Dictionnaire des proverbes (Quitard)/papier

papier. — Le papier souffre tout.

C’est-à-dire, il ne faut pas ajouter foi à une chose, par la seule raison qu’elle est écrite ou imprimée ; car on peut mettre sur le papier tout ce que l’on veut. — Dans un manifeste rédigé en français et publié par Charles-Quint, en réponse à une déclaration de guerre de François Ier et de Henri VIII, ligués contre lui, on trouve cette phrase curieuse qui fait allusion au proverbe et en prouve l’ancienneté : « Le papier montre bien qu’il est doux, vu que l’on a écrit tout ce que l’on a voulu. »

Le comte de Ségur a rapporté, dans ses Mémoires, une anecdote qui a ici naturellement sa place : « Diderot, que l’impératrice Catherine avait appelé auprès d’elle, lui avait conseillé de grandes innovations qu’elle n’accomplissait point. Le philosophe, un jour, lui en témoigna sa surprise avec une sorte de fierté mécontente. — M. Diderot, lui répondit l’impératrice, avec tous vos grands principes, que je comprends très bien, on ferait de bons livres et de mauvaise besogne. Vous oubliez, dans tous vos plans de réforme, la différence de nos deux positions. Vous, philosophe, vous ne travaillez que sur le papier qui souffre tout ; il est uni, souple, et n’offre d’obstacles ni à votre imagination, ni à votre plume ; tandis que moi, pauvre impératrice, je travaille sur la peau humaine qui est bien autrement irritable et chatouilleuse. »