Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Abram


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ABRAM (Nicolas), jésuite lorrain, né au diocèse de Toul[* 1], l’an 1589, entra dans la société en 1606, et fit profession du quatrième vœu en 1623. Il était bon humaniste, et il parut à ses supérieurs assez grand théologien pour être élevé à la profession en théologie dans l’université de Pont-à-Mousson. Il exerça cette charge pendant dix-sept ans, et mourut le 7e. jour de septembre 1655. Il avait enseigné les humanités avant que de commencer la profession en théologie[a]. Il publia plusieurs livres (A). C’est une chose assez étrange qu’ayant été un auteur de distinction il ait été si peu connu dans les pays étrangers (B).

  1. * Joly le fait naître à Cherval. D. Calmet, dans sa Bibliothéque de Lorraine, dit à Xaronval, près de Charmes.
  1. Tiré de Nathan. Sotuel, Bibl. Societ. Jesu, pag. 622.

(A) Il publia plusieurs livres[* 1]. ] Des notes sur la paraphrase de l’évangile de saint Jean, composée en vers grecs par Nonnus ; un Commentaire sur Virgile ; un recueil de traités théologiques, intitulé Pharus Veteris Testamenti, sive sacrarum Quæstionum Libri XV : les Axiomes de la vie chrétienne[* 2] ? : et une Grammaire Hébraïque, en vers latins. Il a traduit en français[* 3] de l’italien de Bartoli la Vie de Vincent Caraffa, l’homme de Lettres, et la Pauvreté contente[1]. Son Commentaire sur Cicéron est un ouvrage d’un grand travail ; les analyses de logique y sont bonnes et exactes ; les notes y sont remplies de beaucoup de littérature : mais comme il a versé là-dedans avec trop de profusion les fruits de ses veilles, il est tombé dans une longueur qui rebute les moins paresseux. Ce Commentaire une comprend que les oraisons du dernier volume, jusqu’à la 2e. philippique inclusivement ; et néanmoins, il est en deux tomes in-folio. Ils furent imprimés à Paris, l’an 1631. Le Commentaire sur Virgile est beaucoup plus court ; ce qui est cause qu’il a rendu plus de service dans les écoles. On voit à la fin de son Pharus Veteris Testamenti[2], un long traité de Veritate et Mendacio, où il ne donne pas dans les maximes des casuistes rigides.

M. de la Monnaie m’a averti, 1°. que ce jésuite a suppléé, en soixante et onze vers grecs de sa façon, l’histoire de la femme adultère, qui manquait au VIIIe. chapitre de la paraphrase de Nonnus[3][* 4] ; 2°. que Reinésius parle de ce Nicolas Abram dans la page 155 de ses lettres ad Hoffmannum et Rupertum. J’ai consulté cet endroit-là, et j’y ai trouvé cet éloge : Si me cum tot rationmibus audire hìc noles, vel hujus (Nic. Abrami) auctoritati cede. Est enim sanè quam doctissimus, et maximè idoneus explicanda Tullio. Joignons à ce témoignage celui d’un autre savant du même pays. Ad intelligendus, adque ad usum transferendas orationes Ciceronis sufficiet Commentarius Jo. Thomæ Freigii, nisi quis alddere malit prolixos Commentarios Nicolai Abrami jesuitæ multâ rerum varietate instructos[4].

(B) Si peu connu dans les pays étrangers. ] Ses notes sur la paraphrase de Nonnus furent imprimées à Paris, chez Sébastien Cramoisi, l’an 1622, et il ne paraît pas qu’Heinsius en eût connaissance lorsqu’en 1627 il publia cette même paraphrase avec un grand commentaire. C’est ce qu’il nomme Aristarchus sacer. M. Cave n’avait point non plus ouï parler des notes de ce jésuite, puisqu’il n’en dit rien dans l’endroit où il rapporte les différentes éditions de Nonnus[5]. Aubert le Mire et le père Oudin n’en disent pas davantage : celui-là, dans son Auctarium de Scriptoribus Ecclesiasticis, imprimé l’an 1639 ; celui-ci, dans son Supplementum de Scriptoribus Ecclesiasticis, imprimé l’an 1686. De la manière que M. Simon cite plusieurs fois cet ouvrage du père Abram [6], on voit bien qu’il en fait cas, et que ce n’est pas un livre qui méritât d’être inconnu. Mais voici un fait plus singulier. Martin Schoockius, dont le fort était une vaste et prodigieuse lecture, déclara sur ses vieux jours qu’il n’avait jamais ouï parler d’un auteur qui s’appelât Nicolas Abraham. Hanc si tuitus fuerit nescion quis Nicolaus Abrahamus (jam primitiùs eum nosse incipio) prolixo examine haud opus fuisset[7].

  1. * De cinq ouvrages d’Abram dont Joly donne les titres et qu’il reproche à Bayle d’avoir oubliés, deux sont des manuscrits, et un autre (Dispositio analytica aliquot orationum Ciceronis brevibus tabulis comprehensa), de l’aveu de Joly, fait partie du Commentaire sur les oraisons de Cicéron, mentionné par Bayle.
  2. * Joly remarque que ce livre est en latin : Axiomata vitæ Christianæ, 1654, in-8o.
  3. * Bayle, dit Joly, est excusable d’avoir attribué ces trois traductions au P. Abram, puisqu’il n’a fait en cela que suivre le P. Sotuel qui les donne ailleurs et avec raison au P. Thomas Leblanc.
  4. * On voit dans Joly que Nansius avait, en 1639, dans son édition de Nonnus, suppléé 369 vers ; à son exemple, Abram suppléa par 71 vers de sa façon l’histoire de la femme adultère.
  1. Ex Nathan. Sotuel, Bibl. Scriptor. Secict. Jesu, pag. 622.
  2. Imprimé à Paris en 1648, in-folio.
  3. C’est une erreur. François Nansius, qui donna une édition de Nonnus, l’an 1589, est de véritable auteur de cet endroit suppléé. M. de la Croze m’a averti que M. Simon parle de cela à la page 330 de son Hist critiq. des Commentateurs.
  4. Joh. Andreas Bosius de Prudentiâ et Eloquentiâ comparandâ, pag. 400.
  5. Historia literaria Scriptorum ecclesiaticorum, pag. 299 de l’édit. de Londres, en 1688, in-folio.
  6. Hist. Crit. des Comment. du Nouveau Testament, chap. XXIII.
  7. Schoockius, de Fænore unciario, pag. 107. Il est imprimé l’an 1668.

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