Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Atticus


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ATTICUS (Titus Pomponius) passe pour un des plus honnêtes hommes de l’ancienne Rome. Il savait se ménager si adroitement que, sans sortir de l’état de neutralité, il se conservait l’estime et l’affection des deux partis (A). L’amitié intime qu’il eut pour Cicéron ne l’empêcha point d’avoir des liaisons très-étroites avec Hortensius, et il fut cause que ces deux rivaux en éloquence, non-seulement ne s’entreblâmèrent point, mais vécurent aussi dans une bonne intelligence (B). Il ne fut jamais brouillé, ni avec sa mère, ni avec sa sœur (C). Il en usa toujours généreusement avec ses amis, et leur ouvrit sa bourse dans leurs besoins. Il pouvait le faire ; car, outre les grands biens qui lui échurent par succession (D), il trouva des voies de faire valoir son argent qui lui apportèrent beaucoup de profit. Les troubles, qui s’élevèrent à Rome entre le parti de Cinna et celui de Sylla, le déterminèrent dans sa jeunesse à s’en aller à Athènes, où il séjourna longtemps. Il se fit tellement aimer des Athéniens que le jour qu’il se retira de leur ville fut en quelque manière un jour de deuil (E). Il aimait extrêmement les belles-lettres, et il avait dans son domestique plusieurs libraires [a], et de fort bons lecteurs. Il faisait toujours lire à sa table, lors même qu’il régalait ses amis (F). Il ne se soucia point de s’élever au-dessus de l’état où il était né : c’était celui de chevalier. Il aurait pu parvenir aux grandes charges de la république : mais il aima mieux y renoncer (G), parce que, dans la corruption qui régnait alors, il n’aurait pu ni les obtenir, ni les exercer selon les lois. Il n’eut jamais de procès, et il ne se porta jamais pour accusateur contre personne, et ne fut jamais le second d’un accusateur. L’empereur Auguste fut son allié : voici comment. Atticus avait marié sa fille avec Agrippa. Il vint une fille de ce mariage, laquelle Auguste fiança avec Tibère, presque aussitôt qu’elle fut au monde [b]. Je ne crois pas que la femme d’Atticus ait été de grande naissance . Il doit être compté au nombre des bons auteurs (H). Il parvint à l’âge de soixante-dix-sept ans sans avoir guère éprouvé ce que c’était que maladie. Il avait été des trente ans de suite sans avoir besoin de remèdes. Enfin il tomba malade : sa maladie fut assez légère pendant trois mois, mais après cela les douleurs devinrent extrêmes. Il fit venir Agrippa son gendre, et deux autres personnes, et leur déclara qu’il avait résolu de mettre fin à sa vie en ne mangeant rien : il les pria d’approuver sa résolution, et de ne la point combattre, puisqu’aussi bien toutes leurs exhortations seraient inutiles. Agrippa ne laissa pas d’employer ses larmes et ses prières, pour l’obliger à vouloir vivre, mais ce fut inutilement. Après deux jours d’abstinence, la fièvre cessa, et la maladie fut plus légère ; néanmoins Atticus persista dans son dessein, et mourut trois jours après [c]. Ce fut l’an de Rome 721. Il est tombé de nos jours entre les mains d’un censeur très-dangereux (I) ; mais on ne l’a pas abandonné à la rigueur de cette censure (K). Nous avons quelque chose à corriger dans le Dictionnaire de M. Moréri (L). J’ai oublié de dire qu’Atticus était de la secte d’Épicure [d], et qu’on peut défier les plus ardens défenseurs du dogme qui établit que, sans la crainte d’une providence, il est impossible d’égaler, par rapport aux bonnes mœurs, ceux qui ont reconnu un Jupiter et un Neptune, etc., de montrer un plus honnête homme qu’Atticus parmi les plus grands bigots du paganisme.

(A) Il se conservait l’estime et l’affection des deux partis. ] Il envoya de l’argent au fils de Marius, qui avait été déclaré ennemi de la république, et il s’insinua de telle sorte dans les bonnes grâces de Sylla, que ce général romain le voulait toujours avoir auprès de lui, et ne trouva pas mauvais qu’Atticus se défendît de le suivre à Rome, en alléguant pour ses raisons qu’il voulait garder la neutralité [1]. Noli, oro te, inquit Pomponius, adversùm eos me velle ducere, cum quibus ne contra te arma ferrem, Italiam reliqui [2]. Il se tint coi dans Rome, pendant la guerre de César et de Pompée : cela ne déplut point à Pompée [3], et plut infiniment à César, Après la mort de ce dernier, il envoya de l’argent à Brutus, quand le parti de la liberté commença à n’être pas le plus fort, et il rendit mille bons offices à la femme et aux amis de Marc Antoine, pendant que leur parti semblait perdu sans ressource. Marc Antoine ne fut pas ingrat ; car, encore qu’il étendît sa furieuse haine sur tous les amis de Cicéron, il écrivit de sa propre main à Atticus une lettre très-obligeante [4]. Il travailla dans la suite au mariage de la fille d’Atticus avec Agrippa, favori d’Auguste [5]. Enfin, malgré les cruelles divisions qui s’élevèrent entre Marc Antoine et Auguste, notre Atticus se maintint dans l’amitié de l’un et de l’autre. L’un, [6], quand il était en voyage, lui écrivait exactement ce qu’il faisait, ce qu’il lisait, et où il devait aller ; et, lorsqu’il était à Rome, il lui écrivait presque tous les jours, pour le consulter sur quelque question : l’autre [7] lui rendait un compte exact de ses affaires. Il était sans doute très-difficile de conserver en même temps l’amitié de ces deux antagonistes. Hoc quale sit, faciliùs existimabit is qui judicare poterit, quantæ sit sapientiæ eorum retinere usum benevolentiamque inter quos maximarum rerum non solùm æmulatio, sed obtrectatio tanta intercedebat, quantùm fuit incidere necesse inter Cæsarem atque Antonium, cùm se uterque principem non solùm urbis Romanæ, sed orbis terrarum esse cuperet [8].

(B) Il fut cause que Cicéron et Hortensius...... vécurent dans une bonne intelligence. ] Ceux qui savent combien la jalousie d’éloquence agite et remue les autres passions, ne se feront pas une idée médiocre de l’adresse et du mérite d’un homme qui sut conserver la paix entre les deux plus célèbres orateurs de l’antiquité. Il ne suffisait pas que Pomponius Atticus s’insinuât agréablement dans les esprits ; il fallait de plus que l’on remarquât en lui des qualités qui inspirassent une estime respectueuse. Ce que je m’en vais citer est donc fort propre à marquer le caractère de son mérite. Utebatur intimè Q. Hortensio qui iis temporibus principatum eloquentiæ tenebat, ut intelligi non posset uter eum plus diligeret Cicero an Hortensius, et id quod erat difficillimum, efficiebat ut inter quos tantæ laudis esset æmulatio, nulla intercederet obtrectatio, essetque talium virorum copula [9].

(C) Il ne fut jamais brouillé, ni avec sa mère, ni avec sa sœur. ] À l’âge de soixante-sept ans, il perdit sa mère, qui en avait quatre-vingt-dix ; et il avait alors encore une sœur presque aussi âgée que lui. Ce fut le jour des funérailles de sa mère qu’il déclara qu’il n’avait jamais eu besoin de se réconcilier avec elle, et qu’il n’y avait jamais eu de rupture entre sa sœur et lui. Hoc ipsum verè gloriantem audierim in funere matris suæ, quam extulit annorum nonaginta cum esset septem et sexaginta, se nunquàm cum matre in gratiam rediisse, nunquàm cùm sorore fuisse in simultate quam propè æqualem habebat ; quod est signum aut nullam unquàm inter eos querimoniam intercessisse, aut hunc eâ fuisse in suos indulgentiâ, ut quos amare deberet irasci eis nefas duceret [10]. Je ne touche point cette circonstance du temps, afin de grossir mon livre, et de remplir plus tôt une feuille de papier : chacun voit qu’elle est de l’essence de cette remarque ; car si l’humeur commode d’Atticus se montre ici sous l’idée d’une grande singularité, c’est principalement à cause du nombre d’années qu’il passa avec sa mère, et avec sa sœur, sans aucune brouillerie. C’est dommage que l’histoire n’ait pas ajouté comment il se gouverna avec sa femme. Il ne se vanta de rien là-dessus [11] ; et cela pourrait faire soupçonner que son adresse, ou que sa patience, ne purent pas se signaler à cet égard autant qu’envers sa mère et sa sœur, qui peut-être de leur côté contribuèrent notablement à la concorde, et ne l’obligèrent pas à faire de grandes avances. Le fait, en ce cas-là, perdrait beaucoup de sa singularité, par rapport à Atticus ; mais à tout prendre, il n’en perdrait rien, et l’augmenterait plutôt. Voyez dans la remarque suivante, qu’Atticus fut toujours bien avec un oncle dont l’humeur était si bourrue, qu’aucun parent n’avait pu la supporter. Revenons à la femme d’Atticus. Il est étrange que Cornelius Népos n’en dise ni bien ni mal, et qu’il faille recourir à d’autres auteurs pour apprendre qu’elle s’appelait Pilia, et qu’Atticus l’épousa l’an de Rome 697 [12]. Il n’était plus jeune, il avait cinquante-trois ans. Il ne s’était pas hâté de s’enrôler dans cette milice. On peut recueillir d’une lettre de Cicéron [13], que Pilia aimait son mari ; car pour cet autre passage [14], où quelques-uns ont trouvé qu’elle songeait à faire divorce, il est visible qu’il doit être autrement lu, et qu’il signifie qu’elle était menacée de paralysie. M. Sarrazin assure dans sa traduction de la vie de Pomponius Atticus, que la ville d’Athènes érigea aussi des statues à Pilia femme d’Atticus ; mais il est visible qu’il s’est servi d’une mauvaise édition, car il ne faut point lire Pilia dans Cornélius Népos. Le mariage d’Atticus suivit de trop loin son retour d’Athènes, pour que les Athéniens aient songé à ériger des statues à sa femme. Cornélius Népos aurait-il été assez étourdi pour nous parler des statues de Pilia sans dire ce qu’elle était ? La famille Pilia ne fait aucune figure dans l’ancienne histoire romaine.

(D) De grands biens lui échurent par succession. ] Quintus Cæcilius était son oncle maternel. C’était un homme insupportable ; mais Atticus ménagea si bien cet esprit farouche, qu’il se maintint dans ses bonnes grâces, sans aucune interruption, jusqu’à la fin. Il trouva fort bien son compte à cette souplesse ; car Cæcilius le fit son principal héritier, et lui laissa près d’un million. Le patrimoine d’Atticus avait été d’environ deux cent mille francs. In sestertio vicies quod à patre acceperat [15]. Au reste, parce que Cæcilius adopta son neveu par son testament, il fallut qu’Atticus se nommât depuis ce temps-là Q. Cæcilius Pomponius Atticus. Voyons ce que dit Cornélius Népos de l’humeur chagrine de cet oncle. Habebat avunculum Q Cæcilium, equitem romanum, familiarem L. Luculli [16], divitem, difficillimâ naturâ, cujus sic asperitatem veritus est, ut quem nemo ferre passet, hujus sine offensione ad summam senectutem retinuerit benevolentiam : quo facto tulit pietatis fructum ; Cæcilius enim moriens testamento adoptavit eum hæredemque fecit ex dodrante. Ex quâ hæreditate accepit circiter centies LLS [17].

(E) Il se fit tellement aimer des Athéniens, que le jour de son départ de leur ville fut... un jour de deuil. ] il avait transporté chez eux la meilleure partie de ses effets, et soit en prêtant, soit en donnant, il rendit de grands services à la ville d’Athènes [18]. On n’en fut pas méconnaissant : on lui rendit toutes sortes d’honneurs publics. Il refusa celui de la bourgeoisie, et l’érection d’une statue ; mais après qu’il fut parti, on lui en érigea plusieurs. On fut très-fâché de son départ. Quo factum est ut huic omnes honores quos possent publicè haberent, civemque facere studerent, quo beneficio ille uti noluit, quod nonnulli interpretantur, amitti civitatem romanam ; aliâ adscitâ. Quamdiù affuit ne qua sibi statua poneretur restitit, absens prohibere non potuit..... Tranquillatis autem rebus romanis remigravit Roman... Quem diem sic universa civitas Atheniensium prosecuta est, ut lacrymis desiderii futuri dolorem indicaret [19]. Il parlait si bien la langue grecque, qu’on l’eût pris pour un Athénien [20]. Quelques-uns croient que le surnom d’Atticus lui vint de là. Volaterran l’assure comme une chose dite par Cornélius Népos [21] ; mais il se trompe. M. l’abbé de Saint-Réal débite qu’Atticus se nommait ainsi parce qu’il était fort savant en grec, et qu’il demeurait la plupart du temps à Athènes [22]. On lui a représenté [23] qu’il aurait fallu dire simplement à cause du long séjour qu’il fit pendant sa jeunesse à Athènes, puisqu’il est certain qu’il demeura la plupart de sa vie en Italie ou en Épire, où il avait beaucoup de bien, comme il paraît par sa vie écrite par Cornélius Népos, et par divers endroits des lettres de Cicéron.

(F) Il faisait toujours lire à sa table, lors même qu’il régalait ses amis. ] S’il eût tenu table ouverte indifféremment pour tous ceux qui se seraient présentés, il se fût rendu incommode à bien des gens par cette coutume de faire lire ; mais il n’invitait que des personnes de son humeur. Nemo in convivio ejus aliud acroama audivit quàm anagnosten.... Neque unquàm sine aliquâ lectione apud eum cœnatum est, ut non minùs animo quàm ventre convivæ delectarentur, namque eos vocabat quorum mores à suis non abhorrerent [24].

(G) Il aurait pu parvenir aux grandes charges de la république ; mais il aima mieux y renoncer. ] C’est apparemment la plus forte preuve qu’il ait donnée de sa vertu. On ne pouvait alors s’élever aux charges que par de mauvaises voies ; et l’on ne pouvait les exercer selon les règles de la justice, et pour le bien de la patrie, sans s’exposer à la violence d’une infinité de méchans. Il aima mieux se tenir dans une condition privée que d’aller aux dignités aux dépens de sa conscience. Que cela est beau ! Que cela est rare ! Si tout le monde ressemblait à Atticus, on aurait lieu d’appréhender l’état d’anarchie ; mais on peut dormir en repos de ce côté-là : il y aura toujours plus de malhonnêtes gens prêts à occuper les charges par toutes sortes de voies illégitimes, qu’il n’y aura de charges à conférer. J’ai ouï dire qu’un homme, qui n’avait fait que voyager toute sa vie, répondit à ceux qui lui reprochaient son humeur ambulatoire, qu’il aurait bien voulu se fixer dans quelque ville ; mais qu’il n’en avait trouvé aucune où la puissance et le crédit fussent entre les mains des honnêtes gens. On dit un jour à un autre voyageur qui assura qu’il cesserait de courir de lieu en lieu, dès qu’il trouverait une ville gouvernée par les personnes qui avaient le plus de mérite : Vous mourrez donc en voyageant ? Honores non petiit, cùm ei paterent propter vel gratiam vel dignitatem : quòd neque peti more majorum, neque capi possent conservatis legibus in tam effusis ambitûs largitionibus, neque geri è republicâ sine periculo corruptis civitatis moribus [25].Conférez avec ceci ce que l’on a dit ci-dessus dans l’article d’Alexander ab Alexandro, remarque (C).

(H) Il doit être compté au nombre des bons auteurs. ] Il composa des Annales où il observa une chronologie très-exacte, et débrouilla le plus nettement du monde les généalogies des magistrats romains. Cet ouvrage comprenait sept siècles, et par-là on peut aisément conjecturer qu’il regardait principalement l’histoire de Rome : je dis principalement, car il ne faut point douter que l’auteur ne fit connaître dans une suite chronologique l’histoire abrégée de plusieurs autres états. Cicéron ne permet point. d’en douter : Cognoscat etiam, dit-il [26], rerum gestarum et memoriæ veteris ordinem maximè scilicet nostræ civitatis, sed et imperiosorum populorum et regum illustrium : quem laborem nobis Attici nostri levavit labor, qui conservatis notatisque temporibus nihil cùm illustre prætermitteret, annorum septingentorum memoriam uno libro colligavit. Peu s’en faut qu’il n’y eût des tables chronologiques dans ces Annales. Habuit iste liber Attici et nova mihi quidem multa, et eam utilitatem quam requirebam, ut explicatis ordinibus temporum uno in conspectu omnia viderem [27]. J’ai déjà dit qu’Atticus observait fort nettement l’ordre généalogique : j’ajoute ici qu’il fit des Traités particuliers sur quelques familles, et qu’il composa des Inscriptions de quatre ou cinq vers chacune, pour mettre sous le portrait des hommes illustres, et qu’on admirait son adresse à comprendre tant de choses en si peu de mots. Attigit quoque poëticen, credimus, ne ejus expers esset suavitatis. Namque versibus, qui honore rerumque gestarum amplitudine cæteros romani populi præstiterunt, exposuit ità ut singulorum imaginibus facta magistratusque eorum non ampliùs quaternis quinisque versibus descripserit, quod vix credendum sit tantas res tam breviter potuisse declarari [28]... Moris etiam majorum summus imitator fuit antiquitatisque amator, quam adeò diligenter habuit cognitam, ut eam totam in eo volumine exposuerit quo magistratus ornavit. Nulla enim lex, neque pax, neque bellum, neque res illustris est populi romani, quæ non in eo suo tempore sit notata, et quod difficillimum fuit, sic familiarum originem subtexuit ut ex eo clarorum virorum propagines possimus cognoscere. Fecit hoc idem separatim in aliis libris, ut M. Bruti rogatu Juniam familiam à stirpe ad hanc ætatem ordine enumeravit, notans qui à quo ortus, quos honores, quibusque temporibus cepisset. Pari modo Marcelli Claudii de Marcellorum ; Scipionis Cornelii, et Fabii Maximi de Corneliorum et Fabiorum et Æmiliorum quoque, quibus libris nihil potest esse dulcius iis qui aliquam cupiditatem habent notitiæ clarorum virorum [29]. C’est dommage que ces livres se soient perdus, ils éclairciraient un nombre infini de difficultés. Je ne dis rien de l’Histoire du consulat de Cicéron, qu’Atticus avait écrite en langue grecque [30], et sans ornemens [31].

(I) Il est tombé de nos jours entre les mains d’un censeur très-dangereux. ] C’est M. l’abbé de Saint-Réal. Voyez le livre intitulé Césarion, ou Entretiens divers. Il fut imprimé à la Haye, sur la copie de Paris, en 1685. Il est divisé en quatre journées, dont la troisième est une critique fort rigoureuse de Pomponius Atticus, et de son panégyriste Cornélius Népos. On m’a dit que l’auteur de cet ouvrage a persisté dans les mêmes sentimens, et que cela paraît par les remarques qu’il a jointes à la traduction des deux premiers livres des Lettres de Cicéron à Atticus. On a parlé de cette version dans un livre fort connu [32], et je me suis toujours étonné que les libraires d’Amsterdam ne la contrefissent pas ; car je ne doute point qu’il n’y ait beaucoup de profit à faire dans la lecture de cet ouvrage.

(K).… Mais on ne l’a pas abandonné à la rigueur de cette censure. ] Il parut un petit livre en Hollande, l’an 1686, sous le titre de le Retour des pièces choisies, ou Bigarrures curieuses, parmi lesquels on inséra l’Apologie de Pomponius Atticus contre les attaques de Césarion. L’auteur de l’Apologie ne se nomma pas ; mais on n’ignore point que c’était feu M. Rainssant, garde du cabinet des médailles de sa majesté T.-C. Les Nouvelles de la république des lettres [33] s’étendirent sur l’écrit de M. Rainssant d’une manière qui ne plut pas à M. l’abbé de Saint-Réal.

(L) Nous aurons quelque chose à corriger à son sujet dans le Dictionnaire de M. Moréri. ] 1°. Il est faux que Cicéron ait épousé la sœur d’Atticus. Ce fut le frère de Cicéron qui l’épousa. 2°. Il ne fallait point parler des liaisons d’amitié produites par ce mariage, puisque Cornélius Népos remarque très-expressément que l’amitié d’Atticus fut beaucoup moins forte pour Quintus Cicéron son beau-frère, que pour Cicéron. Erat nupta soror Attici Q. Tullio Ciceroni, easque nuptias M. Cicero conciliârat, cum quo à condiscipulatu vivebat conjunctissimè, multò etiam familiariùs quàm cum Quinto, ut judicari possit plus in amicitiâ valere similitudinem morum quàm affinitatem [34]. Pomponia, sœur d’Atticus, n’était pas toujours fort bien avec son mari[35] : elle n’était donc guère propre à serrer le nœud de l’amitié de son mari et de son frère. 3°. Cicéron n’a point dédié un volume de ses Lettres à Atticus : il fallait dire qu’il eut un continuel commerce de lettres avec lui, et que l’on a un recueil de lettres qu’il lui écrivit, qui est divisé en seize livres. Cornelius Népos en parle[36], et dit que l’on y trouve l’histoire du temps, et en quelque sorte la prophétie de ce qui devait arriver : Ut nihil in iis non appareat, et facil existimari possit prudentiam quodammodo esse divinationem. Non enim Cicero ea solùm quæ vivo se acciderunt futura prædixit, sed etiam quæ nunc usu veniunt cecinit ut vates. 4°. C’est outrer les choses, que de dire qu’Atticus n’avait que des serviteurs qui fussent propres pour lire devant lui. Il fallait se contenter de dire qu’il avait quelques domestiques savans, capables de bien lire et de bien écrire, et de relier un livre ; et que tous ses valets de pied s’entendaient à tout cela[37]. Cornélius Népos n’en dit pas davantage ; d’où vient donc qu’au XVIIe. siècle on ose en dire vingt fois plus qu’il n’en a dit ? N’a-t-il pas expressément remarqué qu’outre les domestiques qui pouvaient être lecteurs et libraires [38], Atticus en avait d’autres, tous bien dressés, sans qu’il y en eût aucun qui ne fût né et qui n’eût été élevé dans sa maison ? In eâ (familiâ) erant pueri litteratissimi, anagnostæ optimi, et plurimi librarii, ut ne pedissequus quidem quisquam esset qui non utrumque horum pulchrè facere posset. Pari modo Artifices ceteri quos cultus domesticus desiderat apprimè boni. Neque tamen horum quemquam nisi domi natum domique factum habuit[39]. La première et la troisième de ces quatre fautes ne sont pas dans l’édition de Hollande.

  1. Voyez ci-dessous la citation (38).
  2. Nata est Attico neptis ex Agrippâ cui virginem filiam collocârat. Hanc Cæsar vix anniculam Tiberio Claudio Neroni Drusillâ nato privigno suo despondit. Cornelius Nepos, in Vitâ Attici, cap. XIX.
  3. Ex Cornelio Nepote, in Vitâ Pomponii Attici.
  4. Voyez la remarque (C), à la fin.
  1. Cornel. Nepos, in Vitâ Attici, cap. II.
  2. Idem, cap. I.
  3. Idem, cap VII : cependant Cicéron, Epist. VI, lib. XI ad Atticum, témoigne que Pompée aurait fait un mauvais parti à Atticus, s’il eût vaincu.
  4. Idem, capite X.
  5. Idem, capite XII.
  6. Savoir, Auguste. Cornelius Nepos, cap. XX.
  7. Savoir, Marc Antoine. Cornelius Nepos, cap. XX.
  8. Idem, cap. V.
  9. Cornelius Nepos, in Vitâ Attici, cap. V.
  10. Idem, cap. XVII.
  11. Voyez le commencement de la citation précédente.
  12. Voyez la IIIe. lettre de Cicéron ad Quintum fratrem, lib. II ; et Fabricius dans la Vie de Cicéron à l’an de Rome 697.
  13. La onzième du Ve. livre ad Atticum.
  14. De la VIIe. lettre du XVIe. livre ad Atticum.
  15. Cornelius Nepos, in Vitâ Attici, cap. XIV.
  16. Valère Maxime, liv. VII, chap. VIII. num. 5, dit que Cæcilius avait promis sa succession à Lucullus, et que l’ayant trompé, son cadavre fut traîné par les rues.
  17. Cornelius Nepos, cap. V.
  18. Cornelius Népos, cap. II.
  19. Idem, cap. III, et IV.
  20. Idem, cap. IV.
  21. Volaterranus, lib. XVIII, pag. 666.
  22. Remarques sur les lettres de Cicéron à Atticus, dans la Bibliothéque Universelle, tom. XX, pag. 78.
  23. L’auteur de la Bibliothéque universelle, là même.
  24. Cornelius Nepos, cap. XIV.
  25. Idem, cap. VI.
  26. Cicero, in Oratore.
  27. Cicero, in Bruto.
  28. Cornelius Nepos, cap. XVIII.
  29. Idem, ibidem.
  30. Idem, ibidem.
  31. Cicero, Epistol. I, lib. II, ad Atticum.
  32. Au XXe. tome de la Bibliothéque Universelle, pag. 37. Voyez aussi le Journal des Savans du 12 février 1691.
  33. Au mois de décembre 1686, article IV, pag. 1405.
  34. Cornelius Nepos, cap. V.
  35. Voyez les Lettres de Cicéron à Atticus, liv. V, lettre I.
  36. Cap. XVI.
  37. On trouve le nom de quelques-uns de ces domestiques d’Atticus dans les lettres que Cicéron lui a écrites.
  38. Il faut entendre par ce mot les copistes et les relieurs, selon la manière d’accommoder des livres en ce temps-là.
  39. Cornelius Nepos, cap. XIII.

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