Dictionnaire de théologie catholique/VAUDOIS III. Doctrines

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant, Eugène Mangenot, Émile AmannLetouzey et Ané (Tome 15.2 : TRINITÉ - ZWINGLIANISMEp. 531-534).

III. Doctrines.

Le mouvement vaudois avait commencé par un simple schisme, à la suite de la résolution prise par les disciples de Valdès ou Valdo de ne pas obéir à la défense qui leur était faite de prêcher. Mais leur grande ignorance, leur manque absolu de formation théologique les rendait singulièrement vulnérables. Ils ne tardèrent donc pas à verser dans l’hérésie.

Leur point de départ doctrinal fut le biblicisme absolu. Ils avaient voulu embrasser la pauvreté apostolique. Ils en trouvaient la formule dans l’Évangile. De là au culte exclusif de la Bible, il n’y avait qu’un pas, qui fut immédiatement franchi. Les vaudois devinrent les hommes d’un seul livre. On assure que Valdès lui-même avait pris soin de se faire traduire la Bible en langue vulgaire. On croit que, dès 1179, il était en possession d’une Bible en provençal et que cette traduction fut utilisée dans toute la France et même en Lombardie pour la prédication. En Allemagne, par contre, il fallut faire une traduction dans la langue usuelle. L’anonyme de Passau dit formellement : Novum et Vêtus Testamentum vulgariter transtulerunt. Ces traductions faites sans compétence ne furent pas exemptes de contre-sens. Cela n’empêcha pas les pauvres de Lyon (appelés aussi léonistes) d’en débiter en toutes rencontres d’immenses tirades, le plus souvent par cœur. Même chez les simples fidèles ou amis, il se rencontrait fréquemment des gens complètement illettrés qui n’en étaient pas moins capables de réciter les évangiles des dimanches, tout le livre de Job ou les quatre évangiles en entier de mémoire. Leurs enfants commençaient dès le plus bas âge à apprendre les évangiles et les épîtres. La prédication des diacres, des prêtres, des évêques, consistait surtout en citations bibliques, portant sur les points essentiels de la vie chrétienne : appel de Jésus à la pénitence, Sermon sur la montagne, passages contre les jurements, contre le mensonge, contre l’effusion du sang, etc.

Ceci nous amène naturellement à préciser les points de l’enseignement vaudois. On remarquera tout de suite qu’il y a entre cet enseignement et celui des cathares ou albigeois de grandes ressemblances. Comme, néanmoins, les vaudois eurent toujours soin de se distinguer des cathares, on est amené à croire que les cathares essayèrent de les attirer à eux, mais que les vaudois ne consentirent à admettre de la doctrine cathare que ce qui leur parut fondé sur les Écritures. La Bible était, en effet, pour eux la norme suprême de la foi et de la vie, norma docendi et Vivendi. Ce ne fut donc qu’à travers l’Écriture, telle qu’ils

la comprenaient du moins, que des analogies se réalisèrent entre leur théologie et la théologie cathare. Les points de ressemblance les plus évidents furent les suivants : 1° rejet de toute espèce de serment ; — 2° condamnation si rigoureuse du mensonge que tout mensonge était considéré comme péché mortel ; ’— 3° condamnation du service militaire et du métier des armes ; — 4° condamnation des tribunaux criminels et de la peine de mort, dans le domaine pénal ; — 5° identification de la perfection avec la pauvreté ; — 6° observation de trois jours de jeûne par semaine, les lundis, mercredis et vendredis ; — 7° négation du purgatoire et par suite de l’utilité des messes pour les morts et des prières à leur intention ; — 8° observation stricte des prescriptions faites par le Christ à ses apôtres, pour leur première mission. Matth., x, 6 sq. Il n’est pas jusqu’au nom de pauperes que les cathares ont parfois usurpé. On doit regarder comme invraisemblable que de si nombreuses ressemblances soient l’effet du hasard. Il y a donc eu influence certaine des cathares sur les vaudois, mais, comme nous l’avons observé, avec la limite de l’appel à la Bible.

Il convient de rechercher par conséquent les justifications bibliques invoquées par les vaudois.

1. Contre les serments.

« Et moi, je vous dis de ne faire aucune sorte de serment, etc. » Matth., v, 34 sq. Pour les vaudois, cette interdiction ne pouvait comporter aucune sorte d’exception. Alain de l’Isle, dans sa Summa quadripartita adversus hujus temporis hsereticos, P. L., t. ccx, col. 371 sq., composée vers 1202, est le premier témoin qui atteste cette particularité importante de l’enseignement vaudois. On n’est donc pas surpris de rencontrer dans la profession de foi imposée aux convertis de l’hérésie vaudoise, par Innocent III, en 1210 (lettres des 12 mai et 1 er juillet), une mention expresse de la licéité du serment : « Nous ne condamnons pas le serment, bien plus, nous croyons de tout cœur qu’il est permis de jurer avec vérité, en jugement et justice. » Denz.-Bannw. , n. 425.

2. Contre le mensonge : « Que votre langage soit : Cela est, cela n’est pas… ». Matth., ibid., 37. Naturellement, l’Église n’a jamais inculpé les vaudois au sujet de leur horreur du mensonge, encore qu’elle leur ait parfois reproché de dissimuler leurs croyances en fréquentant des églises dont ils critiquaient les usages et condamnaient le clergé. Mais la théologie morale catholique n’admet pas que tout mensonge soit également grave et elle enseigne qu’il est des mensonges où l’on ne doit voir que des péchés véniels.

3. Contre le service militaire et contre la peine de mort. — Ces deux points étaient rejetés par les vaudois en vertu du texte suivant du Sermon sur la montagne : « Vous avez appris qu’il a été dit aux anciens : « Tu ne tueras point, etc. » Matth., v, 21 sq. Ils insistaient sur la recommandation du Christ : « Accorde-toi au plus tôt avec ton adversaire, pendant que vous allez ensemble au tribunal… » Ibid., 25 sq.

Sans faire allusion directement au service militaire, la profession de foi d’Innocent III disait : « Au sujet du pouvoir séculier, nous affirmons qu’il peut, sans péché mortel, exercer un jugement portant effusion du sang ( judicium sanguinis), pourvu que, pour pratiquer la répression, il ne procède ni par haine ni avec imprudence, mais par jugement et avec modération (consulte). » Denz.-Bannw., . n. 425.

4. Contre les prières et messes pour les morts. — Il semble que les vaudois en soient venus à condamner cette pratique et le dogme du purgatoire, parce que le clergé catholique, en recevant des honoraires de messes ou des fondations pour les défunts, tirait de là des revenus que les vaudois estimaient contraires

à la pauvreté apostolique. Ce qu’ils attaquaient donc, en réalité, c’était le système régnant de sustentation du clergé. Disons à ce sujet que les vaudois ne pouvaient pas non plus esquiver le problème de la sustentation de leur propre clergé et qu’ils y pourvoyaient par des quêtes et des ofïrandes volontaires. Quoi qu’il en soit, les textes invoqués par eux contre le purgatoire et les prières pour les morts étaient les suivants : « La lumière n’est plus que pour un temps au milieu de vous. Marchez pendant que vous avez la lumière, de peur que les ténèbres ne vous surprennent. .. « Joa., xii, 35. — « Nous tous, il faut comparaître devant le tribunal du Christ, afin que chacun reçoive ce qu’il a mérité étant dans son corps, selon ses œuvres, soit bien, soit mal. » II Cor., v, 10. — « Au temps favorable, je t’ai exaucé, au jour du salut, je t’ai porté secours… Voici maintenant le temps favorable, voici le jour du salut. » Ibid., vi, 2. — « Pendant que nous avons le temps, faisons le bien envers tous et surtout envers les frères dans la foi. » Gal., vi, 10. Ils tiraient de là la conclusion que notre sort se règle ici-bas sans rémission ni changement, opinion qu’il est inutile de discuter ici, car chacun en voit l’inopportune application à la doctrine du purgatoire.

La profession de foi d’Innocent III disait à ce sujet : « Nous croyons au jugement qui se fera par Jésus-Christ et que chacun, selon ce qu’il aura fait dans la chair, recevra ou des peines ou des récompenses. Nous croyons que les aumônes, le sacrifice (de la messe) et les autres bénéfices peuvent être utiles aux fidèles défunts. » Denz.-Bannw., n. 427.

Il n’est pas douteux que c’était pour rencontrer la doctrine vaudoise de la pauvreté et des moyens de sustentation du clergé que la même profession de foi ajoutait : « Ceux qui restent dans le siècle et qui ont des propriétés, au moyen desquelles ils font des aumônes et d’autres bienfaits, nous croyons et confessons qu’en observant les préceptes du Seigneur ils seront sauvés. Les dîmes, prémices et oblations, nous croyons qu’elles doivent être payées aux clercs en vertu du précepte du Seigneur. » Ibid.

Au sujet de l’article du purgatoire, si étroitement lié, dans la pensée des vaudois, à celui de la pauvreté du clergé, il convient d’observer en terminant que les textes les plus anciens permettent de conclure à une certaine hésitation de la part des disciples de Valdès. Alain de l’Isle ne mentionne pas cette négation du purgatoire, dans son exposé de leurs erreurs. Selon Bernard de Fontcaud, qui écrivait vers 1188, ils étaient partagés à ce sujet. Les écrits postérieurs leur attribuent au contraire cette négation à tous. On a remarqué que, dans la profession de foi d’Innocent III, le mot de purgatoire n’est pas prononcé, ce qui serait surprenant si les hérétiques avaient ouvertement rejeté son existence. Ce fut donc par l’affirmation de l’impossibilité de venir en aide, par des prières, aux âmes des défunts, que le dogme fin purgatoire fut abordé et repoussé chez les pauvres de Lyon.

5. Contre tes indulgences.

Toutes nos sources signalent le rejet des indulgences par les vaudois. La profession fie foi d’Innocent III n’y touche que sous cette forme très générale : Aux pécheurs vraiment pénitents, nous croyons que le pardon est concédé par Dieu et nous communions très volontiers avec eux. » Denz.-Bannw., n. 421. Sans doute, dans ce texte, il s’agit avant tout du pouvoir d’absolution, mais la dernière partie de la phrase Implique le pouvoir d’octroyer des indulgences, car celles ci avaient pour résultat de remettre les pénitents dans la pleine

communion de l’Église.

6. Contre l’obéissance ecclésiastique au.r supérieurs

indignes. — Alain de l’Isle mentionne expressément cette opinion des vaudois que l’obéissance n’est due qu’aux membres du clergé qui mènent la vie des apôtres. Ce sentiment n’est qu’une extension de la doctrine donatiste que nous rencontrons aussi chez les vaudois, comme on va le voir.

7. Contre le pouvoir d’ordre proprement dit, indépendamment du mérite de celui qui le possède. — Les vaudois rejetaient totalement le pouvoir d’ordre. Non seulement ils s’attribuaient à eux-mêmes le droit de baptiser, de confirmer, de consacrer l’eucharistie, d’ordonner, de confesser et d’absoudre, en raison de leur seul mérite et sans avoir reçu aucun ordre catholique, mais ils refusaient ce même droit aux prêtres et évêques catholiques ne pratiquant pas ce qu’ils considéraient comme la pauvreté apostolique obligatoire. Alain de l’Isle leur prête cette formule : Magis operatur meritum ad consecrandum vel benedicendum, ligandum et solvendum, quam ordo vel o/ficium. Il ne semble pas toutefois qu’ils soient arrivés dès le principe à un donatisme complet. Ce qui l’indique, c’est que, tout en prêchant un anticléricalisme agressif et en décriant les mœurs du clergé catholique, trop riche à leur gré, ils ne s’opposaient pas à ce que les amis de leur secte continuassent à fréquenter les églises catholiques et à recevoir les sacrements, sauf, autant que possible, celui d’eucharistie. Mais la profession de foi qui est imposée aux convertis vaudois, par Innocent III, est très explicite sur ce point : « Les sacrements qui y sont célébrés (dans l’Église catholique), avec la coopération et l’inestimable et invisible vertu du Saint-Esprit, bien qu’ils soient administrés par un prêtre pécheur, pourvu qu’il soit approuvé par l’Église, nous ne les réprouvons aucunement et nous ne rejetons rien des offices ecclésiastiques ni des bénédictions accomplies par ce prêtre, mais nous les acceptons comme ceux d’un prêtre très juste, avec un cœur sincère, car la malice d’un évêque ou d’un prêtre ne nuit pas au baptême d’un enfant, pas plus qu’à la consécration de l’eucharistie ni à la célébration des autres offices ecclésiastiques envers leurs sujets. » Denz.-Bannw., n. 424.

Un peu plus bas, la même profession revient à la charge, à propos du sacrement de l’eucharistie, i dans lequel, dit-elle, nous croyons que rien de plus grand n’est accompli par un bon prêtre, ni rien de moins par un mauvais, parce que tout s’y passe non par le mérite du consécrateur mais par la parole du Créateur et la vertu du Saint-Ksprit. » Ibid.

Puis, le texte affirme la nécessité absolue du pouvoir d’ordre pour consacrer et cela en termes si énergiques, que l’on doit regarder ce point comme l’un des principaux griefs de l’Église contre les vaudois : « C’est pourquoi nous croyons et confessons ferme ment que, si honnête, religieux, saint et prudent que l’on soit, on ne peut ni ne doit consacrer l’eucharistie ni célébrer le sacrifice de l’autel, à moins d’elle prêtre, régulièrement ordonné par un évêque visible et tangible. » Ces derniers mots sont une allusion évidente à la prétention de Valdès d’avoir été ordonné par la puissance invisible de Dieu. Pour cet office (la sainte messe), poursuit le document, trois choses, selon notre foi, sont nécessaires : à savoir une certaine personne, c’est-à-dire un prêtre, comme il a été dit, constitué par un évêque pour cette fonction propre, et les paroles solennelles qui ont été inscrites par les Pères dans le canon et l’intention fidèle de l’officiant. Aussi, croyons-nous et déclarons-nous fermement que quiconque, sans avoir reçu l’ordination épiscopale, comme nous l’avons dit. croit et soutient qu’il peut accomplir le sacrifice de l’eucharistie, est hérétique, participant de la perdition de C.oré et.le 259 !

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ses complices et doit être rejeté de toute l’Église romaine. » lbid.

8. Sur le droit de prêcher des laïques.

En dehors du pouvoir d’ordre, l’Église professe qu’il existe un pouvoir de juridiction et que nul ne doit exercer un office religieux sans une mission régulière, émanant d’une autorité reconnue dans l’Église. Les pauvres de Lyon, au contraire, à la suite du refus d’autorisation qui leur avait été opposé au concile du Latran, en 1179, cherchaient à s’attribuer le droit de prêcher en s’appuyant sur les Écritures. Le droit de prêcher des laïques et même des femmes leur paraissait établi par les textes suivants : « Celui qui sait faire ce qui est bien et ne le fait pas commet un péché », Jac, iv, 17. — « Et l’Esprit et l’Épouse disent : « Venez ! » Que celui qui entend dise aussi : « Venez ! » Que celui qui a soif vienne. Que celui qui le désire prenne de l’eau de la vie gratuitement ! » Apoc, xxii, 17 ; — le passage de Marc, ix, 37-39, où le Christ, répondant à Jean qui lui signalait un homme chassant les démons sans être de la suite de Jésus, dit : « Ne l’empêchez pas, car personne ne peut faire de miracle en mon nom et aussitôt après mal parler de moi ! » — « Quelques-uns, il est vrai, prêchent aussi Jésus-Christ par envie et par esprit d’opposition, mais d’autres le font avec des dispositions bienveillantes », Phil., i, 15 ; — « Plût à Dieu que tout le peuple de Jahvé fût prophète et que Jahvé mît son esprit sur eux ! » Num., xi, 29. — Plus spécialement, en faveur des sœurs prêchantes, ils en appelaient au passage de l’épître à Tite, ii, 3, où saint Paul parle des « femmes âgées » qui doivent être de « sages conseillères, capables d’apprendre aux jeunes femmes à aimer leurs maris et leurs enfants » ; — et ils alléguaient l’exemple donné par saint Luc, ii, 38, d’Anne, fille de Phanuel, qui, « survenant à cette heure, se mit à louer le Seigneur et à parler de l’Enfant à tous ceux qui, à Jérusalem, attendaient la Rédemption ». On a dit toutefois que les sœurs ne furent jamais très nombreuses dans le ministère de la prédication. A partir du début du xive siècle, dans la branche française, on renonça à leur confier aucun ministère et, dans la branche lombarde, elles vécurent, à la façon des béguines, dans des maisons hospitalières.

Cette prétention au pouvoir de prêcher, sans mission régulière, fut condamnée avec force, dans la profession d’Innocent III, puis au concile du Latran, de 1215. Dans la profession, on lit ces lignes : « Nous croyons que la prédication est très nécessaire et louable, mais qu’elle doit être pratiquée par l’autorité et avec la licence du souverain pontife ou la permission des prélats. » Denz-Bannw, n. 426. Le décret contre les vaudois, au c. m du concile du Latran, dit : « Comme certains, sous prétexte de piété, mais rejetant, selon le mot de l’apôtre, sa vertu, s’arrogent le droit de prêcher, alors que le même apôtre déclare : « Comment prêcheront-ils, « s’ils ne sont envoyés ? » tous ceux qui, en ayant reçu l’interdiction ou n’en ayant pas mission, en dehors de l’autorité émanant du Siège apostolique ou de l’évêque catholique du lieu, auront osé usurper, publiquement ou de manière privée, l’office de la prédication, sont frappés d’excommunication cl, à moins de résipiscence aussi prompte que possible, punis des autres peines convenables. » Denz-Bannw, n. 434.

En dehors des divers articles que l’on vient de résumer, il semble que l’on ait reproché, sinon à tous les vaudois, du moins à certains d’entre eux de professer des opinions nettement dualistes, empruntées de toute évidence aux cathares : « Nous croyons que le diable n’est pas mauvais par sa condition originelle, mais qu’il l’est devenu par son libre-arbitre. Nous croyons de cœur et confessons de bouche que la

résurrection se fera dans cette chair que nous portons et non dans une autre. » Denz-Bannw, n. 427.

Ces deux propositions imposées aux convertis de l’hérésie vaudoise, par Innocent III, n’ont pas dû être rejetées par l’ensemble de la secte, mais seulement par les éléments plus ou moins infectés de catharisme.

Dans la proposition au sujet du mariage, on discerne un élément cathare et un élément vaudois proprement dit : « Nous ne nions pas que les mariages charnels doivent être contractés, selon l’Apôtre, mais nous interdisons absolument de rompre ceux qui ont été régulièrement contractés. » lbid., 424 fin. On sait, en effet, que les cathares condamnaient le mariage, tandis que les vaudois, sans le condamner, croyaient pouvoir le dissoudre, par le simple fait de l’entrée de l’un des conjoints dans la société des maîtres ou des maîtresses. C’est encore à une contamination cathare qu’il faudrait attribuer, chez les vaudois, le végétarianisme intransigeant. Mais ils ne l’ont jamais professé officiellement. La profession de foi contient pourtant la phrase suivante : « Nous n’incriminons à aucun degré la manducation des viandes. » lbid., n. 425. Cette même profession, dans sa première partie, prenait la peine de rappeler les principaux mystères de la foi : trinité, création « ex nihilo », incarnation, Église, septénaire sacramentel, lbid., n. 420, 421, 422, 423, 424. Ce n’est pas, croyons-nous, que l’on eût, en général quelque chose à leur reprocher sur ces divers points, si ce n’est une habituelle négligence à parler du dogme, dans leurs discours, en se renfermant dans les points spéciaux admis par la secte. On a dit que leurs sermons ne roulaient que sur les thèmes favoris de la pauvreté apostolique, sur le serment, le mensonge, etc.

La profession de foi insiste pourtant sur un point qui est à noter : « Nous croyons de cœur et confessons de bouche, disait-elle, qu’il n’existe qu’une Église, qui n’est pas celle des hérétiques, mais la sainte Église romaine, catholique et apostolique, en dehors de laquelle il n’est point de salut. » lbid., n. 432. La secte vaudoise ne paraît cependant pas avoir condamné, en bloc, tous les membres de l’Église catholique, du moins au début, mais, sous la pression de la persécution, elle y arriva très vite. Les documents inquisitoriaux, tels que la Practica inquisitionis de Bernard Guy, composée vers 1321, donnent de la secte vaudoise, au début du xive siècle, la description suivante : 1° le costume apostolique, robe longue et sandales, a disparu comme trop dangereux ; — 2° Les vaudois constituent dès lors une société secrète. Ses membres circulent sous les déguisements les plus divers, pèlerins, pénitents, barbiers, savetiers, ouvriers agricoles, colporteurs surtout, voire jongleurs ; — 3° Ils sont devenus les ennemis acharnés de l’Église catholique. Ils ne la regardent plus que comme l’ecclesia malignantium, la maison du mensonge, parce qu’elle autorise les serments et n’impose pas à son clergé la pauvreté apostolique ; — 4° Ils lui dénient le droit d’exiger l’obéissance, d’excommunier les délinquants, d’administrer les sacrements par ses prêtres, encore que sur ce point, devant les tribunaux, il leur arrive de faire des concessions ; — 5° Ils refusent d’admettre les miracles des saints et leur intercession pour les catholiques, ne veulent au surplus conserver que le culte de la sainte Vierge, en rejetant tous les autres saints ; — 6° Ils prétendent constituer seuls la véritable Église, hors de laquelle il n’y a pas de salut.

Enfin, il faut signaler deux particularités de moindre importance, dans la doctrine vaudoise : la première, c’est l’affirmation de la supériorité de la prière dite en secret dans une chambre à celle qui

est faite en public dans les églises, en vertu du texte connu de l’Évangile : « Quand tu pries, entre dans ta chambre et prie Dieu dans le secret… » Matth., vi, 6 ;

— la seconde, c’est l’usage presque exclusif du Pater comme prière en toute circonstance, selon la recommandation du Christ. Ibid., 9-13.