Dictionnaire du bon langage/PRÉFACE


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PRÉFACE.

La difficulté de se corriger des vices de prononciation et de langage est un fait généralement reconnu par les hommes de l’enseignement, et par les personnes qui ont fait une étude quelque peu approfondie de la langue française. L’un des plus grands écrivains dont s’honore la littérature française se fondant sur son expérience personnelle, ne craint pas de dire qu’il est rare que l’on se défasse entièrement de la rouille du provincialisme, à moins que l’on n’ait reçu de bonne heure, là où la langue se parle le micux c’est-à-dire dans la capitale, une éducation soignée.

A quoi faut-il attribuer cette infériorité du provincial dans l’usage de la langue ?

Nous pensons qu’une des causes principales de ce fait, sinon la principale est que, jusque présent, l’on ne s’est pas assez attaché, dans l’enseignement de la langue maternelle, à signaler les taches qui en ternissent la pureté dans la bouche ou sous la plume de ceux qui la parlent ou l’écrivent. Cette partie négative, et pourtant essentielle, d’un cours complet de langue française a été, il faut le dire, singulièrement négligée dans nos écoles primaires et nos établissements d’instruction moyenne. Sans doute les bons traités de prononciation, les bonnes grammaires et les bons dictionnaires ne nous manquent point. Grâce à ces guides éclairés, nous parvenons à connaître les règles du bon langage ; mais n’est-il pas vrai que ces manuels, pour la plupart, oublient trop qu’ils s’adressent à des personnes qui ont à se corriger des défauts originels de terroir ? Ce n’est pas assez, à notre sens, d’apprendre à bien parler et à bien écrire ; il faut encore, et avant tout, désapprendre à mal parler et à mal écrire.

Nous nous sommes proposé de combler cette grave lacune de l’enseignement. Nous nous adressons donc aux wallons et aux flamands, voire même aux lecteurs que notre Dictionnaire pourrait rencontrer en France, et nous les avertissons de prendre garde à certains défauts de prononciation qu’ils semblent ne pas soupçonner ; nous leur signalons une foule d’expressions, de termes, de tournures, que réprouve le bon langage, ou que condamne un goût sûr et sévère : nous cherchons, en un mot, à les déprovincialiser, s’il nous est permis de parler ainsi.

Mais ce n’est que la moitié de notre tâche. Voulant donner à notre ouvrage un caractère de généralité qui en fasse un véritable manuel, même pour les personnes qui ont reçu une éducation complète, nous avons passé
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en revue les difficultés de la langue française. Nous avons désiré qu’à l’aide de notre Dictionnaire on pût trouver la solution prompte et catégorique des doutes qui se présentent journellement touchant le genre des noms, la signification de certains mots risqués, la prononciation la synonymie, la paronymie et les règles les plus controversées de la lexicologie et de la syntaxe.

C’est assez dire que notre ouvrage offre, à chaque page, deux parties bien distinctes : une partie négative, destinée à signaler les vices et les fautes de langage, et une partie positive, qui traite sommairement des difficultés qui sont de nature à embarrasser dans la conversation et dans la rédaction.

On nous demandera peut-être pourquoi nous avons cru devoir écarter la forme du manuel proprement dit, pour adopter celle du dictionnaire.

Si l’on veut bien tenir compte de notre but, on comprendra sans peine pourquoi nous avons accordé la préférence à cette dernière forme. Nous avons eu en vue, en effet, non-seulement les élèves, mais encore les personnes qui ont terminé leur éducation. Or si les élèves peuvent s’accommoder d’un manuel et s’en servir avec fruit, il n’en est pas ainsi des gens du monde qui demanderont surtout à trouver dans notre ouvrage un répertoire utile qu’ils puissent consulter à toute heure et sans difficulté. Il y a plus : si même nous n’avions eu en vue, en rédigeant notre Dictionnaire, que les élèves de nos établissements d’instruction publique, il nous eût été difficile, sinon impossible d’adopter un ordre logique quelconque, par