Dictionnaire de théologie catholique/VERTU. IV. Vertus surnaturelles

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant, Eugène Mangenot, Émile AmannLetouzey et Ané (Tome 15.2 : TRINITÉ - ZWINGLIANISMEp. 615-622).

IV. Vertus surnaturelles.

Existence.

1. Écriture.

A maintes reprises, l'Écriture affirme la nécessité de vertus dont l’exercice doit conduire le juste au bonheur éternel. De telles vertus sont donc en elles-mêmes surnaturelles.

a) Un texte expressif est II Pet., i, 3-11. La « participation de la nature divine », aboutissement de la mise en possession des « précieuses et magnifiques promesses faites par Dieu », doit s’entendre, avant tout, de la grâce sanctifiante. Mais, par elle-même, la grâce, habitus substantivus, ne saurait agir ; elle doit donc être complétée d’un cortège de vertus surnaturelles, habitus operativi, rendant l'âme capable d’une activité proportionnée à leur objet. Voir Grâce, t. vi, col. 1610.

A cause de cela, ajoute saint Pierre, apportez de votre côté tous vos soins pour unir à votre foi la vertu, à la vertu le discernement, au discernement la tempérance, à la tempérance la patience, à la patience la piété, à la piété l’amour fraternel, a l’amour fraternel la charité. Si ces (vertus) sont en vous et y abondent, elles ne VOUS laisseront ni oisifs, ni stériles pour la connaissance de Nôtre-Seigneur Jésus-Christ, Car celui à qui elles font défaut est un homme a la vue courte, un aveugle ; il a oublié la façon dont il a été purifié de ses anciens péchés. C’est pourquoi appliquezvous d’autant plus à assurer par vos bonnes œuvres votre vocation et votre élection ; car, en agissant ainsi, vous ne ferez jamais de faux-pas. Et ainsi vous sera largement donnée l’entrée dans le royaume de Xotre-Seigneur et Sauveur.Jésus-Christ. II Pet., i, 5-11.

b) Un autre texte classique est I Cor., xiii, 8-13. Saint Paul y fait l'éloge de la charité. Les charismes passent, mais pas la charité. La foi, l’espérance demeurent sur la terre, mais elles ne font que nous préparer à la vision bienheureuse. Seule la charité demeurera dans l’autre vie ; aussi est-elle la plus grande des trois. L’expression manent marque qu’il ne s’agit pas seulement d’actes de foi, d’espérance et de charité. Elle implique l’existence de principes permanents dans l'âme.

c) D’autres textes pourraient être invoqués ; ils indiquent l’existence de secours permanents accordés par Dieu à l’homme pour l’orienter vers la vie éternelle. Cf. II Cor., iv, 7-v, 5 ; xiii, 9-10 ; Eph., iii, 16-17. L’homme, devenant « une nouvelle créature » dans le Christ, II Cor., v, 17, possède par là même des principes de vie surnaturelle qu’il n’avait pas auparavant. La charité de Dieu, « répandue en nos cœurs par l’Esprit-Saint », Rom., v, 5, doit littéralement être ente’ndue de l’amour de Dieu pour nous, cf. M.-J. Lagrange, L' É pitre aux Romains, Paris, 1916, p. 102, note 2 ; mais, avec saint Augustin (De Trin., t. XV, c. xviii, n. 31, P. L., t. xlii, col. 1082 ; De gratta Christi et de pecc. orig., t. II, c. xxiv, n. 28, t. xliv, col. 398 ; Enchiridion, n. 117, t. xl, col. 286) et le concile de Trente, sess. vi, c. vii, Denz.-Bannw., n. 800, on peut l’interpréter de l’amour permanent que nous avons pour Dieu.

2. Enseignement de l'Église.

L’enseignement de l’Eglise concernant l’existence des vertus surnaturelles s’est développé à l’occasion de controverses qui l’ont fait passer de l'état de croyance générale implicite à l'état de vérité explicitement affirmée.

a) Simple croyance. — Les Pères s’embarrassent peu de spéculations philosophiques ou, s’ils s’aventurent en ces considérations, c’est à propos des vertus cardinales. Voir ci-dessus. Le caractère surnaturel de ces vertus ne leur échappe pas. Toutefois les vertus théologales, foi, espérance, charité se situent pour eux dans une région supérieure, où la pensée évangélique semble échapper aux formules trop précises de la philosophie aristotélicienne ou stoïcienne. De l’enquête faite plus haut, il apparaît que, pour les Pères, les vertus surnaturelles existent, dons précieux accordés par Dieu à l’homme en vue de son salut. On peut ajouter à cette affirmation générale qu’ils considèrent ces dons comme permanents dans l'âme.

Saint Polycarpe énumère déjà les trois vertus théologales, Ad Philip., iii, 2 : « Vous pourrez être édifiés dans la foi qui vous a été donnée… l’espérance la suivant, mais la charité envers Dieu et le Christ et le prochain la précédant. » Saint Jean Chrysostome affirme que « le baptême donne, avec la rémission des péchés, la sanctification, la participation de l’Esprit-Saint, l’adoption et la vie éternelle, la foi, l’espérance et la charité qui demeurent. » In Act. Apost., homil. xl, n. 2, P. G., t. lx, col. 285. — Saint Augustin rappelle que l’ennemi peut ravir à l’homme ses biens extérieurs, malgré lui ; mais lui ravir sa foi est impossible, si lui-même ne la rejette pas. C’est Dieu qui lui a donné la foi, l’espérance et la charité. In ps. ly, enarr. xix, P. L., t. xxxvi, col. 659. Voir 2 761

VERTU. LES VERTUS INFUSES

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aussi In ps. ixxxiii, enarr. xi, t. xxxvii, col. 1065 ; In epist. Joann. ad Parthos, tract. VIII, n. 1, t. xxxv, col. 2035 ; Epist., xcviii, c. ix et x, t. xxxiii, col. 363, 364. — La pensée de saint Grégoire est plus complète et plus précise : « Dans les cœurs sanctifiés (l’EspritSaint) accompagne toujours certaines vertus pour demeurer avec elles I mais il accompagne d’autres vertus (les charismes) pour se retirer ensuite et il se retire pour revenir. C’est que, dans la foi, l’espérance et la charité et dans les autres biens sans lesquels on ne peut parvenir à la céleste patrie, par exemple, l’humilité, la charité, la justice et la miséricorde, il n’abandonne pas le cœur des parfaits. Mais, dans la « vertu » de la prophétie, dans l'éloquence de la doctrine, dans la manifestation des miracles, il assiste parfois ses élus et s’en retire ensuite. » In Ezech., t. I, hom. v, n. 11, P. L., t. lxxvi, col. 825.

b) Controverses. — a. Les premiers scolasliques. — On a vu que Pierre Lombard réfute l’opinion de ceux qui plaçaient la vertu dans le bon usage des puissances naturelles, voir col. 2749. En conséquence, les auteurs en question niaient l’existence d’habitus infus. Sans les condamner, Pierre Lombard montre la fausseté de leur position. L^ne autre controverse a laissé plus de traces. Il s’agit des effets du baptême dans l'âme des enfants. Voir Baptême, t. ii, col. 289. Bien que ne touchant qu’indirectement à la question de l’existence des vertus surnaturelles en général, cette controverse amena l'Église à prendre position peu à peu. Avant le Lombard, on admettait généralement que le baptême purifie l'âme des enfants du péché originel, mais sans leur conférer encore la grâce et les vertus. Les théologiens estimaient que Vhabilus des vertus est inséparable de leur usage et que l’impossibilité d’en user est un obstacle à leur infusion. L’apparition de la grâce et des vertus dans l'âme ne sera donc réalisée qu’au moment où l’enfant, devenant conscient de ses actes, pourra en user pour le bien. Doctrine assez cohérente d’ailleurs avec l’opinion de la causalité dispositive des sacrements, voir t. xiv, col. 578, laquelle, au début du xiiie siècle encore, seule ou presque seule, avait cours dans l’enseignement théologique. D’après cette opinion, le caractère baptismal, imprimé dans l'âme, attendrait, pour produire son plein effet (infusion de la grâce et des vertus) que l’usage de la raison ait enlevé tout obstacle à son efficacité. Cf. Billot, op. rit., p. 107, note 1.

A cette opinion, Pierre Lombard, Sent., t. IV, dist. IV. n. 8, oppose une doctrine plus conforme à l’enseignement traditionnel, mais dont la formule typique ne se rencontre, semble-t-il, chez aucun de ses prédécesseurs. Cf. Landgraf, Kindertaufe und Glaube in der Frùhscholastik, dans Gregorianum, 1928, p. 515. Certains estiment que la grâce opérante et coopérante (grâce sanctifiante et vertus) sont conférées

iu enfants par le baptême in munere, non in usu

(telle est la formule nouvelle), en simple don, mais non encore quant à l’usage. Cependant, parvenus à un âge plus avancé, du don ils tireront l’usage, à moins qu’en péchant ils ne suppriment eux-mêmes librement l’usage de ce don. » /'. L., t. cxcii, col. B50.

I n employanl cette forme impersonnelle, le Maître « les Sentences ne prend pas position, bien qu’on devine ses préférences. Maître Bandin (+ 1150) est

plus afflrmatif. » Le baptême, dit-il, confère aux petits enfants in munere. non in usu. la grâce pour bien agir, l’usage devant leur être accordé à t) Age plus avanie.

i moins qu’ils ne choisissent librement un usage

mauvais.. Sent.. I. IV. dist. IV. /'. L., t. CXCII,

col. 1094 I'.. Aussi Bandin, expliquant la définition Ugustinlenne de la vertu, déclare que celle-ci ne

DI( i. Dl i m Di. CATHOL,

peut être un simple mouvement de l'âme. Ibid., t. II, dist. XXVII, col. 1056 CD.

Vers la fin du xiie siècle, les idées sont encore assez confuses. Au dire de Baoul Ardent († 1190), certains auteurs commencent à dire que la foi et les autres vertus sont conférées aux enfants par le baptême in habitu, non in usu. D’autres affirment simplement que le baptême prépare les enfants à recevoir plus tard les vertus. Cf. Landgraf, loc. cit. C’est bien là toujours la causalité dispositive. Au nombre de ces docteurs, on doit ranger Robert de Melun († 1167). Voir Landgraf, art. cit., p. 518. Quant à Alain de Lille († 1203) et à Simon de Tournai, leur opinion semble encore s’opposer à celle de Pierre Lombard et de Maître Bandin, bien qu’ils inaugurent une formule nouvelle, distinguant dans la vertu, natura, habitus et usus. Voir plus loin. Cf. Landgraf, Die Erkenntnis der heiligmachenden Gnade in der Frùhscholastik, dans Scholastik, 1928, p. 46 sq., 52 sq.

b. La lettre d’Innocent III. — Pour démontrer l’inutilité du baptême conféré aux enfants, on arguait de l’enseignement des théologiens niant que le baptême pût « conférer la foi et la charité et les autres vertus aux petits enfants, incapables de les recevoir, parce qu’incapables d’y consentir. » Innocent III, dans sa lettre à Ymbert d’Arles (1201), rappelle, sans prendre parti, que cette opinion est contredite : « Un certain nombre (d’auteurs), dit-il, affirment la rémission du péché et l’infusion des vertus, les enfants les possédant quoad habitum, non quoad usum, jusqu'à ce qu’ils parviennent à l'âge adulte. »

Tout en marquant encore de l’hésitation dans le magistère suprême, la lettre d’Innocent est cependant d’une grande portée théologique. Elle donne droit de cité à la doctrine qui triomphera : elle consacre la formule décisive, distinguant Vhabilus de l’usage, ce qui permet d’affirmer l’existence de vertus surnaturelles, uniquement à l'état d’habitus infus ; enfin, elle permet d’envisager l’existence de vertus surnaturelles infuses autres que les vertus théologales, puisqu’il est question de la foi, de la charité et des autres vertus. Denz. Bannw., n. 410 ; voir le texte plus complet dans Cavallera, Thésaurus, n. 1065.

c. L’opinion de Pierre Lombard devient opinion commune. — Le témoignage de Bobert de Courson († 1218) est formel sur ce point : « C’est l’opinion commune de presque tous les maîtres, que les enfants reçoivent dans le baptême la foi en habitus et non en acte ». Cf. Landgraf, Die Erkenntnis…, p. 55. On peut citer Prévostin († 1231), Etienne Langton († 1228), Guillaume d’Auxerre († 1231), Roland de Crémone († 1259). Cf. Landgraf, loc. cit. Bobert de Courson expose le triple aspect de la vertu in natura, vertu encore en germe et informe dans les prédispositions naturelles de l’homme, et qui existe en lui avant le baptême ; vertu in habilu, vertu formée, d’ordre surnaturel, mais dont il est encore impossible à l’enfant de faire usage ; vertu in usu, vertu de l’adulte agissant surnaturellement. Ibid.

Cette distinction amène sous la plume d’un théologien de l'époque. Philippe de Grève († 1236), la distinction opportune entre la grâce sanctifiante qui perfectionne l’essence de l'âme et lui communique le principe de vie surnaturelle, et les vertus, qui perfectionnent les puissances de l'âme en les ordonnnant à l’acte vertueux. Mais, ajoute ce1 auteur, pour que la puissance ainsi perfectionnée puisse produire un acte surnaturel, il faut qu’elle y soit habilitée par la nature, ce qui est impossible chez les enfants, I.and

graf, Die Erkenntnis…, p. 59. Au temps d’Albert le Grand H de saint Thomas, on ne trouvait plus une note discordante,

d. Nouvelle intervention du maqisttrc : le conrilr

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VERTU. NATURE DES VERTUS INFUSES

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de Vienne (1311-1312). — L’accord était si complet qu’une opinion attribuée au franciscain Pierre Olieu fit scandale : entre autres accusations portées contre lui au concile de Vienne se trouve l’affirmation que « le baptême ne confère pas aux enfants la grâce et les vertus ». Voir le texte de l’accusation dans Ehrle, Zur Voryeschichle des Concils von Vienne, dans Archiv fur Literutur und Kirchengeschichte des M.-A., 1886, p. 369. L’accusation ne semble guère avoir été fondée. Olieu se contentant d’exposer les opinions sans prendre parti. Voir sa défense dans Ehrle, ibid., p. 395. Mais précisément, il fallait prendre parti et le concile en exprima l’avis en ces termes :

Nos auteni attendentes generalem efncaciam inortis Christi, quæ per baptisma applicatur pariter omnibus baptizatis ; opinionem secundam, quæ dicit, tam parvulis quam adultis, conferri in baptismo informante !  !) gratiam et virtutes, tamquam probabiliorem ; et dictis sanctorum et doctorum niodernorum theologia* magis consentaneam et concordem, sacro approbante Concllio, duximus eligendam. Denz.Bannw. n. 483.

Considérant l’universelle ellicacité de la mort du Christ, laquelle par le baptême est appliquée également à tous les baptisés, nous décidons, avec l’approbation du saint concile, qu’il faut choisir, comme plus probable et plus conforme aux dires des saints Pères et à la théologie des docteurs modernes, la seconde opinion qui enseigne qu’aux enfants comme aux adultes est conférée dans le baptême la grâce informante (sanctifiante) et les vertus.

Donc, parité absolue entre enfants et adultes quant à l’infusion de la grâce et des vertus au moment du baptême. Et cela, en raison de l’efficacité de la mort du Christ, dont les mérites leur sont également appliqués. Cf. De Lugo, De fide, disp. IX, sect. in.

La décision de Vienne est encore d’ordre pratique ; elle ne tranche pas d’autorité les controverses spéculatives. Elle n’en est pas moins indicatrice de la pensée de l'Église touchant l’existence des vertus surnaturelles infuses, même dans l'âme des enfants.

c) La vérité explicitement professée : le concile de Trente. — Dans sa vi « session, le concile de Trente aborde la question de la justification. Après avoir, au c. vi, indiqué les actes surnaturels qui disposent le pécheur à la justification, il ajoute, c. vu : « Cette disposition ou préparation est suivie de la justification elle-même, qui ne consiste pas seulement dans la rémission des péchés, mais encore dans la sanctification et le renouvellement de l’homme intérieur par la réception volontaire de la grâce et des dons par quoi l’homme, d’injuste devient juste et, d’ennemi, ami… » Ces dons, expressément distingués de la grâce, ne peuvent être que des dons permanents, inhérents à l'âme, comme la grâce elle-même. Et ce sont certainement, avant tout, les vertus dont il est question dans la suite du chapitre : « Dans la justification même, avec la rémission des péchés, l’homme reçoit en même temps, par Jésus-Christ auquel il est inséré, tous ces dons infus : la foi, l’espérance et la charité… » Il s’agit bien d’habitus inhérents à l'âme et permanents, puisque « la charité se répand dans le cœur justifié et lui devient inhérente ». Quant à la foi, c’est certainement la vertu infuse, puisque c’est « cette foi que les catéchumènes demandent à l'Église avant de recevoir le baptême…, la foi qui donne la vie éternelle, (vie) que la foi, dépourvue d’espérance et de charité, ne saurait seule donner. » Denz.Bannw., n. 799, 800.

S’il fallait une confirmation à ce sens déjà par luimême si clair des textes, on la trouverait dans les discussions relatives à la deuxième (23 sept. 1546) et à la troisième forme (5 nov. 1546) du décret. L'évêque de Vérone fit remarquer une confusion possible entre

la charité qui dispose à la justification et dont il a été question au c. vi, et cette charité inhérente à l'âme, qui accompagne la justification. Cf. Concilium Tridenlinum, édit. Ehses, t. v, col. 459 ; cf. col. 505. L’explication donnée en réponse enlève toute possibilité d'équivoque. La charité qui accompagne la justification est un habitus ; celle qui la prépare n’est ni habitus, ni acte procédant d’habitus, mais un acte d’amour de cette justice que l’homme ne possède pas encore et qu’il désire avoir, col. 520,

I. 8, 39. D’autres orateurs demandaient qu’on déclarât explicitement que la charité dans la justification est un habitus infus ; il fut répondu que le mot « inhérent » l’indiquait suffisamment, col. 521, 1. 15. On retrouve d’ailleurs l’expression inhsereat dans le can.

II. À l’occasion de ce canon, les mêmes discussions se reproduisirent. Tandis que le servite Mazocchi voulait éliminer ce mot, l’archevêque de Palerme, revenant sur le texte du c. vii, réclamait l’insertion de habitualiter avant inhserentis. Col. 436, i. 25 ; cꝟ. 508, 1. 23 ; 453, 1. 40 ; cꝟ. 508, 1. 23. 'A la discussion du troisième projet, Claude Le Jay demanda qu’au c. vi, on spécifiât qu’il s’agissait d’actes et qu’au c. viii, on parlât d’habitus fidei. Col. 658, 1. 22 ; cꝟ. 682, 1. 15. La discussion montra que ces précisions n'étaient pas nécessaires et on laissa les textes sans les retoucher. Col. 691. D’ailleurs l’insertion du mot infusa, dans la cinquième et définitive forme du décret, marque suffisamment la pensée des Pères.

Le c. xv pourrait fournir une ultime manifestation de la doctrine catholique : la justification. y lit-on, se perd par tout péché mortel, même quand ce péché ne détruit pas la foi. C’est donc que la vertu de foi peut subsister dans l'âme, indépendamment de la grâce et de la charité. Elle demeure à l'état informe, mais toujours vertu réelle et habitus permanent.

Conclusion. — On peut donc conclure à l’existence de vertus surnaturelles infuses, tout au moins à l’existence des vertus surnaturelles de foi, d’espérance, de charité. Le concile du Vatican n’hésite pas à parler de la foi comme d’une vertu surnaturelle, sess. iii, c. iii, Denz.-Bannw., n. 1789. Ces vertus sont des dons permanents, demeurant dans l'âme, même lorsqu’elle n’en fait pas usage.

La note théologique à donner à cette conclusion est quelque peu discutée. Les uns estiment qu'à la suite du progrès doctrinal dont elle est l’aboutissement, cette affirmation doit être qualifiée de vérité de foi catholique ; cf. Beraza, De virt. inf., Bilbao, 1929, n. 26. Mais, en l’absence de toute définition expresse du magistère extraordinaire, il est peut-être préférable de n’y voir qu’une vérité théologiqment très certaine, cf. Billot, op. cit., th. i, p. 68. Quant à l’explication philosophique de la vertu, ramenée à la catégorie des habitus, voir plus loin, on ne saurait l’envisager comme un objet du magistère infaillible.

Nature.

Bien que le concile de Trente ne

semble pas avoir voulu canoniser cette conception, toute la tradition théologique ramène le concept de vertu surnaturelle à la catégorie des habitus d’opération.

1. Exposé général de la conception des habitus surnaturels.

a) Point de départ : divinæ naturse consortes (II Pet., i, 4). — Le mot « nature » paraît signifier « l’essence d’une chose en tant qu’elle est ordonnée à son opération propre ». S. Thomas, De ente et essentiel, c. i. Or, les opérations propres de Dieu sont la connaissance intuitive de sa nature et l’amour qui répond à une telle connaissance. Ces deux opérations dépassent non seulement les forces naturelles de l’homme, mais encore la puissance naturelle de toute créature. Voir Surnaturel (absolu), t. xiv. col. 2852. En rendant l’homme participant à sa

nature, Dieu entend lui communiquer un principe intérieur d’activité lui permettant de produire des actes d’intuition de l’essence divine, des actes d’amour de Dieu possédé en lui-même.

Cette participation, de toute évidence, ne sera qu’une participation analogue et bien inadéquate de la nature divine : per quemdam similitudinem, per quamdam regenerationem sive recreationem. S. Thomas, I a -II ffl, q. ex, a. 4. Sans nous arrêter aux multiples déficiences de cette participation, il suffît de dire que l’ordre surnaturel en nous est une participation de la nature divine exclusivement considérée sous le rapport de l’intelligence et de la volonté, en tant que principes de l’acte par lequel Dieu se connaît et s’aime. Cette participation n’est pas, dans l'âme humaine, la superposition d’un ordre d’activité supérieur à l’ordre de l’activité humaine : dans l’ordre surnaturel, c’est encore la nature humaine qui agit, mais surélevée. Selon l’expression de saint Paul, l’homme devient nova creatura, non pas en ce sens qu’il reçoit en lui un nouvel ordre d’existence et d’activité créé pour lui, mais parce qu’il est, comme l’exprime exactement saint Thomas, recréé selon cet ordre. Tiré par Dieu de sa puissance obédientielle, l’ordre surnaturel le compénètre, le perfectionne, s’identifie pour ainsi dire à lui au point de lui donner et de donner à ses puissances naturelles la possibilité d’agir conformément aux exigences de la vie surnaturelle et divine. Cf. S. Thomas, I », q. xiv, a. 4 ; [-II", q. ex, ad 3 ura ; De veritate, q. xxvii, a. 3, ad 9<"".

b) La ç/râce, habitus entitatif. — Dans ce but, l'âme doit d’abord être surélevée dans son essence même par la grâce sanctifiante, élément radical et primordial de la participation divine. Voir Grâce, col. 1610. Cet élément ne peut être une substance, puisque ['âme est déjà constituée naturellement dans son être substantiel. Cf. I a -II ! C, q. ex, a. 2, ad 2um. La grâce sanctifiante est donc en soi une forme accidentelle, que l’analyse philosophique ramène au prédicament de la qualité, « qualité divine inhérente à l'âme », dit le Catéchisme du concile de Trente, part. [[, n. 50. Dans le prédicament qualité, c’est l’espèce habitas qui convient le mieux à la grâce sanctifiante. Cf. De veritate, q. xxviii, a. 2, ad 7um ; P-II*, q. ex, a. 3, ad 2um. Cet habitas ne peut perfectionner les facultés de l'âme si, avec la métaphysique thomiste, nous supposons celles-ci distinctes de l'âme ellemême. Quoi qu’il en soit, n'étant pas ordonnée immédiatement à l’action, la grâce sanctifiante ne peut être qu’un habitas d'être, entitalivus ou substanlivus, inhérent à la substance même de l'âme. Ce qui est inconcevable au point de vue naturel, devient une réalité dans l’ordre surnaturel.

e) Les vertus, habitas d’opération. — La grâce, n'étant pas ordonnée immédiatement à l’action, appelle dans les facultés naturelles de l'âme la présence de principes supérieurs d’activité, permettant à l’homme fie se diriger selon les exigences de l’ordre surnaturel. Ce sont les vertus surnaturelles. À leur tour, ces vertus ne sautaient être conçues comme des principes d’action superposés aux principes naturels. Sans doute, sous un certain rapport, on pourrait les assimiler aux puissances de l'âme: sans les vertus, etl effet, l'âme est radicalement incapable d’activité surnaturelle, comme sans ses puissances, elle est Incapable de la moindre activité naturelle. Les vertus surnaturelles confèrent donc à l'âme, simplement et absolument, un pouvoir d’action qui n’est en aucune raçon présupposé à leur infusion, tandis que les habitas acquis présupposent déjà les puissances naturelles de l’activité humaine. Cependant, malgré cette différence essentielle entre vertus surnaturelles et

vertus acquises, les vertus surnaturelles ne peuvent être ramenées, dans le prédicament qualitas, à Lespèce potentia, mais bien à l’espèce habitus. En effet, elles ne donnent pas la puissance d’agir indépendamment de l’action des puissances naturelles. De même que l'âme est élevée par la grâce à l’ordre divin, ainsi les facultés de l'âme sont élevées à cet ordre par les vertus surnaturelles. Ce sont les mêmes facultés qui agissent dans l’ordre naturel et qui, grâce aux vertus surnaturelles qui les perfectionnent, deviennent capables d’agir dans l’ordre surnaturel. D’où il apparaît clairement que le principe immédiat de nos actes surnaturels est moins la vertu que la puissance de l'âme, intelligence ou volonté, perfectionnée par cette vertu. Il est donc plus logique de ramener les vertus surnaturelles à la catégorie des habitus. Et, comme elles donnent aux facultés de l'âme de devenir principes immédiats d’opérations surnaturelles, ces vertus doivent être conçues comme des habitus d’opération. Cf. S. Thomas, Ia-IIæ, q. ex, a. 3 ; De veritate, q. xxvii, a. 2 ; a. 6, et ad 3um.

2. Vertus surnaturelles et facilité d’opération. — D’après saint Thomas, « la vertu permet à l’homme d’agir facilement et avec un attrait réel pour le bien ».

Les vertus naturelles, précisément parce qu’elles sont acquises par la répétition fréquente de leurs actes, non seulement sont des habitus, mais encore créent en nous des habitudes au sens moderne du mot, habitudes orientant notre activité vers le bien, « avec fermeté, sans hésitation, avec plaisir » ( fîrmiter, expediie, delectabiliter). S. Thomas, De virl., q. i, a. 1, ad 13um ; cf. I a -II ffi, q. lxxviii, a. 3. Ce qui relève ici plus spécialement de l’habitude, c’est la faculté de plus en plus grande qui, normalement, accompagne le développement de Vhabitus dans l'âme. Sans doute, la vertu acquise ne supprime pas pour autant l’inclination au mal créée en nous par le jeu des passions mauvaises. Mais, en raison de son origine et de sa formation en nous, la vertu acquise nous a fait perdre l’habitude d’obéir aux passions et acquérir celle de leur résister. De là, une facilité d’exercice provenant moins des dispositions intérieures de l'âme que de la diminution progressive des obstacles extérieurs, grâce à l’accoutumance prise à l'égard des actes vertueux, accoutumance qui crée en nous comme une seconde nature.

Les vertus surnaturelles, du moins au début de leur présence dans l'âme, ne sauraient communiquer à nos facultés cette facilité d’exercice. La « facilité » se réduit ici, dès l’abord, au pouvoir d’agir dans l’ordre surnaturel. Ce pouvoir, certes, n’est pas une simple possibilité physique d’action ; il y a plus. Prenant conscience du bien surnaturel, objet de la vertu, notre âme en saisit la valeur et doit ressentir, à son égard, un penchant réel et un véritable attrait. Ce sentiment se traduira par une ferme adhésion à ce bien, adhésion que l’exercice de la vertu, soutenu par la grâce divine, rendra victorieuse des passions contraires et des difficultés extérieures. La foi et l’esprit de foi sont à la base de cet attrait, que la nature laissée à elle-même sérail incapable de provoquer et de maintenir.

Mais les passions mauvaises et les difficultés extérieures peuvent encore offrir de grands obstacles à l’exercice des vertus surnaturelles. À moins d’intervention miraculeuse de Dieu, le cas se réalise dans la plupart des conversions. Qu’on songe aux lui les que doivent soutenir les habitudinaires des fautes d’Intempérance ! Ce n’est que peu à peu, par la répétition des actes vertueux, que la vertu surnaturelle trouvera la facilifé d’exercice de la vertu acquise. L’expérience montre que le pécheur converti. 276

VERTU. FACILITÉ DONNEE l’Ali LES VERTUS INFUSES

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persévérant dans sa volonté de retour à Dieu et soutenu par la grâce actuelle, peut acquérir cette facilité. — « Acquérir », disons-nous. Ce petit mot seul pose un problème sur lequel les théologiens n’ont pu encore faire, la lumière.

3. Comment expliquer la facilité acquise par l’exercice des vertus surnaturelles ? — Avant tout, rappelons que toute vertu surnaturelle est nécessairement infuse, c’est-à-dire que ni sa production dans l'àme, ni son accroissement ne dépendent de nos actes, même surnaturels. Voir plus loin. Il ne saurait donc être question de résoudre le problème en imaginant une vertu surnaturelle acquise, comme l’ont enseigné G. Hurtado et quelques théologiens du xviie siècle. Voir Ripalda, De ente supernaturali, disp. LU, au début.

a) Par une habitude acquise naturelle ? - - C’est l’opinion de Molina, Concordia, disp. XXXVIII :

Les habitus surnaturels de foi, d’espérance et de charité sont infusés à l'âme par Dieu seul ; ils ne sauraient être atteints effectivement, même quant à leur simple croissance, par les actes surnaturels de foi, d’espérance et de charité. Mais cependant de tels actes contiennent éminemment les actes naturels de foi, d’espérance et de charité ; à leur production, en effet, concourent toutes les causes qui produiraient ces actes naturels, si Dieu, par l’influence de la grâce, n'élevait ces causes et ne leur faisait produire leurs actes dans l’ordre surnaturel. En conséquence, de ces actes surnaturels résultent des habitudes naturelles de foi, d’espérance et de charité, qui demeurent encore en celui qui, par le péché mortel, a perdu la charité surnaturelle ou même en celui qui, par l’infidélité, a perdu la foi.

Thèse reprise par Billot. De virt. inf., proleg. ii, § 3, p. 50 sq. — Le point faible de cette opinion est la confusion qu’elle fait régner entre l’ordre naturel et l’ordre surnaturel. Le principe thomiste de la spécification des actes et des habitus par l’objet formel est ici manifestement contredit. Billot luimême, dans le prolégomène iii, § 1, n. 2-6, a posé des principes qui déconcertent les fidèles disciples de saint Thomas : possibilité d’habitus entitativement naturels, mais qui, accidentellement, en raison de l’exercice des vertus infuses, ou même simplement en fonction d’une révélation extérieure présupposée, aboutiraient à produire des actes atteignant les mêmes objets formels que les vertus surnaturelles, quoique d’une façon inopérante pour la fin dernière surnaturelle.

b) Par un perfectionnement intrinsèque de la vertu infuse ? — La répétition des actes vertueux donnerait aux vertus infuses une intensité plus considérable, d’où résulterait pour le chrétien une force plus grande. C’est la thèse d’anciens thomistes, cf. Salas, In 7 am -// æ, tract. X, disp. IV, sect. 5, dont on pense trouver le fondement dans saint Thomas lui-même : « Les actes produits par habitus infus ne causent pas un habitus, mais confirment celui qui existe déjà, de même que des remèdes appliqués à celui qui a déjà la santé ne donnent pas une autre santé, mais renforcent celle qu’il possédait déjà. » Ia-II*, q. li, a. 4, ad 3um. Cf. De. virt., a. 10, ad 19um. Voir aussi Valencia, Disp. theol., t. ii, disp. IV, q. iii, punct. 4.

Cette formule générale aurait besoin d'être précisée, mais, à la prendre prout sonat, — facilité résultant d’un renforcement, d’une intensité plus grande de Vhabilus, — elle se heurte à des difficultés que Chr. Pesch a bien mises en relief. Prælect. dogmat., t. viii, n. 14. C’est un axiome reçu que toutes les vertus infuses croissent proportionnellement et parallèlement à l’accroissement de la grâce sanctifiante. Or la facilité est plus grande uniquement dans la vertu où l’on s’est exercé spécialement. Il est donc impossible que l’accroissement de facilité provienne

d’un accroissement d’intensité dans la vertu même ; autrement on éprouverait la même facilité pour toutes les autres vertus infuses.

cj Par le secours de la qrâce actuelle et l'éloignement des obstacles ? - C’est la précision apportée par Suarez, De cjratia, I. VI, c. xiv, n. 7 : « La grâce confère au chrétien une suavité plus grande, une claire vue plus parfaite, une affection plus vive à l'égard du bien. Accidentellement (la facilité des actes) peut être causée par l’accoutumance qui supprime certaines difficultés auxquelles se heurtaient les puissances naturelles de l’homme ou leurs organes. »

A cette conception, Billot oppose une double critique : 1° La facilité résultant de la répétition des actes est quelque chose d’inhérent à l’exercice de la vertu et ne saurait recevoir une explication satisfaisante dans l’intervention d’un élément extérieur comme la grâce. 2° Dire que l’exercice répété des actes vertueux détruit les obstacles et les difficultés, c’est équivalemment dire qu’il crée dans l'âme une habitude positive vers les mêmes actes de vertus. De virt. inf., proleg. ii, § 3.

d) Par des habitudes naturelles simplement dispositives ? — C’est la correction apportée par certains thomistes à l’explication de Molina et qui transpose la solution de Billot sur un terrain moins discuté. L’habitude (ici le mot est exact) engendrée par la répétition des actes surnaturels est naturelle, et par rapport à ceux-ci, simplement dispositive, en tant que la répétition des actes surnaturels engendre une facilité plus grande de s’exercer sur la même matière, mais en raison d’un motif purement naturel. La psychologie moderne parlerait ici d’adaptation. Cf. Gonet, Clypeus theol. thom., tr. IV, De virt. et donis, disp. IV, n. 25. Deux mots sont importants. Par le mot « matière » désignant l’objet commun sur lequel s’exerce à la fois la vertu surnaturelle et l’habitude acquise, Gonet évite de contredire le principe thomiste de la spécification des actes et des habitus par l’objet formel. Par le mot « dispositive », il marque le point précis par où l’habitude acquise facilite l’exercice de la vertu infuse : disposition toute matérielle, quand la vertu infuse est absente de l'âme, mais disposition réelle quand même. L’objet de la vertu infuse et de l’habitude acquise n’est le même que matériellement. On peut appuyer cette interprétation sur saint Thomas lui-même, De veritale, q. xviii, a. 1, ad 4um.

L’application de cette doctrine est facile en ce qui concerne les vertus morales, infuses et acquises. La « matière » de ces vertus est vraiment la même, soit dans l’ordre naturel, soit dans l’ordre surnaturel ; seuls, leur objet formel et la fin qu’elles poursuivent sont différents. — L’application est plus délicate en ce qui concerne les vertus théologales. Et cependant de grands commentateurs de saint Thomas n’ont pas hésité à étendre à la foi, à l’espérance et à la charité le parallélisme d’habitudes naturelles acquises portant sur la même matière, mais, si l’on peut dire, plus matériellement encore envisagée, de manière à respecter la diversité des objets formels. Cf. Cajétan, In ll^-ll*, q. xvii, a. 5. In I* m -II*, q. lxiii, a. 3 ; ibid., q. cix, a. 4, où il dit expressément : Etiam credere, sperare, diligere Deum potest homo per sua naturalia quantum ad subsiantiam operum adimplerc, et non in quantum implentur ex spe et fide et charitate. Ces dispositions demeurent, même après la perte des vertus théologales et elles aideront le pécheur pénitent à les retrouver plus facilement. Tant il est vrai qu’il ne faut pas établir de divorce entre le surnaturel et le naturel, les deux ordres étant appelés à se compénétrer mutuellement et à se soutenir. Cf. Billot, op. cit., p, 59. 2 769

VERTU. ORIGINE DES VERTUS INFUSES

2770

Origine et croissance des vertus surnaturelles.


1. Origine.

a) Dieu, cause efficiente. — Dieu seul est cause efficiente principale, la causalité instrumentale des sacrements devant être sauvegardée. Tandis que les vertus naturelles sont causées effectivement en nous par la répétition des actes — on fait ici abstraction des habitus naturels infus per accidens (telle la science donnée par Dieu à Adam), cf. [ a -II æ, q. Li, a. 4 — la vertu surnaturelle vérifie pleinement la définition augustinienne, quam Deus in nobis sine nobis operatur. Par rapport à l’ordre surnaturel, l'âme humaine, en effet, ne présente qu’une puissance passive obédientielle. S. Thomas, De virl., a. 10, ad 13° m. Les vertus surnaturelles sont précisément dites infuses parce que Dieu les met en notre âme sans que nous y concourions nécessairement et efficacement ; elles découlent de la grâce sanctifiante dont elles sont pour ainsi dire des propriétés dans l’ordre de l’opération. Voir ci-dessus. Ce qui ne signifie pas pour autant que, par rapport aux vertus, la grâce soit comparable à la substance de l'âme par rapport à ses puissances naturelles : « La substance est pour les facultés dont elle est le principe un support immédiat et nécessaire, tandis que les vertus ne sont pas inhérentes dans la grâce, mais dans les puissances naturelles de l'âme qu’elles perfectionnent en vue de leurs opérations. De plus, les puissances naturelles de l'âme étant des propriétés de sa nature spécifique, il est également impossible ou que l'âme existe sans elles, ou qu’elles-mêmes existent en dehors de l'âme. » Terrien, La grâce et la gloire, t. i, t. III, c. iv, p. 182. Cf. S. Thomas, P-II*, q. ex, a. 4, ad 4 ura.

b) Les actes humains, cause matérielle dispositive. — Il n’est question ici que des adultes. Avec le secours de la grâce actuelle opérante ou coopérante, l’activité humaine a son rôle à jouer dans la production des vertus comme dans celle de la grâce. Ce rôle est celui d’une causalité purement matérielle, en tant que nos actes disposent le sujet à recevoir grâce et vertus. Ces dispositions surnaturelles peuvent s’affirmer simplement comme des actes éloignant de notre âme la disposition contraire à la grâce, l’attachement au péché mortel ; c’est la disposition appelée par la théologie removens prohibens. C’est le cas de l’attrition. Mais nos actes peuvent aller plus loin et, par suite de leur perfection même, atteindre le seuil de la vie surnaturelle, produisant en nous une disposition positive qui appelle, qui exige l’infusion de la grâce et des vertus. C’est le cas de la contrition parfaite dans la justification ex opère operantis. Dans l’un et l’autre cas, la causalité propre de nos actes demeure purement matérielle et n’atteint que les dispositions de l'âme. Seule la causalité divine atteint effectivement grâce et ertus.

2. Croissance a) Le /ait de la croissance des vertus infuses. — La sainte Écriture affirme maintes fois cette croissance dans la perfection, l’rov., iv, 15 ; dans la justice et la sainteté. ApoC, XXII, 11 : poulie salul. I Pet., ii, 2 ; dans la grâce et dans la connaislance de N’otre-Seigneur Jésus-Christ. II Pet., iii, 18. Dieu donne à l’homme intérieur l’abondance de la e, II Cor., iv, 15-16, pour procurer un accroissement aux fruits de la justice, ibid., ix, 10 ; cf. II Cor., x. 15 ; Rom., xv, 13 ; Phil., i, <> ; iv, 15, 16 ; Col., i, 10, I 'Ihess., iv, 1. I.es Pères insistent sur l’accroissement de la vie surnaturelle en des degrés différents 'lu/ différents chrétiens. L’un est plus fort que l’autre, ou plus saye. ou plus juste, ou plus saint », dit Augustin, In Joannem, tract. LXVII, n. 2. /'. L., I. xxxv, col. 1812. » Mien d’extraordinaire si

d’une vertu a faillie existent des degrés, puisqu’en iliaque vertu s’affirme la croissance en des degrés divers. dit Grégoire le Grand, In Ezech., I. ii,

nom. iii, n. 4, t. lxxvi, col. 960. — « Il est nécessaire, dit saint Basile, que ceux qui veulent avancer dans la vertu commencent par les premiers degrés puis s’avancent aux degrés suivants et, progressant peu à peu parviennent aux sommets auquels peut prétendre la nature humaine. » In ps. /, n. 4, P. G., t. xxix, col. 218. Cf. S. Jérôme, Cont. Jovin., t. II, n. 28, P. L., t. xxviii, col. 324 ; S. Prosper, Epigr., xxvii, t. li, col. 507, etc. Toute la tradition d’ailleurs est résumée dans ces affirmations du concile de Trente : « Ainsi justifiés… par l’observation des commandements de Dieu et de l'Église, (les hommes) croissent dans la justice reçue par la grâce du Christ, la foi coopérant aux bonnes œuvres, et deviennent de plus en plus justes. » Sess. VI, c. x, Denz. Bannw., n. 803. Cf. can. 24, n. 834. L'Église, comme le rappelle le concile dans le chapitre cité, ne demande-t-elle pas à Dieu de nous accorder « un accroissement de foi, d’espérance et de charité? » (xme dim. après la Pentecôte, collecte). Enfin, cette croissance dans la perfection spirituelle peut se poursuivre sans cesse durant cette vie mortelle. Cf. Concile de Vienne, prop. 1 des Béguards, Denz. -Bannw., n. 471. La raison nous dit que la vie surnaturelle doit être conçue par analogie avec la vie naturelle. Or, la croissance est le phénomène le plus apparent qu’on puisse observer dans la vie du corps. Sur toutes ces preuves, voir Bellarmin, Controv., De justificatione, t. III, c. xvi ; Suarez, De gratia, t. IX, c. i ; Bipalda, De ente supernaturali, t. VI, disp. CXXIX, sect. i.

b) Les lois de la croissance. — a. Ce qui est certain. — Le principe qui nous oblige à réserver à Dieu seul la causalité efficiente principale dans la production des vertus vaut également pour leur croissance. La croissance ne peut être rapportée à notre activité personnelle, car il y aurait toujours disproportion entre la cause et l’effet, notre âme, même ornée de la grâce et des vertus, demeurant simple puissance obédientielle à l'égard de l’ordre surnaturel. « Les vertus croissent en tant que le sujet les possède plus parfaitement par suite de l’action de l’agent qui les cause en lui ; ainsi les vertus acquises croissent par les actes mêmes qui les causent ; les vertus infuses, par l’action divine qui est à leur origine. » S. Thomas, De virl., a. 11.

L’activité humaine a ici un rôle plus élevé que dans la première acquisition de la vertu, bien qu’elle demeure toujours dans l’ordre de la causalité matérielle. Le sujet est déjà en possession de la charité, principe du mérite. Donc ses actes surnaturels sont méritoires, c’est-à-dire susceptibles de recevoir, à litre de récompense, un accroissement de grâce et de vertus, donc, de Trente, sess. vi, can. 32, Dcnz.Bannw., n. 842. Mais Dieu demeure encore, et seul, cause efficiente de cet accroissement.

/>. Ce qui est controverse. - ("est la mesure selon laquelle est réalisé l’accroissement des vertus. Le concile de Trente s’exprime ainsi : i Nous recevons la justice en nous selon la mesure que f Ksprit-Saint départit à chaque âme, comme il veut et selon lu disposition et la coopération de chacun. Sess. VI, c. vi, Denz.-Bannw., n. 799. Le concile a parlé d’une manière générale et sans restriction. L’influence de nos dispositions paraît devoir être affirmée non seulement pour l’infusion, nuiis encore pour l’accroisse nient de la grâce et des vertus. Cf. lianeI. In I l nm II'. q. XXIII, a. 6. Cela posé, on se demande si le principe émis par saint Thomas pour l’accroissement île la vertu acquise trouve son application en ce qui concerne la vertu infuse : tout acte vertueux entraîne I il un accroissement ? Voir ci dessus, col. 2758. On doit examiner le cas de la croissance spirituelle ex opère operato. et le cas ex o/iere operantis. .779

a) Ex opère operalo, la croissance, dans l'âme de celui qui n’y apporte pas d’obstacle, est produite nécessairement par l’application du sacrement. Cet accroissement est en proportion des bonnes dispositions de chacun. Parlant des adultes qui accèdent au baptême, saint Thomas déclare que « les dispositions variant selon les sujets, chacun participera à la grâce du renouvellement dans la mesure de sa propre dévotion ; bien qu’un foyer unique répande, quant à lui, une chaleur égale pour tous, ceux-là ont plus chaud qui s’en approchent davantage. » III", q. lxix, a. 8. Pour que ces affirmations restent cohérentes, il faut admettre que la réception fructueuse d’un sacrement comporte toujours, tout au moins par l’influence de la grâce, une disposition subjective qui constitue par elle-même un progrès spirituel, si minime soit-il, sur l'état spirituel précédent. Dans l’eucharistie, cet effet est toujours produit, dès lors que le fidèle s’approche de la sainte table en état de grâce. Mais il est bien évident que plus les dispositions du communiant seront excellentes et plus la charité et les vertus croîtront en son âme. En ce qui concerne le sacrement de pénitence, beaucoup d’auteurs envisagent l’hypothèse d’une réception valide, mais informe, surtout par défaut de véritable contrition. Il y a là, pour le développement de la vie spirituelle, un danger assez sérieux, dont les habitués de la confession fréquente doivent tenir compte, s’ils veulent comprendre pourquoi tant d’absolutions reçues ne produisent pas les changements spirituels qu’on serait en droit d’en attendre.

P) Ex opère operantis. — C’est ici que les controverses se manifestent. Le mérite des bonnes œuvres relativement à une augmentation de la vie spirituelle a été défini comme un dogme de foi par le concile de Trente. Sess. vi, can. 32, Denz.-Bannw., n. 842. Saint Thomas admet lui-même que tout acte moralement bon, accompli en état de grâce, est méritoire. De malo, q. ii, a. 5, ad 7um, et ad ll um. Il semblerait logique de conclure que tout acte méritoire apporte un accroissement de la vie spirituelle. Pour éviter certaines difficultés que paraît soulever l’opinion thomiste au sujet de la reviviscence des mérites, voir ce mot, t. xiii, col. 2636, Suarez et son école affirment qu'à tout acte méritoire, si faible soit-il, aux actes « moindres » (remissis, disent les théologiens), accomplis avec un degré inférieur de charité, répond toujours et infailliblement un accroissement de la grâce, des vertus, et, par conséquent, de la gloire. En ce cas, il faut concevoir l’accroissement de la grâce par mode d’addition, le mérite final n'étant que le résultat, pour ainsi dire mathématique, de tous les mérites particuliers attachés à chaque acte bon accompli en état de grâce. Les fondements théologiques de cette opinion ont été exposés et discutés à Reviviscence, t. xiii, col. 2633. Après Suarez, De gratia, t. IX, c. m ; Schiffini, De gratia, n. 369, 390 ; Mazzella, De virt, n. 149-173 ; P. Galtier, De sacr. psenit., n. 569 sq. ; Chr. Pesch, Prælect. dogm., t. vii, De psenit., n. 334, sq., etc., voir F. de Lanversin, S. J., art. Accroissement des vertus d’après Suarez, dans le Dict. de spiritualité, t. i, col. 156 sq. ; S. François de Sales, Traité de l’amour de Dieu, I. III, c. i-m.

A l’opposé, saint Thomas veut que l’accroissement de la grâce et des vertus soit procuré par les seuls actes méritoires intenses, dont le principe, la charité, dépasse en ferveur le degré précédent de charité. Il n’y a donc pas addition de mérite à mérite, de grâce à grâce ; il y a une prise de possession plus grande de l'âme par la grâce et les vertus, non per additionem, sed per majorem radicationem in anima. II a -II ffi, q. xxiv, a. 3 ; cf. De virt., a. 11. « De même qu’une habitude naturelle acquise ne grandit pas par n’im porte quel exercice, mais seulement par un exercice

de plus en plus parfait — telle, par exemple la virtuosité du musicien — ainsi 'la grâce sanctifiante (et par conséquent les vertus) ne s’accroît que par des actes méritoires intenses. Cet accroissement se réalise. non par addition, mais par développement vital. » A. -A. Goupil, Les sacrements, Paris, 1929, t. iii, p. 67. Cf. E. Neveut, Des conditions de la plus grande valeur de nos actes méritoires, dans le Divus Thomas (Plaisance), 1931. Les actes remissi ne sont cependant pas inutiles : ils disposent à un accroissement de la grâce et des vertus, en tant qu’ils préparent des actes plus fervents et attirent sur le chrétien le secours des grâces actuelles. Cf. E. Hugueny, La pénitente (Somme théol. édit. de la Revue des Jeunes), t. i, Paris, 1931, p. 357-358. L’acte méritoire n’a donc d’influence sur l’accroissement effectif des vertus que dans la mesure où il obtient de Dieu l’accroissement de la grâce et de la charité. Billot, De virt. inf., proleg. ii, § 3, n. 2 ; De gratia (1912), thèsexii, § 3, p. 285-288 ; De sacramentis, t. n (1922), p. 104-121 ; A. d’Alès, De sacr. psenit., th.xii, p. 161. Cf. Th. Deman, art. Accroissement des vertus, dans Dict. de spiritualité, t. i, col. 138 sq. ; Garrigou-Lagrange, L’augmentation de la charité et les actes imparfaits, dans' Vie spirituelle, t. xi (1924-1925), p. 321-334. Voir la bibliographie de l’art, du P. Deman, col. 155-156.

Entre ces deux solutions opposées, se situent plusieurs explications intermédiaires. Toutes admettent que le moindre acte méritoire, même remissus, exige un accroissement de la grâce et des vertus ; mais, tandis que Suarez et son école enseignent que l’accroissement se réalise immédiatement dès que l’acte est posé, cf. Mazzella, n. 171, des thomistes infidèles à la pensée du Maître placent l’accroissement soit dans la glorification de l'âme, soit à l’instant de la mort, soit au cours de la vie quand l'âme est suffisamment disposée. Ces opinions, toutes et chacune, ont été exposées à Reviviscence, col. 2629 sq. ; voir également Charité, t. ii, col. 2230 sq.

Disparition des vertus surnaturelles.

Ici, l’analogie avec les vertus acquises n’existe plus :

1. La perte totale.

Dans l’ordre naturel, la cessation des actes vertueux amène progressivement la disparition de la vertu acquise ; et c’est logique, puisque la cause efficiente de la vertu est l’activité même de l’homme. Dans l’ordre surnaturel, Dieu seul cause dans l'âme la vertu infuse ; la cessation des actes vertueux, par elle-même, n’entraîne donc ni diminution, ni disparition de la vertu.

Dans l’ordre naturel, il faut des actes vicieux répétés pour amener la destruction totale de la vertu acquise ; précisément encore parce que c’est de la répétition des actes que se forment les habitus. Dans l’ordre surnaturel, un seul acte suffit à la destruction de la vertu infuse : fût-il une simple omission, s’il constitue un péché mortel, il est incompatible dans l'âme avec la présence de la vertu de charité et, par voie de conséquence, avec les autres vertus qui sont en connexion étroite avec la grâce et la charité. Voir plus loin, la connexion des vertus.

2. La diminution.

a) Au sens propre du mot, diminution intrinsèque de la vertu, toute diminution est impossible dans la vertu surnaturelle. Cette diminution ne serait concevable que comme effet du péché véniel. Or, le péché véniel est sans action à cet égard.

Le concile de Trente affirme que les péchés véniels sont compatibles avec l'état de justice surnaturelle. Sess. vi, c. xi, Denz.-Bannw., n. 804 ; cf. Conc. de Carthage, can. 7, Denz.-Bannw., n. 107. La conclusion logique de ce dogme de foi, c’est que la grâce sanctifiante et les.vertus ne peuvent être intrin2 7 73

VERTU. LES VERTUS INTELLECTUELLES

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sèquement diminuées dans l'âme par le péché véniel, lequel, étant un acte essentiellement en dehors de la loi divine, mais non contraire à cette loi, laisse intacte l’essence de l’ordre moral à l'égard de Dieu, fin dernière surnaturelle. Cf. S. Thomas, Ir^-II*, q. xxiv, a. 10. Voir Billot, De virt. infusis, p. 48-4'.). I.e péché véniel ne saurait apporter à la grâce et aux vertus aucune diminution, ni comme cause dispositive, introduisant dans l'âme une disposition morale contraire au degré de charité possédée, ni comme cause méritoire de cette diminution. Voir S. Thomas, De malo, q. vii, a. 2 ; Suarez, De gratia, t. XI, c. viii, n. 1-2 ; Ripalda, De ente supernaturali, disp. CXXX, n. 1, etc. Cette doctrine est considérée par Suarez comme tellement certaine que l’opinion contraire, autrefois professée par Denys le Chartreux et Guillaume d’Auxerre, doit être réputée comme une opinion non seulement sans probabilité, mais indéfendable. Cf. Mazzella, op. cit., n. 248. Voir Charité, t. ii, col. 2233.

b) Au sens impropre, diminution extrinsèque, on doit admettre une certaine influence des péchés véniels sur la perte de la grâce sanctifiante et des vertus : « On peut appeler diminution indirecte de la charité la disposition à sa disparition qui est le fait des péchés véniels ou de la cessation de l’exercice des actes de charité. » S. Thomas, loc. cit. À l’a. 6, saint Thomas va même jusqu'à dire qu' « un acte de charité posé avec quelque tiédeur et mollesse… dispose à un degré moindre ». Sans diminuer la vertu en elle-même, le péché véniel « lui cause un réel dommage, et cela pour deux raisons. Tout d’abord, parce que les péchés véniels délibérés, fréquemment commis, diminuent ou empêchent même l’exercice des habitudes acquises, qui aident à l’exercice des vertus surnaturelles et leur confèrent facilité et promptitude. Ensuite, ils engendrent des habitudes opposées qui disposent l’homme au péché mortel. » Billot, op. cit., p. 50.

Principes pour distinguer les vertus infuses entre elles.

Les vertus infuses relèvent toutes de l’ordre surnaturel ; elles se distinguent entre elles d’après l’objet que, dans cet ordre surnaturel, elles doivent atteindre par leur exercice. C’est ainsi que se distinguent entre elles les vertus intellectuelles, morales et théologales.

Mais cette première distinction est encore trop générale ; dans chaque ordre, les vertus se multiplient suivant les différents aspects que revêtent, dans leur généralité, les objets surnaturels qu’elles doivent atteindre. C’est l’aspect de l’objet formel. Dieu considéré en lui-même constitue l’objet général des vertus théologales ; mais selon qu’il est objet de connaissance surnaturelle, ou objet de notre béatitude future, ou objet de notre amour par dessus i cuites choses, il constitue l’objet spécial des vertus de foi. d’espérance et de charité. Toutefois, rien n’empêche que, sous l’angle du même objet formel, la même vertu puisse atteindre des objets matériellement différents : i De même que la puissance, toute unique qu’elle est, s'étend à beaucoup de choses si Ces choses sont groupées dans un ensemble, c’est-à-dire sous le même objet formel commun, ainsi l’habitus (la vertu) s'étend a beaucoup de choses quand celles-ci s’orientent vers un but unique, objet formel spécial, ou nature, ou principe. » S. Thomas, I 1 iii, q. i.iv, a. 1. C’est ainsi qu'à la même vertu de foi se r ; 1 1 1 [ < > î t < l’assentiment donné non seulement aux vérités révélées par Dieu, mais encore aux préambules de i, i foi et aux vérités non révélées, infailliblement proposées par l'Église ; que la vertu d’espérance s'étend > l’acte d’amour de concupiscence à l'égard de Dieu, et que, par la vertu de Charité, nous aimons non seulement Dieu, mais encore le prochain dans les œuvres de miséricorde spirituelle et temporelle.

Une dernière précision, relative à l’objet formel, est nécessaire. L’objet formel peut être considéré d’abord abstraction faite de toute matière à laquelle il s’applique. C’est, en ce cas, le motif qui nous fait agir : les scolastiques le désignent par l’expression formule quo ou propter quod. Ainsi l’autorité divine est le motif formel, formule quo, de l’acte de foi. Mais l’objet formel ainsi considéré n’est pas suffisant pour spécifier et distinguer une vertu : il faut encore y ajouter la matière qu’il recouvre et qui, ainsi envisagée sous l’aspect spécial que lui confère le motif, devient l’objet formel que (formate quod) la vertu doit atteindre. Dieu se proposant à nous comme la vérité suprême que doivent rejoindre toutes les autres vérités révélées par lui et qu’il impose par son autorité à notre assentiment, voilà l’objet formel quod qui spécifie et distingue la vertu de foi. Des considérations analogues pourraient être faites à propos des autres vertus. Elles ont été faites dans les différents articles qui leur sont consacrés.