Dictionnaire des Arts et des Sciences/1re éd., 1694/Lampe

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LAMPE. s. f. Vase où l’on met de l’huile avec de la meche pour éclairer. Acad. Fr. Le Pere Kirker enseigne la maniere de preparer des lampes qui jettent une lumiere disposée de telle sorte, qu’elle fait paroistre les visages de ceux qui sont presens, noirs, livides, rouges, ou de telle autre couleur que l’on veut. Dans les voutes de l’ancienne Memphis on trouve des Lampes ardentes faites de craye cuite en forme d’homme, de chien, de taureau, d’épervier, de serpent, ou d’autres sortes d’animaux. On en a vû qui avoient trois ou quatre lumignons, & d’autres qui en avoient dix ou douze. Ces Lampes brusloient toûjours, ainsi que témoignent les Arabes & les Naturalistes. En 1401. un Paysan déterra proche du Tibre à quelque distance de Rome, une Lampe de Pallas, qui avoit bruslé plus de deux mille ans, comme on le vit par l’inscription, sans que rien eust pû l’éteindre. La flame s’en éteignit si-tost qu’on eut fait un petit trou dans la terre. Du temps du Pape Paul III. on trouva hors de la ville de Rome sur la Voye Appie, une de ces Lampes ardentes. Elle estoit dans le tombeau de Tullia, fille de Ciceron, avec ces mots, Tulliolæ filiae meæ. Cette Lampe, qui avoit bruslé pendant tant de siecles, s’éteignit si-tost qu’elle sentit l’air. Selon l’opinion de plusieurs Sçavans, il y a des choses qui entretiennent le feu, & qui ne se consument point estant allumées, comme la pierre d’Asbeste, d’Amiante ; & ce doit estre par ces sortes de matieres que ces Lampes n’ont point cessé de brusler. On convient que le lumignon d’Asbeste est incorruptible, & le Pere Kirker asseure qu’il en a vû brûler un deux ans dans sa lampe sans aucun dechet. La seule difficulté est de pouvoir bien tirer une huile de l’Asbeste ou de l’Amiante. Il est certain, selon ce qu’en disent plusieurs Arabes & de tres-celebres Ecrivains, que les Egyptiens ont eu dans leurs tombes des lampes inextinguibles, qui estoient sans huile d’Asbeste, & dont Schianga, fameux Arabe, rapporte que l’artifice estoit tel. Il y a plusieurs veines de bitume & d’huile de pierre dans l’Egypte. Les Habitans qui s’en apperçurent, firent des canaux souterrains depuis ces veines jusques à leurs tombes ; & en mettant une lampe garnie d’un lumignon inextinguible, qui communiquoit à ce canal, il arrivoit que le lumignon ne se consumant point, & l’huile coulant sans cesse, la lampe une fois allumée ne s’éteignoit point. D’autres croyent que l’air enfermé contracte par succession de temps, & par le meslange des corps grossiers qui s’évaporent, un certain degré d’épaisseur & de consistance, qui fait qu’aussi-tost qu’un air frais entre, il prend facilement feu par une opposition des qualitez contraires. On voit quelquefois briller ces sortes de flammes sur les cimetieres & sur les marais, d’où s’élevent quantité d’exhalaisons épaisses ; & ceux qui travaillent aux montagnes, asseurent qu’on n’ouvre presque jamais de nouvelles cavernes, qu’on n’en voye sortir de ces feux volages. On rapporte que dans la ville de Fez il y a une Mosquée où sont neuf cens lampes de bronze que l’on a foin d’allumer toutes les nuits. On en voit une à Mexique de huit cens mille écus. Elle est chez les Dominicains, & porte trois cens branches avec leurs bobeches, & cent petites lampes de divers desseins.

On appelle Cul de lampe, Un ornement qu’on voit d’ordinaire aux clefs des voutes. Il se fait pour finir & terminer le dessous de quelque ouvrage. On donne ce mesme nom de Cul de lampe à de certains ornemens que l’on grave pour mettre à la fin d’un cuivre quand les ornemens se terminent par en bas en diminuant.

Les Imprimeurs appellent aussi Cul de lampe, Une espece de vignette dont ils se servent pour remplir le blanc des pages qui font la fin d’un chapitre ou d’un livre.

Feu de lampe. Terme de Chymie. Feu doux & lent d’une lampe qui est allumée sous quelque vaisseau.