lib. V, eleg. VIII, vs. 31.

    Voyez la remarque (F) de l’article Xénophanes tom. XIV.

  90. Cicero, de Naturâ Deorum, lib. II, cap. LXIV. Conférez ce que David, au psaume VIII, observe de la bonté avec laquelle Dieu fait servir les animaux à l’utilité de l’homme, et ce que dit Sénèque, de Benefic., lib. IV, cap. V, VI et VII, usquè in delicias amamur. Je rapporte plus au long cela dans la remarque (F) de l’article Xénophanes, tom. XIV.
  91. Cicero, ibidem, cap. LXVI.
  92. Seneca, epist. XLI, pag. m. 236. Voyez-le aussi, epist. LXXIII, pag. 305.
  93. Plat., de Stoïc. Repugn., pag. 1051, D.
  94. C’est Hérodote.
  95. Plut., de Malign. Herodoti, p. 857, 858.
  96. Sed piger ad pœnas princeps ad præmia velox.
    Quique dolet quoties cogitur esse ferox.
    Ovid. de Ponto lib. I, eleg. II, vs. 123.

  97. C’est Dioclétien.
  98. Lactantius, de Mortibus Persecutorum, cap. XI, pag. 99, 100, de la belle édition de M. Bauldri. Voyez ses notes et celles de Columbus, ibidem, part. II, pag. 287.
  99. Famianus Strada, dec. I, lib. IV, pag. m. 175. Voyez Sénèque Nat. Quæst. lib. II, cap. XLI, et sequent. Conférez ce que dessus, citat. (96) et (97) de l’article Nestorius, dans ce volume pag. 129.
  100. Τὸ γὰρ τρέϕόν με τοῦτ᾽ ἐγὼ χριίνω θεόν.
  101. Voyez l’article Grégoire I, tom. VII, pag. 224, citation (54).
  102. Furetiériana, pag. 113, édition de Hollande.
  103. Moyen de Parvenir, pag. m. 578, 579.
  104. Virgil., eclog. I, vs. 6.
  105. Voyez ses Colloques.
  106. Conférez le 19e. vers :

    Sed tamen ille Deus qui sit, da, Tityre, nobis,

    avec le 43e. et suivans :

    Hìc illum vidi juvenem, Melibœe, quotannis
    Bis senos cui nostra dies altaria fumant.
    Hic mihi responsum primus dedit ille petenti :
    Pascite, ut antè, boves, pueri, submittite tauros.

  107. Citation (95).
  108. Citation (7) de l’article Artaban, fils d’Hystaspe, tom. II, pag. 448.
  109. Herod., lib. III, cap. XL, pag. m. 178.
  110. Ibidem.
  111. Idem, lib. VII, cap. X, p. 388. M. de Valois, in Ammian. Marcell., lib. XIV, cap. XI, pag. 59, cite ceci comme tiré duVIe. livre d’Hérodote.
  112. Ἐπεάν σϕι ὁ θεὸς ϕθονήσας. Quoties Deus iis quibus invidet. Ibid.
  113. Ibidem.
  114. Henr. Stephanus, in Apologiâ pro Herodoto, præfixa editioni latinæ Herodoti Francof. 1595, in-8o., pag. 24, 25.
  115. Il met ici ce que j’ai cité du VIIe. livre d’Hérodote, cap. X.
  116. Ils sont d’Hésiode.
  117. ........ .........Valetima summis
    Mutare, et insignem attenuat Deus,
    Obscura promens...............
    Horat., od. XXXIV, lib. I.

  118. Joach. Camerarius, Prœmio in Herod., pag. 5, edit. Genev., 1618, in-folio.
  119. Conférez ce que dessus, remarque (F) du second article Lucrèce, tom. IX, pag. 512.
  120. Sallust., de Bello Catilin., pag. m. 28. Voyez aussi pag. 53, dans la harangue de Catilina : Quis mortalium, cui virile ingenium est, tolerare potest illis divitias superare, quas profundant in exstruendo mari, et montibus coæquandis, nobis rem familiarem etiam ad necessaria deesse ?
  121. Sueton., in Galig., cap. XXXVII.
  122. Priolus, de Rebus gallicis, lib. IX, cap. II, pag. m. 320, 321.
  123. C’était Socrate.
  124. Ammian. Marcellin., lib. XIV, c. XI, pag. m. 59, 60.
  125. Tom. VI, pag. 284, remarque (I) de l’article Ésope.
  126. Jus Quoddam sublime numinis effica- cis.… substantialis tutela... quam theologi veteres fingentes justitie filiam ex abditâ æternitate tradunt omnia despectare terrena. Ammien. Marcellin., lib. XIV, cap. XI, pag. 59.
  127. Ex Henrico Valesio in Marcellin., p. 59.
  128. Valesius, in Marcellin., pag. 60. On verra à la fin de cette remarque pourquoi je cite ce passage.
  129. Notez que M. de Valois ne range pus bien ce discours ; car Plutarque ne censure point les paroles d’Artaban, mais celles de Solon, que M. de Valois avait citées avant que de citer celles d’Artaban.
  130. Plut., in Paulo Æmilio, pag. 273, F.
  131. Ex Valesio, in Ammian. Marcell., p. 59.
  132. Après la citation (135).
  133. Voyez la Morale d’’Aristote, liv. II, chap. VII, pag. m. 19, et la Paraphrase d’Andronicus, pag. m. 110,
  134. Ὁ μὲν γὰρ νεμεσητικὸς, λυπεῖται ἐπὶ τοῖς ἀναξίως εὖ πράττουσιν· ὁ δὲ ϕθονερὸς ὑπερϐάάλλων τοῦτον. ἐπὶ πᾶσι λυπεῖται. Nam qui ad indignandum propensus est, is dolet eorum rebus secundis qui eis indigni sunt. Invidus hunc superans, rebus omnibus secundis contabescit. Aristoteles, ubi suprà.
  135. A près la citation (132).
  136. Citation (110) de l’article Pauliciens, dans ce volume.
  137. Ci-dessus, citation (128).
  138. Dans l’article d’Artaban, fils d’Hystaspe, tom. II, pag. 448, citation (7).
  139. Valer. Maximus, lib. VII, cap. II, n. 7 in Externis.
  140. Aristophanes, in Ranis, act. V, sc. IV, pag. m. 264.
  141. Erasmus, adag, LXXVII, chil. II, cent. III, pag. m. 451.
  142. Leopardus, Emendat., lib. VIII, cap. XII, et Pighius, Comment. in hunc locum Val. Maximi, en censurent Valère Maxime.
  143. Erasmus, adag. LXXVII, chil. II, cent.

    III, pag. m. 451.

  144. Ingratus L. Sylla, qui patriam durioribus remediis quam pericula erant, sanavit. Seneca, de Beneficiis, lib. V, cap. XVI.
  145. Florus, lib. III, cap. XXIII. Voyez les Lettres de Balzac à Chapelain, pag. 107.
  146. Plut., in Pericle, pag. 155.
  147. Amyot, dans la version de la Vie de Périclès, pag. 601, 602, édit. de Vascosan, in-8o.
  148. Ταῦτα τῆς Ἐλπινίκης λεγούσης, Περικλῆς μειδιάσας ἀτρέμα, λέγεται τὸ τοῦ Ἀρχιλόχου πρὸς αὐτὴν εἰπεῖν,

    Οὐκ ἂν μύροισι, γραῦς ἐοῦσ᾽ ἠλείϕεο. Sic fata Elpinice, subrisit Pericles, et submissè hoc ei respondit Archilochi, Quandò anus es, ungi minùs tibi convenit, Plut., in Pericle, pag. 167.

  149. Idem, ibidem, pag. 157, E.
  150. Athen., lib. XIII, pag. 589, F.
  151. A Polygnatus. Voyez Plutarque, in Cimone, pag. 480.
  152. Athen., lib. XIII, pag. 589, F.
  153. Plut., in Pericle, pag. 157, E. Voyez-le aussi in Vitâ Cimonis, pag. 487, E ; où il cite Stésimbrotus, historien contemporain.
  154. Ην δ οὗτος ἀνὴρ πρὸς ἀϕροδίσια πάνυ καταϕερής. Fuit quidem ille ad Venerem multùm propensus. Athen., lib. XIII, p. 580, F.
  155. Plut., in Pericle, pag. 165.
  156. Idem, ibidem.
  157. Athen., lib. V, pag. 210. Voyez aussi Lucien, de Saltatione, pag. m. 923, tom. I.
  158. Harpocration, Voce Ἀσπασία.
  159. Plut., in Pericle, pag. 165, C.
  160. Idem, ibidem.
  161. Idem, ibidem, D.
  162. Ἀντισθένης δὲ ὁ Σωκρατικὸς ἐρασθέντα ϕησὶν αὐτὸν Ἀσπασίας δὶς τῆς ἡμέρας εἰσιόντα καὶ ἐξιόντα ἀπ᾽ αὐτῆς ἀσπάζεσθαι τὴν ἄνθρωπον. Antisthenes Socraticus narrat amatorem illum Aspasiæ, bis quotidiè salutaturum ad eam introire, exireque indè solitum. Athen., lib. XIII, pag. 589, E.
  163. Athèn., lib. X, pag. 533.
  164. Elle était de Milet, selon Plutarque. Peut-être qu’Héraclide la surnomme de Mégare, parce qu’elle y avait tenu bordel avant que d’aller à Athènes.
  165. Plut., in Pericle, pag. 165, D. Voyez aussi Harpocration, voce Ἀσπασία et les Notes de Valois,
  166. Voyez la remarque (C) de l’article Cyrus, tom. V, pag. 213.
  167. Plut., in Pericle, pag. 165, 166.
  168. Idem, ibidem, pag. 168, E.
  169. Notez que Plutarque n’adopte point ce fait-ci. Voyez la remarque (H), à l’alinéa.
  170. Athen., lib. XIII, pag. 570.
  171. Idem, ibidem, pag. 569, 570.
  172. Ἀσπασία δίκην ἔϕευγεν ἀσεβέιας, Ἑρμίππου τοῦ κωμῳδοποιοῦ διώκοντος, καὶ προσκατηγοροῦντος ὡς Περικλεῖ γυναῖκας ἐλευ θέρας εἰς τὸ αὐτὸ ϕοιτώσας ὑποδέχοιτο. Aspasia violatæ religionis est rea facta, accusatore comœdiarum scriptore Hermippo : objecit prætereà eam liberas fœminas, quibus illudebat Pericles, recipere. Plutarch., p. 169, D.
  173. Ψήϕισμα Διοπείθης ἔγραψεν, εἰσαγγέλλεσθαι τοὺς τὰ θεῖα μὴ νομίζοντας ἢ λόγους περὶ τῶν μεταρσίων διδάσκοντας, ἀπερειδόμενος εἰς Περικλέα δἰ Ἀναξαγόρου τὴν ύπόνοιαν. Rogationem tulit Diopithes, nomina ut deferrentur eorum qui esse deos negarent, aut qui sermones de rebus æthereis sererent, eâ suspicione perstringens Anaxagoræ causa Periclem. Idem, ibid.
  174. Idem, ibidem, E.
  175. Athenæus, lib. XIII, pag. 589, ex Antisthene Socratico.
  176. Amyot, dans la tradution de la Vie de Périclès, pag. m. 608.
  177. Cicero, de Inventione, lib. I, folio m. 30, A.
  178. Quintil., lib. V, cap. XI, pag. m. 243.
  179. Vossius Institut. Oratoriar., lib. III, cap. V, pag. m. 406.
  180. Quintiliani lapsus in duabus Aspasiis. Id., ibidem, in Indice rerum et verborum.
  181. Falsus est Fabius, quique eum secutur est Brusonius in Apophthegm. Colomesius, Notis ad Quinctil., pag. m. 244 Opusculor.
  182. Voici tous Les titres de cet auteur : I.. Domitius Brusonius, Contorsinus, Lucanus. Il a fait un Recueil d’apophthegmes, sous le titre de Septem Facetiarum libri.
  183. Voyez Cicéron, de Inventione, lib. I, folio 30, A.
  184. Leopardus, Emendat., lib. XII, cap. XIII.
  185. Xenophon, in Œconomico, pag. m. 482.
  186. Ouzelius, in Minutium Felicem, pag. 325, edit. 2672, in-8o.
  187. Ἐν τοῖς ϕερομένοις ὡς αὐτῆς ἔπεσιν, ἅπερ Ἡρόδικος ὁ Κρατήτιος παρέθετο. In carminibus ipsi attributis, et ab Herodico Cratetio publicatis. Athen., lib. V, pag. 219. Gyraldus, de Poëtis Græcis, pag. 170, edit. 1696, dit qu’Athénée parle des vers d’Aspasie en d’autres endroits, que lui Gyraldus ne cite pas. Je n’ai point eu le temps d’avérer cela.
  188. Plato, in Menexeno, pag. m. 517.
  189. Plutarque, en sa Vie. Diodore de Sicile, lib. XII. Thucidide, lib. 2, 3 et seq.
  190. Ἐν δὲ Νεμέα, apud Nemeam. Plut., in Pericle, pag. 163, D.
  191. Μακρὸν τεῖχος, longum murum. Id., ibid., pag. 160, init.
  192. C’est le Traité de vitioso Pudore, pag. m. 531. Voyez aussi Aulu-Gelle, lib. I, c. III.
  193. Voyez Plutarque, dans la Vie d’Alcibiade, pag. 210.
  194. Voyez Xenophon, lib. I de Gestis Græcorum, pag. m. 259. Voyez aussi Diodore de Sicile, lib. XIII, cap. C.
  195. Xenophon, ibid., pag. 261.
  196. Diodor. Siculus, lib. XIII, cap. XCVII.
  197. Xenophon, lib. I de Gestis Græcor., pag. 265.
  198. Plut., in Vitâ Periclis, sub fin., p. 172.
  199. Voyez Xenophon, de Gestis Græcor., lib. I, pag. 263.
  200. Voyez la Vie de Socrate, composée par M. Charpentier, pag. m. 168 et suiv.
  201. Diod. Siculus, lib. XIII, cap. CII, pag. m. 553. C’est à la page 201 de l’édition grecque et latine, 1604, in-folio.
  202. Idem, ibidem.
  203. Voyez Quintilien, lib. XII, cap. I, pag. m. 552.
  204. Tom. VIII, pag. 159, article Hobbes, au texte, vers le commencement.
  205. Hos libros tùm scripsisse dicitur (Thucydides) quùm à rep. remotus, atque id quod optimo cuique Athenis accidere solitum est, in exilium pulsus esset. Cicero, Oratore, lib. II, folio 73, D.
  206. Conférez ce que dessus, citation (75) de l’article Édouard IV, tom. VI, pag. 98.
  207. Histoire générale de la Grèce, tom. II, pag. 390.
  208. Là même, pag. 391.
  209. Diod. Siculus, lib. XII, cap. XXXIX.
  210. Histoire générale de la Grèce, tom. II, pag. 409.
  211. Voyez la remarque (N), citation (147).
  212. La guerre de Samos se fit dans la 84e. olympiade, et celle du Péloponnèse commença en la 97e.
  213. Histoire générale de la Grèce, tom. II, pag. 413.
  214. Là même, pag. 415.
  215. Là même, pag. 416.
  216. Thucydides, lib. II, pag. m. 118.
  217. Plutarch., de audiendI. Poëtis, p. 20, C.
  218. Aristotel. Politic., lib. II, cap. XII, pag. m. 252.
  219. Idem, ibid., lib. IV, cap. IV, p. 278.
  220. Boetius, de Consol. Philos., lib. I, pag. m. 16. Voyez les Notes de Rénatus Vallinus, sur cet endroit de Boëce.
  221. Christophorus Adamus Rupertus, Dissertat. in Valerium Maximum, lib. I, cap. I, pag. 33, 34, edit. Noriberg., 1663. Ce qu’il dit de Démosthène est dans Plutarque, in Vitâ Demosthenis, pag. 858, B.
  222. Athenæns, lib. XIII, cap. IV, p. 572.
  223. Boileau, sat. IX, vs. 159.
  224. Lampridius, in Alexandro Severo, cap. XXIV, pag. m. 917, 918, tom. I Histor. Augustæ Scriptor.

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