Dictionnaire des sciences philosophiques/2e éd., 1875/Morale

Dictionnaire des sciences philosophiques
par une société de professeurs et de savants

MORALE (en grec ἠθική, d’où l’on a fait éthique, de ἠθός, mœurs, c’est-à-dire la science des mœurs). C’est la science qui nous donne des règles pour faire le bien et éviter le mal, ou qui nous enseigne nos devoirs et nos droits, ou bien encore qui nous fait connaître notre fin et les moyens de la remplir. Toutes ces définitions sont également bonnes et expriment exactement la même idée. En effet, malgré tant de systèmes ingénieux ou profonds par lesquels on s’est efforcé d’établir le contraire, l’homme se sent libre, il croit fermement être le maître des actions dont sa conscience le déclare l’auteur. De là cette question qui se présente nécessairement à son esprit et qu’il est forcé de résoudre : Quel usage doit-il faire de sa liberté ? Quel but ou quelle fin doit-il se proposer, et par quels moyens pourra-t-il y atteindre ? Mais cette fin que nous cherchons et les moyens par lesquels il nous est donné d’y atteindre, c’est ce que nous nous devons réciproquement et ce que chacun se doit à lui-même : c’est l’expression rigoureuse de nos devoirs et de nos droits. Enfin, nos droits et nos devoirs déterminent les règles d’après lesquelles nous sommes obligés de nous conduire, sous peine de nous dégrader ou de déchoir de notre qualité d’êtres raisonnables et libres ; elles sont les véritables conditions et les lois les plus élevées de notre nature, dont l’observation reçoit le nom de bien, dont la violation est appelée le mal. On ne peut pas dire, avec quelques philosophes, que la morale est l’art de nous rendre heureux, car cette définition, en supposant qu’elle s’applique à la même branche de nos connaissances et qu’elle l’embrasse tout entière, au lieu d’énoncer le problème, le suppose déjà résolu : elle établit en principe que le bonheur est la véritable fin de l’homme, le but suprême de toutes ses actions.

La morale est aussi ancienne que le genre humain. Avant d’être l’objet des méditations de la philosophie, elle a été enseignée par la religion comme une loi directement émanée du ciel ; elle a occupé les législateurs et même les poètes. Ce fait s’explique par la nature même des choses. Il n’est pas plus possible de concevoir une religion sans morale qu’une morale sans religion. Toute croyance religieuse, si imparfaite et si grossière qu’on la suppose, offre nécessairement à l’homme soit un modèle à suivre, soit un maître à satisfaire, c’est-à-dire une règle supérieure à celle qu’il pourrait fonder sur ses intérêts et ses passions. Un dieu qui ne demande rien, qui n’exige rien, qui demeure étranger à nos actions, n’est pas moins étranger à notre foi, et se réduit à une vaine abstraction, comme le dieu d’Épicure ou de Spinoza. Il est tout aussi évident qu’une législation qui ne s’appuierait que sur elle-même, c’est-à-dire sur les promesses et les menaces qu’elle est appelée à réaliser, sans faire appel à une autorité supérieure, sans invoquer aucun droit ni aucun principe, serait une œuvre condamnée d’avance. Aussi les plus célèbres législateurs de l’antiquité sont-ils ou des philosophes ou des personnages revêtus d’un caractère surhumain. Enfin, le poëte ne peut tirer de son imagination un type de l’humanité, il ne peut nous représenter nos passions, nos vices, nos luttes, nos douleurs, sans exprimer une opinion sur nos devoirs et nos droits, sur ce que nous sommes ou ce que nous devrions être, sans prendre parti pour le bien ou pour le mal. La morale se présente donc dans l’histoire sous une forme tantôt poétique, tantôt politique et tantôt religieuse, avant d’entrer dans le cercle des recherches philosophiques. Mais c’est à la philosophie qu’il appartient de la conduire à son dernier degré de perfection et de rigueur, en la dégageant des obscurités et des restrictions qu’elle emprunte nécessairement de l’imagination, du sentiment et des institutions politiques.

Confondue dans un même tout avec les autres objets de nos connaissances, entièrement subordonnée à la physique ou à la métaphysique, à ces ambitieuses cosmogonies qui ont occupé partout l’enfance de l’esprit humain, la morale n’est d’abord représentée dans l’histoire de la philosophie que par des opinions isolées et éparses, comme celles de Démocrite, d’Empédocle, de Pythagore, ou les maximes dont m compose la sagesse gnomique. Socrate est le premier qui l’ait élevée au rang d’une véritable science. Voyant i.i philosophie égarée dans le champ des hypothèses, et tellement discréditée qu’eue n’était plus, entre les mains des sophistes, qu’un art dangereux ou un amusement frivole, il voulut, en la fondant sur la connaissance de nous-mêmes, c’est-à-dire des lois et des facultés de notre esprit, la faire servir surtout à nous diriger dans nos actions, à nous rendre meilleurs et plus heureux. Il ne faut pas croire, en effet, que Socrate ne poursuivait que la réforme de la science, en lui appliquant le précepte du temple de Delphes : il se proposait en même temps la réforme des mœurs, car, ces deux tâches se confondant dans sa pensée, il ne pouvait pas comprendre que la science eût un autre but que la vertu, ni qu’on arrivât à la vertu par un autre chemin que la science. Il voulait donc que la philosophie se renfermât dans la morale, et que la morale prit pour base l’observation de la nature humaine. Platon, en mesurant l’étendue de la philosophie à celle de son génie, a aussi élargi le cercle de la morale. Il y fait entrer la politique, la législation, l’éducation, et même l’éloquence et les beaux-arts. Sa République est un véritable traité de morale, tel qu’on pouvait l’attendre d’un esprit aussi synthétique que le sien, et d’une philosophie fondée tout entière sur la dialectique. Si Socrate et Platon ont fondé la morale sur la seule base que la philosophie puisse admettre, c’est-à-dire les éléments naturels fournis par la conscience et la raison, Aristote lui a donné son nom, lui a assigné sa place légitime dans l’ensemble des connaissances philosophiques, et, tout en méconnaissant son principe, lui a consacré un monument qui a servi de modèle pendant de longs siècles. Dès ce moment la morale fut constituée et prit le rang, non d’une science indépendante, mais d’une partie distincte et indispensable de la philosophie. Tout système philosophique, quels que fussent ses principes, sa forme ou ses résultats, même le scepticisme, fut obligé de fournir un système de morale, et les progrès de la société venant se joindre à ceux de la science, les peuples ne voulant pas reconnaître d’autre autorité, d’autres institutions que celles qui reposent sur la raison et sur le droit, la morale est devenue la préoccupation dominante de tous les esprits ; les questions qu’elle est chargée de résoudre figurent au premier rang parmi celles qui agitent aujourd’hui le monde, c’est-à-dire que la raison humaine en a pris décidément possession, résolue à n’accepter d’autres solutions que les siennes.

Pour se faire une idée exacte et complète de la morale, sans avoir besoin d’examiner en détail chacun des problèmes qu’elle embrasse, il faut se demander, d’abord, quels sont les principes sur lesquels elle repose, et d’où elle dérive tous ses préceptes, toutes ses lois particulières, toutes ces règles qu’elle nous prescrit sous les noms de droits et de devoirs ; ensuite quelles sont les actions ou les relations humaines auxquelles ces principes sont applicables ou qui tombent sous l’empire de la morale : par conséquent, quelle est l’étendue, quelles sont les limites, quelle est la division de cette science, quelles sont les questions auxquelles elle doit répondre ; enfin, il faut comparer les besoins de la science avec les résultats qu’elle a déjà produits, c’est-à-dire avec les principaux systèmes qui la représentent et les éléments qui forment aujourd’hui ce qu’on pourrait appeler la civilisation morale du genre humain ; il faut rechercher ce qu’il y a d’utile, de vrai, de définitif dans ces résultats, et ce qu’ils laissent encore à faire à l’avenir. Tels sont aussi les trois points sur lesquels nous allons porter successivement notre attention.

I. La morale, comme nous l’avons déjà remarqué n’est pas une science indépendante et capable le de se suffire à elle-même, ainsi que les mathématiques ou la métaphysique ; elle n’est qu’une science d’application et de déduction ; sa tâche consiste à nous montrer les usages et les conséquences de certains principes de la nature humaine, dont l’existence doit être d’abord constatée par l’observation, c’est-à-dire par la psychologie. Or, quels sont les principes, quelles sont les idées de notre raison ou les faits de notre conscience sans lesquels la morale est impossible, non-seulement comme science, mais comme exercice de notre volonté, non-seulement en théorie, mais en pratique ? Le premier de tous, c’est incontestablement la liberté, c’est-à-dire le pouvoir que nous avons sur nos actions, la faculté qui nous a été accordée d’user comme il nous plaît de nos forces, soit de celles de notre esprit, soit de celles de notre corps, de les diriger vers un but ou vers un autre, au mépris même des instincts les plus puissants de notre nature, sans nous laisser arrêter par la douleur ni par la mort ; car, si la liberté n’existe pas, à quoi bon des lois pour la régir, et que signifient ces mots : obligation, devoir ? Si l’homme n’est pas responsable de ses œuvres, qu’y a-t-il à lui permettre ou à lui défendre ? que peut-on louer ou blâmer en lui ? en quoi consiste la différence de l’homme de bien et du méchant ? Cela même, c’est-à-dire l’impossibilité où nous sommes de pouvoir reconnaître sans elle aucune des lois de la morale, est une des meilleures preuves qu’on ait données de la liberté humaine. Mais, à vrai dire, la liberté n’a pas besoin d’être prouvée, parce qu’elle n’est point susceptible d’être sérieusement mise en doute. Nous sommes aussi certains de notre liberté que de notre existence : car l’acte par lequel nous nous assurons de notre existence et nous affirmons nous-mêmes, est un acte de réflexion, c’est-à-dire de liberté. Bien plus, la liberté n’est pas telle ou telle faculté de la nature humaine ; c’est l’homme lui-même, l’homme tout entier, l’être qui sent, qui pense et qui agit tout à la fois. Essayez, en effet, de retrancher l’un ou l’autre de ces attributs, ce ne sera plus la liberté que vous aurez, ou cette force vivante, intelligente, personnelle, que vous êtes, et par laquelle vous vous appartenez et vous distinguez de tous les autres êtres, mais une simple abstraction telle que la pensée seule, ou la seule sensibilité, ou cette faculté aveugle, impuissante et impossible que l’école a rêvée sous le nom de liberté d’indifférence. Sans le sentiment qui nous excite et nous anime, sans la raison qui nous éclaire ; en un mot, sans un mobile et sans un but, il nous est impossible d’agir ; autrement nous descendrions au-dessous même des forces aveugles de la nature, puisque la nature obéit à des lois, et que nous en serions totalement privés. Le jour où l’homme perd sa raison, il cesse d’être libre, et, comme l’exprime fort bien le nom de cette infirmité terrible, il ne s’appartient plus, il est enlevé à lui-même, alienus est a se. Aussi faut-il remarquer que les philosophes qui ont nié la liberté avaient commencé par la rendre impossible en mutilant la nature humaine et en substituant une abstraction à la réalité que la conscience nous atteste. Ainsi, comment s’étonner que la liberté n’ait pas été reconnue par ceux qui, dans l’homme, n’ont vu que des organes entièrement soumis à l’influence des agents extérieurs, ou des sensations fatalement enchaînées les unes aux autres, ou des idées dépourvues de toute activité et liées entre elles par les lois immuables de la logique, ou enfin cette force indifférente, aveugle et désordonnée dont nous parlions tout à l’heure ? Ces systèmes n’ont jamais pu se faire accepter dans la vie réelle ; car il est digne de remarque que les peuples qui ont accueilli le fatalisme comme un dogme religieux, ne lui ont jamais abandonné la législation ni la morale. Les Grecs pleuraient dans leurs théâtres sur les malheurs d’Œdipe, poursuivi par la haine du destin et innocent, malgré ses crimes ; mais leurs lois punissaient sévèrement l’inceste et le parricide. Un gouvernement musulman restera sans défense devant l’invasion de la peste, persuadé que nos jours sont comptés et qu’il n’y a aucun acte de prévoyance qui en puisse changer le terme ; mais il se gardera bien d’absoudre le pillage, le meurtre, la révolte, et de leur livrer la société, sous prétexte que nos actions, comme nos destinées, sont écrites d’avance dans le ciel. Les systèmes auxquels nous venons de faire allusion sont aujourd’hui abandonnés de la spéculation elle-même, où ils n’ont servi qu’à démontrer l’unité indivisible de nos facultés, et à nous donner une idée plus distincte, avec un sentiment plus profond de notre liberté. Mais ce n’est pas assez d’avoir raison du fatalisme philosophique et du fatalisme religieux, il faut repousser avec la même énergie le fatalisme historique ou la justification de tous les faits accomplis, de tous les crimes que la fortune a couronnés, de toutes les passions et les violences qui ont eu un jour de triomphe, de tous les scélérats qui ont tenu en main le gouvernail d’un État. L’homme est aussi libre dans l’histoire que dans sa conscience. Il n’est pas moins responsable envers la société tout entière qu’envers chacun de ses membres : car pourquoi le fond de sa nature serait-il changé dès qu’il monte sur un plus grand théâtre ? Comment concevoir qu’en entrant dans l’ordre politique il cesse d’appartenir à l’ordre moral ? Le sentiment, aussi bien que la raison, se soulève contre cette doctrine, et, malgré le talent avec lequel elle a été défendue, l’humanité ne confondra jamais ses bienfaiteurs avec ses bourreaux ; elle ne se persuadera pas qu’on la sert aussi bien en l’opprimant et en foulant aux pieds ses lois les plus saines, qu’en se sacrifiant pour son avancement et son bonheur.

Le second principe sur lequel repose la morale, et qui est tellement lié avec le premier qu’il faut absolument les admettre ou les rejeter ensemble, c’est l’idée du devoir. Le sophisme et l’esprit de système ne se sont pas moins attaqués au devoir qu’à la liberté, mais il n’a pas en nous des racines moins inébranlables : il s’adresse au sentiment comme à l’intelligence, il est une impulsion de l’âme en même temps qu’une vue de l’esprit, et, pour perdre ses traces, il ne suffit pas de se tromper, il faut commencer par se corrompre et par étouffer dans son cœur la voix de la nature. De là deux manières de constater son existence, l’une expérimentale et l’autre déductive. La première consiste à montrer que la distinction du bien et du mal est un fait universel de la nature humaine, un fait primitif, antérieur à toute éducation et à toute législation, qui éclate dans nos jugements lorsque, sans retour sur nous-mêmes, sans prendre conseil de nos intérêts, nous approuvons ou désapprouvons certaines actions, et qui pénètre dans notre sensibilité sous les formes du remords, de la satisfaction de conscience, de l’estime, du mépris, de l’indignation. La seconde nous fait concevoir le devoir comme une idée nécessaire de la raison ou comme une condition indispensable de la liberté, comme la loi commune de tous les êtres intelligents et libres. Nous n’emploierons ici que la dernière, parce que notre but n’est pas d’analyser ou de décrire les différents éléments de la nature humaine qui servent de base à la morale, mais d’en tirer les conséquences pratiques, après avoir constaté sommairement leur existence et montré les rapports qui les unissent ensemble.

D’abord, un être libre, comme nous l’avons déjà dit plus haut, est nécessairement un être raisonnable ou intelligent : car celui qui ne sait pas ce qu’il fait ne fait pas ce qu’il veut, par conséquent, ne s’appartient pas. Un être intelligent ne peut pas agir sans but, sans règle, sans motifs, sans fin, c’est-à-dire sans intelligence. En d’autres termes, la liberté telle qu’elle a été rêvée au moyen âge par Duns-Scott, et au xviie siècle par William King ; la liberté d’indifférence n’est que la volonté d’un insensé, et c’est à bon droit que Leibniz l’a comparée au personnage de don Juan dans le Festin de pierre. Mais quelle est la règle, la fin, ou, ce qui est exactement la même chose, la loi qui convient à une force intelligente, à une puissance raisonnable ? C’est celle qui satisfait au plus haut degré la raison, c’est-à-dire qui se suffit à elle-même, qui ne peut être subordonnée à aucune autre, qui, ne souffrant ni exception ni restriction, nous apparaît comme éternelle, universelle et nécessaire. Or, tels sont précisément les caractères du devoir, que Kant a si nettement défini par ces mots : « Agis de telle sorte que la maxime de ta volonté, c’est-à-dire la règle à laquelle tu obéis, puisse revêtir la forme d’un principe de législation universelle. » Si cette proposition ne renferme pas la loi que nous demandons, si le devoir, tel que nous venons de le représenter, n’est pas la règle souveraine de toutes les actions qui sont en notre pouvoir, il n’en faut pas chercher d’autre : car où la trouverions-nous ? Ce n’est pas dans l’instinct, qui est incompatible avec la liberté, et qui, d’ailleurs, tient si peu de place dans la vie de l’homme, même dans sa vie physique ; ce n’est pas dans la passion, qui, livrée à elle-même, ne reconnaît point de règle ni de limite, et se confond avec la démence ; enfin, ce n’est pas dans l’intérêt, dont le caractère propre, quand il n’est pas subordonné à un principe supérieur, est de varier suivant les circonstances, suivant les individus, suivant les besoins que chacun s’est créés, et qui n’est, à proprement parler, que la passion sachant attendre, la passion choisissant l’occasion et les moyens de se satisfaire, ou, comme dit Platon, se montrant tempérante par intempérance.

Mais le devoir n’est pas seulement la condition de la liberté : il est la condition de l’humanité, puisque être homme c’est être libre, et que dans cette seule faculté sont renfermées toutes les autres. De là vient que, hors de la loi morale, l’homme est la plus malheureuse et la plus méprisable de toutes les créatures, car les forces qui devraient faire sa dignité et son bonheur, sa volonté, son intelligence, son imagination, il les arme contre lui-même ou contre ses semblables, il les emploie à exalter, à corrompre ses penchants et à les mettre en révolte contre les vœux de la nature. De là naissent naturellement les sentiments qui accompagnent l’idée du devoir, le remords et la satisfaction de conscience, c’est-à-dire le trouble qui descend au fond de notre être, l’inquiétude et la honte qui nous poursuivent quand nous avons quitté notre voie, quand nous sommes déchus de notre rang dans la création : la paix et le respect que nous trouvons en nous-mêmes quand nous savons nous y être maintenus. C’est là aussi qu’il faut chercher l’origine des idées de mérite et de démérite, qui ne sont que le principe même du devoir, considéré non plus comme la règle de nos actions, mais comme la mesure de notre valeur personnelle. En effet, dès qu’il existe une loi à laquelle nous sommes soumis, en qualité d’êtres raisonnables et libres, il est impossible de nous y soustraire sans nous dégrader ; il nous est impossible de l’observer sans croire que nous approchons de notre but ou que nous ajoutons à notre valeur. Sans doute il y a quelque chose de plus dans ce qu’on appelle le principe du mérite et du démérite : nous sommes persuadés que le devoir méconnu appelle une expiation ou un châtiment, et que le devoir accompli appelle une récompense. Mais cette conviction n’est pas autre chose que l’idée de la justice, et la justice n’est, à son tour, qu’une application de la morale ou un des aspects du bien. Car comment séparer le bien du juste, et ne pas regarder comme une des premières conditions du juste l’harmonie de la vertu et du bonheur ? Il n’est donc pas nécessaire, pour trouver une sanction à la loi morale, de recourir à un autre principe qu’à cette loi elle-même : ce qui revient à dire qu’elle n’est pas seulement faite pour l’homme, mais qu’elle s’étend à toutes les intelligences, qu’elle retourne au ciel, d’où elle est descendue.

Nous venons de démontrer la nécessité d’admettre, avec la liberté humaine, un principe d’obligation supérieur à l’instinct, à la passion, à l’intérêt. Mais quoi ! n’y a-t-il d’autres mobiles capables de nous ébranler, et sommes-nous dans cette alternative de ne pouvoir agir que par égoïsme ou par devoir ? S’il en était ainsi, il faudrait supprimer la moitié de notre existence ; et quelle moitié ? celle qui offre précisément le plus de charme, le plus d’éclat, le plus de poésie, le plus de bonheur ; celle qui renferme à la fois les liens les plus doux et les plus héroïques sacrifices. Ainsi, pour citer quelques exemples, ce n’est ni l’intérêt ni le devoir qui ont porté saint Vincent de Paul à ouvrir un asile à tous les orphelins abandonnés ; ce n’est ni l’intérêt ni le devoir qui ont poussé Byron à voler au secours de la Grèce opprimée et à lui sacrifier toutes les splendeurs, toutes les voluptés de sa vie, et sa vie elle-même ; ce n’est ni l’intérêt ni le devoir qui ont persuadé à tant d’hommes courageux d’aller braver, dans des climats éloignés, les fureurs de la fièvre et de la peste, afin de rapporter dans leur pays le moyen de le préserver de ces plaies. Auraient-ils cédé à l’espérance de la gloire ? Nous demanderons alors pourquoi l’humanité accorderait la gloire à des œuvres de cette espèce, si elle ne leur supposait pas un motif plus élevé, par conséquent, si elle n’admettait pas, si l’expérience ne lui persuadait que ce motif existe. D’ailleurs, nous rencontrons des faits semblables, et de plus touchants encore, dans les régions où la gloire ne pénètre pas : car c’est dans le silence et dans l’ombre, dans l’asile de la misère ou près du chevet de la douleur qu’ils se produisent le plus fréquemment. Quel est donc le mobile de ces actions qui ne sont ni obligatoires ni intéressées, et qui servent l’humanité d’une manière si utile, si puissante, en même temps qu’elles forment ses plus beaux titres de gloire ? Ces actions sont inspirées par l’amour, qui, n’étant pas moins essentiel à notre nature, ni moins nécessaire au perfectionnement de l’individu et au bon ordre de la société que la liberté et le devoir, doit être regardé comme le troisième principe de la morale. Qu’on veuille bien remarquer que nous parlons de l’amour en général, et non pas seulement de la charité, qui n’est qu’une des formes les plus élevées de ce sentiment. La charité, c’est l’amour de l’humanité en Dieu, et il faut ajouter, au nom d’un certain dogme religieux, tandis que l’amour, comme la raison, est affranchi de tout dogme et de toute autorité ; il nous vient de Dieu par les voies de la nature, et embrassant, sous des noms divers, non-seulement le genre humain, mais tout ce qui sent, tout ce qui souffre, tout ce qui vit, et même les choses qui s’adressent à la seule pensée, comme le bien, le beau, le vrai, il rentre, en quelque sorte, dans sa source.

Nous nous sommes occupés ailleurs (voy. Amour) de la nature de ce principe et des différents aspects sous lesquels il se présente dans la vie humaine. Nous ne le considérerons ici que dans l’ordre moral, ou dans ses rapports avec le devoir et la liberté.

Le devoir étant la condition suprême de l’humanité, la première loi d’un être intelligent et libre, l’amour ne peut, en aucun cas, le contredire, et il faut qu’il garde le même respect pour le droit qui en découle nécessairement. Ainsi, rien ne peut excuser les bûchers allumés au nom de la charité. Rien de plus coupable à la fois et de plus insensé que de vouloir forcer nos semblables à être heureux dans ce monde à notre manière, ou à se sauver dans l’autre par le chemin que nous leur traçons. Mais l’amour va plus loin que le devoir et constitue pour notre âme un degré de perfection plus élevé. Quand le devoir a parlé, on est obligé d’obéir, et agir autrement c’est déchoir, c’est se rendre coupable envers soi-même ou injuste envers les autres. On n’est ni l’un ni l’autre quand on refuse de céder aux inspirations de l’amour, quand on ne s’élève pas jusqu’au dévouement et au sacrifice, quand on ne veut être, par un mouvement spontané, ni un martyr, ni un héros. Il est vrai que le devoir aussi a son héroïsme. Le soldat qui donne sa vie pour sauver son drapeau, le magistrat qui aime mieux mourir dans les supplices que de signer une injuste sentence, sont certainement dignes de toute notre admiration : mais ils seraient coupables s’ils agissaient autrement. Gardons-nous cependant de conclure de là que le devoir tout seul suffit à la vertu, et que l’amour en est en quelque sorte le luxe. Le premier n’est guère praticable sans le second, si on les considère l’un et l’autre dans les relations de la société et dans l’humanité en général. En effet, le devoir suppose le complet usage de notre intelligence et de notre liberté : mais comment arriver là sans le secours, sans le dévouement, sans l’amour de nos semblables, sans la sollicitude prévoyante de la société tout entière ? L’immense majorité des hommes ne serait-elle pas condamnée à s’abrutir sous le poids des nécessités physiques, et à perdre au sein de la misère jusqu’au sentiment moral, si la société n’allait au-devant de ce malheur par de bienfaisantes institutions, les unes ayant pour but de soulager et les autres d’instruire ? De plus, il nous est impossible de remplir nos devoirs, si l’on ne respecte pas nos droits, si l’on ne s’abstient envers nous de toute violence capable de comprimer et d’étouffer nos facultés. Or, comment espérer que nos droits seront respectés s’ils ne sont pas connus, si l’ignorance et les brutales passions peuvent s’étendre à leur aise, c’est-à-dire si nous sommes indifférents les uns aux autres ? Enfin, si l’on songe aux penchants, aux puissants instincts, aux passions qui nous entraînent vers le mal, on comprend que la moralité humaine serait fort compromise s’il n’existait aussi en nous une inclination qui nous porte au bien, un sentiment qui nous fait un besoin de la vertu et qui change en jouissances les sacrifices qu’elle impose. Or, tel est précisément un des effets de l’amour. L’amour, en môme temps qu’il éclaire notre esprit sur la véritable portée de la loi morale, est donc aussi un secours offert à notre liberté contre les mouvements qui l’égarent, ou ce que dans le langage de la théologie, on appellerait une grâce. Cette grâce, que Dieu accorde sans distinction à tous les hommes, n’est nullement incompatible avec le libre arbitre ; elle est au contraire la liberté même, mêlée dans une juste mesure avec l’inspiration, la liberté sous la forme du sentiment, et affranchie de tout effort : car il est à remarquer qu’il n’y a pas d’amour sans élection, ou sans un mouvement volontaire qui porte notre âme à la rencontre de l’objet aimé.

II. A présent que nous connaissons les principes généraux de la morale, nous allons montrer comment ils sont applicables aux actions et aux institutions humaines, comment on en fait découler toute la théorie de nos devoirs et de nos droits, toutes les règles particulières qui doivent diriger notre vie. Il serait impossible et superflu tout à la fois d’exposer ici en détail chacune de ces règles : nous indiquerons seulement comment il faut les classer, comment elles s’enchaînent les unes aux autres et se rattachent toutes ensemble aux principes supérieurs que l’observation vient de nous fournir. Nous aurons ainsi tout le cadre de la morale, et c’est à ce cadre que doit se borner notre tâche.

La morale se divise nécessairement en quatre parties ayant pour objet les devoirs que nous avons à remplir envers nous-mêmes et les droits qui en découlent naturellement ; les devoirs et les droits, en un mot, les rapports sur lesquels repose la famille ; ceux qui forment ou qui devraient former la base commune et invariable de toute société civile ; enfin ceux que la similitude de nos facultés et, par conséquent, l’unité de notre destinée et de notre tâche, établissent entre les peuples comme entre les individus, c’est-à-dire les lois sur lesquelles se fonde la société universelle du genre humain. C’est, en effet, dans ces quatre sphères qu’il faut chercher toutes les actions humaines qui tombent sous l’empire de la législation morale. Il existe bien au-dessous de nous, considérés comme individus, et au-dessus du genre humain, deux autres objets de notre activité, deux infinis vers lesquels nos facultés se dirigent constamment comme vers les deux pôles opposés de l’existence : l’un, c’est la nature ; l’autre, c’est Dieu : mais dans la nature il n’y a pas de liberté, par conséquent pas de droits, pas d’autres devoirs que ceux que nous avons à remplir envers nous-mêmes ou envers nos semblables. Les êtres animés ou inanimés qui nous entourent ne s’appartenant pas à eux-mêmes, nous appartiennent nécessairement, et nous pouvons en disposer comme il nous plaît, en user et en abuser, sous la seule condition de ne pas manquer aux lois de notre propre espèce. Quant aux rapports de l’homme avec Dieu, ils appartiennent à la religion et non à la morale ; ils rentrent dans la spéculation métaphysique ou dans la foi, selon qu’on se contente des lumières de la raison ou qu’on admet des dogmes révélés. Sans doute, la religion et la morale sont étroitement unies l’une à l’autre ; mais, comme le prouve l’expérience de l’histoire, il y a le plus grand danger à les confondre : car les hommes ne peuvent exiger les uns des autres que Le respect de leurs droits, que la pratique de leurs mutuels devoirs. Telle est précisément la limite où se renferme l’autorité publique quand la morale et la religion sont distinctes, quand le principe de la religion s’appuie sur lui-même et non sur une autorité étrangère, quand l’État est indépendant de l’Église. Supposez le contraire, ou faites découler le droit de la foi, prenez une certaine croyance pour condition de la moralité humaine, alors celui qui ne partagera pas cette croyance sera en dehors de la loi commune ; il n’y aura pour lui pas plus de salut dans ce monde que dans l’autre, et la plus dure des iniquités, c’est-à-dire la violation de la conscience, sera la première qu’on lui fera souffrir.

Dans chaque partie de la morale, il y a, comme nous l’avons dit, deux choses à considérer : des devoirs et des droits. Ces deux choses, en effet, sont inséparables, et rien de plus vain que la distinction qu’on a établie entre la morale et le droit naturel. Ce que Dieu, par la voix de la conscience, me commande de faire. ce qu’il me prescrit comme un devoir, il défend aux autres de l’empêcher, d’y mettre obstacle par quelque moyen que ce soit ; il me déclare inviolable dans l’usage que je fais de mes facultés pour lui obéir : or, voilà précisément ce que nous appelons un droit. Un devoir a donc nécessairement pour conséquence un droit. Mais, réciproquement, un droit me force toujours à supposer un devoir : car d’où pourrait me venir cette inviolabilité dont nous venons de parler, ce respect que je suis autorisé à exiger des autres et de moi-même, sinon d’une loi souveraine, inviolable, absolue, à l’accomplissement de laquelle je me dois tout entier ? Si l’on veut supprimer tous les droits, on n’a qu’à nier tous les devoirs, ou à confondre, comme on l’a fait, ces mêmes droits avec nos besoins.

1o Les devoirs particuliers de l’homme envers lui-même sont nécessairement subordonnés à sa fin générale, c’est-à-dire à la réalisation de l’ordre et de la perfection dans l’humanité. Notre fin générale ne pouvant se traduire en loi ou en obligation sans la liberté, la conservation d’abord et ensuite le développement de cette faculté deviennent le premier précepte de la morale individuelle. La liberté, à son tour, ne pouvant pas exister en nous sans la raison, conserver et développer notre raison, exercer notre âme aux nobles sentiments sans lesquels la raison ne suffit pas toujours, tel est le second devoir de l’homme envers lui-même. Enfin, l’homme n’est pas un pur esprit, c’est un esprit uni à un corps, ou, comme on l’a dit, une intelligence servie par des organes, intelleclus cui famulatur corpus. La raison, la liberté, la sensibilité dépassent certainement les besoins et les conditions de la vie ; mais elles nous sont données avec elle et en dépendent sous beaucoup de rapports. Nous sommes donc obligés, à moins que le but même pour lequel elle nous a été accordée n’en exige le sacrifice, à moins que nous ne puissions la garder qu’au prix de l’injustice ou de l’infamie, nous sommes obligés de veiller à la conservation de notre vie, de la protéger contre les souffrances ou les besoins qui la pourraient troubler ; bien plus, il nous est commandé de rechercher tous les biens matériels qui peuvent aider à notre perfectionnement intellectuel et moral. Tel est le troisième devoir que nous avons à remplir envers nous ; et dans ce devoir est contenue la condamnation formelle du suicide. Celui qui se donne la mort pour se soustraire à la douleur, ou qui se jette au-devant d’elle dans des excès insensés, celui-là méconnaît le but de L’existence, il se met en révolte contre toutes les lois de la morale en les niant dans leur principe.

Chacune des obligations que nous venons d’énoncer étant une conséquence rigoureuse de la loi suprême de nos actions, une condition lue de l’ordre moral, apporte avec elle un droit de même nature, un droit imprescriptible et inaliénable, c’est-à-dire que rien ne peut nous faire perdre, tant que nous l’exerçons dans les limites du devoir qui le donne, et auquel nous n’avons pas la faculté de renoncer nous-mêmes. Du devoir qui nous commande de conserver et de développer notre libre arbitre, résulte pour nous le droit d’agir en toute occasion comme une personne morale, c’est-à-dire suivant notre conscience.

Du devoir qui nous commande de cultiver et de développer notre raison et, subsidiairement, les autres facultés de notre esprit, résulte pour nous le droit de faire ce qui est en notre pouvoir pour nous instruire, ou, pour parler le langage de nos législations modernes, la liberté de penser. Mais comme la pensée est par elle-même à l’abri de toute violence, et que, d’un autre côté, notre intelligence ne peut se développer qu’en entrant en communication avec celle de nos semblables, il est bien entendu que la liberté de penser signifie la liberté de la discussion et de la parole.

Du devoir qui nous commande de veiller à notre conservation, naît le droit qui nous protège contre le meurtre et la violence, ou l’inviolabilité de la vie humaine.

Tels sont les droits principaux, mais non tous les droits attachés à notre nature. Dans la liberté de conscience, ou la possession de ma personne morale, se trouve nécessairement comprise la liberté individuelle, ou la possession de mes mouvements et de mes forces physiques, ce que la loi anglaise appelle si justement ïhabeas corpus : car ce n’est pas assez de n’être pas contraint à faire ce que la conscience me défend, il faut encore que j’aie la faculté d’exécuter tout ce qu’elle me commande, ou que je m’appartienne sans restriction. Aussi l’esclavage est-il le plus grand de tous les crimes : car il n’atteint pas seulement le corps comme le meurtre, il a pour effet la destruction de l’âme.

La liberté individuelle, ou la condamnation de l’esclavage, apporte avec elle, d’une manière non moins nécessaire, le droit de propriété : car qu’est-ce qu’un esclave, sinon celui qui ne peut rien posséder en propre et qui voit passer à des mains étrangères tous les fruits de son activité ? Comment me figurer que je suis libre, quand je ne puis disposer des choses que je me suis assimilées par le travail, que j’ai créées par ma volonté, par mon génie, et qui sont en quelque manière une extension de ma personne ; ou quand je n’ai en mon pouvoir aucun des moyens nécessaires pour pourvoir à mon entretien et pour développer mes facultés ? Enfin, si rien ne m’appartient, et, par conséquent, si je n’ai rien à donner, que devient le principe du sacrifice et de l’amour, si nécessaire à l’humanité ?

2o Nous venons d’exposer rapidement les devoirs et les droits de l’individu ; mais il ne faut pas confondre l’individu avec l’homme isolé, ou la réalité avec la chimère. L’homme isolé, ou, comme on disait au xviiie siècle, l’homme de la nature, n’a jamais existé. Le seul état dans lequel nous puissions naître et vivre, développer nos facultés, acquérir le sentiment de notre dignité morale, par conséquent le seul état naturel du genre humain, c’est la société ; et le premier degré ou la première forme de la société, c’est la famille.

Le principal rôle dans la famille appartient à l’amour. C’est à son foyer qu’on voit éclore ces affections tendres et désintéressées qui servent de terme de comparaison aux dévouements les plus généreux du cœur humain, et qui, sortant ensuite du cercle où ils ont pris naissance, s’étendent par degrés à la patrie, à l’humanité, à Dieu lui-même. Aussi longtemps, en effet, que l’amour en est absent ou qu’il n’y tient pas la première place, la famille n’est pas véritablement constituée, et ce que nous prenons pour elle est un asservissement plus ou moins complet du sexe et de l’âge le plus faible au plus fort. Tel fut son caractère dans l’antiquité. Aussitôt que l’amour vient à l’abandonner, et que l’intérêt, la vanité ou quelque autre principe s’est substitué dans son sein aux sentiments de la nature, on peut la regarder comme dissoute. Cependant il faut bien aussi y admettre le devoir, source unique du droit, règle suprême de toutes nos actions, et hors duquel l’amour n’est qu’une passion sans dignité, sans durée et sans but.

On distingue dans la famille deux sortes de devoirs, et, par conséquent, deux sortes de droits : ceux qui regardent les époux et ceux qui concernent les parents et les enfants. Il est défendu à la personne humaine, quelles que soient sa misère et sa faiblesse, de se dégrader au rang d’une chose, de se dépouiller de son être moral pour servir uniquement aux plaisirs et aux passions de ses semblables. Pour la même raison, il est défendu aux autres de la réduire à cette condition, soit par la séduction, soit par la force, ou de l’y maintenir quand elle y est déjà. Donc un homme et une femme ne peuvent appartenir l’un à l’autre que sous la condition de substituer, dans leurs relations mutuelles, l’égalité morale, ou la réciprocité parfaite des droits et des devoirs, à l’inégalité naturelle qui existe entre eux. Cette réciprocité parfaite ne peut se réaliser qu’au moyen d’un contrat par lequel l’homme et la femme s’engagent à mettre en commun, pour toute la durée de leur vie, leurs âmes et leurs corps, leurs volontés, leurs personnes. Tel est le principe sur lequel repose la société conjugale et d’où découlent les obligations réciproques des époux. Celles des parents envers leurs enfants dérivent du même principe, c’est-à-dire de la dignité absolue de la nature humaine. En effet, l’homme serait ravalé au rang d’une chose si l’on pouvait, sous les seules conditions de la volupté et de l’instinct, lui donner la vie sans être attaché à lui par aucun lien, sans penser à ce qu’il deviendra un instant après sa naissance. Appeler à l’existence un être humain, c’est donc se charger de son éducation, c’est prendre l’engagement d’être sa providence, d’écarter de lui la souffrance, le besoin, de développer les forces de son corps et les facultés de son esprit, jusqu’à l’heure où il pourra, physiquement et moralement, se suffire à lui-même. Ce devoir des parents envers leurs enfants est aussi la source de leurs droits, c’est-à-dire de l’autorité paternelle, naturellement limitée par le principe d’où elle dérive, c’est-à-dire par les besoins de l’éducation. (Pour plus de détails, voy. Famille.)

3° C’est sous l’égide sacrée de la famille que nous sommes appelés et préparés à la vie, à la vie morale aussi bien qu’à la vie physique : mais il faut une institution plus puissante et plus vaste pour nous en assurer la puissance et nous fournir les moyens d’en atteindre le but, en appuyant la justice par la force, et en plaçant les droits, la liberté de chacun, sous la sauvegarde de tous. Cette institution, c’est la société civile ou l’État.

La société est un fait avant d’être constituée en droit, et cela se comprend aisément, puisqu’elle n’est pas moins nécessaire à notre existence physique qu’à notre existence morale. Montrer comment elle a commencé et s’est développée peu à peu, sous l’empire de quelles circonstances et par quelle suite de révolutions se sont formés la plupart des peuples, c’est la tâche de l’historien, de L’historien philosophe ; le moraliste ne s’occupe que du but général que la société doit chercher à atteindre, et des principes par lesquels se mesurent tous ses progrès, auxquels doivent se conformer toutes ses lois, sans distinction de la forme sous laquelle elles sont promulguées. Il n’est pas besoin, en effet, de démontrer que s’il y a des règles éternelles du bien et du mal, s’il y a des droits et des devoirs reconnus par la conscience, la volonté de tous est obligée de s’y soumettre comme celle d’un seul, et que toute loi n’est pas juste par cela seul qu’elle émane du plus grand nombre.

Le but de la société, et par conséquent son premier devoir, est d’assurer à chacun de ses membres les droits qui résultent de notre nature morale, et qui ont pour caractère d’être exigibles par la contrainte, en vertu de cet axiome : « Contre le droit il n’y a pas de droit. » La société, en cela, est soumise à la même loi que l’individu, car le premier devoir qui lie entre eux tous les hommes, est de respecter, les uns dans les autres, les droits qui appartiennent à tous. Mais c’est en vain, comme nous l’avons déjà fait remarquer, que la société voudra assurer à chacun de ses membres la jouissance de ses droits si elle ne le met pas en état de connaître ses devoirs, si elle ne lui aide pas à développer ses facultés, et ne met pas à sa portée, autant que cela est possible, les moyens d’atteindre le but de son existence. Il est donc impossible que l’action de la société soit purement négative ou se borne à la répression du mal : il faut aussi qu’elle poursuive un but positif, et que, dans la mesure où elle le peut, sans étouffer la liberté, elle s’applique à la réalisation du bien. En un mot, le droit ne suffit pas pour servir de base à l’ordre social ; le droit lui-même ne saurait subsister si on ne lui donne pour auxiliaire l’amour, ou, comme on voudra l’appeler, l’humanité, la charité.

La société une fois reconnue l’unique sauvegarde de notre existence physique et morale, le seul état où l’homme puisse atteindre sa destinée, il est évident que tous les droits dont elle nous garantit l’usage et toutes les institutions qu’elle renferme dans son sein doivent être subordonnés aux conditions de sa sécurité et de sa durée. De là résulte pour l’État un droit de surveillance pour tout ce qui peut avoir une action publique, sur tout ce qui exerce une influence réelle, soit sur la société tout entière, soit sur une partie de la société, comme l’enseignement, la religion, l’exercice de certaines professions et les associations de toute nature. Une institution publique ou une association affranchie de cette loi jouirait, non de la liberté, mais de la souveraineté ; elle serait un État dans l’État.

Mais puisque, comme nous venons de le démontrer, l’on ne peut séparer la répression du mal de la réalisation du bien, il est aussi dans les droits de l’État d’agir directement, par ; l’exemple ou la persuasion, sur les idées, sur les sentiments et sur le bien-être des citoyens. Il faut ici se mettre en garde contre deux excès, également funestes : ce faux libéralisme qui voudrait réduire le gouvernement ou l’action de la société aux étroites proportions de la police, et ces dangereuses utopies qui tendent à anéantir l’individu au profit de l’État.

L’État, dont nous venons d’indiquer les devoirs et les droits, c’est la totalité des citoyens ou la société tout entière. Or, la société tout entière ne peut pas agir par elle-même sur chacun de ses membres, et, si l’on peut exprimer ainsi, intervenir en personne pour la défense de ses intérêts ou de ses droits. Il faut donc qu’il existe, sous toutes les formes de gouvernement possibles, des individus ou des corps qui exercent, près des simples citoyens, les droits de la nation tout entière, et se trouvent, par là même, investis de toute sa puissance : ce sont ces intermédiaires entre le corps social et les différents éléments dont il se compose qui forment ce qu’on appelle les pouvoirs publics.

Il n’y a donc de pouvoir légitime que celui qui s’exerce au nom et dans l’intérêt de la société, par conséquent, qui tient de la société elle-même ses titres et son mandat. On distingue généralement trois pouvoirs dans l’État : le pouvoir législatif qui fait les lois ; le pouvoir exécutif qui a pour mission de les faire observer dans leur ensemble et par la société tout entière ; enfin le pouvoir judiciaire qui les applique à tous les cas particuliers, qui en est l’interprète dans les affaires litigieuses. Pour remplir leur destination respective, il faut que ces trois pouvoirs demeurent parfaitement distincts ; les réunir, c’est les détruire au profit du despotisme.

De la nature de ces divers pouvoirs on déduit sans peine leurs devoirs et leurs droits ; et de la constitution générale de la société, du but qui lui est proposé, des conditions de son existence, découlent les devoirs des citoyens envers l’État. Ces devoirs peuvent se résumer en un seul : le défendre et le servir par tous les moyens en notre pouvoir, même au prix de notre vie, car nous lui appartenons tout entiers avant d’appartenir à la famille et à nous-mêmes. (Pour plus de détails, voy. État.)

4o L’État une fois constitué, il devient une personne morale qui a ses devoirs, ses droits et sa responsabilité : car, comment mettre en doute un seul instant que ce qui est juste ou injuste pour chacun de nous ne le soit pas pour la société entière ou pour le gouvernement qui agit en son nom ? Comment supposer qu’en agissant au nom de la société, nous cessons par cela même d’être libres et responsables ? Les rapports d’un État à un autre sont donc soumis aux mêmes lois, relèvent des mêmes principes que ceux qui existent entre les individus. Ces lois, comme nous l’avons dit, conservent leur empire jusqu’au milieu de la guerre : car alors même qu’une nation est condamnée à prendre les armes pour faire respecter son indépendance ou pour toute autre cause non moins légitime, elle reste toujours soumise à des règles de justice, de bonne foi et d’humanité, qu’elle ne saurait violer sans se couvrir d’infamie. Mais des nations civilisées ne peuvent pas vivre dans l’isolement, attendant pour se défendre qu’on vienne les attaquer chez elles, et ne portant aucun intérêt à ce qui se passe hors de leur sein ; pour conserver son indépendance, il faut que chacune d’elles veille à celle des autres, que les plus faibles s’unissent contre les plus fortes, que les plus fortes protègent les plus faibles ; enfin que toutes ensemble, tant pour se protéger réciproquement que pour échanger les fruits de leurs génies, de leurs industries, de leurs territoires respectifs, se réunissent dans une société plus générale, sans abdiquer leur ei opre. C’est vers ce but, déjà à moitié réalisé par les congrès diplomatiques et la similitude des gouvernements européens, que tendent de plus en plus les efforts de l’humanité. (V<>y. Destinés HUMAINS.)

III. En montrant quels sont les principes et les véritables problèmes de la morale, nous


avons jugé d’avance les systèmes par lesquels cette science est aujourd’hui représentée dans l’histoire de la philosophie. D’abord la plupart de ces systèmes ne s’occupent guère que des devoirs de l’homme et gardent le silence sur ses droits. Aussi a-t-on essayé, pour combler cette lacune, de former à côté de la morale une autre science qu’on a appelée du nom de droit naturel. Mais cette distinction est tout à fait vaine, car ce qui est un droit pour moi est un devoir pour mes semblables, et réciproquement ; les uns ne peuvent rien exiger que les autres ne soient obligés d’accorder. La loi morale est indivisible de sa nature, et l’on ne réussira à la comprendre qu’en l’étudiant à la fois sous ses deux faces. Un autre reproche qu’on peut adresser à la plupart des systèmes de morale, et surtout à l’enseignement de la morale tel qu’il existe dans nos écoles, c’est qu’ils ne s’appliquent qu’à l’homme considéré d’une manière abstraite, et semblent oublier la société, ou du moins les institutions sans lesquelles la société elle-même serait une pure abstraction : par exemple, la famille et l’État. Qu’est-il arrivé de là ? C’est qu’à côté ou en opposition de la morale des philosophes exclusivement occupés de l’homme, et accusés pour cette raison d’aberration et d’impuissance, on a eu la prétention d’élever une autre science ayant pour unique objet la société, et désignée sous le nom de socialisme. Mais s’il est difficile de se faire une idée exacte des devoirs, des droits et des facultés de la nature humaine, lorsqu’on ne les suit pas dans leur réalisation et leur développement à travers les institutions sociales, c’est une entreprise tout à fait impossible de vouloir, même en théorie, organiser la société quand on ne connaît pas l’homme en lui-même, lorsqu’on n’a jamais essayé de lire dans sa conscience. C’est à la môme science, c’est-à-dire à la morale, qu’il appartient d’étudier à la fois les lois de l’individu et les fondements sur lesquels repose la société. C’est pour avoir méconnu cette vérité que la morale exerce encore si peu d’influence sur les opinions politiques, et que celles-ci, dépourvues de toute base solide, atteignent souvent jusqu’aux dernières limites de la violence et du délire. Ce que nous disons de la politique proprement dite est vrai aussi, dans une certaine mesure, de l’économie politique, à laquelle le philosophe, le moraliste ne sauraient rester étrangers : car il existe une étroite relation entre le bien-être matériel de la société et son développement moral ; chacune des lois de la conscience, et par conséquent chacun des efforts que nous avons faits pour nous en rapprocher, comme chacune des erreurs ou des passions qui nous en éloignent, a des conséquences inévitables dans la sphère de nos intérêts. Enfin les systèmes de morale sont tombés dans la même faute que les systèmes de métaphysique, et, en général, que toutes les œuvres de la réflexion humaine. Au lieu d’embrasser dans un seul tout les divers éléments de notre conscience, ou les mobiles si variés de notre activité, et de les coordonner sans les confondre sous la loi supérieure du devoir, ils en ont fait, en quelque sorte, le partage entre eux, et les ont montres, par une analyse partiale et exclusive, comme autant de principes inconciliables. Pour rester convaincu de ce lait, il ne faut pas un grand effort de raisonnement ni d’érudition : il suffit d’énumérer simplement les opinions les plus célèbres que les philosophes ont produites jusqu’à présent sur le sujet qui nous occupe.

Les principes les plus généraux de nos déterminations, ou les sources premières d’où [[tiret|décou|lent}} découlent tous nos actes, sont les sens, le sentiment, la raison. De là trois grandes écoles de morale, l’école égoïste, l’école sentimentale et l’école rationnelle, dont chacune, à son tour, se partage en plusieurs autres. Ainsi, même en ne reconnaissant d’autre règle que l’intérêt ou le bien-être des sens, on peut suivre deux voies opposées : la passion ou le calcul, l’appétit brutal ou le plaisir raffiné. Aussi la morale égoïste a-t-elle produit également le système d’Aristippe et celui d’Épicure, la doctrine de Hobbes, d’Helvétius, de Bentham, ou ce qu’on appelait dans le dernier siècle l’intérêt bien entendu, et ces théories plus modernes qui érigent en loi souveraine de l’individu et de la société l’attraction, c’est-à-dire l’instinct, l’appétit, la passion aveugle. Le sentiment aussi intervient dans les actions et dans les jugements de l’homme sous plusieurs formes différentes. Il y a d’abord ce fait général par lequel nous nous associons à tout ce qu’éprouvent nos semblables et qui nous rend capables d’apprécier leurs souffrances : c’est la sympathie, considérée par Adam Smith comme l’unique fondement de la morale. 11 existe en nous, indépendamment de la sympathie, un penchant plus actif qui nous porte à rechercher le bien de nos semblables sans aucun retour intéressé sur nous-mêmes, et sans distinction des rapports qu’ils peuvent avoir avec nous : c’est le sentiment de la bienveillance, sur lequel se fonde la morale de Shaftesbury. Mais l’homme n’est pas seulement bienveillant pour ses semblables, il éprouve l’irrésistible besoin de passer sa vie au milieu d’eux, de jouir de leur présence et de leur commerce* en un mot, il se sent né pour la société, et c’est de ce seul fait que Pufendorf fait découler tous ses droits et tous ses devoirs. D’autres, jetant sur la nature humaine un regard plus profond, y ont aperçu une disposition naturelle et comme un instinct d’un ordre supérieur qui l’entraîne vers le bien, qui la détourne du mal et lui apprend à discerner l’un et l’autre sans aucun effort d’intelligence : c’est le sentiment moral, dont Hutcheson a fait le seul juge de nos actions et le principe exclusif de son système. Enfin, tout sentiment qui nous élève au-dessus de nous-mêmes peut être regardé, à juste titre, comme une expression particulière de l’amour, et tout amour peut être ramené à sa source, c’est-à-dire à celui qui vient de Dieu et qui retourne à Dieu, dans lequel toutes les créatures sont entraînées vers lui dès qu’elles ont une âme. Ce sentiment, qu’on rencontre déjà chez Platon, sert particulièrement de base à la morale de Malebranche. Des divisions tout à fait semblables existent dans l’école rationnelle. Ainsi, selon les uns, la loi que la raison impose à nos actions n’est pas autre chose que le devoir, et ne sort pas des limites de la conscience ou de l’ordre moral : c’est le système des stoïciens modernes, de Kant, de Price, et, à quelques égards, de l’école écossaise. Selon les autres, cette loi qui commande à la conscience de tout être raisonnable et libre, c’est la même qui gouverne le monde, c’est l’ordre universel et immuable de la nature : telle était la conviction des stoïciens anciens. Elle a beaucoup de ressemblance avec celle de Clarke et de Montesquieu, qui prétendaient, eux aussi, que faire le bien c’est agir conformément à la nature, et que les lois, c’est-à-dire les règles que nous devons suivre, « sont les rapports nécessaires qui dérivent de la nature des choses. » Dans l’opinion de quelques-uns, l’idée de bien se résout dans celle de perfection, c’est-à-dire dans le développement complet des facultés qui ont été données à chaque


être, et dans le concours harmonieux de tous ces êtres ensemble : c’est la doctrine de Leibniz et de Wolf ; et si l’on pousse l’idée de la perfection jusqu’à ses dernières conséquences, on arrive à cette proposition de Platon, que le bien c’est Dieu lui-même ; qu’imiter Dieu autant que cela est donné à l’homme, doit être le dernier terme de nos efforts. Ne nous plaignons pas de cette diversité de systèmes : elle a servi, s’il est permis de s’exprimer ainsi, à diriger la lumière de l’analyse sur tous les points de la conscience humaine, sur toutes les faces de l’ordre moral. Mais il est temps qu’à l’analyse succède la synthèse, et que la philosophie, mettant un terme à ses guerres intestines, tourne au profit de l’humanité les forces qu’elle dirigeait contre elle-même.

Au reste, le même spectacle que nous présente l’histoire particulière de la philosophie, s’offre à nous, avec des proportions plus vastes et des divisions plus frappantes, dans l’histoire générale de la civilisation. Quelles sont, en effet, les grandes époques que, sans aucune préoccupation systématique, on est forcé de distinguer dans le développement moral et religieux du genre humain ? Elles sont au nombre de trois : le règne de la philosophie ancienne, dont les résultats pratiques se résument dans le stoïcisme et le droit romain ; la domination du christianisme, et la révolution française. Eh bien, il est évident que chacune de ces trois périodes représente plus particulièrement un des principes essentiels sur lesquels repose toute la morale. Le stoïcisme et la législation romaine ont transporté, du domaine de la spéculation dans l’ordre civil, le principe universel du droit, qui, comme nous l’avons démontré, est le même que celui du devoir. Le christianisme, sans nier le droit, sans attaquer même les fausses applications qui en ont été faites après comme avant son avènement, se fonde principalement sur la charité ou sur l’amour. Enfin, non moins grande dans sa cause et non moins puissante dans ses effets que le christianisme et la législation romaine, la révolution de 89 a consacré le principe de la liberté, non-seulement pour les individus, mais pour les nations ; non-seulement dans l’ordre civil, politique et industriel, mais dans la sphère de la pensée et de la conscience. Il faut aujourd’hui réunir ces trois principes, dont chacun, comme vingt siècles d’expérience nous l’attestent, n’a pu se soutenir isolément ; il faut les réunir en un code de morale qui ne puisse être revendiqué exclusivement ni par une école, ni par un parti, ni par une église, mais qui réponde à tous les besoins et soit l’expression exacte de la conscience de l’humanité.

Outre les écrits des différents auteurs, tant anciens que modernes, que nous avons nommés dans le cours de cet article, on peut consulter, particulièrement sur l’histoire de la morale, les ouvrages suivants : Gottlieb Stolle, Histoire de la morale païenne, in-4, Iéna, 1714 (ail.) ; — Grundling, Historia philosophiae moralis, in-4, Halle, 1706 ; — Barbeyrac, Histoire de la morale et du droit naturel, dans la préface de sa traduction française du Jus naturœ de Pufendorf, in-4, Bàle, 1732 ; — England, Inquiry into the moral of ancient, in-8, Londres, 1735 ; — Meiners, Histoire critique générale de la morale chez les anciens et les modernes, 2 vol. in-8, Gœtt., 1800-1 (all.) : — Frédéric Stœudlin, Histoire de la philosophie morale, in-8, Hanovre, 1818 (all.) ; — Garve, Revue des principes les plus importants de la morale, depuis Aristote jusqu’à nos jours, in-8, Breslau, 1798 (all.), — James Mackintosh, Histoire de la philosophie morale, dans la septième édition de l'Encyclopédie britannique, traduite en français, par M. Poret, in-8, Paris, 1834 ; — Jouffroy, Cours de droit naturel, 3 vol. in-8, Paris, 1834-42 ; — Cousin, Cours de l’histoire de la philosophie moderne, 5 vol. in-12, Paris, 1846 ; — P. Janet, Histoire de la philosophie morale et politique, Paris, 1858,2 vol. in-8 ; — Denis, Histoire des théories et des idées morales dans l’antiquité, Paris, 1836,2 vol. in-8 ; — A. Garnier, la Morale dans l’antiquité, Paris, 1865, in-12 ; — L. Ménard, la Morale avant les philosophes, Paris, 1860. in-8.