Dictionnaire de théologie catholique/UNITÉ DE L'ÉGLISE IV. La théologie orthodoxe

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant, Eugène Mangenot, Émile AmannLetouzey et Ané (Tome 15.2 : TRINITÉ - ZWINGLIANISMEp. 340-343).

IV. La théologie orthodoxe.

Pour mieux saisir sa position, on se rappellera que 1’ « autocéphalisme est, actuellement du moins, le régime adopté par les Églises orientales séparées. La formation des petits États balkaniques et les remaniements Icrri-Luiaux consécutifs à la guerre de 191 1 (sans compter ceux qui sotit encore a venir) ont obligé les Orientaux à considérer que chaque nation ou chaque Étal indépendant forme le cadre local d’une Église autonome. Pour juslilier cette conception, on s’appuie sur le canon 3 1 des apôtres et le canon !) du concile d’Ande 311. d’après lesquels les évêques de (ha que nation, to’je ê7riox67rouç bcâcrrou £6vouç le concile d’Antioche dit : toùç xocO’êx&rrrfv èrcap%lav tmaxânouç, les évêques de chaque province doivent se grouper autour du métropolitain et ne rien décider sans lui. Le 28e canon île (’.halcédoine joue aussi un rôle important. Automatiquement donc, quand la puissance politique est modifiée. l’Église BUtOCéphale se modifie dans les mêmes limites. Le phylétisme proprement dit traduit E8vouç par « race » ; et c’est ainsi que, même avant son indépendance politique, la Bulgarie a cru pouvoir se constituer en Église autonome. L’Église autocéphale est gouvernée par le synode s’assemblant autour du patriarche ou du métropolite. Cf. Jugie, Theologia dogmalica christianorum orienlalium, t. iv, p. 242.

1° Affirmation du principe de V unité dans l’Église, chrétienne. —

Les anciens Byzantins s’en tiennent aux formules générales : unité par la charité et par la foi. Voir Théophylacte, dans ses commentaires In / am Cor.. xii, 12 sq. ; In Eph., c. iv, 3 sq., P. G., t. cxxiv, col. 713 D sq. : 1080 O sq. Plus tard, les partisans de l’union des Églises insisteront surtout sur les points doctrinaux qui séparent l’Église romaine des Églises orientales. Cf. Beccos, De unione ecclesiarum, P. G., t. cxli, col. 16 sq. ; Constantin de Mélitène, De processione Sp. S., or. i, ibid., col. 1032 C sq. ; Georges Metochitc, fragni., ibid., col. 142(1, 1 121. Syméon de Thessalonique toutefois, dans son commentaire sur le symbole, rappelle e.r professo ce que doit être l’unité de l’Église, unité fondée sur les apôtres et les prophètes : une seule foi, un seul baptême, un seul Christ, pierre angulaire de l’Église. Éont partie de cette unité tous ceux qui, avec Pierre et les autres apôtres, confessent le Christ. P. G., t. c.i.v, col. 796 BD.

Chez les modernes et les contemporains, on retrouve des formules analogues, mais avec des nuances assez divergentes. On ne peut rappeler que pour mémoire la conception quasi protestante de l’unité de l’Église (et de l’Église elle-même) chez Cyrille Lucar († 1638), voir ici t. viii, col. 1011. Dans son Grand Catéchisme (1627), Laurent Zizanij déclare l’Église une, parce qu’elle est fondée sur le seul esprit du Christ, sur la même foi, conservant les mêmes dogmes, les mêmes sacrements et parce qu’elle est dirigée par le même chef, le Christ. Cf. Ilinskij, dans les Trudij de Kiew, 1808, n. 1, t. ii, p. 252. Sur ce catéchisme, voir ici t. xiv, col. 280. Au xviir 3 siècle, Théophylacte Gorskij, dont on sait les tendances protestantes en matière d’ecclésiologie. voir ici I. xiv. col. 355, emploie des formules assez vagues : « L’unité requiert l’unité du corps, du chef, de l’Esprit, de la foi et de la charité ; mais indépendamment de l’aposlolicité, elle ne suffît pas à l’aire connaître l’Église, < Orthodoxie orientalis Eeelesia dogmata, Moscou, 1831, p. 273. Philarète DrozdOV, voir l.xii, col. 1370 sq., a donné, dans son célèbre Catéchisme, où, malgré les corrections, les tendances prokopoviennes subsistent encore dans l’ecclésiologie, l’explication suivante touchant le 10’article du symbole : L’unité de l’Église est essentiellement interne et invisible ; l’Église est un corps spirituel, ayant le Christ pour chef unique et possédant le même Esprit de foi et de grâce. Extérieurement et visiblement, cette unité s’affirme dans la profession de la même foi et la communion dans les prières et les sacrements. Catéchisme, 3’éd., Moscou, 1839. Avec Khomjakov (+ 1860), l’obscurité et l’Imprécision des Formules s’accentue encore. Pour cet auteur, la véritable Église est un corps vivant, le corps du Christ, aimé, vivifié, inspiré par le Christ et par le Saint-Esprit. Inutile de distinguer entre Église visible et Église invisible : cette distinction n’existe que pour les hommes et d’une manière tout accidentelle ; elle n’existe pas pour Dieu. On concilie ainsi, dans la vraie Église, la liberté et l’unité, les protestants ayant sacrifié l’unité à la liberté ; les romains, la libelle a l’unité. Ainsi. l’Église du Christ :

C’est l’unité dans la pluralité… ; c’est l’Eglise qui est selon tous un selon l’unité dr hms. I’Eqlisr de l’unanimité libre, de l’unanimité parfaite, l’Église ou il n’y a plus de i.iMs ni dr Barbares, où il n’y a plus de différences de conditions, plus de maîtres ni d’esclaves… Siilnirnoi, ce mot renferme toute une profession de foi… L’Eglise dis apôtres, au ix p siècle, n’est ni l’Église jcaOéxairov (selon chacun) comme chez les protestants, ni l’Église xa-rx rbv È7tSTX07tov rf, î l’i.iu.’, : > comme chez les latinisants ; mais c’est l’Église xaB’ô'Xov (selon l’unité de tous), comme elle l’a été avant le schisme occidental, et comme elle l’est encore chez ceux que Dieu a préservés du schisme. » L’Église lutine et le protestantisme, Lausanne, 1872, p. 391400. Outre les références indiquées, t. xiv, col. 361-362, voir l’opuscule Cerkov odna (l’Église une) dans Œstliehes Christentum, Munich, 192.">, t. ii, p. 3 sq. Cf. ici t. xiv, col. 36ô. On consultera également la thèse de A. Gratieux, A. S. Khomiakov et le Mouvement slauophile, Paris, 1939, t. ii, Les doctrines, c. v, p. 116 sq.

Beaucoup d’auteurs récents partagent les idées de Khomjakov. Ainsi Nicolas Malinovskij, dans son manuel Pravoslavnoe dogmaticeskoe bogoslovie, t. ii, Stanropol, 1903, p. 219-220, retient comme essentielle l’unité invisible, se manifestant extérieurement par la même profession de foi, par l’unité de culte et de sacrements, par l’unité de hiérarchie (subordination des fidèles et des prêtres à l’épiscopat) et de gouvernement (soumission aux canons ecclésiastiques). Dans ces limites, les Églises particulières peuvent se multiplier sans nuire à l’unité générale. On trouve des idées analogues chez Alex. Lebedev, dans le 3e vol. de ses polémiques antiromaines, voir ici t. xiv, col.364, O glavenstvie papy (la primauté du pape), Saint-Pétersbourg, 1903, p. 105 sq. ; chez Eugène Akvilonov, Cerkov (l’Église), Saint-Pétersbourg, 1894, p. 241 ; Melosoras, Zu[j.60Xtxy), 2e éd., Athènes, t. ii, p. 14.

Tous ces auteurs ont plus ou moins subi l’influence protestante. Avec Macaire Bulgakov († 1882), mort métropolite de Moscou, le retour à la tradition est nettement marqué. Pour Macaire, l’Église est une : 1. par son origine et sa fondation, le Christ n’ayant voulu instituer qu’une seule Église ; 2. par sa structure externe et interne : externe, les croyants se divisant en pasteurs et brebis, supérieurs et inférieurs, entre lesquels existe l’unité de foi, d’espérance et de charité ; interne, tous unis entre eux sous le même chef, le Christ, et ne formant qu’un seul corps et un seul Esprit ; 3. par la foi, et ainsi tous doivent être avec le Christ et entre eux-mêmes consommés dans l’unité. Théologie dogmatigue orthodoxe, tr. fr., Paris, 1859-1860, t. ii, § 178, p. 235-236. Voir, dans le même sens, Antoine Amfiteatrov de Kiew (cf. t. xiv, col. 357), Dogmaticeskoe bogoslovie pravoslavnoi katholiceskoi voslocnoi Cerki, Kiev, 1848, édit. grecque, Athènes, § 275, p. 326 ; Khamoudopoulos, ’OpOoSoÇoç ^pioTiavtxY) xaTV)77]0°i< ;, Athènes, 1893, p. 66.

De Macaire, il faut rapprocher Philarète Gumilevskij, archevêque de Cernigov. Pour lui, l’unité de l’Église comporte : 1. l’unité de foi ; 2. l’unité de sacrements ; 3. l’unité de l’Esprit dans la charité fraternelle ou dans la communion. Elle ne requiert pas l’unité de rite ou d’institutions ecclésiastiques. Les Églises particulières ne cessent pas de faire partie de l’Église véritable du Christ, tant qu’elles retiennent la même foi, les mêmes sacrements, le même esprit d’amour. Pravoslavnoe dogmaticeskoe bogoslovie, Cernigov, 1865, t. ii, p. 228-233.

Le canoniste serbe N. Milasch expose sensiblement la même doctrine. L’unité de l’Église universelle implique : 1. l’unité de foi dans les Églises particulières ; 2. l’unité de communion ecclésiastique conformément aux canons ; 3. l’unité de discipline selon la direction et le but imposés par les saints canons. Un chef visible, numériquement un, est impossible, car son existence s’opposerait à l’unité du chef invisible, Jésus-Christ. Ainsi l’unité de l’Église est spirituelle. D’ailleurs, dès le début, les Églises particulières furent indépendantes les unes des autres dans leur gouvernement : toutefois l’unité de communion exige que les décrets légitimes d’une Église soient reconnus

comme valables par les autres. Droit ecclésiastique de V Église orthodoxe orientale (en grec : To bLvXtyv.i.n-.vL’ri SUatov), Athènes, 1906, part. II, § 51, p. 290-298 passim.

Le russe J. Ossinin exige l’unité de foi, des sacrements, de la vie sociale et de la prière. Des propriétés essentielles et du rôle général de l’Église du Christ (en russe) dans Khristianiskoe Cfenie, 1862, t. i, p. 522523. Le grec Andrutsos fonde l’unité de l’Église sur l’unité de foi et de gouvernement. L’unité de foi comporte aussi l’unité de culte, le culte s’appuyant sur une base dogmatique. L’unité de gouvernement implique l’obéissance des fidèles à leurs pasteurs hiérarchiques, mais non à une autorité suprême et unique, à laquelle seraient soumises les Églises particulières. AoypotTix/ ;, Athènes, p. 274. On notera qu’Andrutsos n’admet pas que l’unité de foi se réduise, comme le veulent certains protestants, aux seuls articles fondamentaux. Voir ce mot, 1. 1, col. 2025. Pour Baphidès, l’Église est une parce que ceux qui la constituent, unis au Christ par la même foi, sanctifiés par les mêmes sacrements, persévèrent sous le régime spirituel des pasteurs et docteurs du Christ, ne faisant qu’un seul corps avec le Christ pour chef. Qu’un de ces éléments vienne à manquer, et ce n’est plus la vraie Église, ’OpôoSo^oç ypiazioLvinr, y. r xTr l yr l ai.ç, 2e éd., Constantinople, 1886, p. 78. Beaucoup d’auteurs de catéchismes mentionnent également l’unité de foi. Cf. Wladimir Guetté, Exposition de la doctrine de l’Église catholique orthodoxe, Paris, 1884, p. 101 ; Bernardakis, ’Iepà xaTTj’/vjo-iç, 3e éd., Constantinople, 1876, p. 142 ; C. G. Koidakis, KoLzriyrjmç, p. 63.

Application des principes.

1. À l’Église romaine.

— L’Église romaine, affirment les orthodoxes, par l’introduction de nouveautés dogmatiques et disciplinaires a brisé l’unité de l’Église. L’obédience du pape de Borne constitue le « schisme occidental ». Les déclarations du patriarche Dosithée, l’un des plus énergiques défenseurs de l’orthodoxie orientale sont significatives à cet égard. Voir ici t. iv, col. 1788. On ne pouvait introduire des dogmes nouveaux, sans briser l’unité de foi, qu’à la condition de recourir à l’autorité du concile œcuménique ou à la consultation de l’Église orientale. Cf. Philarète Gumilevskij, op. cit., p. 232 ; Macaire, Introduction à la théologie orthodoxe, 6e éd., Saint-Pétersbourg, 1897, p. 408 sq. ; Philarète Drozdov, Dialogues sur l’orthodoxie, v, (tr. grecque), Athènes, 1853, p. 53 sq. ; A. Lebedev, op. cit., p. 116-117. De plus, au cours des âges, les papes ont enseigné des doctrines différentes, et les opinions des théologiens scolastiques sont innombrables. Scot ne s’est-il pas posé en adversaire de saint Thomas ? Cf. Nectaire de Jérusalem, tïepi àpyîjç toù roxTra, tr. anglaise, Londres, 1802, p. 362. L’unité dont peut se réclamer Borne est tout externe, fondée sur une obéissance aveugle au pape ; la foi, au contraire, est une libre adhésion de l’esprit et les membres de l’Église romaine n’ont pas cette liberté. A. Lebedev, O glavenstvie papy (la primauté du pape), Saint-Pétersbourg, 1903, p. 111.

2. À l’Église orthodoxe.

Par contre, l’Église orientale a conservé l’unité dont le Christ a voulu que soit dotée l’Église. Cette affirmation revêt une forme absolue chez certains auteurs, anciens et modernes, de tendance traditionnelle. Citons : Barlaam deCalabre, De primatu papæ, c. xvi, P. G., t. eu, col. 1278 ; Georges Scholarios, Brève apologie des adversaires de l’union, n. 6, cf. n. 12, dans Œuvres complètes, t. iii, Paris, 1930, p. 85-86, 95 ; Nectaire de Jérusalem, lequel considère les Latins comme des hérétiques, mais, pour des raisons d’opportunité, non condamnés, op. cit., tr. angl., p. 125-126 ; Platon Levkhin, Pravoslavnoe ucenie (Orthodoxa doclrina), Saint-Pétersbourg, 1765, tr. grecque, Athènes, 1836, part. II, § 28, p. 130 ; Macaire (Hulgakov), qui affirme le caractère hérétique de toutes les Églises chrétiennes en dehors de l’Église gréco-russe ; à l’Église orientale seule conviennent les quatre notes du symbole. Introduction…, p. 408.

Cette preuve par les quatre notes est indiquée par Eugène Bulgaris († 1806), dans son ©goXof cL&v, Venise, 1872, p. 48-55 ; Athanase de Paros († 1813), ’EiriTOfiT) tûv Oîûov BoYfiiTwv, Leipzig, 1806, p. 35-36 ; le russe Pierre Ternovskij, Théologie dogmatique (en russe), Moscou, 1838. L’unité de foi, de sacrements, de culte, de discipline, de hiérarchie (avec un seul chef invisible, le Christ), de communion entre les pasteurs, est jointe aux autres notes par Antoine Amfiteatrov, op. cit., § 275-276, p. 325-327 ; Philarète Gumilevskij, op. cit., ErciTOfiT, , p. 228-249 ; N. Malinevskij, op. cit., t. ii, p. 218, 231, 296 ; Lebedev qui, avec Malinovskij, s’appuie sur la triple unité de foi, de culte, de discipline conforme aux saints canons (dans son livre sur La primauté du pape, p. 108-109, 323-333) ; Mesoloras, op. cit., p. 68-69 ; les catéchismes de Khamoudopoulos, p. 68-69 ; Sp. Sungras, ’( p6ô80 ?oç, _piTT.avsv.ri LaT.vP, Tsç, Athènes, 1909, p. 54-55.

Cet absolutisme est atténué chez d’autres auteurs, plus spécialement chez les contemporains. Déjà, en effet, vers le milieu du xixe siècle, un grand nombre de théologiens confessent que l’Église gréco-russe n’est qu’une partie de l’Église universelle du Christ. Ils se réfèrent à l’ancienne doctrine orientale de l’Église catholique divinement constituée en cinq patriarcats. Le patriarcat occidental faisant défaut, l’Église n’a plus son unité. Ils reconnaissent donc implicitement que l’Église gréco-russe n’est qu’une partie de l’Église universelle. Le patriarche Joachim II, dans des lettres synodales contresignées par douze métropolites (1801) appelle les Églises occidentales des « Églises sreurs ». Cf. Svêtlov, La question des vieux-catholiques dans sa nouvelle phase, dans Véra i razum, 1904, t. i, p. 307. Philarète Drosdov, dans ses Dialogues…, p. 19, 25, 47, 53, tient la même doctrine et même, p. 86-87, montre assez de bienveillance pour l’Église latine. Voir ici t.xii, col. 1388. Même sentiment et même vœu pour l’unité chez N. A. Muraviev, Parole de l’orthodoxie catholique au catholicisme romain, tr. fr., Paris, 1853, p. 36-37. Platon Gorodetskij († 1891), métropolite de Kiev, compare l’Église universelle à un vaste temple : les Églises particulières sont des chapelles, séparées entre elles par de simples claies et se rejoignant dans l’unique voûte. Voir le texte dans Revue internationale de théologie, 1903, p. 568. Cf. Anatole Marlinovskij († 1872), archevêque de Mohilev, Les relations de l’Eglise romaine aux autres églises chrétiennes et à tout le genre humain, 2 vol., Saint-I’et ersbourg, 1857, 1861, t. i, j). 7 : t. ii, p. 316 s(|. (tr. italienne. Home, 187 1). I. Sto’ianov comprend expressément l’Église romaine dans l’Église universelle. Nos nouveaux philosophes et théologiens, dans Vira i razum. 1885, t. i, p. 180-191.

Et même parmi les partisans d’une opinion moins bienveillante pour l’Église romaine, plusieurs sem blent accepter que l’union des deux Églises, orientale Bl Occidentale, serait nécessaire pour la tenue légitime d’un concile œcuménique. Cf. A. Lebedev, Le clergé de l’ancienne Église œcuménique (en russe). S : iini Pétersbourg, 1905, p. 245-246 ; Mesoloras, Eu_x60Xodj, t. n (2 « éd.), p. 26-27. 32-3 1. 38, 39 ; V. Maltzev, Dogmatische ErOrterungen zur Einfûhrung in des Verilàndniss der orthodox-kathnlischen Aufjassung in ilirem Verhûllniss zur rômischen und protestantischen, Merlin. 1893 ; J.-B. P.obni. L’Église orthodoxe gréco

russe, Paris, 1897, p. 86-87 ; Sakellaropoulos, ’ExxXn-OMttrnxov Slxatov, Uhènes, 1898, p. 8-9, 16, 23. Certains catéchismes enseignent expressément que

l’Église universelle est aujourd’hui partagée en deux : l’orientale et l’occidentale. Cf. Gegle, ’Op0680^o< ; -/pi.cmavi.y.T) xaT/jy/jaiç, Patras, 1899, p. 61-62 ; J. E. Mesoloras, ’OpOoSoÇoç xpicmavix7_ xa-y_)_7_crt, < ;, 3e éd., Athènes, 1891, p. 6 (catéchisme approuvé par le Saint-Synode d’Athènes).

Cette tendance à une tolérance plus universelle s’est accentuée lorsqu’il fut question d’admettre les vieux-catholiques dans la communion de l’Église russe. Sans doute, le parti des intransigeants s’affirma derechef. Dans sa réponse au patriarche œcuménique Joachim III (1903). le Saint-Synode de Pétersbourg professe que seule l’Église gréco-russe est l’Église universelle du Christ. Cf. Cerkovnyia Yiedomosti (1903), n. 23-24. Ce point de vue est partagé par les théologiens A. -Th. Gusev (de Kazan), V. A. Kerenskij, Serge, évêque de Finlande. Pour la bibliographie concernant cette controverse, voir ici t. xiv. col. 370371 (§ 8). La plupart des catéchismes grecs, on l’a vii, adhèrent à l’opinion intransigeante. Cf. Hernadakis, op. cit., p. 144 sq. ; Khamoudopoulos, op. cit., p. 73. Dans son encyclique (1895), le patriarche oecuménique Anthime VII proclame que seuls les chrétiens d’Orient forment le corps du Christ et que l’Église est constituée par l’agglomération des Églises autocéphales. Mais nombreux sont aussi ceux qui acceptent comme membres de l’Église même les chrétientés non romaines d’Occident, vieux-catholiques, anglicans ou protestants. Citons : V. Bolotov, I.-L. Janisev, le général A. Kireêv, Sokolov et Bêljæv de Moscou et Svêtlov de Kiev. Voir ici t. xiv, col. 363-364. Ce dernier auteur va jusqu’à affirmer qu’ « une division dans la foi et une erreur dogmatique n’est pas une séparation d’avec l’Église : outre l’unité de foi visible, qui s’exprime par l’unité de confession "extérieure, il peut exister dans l’Église même une unité invisible ». Bogoslovskii Yiestnik, 1905, t. i, p. 703. Svêtlov a beaucoup contribué à propager cette conception libérale de l’unité de foi dans l’Église. Dans sa Doctrine de la foi chrétienne apologéliquement exposée, il place l’unité de foi dans les seules croyances communes aux différentes confessions chrétiennes. Pour lui, le caractère hérétique d’aucune Église occidentale n’a été démontré et ne peut être démontré. Le défaut d’unité visible ne nuit pas à l’unité invisible. Donc, toutes les confessions chrétiennes appartiennent à la vraie Église, dont la partie la meilleure se trouve dans l’Église gréco-russe. Viennent ensuite l’Église catholique romaine, puis l’anglicanisme, puis le protestantisme.

Toutes ces confessions peuvent conduire les hommes au port de l’éternité ; mais l’Église russe le fera à la manière d’un grand transatlantique construit en Angleterre ; l’Eglise romaine, comme un paquebot à vapeur construit en Russie ; l’anglicanisme, à la façon d’un bateau apte à descendre le cours du Volga ; le protestantisme, comme un petit voilier marin ; les différentes sectes comme de simples nacelles ou bouées ; enfin, ceux qui ne se rattachent à aucune Église pourraient être assimilés à des nageurs se fiant à leurs propres forces et qui seront heureux de trouver quelque navire pour atteindre le rivage. Op. cit., 3° étlil., Kiev, 191(1, I. I, p. 208-209, 225-226.

Hicy quc le théologien grec Diomedes Kyriakos ait

reconnu les vieux -cal ludiques comme faisant partie de l’Église, cf. Hev. internat, de théologie, 1903, p. 725727, la conception libérale de Svêtlov a trouvé peu d’écho en dehors de Russie.

Mais on ne sera pas étonné que les orthodoxes, de l’Église russe principalement, aient accepté de collaborer avec les anglicans et les protestants dans les

conférences tenues à Stockholm et a Lausanne en vue

de l’union des Églises. Dans son récent volume sur

L’orthodoxie, Paris, 1933, s. Boulgakov expose ainsi leur point de vue : « La participation de l’orthodoxie à ce mouvement ne signifie pas du tout qu’elle puisse renoncer en quoi que ce soit à sa tradition ou qu’elle puisse accepter un compromis… L’orthodoxie est présente aux conférences de ce mouvement pour témoigner de la vérité. « P. 268.

3° Conclusion. Les arguments tendant à prouver que L’Église romaine a brisé l’unité sont bien faibles. Une question préjudicielle, qui dépasse le cadre de cet article, devrait être examinée : qui est responsable du schisme qui sépare actuellement l’Occident et l’Orient ? Pourquoi l’union scellée à Lyon et à Florence n’a-t-elle pas duré ? L’Église romaine a-t-elle contrevenu en quelque manière aux décisions prises d’un commun accord en ces deux conciles ? Ces questions une fois résolues, les théologiens orthodoxes devraient montrer en quoi les papes se sont contredits dans l’enseignement des vérités relevant du magistère infaillible. Si des disciplines nouvelles ont été instaurées, il conviendrait d’en faire voir l’illégitimité. Et enfin, ce n’est pas parce que les théologiens catholiques sont en désaccord sur des points libres que l’unité de la foi est rompue. C’est là un reproche tout à fait immérité, surtout de la part des orthodoxes qui, sur des points bien plus importants, sont entre eux en désaccord beaucoup plus grave.

Si de la défense, nous passions à l’attaque, nous pourrions faire observer que l’unité, telle que la conçoivent les orthodoxes, ne répond pas pleinement au concept que nous en donne l’Évangile et aux exigences de la saine raison. Sans doute, entre les Églises autocéphales, il existe une certaine unité spécifique ; mais cette unité dans une ressemblance de gouvernement ne leur confère pas une réelle unité de gouvernement. Une ressemblance de constitution n’établit pas pour autant une réelle unité entre différents pouvoirs civils. Théoriquement sans doute, il y aurait, comme clef de voûte dans cette unité, le concile œcuménique ; mais, en fait, cette autorité suprême n’existe plus en Orient depuis le ixe siècle. L’autocéphalisme a tué radicalement tout centre d’unité et, très particulièrement en Russie, les tsars ont été, en fait, les chefs suprêmes de l’Église. Avant la séparation politique des États balkaniques, le patriarcat de Constantinople avait encore sur tous les chrétiens de l’Empire ottoman une certaine autorité effective ; mais aujourd’hui, après les remous politiques des xixe et xxe siècles, l’Église gréco-russe n’est plus une par son gouvernement extérieur et visible. Elle n’est plus constituée que d’Églises particulières indépendantes, qu’aucune autorité effective ne peut maintenir en communion permanente. En bref, l’Église orientale n’a pas par elle-même l’unité ; elle dépend du pouvoir civil.

L’unité de foi se réduit de plus en plus à un minimum. En principe l’accord se fait sur le symbole de Nicée-Constantinople et les définitions des sept premiers conciles œcuméniques. Mais il faut compter avec certains divergences locales, l’Église ne possédant pas d’autorité infaillible pour formuler la règle de foi. De là un grand nombre de variations de la part non seulement de théologiens particuliers, mais encore de patriarches et d’évêques réunis en synodes ; et cela, non en matière d’opinions, mais dans des questions relevant essentiellement de la doctrine : par exemple, dans les professions de foi, dans l’énoncé des conditions requises pour l’cecuménicité des conciles, dans le canon des Écritures, dans la réconciliation des hérétiques, dans la valeur à attribuer aux sacrements administrés par des « hétérodoxes », sans compter les reproches dogmatiques indûment adressés aux Latins.

L’unité de communion entre Églises orthodoxes elles-mêmes a fait défaut dès 1872. L’Église bulgare qui s’était alors séparée fut considérée par le patriarche de Constantinople comme schismatique, alors que les Églises slaves la considéraient toujours comme i une sœur irrépréhensible ». D’ailleurs, comment appeler « communion » cette agglomération d’Églises indépendantes entre elles et se multipliant en fonction de la multiplication des pouvoirs politiques dont elles dépendent ? Cf. M. Jugie, Theologia dogmatica christianorum orientalium, t. iv, Paris, 1931, p. 206278 ; 537-539.

Dans ces conditions, on comprend que l’archiprêtre russe Sidoreskij ait pu donner à W. Palmer encore anglican cette piètre défense : « Nous n’avons aucun besoin d’examiner la question de l’Église une et visible ; nous n’y pensons jamais ! Jamais les circonstances ne nous ont forcés d’étudier ce problème par rapport à l’Occident. Notre Église n’a pas l’orgueil du clergé occidental ; elle n’a pas acquis sa puissance mondiale et ne s’est pas laissé dégrader ni corrompre. Cité par S. Tyszkiewicz, La mission de William Palmer, dans les Études, 5 juillet 1913, p. 57.