Dictionnaire de théologie catholique/MARIAGE

Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 9.2 : MABILLON - MARLETTAp. 319-465).
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MARIAGE. — Ce mot peut être pris dans plusieurs sens. Il désigne soit l’état des personnes mariées, soit l’acte initial qui crée cet état et qui est simple contrat chez les non-baptisés, contrat-sacrement chez les baptisés.

La définition donnée par le Code justinien, reprise par Pierre Lombard, I. IV, dist. XXVII, n. 2, et par le catéchisme du concile de Trente, De matrimonii sacramento, c. viii, n. 8, s’applique plutôt à l’état de mariage : Viri et mulieris maritalis conjunctio, inter legitimus personas individuam vitæ consuetudinem retinens. — L’acte qui constitue l’état de mariage peut se définir, pour les non-baptisés : un contrat par lequel un homme et une femme se donnent légitimement l’un à l’autre le droit d’accomplir les actes nécessaires à la procréation et à l’éducation des enfants, et s’obligent à la vie commune. Pesch. Prælectiones dogmaticæ. de sacramentis. part. II, ii. 683, Fribourg-en-B., 1920, p.344. — Pour les baptises, c’est ce même contrat élevé par le Christ à la dignité de sacrement et produisant la grâce.

Dans toute étude sur la mariage, la distinction entre ces trois sens, même si elle n’est pas exprimée dans les mots, doit toujours être présente à l’esprit ; elle se fait d’ailleurs d’elle-même pour peu qu’on réfléchisse à la signification précise de chaque question qu’on se pose. Quand on parle du but du mariage, par exemple, il est clair qu’on se demande pourquoi un homme et une femme vivent ensemble et ont entre eux des rapports conjugaux : il s’agit de l’état ; et par contre, lorsqu’on traite de l’indissolubilité du mariage, il s’agit principalement du contrat et du lien qu’il crée entre les deux époux, lien que la mort seule peut rompre.

Beaucoup de questions relatives au mariage ont été où seront traitées dans des articles spéciaux. Il est nécessaire de se reporter aux articles Adultère, Bigamie, Dispense, Divorce, Empêchements, Propre curé, etc., où encore aux articles qui étudient chacun des empêchements en particulier, par exemple Affinité, Crime, Disparité de culte, Parenté naturelle, ou à celui qui étudie les Devoirs des époux ; etc. — On voudrait ici, suivant la méthode et l’esprit adoptés pour les autres sacrements, se placer au point de vue de l’histoire en même temps que du dogme, envisager les diverses périodes pour montrer ce que chacune a apporté de lumière nouvelle ou de précision plus grande à la doctrine du mariage.
I. Le mariage d’après la sainte Écriture.
II. Le mariage d’après les Pères (col. 2077).
III. Le mariage d’après les théologiens de l’Église latine (col. 2123).
IV. Le mariage dans l’Église gréco-russe (col. 2317). —
V. Le mariage dans les Églises orientales(col. 2331).

I. LE MARIAGE D’APRÈS LA SAINTE ÉCRITURE.

On l’étudiera successivement dans l’Ancien et dans le Nouveau Testament (Col. 2056), en marquant les progrès réalisés de l’un à l’autre.

t. Ancien Testament.

Aux premières pages de la Bible se présente du mariage une définition de la plus haute valeur : mais l’idéal ainsi exposé est très loin de se montrer réalisé partout. C’est ce que l’on étudiera successivement.

L’institution primitive et la loi naturelle.

La Genèse donne deux récits de l’institution du mariage ; le premier contenu dans le chapitre 1 que la critique attribue au document sacerdotal (P), est un résumé succinct ; au contraire le récit jahviste du c. ii se présente avec d’amples développements.

Gen., i, 27, 28 : « Dieu créa l’homme à son image ; il le créa à l’image de Dieu : il les créa mâle et femelle. Et Dieu les bénit et il leur dit : « Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre et soumettez-la. » —— Gen., ii, 18-24 : « Jahvé dit : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul : je lui ferai une aide semblable à lui… » Alors Jahvé fit tomber un profond sommeil sur l’homme qui s’endormit, et il prit une de ses côtes ce referma la chair à sa place. De la côte qu’il avait prise de l’homme, Jahvé forma une femme et il l’amena à l’homme. Et l’homme dit : « Celle-ci cette fois est os de mes os et chair de ma chair ; celle-ci sera appelée femme (’isschah) parce qu’elle a été prise de l’homme (’isch). » « C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère ce s’attachera à sa femme, et ils deviendront une seule chair. » Cette dernière phrase est attribuée à Dieu par Jésus. Matth., xix. 4, 5. Elle peut être de l’auteur inspiré qui commente le récit et en tire une conclusion morale : c’est ainsi que quelques traducteurs la comprennent, par exemple Crampon. Plus vraisemblablement elle est mise pour l’auteur dans la bouche d’Adam lui-même, et saint Augustin entend qu’Adam parlait ainsi sous l’inspiration divine. De Genesi ad disteram, I. IX, ii. 36, P. L., t. xxxiv, col. 408. Au point de vue dogmatique, cette différence de traduction n’entraîne aucune différence de sens.

Dans sa brièveté, ce double récit a un contenu dogmatique très riche, puisqu’il nous montre ce qu’est le mariage dans la pensée et le plan de Dieu ; les enseignements que nous en allons tirer s’éclaireront dans la suite à la lumière de la révélation plus complète et surtout à celle de l’Évangile : mais la plupart sont déjà par eux-mêmes d’une suffisante clarté.

1. Le mariage a Dieu pour auteur.

Créateur du premier couple humain, Dieu est l’auteur de la famille et par conséquent du mariage qui la constitue. C’est en effet la loi naturelle qui exige le mariage, c’est-à-dire une union qui jouisse au moins d’une certaine fixité entre l’homme et la femme, et le récit de la Genèse ajoute aux exigences de la loi naturelle l’expression positive de la volonté divine.

Si l’on exclut le mariage, on n’a plus entre l’homme et la femme que l’union libre, et c’est elle en effet que prônent, au nom de la liberté et des droits de l’amour, certains écrivains qui se disent moralistes. Cette prétendue réforme serait à tous points de vue une effroyable dégradation. —

Dégradation de la dignité humaine : les rapports entre homme et femme seraient abaissés au-dessous même des rapports entre animaux ; car l’animal ne connaît le plaisir sexuel que pour la propagation de l’espèce, tandis que l’union libre n’est autre chose en somme que la liberté de la débauche ; c’est le mariage qui sauvegarde la dignité de l’homme et sa vraie liberté, en le forçant à dompter ses instincts les plus brutaux et les plus tyranniques et à les soumettre à la discipline du devoir. —

Dégradation de l’amour : car c’est singulièrement avent l’amour que de le réduire à la satisfaction des seuls instincts sexuels ; bien d’autres besoins, bien d’autres sentiments, et ceux-là vraiment humains, composent l’amour dans l’âme des époux : besoin de dévouement et de tendresse, besoin d’une affection durable et totale, besoin de se donner tout entier à un autre être qui se donne aussi sans réserve, désir surtout de se perpétuer dans des enfants, ce sont là des sentiments autrement profonds et de nature bien plus relevée que le besoin physiologique auquel on voudrait ramener l’amour.

Mais il s’agit surtout des enfants, de leur procréation et de leur éducation, le mariage étant principalement ordonné comme nous le verrons, au recrutement de la race. Et la procréation des enfants exige le mariage et exclut l’union libre. Les liaisons instables et passagères, ou bien demeureront stériles et ne seront que la recherche égoïste du plaisir ; ou bien laisseront l’enfant qui naîtra par hasard à la charge de la mère seule, l’homme étant celui qui jouit sans charge et se désintéresse des conséquences les plus graves de ses actes ; à moins qu’on ne prétende que l’État se chargera des enfants pour qu’ils ne soient pas une gêne à la mère elle-même, et alors que sera cette humanité nouvelle qui ne connaîtra même plus le plus doux et le plus fort des sentiments, celui qui ennoblit les animaux eux-mêmes, l’amour maternel ? —

Et tout autant que la naissance des enfants, leur éducation sera en péril avec l’union libre. Ce n’est pas sans raison que Dien a voulu que l’enfant fût, plus que les petits des animaux, lent à se développer assez pour se suffire à lui-même. S’il faut des années pour qu’il atteigne son développement physique et intellectuel, c’est que, dans les desseins de Dieu, il doit y avoir auprès de lui le

père et la mère, protecteurs naturels de sa faiblesse physique, éducateurs naturels de son esprit et de sa conscience morale, associés dans une union durable pour accomplir cette grande œuvre qu’est la formation d’un homme.

Ces arguments et d’autres sont développés par G. Fonsegrive, Mariage et union libre, Paris, 1904. On en trouvera un résumé très substantiel et convaincant dans les Conférences de Mgr d’Hulst, Carême 1894, 1° conf., ou du P. Coulet, V 'Église et le problème de la famille, II, 1°> conférence, Paris, 1925, p. 11-51.

2. Le but principal du mariatje est la transmission de la vie. — La raison suffirait à le découvrir, rien qu’en constatant le plan divin visible dans la distinction des sexes et dans l’aboutissement naturel des actes propres au mariage. Mais Dieu, dans le récit de la Genèse, ne veut pas laisser de doute. A vrai dire, il ne condamne pas d’autres buts secondaires que les époux peuvent se proposer ; et par exemple le mot assez vague d’adjutorium simile sibi, ii, 18, peut comprendre les avantages et les douceurs de la vie commune. Le but premier et essentiel n’en reste pas moins la propagation de la race, et c’est le mot d’ordre que Dieu donne à nos premiers parents : « Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre. » Et donc tout acte conjugal où les époux ne rechercheraient que la jouissance sensuelle égoïste, et duquel ils excluraient positivement la possibilité de procréer serait un abus criminel du mariage, violant la loi de la nature et la volonté positive du Créateur. Le péché et la punition d’Onan sont racontés, Gen., xxxviii, 9, 10.

3. Le contrat de mariage est saint de sa nature. — Le mariage suppose à son origine un véritable contrat par lequel les époux se donnent et s’acceptent, et s’engagent aux devoirs nouveaux qui leur sont imposés. Adam accepte ainsi la femme que Dieu lui présente : « Celle-ci est os de mes os et chair de ma chair. » Mais c’est un contrat d’une nature différente des autres contrats, tant par son objet qui est le don total de soi, que par son but qui est la propagation de l’espèce humaine. Et c’est pour souligner ce caractère transcendant et sacré du contrat matrimonial que Dieu intervient di ectement pour l’instituer. Voulant témoigner l’estime qu’il a de l’homme et de ses hautes destinées, il le crée autrement qu’il n’avait créé les animaux ; il agit de même dans la création de la femme, la formant par une action personnelle et symbolique et non par un simple acte de volonté. Puis quand le premier couple humain est ainsi constitué, il présente lui-même Eve à Adam comme pour bénir le premier mariage. Ainsi la conduite même de Dieu telle que la décrit le livre sacré nous invite à voir dans le mariage un contrat sua vi, sua natura, sua sponte sacrum. Léon XIII, Encyc. Arcanum, 10 fév. 1880, § Attamen naturaliste.

De fait, pouvait-il en être autrement, étant donné l'éminente dignité de l’enfant, en vue duquel le mariage se conclut ? Il est l’homme de demain, destiné par son intelligence et sa volonté à connaître et à aimer Dieu pendant sa vie, mais surtout, par son âme immortelle et par son élévation à l’ordre surnaturel, fait pour devenir un élu du ciel. L’union de l’homme et de la femme procure la naissance et l'éducation de l’enfant ; c’est par la collaboration du père et de la mère que l’enfant est mis dans la voie de rectitude morale par laquelle il atteindra sa fin ; cette union, du fait même de son but, est revêtue d’une sainteté qui la place incomparablement au-dessus de tous les autres contrats par lesquels un homme peut se lier. Ce fait a été reconnu par tous les peuples. Léon XIII, loc. cit. ; Lemaire, Le mariage civil, Paris, s. d. (1904), p. 3-15. Dès lors, contrat sacré, le mariage pourra échapper aux conditions des contrats

ordinaires que la volonté des contractants peut défaire comme elle les a faits ; car en lui sont engagés des intérêts d’une gravité telle qu’ils dépassent les variations de la volonté humaine.

4. Le mariage est de sa nature indissoluble.

- Au témoignage de.Jésus, le mariage primitif fut indissoluble. Matth., xix, 8. Et en effet, le récit de la Genèse nous fait connaître la volonté divine : l’homme abandonnera tout, même la famille où il a été élevé, pour former une nouvelle famille ; et le principe sur lequel est fondé son nouveau foyer, c’est le lien étroit qui existe entre les deux époux, lien total qui unit sans réserve leurs corps et leurs cœurs (adhærebit) et qui de deux êtres n’en fait plus qu’un. Gen., ii, 24. « L’homme et la femme, dit saint Jean Chrysostome, né forment qu’un seul corps. C’est pourquoi ils ne sont pas deux, mais une seule chair. Et de même qu’il est criminel de mutiler l’homme, c’est un crime de séparer de l’homme la femme qui lui est unie. Hom. lxii in Matth., 2, P. G., t. lviii, col. 597. Cette propriété du mariage est trop importante pour que nous ne l'étudiions pas avec quelque détail pour déterminer sa nature et son extension.

a) Sa nature. — La loi d’indissolubilité appartient certainement au droit divin positif. Indépendamment même de l'Évangile qui a rétabli dans son intégrité le mariage primitif, la volonté de Dieu s’est manifestée assez clairement par les paroles rapportées dans le livre inspiré. Le divorce proprement dit est donc défendu par la volonté de Dieu, créateur du premier mariage et législateur de ses conditions ; il n’a pu devenir légitime que par une dispense formelle ou équivalente de Dieu.

Elle appartient aussi à la loi naturelle. C’est Dieu, auteur de la famille, qui a voulu le mariage indissoluble ; et il l’a voulu tel parce que l’intérêt de la famille humaine l’exige. Léon XIII énumère ainsi les funestes conséquences du divorce : « II est à peine besoin de dire tout ce que le divorce renferme de conséquences funestes. Par le divorce, les engagements du mariage deviennent inconstants ; l’affection réciproque est affaiblie ; l’infidélité reçoit des encouragements pernicieux ; la protection et l'éducation des enfants sont compromises. Il fournit l’occasion de dissoudre les unions domestiques ; il sème des germes de discorde entre les familles ; la dignité de la femme est amoindrie et abaissée, car elle court le danger d'être abandonnée après avoir servi à la passion de l’homme. Et comme rien ne contribue davantage à ruiner les familles et à affaiblir les États que la corruption des mœurs, il est facile de reconnaître que le divorce, qui est la conséquence de mœurs dépravées, ouvre le chemin, l’expérience le démontre, à une dépravation encore plus profonde des habitudes privées et publiques. » Encyc. Arcanum, § At vero. Et le pape fait appel à l’histoire pour montrer ce que devient la famille quand on y laisse pénétrer le divorce.

C’est pourquoi l'Église, tout en affirmant que l’indissolubilité a été proclamée par le Christ, surtout du mariage entre chrétiens, du mariage sacrement de la Nouvelle Loi, enseigne aussi qu’elle appartient déjà au mariage quatenus naturte est ofjicium. Catech. romanus, part. II, c. viii, n. 11. Le Syllabus a condamné la proposition suivante : Jure naturse matrimonii vinculum non est indissolubile et in variis casibus divortium proprie dictum auctoritate civili sanciri potest. Prop. 67, Denzinger-Bannwart, n. 1767.

Et cependant, quelles que soient les funestes conséquences du divorce pour les familles et les sociétés, il est impossible de faire abstraction d’un double fait qui doit conditionner tous les raisonnements : le premier, c’est la généralité des répudiations acceptées par les religions anciennes, réglementée* par lea légis lations, considérées comme légitimes par les consciences les plus éclairées ; le second, c’est la tolérance de la répudiation dans la loi mosaïque elle-même, et bien que ce soit "’duritiam cardia que Moïse ait » l » nné cette permission, selon la parole de Notrei-ur. Matth., xix. — s. toujours est il qu’elle lit partit’d’une loi donnée au nom de Pieu. Certains théologiens n’ont pas hésité a déclarer coupables ceux, pan ns ou juifs. » [ui avaient usé de cette permission ; saint Thomas, Suppl., q. î wn, a.:; . nous apprenti que c’était de son temps l’opinion la plus commune. D’autres ont puise que les permisparticulier par la loi mosaïque, ne laient que les elïets eiils du mariage, laissant intact le lien lui-même. Dételles opinions font trop manifestement violence au faits qu’elles veulent plier tle forée pour les reluire conformes au principe de l’indissolubilité absolue du mariage. Lu réalité, et l’opinion généralement admise par les théolo — et par les Pères, la loi de l’indissolubilité insolite en tête tle la Genèse, exprime plutôt l’idéal divin que la règle pratiquement suivie, et cet Idéal n’a été vraiment mis en vigueur que par Jésus-Christ, on peut dire qu’une dispense divine, non pas expressément formulée, mais donnée etfuivaleiniin nt surtout par la loi mosaïque, l’avait suspendue. Et comme Dieu ne peut, même « / duritiam conlis. permettre une > itit llemeiit mauvaise, on doit, tle toute évidence, conclure que l’indissolubilité du mariage n’est pas tellement requise par la loi naturelle que le contraire doive toujours être mauvais. Elle n’appartient pas aux principes premiers et essentiels tle la loi naturelle, mais a ses principes secondaires. 1211e n’est pas absolument nécessaire pour que la famille et atteigne son but : elle est utile pour que la famille soit plus parfaite et que son but soit [dus facilement, plus sûrement et plus complètement procuré.

Malgré le divorce, en effet, il est possible d’atteindre le but essentiel du mariage. Dans les civilisations anciennes où le divorce était permis et presque normal, il n’a empêché ni la société de vivre, ni les familles tle se perpétuer et tle remplir vaille que vaille, mais pourtant d’une manière suffisante, les deux fonctions essentielles du mariage, à savoir la procréation et l’éducation des enfants. Le divorce n’est donc pas absolument oppose à l’existence ou au but essentiel de la famille, mais a sa perfection : il n’est pas condamné par la loi naturelle essentielle, mais par ses indaires. Telle est la doctrine de saint Thomas. Suppl., q. uevu, a. 2 : In /V’im Sent., dist. XXXIII, <j. il. a. 2. Ced d’ailleurs ne légitime pas le d i vorce, et Jésus-Christ n’en reste pas moins un des grands bienfaiteurs de la famille, parce qu’il l’a voulue plus parfaite en rétablissant la loi de l’indissolubilité.

b) Son extension.

En tant qu’elle est exigée par le droit naturel, l’indissolubilité appartient à tous les mariages sans exception, c’est-à-dire qu’il n’est pas un cas dans lequel les époux, de leur seule autorité privée ou par suite d’une loi humaine, même en invoquant les plus graves Inconvénients personnels, puissent rompre leur mariage légitime et reprendre la liberté de contracter une nouvelle union. C’est du moins l’opinion de la plupart tics théologiens, qui se rallient a la pensée tle saint Thomas. In /Vnm Sent., XX I I. q. II. a. 1. ad |nm ; Suppl.. q. LXVtl, a. 1, ad i :’.i.e s.iim docteur suppose le cas où un mariage ne pourrait donner naissante a des enfants : ne devrait-on pas dire alors que la loi naturelle, pour le bien même de la famille, exige le divorce, loin de l’interdire" Kt saint Thomas répond : Dans les lois du mariage, on considère davantage le bien commun que les cas particuliers. C’est pourquoi, quand bien même l’indissolubilité du mariage serait exceptionnel leinent contraire au bien tles entants dans un cas donne, elle demeure en général favorable au bien des enfants. » H n’y a donc pas a tenir compte des e.i exceptionnels. Quelques théologiens résolvent le doute dans un sens contraire : pour eux, a soi re la loi naturelle, les époux ne peuvent rompre leur mariage que dans les circonstances où la fin même « lu mariage ne pourrait être atteinte. Si on regarde le mariage comme une fonction de nature destinée a perpétuer la race humaine, il est difficile de prétendre que, quand une femme est stérile, il n’est pas permis de la répudier pour en prendre une autre. Si on le considère comme institue pour être un frein aux passions charnelles, pourquoi le mari ne pourrait il pas renvoyer sa teinnie malade sans espoir de guérison, puisque dans ce cas il ne trouve plus les satisfactions qu’il cherchait dans le mariage ? Sanchez, De matrimonip, l. II, dis]). XIll. n. 7. Cette opinion, extrêmement large, n’a pas pour elle l’approbation de l’Église. Celle ci déclare au contraire que l’aulorité civile n’a pas le droit tle prononcer les divorces, même quand il s’agit « le mariages entre non chrél ieus. Syllabus, prop. 67 ; elle rappelle que cette autorité, iiisliluée en vue du bien commun, doit éviter de compromettre ce bien en permettant au divorce de s’introduire dans les mœurs, même avec de sérieuses garanties et à l’état d’exception, car la brèche par laquelle on lui permettrait « rentrer s’élargirait sans <|u’aucune force put s’y opposer. Léon XI il, Encyc. Areanum, § Hsee certe. L’Église croit donc qu’aucune autorité humaine n’a le droit d’introduire le divorce, ni aucune raison le pouvoir tle le justifier : l’indissolubilité est une prérogative qui appartient à tout mariage, en vertu de la loi naturelle.

5. Le mariage est un.

Tel qu’il a été institué par Dieu, le mariage fut l’union d’un seul homme et d’une seule femme. Est-ce seulement un fait et la conséquence de ce qu’il n’existait pas d’autre homme ou d’autre femme ? I.es termes du récit suggèrent plutôt qu’il y avait là une volonté positive tle Dieu ; les paroles du texte sacré : « l’homme s’attachera à sa femme et ils deviendront une seule chair » ne s’accordent que difficilement avec la polygamie, tandis qu’elles se réalisent parfaitement dans l’unité de mariage.

Quoi qu’il en soit de la loi divine positive, cette unité est certainement réclamée par la loi naturelle qui repousse la polygamie comme moins favorable à la perfection de la famille. De l’unité du mariage nous disons donc, comme « le son indissolubilité, qu’elle est demandée, non par les préceptes essentiels tle la loi naturelle, mais par ses préceptes secondaires, qu’elle est nécessaire, non à l’existence même « le la famille, mais à son mieux-être.

Évidemment nous n’envisageons pas cette monstruosité morale que l’on a appelée la polyandrie, « fui consiste en ce qu’une seule femme ait à la fois plusieurs maris. Un pareil désordre ne peut se présenter que dans des cas exceptionnels ou dans des sociétés corrompues. Il ne s’explique que par une lubricité sans retenue et n’a « pie de 1res graves Inconvénients au point de vue familial : loin d’aider a la procréation « les enfants, il ne peut « pic l’entraver. Il y a entre la polyandrie et la polygamie proprement dite une différence essentielle que saint Augustin a résumée dans « elle phrase : Plures femina ub uno homine fœtari possunt, una oero » /ilurihus non potest. De bono eonjugali, xvii. 20, /’. L., t. XL, col. ^87.

La polygamie, qui consiste en ce qu’un homme ait a la fois plusieurs femmes n’est pas absolument contraire a la loi naturelle, cette pratique a pu se iior, i

MARIAGE DANS L'ÉCRITURE. LA LOI MOSAÏQUE

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justifier dans certains cas et n’esl pas absolument opposée aux exigences fondamentales « le la famille. Elle peut avoir quelquefois pour origine une passion

qui ne sait pas se régler ou un désir d’ostentation et de faste ; mais d’autres fois elle s’expliquera par le seul désir d’avoir un plus grand nombre d’enfants, lit c’est sans doute, expliquent en général les théologiens, pour cette raison très louable que Dieu la permit aux patriarches : ne fallait-il pas que le peuple élu se lortifiât par ses familles nombreuses contre les ennemis qui l’auraient absorbé ou anéanti ? C’est aussi un des motifs pour lesquels les rois ou les puissants, ayant besoin de rendre plus ferme leur situation, cherchaient à multiplier le nombre de leurs enfants en qui ils devaient trouver le plus sûr appui pour euxmêmes et pour l’avenir de leur famille'? L’historien des civilisations ferait valoir aussi des considérations d’ordre réel que nous n’avons pas à déduire ici ; le moraliste enfin ne manque pas de faire remarquer que la pluralité des femmes ne va pas directement contre la procréation des. enfants.

Mais si elle n’est pas contraire à l’essence même de la famille, la pluralité des femmes s’oppose à ce que la perfection de la famille soit réalisée, et par suite elle est condamnée par les préceptes secondaires de la loi naturelle. Elle est contraire à l'égalité des deux époux, le mari unique devenant pour ses femmes le maître et le tyran, et celles-ci se trouvant ravalées au rang d’esclaves dont la seule loi est le bon plaisir du maître : apud viras habentes plures uxores, uxores quasi ancillse. habentur, remarque saint Thomas, Contra génies, t. III, c. 124, et ce ne sont pas les constatations des modernes sociologues qui infirment cette assertion. La polygamie est contraire à la bonne édu cation des enfants, le père laissant à chaque mère le soin d'élever les enfants qu’elle a mis au monde, alors que la nature a voulu que l'éducation fût l'œuvre conjuguée de la fermeté du père et de la tendresse de la mère. Elle est contraire à l'égalité qui doit exister entre les enfants du même père, celui-ci réservant toutes ses prédilections aux enfants de la femme préférée. Elle est contraire à la paix des familles : l’histoire d’Agar et de Sara, celle d’Anne et de Phenenna ne sont pas des cas isolés ; la polygamie engendre inévitablement des rivalités de femmes ou des jalousies d’enfants : ex hoc consequitur discordia in domestica familia, disait encore saint Thomas, loc. cit.

Le Docteur Angélique résume et complète à la fois ces réflexions en distinguant les divers buts du mariage. In 7V « m Sent., dist. XXXIII, q. i, a. 1. Il y en a trois principaux, dit-il : le premier est la procréation et l'éducation des enfants ; un second est la communauté de vie ; et chez les fidèles un troisième est la représentation de l’union du Christ avec son Église. « La pluralité des femmes n’empêche pas totalement d’atteindre le premier but et même n’en détourne pas : un seul homme peut rendre fécondes plusieurs femmes et élever les enfants qui naissent d’elles. Pour le second but, si elle n’en détourne pas absolument, elle rend au moins plus difficile d’y parvenir ; car il n’est pas aisé de maintenir la paix dans une famille où plusieurs femmes appartiennent à un seul homme… Le troisième but n’est plus du tout atteint là où il y a plusieurs femmes ; car il n’y a qu’un Christ et qu’une Église. Donc la pluralité des femmes est dans un certain sens contraire à la loi naturelle et dans un autre sens ne lui est pas contraire. »

2° Les déformations et la permanence de l’idéal du mariage. — Nous bornons notre enquête à la Bible et nous laissons donc de côté les sociétés païennes. C’est parmi elles surtout que nous constaterions l’oubli de l’institution primitive du mariage, qui, malgré de très nobles exceptions, n'échappe pas à la cor ruption générale. Mais chez les ancêtres du peuple juif et dans le peuple juif lui-même, l’ascension vers J’idéal à réaliser fut lente, plus lente qu’on ne.s’attendrait à la trouver dans une nation spécialement choisie et gardée par Dieu ; à mesurer ces délais, nous verrons combien lut bienfaisante, mais aussi combien peu préparée la restauration du mariage par JésusChrist.

1. Les déformations de l’idéal. Elles étaient inévitables après la faute originelle. Rien qu'à lire la sentence prononcée par Dieu contre la femme coupable, on y découvrirait d’abord cette idée que l'égalité est rompue entre les deux époux : i Ton désir se portera vers ton mari et il dominera sur toi. » Gen., iii, 16. L’homme sera plus qu’auparavant le maître quelquefois tyrannique, et il lui arrivera fatalement d’abuser de sa suprématie. C’est la femme qui sera le plus souvent victime dans les cas de polygamie ou de divorce. Car ce sont là les plus importantes déformations que subit le mariage primitif : il perd son unité par la polygamie et son indissolubilité par le divorce.

a) La polygamie. — Le premier cas de polygamie mentionné dans la Bible est celui de Lamech, Gen., iv, 19-24 ; le Livre sacré ne formule d’ailleurs aucun blâme contre lui.

Avant Abraham, la Bible ne mentionne plus aucun cas de polygamie : mais.de toute évidence, ce silence est uniquement dû à l’excessive sobriété des renseignements qui sont donnés sur les patriarches. Genuit filios et filias : c’est le refrain qui revient à propos de chacun d’eux, et de leur vie nous ne savons rien de plus. En réalité les ancêtres d’Abraham ont été polygames ou du moins ont vécu dans un milieu où la polygamie était en usage.

A vrai dire, c'était plutôt un régime intermédiaire entre la monogamie et la polygamie. L'épouse était unique en principe ; mais à côté d’elle, l’homme pouvait prendre une concubine, c’est-à-dire une épouse de second rang, ou encore une esclave qui lui était donnée par l'épouse principale. Le Code d’Hammurabi contient à cet égard des dispositions très curieuses qui nous expliquent parfaitement la conduite d’Abraham : « § 144 : Si un homme a épousé une femme et si cette femme a donné à son mari une esclave qui a procréé des enfants, si cet homme se dispose à prendre une concubine, on n’y autorise pas cet homme et il ne prendra pas une concubine. — § 145 : Si un homme a pris une épouse et si elle ne lui a pas donné d’enfants, et s’il se dispose à prendre une concubine, il peut prendre une concubine et l’introduire dans sa maison. Il ne rendra pas cette concubine l'égale de l'épouse. » Édit. Scheil, Paris, 1904, p. 27, 28. On pense d’ailleurs que cette législation restrictive ne s’appliquait pas aux grands à qui il était permis d’entretenir des harems plus ou moins nombreux.

Abraham suivait donc les habitudes de ses ancêtres et la législation sous laquelle il avait vécu lorsque, sur les instances de Sara demeurée stérile, il prend pour femme de second rang une servante de sa femme, dont les enfants seront censés nés de l'épouse proprement dite : « Voici que Jahvé m’a rendue stérile ; viens, je te prie, vers ma servante ; peut-être aurai-je d’elle des fils. » Gen., xvi, 2. Le rôle d’Agar est bien déterminé : elle donnera des enfants au foyer qui sans elle menaçait de rester vide ; mais elle n’est pas une épouse au même titre que Sara ; et son fils Ismaël, devenu luimême un enfant de second rang après la naissance d’Isaac, ne peut prétendre à partager avec lui l’héritage. Gen., xxi, 10. Sara demeure la seule épouse véritable et Isaac le seul vrai fils, héritier des promesses. Gen., xvii, 19-21. — Dans la suite Abraham, devenu puissant chef de clan, se conforma sans doute aux habitudes des princes chaldéens, puisqu’il eut pour autres épouses Cétura et d’autres concubines ou femmes de second rang : mais la Bible a soin de faire remarquer que les fils qu’il en eut ne devaient pas plus qu’Ismaël partager l’héritage : « Quant aux fils de ses concubines, il leur donna des présents et il les envoya de son vivant loin de son fils Isaac, à l’orient, au pays d’Orient. » Gen., xxv, 6.

Ce n’est donc pas encore la polygamie absolue où les femmes sont officiellement sur le même rang et où tous les enfants ont des droits égaux, quelle que soit leur mère. Mais cet état intermédiaire va cesser par degrés.

D’Isaac, nous ne savons que son mariage avec Rébecca : peut-être eut-il pourtant d’autres femmes de second rang puisque la Genèse, xxvii, 29 et 37, suppose à Jacob et à Esaü des frères assez nombreux. — Jacob eut deux femmes, Léa qui lui fut donnée par fraude, puis Rachel : et quand toutes deux ont perdu l’espoir d’avoir de nouveaux enfants, elles veulent en avoir par leurs servantes, Bala et Zelpha. La requète de Rachel est significative : « Voici ma servante Bala ; va vers elle ; qu’elle enfante sur mes genoux et par ville, j’aurai, moi aussi, une famille. » Gen., xxx, 3. Et de fait les douze fils de Jacob sont égaux, sans distinction de mère, dans les droits éventuels à la possession de la Terre promise.

A partir de ce moment, à suivre la narration biblique, tout principe monogamique semble disparaître : il peut y avoir encore des épouses de second rang, mais les femmes de premier rang sont elles-mêmes nombreuses, chez ceux du moins à qui leur situation de fortune permet ce luxe. Et les droits des enfants ne dépendent pas de la mère de laquelle ils sont nés : la Loi défend à un homme qui à plusieurs femmes de conférer les privilèges de l’aînesse au fils de l’épouse préférée : il doit respecter les droits du véritable aîné. Deut., xxi, 15-17.

Il serait sans intérêt de parcourir tous les exemples de polygamie consignés dans la Bible. Certains chiffres toutefois ont leur éloquence, et ce n’est pas sans raison qu’on a assimilé les chefs hébreux, juges ou rois, à ces princes orientaux qui mettent leur faste à avoir un nombre considérable de femmes. Gédéon par exemple a 70 fils, Jud., viii, 30 ; un autre juge, Abesan compte 30 fils et autant de filles, ibid., xii, 8 ; Abdon, 40 fils, ibid., x, 14. De David, nous connaissons 9 femmes, sans compter les concubines et « des femmes de Jérusalem ». II Reg., ii, 2 ; iii, 2-5, 13 sq., v, 13-16 ; xi, 27 ; III Reg., i. 1. sq. Salomon, le plus fastueux des rois, a 700 femmes et 300 concubines, III Reg., xi, 1-8 ; Roboam, 18 femmes et 60 concubines, II Par., xi, 18-23 ; Joram, de Juda, a 42 fils sans compter Ochozias qui lui succède, IV Reg., x. 12-14 ; Jéhu le fait périr ainsi que les 70 fils du roi d’Israël, Achab.

Il semble que la captivité mit fin à ces extravagances de polygamie, peut-être simplement parce qu’elle ruina les grandes fortunes d’Israël. De fait on n’en trouve plus un seul cas dans la Bible. Aucune loi juive n’ordonna cependant l’unité du mariage et certains faits extra-bibliques montrent que la polygamie n’avait pas disparu complètement. Voir H. Lesêtre, art. Polygamie, dans le Dictionnaire de la Bible, t. v, col. 511-512. Mais les cas étaient assez rares pour que ni Jésus, ni les Apôtres n’aient cru à propos de la réprouver explicitement.

b) Le divorce. — Avec la polygamie, le divorce fut la plaie de toutes les civilisations antiques. Nous disons divorce : il serait plus juste de dire répudiation : car dans l’antiquité, la répudiation est le seul mode de rupture reconnu et pratiqué ; le mari seul a le droit de répudier sa femme ; il faut arriver à une conception plus égalitaire des époux pour que le droit de rompre le mariage soit accordé à la femme.

Quand la Bible consigne des cas de répudiation, ce qui est rare, ils apparaissent dès le début, comme un usage accepté, pratiqué, réglementé, dont personne ne songe à discuter la valeur. Ce que la Bible contient surtout à ce sujet, c’est une législation qui prévoit les cas, règle les formalités, essaie d’empêcher les abus.

Le seul cas certain de répudiation que contienne l’Ancien Testament est celui d’Abraham chassant Agar et son fils sur l’injonction de Sara. Gen., xxi, 9-14. C’était une application de la législation chaldéenne qui autorisait la répudiation moyennant certaines conditions. Voir Code d’Hammurabi, § 137-141, éd. Scheil, Paris, 1904. p. 25-27. —— H. Lesêtre cite également le cas de David, art. Divorce, dans Dictionn. de la Bible, t. ii. col. 1450. David avait pris pour femme Michol, fille de Saül. I Reg., xviii, 27. Celui-ci, dans sa haine pour celui que Dieu avait choisi comme son remplaçant, enlève Michol, « femme de David », à son époux, pour la donner à Phalti ou Phaitiel, I Reg., xxv, 41 ; c’est seulement lorsque Saül est mort que David reprend sa femme, et la Bible nous montre Phaltiel suivant, en larmes, les gens qui emmènent celle qu’il considérait comme sienne. II Reg., iii, 16. Mais en réalité on n’aperçoit ici aucun divorce ; la méchanceté et la tyrannie de Saül ont pu séparer par force David et Michol, le lien de leur mariage n’en était pas brisé ce il se renoue dès que le tyran est mort. — On pourrait plus justement invoquer ce que saint Matthieu nous rapporte de saint Joseph, I, 19 ; car bien que le récit appartienne au Nouveau Testament, l’intention dont il nous fait la confidence semble être une application de la législation mosaïque sur le libelle de répudiation. Et pourtant ce cas aussi est douteux. Si plusieurs Pères et commentateurs ont pensé que Joseph et Marie étaient déjà unis par le mariage, la plupart des exégètes, surtout plus récents et connaissant mieux les usages juifs, supposent avec vraisemblance qu’il n’y avait encore entre eux d’autre lien que celui des fiançailles. Voir M —J. Lagrange, Évangile selon saint Matthieu, Paris, 1923, p. 9-13. Mais à défaut d’exemples, la législation donne une suffisante lumière sur la répudiation chez les juifs. Cette législation, Moïse ne l’a point créée de toutes pièces : il n’a fait que réglementer les usages en vigueur, exiger des conditions et établir des formalités pour empècher les abus trop criants. C’est peut-être même dans la fréquence relative des divorces qu’il faut chercher la raison pour laquelle l’histoire nous en a conservé si peu d’exemples : c’était un fait trop peu important pour qu’il parût digne d’être signalé.

La législation de la répudiation est contenue dans le Deutéronome. En voici les principales dispositions. — Le mari seul a le droit de répudier sa femme. Aucun texte ne suppose que la femme ait un droit analogue. Il fallut attendre le début de notre ère pour que certains rabbins permissent à la femme de demander le divorce. Dans certains cas, la mari perd tout droit de répudiation : s’il a faussement accusé sa femme de n’être plus vierge quand il l’a épousée, Deut., xxii, 13-19, « il ne pourra la renvoyer tant qu’il vivra » ; si un homme a déshonoré une jeune fille non fiancée, il devra la prendre pour femme et « il ne pourra la renvoyer tant qu’il vivra ». xxii. 28, 29. — En dehors de ces exceptions, le mari a le droit de répudier sa femme moyennant certaines conditions : — « a. —— Il faut un motif. Moïse l’énonce d’un mot assez vague : « quelque chose de repoussant, une ’erväh, » probablement une grave infirmité physique inspirant le dégoût. On sait les discussions sans issue auxquelles cette imprécision a donné lieu entre les rabbins, particulièrement entre les écoles d’Hillel et de Schammaï. Lesêtre, art. Divorce, Dictionn. de la Bible, t. 11, col. 1451. —
b. — Une formalité est requise, le billet de répudiation que le mari remettait à sa femme pour attester qu’elle était désormais libre de contracter un nouveau mariage. Suivant une formule conservée par le Talmud ce reproduite par Lesêtre, loc. cit., col. 1449, cette remise du billet de répudiation se faisait devant des témoins qui y apposaient leur signature. ——
c. — L’effet de la répudiation était de rompre le mariage et de permettre à la femme de se remarier. Il n’est évidemment pas fait mention d’un droit semblable pour le mari, puisque celui-ci avait en toute hypothèse le droit d’avoir plusieurs femmes. Mais le mariage ainsi rompu l’était définitivement et sans retour, dès que la femme avait trouvé un second mari ; si celui-ci vient à mourir, « le premier mari, qui l’a renvoyée ne pourra pas la reprendre pour femme après qu’elle a été souillée, car c’est une abomination devant Jahvé. » Deut., xxiv, 1-4.

Ainsi semblait endiguée la tolérance du divorce. Mais on n’arrête pas aisément les passions humaines quand on leur a donné une issue. Les extravagances exégétiques de certains rabbins qui admettaient le divorce pour les motifs les plus futiles, un plat mal préparé, un rôti brûlé, etc., ou même simplement si le mari avait trouvé une femme plus belle que la sienne, montrent que le mariage juif tendait à perdre sa dignité et à se ravaler au niveau des mariages païens. Il était temps que Jésus vint restaurer dans sa pureté l’idéal voulu par Dieu à l’origine.

2. La permanence de l’idéal dans la famille juive.

Quelle que fût la corruption, et si large qu’on eût dû faire la tolérance, la plupart des familles juives semblent cependant avoir gardé du mariage une très haute idée.

Il en est, à cet égard, du mariage juif comme du mariage païen : les mœurs, dans les milieux modestes, valaient mieux que ne le feraient croire la législation et surtout les commentaires des rabbins, de même qu’on jugerait mal de la société moyenne des provinces romaines d’après divers articles de lois à partir d’une certaine époque, ou d’après les peintures des satiriques. La polygamie juive paraît avoir été restreinte aux grandes familles, sauf des cas exceptionnels ; et la possibilité de divorcer avait son remède naturel dans l’amour réciproque des époux et dans leur commun amour pour les enfants. Aussi, malgré la sobriété des détails que contient la Bible sur les familles de condition moyenne, en savons-nous assez pour nous assurer que l’idéal primitif n’avait pas disparu. Quelques exemples suffront.

D’après le livre de Ruth, Élimélech n’a qu’une femme, Noémi, et ses deux fils sont de même monogames. Et quand Élimélech et ses fils sont morts, la conduite des deux brus, surtout de Ruth, envers leur belle-mère, est un signe évident du lien d’amour très profond qui les unissait à leurs maris.

Urie, l’officier de David, n’avait pour femme que Bethsabée. Les reproches que Nathan fait au roi sur sa conduite criminelle en sont la preuve, en même temps qu’ils montrent combien le ménage était tendrement uni. On connaît la touchante allégorie dont se sert le prophète : Urie, c’est le pauvre qui « n’avait rien, si ce n’est une petite brebis qu’il avait achetée ; il l’élevait et elle grandissait chez lui avec ses enfants, mangeant de son pain, buvant de sa coupe, dormant sur son sein, et elle était pour lui comme une fille ». II Reg., vii, 3. Il ne faut d’ailleurs pas perdre de vue qu’Urie était Hittite et non Israélite.

Mais c’est surtout au livre de Tobie, ce ravissant tableau de vie familiale, que l’on trouve l’idéal du mariage chez les juifs pieux à une époque d’ailleurs assez rapprochée de nous. Cet idéal n’a pas été surpassé, au point qu’il mérite de rester comme un modèle, même pour les époux chrétiens. Tout y respire la fraîcheur et la pureté ; et dans cette idyllique peinture, le mariage est considéré comme un sacerdoce, comme l’accomplissement d’un devoir sacré, sans aucun mélange de passion sensuelle. Voici d’abord la prière de la jeune Sara, avant de connaître encore celui que Dieu lui destine pour époux : « Vous savez, Seigneur, que je n’ai jamais désiré un mari et que j’ai conservé mon âme pure de toute concupiscence. C’est dans votre crainte et non pour suivre ma passion que j’ai consenti à prendre un mari. » iii, 16-18. Tel est le thème que chacun des acteurs va reprendre ce qui reviendra comme un leit-motiv. L’ange Raphaël donne à son jeune compagnon des conscris au sujet de son futur mariage : il lui recommande de passer les trois premières nuits dans la continence et la prière, afin de ne pas ressembler à ceux « qui entrent dans le mariage en bannissant Dieu de leur cœur et de leur pensée pour se livrer à leur passion, comme le cheval et le mulet qui n’ont pas de raison », vi, 17 ; puis il ajoute : « La troisième nuit passée, tu prendras la jeune fille dans la crainte du Seigneur, guidé bien plus par le désir d’avoir des enfants que par la passion, afin que tu obtiennes dans tes enfants la bénédiction promise à la race d’Abraham. » vi, 22. Tobie, en effet, ayant reçu Sara pour femme, lui propose de suivre le conseil de l’ange et il lui en donne ce motif qui place le mariage à une hauteur sublime : « Car nous sommes les enfants des saints et nous ne pouvons nous unir comme les païens qui ne connaissent pas Dieu. » viii, 5. Les deux époux prient alors ensemble, et leur prière maintient leurs sentiments à la même élévation : « Vous savez, Seigneur, dit Tobie, que ce n’est point pour satisfaire ma passion que je prends ma sœur pour épouse, mais dans le seul désir d’avoir des enfants qui bénissent votre nom dans tous les siècles. » viii, 9. — De tels accents sont absolument uniques dans toute l’antiquité et montrent quel abîme existait entre le mariage juif et le mariage païen. Quoi qu’il en soit du caractère même du livre, poésie ou vérité, le fait seul que l’auteur inspiré ait pu exprimer des sentiments aussi nobles prouve que les lecteurs étaient capables de les comprendre : il laisse supposer que certaines âmes particulièrement élevées pouvaient s’en inspirer. Le mariage se retrouve à la hauteur même où les desseins de Dieu l’avaient placé, institution religieuse et sainte, destinée à augmenter le nombre des enfants de Dieu sur terre et des élus dans le ciel.

II. Nouveau Testament

L’œuvre de Jésus fut de restaurer dans toute son intégrité l’idéal primitif, en insistant sur l’unité et l’indissolubilité du mariage. Le Christ fit davantage : il sanctifia l’union conjugale en faisant du mariage un des sacrements de la Nouvelle Loi. C’est ce que nous verrons en étudiant l’enseignement de Jésus lui-même et celui de saint Paul qui le complète.

Jésus n’eut pas souvent à exprimer sa pensée au sujet du mariage, et les devoirs des époux ou les caractères de leur union tiennent une place très restreinte dans sa prédication. Il n’y a pas lieu de s’en étonner. Jésus vivait dans une société que la Loi avait garantie des excès d’immoralité qui sévissaient dans le paganisme ; dans son auditoire de pauvres gens, les mœurs familiales étaient en général demeurées pures. Il suffisait donc à son but de faire remarquer les imperfections de la Loi pour les corriger, et de placer ainsi le mariage chrétien à une hauteur de sainteté que le mariage juif ne connaissait pas. Il le fait surtout à deux reprises : d’abord dans le Discours sur la montagne, où il oppose, sur ce point comme sur d’autres, ln perfection de sa loi à l’imperfection de celle de Moïse, Matth., v, 31, 32, et. Luc., xvi, 18 ; puis d’une manière plus explicite à l’occasion d’une question insidieuse des Pharisiens. Matth., xix, 1-9 : Mart., x, 2-12.

Saint Paul, en raison même de la situation des fidèles auxquels il écrit, devait insister davantage. Ne faisait-il pas prémunir les nouveaux convertis contre les habitudes contractées dans le paganisme, ou au moins contre les entraînements de l’exemple et défendre la pureté de la famille chrétienne contre la corruption qui avait envahi les familles paiennes ? Les circunstances rendaient nécessaires des enseignements plus répétés et plus explicites.

Aussi saisit-il toutes les occasions pour rappeler aux époux chrétiens leurs devoirs mutuels, la fidélité qu’ils doivent se garder, la hiérarchie qui règle leur place respective dans la famille, par exemple, Rom, vii, 1-3 ; I Cor., xi, 3 ; Col., iii, 18, 19 ; I Tim., ii, 11-15 ; Hebr., xiii, 14. Bien plus, à deux reprises, il traite plus à fond le sujet.

C’est d’abord au c. vii de la Ire aux Corinthiens, en réponse à une question ou à une série de questions qui lui avaient été posées. Ce chapitre est extrêmement riche en enseignements ; c’est tout un traité dogmatique et moral du mariage et les idées qui y sont exposées n’ont plus eu à progresser, ni au contact de la vie, ni sous l’action de l’étude des théologiens, tant le clair génie de l’Apôtre les à définies avec précision et plénitude.

Paul traite encore du mariage, mais à un autre point de vue, dans l’Épitre aux Éphésiens, v, 22-33, l’idée dominante de cette épître est « l’union des fidèles avec le Christ, et dans le Christ comme membres du corps mystique ». Prat, La théologie de saint Paul, Paris, 19_4, t. 1, p. 335. Les conseils qu’il donne aux personnes mariées ne le détournent pas de son idée ; au contraire elle lui sert pour présenter le mariage sous un aspect nouveau où il se revêt d’une dignité et d’une sainteté plus hautes encore. L’Apôtre, ayant développé les relations qui existent entre le Christ et l’Église, relations qui se résument dans cette formule : « (Dieu] a fait [le Christ] tête de l’Église entière, qui est son corps, » i, 22, 23, y voit l’idéal que doivent reproduire les familles chrétiennes : le mari est ce qu’est le Christ dans l’Église, il a le droit de diriger et de commander, il a le devoir d’aimer et de protéger ; le rôle de la femme comme celui de l’Église, est de soumission, de respect et de reconnaissante tendresse.

Dans l’analyse doctrinale de ces textes, il est impossible de séparer l’enseignement de Jésus et celui de saint Paul, sous peine de se condamner à des redites : la doctrine de l’Apôtre n’est pas autre que celle du Maître, sauf en certains points où il y ajoute, de son propre aveu, quelques précisions et quelques compléments. Mieux vaut les étudier ensemble pour en dégager les principaux enseignements sur l’indissolubilité, l’unité, la sainteté du mariage chrétien, sur les droits et devoirs mutuels des époux chrétiens. Et comme plusieurs de ces questions trouvent dans saint Paul leur solution définitive, à laquelle la tradition patristique ou les travaux des théologiens n’ajouteront aucun élément vraiment nouveau, nous les traiterons de façon à n’y plus revenir, sinon afin de signaler la continuité de la doctrine.

I.INDISSOLUBILITÉ DU LIEN MATRIMONIAL.

La loi proclamée par Jésus et rappelée par saint Paul.

Jésus exprime en deux circonstances sa volonté sur ce point. On la trouve une première fois dans le Discours sur la montagne, Matth., v, 31-32 : « Il a été dit : Quiconque renvoie sa femme, qu’il lui donne un acte de répudiation. Et moi, je vous dis que quiconque renvoie sa femme, en dehors du motif d’impudicité, l’expose à l’adultère ; et quiconque épouse une femme répudiée commet l’adultère. » La même sentence, sauf la fameuse incise sur le cas d’impudicité, se retrouve dans Luc., xvi, 18, mais le contexte l’amène moins naturellement que celui de Matthieu. — Une seconde fois, Jésus reprend la même formule, presque dans les mêmes termes, à l’occasion d’une question des pharisiens, Matth., xix, 1-9. Ceux-ci lui demandent si un homme peut renvoyer sa femme « pour n’importe quelle raison » : c’était en somme lui demander de prendre parti entre Hillel et Schammaï. Jésus se dégage de l’alternative dans laquelle ils veulent l’enfermer. et se reportant au récit biblique de l’institution primitive du mariage, il conclut en rejetant le droit de répudiation : « Que l’homme ne sépare donc pas ce que Dieu a uni. » Et comme ses interrogateurs lui objectent l’autorisation accordée par Moïse, il reprend avec plus de netteté que cette autorisation, inconnue au début, il n’en veut plus dans la Loi nouvelle : « C’est à cause de votre dureté de cœur que Moïse vous a permis de répudier vos femmes ; mais au commencement il n’en fut pas ainsi. Or je vous dis que celui qui répudie sa femme, si ce n’est pour mauvaise conduite, et qui en épouse une autre, commet un adultère, » Le passage parallèle de Marc., x, 2-12, ne contient pas l’incise relative à la mauvaise conduite de la femme.

On connait les difficultés soulevées par les textes de saint Matthieu ; les textes eux-mêmes ont été discutés dans les art.Adultère (l') et le lien du mariage d’après l’Ecriture sainte, t. i, col. 468 sq. et Divorce, t. iv, col. 1460 sq. Il sera utile, même après ces articles, de consulter M.-J. Lagrange, Évangile selon saint Matthieu, Paris, 1923, p. 103-106 et 366-370.

En tout cas, quelles que puissent être les difficultés d’interprétation, elles ne peuvent jeter le moindre doute sur la pensée de Jésus. —
1. Les passages parallèles affirment l’indissolubilité sans restriction : et, comme ils sont absolument formels, si par impossible les textes de saint Matthieu ne pouvaient être interprétés en harmonie avec le reste du N. T., il faudrait dire avec Cajétan, Comm. in Evang. Matth., v, 32 : Nec hinc sequitur quod lex Novi Testamenti concedat viro propter uxoris fornicationem dimittere illam tolaliter, quoniam textus iste non est tota lex Novi Testarmenti. —
2. Mais, même d’après le texte de saint Matthieu, l’indissolubilité absolue s’impose. Car il ne faut pas se laisser hypnotiser par les deux passages qui font difficulté ; il faut voir l’ensemble et le contexte. Que veut Jésus ? placer sa loi à une hauteur que n’a pas atteinte celle de Moïse, et cela au sujet du mariage en particulier : « il a été dit… et moi, je vous dis… » ; il veut supprimer la tolérance accordée par Moïse à cause de la dureté de cœur des juifs, rétablir l’idéal primitif du mariage, empêcher que l’homme sépare ce que Dieu a uni. Tout cela signifie que le mariage sera complètement indissoluble. A supposer que Jésus ait excepté le cas d’adultère de la femme, il n’aurait fait alors que renouveler la loi de Moïse en l’interprétant comme les rabbins les plus sévères ; et sa solennelle réprobation du libellus repudii, sa promesse de donner une loi plus parfaite, sa volonté de remonter par de la les tolérances mosaïques jusqu’à l’intégrité primitive, tout cela eût abouti à cette mesquine déclaration : dans les démêlés qui séparent les deux écoles de Hillel et de Schammaï, c’est Schammaï qui a raison. N’est-ce pas faire au texte la plus invraisemblable violence ? —
3. C’est d’ailleurs dans ce sens que l’on a compris la pensée de Jésus. Saint Paul, qui attribue « au Seigneur » la loi du mariage indissoluble, ne connaît pas de restriction : et la primitive Église, , 0

si elle accordait au mari le droit de renvoyer son

épouse adultère, ne lui reconnaissait pus le droit de contracter un nouveau mariage. Voir le Pasteur d’Hermas, Mand., iv, (i, édit. Lelong, Paris, 1 ! M2, p. 83 : Tertullien, Adv. Marcionem, iv, 34, /'. L., i. ii,

col. I 12. Il faut donc de toute nécessité, non seulement pour concilier les textes de Matthieu avec l’ensemble du Nouveau Testament, mais pour ne pas mettre d’incohérence dans ces textes eux-mêmes, soit dénier toute authenticité aux deux incises qui semblent faire une exception, procédé par trop commode, rejeté par la grande majorité des commentateurs ; soit les expliquer en les pliant au sens général de l’indissolubilité absolue du mariage. C’estce que l’ont les auteurs des travaux que nous avons cités : il ne semble pas utile de reproduire une fois de plus leurs explications.

L’enseignement de saint Paul reproduit celui de Jésus. — Rom., vii, 1-3, il parle incidemment du mariage pour illustrer sa pensée. Il développe l’idée de la délivrance apportée par le Christ à ceux qui étaient sous la servitude de la Loi ; cette servitude, il la compare au lien qui unit les époux et dont la mort seule les délivre : « C’est ainsi qu’une femme mariée est liée par la loi à son mari aussi longtemps qu’il vit. Mais si le mari meurt, elle est dégagée de la loi qui la liait à son mari. Ainsi donc, du vivant de son mari, elle sera réputée adultère, si elle s’unit à un autre. Mais son mari mort, elle est affranchie de la loi de manière à n'être point adultère si elle s’unit à un autre homme. » — Il revient ex professo sur la même doctrine dans la I' Épître aux Corinthiens, vii, 10, 11, et ce n’est pas sa doctrine à lui, c’est celle du Seigneur : « Quant aux gens mariés, voici ce que je leur commande, ou plutôt ce que le Seigneur lui-même leur commande. La femme ne doit pas se séparer de son mari. Si cependant elle s’en trouve séparée, qu’elle vive dans le célibat ou bien qu’elle se réconcilie avec son mari. Le mari non plus ne doit pas répudier sa femme. » Il revient sur la même affirmation après un long développement sur le mariage et la virginité, en disant au ꝟ. 39 : « Pour la femme mariée, elle est liée aussi longtemps que son mari est vivant. Si le mari vient à mourir, elle est libre d'épouser qui elle veut ; dans le Seigneur, bien entendu. »

Sur un point cependant, l’Apôtre met une restriction à la loi d’indissolubilité et ici il avoue expressément qu’il donne, non plus l’enseignement du maître, mais le sien propre : « Pour les autres, je leur dis ceci, non pas le Seigneur, mais moi. » I Cor., vii, 12. C’est le casus Apostoli, ou privilège paulin, dont nous allons parler.

Extension de la loi d’indissolubilité.

1. En

général, d’après la loi évangélique. — Si, d’après la loi naturelle, certains doutes pouvaient subsister, ils disparaissent devant la parfaite clarté de l'Évangile. Il s’agit évidemment du mariage tel que Notre-Seigneur l’a sanctifié, du mariage élevé à la dignité de sacrement, donc du mariage entre chrétiens : la loi de douceur de l'Évangile n’a pas chargé d’un joug nouveau les mariages des infidèles. De plus, la pratique de l'Église, interprète officielle de la volonté du Christ, oblige à ajouter une précision nouvelle : il s’agit du mariage consommé, c’est-à-dire complété par l’accomplissement de l’acte conjugal. Un tel mariage est absolument indissoluble ; aucune raison d’intérêt ou de sentiment, si grave soit-elle, ne peut légitimer un divorce dans aucun cas ; aucune autorité, pas plus celle de l'État que celle de 1 Église, ne peut le prononcer.

Telle est la volonté formelle du Christ. Quand, en effet, il rétablit le mariage dans son indissolubilité primitive et défendit de briser un lien formé par Dieu lui-même, Matth., xix, 6, les apôtres, habitués aux

tolérances de la loi de Moïse, lui objectèrent les difficultés, parfois très douloureuses, auxquelles cette loi sans souplesse ne manquerait pas d’exposer les gens mariés, ces mêmes difficultés devant lesquelles Moïse avait dû permettre la répudiation : « Si telle est la condition de l’homme vis-à-vis de sa femme, lui dirent-ils, il vaut mieux ne pas se marier. » Us songeaient à tous les inconvénients possibles, aux déceptions, aux incompatibilités d’humeur, aux infidélités, aux impasses extrêmement pénibles dans lesquelles les époux pouvaient être engagés sans issue possible : et raisonnant en disciples de Moïse, ne songeant pas assez aux secours divins qui peuvent rendre supportable le joug le plus lourd, ils concluaient : mieux vaut ne pas se marier. C’est donc qu’ils avaient bien compris que la règle posée par le Maître était absolue et ne comportait pas d’exception. Et Jésus le confirme en effet dans sa réponse ; car il ne dit pas : dans des cas trop douloureux, la loi pourra céder ; mais seulement : tous n’ont pas reçu de Dieu le don spécial pour rester dans le célibat. Matth., xix, 10-12. Pour Jésus donc, pas d’exception.

2. Le privilège paulin.

On désigne ainsi une exception apportée par saint Paul à la loi naturelle de l’indissolubilité matrimoniale. Cette exception a pour but de protéger la foi du conjoint chrétien que pourrait menacer l’intransigeance du conjoint resté païen. D’autre part c’est une exception à la loi naturelle et non à la loi évangélique, puisque le mariage dont il s’agit a été conclu dans l’infidélité et n’est donc pas sacrement.

Voici le texte de l’Apôtre : « Pour les autres, je leur dis ceci, non pas le Seigneur, mais moi. Si quelque frère a une femme païenne, et qu’elle consente à vivre avec lui, qu’il ne la répudie pas. Si une femme a un mari païen, et qu’il consente à vivre avec elle, qu’elle ne répudie pas son mari. Le mari païen est sanctifié par sa femme et la femme païenne est sanctifiée par son mari. S’il en était autrement, vos enfants seraient impurs, tandis qu’en réalité ils sont saints. Si la partie païenne veut se séparer, qu’elle se sépare. Dans ces sortes de cas, le frère et la sœur ne sont pas enchaînés. » I Cor., vii, 12-15.

Ce n’est donc plus le Seigneur qui a porté ce décret comme il a porté la loi de l’indissolubilité, ibid., 10. C’est Paul lui-même, mais avec l’autorité qu’il possède de par Dieu comme apôtre, comme fondateur d'Églises, comme interprète autorisé de la loi du Christ, comme inspiré par l’Esprit du Seigneur. C’est pourquoi le Saint-Office, dans une déclaration du Il juillet 1886, a pu dire que ce privilège « a été accordé par le Christ Notre-Seigneur en faveur de la foi et promulgué par l’apôtre Paul ».

Paul s’adresse « aux autres ». Il vient de proclamer le précepte du Seigneur « aux gens mariés ». Les « autres » dont il s’agit ici sont donc ceux qui, vivant dans le mariage, ne sont pas mariés au sens complet et chrétien du mot, ceux donc qui ont conclu leur mariage étant encore païens ; car, comme le fait remarquer le P. Lemonnyer, l’Apôtre ne suppose pas qu’un chrétien ou une chrétienne puissent épouser un ou une infidèle. Épîtres de saint Paul, Paris, 1906, t. i, p. 124. Le cas visé ici est donc celui du mariage conclu entre deux infidèles dont l’un s’est ensuite converti, l’autre demeurant dans son erreur. C’est ainsi que l’Eglise a toujours appliqué le privilège accordé par l’apôtre. Voir le texte qui fait loi en la matière, à savoir la lettre d’Innocent III à Hugues, évêque de Ferrare, 1 er mai 1199, P. L.. t. ccxiv, col. 588, et Denzinger-Bannwart, n. 405-406.

Quel est dans ce cas le devoir absolu de l'époux devenu fidèle ? Il doit avant tout respecter la loi générale de l’indissolubilité. Son mariage est valide >OGI

MARIAGE DANS L'ÉCRITURE. LA l.nl ÊVANGÉLIQUE

ci >ii Un même ta marias* l " -1 perpétuel. ussi Paul défend il en principe de répudier ta conjoint Infidèle, I il apporte.1 vi défense une raison qm noua semble aeæz mystérieuse : 1e mari païen est sanctifié par

mme, ci » '. Quel que soit l> - sens de cette -> : nu-t i Bcallon, n’est pas un simple cou

ail qu’il donne ou une recommandation qu’il for mutai c’est un ordre : tes époux doivent demeurer en semble, ta fidèle ne doit pas répudier l’infldèli

l -s inconvénients liés graves peuvent ce pendant résulter de la différence de religion : l’indlssolubilité du mariage prime tout, sauf ta péril sérieux m trouverait en certains cas ta fol de l'époux fidèle ; plutôt que d’accepter que la fol se perde. énonce une exception a la loi de l’indlssolubil

- mots p.ir lesquels il la formule sont asseï va

la partie païenne veut se séparer, qu’elle se

Mais depuis très longtemps l'Église par sa

doctrine et sa pratique en a précise le sens. Il s’agit

de tout ce qui serait une menace directe a la loi de

u converti, non seulement rupture de la vie commune et refus formel de cohabiter, mais encore vexations ou violences axant pour motif la conversion, entreprises de perversion, etc. tout ce qui équi . au point de vue de la foi. a un refus de pacifiée

i-vhabiturr. Saint Jean Chrysostome, par exemple f commente ainsi ce passage : Que veut dire cette expression : si l’infidèle se sépare'.' par exemple, s’il eut que tu sacrifies, que tu -.ois la compagne de 500 impi. que tu es son épouse, ou que tu t’en

ailles. Mieux vaut rompre le mariage que de perdre la raie refigfon. » In Bpist. I ad CorinUu, nom. xix, 11. 3. /'. ti.. t. 1 xi. coi. 155 ; Rouet de Journel, Bnchiridion patristieum. n. 1 190. Voir aussi saint Augustin, I)e fide et operibus. 11. 38, P. I… t. XX, col. 21 ti. Dans ces cas. si la foi du converti est réellement en péril prochain, la loi naturelle lui fait une obligation de

aller plutôt que de perdre son âme. Mais alors même que le danger de perversion ne serait pas aussi manifeste. l’Apôtre, sans lui donner d’ordre, lui con ia permission de quitter l'époux opiniâtre et violent, (/est donc un vrai privilège qu’il accorde et

le mot que cette concession a gardé dans la théologie : on l’appelle le privilège de Pan] ou privilège paulin. « Paul permet : tout au plus conseille-t-il ; il ne commande pas. Mais il ftte à la partie chrétienne tout regret et tout scrupule en lui rappelant qlie Dieu nous invite a la paix, et que l’espoir lointain et aléatoire de convertir un jour son conjoint resté infidèle ne saurait lui imposer le sacrifice de la paix, de l.i joie et de la liberté. Il faut seulement que l'époux non chrétien s'éloigne le premier, soit en refusant de miter, soit en rendant la cohabitation dangereuse ou moralement impossible par des blasphèmes, des

des menaces, qui apporteraient le scandale

"u la guerre au foyer conjugal. F. Prat, La théologie de saint l’aul. Paris. 1934, t. 1, p. 134.

Dr quelle nature sera cette séparation ? Paul répond : Dans de cas, le frère et la sœur ne sont pas enchaînés. Ces paroles ont été interprétées par l'Église dans leur sens le plus favorable, comme une rupture du lien conjugal qui rend à l'époux fidi complète liberté et lui donne droit de contracter un nouveau mariage. L’Ambrosiatter s’exprime ainsi : Si infidelU odio Del discedit, fldelU non eril veut

ati matrimunii : major enim causa I)ei est quam matrimonii… Son es/ peccatum ri qui dimittitur proptrr iJeum. si alii se junxerit. In Epiât. I ail (.0rinth., vu. 15, /'. L., t. xvii. col. 219. Voir le texte d’Innocent III, lor. rit. I. Apôtre se mettrait- ! ] donc en contradiction avec hlaitre. et quand celui ci a Ae proclamé mariage indissoluble sans restriction, se

croirai) il permis de le dissoudre ? Non pas ; car le

mariage que Jésus a déclaré absolument indissoluble, c’est celui qu’il a sanctifié en eu taisant un sæi einelit.

celui qui représente son Indéfectible union avec son 1 gllse ; c’est le mariage chrél Lan ; tandis que Paul envisage le cas du mariage entre Infidèles, <'t de celui ci même il proclame l’indissolubilité sans que puisse

prévaloir contre elle aucun intérêt, sauf celui de la foi. Cette distinction était déjà signalée par saint Anibroise : l disant : si l’Infidèle…, l’Apôtre montre d’une manière admirable, et que chez les chrétiens il n’y a aucun inotil (pu légitime le divorce, et qu’il a des mariages qui ne sont pas de Dieu. ExpOSÎtiO

Eoangelii sec. Lucam, viii, 2. I'. L., t. x. col. 1765.

Il tant évidemment, axant d’user de ce privilège que l’on ait la certitude de la maux aise volonté de

l'époux Infidèle. C’est pourquoi l'Église exige en gêné

rai cei laines formalités qui permettent de s’en nssurci. en particulier l’interpellation. Les détails pratiques en sont donnes par tous les moralistes, ils seront ititli

qués à l’art. Privilège paulin.

II. r.MTK hl MAJUAOS. Nous étudierons a la lumière des enseignements du Christ et de l’Apôtre deux cas : celui de la pluralité des femmes ou polygamie simultanée, et celui des secondes mues ou polygamie successive, quand le mari ou la femme sont affranchis par la mort du précédent mariage.

1° Polygamie simultanée. Bile est contraire à la lai chrétienne. Au temps de Notre-Seigneur, la pluralité des femmes avait cessé d'être en usage dans le monde proprement juif. Q n’y a donc pas lieu de s'étonner que Jésus n’en ait pas parlé exprofesso ; il n’a vu aucune utilité a opposer sur ce point sa loi à une pratique abandonnée, pas plus qu’il n’a eu l’occasion de répondre à des questions la concernant. Sa pensée toutefois est nette : ce qu’il affirme de l’indissolubilité ne se comprend que dans l’hypothèse de l’unité absolue du mariage. Quand il déclare, .Matth., V, 31, 32, que l'époux n’a pas le droit de répudier sa femme, que la femme renvoyée commet l’adultère si elle se remarie, sa déclaration suppose évidemment que la femme continue à appartenir à son premier mari et qu’elle ne peut en avoir deux. Et ce qu’il a dit de la femme, il le dit du mari, Matth., xix, (t : « Quiconque renvoie sa femme… et en prend une autre, commet un adultère » ; c’est donc que l’homme continue à appartenir à sa première femme et qu’il ne peut en avoir deux à la fois sans se rendre coupaole d’adultère.

C’est le raisonnement que tient le Catéchisme du concile de Trente, part. II, De matrimonio, n. 26 : s’il était permis à l’homme d’avoir plusieurs femmes, on ne voit pas pour quelle raison on regarderait comme adultère celui qui renvoie sa première femme et en prend une seconde, plutôt que celui qui épouserait une seconde femme en gardant la première.

On peut donc, si l’on veut, dire avec Cajétan, In Mareum, x, 11, que la loi de l’unité du mariage n’est écrite à aucun endroit des livres canoniques ; Cette remarque avait été faite déjà par saint Thomas, In /V""'.S>n(., dist.XX.III, q. 1, a. 2 : Lex de unitale uxoris non est humanitus, sed diviniuu instituta, ner unquam verbo aut litteris tradita..Mais si elle n’est pas formulée en termes exprès, bien qu’elle semble assez, explicite dans la parole du Créateur que le Christ reprend à son compte : erunt duo m carne una, elle l’est éqtlivalemment, comme fondement nécessaire d’une loi formelle, ((Ile (le l’indissolubilité.

Le même raisonnement s’impose si l’on étudie les enseignements de saint Paul. Comme Jésus, c’est a propos de l’indissolubilité du mariage qu’il parle indirectement de son unité. Nous retrouverons donc les textes cites plus haut. Dans le passage de l'Épftre aux Romains, vii, 2, 3, il ne parle que de la femme

et il déclare formellement qu’elle est adultère si, du vivant de son mari, elle vit avec un autre liomme. Mais à ce point de vue, les époux sont égaux en droits et en devoirs ; subordonnés l’un à l’autre dans leurs relations et dans la vie de famille, ils sont soumis l’un envers l’autre aux mêmes obligations de fidélité ; ils se sont donnés l’un à l’autre et leur donation est irrévocable et exclusive ; le mari ne peut pas plus que la femme se reprendre. C’est le grand principe qu'énonce l’Apôtre, I Cor., vii, 4 : « La femme n’est pas la maîtresse de son corps : il est à son mari. Le mari n’est pas davantage le maître de son corps ; il est à sa femme. » Aussi quand il édicté ensuite à nouveau la loi d’indissolubilité et par suite d’unité, il dit formellement que les deux époux sont en cela sur le pied d'égalité : « Quant aux gens mariés, voici ce que je leur commande, ou plutôt ce que le Seigneur leur commande. La femme ne doit pas se séparer de son mari. Si cependant elle s’en trouve séparée, qu’elle vive dans le célibat ou bien qu’elle se réconcilie avec son mari. Le mari non plus ne doit pas répudier sa femme. » (vu, 10, 11.) La pensée de saint Paul est évidente ; il laisse aux lecteurs le soin de compléter : si le mari a renvoyé sa femme, qu’il vive dans le célibat ou qu’il se réconcilie avec sa femme.

Ainsi la loi de l’unité du mariage appartient au droit divin rétabli dans son intégrité par le Christ. Voulue par Dieu quand il a fondé la première famille humaine et qu’il l’a composée d’un seul homme et d’une seule femme, elle est portée de nouveau par Jésus. Duas tempore uno habere uxores nec ipsa origo humanæ conditionis admittil, nec lex christianorum ulla permiltit. Nicolas I er, Resp. ad consulta Bulgarorum, 51, P. L., t. exix, col. 999.

2° Les secondes noces — Notre Seigneur n’a pas dit sa pensée sur les secondes noces. De son silence même on peut conclure qu’il ne les condamnait pas. Dans le Sermon sur la montagne, énumérant les divers points de morale sur lesquels il voulait que sa loi fût plus parfaite que l’ancienne, il n’aurait pas manqué, semble-t-il, de signaler le remariage de l'époux ou de l'épouse restés veufs. Bien plus, une occasion lui a été fournie où il eût dû formuler une condamnation si elle avait été dans sa pensée : lorsqu’il est interrogé sur la loi du lévirat, et qu’on lui pose le singulier cas de conscience auquel elle donnait lieu, Matth, , xxii, 23 sq., il lui était facile de dire qu’il y avait là une imperfection qui devait disparaître : il ne le dit pas et laisse entendre par conséquent qu’il ne condamne pas les secondes noces.

Saint Paul exprime formellement cette licéité des secondes noces. Pour lui,

1. La mort d’un des époux affranchit le survivant du lien du mariage et rend légitime une nouvelle union. Rom., vii, 3 ; I Cor., vii, 39.

2. Évidemment il serait plus parfait de demeurer dans l'état de veuvage que de se remarier, de même que la virginité gardée pour Dieu est supérieure au mariage ; mais c’est un renoncement que l’on ne saurait que conseiller, non imposer, I.Cor., vii, 7, 8 ; la grâce de Dieu n’est pas la même pour tous et chacun doit se conformer à la vocation qu’il a reçue.

3. Bien plus, il est des cas où, pour le bien de son âme, l'époux survivant fera mieux de contracter un nouveau mariage ; et les secondes noces deviennent alors, non seulement permises, mais louables : « S’ils ne peuvent garder la continence, dit Paul des veufs comme des célibataires, qu’ils se marient. Mieux vaut se marier que de brûler [de convoitise]. » I Cor., vu, 9. — Il va plus loin encore dans les directives qu’il donne à Timothée pour son ministère. Il lui recommande d’avoir pour les veuves respect et charité, _, mais à condition qu’il s’agisse de veuves

dignes de ce nom, qui aient fait preuvede vertu et d'énergie. Des veuves trop jeunes, au contraire, il convient de se défier, car elles pourraient être une source de désagréments pour l'Église. « Je désire, ajoute-t-il, que les jeunes veuves se marient, qu’elles aient des enfants, qu’elles tiennent une maison et qu’ainsi elles ne donnent pas à l’adversaire une occasion de mal parler. » I Tim., v, 14.

Si claire que soit la doctrine de l’Apôtre pour quiconque lit son texte avec le sincère désir de voir la vérité, des rigoristes plus ou moins hétérodoxes ont prétendu représenter sa vraie pensée en condamnant les secondes noces. Les Pères ont eu à combattre ces erreurs et ces exagérations et à affirmer à nouveau la doctrine. Nous retrouverons, en étudiant leurs écrits, le prolongement de la pensée de saint Paul.

/II. SAINTETÉ DU MAJUAûB. ~~ La morale de Jésus est à base de renoncement et de sacrifice ; elle tend à élever l’homme au-dessus de lui-même pour le mener à Dieu. Jésus, le premier, a donné l’exemple du plus complet renoncement et en particulier du renoncement aux joies de la famille : docteur et sauveur du monde, il ne pouvait limiter son cœur au cercle étroit d’un foyer humain. Va-t-il pour cela condamner le mariage, ou au moins le représenter comme un état imparfait que Dieu tolère mais n’estime pas, comme un mal nécessaire qu’il ne laisse subsister que par impossibilité de le supprimer ? Tout au contraire. Si la morale de Jésus vise à un idéal très élevé, elle n’en est pas moins très humaine ; si elle offre à certaines âmes d'élite un état de perfection au-dessus de ce que peuvent porter les âmes communes, elle ne jette aucun discrédit sur la voie plus humble où marche le grand nombre ; si elle propose à certains privilégiésde la grâce une fécondité d’ordre supérieur, elle ne diminue en rien la noblesse de la fécondité promise par la parole du Créateur : « Croissez et multipliez-vous. » Et, à ne prendre les choses que du simple point de vue humain, cette attitude du Christ est infiniment raisonnable, comparée à celle d’autres fondateurs de religion, Marcion par exemple ou Mani.

Un des épisodes de la vie du Christ a été interprétéà juste titre par les Pères comme une marque d’honneur -accordée par lui au mariage : il s’agit de sa présence aux noces de Cana et du miracle qu’il y accomplit. Joa., ii, 1-11. Les Pères y ont vu d’abord une approbation de l'état commun des hommes. Jésus vient de quitter la vie de famille pour commencer son ministère ; mais cette vie, il tient à montrer qu’il ne la condamne pas, et c’est pourquoi il veut sanctifier par sa présence la fondation d’une nouvelle famille. On connaît le beau texte de saint Augustin, In Joan., tract, ix, n. 1, P. L., t. xxxv, col. 1458 : Quod Dominus invilatus venit ad nuptias, etiam excepta myslica significatione, conftrmare voluit quod ipse fecit nuptias. Futuri enim erant, de quibus dixit Aposlolus, prohi. bentes nuberc et dicentes quod malum essent nupliæ, etc Saint Cyrille d’Alexandrie rapproche de la malédiction prononcée contre Eve coupable la bénédiction apportée par Jésus : « Il avait été dit à la femme : tu enfanteras dans la douleur. Il semblait que l’on dût éviter ces noces qui avaient encouru une telle malédiction. Mais le Sauveur, l’ami des hommes, enlève cette crainte. Par sa présence, il a glorifié les noces ; lui, la joie et le charme de toutes choses, il a voulu ôter à l’enfantement la tristesse ancienne. » In Joan., n, P. G., t. lxxiii, col. 226. Et un traité, De l’incarnation du Seigneur, mis parmi les œuvres du même saint Cyrille, mais qui en réalité est de Théodoret, Batiffol, Anciennes littératures chrétiennes, i, Paris, 1901, p. 316, répète très explicitement la même pensée : « Celui qui est né d’une vierge, qui par ses paroles et par toute sa vie a exalté la virginité, voulut honorer MARIAGE DANS L'ÉCRIT ! RE. SACRAMENTl M UAGNl M

21 II il

le mariage de >a présence et lui apporter on riche

au, a Un que l’on ne ii plus dans le mariage une

m donnée aux passions, afin que personne

m déclarât le mariage Illicite. C xxv, /'. G., t. lxxv,

% ont u un gage de tout ce

que Jésus voulait faire pour sanctifier la source de la

Mi- : restauration du mariage dans s. » pureté, sanctl aces et devoirs attachés au

Vinsi saint Cyrille d’Alexandrie, dans son

même Commentaire sur saint Jean, ii, P. G., toc. cit. :

D convenait que celui qui venait restaurer la nature

i ramener à un état meilleur apportât

nédictlon non seulement à ceux qui étalent déjà

ux qui devaient naître, et qu’il

il.it leur naissance. ll> > ont vu la Dgure dos

rituelles que le Christ devait célébrer avec

se et avec chaque âme : Les vierges, dit

N.iint Augustin, appelées dans l'Église a un plus grand

honneur et à une plus haute sainteté, sont Invitées

les sont elles-mêmes participantes aux

dise tout entière qui est l'épouse, tandis

que Jésus-Christ est l'époux. In Joan., tract. i.,

n. 2, 1'. 1.. t. xxxv, col. l 169.

l’histoire des noces de t ans a paru aux

- une indication do la pensée de Jésus, c’est ailleurs

qu’il faut en chercher l’expression. On la trouvera dans

ce que le Maître lui-même et saint Paul disent du but du n son symbolisme sacré et de la compa ti qu’ils Instituent entre le mariage et la virginité.

1 » But du mariage. — C’est avant tout la propa n de la race humaine, donc la procréation et l'éduenfants. But très élevé et très saint, puisqu’il assure non seulement la continuation de l'œuvre du Créateur, niais la perpétuité et l’extension de la

le famille des enfants de Dieu. Ni Jésus, ni saint Paul n’ont souligné la grandeur du mariage a ce point de vue. L’n mot de l’Apôtre nous laisse toutefois entrevoir sa pensée : il rappelle aux femmes qu’elles doivent garder dans les assemblés religieuses une attitude modeste et recueillie et en particulier qu’elles ne doivent pas y prendre la parole, et ayant justifié

en rappelant la faute de la première femme, il

ajoute : « La femme se sauvera toutefois par la maternité, à la condition de persévérer dans la foi, la charit.-, la sainteté, avec modestie. » I Tim., il, 15.

Paul n’avait donc qu’estime et respect pour la fonction créatrice des époux chrétiens.

mariage a eu ce grand but dans l’intention du

eur. Dans l’esprit de ceux qui se marient, il peut y en avoir un autre, a satisfaction du cœur ou même des sens, but évidemment très inférieur au premier. Et pourtant, même pour ceux qui envisagent surtout dans le mariage ce côté inférieur, ni Jésus ni saint Paul ne les condamnent.

Quand Jésus eut proclamé l’indissolubilité du mariage, les Apôtres expriment leur étonnement d’une pareille rigueur : mieux vaut alors ne pas se marier. Et Jésus de répondre en distinguant diverses s d’hommes qui ne goûtent pas au plaisir des sens, d’eunuques selon le texte de l'Évangile. Les plus parfaits sont ceux qui y ont renoncé volontairement en vue du royaume des cieux. Mais cela n’est pas donné à tout le monde, et pour opérer ce renoncement il faut un don spécial. Matth.. xix. 11. Dans la pensée du Christ, il est donc plus parfait de demeurer dans la virginité ; mais la loi commune, normale, sauf priippel particulier de la grâce, c’est le mariage. Même si l’on se marie parce qu’on se sent incapable de rester vierge, parce que l’on ne peut ni ne veut se priver factions que permet le mari

n’y a aucune fan

même raisonnement s’impose a propos des textes ou saint Paul compare les mérites respectifs du

mariage et de la virginité ou du veuvage, I Cor., vu, 8, 9 et 25 10 ; i Hm., v, 9 16. rout en vantant les mérites et la gloire que s’acquièrent les âmes ass</ généreuses pour appartenir a i lieu seul, il donne avant tout un conseil de prudence : ne s « n ns la vole

plus parfaite qu’après avoir consulté ses forces. Dfco autem non nuptis et viduis : Bonum est illis si sic permaneant sicut et ego ; quod si non se continent, nubant ; melius est enim nubere quam nri. 1 Cor., vii, 8 9.

i Symbolisme sacre du mariage chrétien. Le ment. l. Le mariage, symbole. Ce que nous venons

de dire est vrai de tout mariage. -Mais il a une

sainteté d’ordre plus élevé qui appartient au mariage chrél ien : il est une représentation de l’union du Christ et de l’Eglise.

Ce symbolisme a été exposé par saint Paul dans

un texte d’une souveraine Importance, Eph., v, 22 33 Que les femmes se soumettent à leurs maris comme au Christ. Le mari est le chef de la femme, comme le Christ lui-même esi le chef de l'Église et le Sauveur du corps. Or l'Église se tient dans la soumission au

Christ ; les femmes de même doivent se soumettre en tout à leurs maris. mis. k-s hommes, aimez vos femmes, de même que le Christ a aimé l'Église et s’esl livré pour elle, afin de la sanctifier en la purifiant par le bain d’eau que la parole accompagne. Il la voulait faire paraître devant lui, cette Eglise, glorieuse et donc nette de toute souillure, ride et autres choses semblables ; il voulait qu’elle lut sainte et irréprochable. Ainsi les hommes doivent ils aimer leurs femmes comme leur propre corps. Ln aimant sa femme, c’est soi-même qu’on aime. Jamais personne n’a haï sa propre chair. On la nourrit au contraire et on l’entoure de soins, comme le Christ lui-même fait pour l'Église, puisqu’aussi nous sommes les mem bres de son corps. Voilà pourquoi l’homme laisse père et mère pour s’attacher à sa femme et ne plus faire à eux deux qu’une seule chair. C’est là un grand mystère : je parle, moi, du Christ et de l'Église. Cependant chacun de vous aussi doit aimer sa femme comme soi-même ; la femme, elle, doit la révérence à son mari. L’idée de l'Église, corps mystique du Christ, est une de celles qui reviennent le plus volontiers sous la plume de saint Paul dans les épîtres de la captivité, et de cette idée il tire les plus magnifiques conclusions soit sur la prééminence du Christ, soit sur son rôle de sauveur et de sanctificateur, soit surles relations entre les chrétiens et leur chef ou leurs rapports entre eux. Voir F. Prat, La théologie de saint l’uni, t. i, p. 359370. L'Épître aux Éphésiens se termine par une série de conseils moraux qui semblent se rai lâcher à l’idée générale par la seule règle de sainteté exprimée v, 1 : « Soyez donc les imitateurs de Dieu, comme des enfant s bien-aimés. Mais les conseils que donne l’Apôtre aux personnes mariées lui fournissent l’occasion d’y rêve nir d’une manière plus explicite.

Dans la société familiale comme dans toute autre il y a une hiérarchie. A la tête se trouve le mari : à lui le rôle du chef qui dirige et protège. Mais parce que la famille est une union des âmes plus encore que des corps, c’est au chef qu’il apparlient d’assurer le grand lien des âmes qui est l’amour. Le rôle de la femme est plus modeste. Saint Paul ne parle pas de la fin e reconnaissante par laquelle elle répondra a l’amour et à la protection qu’elle reçoit : il lui rappelle seulement son devoir d’obéir.

De semblables conseils ne seraient pas spéciaux aux mariages chrétiens. Mais l’A] ôl re donne aux époux un idéal sublime qui, d’un coup, élève l’union ent re fidèles Infiniment au-dessus de toute autre union : ce n’esl rien de moins que l’union ent ri' le Christ < t l'Église. Le mari, ce sera Jésus protégeant et sanctifiant son Église,

DICT. IH. TUI’iî.. CATII.

IX.

66

l’aimant Jusqu'à se sacrifier afin qu’elle soit plus belle. Et la femme, ce sera l'Église recevant du Christ la vie et la direction et lui obéissant en toutes choses. » Modèle sublime pour l’un et pour l’autre des époux chrétiens ! L’Ancien Testament employait volontiers l’allégorie du mariage pour rendre sensible l’union intime, unique en son genre, qui existait entre Jéhovah et la race élue ; saint Paul, lui, veut que l’union encore plus étroite du Christ avec son Église serve de règle et.de mesure à l’intimité du lien conjugal. » F. Prat. La théologie de saint Paul, t. ii, p. 398, 399, Paris, 1925.

Le but de saint Paul n’est pas directement d’affirmer le caractère symbolique du mariage ; ce qu’il veut, c’est proposer aux époux un modèle à réaliser, il ne part pas du mariage comme d’une chose connue qui l'élève à la contemplation d’une chose inconnue dont le mariage serait le signe ; il invite les époux à fixer les yeux sur une réalité supérieure qu’ils connaissent, bien qu’elle soit mystérieuse, pour la reproduire dans leur vie. Ce n’est pas une allégorie qu’il développe ; c’est une exhortation morale à réaliser, un idéal surnaturel. Les Pères se sont-ils donc trompés quand ils ont vu dans le texte de l'Épître aux Éphésiens l’affirmation du caractère symbolique du mariage ? Nullement. Car la pensée de l’Apôtre y conduit. Du fait que l’union mystique du Christ avec l'Église est le modèle des mariages chrétiens, il résulte que ceux-ci doivent reproduire celle-là : et donc le mariage, compris et pratiqué comme il doit l'être par des fidèles, sera la représentation de l’union du Christ avec son Église. L’interprétation traditionnelle n’ajoute rien à la pensée de saint Paul : elle la complète ; elle lui donne la conclusion à laquelle logiquement cette pensée même se termine.

On ne peut nier en tout cas que, dans tout ce passage, l’Apôtre affirme la sainteté du mariage et nous en donne la plus haute idée qui soit possible. Loin de discréditer l’union conjugale, il l’ennoblit à l’infini en lui trouvant une ressemblance avec cette union sainte et sanctifiante du Christ avec l'Église.

2. Le mariage, sacrement. — Le symbolisme sacré du mariage est à la base de la doctrine de l'Église qui place le mariage au nombre des sept sacrements institués par Notre-Seigneur Jésus-Christ. De son institution, on ne trouve aucune trace dans l'Évangile, aucune preuve convaincante dans les Épîtres. Le concile de Trente a reconnu cette absence de preuves scripturaires quand, dans son court exposé de la doctrine du mariage, après avoir affirmé que le Christ en a rétabli l’unité et l’indissolubilité, il ajoute : Graliam vero, quæ naturalem illum amorem perficeret et indissolubilem unitatem confirmaret conjugesque sanctificaret, ipse Christus venerabilium sacramentorum instilulor atque per/ector sua nobis passione promeruit. Quod Paulus Apostolus innuit, dicens : « Viri, diligile… » moxque subjungens : « Sacramentum hoc magnum est, ego autem dico in Christo et in Ecclesia. » Sess. xxiv, Doclrina de sacramento matrimonii. DenzingerBannwart, n. 969. Pour le concile les preuves de l'élévation du mariage à la dignité de sacrement se trouvent donc ailleurs que dans l'Écriture : saint Paul n’a donné à ce sujet qu’une insinuation, innuit.

Cette pénurie des preuves scripturaires déconcerte au premier abord, surtout quand on songe aux renseignements précis et abondants qui existent sur d’autres sacrements. Elle ne saurait étonner quiconque connaît le caractère fragmentaire des Évangiles, ou se souvient que les Épîtres sont des écrits d’occasion et non un exposé complet du dogme chrétien, quiconque surtout sait le rôle de la Tradition comme source de la révélation. Par la Tradition, l'Église vivante conserve des vérités directement enseignées par Jésus ou les

apôtres, développe ce qui n'était qu’implicite dans l'Écriture, explique et complète ce qui y était obscur ou incomplet, accroche, aux pierres d’attente que lui offre l'Écriture, un édifice doctrinal où se retrouve intégralement l’enseignement divin :.Jésus continue a vivre dans son Kglise et l’assiste de son Esprit pour que, dans ce travail d'élaboration, elle demeure l’interprète fidèle et infaillible de sa pensée. Cette concept ion du rôle doctrinal de l'Église et de la valeur de la Tradition comme source de révélation au même titre que l'Écriture immobile est une des choses qui distinguent le catholique du protestant.

A cette raison générale s’en ajoute une autre, spéciale au sacrement de mariage. Ce sacrement a, en effet, ceci de particulier qu’extérieurement il n’est autre chose que ce qui a été accompli de tout temps, sans qu’aucun rite spécial au christianisme vienne le modifier. Les autres sacrements, au contraire, étaient nouveaux de tous points ; leui réception était une marque extérieure caractérisant la vie chrétienne ; et parce qu’ils étaient une nouveauté, il fallait que Jésus et les Apôtres les fissent connaître avec plus ou moins de détails. Pour le mariage, ce qui importait à la vie des fidèles, c'était l’obligation de sainteté qui s’imposait à eux, et c'étaient aussi les lois d’unité et d’indissolubilité que Jésus-Christ avait rétablies ; en face de ces devoirs nouveaux et spéciaux au mariage chrétien, ils savaient que les grâces de Dieu ne leur manqueraient pas. Mais que ces grâces leur soient données par l’intermédiaire d’un sacrement qui les produisît ex opère operato, c'était une doctrine qui avait peu d’importance pratique, qu’ils auraient comprise difficilement, sur laquelle par conséquent il n’est pas étonnant que ni Jésus ni saint Paul n’aient attiré spécialement leur attention.

Est-ce à dire que l'Écriture ne nous donne aucune indication sur cette doctrine ? Nullement. Elle ne la formule pas ex projesso ; elle ne contient aucun texte duquel nous puissions conclure avec certitude que Jésus ait institué le sacrement de mariage ou que Paul l’ait connu ; mais nous y trouverons des indications, et comme des pierres d’attente ; et en constatant leur présence, nous pourrons légitimement conclure que l'Église, en enseignant cette doctrine, non seulement ne dit rien qui contredise l’enseignement du Christ, mais au contraire l’achève en pleine conformité avec les données incomplètement transmises par l'Écriture.

Ces pierres d’attente, ce sont d’abord les textes où Jésus et saint Paul imposent aux époux chrétiens des obligations pénibles que d’autres n’ont pu supporter. Lorsque Jésus veut rendre au mariage son unité et son indissolubilité, il place le mariage chrétien à une hauteur où n’ont atteint ni les païens ni les juifs ; et il en résulte des devoirs qui paraissent au-dessus des forces humaines. La preuve en est que les apôtres concluent : mieux vaut ne pas se marier. Matth., xix, 10. Il faudra donc aux époux des grâces spéciales pour porter un joug humainement intolérable. Et sans doute Jésus ne dit pas que ces grâces seront données par un sacrement ; mais puisqu’elles seront nécessaires dans tout mariage, et non seulement en des cas exceptionnels, puisqu’il s’agit non d’un état de choix réservé à certaines âmes, mais d’un état qui est la condition commune et normale des âmes sans vocation spéciale, on n’est pas étonné d’entendre l'Église nous apprendre que Jésus a attaché ces grâces au mariage lui-même dont il a fait un sacrement.

Mais c’est surtout le texte que nous avons cité de l'Épître aux Éphésiens, v, 22, 33, qui forme la plus évidente des pierres d’attente auxquelles l'Église accrochera le dogme du sacrement de mariage. Le concile de Trente ne cite que ce texte comme indication MARIAGE DANS L'ÉCRITURE. SACRAMENTl M MAGNUM

2070

turaire. Quelle en est la valeur démonstrative ?

teuunt celle que le concile a exprimée par le mol

II, une Indication, une Insinuation ; celle que nous

- Indiquée par cette autre formule qui le même

une pierre d’attente

Deux choses peuvent être considérées dance texte.

rt, le symbolisme sacré que saint Paul ^ » > î t

.' mariai ;.', et d’autre part le mol sacramentum

imMismf du mariage, L’argument que en peut tirer a été singulièrement exagéré par us théologiens qui, voulant être plusages que i>e. mit prétendu > trouver une vraie preuve et

>.iseulement une Insinuation, <>u plutôt argutent comme s’il s’agissait d’aboutir à une preuve.

faut pas oublier que, si -.mit Paul voit dans le mariage un signe d’une chose -.urée, ce n’est pas au >ï un sacrement e-t signe. Il est essentiel au sacrement de signifier la grâce produite ; tandis qu'à ir que le texte de Paul, le mariage signifie l’union du Christ avec rÉglise, union qu’il ne produit il signifie une chose et en produit une autre. Thomas a fait expressément cette remarque : n’sl.' Ecdesiam non est re contenta in hoc significata et non contenta : et talent rem nullum sacramentum effleit. Scd hab-t aliam contentant ac significatam quam c/J’icit. In 1 V'"" Sent., WY1. q. ii, a. 1. ad : ' '. On a pensé rétablir ileur démonstrative de la preuve en disanl que le mariage, symbolisant l’union du Christ et de l'Église, symbolise par la même la grâce, puisque c’est par la . que Jésus sanctifie l’Eglise ; c’est la grâce, cette ie divine qui. de la tête qui e-t le Christ, se répand dantout le corps mystique qui e-t l'Église. C’est vrai ; maipour peu que l’on pousse le symbole, et qu’on e--aie de le reali-er. on arrivera a cette conclusion inattendue, que c’est le mari qui sanctifie nme comme le Christ sanctifie l'Église ; que le mari pas source de grâce pour le mari, mais

pour la femme seulement, pas plus que l’union avec n’est source de sainteté pour le Chri-t. n’est paque nous refusions toute valeur au

maiencore une foice n’est qu’une valeur d’inion. Le I'. Prat, après avoir étudié le texte et

a critique les thèses exagérées de certains théol inclut ainsi : Quand on sait d’avance

que le mariage c-l un sacrement, on peut bien trouver ce texte une allusion pluou moins claire au rite sacramentel : autrement, on ne s’aviserait peutde l’y chercher. Op. cit.. t. ii, p. 330. On .urait mieux dire. En définltivi cer ni le sens ni la valeur du

texte de saint Paul, il nous semble qu’il contient une indication et une invitation, lue indication : le mariage n’est plus seulement un état qui impose des irs difficili incas et qui exige des grâces

levoirs reçoivent par le fait seul de leur lilation aux rapports entre le Christ et l'Église, une difficulté de plus, niais une élévation qui les plare en plein surnaturel : c’est un nouveau titre pour qu’au mariage soit attachée la grâce de Dieu. I ne invitation aussi, qui s’adresse ; i l'Église et l’extnpléter la pensée exprimée par saint Paul par la doctrine du mariage-sacrement, a voir dans le mariage sanctifié par le Christ, non plus seulement un symbole représentatif d’une chose sainte et sanctifiante, mais un symbole et une source de la grâce, -urtout en partant de l’idée de symbole île l’union du Christ et de son Lglise que les Pères aboutirent a l’idée de sacrement. Et la transition se ht a-sez rapidement. Il n'était pas nécessaire, comme le prétend une proposition condamnée par le décret I.nmentnbili. que la théologie de la grâce et des sacre ments fui complètement édifiée, pr, 51, Denringer Bannvrart, n. 2051' ; dès que ri gllse avait conscience de i.i valeur sanctificatrice du mariage, elle le mettait par la au rang des sacrements, axant même que la notion de sacrement fût précisée ou que lût fixé le nombre des sacrements Institués par Jésus-Christ. Ainsi, pour reprendre lediverses formules dont nous nous sommes servis, l'Église répondait a l’invitation

implicite que lui adressait le texte de saint Paul ; en achevant la pensée de l’Apôtre, elle attachait à la pierre d’at tente posée p.u lui la coii-l iiicl ion doctrinale

que cette pensée amorçait ; elle remplaçait par une

conception nette et complète l’indication minuit) que lui fournissait l’Ppilrc aux Pphe-icn-.

b) Le mot sacr xmi ruM. Tout le développement de saint Paul sur la comparaison entre le mariage chrétien et l’union du Christ avec son Église se termine par cette phrase : -) (Xucrifjpiov to’jto p-éy* èoTiv. è-'éj o'è Àjv<o eiç XpiaTov Kal et ; tJjv sxxXpo(av, que la Vulgate a traduite : Sacramentum hoc magnum es/, ego autem dico in Christo et in Ecclesia. Eph., v, 32.

Pour les rédacteurs de la Doctrina de sacramento matrimonii au concile de Trente, il semble bien que ce passage et en particulier le mol sacramentum étaient la principale indication qu’ils trouvaient dans saint Paul. Axant la rédaction définitivement adoptée, en effet, une autre avait été proposée, le 5 septembre 1563, moins complète sur d’autrepoints, (dus détaillée sur la valeur de ce texte. Elle s’exprimait ainsi : Sanctitatem vero lutic (matrimonio) lege evangeliea uberius infusam, naturalis illius caritatls per/ectricem, docuit in hue verbu Paulus : Viri, diligite uxores rcslras, sicut et Christus dilexit Ecdesiam ; et mox subdidit : Sacramentum hoc. magnum est, ego autem dico : In Christo et Ecclesia, id se. innuens, quod mutua viri et miilieris conjunctio non solum Christi et Ecclesia conjunctionem reprsesentet, sed et non oliosam Christi ipsos conjuges jungentis re/erat gratiam, prtesentemque testetur et suffteiat. Theiner, Acta concilii Tridentini, t. ii, p. 387 ; Concilium Tridentinum, Fribourg-en-B., 1921, t. i.x, p. 761. Celle formule n’a pas été conservée telle quelle ; mais, dans les discussions, elle n’a été l’objet d’aucune critique, et on peut donc y trouver la pensée des Pères et des théologiens du concile. Or, à la lire attentivement, elle montre dans le texte : Viri, diligite, etc., l’affirmation du caractère symbolique du mariage : et c’est dans les mots sacramentum hoc, etc., qu’elle voit l’indication de sa dignité sacramentelle, de sa valeur sanctificatrice.

En réalité, il n’y a aucune preuve ou même aucune indication nouvelle à tirer du mol sacramentum. Il traduit simplement le grec o.uo~nf)piov, et n’a pas du tout la signification de rite symbolisant et produisant la grâce. Le |XUOT7)piov dont parle saint Paul dans pitres de la captivité, c’est le dessein conçu par Dieu dès l'éternité, mais révélé seulement dans l'Évangile, de sauver tous les hommes sans distinction de race, en les identifiant avec son Fils bien-aimé dans l’unité du corps mystique. Prat, La théologie de saint l’aul, t. i, p. 369. Ce grand mystère, Paul en Indique les principales phases dans un passage où il l’appelle, comme dans le présent texte, [uior^piov y.i'.-y.. et ou la Vulgate emploie comme ici l’expression sacramentum magnum : San- « ont redit, il e.sl grand, le mystère de la piété, ce mystère qui a été manifeste dans la chair, justifié dans l’Esprit, révélé aux anges, prêché parmi les nations, cru dans le monde, exalté dans la gloire. I Tim., iii, Pi. Le mystère dont l’Apôtre parle à propos du mariage e-t quelque chose d’approchant. Saint Paul voit dans les devoirs réciproques des époux une ressemblance avec les relations du Christ et de l'Église qui, unis par un

vrai mariage mystique, ne forment plus qu’un seul corps. « Ce mystère, ajoute-t-il, est grand ; mais moi je ilis : par rapport au Christ et à l’Eglise. » Le mystère, ce ne peut être le mariage de l’homme et de la femme : rien de mystérieux dans celle union. Ce qui esi mystérieux, c’est le lien mystique qui unit l'Église à son Époux divin ; c’est le plan par lequel Dieu veut sauver les hommes dans ce mariage invisible ; c’est aussi le symbolisme profond qui permet de voir, dans l’union de l’homme et de la femme, une image diminuée du mariage parfait de Jésus-Christ avec son Église.

El nous retrouvons ainsi, dans le sacramentum hoc magnum est, la même pierre d’attente que nous avons constatée plus haut, le symbolisme sacré du mariage chrétien ; mais rien de plus probant, rien qui dépasse le mot innuit employé par le concile de Trente.

Mariage et virginité.

Si haut que le christianisme ait placé le mariage, il fait entrevoir un état

supérieur auquel sont conviées certaines âmes. Le mariage, nécessaire à la propagation de la vie, but auquel est ordonné un instinct naturel puissant, sera le lot commun ; mais Jésus, tout en le déclarant saint et sanctifiant, montre aux âmes privilégiées un partage plus saint encore, réservé à ceux qui ont reçu de Dieu une vocation spéciale : c’est la virginité et le célibat.

La virginité est la plus belle fleur de la morale chrétienne ; elle en est la marque propre. Non pas que les civilisations étrangères au christianisme l’aient totalement ignorée ; mais nulle part elle ne fut, comme dans la religion du Christ, une institution permanente et florissante ; nulle part elle n’eut une pareille splendeur d'épanouissement. Ailleurs, elle ne nous apparaît que comme une exception, ordinairement temporaire, en tout cas assez rare.

En lui-même le paganisme, avec sa morale facile et ses dieux peu austères, ne pouvait être une terre où fleurissent les âmes chastes. « Le célibat (selon les opinions de l’antiquité) devait être à la fois une impiété grave et un malheur : une impiété, parce que le célibataire mettait en péril le bonheur des mânes de sa famille ; un malheur, parce qu’il ne devait recevoir lui-même aucun culte après sa mort et ne devait pas connaître ce qui réjouit les mânes. C'était à la fois pour lui et pour ses ancêtres une sorte de damnation. » Fustel de Coulanges, La cité antique, édit. de 1924, p. 50, 51.

Et pas davantage Jésus ne pouvait trouver dans l’histoire ou la religion juive un précédent qui lui inspirât cette magnifique création. Rien dans la Loi ne prévoit une institution d'âmes vierges. Bien plus, non seulement le célibat, mais la stérilité dans le mariage passaient pour un malheur et un déshonneur. Que l’on songe seulement à la loi du lévirat, Deut., xxv, 5-10, ou encore aux regrets de Sara, femme d’Abraham, Gen., xvi, 1 sq., de Rachel, femme de Jacob, Gen., xxx, 1 sq., d’Anne, mère de Samuel,

I Reg., i, 5 sq., etc.

1. L’enseignement de Jésus.

C’est toujours dans Matth., xix, que nous le trouvons, tant ce passage est riche de sens pour la doctrine sur le mariage. Quand les Apôtres, effrayés de la rigueur avec laquelle. Jésus vient de proclamer le mariage indissoluble, s'écrient : » Mieux vaut alors ne pas se marier, » Jésus reprend : « Tous ne comprennent pas cette parole, mais seulement ceux à qui cela a été donné. Car il y a des eunuques qui le sont de naissance, dès le sein de leur mère.

II y a aussi des eunuques qui le sont devenus par la main des hommes. Et il y en a qui se sont faits eunuques eux-mêmes à cause du royaume des cieux. Que celui qui peut comprendre, comprenne. » t. 11, 12.

Celle troisième classe d’eunuques, « ceux qui se sont faits eunuques pour le royaume des cieux —, doit s’entendre au sens métaphorique : Jésus lui-même excitr ses auditeurs a s'élever au-dessus du sens littéral et grossier, lorsqu’il ajoute : < Que celui qui peut comprendre, comprenne. C’est d’ailleurs ainsi que toute l’antiquité chrétienne a entendu ce texte, même Origéne qui cependant, selon le récit d’Eusèbe, 11. 1. VI, viii, /'. G., t. xx, col. 535, l’avait pratiqué a la lettre, puisqu’il s'était mutilé pour ne pas laisser prise au soupçon d’inconduite. Non seulement Origène condamne comme un crime un tel attentat contre soi-même, Comm. sur saint Matthieu, tom. xv, n. 3, /'. ' » '., t. xiii, col. 1258 ; il interprète même au sens moral les deux premières espèces d’eunuques : les premiers sont ceux qui par nature ne sont pas portés aux plaisirs de la chair ; les deuxièmes sont ceux qui y renoncent par suite d’exhortations purement humaines ou de doctrines hérétiques condamnant le mariage ; les troisièmes, ceux qui font profession de virginité pour le royaume des cieux. Ces derniers seuls sont les vrais vertueux, d’après Origène. Ibid., n. 4, P. G., t. xiii, col. 1263, 1264. Personne d’ailleurs ne songe sérieusement à interpréter autrement qu’au sens moral le conseil donné par le Christ. C’est donc la continence dans la virginité qu’il envisage comme un idéal de perfection.

Mais il s’agit d’une continence voulue pour le royaume des cieux. Le célibat égoïste ou hypocrite pas plus que le célibat forcé ne sont un idéal moral. Celui que prône Jésus et que l'Église a réalisé comme institution, c’est le célibat librement choisi, dans un but religieux, personnel, apostolique ou charitable. Garder la virginité pour arriver plus facilement ou plus sûrement au royaume, la garder pour se consacrer plus entièrement et sans partage à l’extension du royaume ou aux œuvres de charité, tels sont les buts que Jésus propose, les seuls qui placent la virginité et le célibat au-dessus du mariage.

Ainsi entendue, . en eiîet, la virginité est présentée comme un idéal réservé aux âmes qui en ont reçu de Dieu le don et ont entendu l’appel spécial. Tous ne peuvent y prétendre, et le mariage reste le sort commun. Il faudra donc s'éprouver, consulter ses forces et ses attraits avant de s’engager dans cette voie privilégiée, mais pénible pour la nature. Imprudent et présomptueux serait quiconque prétendrait y entrer sans avoir été appelé de Dieu et sans compter sur les grâces de choix dont la vocation spéciale est la promesse : la déchéance serait d’autant plus lourde qu’on aurait voulu s'élever plus haut. Le conseil de prudence par lequel Jésus conclut, souligne davantage encore la beauté et la noblesse surhumaines de la vie chaste. Saint Jérôme en donne ce magnifique commentaire : Unusquisque considerel vires suas, utrum possit virginalia et pudicitiæ implere præcepta. Per se enim castitas Manda est et quemlibet ad se alliciens. Sed considerandse sunt vires ut qui potest capere capiat. Quasi hortantis vox Domini est et milites suos ad pudicitiæ præmium concitantis. Qui potest capere, capiat ; qui potest pugnare, pugnel, superet ac triumphet. In Matth., t. III, in h. 1., P. L., t. xxvi, col. 136.

Ces paroles doucement encourageantes, pour reprendre l’expression de saint Jérôme, ont été entendues. De l’idéal proposé, le divin.Maître a donné le premier l’exemple, lui qui, pour se consacrer tout entier à s ; i mission de docteur et de sauveur, a renoncé à tout ce qui aurait pu rétrécir son cœur ou encombrer sa vie. Aux apôtres qu’il a appelés à sa suite et dont il voulait faire les continuateurs de son œuvre, il a fait entendre la même vocation de renoncement et de détachement : eux aussi devaient se donner entièrement, sans qu’aucune affection familiale les gênât dans M Kl.', l. DANS I li Kl n RE. M lîl '.l l l [RGINITÉ

2074

r accomplissement de leur mission. A Jésus et aux

Douze s’appliquent d’abord les éloges décernés a

straoerunt propter rtgnum ealorum ;

leur exemple autant que les invitations du Maître

l’aimant auquel se laisserait prendre

l’innombrable phalange des..nus vierges par amour

» ieu ou par amour du prochain.

teignement de saint Paul. Il est Identique

tus. L 'Apôtre lui donne seulement des

loppements plus complets, une plus grande pré

i et une allure plus pratique ; ce qui se com

i. puisqu’il lui laut s’occuper de l’organisation

Dans la d< uxM me partie de la I" aux Corinthiens, il ni. comme il le dit lui même, vii, l. a diverses .ions que lui ont posées les fidèles ; et la première testions concerne précisément les avantages . t du célibat. En exposanl sa t. saint Paul ajoute à l’enseignement de s une application nouvelle et Intéressante : il nus qui so s, mt trouvées engagées dans les liens du mariage et ont recouvré leur liberté par la mort de leur époux ou épouse ; l’Apôtre ne les distingue pas des âmes qui n’ont jamais perdu leur i La question est, en effet, la même dans les i préférable de se marier ou de demeurer libat ? el pour les personnes mariées d’abord. venues libres, est-il meilleur de se remarier -ter dans le veuvage ? C’est pourquoi saint d aux veuves les conseils qu’il donne aux mariés, 1 Cor., vu. 8 ; il reprendra ses conseils lUX veux es. inspires des mêmes principes la I" Épître à Timothée, v, 9-16. Il est a peine besoin de faire remarquer que, dans s, l’enseignement de saint Paul, tout en ne s’adressant expressément qu’aux veuves, OUT lesquelles sans doute les conseils de prudence s’imposaient davantage et qui formèrent de bonne heure une institution dans l’Eglise, s’appli, uism bien aux veufs. Ces mêmes principes sont - pour les uns et pour les autres. De même donc que, lorsqu’il parle de la virginité, c’est aux jeunes nommes comme aux jeunes tilles qu’il s’adresse, ICor., vu. 8 (toïç. i.iu' 29, 32, 33, de même ses

- directions s'étendent à tous ceux qui ont recouvré leur liberté après le mariage, hommes on femn

Aux uns comme aux autres, 1 Apôtre fait briller

la beauté et la splendeur de la continence : il la leur

montre désirable et la propose comme idéal à tous

qui en sont capables. Pour exhorter les fidèles

lever a cette hauteur, il multiplie les arguments.

H fait appel à l’exemple qu’il donne lui-même : « Je

souhaiterais que tout le monde fût comme moi, »

ibid., vii, 7 : il vous est bon de demeurer dans ma

situation. > 8. Il invoque la brièveté du temps et

l’approche du jour du Seigneur, pour y trouver une

leçon de détachement des biens et des plaisirs de la

terre : « Ce que je veux dire, frères, c’est que le temps

ourt. Alors ceux qui sont mariés doivent vivre

..mine s ils ne l'étaient pas… Car elle passe, la figure

de ce monde. > 20-31..Mais surtout il montre les avan - de la continence et du célibat pour la vie reli rvice de I)ieu.

a aux personnes mariées, il avait recommandé la

continence passagère dans un but religieux : Ne vous

refun a l’autre, sauf tout au plus d’un < om mun accord, pour un temps et en vue de vous livrer

prière. *.. Rien qui sente dans ce conseil l'égolsme

où la crainte d’une famille nombreuse : de semblables

ouvaient effleurer l'âme de

l’Apôtre. I)e même, quand il recommande le célibat.

Sien au-dessus des visécs’utilitaires ou

tes qui De sauraient entrer en ligne île compte pour

.les chrétiens ; ce n’es ! pas pour iim les embarras de

la ie de famille OU pour 56 procurer une existence

tranquille et exempte de soucis qu’il engage les Bdèlea urder plus haut que le mariage ; quiconque se

Qatte de connaître (saint Paul) ue se persuadera

jamais qu’il obéisse à des préoccupations si terrestres,

., des sentiments si vils. l’rat. Lu théologie de saint

Paul, t i. p. 131. Ce qu’il voudrait, c’est conduire les

.'mies a un état où elles puissent sans partage se donner .m service du Seigneur, il le dit aussi nettement que possible : Celui qui n’est pas marié se préoccupe de ce qui regarde le Seigneur. Il recherche de quelle manière il pourra plaire au Seigneur. Celui qui est marie a le souci (les choses du monde. Il sinquiele de plaire a sa femme, « est dire qu’il est divisé. De même pour la femme qui n’est point mariée et la I Elles sont occupées de ce qui peut plaire au

Seigneur pour être saintes de corps et d’esprit… Je ne veux nullement jeter le filet sur vous. Je n’ai en vue que de promouvoir ce qui est bien et propre à vous attacher au Seigneur, sans qu’il y ait rien qui vous en vienne détourner, i 32-3."). Le célibat vraiment méritoire, c’est donc celui auquel on se consacre pour mieux servir Dieu, et nous pouvons ajouter : pour mieux se dévouer au prochain. C’est en effet aux œuvres de dévouement que saint Paul demande aux veuves de s’adonner ; la condition pour que l'Église accepte une femme au rang des veuves, c’est qu’elle ait exercé l’hospitalité, lavé les pieds des saints, secouru les malheureux, accompli tout l’ensemble des bonnes œuvres. » I Tim., v, 10.

Ainsi compris, le célibat est nettement supérieur au mariage en lui-même. Saint Paul, dont nous venons de voir les raisons, l’affirme sans hésiter et à plus d’une reprise. » Il est avantageux pour l’homme dîne pas toucher de femme. » I Cor.. VU, 2. Je dis aux non-mariés et aux veuves : il est bon de demeurer dans ma situation. » 8. Celui qui marie sa fille fait bien : celui qui ne la marie pas fait mieux. » 38. (La femme veuve) est plus heureuse si elle demeure comme elle est. Or je crois avoir, moi aussi, l’esprit de Dieu. » 40.

Est-ce donc que saint Paul condamne le mariage ? Loin de là. Vers la fin de sa carrière, il rencontrera de ces hommes qui « interdisent le mariage ». Il les traitera d' esprits séducteurs », d' « hypocrites imposteurs ». I Tim., iv, 1-3. -Mais dès maintenant, même quand il donne les plus grands éloges à la virginité, même quand il y pousse ardemment les âmes capables de s'élever jusqu'à cette hauteur, sa pensée reste judicieuse et pratique, très éloignée des rêveries d’un ascétisme exagéré et des erreurs où tomberont plus tard les encratites des diverses écoles. Il ne condamne pas le mariage ; il a pour lui la plus haute estime : il le dit toujours permis, toujours saint, quelquefois obligatoire ; mais au-dessus du mariage il place la virginité, l'étal de ceux qui, par souci de perfection plus grande et pour obéir à un appel de choix, renoncent au mariage.

Cela ressort et de ses affirmations formelles, el des règles de prudence qui doivent présider à la décision par laquelle une âme s’enrôlera définitivement parmi les vierges.

a) Les affirmations formelles. — Saint Paul avoue qu’il n’y a sur ce point aucun précepte du Seigneur ; c’est un simple conseil de perfection qu’il donne en recommandant la virginité. I Cor., vii, 25. Il dit et ri que, pour tous, le mariage est licite : Si tu te maries, tu ne commets aucun péché. De même la vierge qui se marie ne commet aucun péché. 28. Si quelqu’un estime… qu’il est de son devoir de marier sa fille, qu’il fasse ce qu’il veut ; il n’y’a point de péché. - 36. 20 7 f

MARIAGE DANS L'ÉCRITURE. DROITS ET DKYOIKS

2076 « Celui qui marie sa fille lait bien, >..M. Il tl’j a qu’un

eas où le mariage est interdit, c’est lorsqu’on s’est engagé a ne pas se mai ici ; la veuve, qui a pris rang parmi les personnes consacrées à Dieu, n’a plus le droit de contracter mariage, sinon elle s’attire le reproche d’avoir répudié la loi donnée. I 'Jim., v, 12.

b) Règles de prudence qui s’imposent. -- C’est pourquoi la plus grande prudence s’impose axant de s’engager définitivement dans un état pénible à la nature. Le lot commun, c’est que « chaque homme ail sa femme et chaque femme son mari ». I Cor., vii, 2. Et on ne peut prétendre à sortir de la règle commune sans une grâce spéciale de Dieu : « chacun a reçu de Dieu son don particulier, l’un d’une manière, l’autre d’une autre. » 7. On ne s’engagera donc dans le célibat qu’après mûre réllexion, après avoir examiné l’appel de Dieu et consulté ses forces ; et si on ne se sent pas assuré de persévérer dans la continence, « qu’on se marie ; mieux vaut se marier que de se consumer [de convoitise |. » 9.

De tels conseils où la prudence s’allie aux appels ardents vers le renoncement et la chasteté, où l’idéal proposé à certaines âmes est déclaré impraticable au grand nombre, donnent la plus haute idée de l’esprit de mesure qui caractérise la spiritualité de saint Paul. En tout cas, c’est n’avoir rien compris à sa pensée que de vouloir faire du grand apôtre un des adversaires du mariage. Si, comme o.i 1 i verra, les encratites prétendirent s’appuyer sur son enseignement pour condamner le mariage comme un péché, c’est pour n’avoir retenu qu’une partie de ses paroles et avoir volontairement fermé les yeux sur les correctifs formels qu’il y apporte. « Les textes de saint Paul sont fort clairs. Sa distinction expressive entre le xocAôv et le xpsrr-rov, I Cor., vii, 8, 9, fut comprise de la plupart des interprètes et n'échappa qu'à ceux qui, comme Tertullien, s’attardaient à des préjugés rigoristes. » Moulard, Saint Jean Chrysostome, le défenseur du mariage et l’apôtre de la virginité, Paris, 1923, p. 138, note 94. Et M. Moulard cite, de saint Jean Chrysostome, celui des Pères qui a sans doute le plus aimé et le mieux compris saint Paul, le passage suivant qui résume admirablement la doctrine de l’Apôtre : « (Paul) n’interdit point le mariage, de peur de surcharger les faibles ; il n’en fait point non plus une obligation, afin de ne point priver de leurs futures couronnes ceux qui préfèrent garder leur virginité ; mais d’un côté il établit que le mariage est une bonne chose, et de l’autre il fait voir que la virginité est préférable. » De libello repudii, ii, 4, P. G., t. ii, col. 223.

IV. DROITS ET DEVOIRS JïfX’IPROQVES DES ÉPOUX.

— Il n’est pas sans intérêt, à la fin de cette étude, de déterminer, d’après les épîtres de saint Paul, la situation réciproque où le mariage place l’homme et la femme, et les devoirs qu’il impose à l’un et à l’autre. On jugera par là de l’immense progrès que la religion chrétienne a fait faire à la famille, en libérant la femme de la condition humiliée et dépendante où la tenaient souvent les civilisations païennes ; on se convaincra de l’absolue vérité de l’affirmation d’un commentateur de saint Paul : « Le chef-d'œuvre moral du christianisme est d’avoir sanctifié le mariage. » Prat, La théologie de saint Paul, t. ri, p. 401.

On peut résumer la pensée de saint Paul sur ce point en deux mots : égalité des droits, hiérarchie des rôles.

Egalité des droits.

 La femme n’est plus la

chose de l’homme, son esclave, mais sa compagne : elle lui est égale dans tous les droits essentiels, il a envers elle les mêmes devoirs qu’elle a envers lui, et cela en vertu de la donation irrévocable qui les unit l’un à l’autre. Chacun d’eux ne s’appartient plus

à lui-même, il appartient a celui : qui il s’est donné.

Ce principe est affirmé par l’Apôtre à propos des

rapports conjugaux. Les deux époux ont les mêmes

droits d’en user ou de les demander, les mêmes devoirs de ne pas les refuser, a tel point que l’un d’entre eux ne peut même alléguer un motif religieux pour s’en dispenser, sans le consentement de son conjoint. A ce point de vue déjà, la plus parfaite égalité règne entre les époux. » I.e mari doit rendre a sa femme ce qu’il lui doit : la femme de même : i son mari. La femme n’est pas la maîtresse de son corps : il est a son mari. I.e mari, pas davantage, n’est le maître de son corps : il appartient à sa femme. Ne vous refusez donc pas l’un à l’autre, sauf tout au plus d’un commun accord, pour un temps et en vue de vous livrer à la prière. » I Cor.. vn, 3-5.

A plus forte raison la femme est-elle l'égale de l’homme pour tout ce qui touche à l’unité et à l’indissolubilité du mariage. L’homme se contentera de sa femme, comme la femme de son mari, puisque ni l’un ni l’autre ne s’appartiennent plus, mais se sont donnés ; et c’est la loi de la fidélité mutuelle qui s’impose à tous deux. 1-21 pareillement, la donation étant irrévocable de part et d’autre, ils perdent tous deux le droit de se reprendre, et le mari n’a pas plus le droit de répudTer sa femme que celle-ci ne peut rompre le lien qui l’unit à son mari : « Quant aux gens mariés, voici ce que je leur commande ou plutôt ce que le Seigneur lui-même leur commande. La femme ne doit pas se séparer de son mari. Si cependant elle s’en trouve séparée, qu’elle vive dans le célibat ou bien qu’elle se réconcilie avec son mari. Le mari non plus ne doit pas répudier sa femme. » I Cor., vii, 10, 11. Bien plus, l'égalité est telle que, quand saint Paul fait à la loi de l’indissolubilité cette unique exception que l’on appelle le privilège paulin, i ! la fait en faveur de l'époux chrétien sans distinction, que ce soit l’homme ou la femme. Ibid., 12, 16.

Hiérarchie des rôles.

Toutefois égalité ne veut

pas dire anarchie ; la famille est une société où chacun a son rôle et sa place. La place de l’homme est la première et son rôle celui de chef ; la femme doit lui être subordonnée comme le corps obéit à la direction de la tête, comme l'Église obéit aux impulsions du Christ. Eph., v, 22-33.

Saint Paul justifie par des arguments scripturaires cette place qu’il assigne à la femme. C’est d’abord l’histoire de la création de la femme qui la montre inférieure à l’homme puisqu’elle est faite de lui et pour lui : « L’homme… est l’image et la gloire de Dieu ; la femme, c’est de l’homme qu’elle est la gloire. L’homme, en effet, n’a pas été tiré de la femme, mais la femme de l’homme. Ce n’est pas l’homme qui a été créé pour la femme, mais bien la femme pour l’homme. » I Cor., xi. 7-9. Et c’est aussi l’histoire de la chute de nos premiers parents : la femme s'étant laissé séduire et ayant entraîné l’homme dans sa faute expie sa faiblesse par la subordination qu’elle doit accepter. I Tim., u. 13, 14.

De cette inégalité dans la famille naissent des devoirs nouveaux, différents pour l’homme et pour la femme. L’homme, en tant que chef, dirige et commande ; mais ses ordres seront tempérés par l’amour et le respect. L’amour, c’est le grand devoir du mari envers sa femme : et il était d’autant plus nécessaire de le lui rappeler que, avant le christianisme, l’homme était trop uniquement le maître. C’est pourquoi dans le beau passage de l'Épître aux Éphésiens que nous avons commenté, v, 22, 23, saint Paul revient avec tant d’insistance sur ce devoir : « Maris, aimez vos femmes comme le Christ a aimé son Église… Ainsi les hommes doivent aimer leurs femmes comme leur propre corps. En aimant sa femme, c’est soi-même que l’en aime. Jamais personne n’a haï sa propre chair… » Cf. Col., iii, 19. La femme, de son côté, doit à son mari respect et soumission. Eph., v, 22-24 Col., iii, 18.

Un passage de la Ire Épitre de saint Pierre montre comment les femmes chrétiennes savaient dans cette subordination garder une belle dignité et même y trouver un puissant moyen de gagner l’âme de leur mari. Rien ne saurait nous donner une image plus saisissante de ce que doit être un foyer chrétien où la femme apporte sa grâce et ses vertus, son obéissance et sa puissance de persuasion pour le bien, où le mari n’use de son pouvoir que pour protéger, aimer et respecter sa compagne : « Vous, femmes, soyez soumises à vos maris, afin que, s’il en est qui n’obéissent pas à la prédication, ils soient gagnés, sans la prédication, par la conduite de leurs femmes, rien qu’en voyant votre vie chaste et pleine de respect. Que votre parure ne soit pas celle du dehors, les cheveux tressés avec art, les ornements d’or et l’ajustement des habits : mais parez l’homme caché du cœur par la pureté incorruptible d’un esprit doux et paisible : telle est la vraie richesse devant Dieu. C’est ainsi qu’autrefois se paraient les saintes femmes qui espéraient en Dieu, étant soumises à leurs maris. Vous de votre côte, maris, conduisez-vous avec sagesse à l’égard de vos femmes, comme avec des êtres plus faibles, les traitant avec honneur, puisqu’elles sont avec vous héritières de la grâce qui donne la vie. » I Petr., iii, 1-7.

L. Godefroy.

II. LE MARIAGE AU TEMPS DES PÈRES

Il convient de distinguer :
I. La période qui va jusqu’à saint Augustin.
II. Celle qui va de saint Augustin à la renaissance carolingienne(col. 2115).

I. Jusqu'à saint Augustin

Les questions morales sur le mariage sont d’ordre tellement pratique que les Pères ont dû nécessairement y revenir avec insistance. À propos de son unité et de son indissolubilité, des devoirs réciproques des époux, de la chasteté qu’ils ont à garder même dans les relations conjugales, de la vie religieuse qu’ils doivent mener pour obtenir les grâces de Dieu, etc., les fidèles avaient besoin d’être fréquemment instruits et exhortés. Mais à côté de ces idées où, en somme, les Pères n’ont rien dit de plus que Jésus et les apôtres, il y a trois sujets sur lesquels leur doctrine semble mériter une étude plus attentive :
1. la Valeur morale du mariage comparé à la virginité, ou des secondes noces comparées au veuvage, une des questions qui ont le plus préoccupé les esprits aux premiers siècles :
2. la doctrine sacramentaire du mariage qui marque un progrès sensible sur les indications scripturaires ;
3. les premiers éléments de la législation ecclésiastique qui aboutiront à l’affirmation du pouvoir de l’Église en matière matrimoniale.

Nous arrêtons à saint Augustin la première partie de notre enquête parce que, sur bien des points, il donne la solution la plus exacte et la plus complète, en attendant les nouveaux progrès que la théologie scolastique rendra possibles.

1. VALEUR MORALE DU MARIAGE. MARIAGE ET VIRGINITÉ. SECONDES NOCES ET VEUVAGE.

Avant toutes les autres, cette question s’est imposée à l’attention des Pères et elle est demeurée à l’ordre du jour jusqu’à saint Augustin. Les solutions ont été diverses : c’est un des côtés du grand problème moral qui sépare les esprits selon leurs tendances à la sévérité ou à l’indulgence. Mais à travers les réponses extrêmes, l’Église a toujours gardé le juste milieu. Il est nécessaire de le prouver avec quelque détail afin de justifier les Pères du reproche de rigorisme exagéré ; car trop nombreux sont ceux qui, par une généralisation hative, les représentent sans nuances comme les ennemis du mariage ou, au moins, des secondes noces.

L’Évangile et les épîtres de saint Paul avaient fait entrevoir, au-dessus de la condition commune, une voie plus parfaite, offerte aux âmes d’élite capables de la suivre, voie de renoncement aux divers biens terrestres que l’homme souhaite normalement. Parmi ces biens, les joies de la vie de famille, le plaisir des sens tiennent le premier rang, et c’est pourquoi le renoncement chrétien s’offre d’ordinaire sous la forme de la continence, du célibat, de la virginité. Les invitations chrétiennes à la vie parfaite devaient d’autant plus tenter les âmes nobles qu’elles contrastaient plus violemment avec la vie ou les aspirations du paganisme. Mais, d’autre part, pour que l’idéal évangélique ne fût pas effacé par la contagion païenne chez les fidèles encore insuffisamment imprégnés de christianisme et vivant au milieu des païens, il était nécessaire que les pasteurs de l’Église le présentassent dans toute sa beauté, et y revinssent avec insistance. Que, dans cet effort de réaction, il dût se produire quelques exagérations de parole ou même de pensée, qu’à force de vanter la virginité ou le veuvage acceptés pour Dieu on en vint parfois à paraître sous-estimer le mariage et à le représenter comme un état imparfait, peu conforme à l’idéal chrétien, au-dessus duquel un vrai disciple du Christ devait s’élever, c’était inévitable. Mais par de la ces exagérations, dans les rares cas où elles se produisent, il s’agit de rechercher la vraie pensée des Pères ; et on la trouve là où ils ne songent plus à la polémique, ou bien quand ils doivent eux-mêmes se défendre de l’accusation de rigorisme qu’ils avaient encourue. —— Et ces exagérations mêmes, doit-on les leur reprocher sans indulgence ? C’est grâce à leurs efforts que l’esprit chrétien s’est conservé dans toute son élévation, que les mœurs se sont purifiées et que s’est produite cette admirable floraison d’âmes vierges et dévouées qui ont été le plus bel ornement de l’Église. En regard de ce résultat, les quelques outrances d’expression que nous pourrons relever pésent bien peu.

Pour bien comprendre la pensée des Pères, il faut étudier d’abord les erreurs qu’ils eurent à combattre. Elles se ramènent en somme à deux tendances excessives au sujet du mariage : la tendance rigoriste qui considérait l’état de mariage comme un état de péché et l’acte du mariage comme une faute, qui imposait donc aux chrétiens de ne pas se marier, de rester dans la continence s’ils étaient mariés, ou dans le veuvage quand leur mariage était rompu ; la tendance laxiste, plus tardive que la première, qui méconnaissait au contraire la grandeur et la perfection de la continence et ne mettait aucune différence de valeur entre le mariage ce la virginité.

Les erreurs.

1. L’erreurs rigoristes, exaltant la continence au détriment du mariage.

Elles sont le fait, en général, d’hérétiques plus ou moins qualifiés, passés en revue ailleurs, mais dont on notera ici les tendances particulières sur la question qui nous occupe.

a) Les encratites.

Voir t. v, col. 4 sq. On désigne du nom d’encratisme, non pas une hérésie constituée en société religieuse séparée de l’Église, mais plutôt une tendance pratique qui portait certains chrétiens à un rigorisme exagéré. D’après eux, les règles de renoncement énoncées dans l’Évangile, s’adressant à tous et non seulement à une élite, doivent être entendues comme des lois ce non seulement comme des conseils. Tout chrétien est nécessairement un ascète et garde la continence, τὴν ἐγκράτειαν.

Cette tendance, déjà signalée ce réprouvée par saint Paul, Col., ii, 21 ; I Tim., iv, 3, s’exprime dans un cet

tain nombre d’apocryphes qui uni ce traiL commun qu’ils condamnent le mariage. Les Actes de Paul appartiennes à cette classe d’apocryphes à tendance encratite. L’auteur connaît les exhortations de l’Apôtre en faveur de la chasteté et de la continence ; mais il défigure la pensée de Paul en insistant lourdement sur ces conseils jusqu'à leur donner l’apparence d’ordres, et en laissant dans l’ombre d’autres passages qui aideraient à les ramener à leur véritable valeur. !.. Vouaux, Les Actes de Paul, Paris. 1913, p. 123, 124. Dans cet apocryphe, en effet, la prédication de Paul porte presque uniquement sur la pureté, la continence, le renoncement, par exemple n. 5 et 6, p. 155-157, et c’est bien ainsi que ses ennemis résument sa doctrine : « Ce séducteur trompe les âmes des jeunes gens et des vierges afin qu’ils ne se marient pas. » n. 11, p. 169. « Il écarte les jeunes gens des femmes et les vierges des hommes en disant : il ne peut y avoir pour vous de résurrection que si vous restez chastes et si, loin de souiller votre chair, vous la conservez pure, » n. 12, p. 171. Nous savons par Tertullien, De baptismo, c. xvii, P. L., t. i, col. 1219, que l'Église condamna comme faussaire le prêtre reconnu coupable d’avoir composé cet ouvrage sous le nom de l’Apôtre ; et sans doute, cette condamnation n’atteignait pas directement la doctrine qui y est enseignée ; mais elle montre du moins que l'Église ne retrouvait pas dans cet aprocryphe la vraie pensée de saint Paul. — Les mêmes tendances encratites se retrouvent, plus accentuées encore, dans les autres Actes apocryphes, de Pierre, d’André., surtout de Jean et de Thomas.

On a voulu trouver une saveur d’encratisme à certains passages du Pasteur d’Hermas. En réalité ce sont des conseils de continence et rien de plus. Quand Il dit, par exemple : « Crains Dieu et que sa crainte t’inspire la continence, » Mand. i, 2, édit. Lelong, Paris, 1912, p. 72, 73, il donne un conseil qui ne dépasse pas la pensée de Paul. Quand il ordonne de garder la fidélité à son épouse, Mand. iv, 1, p. 80, 81, c’est une loi naturelle qu’il exprime ; et quand il permet expressément les secondes noces, Mand. iv, 4, p. 88, 89, il se place aussi loin que possible de l’encra Usine.

La tendance encratite est plus marquée dans l’homélie du n » siècle connue sous le nom de II* démentis. Elle se réfère à un passage de VÉvangile selon les Égyptiens et le commente ainsi : « Dans la rencontre de l’homme avec la femme, « ni homme ni femme «  signifie qu’un frère à la vue d’une sœur ne pense point au sexe féminin à son propos, et qu’elle, à son tour, ne pense pas au masculin. Si vous agissez ainsi, veut-il dire, le royaume de mon Père viendra. » Édit. Hemmer, Paris, 1909, p. 154-155.

Mais dès lors l’encratisme pur ne se retrouve plus guère ; presque toujours il se joint à quelque hérésie à laquelle il emprunte ses principes dogmatiques. Ces accointances fâcheuses de l’encratisme, selon le mot de Mgr Duchesne, Hist. anc. de l'Église, t. i, Paris, 1906, p. 514, prouvent nettement combien cette poussée était éloignée de la pensée de l'Église ; si la morale du renoncement n’avait été si fortement conseillée dans l'Évangile, elles auraient pu jeter des soupçons défavorables sur l’ascétisme le plus orthodoxe.

b) Les gnostiques. — La conception gnostique de la matière, issue du principe mauvais et source de souillure pour l'âme, donnait à l’encratisme une base dogmatique trop naturelle pour qu’une alliance étroite ne s'établît pas entre ce qui n'était que tendance morale exagérée et ce qui était erreur philosophique et théologique. De fait, pendant tout le Ie siècle, les encratites sont, à peu près tous, plus ou

moins entachés de gnosticisme, soit que des encratites, d’abord chrétiens, eussent voulu légitimer leurs conceptions excessives de pureté en les rattachant à une métaphysique de la matière, soit que les gnostiques aboutissent logiquement à la condamnation du mariage, œuvre de chair, condition de la propagation de la chair.

Basilide, voir t. ii, col. 465 sq., conseille de s’abstenir du mariage ; il le permet seulement comme un inoindre mal, pour se débarrasser des tentations qui entraveraient la prière. Clément d’Alexandrie, Strom., t. III, c. i, P. G., t. viii, col. 1099-1102. Le même résultat pouvant être obtenu par toute satisfaction des appétits charnels, même en dehors du mariage, il n’est pas étonnant que plusieurs Pères lui aient reproché sa doctrine immorale, bien que ce reproche atteigne sans doute plus directement ses sectateurs que lui-même. Cf. Irénée, Contra hæres., I, xxiv, 5, P. G., t. vii, col. 678 ; Épiphane, Hæres., xxiv, 3, t. xli, col. 312 313 ; Jérôme, Adv. Jovin., ii, 37, P. L., X. xxiii, col. 335.

Mareion est le plus connu des représentants de l’enciatisme gnostique, sans doute parce que son influence fut profonde et durable, sans doute aussi parce qu’il eut la bonne fortune d'être réfuté par Tertullien. Pour Mareion la continence est, comme pour les divers gnostiques, une conséquence de sa doctrine. C’est bien, en effet, la pensée de Mareion, d’après Tertullien : Non tinguitur apud illum caro, nisi virgo, nisi vidua, nisi cœlebs, nisi divortio baptisma mercata… Sine dubio ex damnation ? conjugii institutio ista constabit. Adu. Marc., t. I, c. xxix, P. L., t. ii, col. 280. Nega te nunc dementissimum, Mareion… (Deus tuus) nuptias non conjungit, conjunctas non admitlit, neminem tinguit nisi cœlibem aut spadonem, morti aut repudio baptisma servat. Ibid., t. IV, c. xi, col. 382 ; cf. c. xxxiv, col. 442. Voir ci-dessus col. 2024.

On connaît, par le même Tertullien, un autre gnostique, Apelle : Mareion et Ap’lles ejus secutor, De præscriplionibus, n. 33, P. L., t. ii, col. 46, qui aurait été l’ennemi du 'mariage. D’ailleurs cette position fut certainement celle de tout le gnosticisme.

Tatien, d’abord disciple de saint Justin, se sépara, dit-on, de l'Église après le martyre de son maître et s’attacha au gnosticisme. Saint Irénée, Conl. hæres., I, xxviii, 1, P. G., t. vii, col. 690, 691, dit que, comme Mareion et Saturnin, « il appela les noces une corruption et une débauche », et qu'à la doctrine de ses maîtres il ajouta cette idée qui lui était personnelle, qu’Adam était damné. Saint Jérôme le qualifie de prince des encratites, sans doute pour sa notoriété plutôt qu’en raison d’une autorité qu’il aurait eue dans l'Église gnostique, et donne comme idée générale de son erreur qu’il considérait comme une débauche tout commerce sexuel : Neque nos Marcionis et Manichœi dogma seclanles nuptiis detrahimus. Nec Tatiani principis encralitarum errore decepti omnem eoitum spurcum pulamus. Adv. Jovin., i, 3, P. L., t. xxiii, col. 213.

Saint Jérôme nous renseigne sur un autre hérétique, Jules Cassien, voir t. ii, col. 1829, 1830, qui fut un des chefs du docétisme ; il l’appelle encratitarum vcl acerrimus hæresiarches. Comm. in epist. ad Galatas, t. III, c. vi, P. L., t. xxvi, col. 431. S’appuyant sur un texte de l'Épître aux Galates dont il tronquait les mots, Cassien raisonnait ainsi : Si quis seminat in carne, de carne metet corruptionem. In carne autem seminat qui mulisri fungitur ; ergo et is qui uxore ulitur et seminat in carne ejus metet corruptionem. Ibid. C'était donc, conformément à la doctrine gnostique, la condamnation du mariage, ou plutôt de l’acte conjugal.

c) Les monlanistes. Tertullien. — LIne des caracté ristiques du mouvement monlaniste était un ascétisme 'M

M m ; i, , i DANS LES l’i RES. VLEUR MOR M E

2082

ireux qui portail tes adeptes du Paractet à ro leurs mariages, a vivre dans la continence el le détachement des biens en attendant te der jour. Ce n'était plus, comme dans te gnostlclsme, une idée métaphysique qui aboutissait la réprobation de la chair et du mariage ; c'était on souci de . rendu plus aigu par l’attente de la prône fin du monde, qui portait a considérer comme des reuscs les conseils d’ascèse donnés par

saint Paul. Tel est bien le montanlsme, d’après Ter milieu, son plus ardent défenseur, son interprète quent et le pluautorisé, ne pendant -.1 période catholique, Tertullien, tempérament violent et porté aux extrêmes, lit entrevoir des tendances a l’encratisme. v doute il ne condamne pas le mariage. Lulnt marié, et dans le 11- livre de son traite .>. il fait du mariage chrétien les plus magniBqw. il montre dans la protection que Dieu

époux une garantie contre l’adversité ; il brosse de la felieite du mariage chrétien un tableau d’une douceur qui contraste avec l’apreté ordinaire 1 pensée et de sort style : Unde suffleiamus ad 71 félicitaient ejus matrimonii quod Ecclesia iliat, et confirmai oblatio, et obsignat beædiciio, li renunciant, Pater rato habet ?… Quale iugum 1/71 uniusspei, unius disciplinas ; ejusdem servilutis ' .très, ombo conservi, nulla spiritus carnisve Atquin vere duo in carne una ubi una caro, unus et spiritus. Simal oranl, simul oolutantur et simul jejuma transigunt… In Ecclesia Dei pariler utrique, pariter in amviolo Dei. pariler in angustiis, in persenibus, in re/rigeriis : muter alterum celât, neuter alterum pilai, neuter alteri gravis est… Tatia Christus indien* gaudet, his pacem suam mittit ; ubi duo, ibi et ipse : ubi et ipse, ibi et malus non est. Ad P. /… t. 1, col. 1302-1304. Ce texte est de toute première valeur : étant donne le caractère rertullien et les erreurs dans lesquelles il tomba dans la suite, aucun témoignage ne peut être plus formel de l’estime dans laquelle l'Église tenait le mariage ; car il ne contient aucune restriction : bonheur humain, bénédictions divines, vie chrétienne et surnaturelle des deux époux sous le regard de Dieu et en union avec te Christ, rien de plus beau n’a été dit du mariage chrétien. Le mariage n’est donc pas condamnable. Béni par Dieu dès le début, Ad uxiirem. 1. 2. 1277, restauré par le Christ, ibid., n. 2 et 3, 1277, 1278. on ne peut le réprouver sans se mettre en contradiction avec la doctrine chiéticnne. 1)n trouvera un exposé complet de la pensée de Tertullien sur le mariage dans A. d’Alès, La théologie de Tertullien. Paris. 1905, p. 370-377.

Et cependant, par une véritable contradiction, quand il oppose au mariage qui est le lot des âmes communes, la virginité à laquelle sont appelées seulement les âmes plus hautes, il le fait avec tant de vigueur que certaine-- fie ses expressions lais. eut voir une sorte de mépris et de défaveur pour la vie conjuLe mariage n’a été. dit-il. que permis par l’Apôtre, eutement pour ceux qui ne peuvent autrement pper aux tentations. Ad uxiirem. I, '.', . col. 1278 ; et ce mot de permission revient souvent sous s a plume, surtout pendant la période montaniste, avec un sens de plus en phis accentué de tolérance d’un mal qu’on ne peut empêcher. Aussi rappelle-t-il avec complaisance a sa femme l’exemple des chrétiens qui, leur baptême, s, , vouent a la chasteté, ou des mariés qui vivent dans la continence : Quot enim sunt qui st’itim a arnem sunm obsignant !

' item fui ennsensu finri inter se matrimonii debilum tollunt. t’olunlarii spadones pro eupiditate regni stis ! Jbid., 1. 6, co !. 1283. A plus forte raison

lui cite t n l’exemple des veuves qui ne se remarient

pas. lout le premier livre du traite./ uxorem tend.<

détourner sa femme de se remarier s’il icnt.1 mourir

avant elle. Le veuvage accepté pour Dieu, « ut il. vaut presque la virginité ; il établit entre la veuve el

Dieu une Intimité semblable a celle dont jouissent les

(unes vierges. De telles femmes malunt Deo nubere, />(() speeiosse, l>e<> simt puellæ ; cum Mo vivunt, cum tllo sermoclnantur, illum diebus et noctibus tractant, orationes suas velui dotes Deo assignant. ll<id.. 1. 1. col. 1280. El insensiblement le traité devient une diatribe contre les secondes noces. Elles sont un Indice de faiblesse d'âme, car on se remarie surtout sous la pression de la concupiscence. Ibid. On le fait quelquefois aussi pour avoir des enfants, et c’est de l’irréflexion ; car comment peut on désirer des enfants alors

que le malheur des temps ferait plutôt souhaiter la

mort de ceux que l’on a, alors que l’approche (lu Jugement les devrait faire regarder comme un embarras'.'

Ibid., 1. 5, COl. 1282. D’ailleurs l'Église montre bien ce qu’elle pense des secondes noces, quand elle écarte du sacerdoce les bigames. Aussi, puisque la femme mariée ne peut plus être mise au rang honorable des vierges, qu’elle soit heureuse de rester veuve et de retrouver la liberté que la Providence divine lui accorde de nouveau. Amplectenda oceasio est, </u ; v adimii quod nécessitas imperabat. Ibid., 1, 7, col. 1285. Voir A. d’Alès. op. cit., p. 293-295.

Après s. m passage au montanisme, Tertullien, donnera à ses idées une forme beaucoup plus véhémente et plus acerbe. Sans doute, il ne se range pas à la suite de ceux qui condamnent le mariage ; au contraire il prend nettement sa défense contre Marcion cl les gnostiques. Dans son ouvrage contre Marcion il exprime sa propre pensée dans une formule qui joint à la plus vigoureuse concision l’orthodoxie la plus parfaite : Nous préférons, dit-il, la virginité au mariage non ut malo boniim, sed ut bono mclius. Non enim projicimus, sed deponimus nuptias ; nec præscribimus, sed suademus sanctitatem. Adv. Marc. I. xxix, /'. I… t. ii, col. 280. Dans le De monogamia, qui est franchement de la période montaniste, il refuse encore de condamner le mariage ; il oppose aux doctrines extrêmes des hérétiques et des psychiques le juste milieu qui est d’accepter le mariage et de réprouver les secondes noces : hæretici nuptias aujerunt, psychici ingerunt : illi nec semel, isti non semel nubunl… Uniim malrimonium novimus, sicut unum Deum, 1, P. I., t. ii, col. 930, 931. Et pourtant, la comparaison qu’il établit entre la continence et le mariage laisserait entendre qu’il n’a pour ce dernier état que du mépris, qu’il le considère comme une faiblesse et une imperfection, bien plus, qu’il y voit une faute tolérée seulement par crainte de fautes plus graves.

C’est ce qui apparaît surtout dans sa condamnation des secondes noces ; car, pour peu que l’on pousse son argumentation, elle va directement à condamner le mariage lui-même. Il aperçoit d’ailleurs cette conséquence et ne la repousse pas. Ainsi dans le Ile exhortatione caslitatis, il traite expressément les secondes noces de species slupri, 9, /'. /… t. n. col. 924. Cependant, s’objecte-t-il, les lois font une différence entre le stupre et le remariage ; et il répond : -ans doute, il y a une différence de degré, non d’essence ; dans le stupre, tout comme dans l’acte conjugal, qu’j a-t-il ? commixtio carnis, ru jus concupiscenliam Dominus stupro adxquaoil, Matt ii, v, 28. Mai, alors, dira-t-on, tu supprimes même le mai o iïz171 et primas id

est unas nu/dias deslruis ? Il ne nie pas. Nec immerito, quoniam < ipsa ex <, constant quo et stuprum. Ida, optimum est homini mulierem n<>n attingere. Dieu a néanmoins bien voulu permet ire (indulgen mariage ; il faut l’en remercier, non en abuser. < ce 2ns :  ;

    1. MARIAGE DANS LES PÈRES##


MARIAGE DANS LES PÈRES. VALEUR MORALE

208 <

serait en abuser que d’en user sans retenue. Ne serait-ce pas le cas si on tolérai ! les secondes noces ?

Ne serait-ce pas ouvrir la voie à une corruption semblable à celle de Sodome et de Gomorrhe ? Car on ne s’arrête pas en pareil chemin ; après avoir accepté les secondes noces, on se trouvera forcé d’accepter les troisièmes et davantage. Nubamus igitur quotidie, et nubentes ub ullimo die deprehendamur tamquam Sodoma et Gomorrha… Et quando finis nubendi ' < : redo post finem vivendi. De exhortatione easlitatis, 9, P. L., t. il, col. 925. La pensée de Terlullien s'écarte donc sensiblement des déclarations orthodoxes qu’il avait proclamées : s’il réprouve absolument les secondes noces comme une preuve d’incontinence et une véritable débauche, il n’est pas loin d’englober dans la même réprobation le mariage lui-même ; il n’est retenu que par la tolérance expresse de Dieu promulguée par saint Paul.

Encore faut-il bien voir en quoi consiste cette tolérance. Tertullien Ja réduit à fort peu de chose. Dans son De monogamia, tout entier consacré à argumenter contre les secondes noces, il explique quelle est, à son avis, la pensée de l’Apôtre. Avant tout, saint Paul voudrait que tous fussent comme lui. Salvo, inquis, jure nubendi. Plane salvo, et videbimus quousque, nihilominus jum ex ea parte destructo qua continentiam præfert. Bonum, inquit, homini mulierem non conlingere. Ergo malum est contingere. Nihil enim bono contrarium, nisi malum. iii, t. ii, col. 932. Ce mal, pourtant, Paul le permet : c’est vrai, mais non mère bonum est quod permittitur. Ibid. Il le permet, ou plutôt il est forcé de le permettre ; mais c’est malgré lui, sa volonté est toute différente : si aliud quam quod voluit permitiit, non voluntate sed neeessitate permittens, non mère bonum ostendit quod invitus induisit. Ibid. — Saint Paul a dit également : il vaut mieux se marier que brûler. Tertullien interprète ce dernier mot du feu éternel de l’enfer et la pensée de l’apôtre se réduit donc à ceci : plutôt que de tomber dans la débauche et d’encourir par une vie criminelle les peines de l’enfer, mieux vaut encore se marier. Mais ce n’est pas faire un grand éloge du mariage que de le déclarer moins mauvais que le mal le plus grave qui soit. Et pour mieux faire comprendre sa pensée, Tertullien prend une comparaison : melius est unum oculumumittere quam duos ; si tamen discedas a comparalionc mali utriusque, non erit m°lius unum oculum habere, quia née bonum. Ibid., col. 933. — Il n’est pas moins sévère dans le De pudiciiia. Il y répète à plusieurs reprises que saint Paul a simplement permis le mariage et qu’en vertu de cette tolérance, le mariage a cessé d'être un crime, mais qu’il n’en reste pas moins une tache. De pudic., 16, t. ii, col. 1012.

S’il est quelque peu gêné dans l’appréciation sévère qu’il porte sur le mariage, Tertullien montaniste ne garde aucune mesure et ne veut faire aucune concession quand il s’agit des secondes noces. Tout mariage est indissoluble ; ni la répudiation ni la mort ne le peuvent rompre ; tout époux qui se remarie commet donc un adultère. Matrimonium est cum Deus jungil duos in unam carnem, aut junetos deprehendens in eadem carne conjunctionem signavit. Adullerium est cum, quoquo modo disjunctis duobus, alia caro, immo aliéna miscetur… Adeo non interest vivo an mortuo viro nubat (mulier). De monog., 9, t. ii, col. 941. Cette indissolubilité, même après la mort, est d’ailleurs une propriété réservée au mariage chrétien, le seul que Dieu scelle pour jamais, c’est-à-dire au mariage conclu entre chrétiens, ou, s’il a été conclu dans l’infidélité, ratifié après la conversion. Si le mariage a été rompu avant le baptême, l'époux survivant et converti est libre de se remarier : ante /idem soluto ab uxore, non numerabitur post fidem secunda uxor quiv

post fulem prima est. A ftde enim ipsa vita noslra rensetur. Ibid., 11. col. 945

La pensée de Tertullien a donc nettement progressé dans le sens de la sévérité, confonnément -.< l’essence même du montanisme qui prétendait inaugurer la société plus parfaite des pneumatiques et supprimer l’excessive indulgence dont usait la société des psychiques. Catholique, il mettait sa femme en garde contre un second mariage ; mais c'était de sa part moins un précepte qu’un conseil ; s’il se servait du mot pracipio, il parlait du consilium viduitatis, Ad uxorem. i, 1, 1. 1, col. 1275, 1276, de l’exhortation faite par saint Paul, ibid., ii, 1, col. 1289 : montaniste, il ne fait plus de distinction entre les secondes noces et la débauche. Catholique, il considérait le mariage comme une faiblesse ; montaniste, il se défend encore de le réprouver absolument, puisque l’Apôtre a jugé bon d’user d’indulgence, mais il n’a pour lui que du mépris et y voit une faute : ce n’est plus une sordes, mais c’est une macula. De pudic. 10, t. ii, col. 1012. On trouvera dans A. d’Alès, op. cit., p. 460-474, un exposé plus détaillé de la pensée de Tertullien montaniste.

d) Les novatiens. — Le schisme de Novatien, au milieu du iiie siècle, fut également caractérisé par une discipline rigoureuse en réaction contre l’indulgence dont usait l'Église. Cette rigueur se manifesta surtout dans le refus d’admettre au pardon les lapsi. Mais le même esprit, si nous en croyons des renseignements dignes de foi, porta les schismatiques à condamner les secondes noces. C’est ce que nous apprend saint Épiphane, Hares., lix, 3, P. G., t. xii, col. 1021. 1022 : « Ils refusent, dit-il, de garder la communion avec les bigames. Si quelqu’un se remarie après son baptême, ils le rejettent, ce qui est absolument déraisonnable. » Le même renseignement est donné avec plus de détails par Socrates, H. E., V. xxii, P. G., t. Lxvii, col. G41. Le 8e canon du concile de Nicée, Mansi, Concil., t. ii, col. 671, 672, fut porté contre les novatiens, Hefele-Leclercq, Histoire des conciles, t. i, p. 577-587 ; il exige, avant qu’on les reçoive dans l'Église, qu’ils communiquent avec ceux qui se sont mariés en secondes noces.

e) Les ascètes. — L’ascétisme qui trouvait sa source dans les enseignements et les exemples du Christ et des Apôtres fut de tout temps en honneur dans l'Église ; mais c’est surtout à partir du iiie siècle qu’il prit un magnifique élan avec les anachorètes des déserts d’Egypte et de Palestine, avec les monastères qui se fondaient un peu partout en Orient. Il était inévitable que des exagérations se produisissent : ces âmes qui volaient à une vie austère pour éviter la corruption du monde étaient forcément tentées de se croire dans la seule vraie voie du salut, et de penser que la masse des chrétiens demeurait dans la voie large qui conduit à la perdition. De là à conclure que la vie ascétique et continente était obligatoire, la pente était glissante.

Ce fut l’erreur d’Eustathe, probablement cet Eustathe qui fut un des chefs du semi-arianisme et devint évêque de Sébaste vers 356. Cf. Eustathe de Sr.baste, t. v, col. 1505-1571 ; Duchesne. Hisl. anc. de l’Egl., t. ii, Paris, 1907, p. 381-387 et 519 ; HefeleLeclercq, 1. 1, p. 1044. Cette identification est attestée surtout par Socrates, H. E., Il, xmi, P. G., t. lxvii. col. 351 sq., et par Sozomène, H. E., III, xiv. ibid., col. 1079. Nous connaissons ses erreurs ou celles de ses disciples par le concile de Gangres qui condamna les eustathiens vers 340. Le concile rappelle dans son Libellus synodicus que les eustathiens réprouvaient le mariage et ne laissaient aux gens mariés aucun espoir en Dieu. Ces erreurs sont repoussées par les canons 1, 9, 10 et 14. Ainsi can. 1 : « Si quelqu’un blâme le mariage et condamne la femme fidèle et reliM ci. DANS II S l’i RES. Mil R MOR M E

e qui <l. « rt avec son mari, affirmant qu’elle ne peut

entrer dans le royaume de Dieu, qu’il Boit anathème,

Si quelqu’un garde la continence <>u la

iit<-, non.1 cause di et de la sainteté de

parce qu’il s'écarte du mariage

comme d’une chose abominable, qu’il soit anathème,

t. ii. col. I0* » 8 1102 ; Hefi l edercq,

t, v ces erreurs, le concile oppose, dans un

ctrine de II glisc. Nous aussi, nous

de l’adiniration pour la virginité unie a

l’humilité ; nous louons la continence jointe à la piété

gniti Sous honorons aussi le chaste lien

du n

int Eustathe, Hiéracas dcLéontopolis en Egypte, ce mot, i. vi, col. 2359-2361 ; Duchesne, i. n. te 2, avait fondé une secte dont les membres , iii renoncer au mariage et a l’usage de la viande. i. le mariage, permis dans l’Ancien Testament, avait été supprimé par le Nouveau qui, autrement, n’aurait » as été plus parfait. S. Épiphane, rvn, /'. G., t. mu. col. 171 sq. Il ne semble pas que de telles exagérations se soient produites en Occident. Nous verrons pourtant saint ne, dans son admiration pour l’ascétisme et son ter. se laisser aller a mépriser la vie des ii t en se défendant Lien de condamner

le maria

/> Les priseillianistes. Quoi qu’on pense du person i énigmatique de Priscillien, quelques-uns

partisans, peut-être influencés par des doctrines

iques ou manichéennes, reprouvaient le mariage.

du moins ce qui ressort de la condamnation

contre eux par un concile espagnol, réuni

probablement à Tolède en 447. Le canon 16 est ainsi

quis dixerit vel crtdiderit conjugia hominum,

m diuinam licita habentur, exsecra bitin esse, anathema sit. Mansi, ConeiL, t. iii, col. 1004 :

i lercq, t. n. p. IS7.

_'. Erreurs laxistes, exaltant le mariage au détriment

de lu virginité. - Vers la fin du ive siècle se produisit

un courant de laxisme qui déniait toute valeur spéciale

bservation des conseils de perfection et mettait

sur le même pied la virginité et le mariage.

On ne connaît que peu d'écrivains qui aient osé r, en formules une doctrine qui justifiait le hement des mœurs, mais qui était si manifestement contraire a l’idéal cvangélique. Ceux qui l’ont .nt voulu, nu excuser leur propre conduite, ou . outre certains abus qui jetaient du dise redit sur la vie religieuse. Duchesne, "p. cit., t. ii, p. 559, .lit un mouvement de doctrine qui ne pouvait avoir « le lendemain. Après les jours héroïques persécutions, qu’une réaction de relâchement se fait sentir, c’est trop naturel : mais dès que de induite on prétendait tirer une doctrine, on abouil a des propositions qui froissaient tout esprit chrétien : et saint Jérôme eut beau Jeu quand il prit habituelle, les malheureux qui avancer. aint docteur fut d’abord sollicité parles fidèles de Rome de repondre a Helvidius. Homme de culture . celui-ci avait enseigné que la sainte Vierge, après avoir mis au monde Jésus, son premier-né, avait eu d’autres enfants : et pour décorer d’un semblant de raison cette hypothèse historique, il affirmait que le mariage l’emportait en valeur sur la virginité. tome le fustige dans son lir. De perpétua ite Munir advenus Helvidium, composé oir prouve la perpétuelle virginité de Marie, il expose les prérogatives de la virginité en généra 1, et avec quelque exagération, la maintient au r.niauquel elle a droit, bien au-dessus du mariage. int a l’argument invoqué par son adversaire qui

2086

mettait en parallèle la vie peu édifiante de certaines

vierges avec la le très digne et méritoire dos honnêtes uicies de famille, il en tait Justice en quelques mots : Numquid virginitatis est culpa, si Simulator virglnltatis m crtmine est : 21, P. /… t. xxiii

Le second adversaire de salnl Jérôme fui Jovinicn. (i.l [aller, Jooinianus, //< Fragmenten seinei Schriften, d.ms Texte und Untersuchungen, Neue Fotge, t n. Leipzig, 1897 Jovinleri avall longtemps été moine e1 vécu en moine ; puis, après uni vie qui paraît avoir été exemplaire, il s'étall Jeté dans une existence de luxe et de plaisir, ie tableau que trace de ce contraste s, , n redoutable contradicteur est d’une vigueur qui les plus durs portraits de Juvénal. Adversus Jovinianum, i, 10, P. L., t. xxiii, col. 268 Est-ce pour Justifier son changement de vie que Jovinien se mit

a inventer une théorie ? toujours est-il que celle ci.

telle que la résume saint Jérôme, ressemble bien à une Justification personnelle. Elle lient en quatre propositions dont la première seule a trait au mariai dieit virgines, viduas et marilatas quai semel in Christo Mm sunt. si non discrepeni ceteris operibus, ejusdem « sse meriti. i. 3, /'. /… col. 214. Les arguments invoqués par Jovinien nous sont connus par leur réfutation. C'était d’abord l’exemple des patriarches de l’Ancien Testament qui se sont sanctifiés dans le mariage, celui des apôtres qui eux aussi lurent mariés, celui de Jésus lui-même qui manifesta son estime pour le mariage en assistant aux noces de C.ana ; c'étaient ensuite les paroles de saint Paul, qui recommande le mariage en plusieurs circonstances et qui, n’ayant pas reçu par révélation divine le précepte de la virginité, n’a pas osé le porter lui-même : c'étaient aussi les indications que nous fournil la nature elle-même et Dieu son créateur, puisque la distinction des sexes n’a pu avoir pour but que la propagation de la race humaine par le moyen du mariage. — Avant la foudroyante réfutation de saint Jérôme, en 392 ou 393, Jovinien avait été condamné par le pape Silice, en 389. Epist., vii, P. L., t. xiii. col. 1H'>8 sq. A l’occasion de cette condamnation, saint Ambroise éei i vit au pape, en son nom et au nom du synode réuni à Milan, pour le féliciter de sa vigilance contre les erreurs. Epist.. m.ii. /'. /… t. XVI, COl. 1124 sq. lue autre lettre de saint Ambroise, écrite en 396, mel en garde l'église de Verceil contre deux sectateurs de Jovinien, Sarmatlo et Barbatianus. Epist, i.xiii, col. 1189 sq.

Quelques années plus tard, saint Jérôme dut défendre le célibat des clercs et la vie monastique contre un prêtre du pays de Comminges, Vigilantius, avec qui il avait eu auparavant des démêlés a propos de la querelle origeniste. Peut-être Vigilantius n'était-il pas tout à fait aussi coupable que sa réputation le laisserait croire. Duchesne. Hist. une. de l’Eglise, t. m. p. 169, 17b, Taris, 1910. Il fut pris à partie avec une extrême violence. Tous les pays, dit en commençant saint Jérôme, ont produit des monstres ; seule la Gaule faisait exception : elle abondait au contraire en hommes courageux et très éloquents. Mais voici que, pour faire cesser cette exception trop honorable, surgit Vigilantius, que l’on devrait plutôt appeler Dormitantius. Il énumère ensuite ses erreurs, parmi lesquelles il indique celle-ci : continentiom dicit hæresim. pudieitiam libidinis seminarium. Contra Vigilantium, 1, /'. /… t. xxiii. col. 339. On jugera du ton de cette réfutation par cette phrase ou saini Jérôme montre les conséquences qu’aurait l’abolition <}u célibat des dires : Hoc docuii Dormitantius, [ibidini frena permittens, et naturalem carnis ardorem qui in adolescentia plerumque fervescii suis hortatibus duplicans, immo extinguens coilu feminarum, ut nihil sit que distenuu " porcis. 2, col. 341.

Dans ces trois ouvrage, , le vigoureux controversiste

se laissa plus d’une fois emporter par sa fougue, au point de faire scandale, et plusieurs de ses raisonnements semblent rapprocher sa pensée de celle de Tertullien : il prend d’ailleurs à celui-ci des mots et des phrases caractéristiques, sans en avertir le lecteur. Comparer, par exemple, Tertullien, De monogamia, 3, P. /-., t. ii, col. 932 et Jérôme, Adv. Jovin., i, 7. I. xxiii, col. 218 ; De mono ; L, ibid., col. 933 et Adv, Jovin., i. 9, col. 222. Nous verrons plus loin comment il dut revenir en arrière et adoucir certaines de ses affirmations qui sentaient l’erreur encratite.

2° Doctrine de l'Église. - On ne comprendra bien la pensée des Pères que si on a présentes à l’esprit les deux remarques suivantes :

La comparaison entre le mariage et la continence repose sur la distinction entre les préceptes et les conseils. La morale de l'Évangile et de l'Église est à deux degrés. Il y a les lois morales imposées à tous : ces lois laissent une grande marge à la liberté humaine, et par exemple, sauf circonstances spéciales, chacun demeure libre de se marier ou non ; la décision une fois prise, la loi morale, qui s’adapte aux situations diverses, reprend ses droits : il y a des obligations de chasteté pour les personnes mariées comme il y en a pour celles qui ne se marient pas. Mais à certaines âmes, ces lois elles-mêmes se suffisent pas ; elles sont capables de viser plus haut et Dieu les y invite. Elles entrevoient une vie plus élevée que celle du commun des hommes, vie de prière, de sacrifice, d’apostolat, vie dans laquelle on s’oublie davantage soi-même et ses propres intérêts afin de pouvoir sans lien terrestre se consacrer aux intérêts de Dieu et du prochain. Ce renoncement total, Dieu ne l’impose pas, il le propose, et c’est la vocation religieuse ou sacerdotale ; les divers degrés de ce renoncement, Dieu les propose également, même aux âmes qui n’ont pas entendu l’appel au renoncement total ou n’ont pas eu le courage de le suivre. Ce sont les conseils évangéliques, les nvitations adressées par Dieu aux âmes qui veulent bien être de l'élite. L’existence de cette morale supérieure à la morale ordinaire n’est pas la condamnation de celle-ci ; il y a bien des demeures dans la maison du Père, non seulement au ciel, mais sur terre. De ce que certaines âmes ont la générosité de renoncer au mariage, qu’elles suivent une voie meilleure, il n’en résulte pas que le mariage soit condamnable, de même que le renoncement aux richesses de la terre par la pauvreté évangéiique n’est nullement une condamnation de ceux qui possèdent. L'Église maintient la distinction faite par Jésus luimême entre la voie à suivre si l’on veut se sauver, celle des préceptes communs, et la voie qui mène à la perfection, celle des conseils. Matth., xix, 17 et 21. Cf. É. Baudin, L'Évangile, Paris, 1921, p. 228, note 2.

Quand l'Église compare mariage et virginité, elle compare état à état et non pas âme à âme. Elle ne prétend pas que toute âme, par le fait seul qu’elle a renoncé au mariage, est parfaite et que toute âme liée par le mariage, est vouée à la médiocrité. On se sanctifie dans le mariage, si par ailleurs on a la générosité de pratiquer d’autres actes de renoncement ; et par contre on peut garder la continence et manquer à d’autres obligations très graves. C’est la réflexion qu’après saint Jérôme L. Duchesne fait très justement en parlant des ascètes du IVe siècle : « On répétait sans cesse que, toutes choses égales d’ailleurs, la virginité l’emporte sur le mariage, représente un état meilleur, plus méritoire pour l’autre vie… Nul ne' songeait [cependant] à placer un mauvais moine ou une vierge frivole au-dessus d’un père ou d’une mère de famille fidèle à ses devoirs. » Hist. anc. de l'Égl., t. ii, p. 559.

1. Comparaison entre le mariage et la virginité'. — r La doctrine constante des Pères est admirablement

l exposée dans ce passage de Tertullien : Sanctitatem (la virginité) sine nuptiarum danmatione novimus et sectamur et præferimtu, non ut malo bonum sed ut bonomelius. Adv. Marcion., I, xxix, R L., t. il, col. 280. Tous les texles que nous citerons rendront le même son ; car c’est en faisant appel aux affirmations des auteurs condamnés ou en donnant à certaines expressions de controversistes une importance qu’elles ne méritent pas que l’on a pu attribuer à l'Église des premiers siècles une certaine défaveur et comme un mépris pour l'état de mariage.

ai Pères du IIe siècle. — Le Pasteur d’IIermas veut sauvegarder les saintes lois de la fidélité conjugale : « Je t’ordonne de garder la chasteté. Ne laisse jamais entrei dans ton cœur la pensée d’une femme étrangère… Souviens-toi toujours de ton épouse et tu ne t'égareras jamais… « Mand, îv. i, 1, édit. Lelong, p. 80, 81. Plus loin, n. 7 et 8, p. 82, 83, il ordonne au mari de reprendre sa femme coupable et repentante, car « en ne la reprenant pas, il pécherait et se chargerait d’une lourde faute ».

Saint Ignace, f 107, vante la continence, mais veut qu’on se garde de l’excès : Si un fidèle, pour honorer la chair du Seigneur, peut garder la continence, qu’il la garde, mais sans orgueil. S’il en conçoit de la vanité il est perdu. » Ad Polycarp., v, 2, P. G., t. v, col. 723, 724.

L'Épître à Diognète, v, 6, dit que les chrétiens se marient et ont des enfants comme tout le monde. P. G., t. ii, col. 1173, 1174 ; Funk, Opéra Pair, apostol., t. i, p. 318, 319, Tubingue, 1887.

Saint Justin compare les mœurs chiéticnnes à la corruption païenne, et voici comme il en parle : « Nous ne contractons mariage que pour avoir des enfants ; ou, si nous ne nous marions pas, nous restons dans une continence perpétuelle. » Apolog., i, 29, P. G., t. vi, col. 373.

Denys de Corinthe, vers 160, écrit à Pinytos, évêque de Cnossos, de ne pas imposer sur le cou des frères le lourd fardeau de la continence comme une obligation nécessaire, mais d’avoir égard à l’infirmité de la plupart des hommes. Eusèbe, H. E., IV, xxiii, P. G., t. xx, col. 387, 388.

Vers la fin du n 1 siècle, Minucius Félix décrit ainsi la vie des chrétiens : Unius matrimonii vinculo libenter inhferemus, … plcrique inviolati corporis virginitate perpétua fruuntur polius quam glorianiur ; tantum denique abest incesti cupido ut nonnullis rubori sit etiam pudica conjunctio. Octavius, 31, P. L., t. iii, col. 337.

b) Dans l’Eglise grecque. — Clément d’Alexandrie revient à diverses reprises sur ce sujet dans ses Stromates. Dieu, dit-il, nous laisse libres de nous marier ou de garder la virginité, t. III, c. ix, P. G., t. viii, col. 1169, 1170. Dieu est avec ceux qui vivent honnêtement dans le mariage comme avec ceux qui gardent la continence. Ibid., c. x. Le mariage n’est pas péché, et ni Jésus ni saint Paul ne l’ont condamné. C. xii, col. 1177 sq.

Saint Athanase, écrivant à Amoun, supérieur de monastères en Egypte, célèbre le bonheur de celui qui, dans sa jeunesse, a contracté librement mariage et s’est servi de sa nature pour avoir des enfants ; puis, comparant à ce mariage la virginité, il ajoute : « Il y a deux voies dans la vie ; l’une plus facile et plus commune, celle du mariage ; l’autre supérieure et digne des anges, la virginité. Si l’on choisit la voie commune, le mariage, on ne mérite pas de blâme, mais on ne reçoit pas autant de grâces. » Epist. ad Amun. mon., P. G., t. xxvi, col. 1173, 1174.

Saint Basile, ou l’auteur du ive siècle qui a écrit le Liber de vera virginis inlegritate, expose aux vierges les devoirs à pratiquer et les précautions à prendre pour rester fidèles. Mais, loin de blâmer le mariage, il UARIAG1 DANS I ES PÈRES. V U, EI R MOR Ml

le déclare légitime et honorable s’il est contracté,

non en vu* du plaisir, mais dans le but d’avoir des

de trouver dans la vie conjugale 1 aide

do „t In. 38. P. " I « x. col. 745. M6.

i Cyrille de Jérusalem exalte Perdre des „„„.. es qui mènent : iu milieu.lu monde

lue ; mais il ajoute : SI tu accomplis

eut le devoir.te l.i chasteté, tu ne dois pas

, x qui. lies par le mariage, suivent

feen., i. 24, 25. /' ' wui. e.'l. I s "- i ss,

Svsse.i.'.-lit m. livre Sur /<*

comme tous les autres l'ère-, il en vante

. eaulës. mais il a bien soin.le faire remarquer que

s à un genre de vie plus élevé ne

re entendus comme une désapproba

ar lui aussi, dit-il. a reçu la béné lon de Dieu, vii, P. G., t. i vi. col. 353, 354.

le tous les Pères grecs, c’est salnl Jean Chrysostome qui a le plus approfondi cette question i valeur morale du mariage, soii dans ses commentaires sur la sainte Écriture, soit.'.ans ses sermons et hom.lies. soi ! dans son beau livre De la virginité. é etudi.e dune manière très précise et iplète dans la thèse de M. Moulard, Saint Jean tnseur du mariage et l’apôtre de la _i : l’auteur ne se contente pas de mhler les textes : en les rapprochant des autres ristiques, il montre que le saint docteur a

fidèle interprète de la doctrine de l'Église. Les principales Idées de saint Jean Chrysostome sont les

.ites : 1. Le mariage n’est pas un obstacle au s quoi Dieu ne l’aurait pas institué ; il n’esl . du moins en lui-même, un obstacle insurmontable a la pratique des devoirs religieux : tout homme marié, s’il a de l’ardeur et du zèle, peut mplir les actes de piété qui sont prescrits. In . nom. xxi. 1. P. G., t. un, col. 180 ; In illud : Vidi Dominant, hom. iv. 2 et vi, 1, t. lvi, c, , l t 136 ; In Matth., hom. xi.in..">, P. G.,

t. Lvn, col. 164 sq., etc. - - 2. Dieu avait établi le mariage en vue de la procréation des enfants, In epist. ad Bphes., i. hom. n. 3, t. un, col. 20 : mais le,, . ; fait perdre à la nature humaine son

équilibre primitif, le mariage a pour but principal, dans l'état présent de l’humanité, de remédier a la concupiscence, et c’est dans ce but surtout que saint Paul recommande d’y recourir. De virginitate. 19, t. xLvm.col. ô 17 et autres textes dans Moulard. op. cit., p. 72 sq. Cette idée, particulière à saint Jean Chryte a envisager le mariage avec moins de ar : il n’est plus, en effet, que le port où se réfugient les âmes trop tentées ou trop faibles, les âmes fortes et élevées étant seules capables de porter les charges de la virginité. C’est ce qui a permis à certains auteurs de représenter le saint évoque comme méprisant le maria.. Puech, Saint Jean Chnjsostomr, coll. Les saints, Paris, 1913, p. 21 : l’expn cs t au mi - 3. Le mariage, en effet, qui li par Dieu créateur, n’a pas été détruit ni al - lesus qui, au contraire, a honoré et sanctifié le mariage en assistant aux noces de Cana, In illud : Propter fornicationea uxorem…, <. 2. t. ii, In illud : Vidi Dominum.iv, 3, t- lvi, col. 123 ; il lui-même, qui pourtant vante et recommande la virginité, n’a jamais blâmé ceux qui se marient, !)' libellerepudii, m. I. t. u. col. 22 ::In / » ad Tim., vi, hom. xii, 3. t. i xii, col. 560 ; dans p| u. qu’il vaut mieux se marier. In illud : l’ropler fornicationea uxorem…, Inc. cit. ; et il a manifesté une bienveillance spéciale à la famille d’Aqufla et de Priscllle. In illud : Salutate Priscillam, I, 3, t. U, col 190, 191. I. Le mariage.

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si grand -oit il. n’est pourtant pas l'état parlait Bien plus noble est la condition des aines COU1 BgeUSW qui gardent leur irginile : semblables aux au-, s. elles te tiennent en présence de Dieu et se dévoilent a son

service. />. virginitate. 11, t. XLvm.col. 540. En s, .mine la pensée >ic saint Jean Chrysostome sur la valeui morale comparée des deux états se résume dans ce passage de -on bel opuscule sur la Mon

avis « si que la virginité l’emporte de beaucoup sui

le mariage. El pourtant il n’en résulte pas que je

place le mariage parmi les choses mauvaises : Je le loue grandement au contraire ; il es ! pour eux qui veulent en user avec rectitude un pori de continence

qui maintient la nature dans de Justes limites… Le

mariage est bon : et la trginité n’en est que pluadmi rable, puisqu’elle est meilleure encore, i 9 et 10,

col. 539, 540.

Il est sans doute inutile de pou— cr plus loin notr » enquête chez les l’ercs greCS. Leur pensée est aussi

éloignée que possible des erreurs qui ont condamné le mariage. Les Canons apostoliques, dont la rédaction peut être de la fin « lu ie siècle, donnent la même not< doctrinale, et cela d’une manière presque officielle, étant données la faveur dont Us Jouirent et l’autorité derrière laquelle ils s’abritaient, l.e can. 5 défend aux clercs de répudier leur femme sous prétexte « le religion : le can. 50 punit les clercs ou les laïques qui s’abstiendraient du mariage ou pratiqueraient l’abstinence de viande OU de Vin non par ascèse personnelle, mais parce qu’ils tiennent ces choses pour exécrables : penser ainsi est un blasphème contre le Créateur. Mansi, ConciL, t. i, col. 29, 30, 39, 10.

c) Dans l'Église latine. Nous ne revenons pas sur la pensée de Teitullien : il a des textes très nets, et même dans sa période semi-monlaniste il n’est pas le fougueux adversaire du mariage qu’on a voulu voir en lui.

Saint Cyprien a composé plusieurs opuscules dans lesquels il prodigue les éloges à la virginité : il y voit une des plus pures gloires de la morale chrétienne ; niais il a soin d’ajouter : Née hoc jubet Dominas, sed horlatur ; nec jugum necessarium imponit, quando maneat voluntatis arbitrium liberum. Sed cum habitationes multas apud Patrem dical, melioris habitaculi hospitia demonslral. De habita virginum, 33, P. L., t. ix", col. 163.

Saint Ambroise est un des Pères qu’on a voulu représenter comme contempteurs du mariage, par exemple, G. Boissier, La fin du paganisme, Paris, 1894, t. ii, p. 364, 365. Le fait est qu’il fut un des plus ardents à prêcher la virginité ou le veuvage dans ses traités De uirginibus. De ri/luis, De virginitate, De exhorlalione virginitatis P. L., t. xvi. Mais des éloges qu’il donne à la vie continente, aucune défaveur ne résulte pour le mariage. Voici en effet quelques-unes des idées qu’il développe : 1. Il n’y a pas, dans l'Église ni dans le ciel, cette monotone indigence qui existerait, si seuls les continents y avaient pla.-e ; le salut, comme l'Église, est ouvert à tous ceux qui veulent y entrer, aux vierges, . aux veines, mais aussi aux gens maries : Docemur itaque triplicem castitatis esse viriutem, unam conjugalem, aliam oiduitatis, tertiam virginitatis. Non enim aliam sir prssdicamus cludamus alias… In hoc Ecclesim est oputens disciplina quod quos præferat habet, quos rejiciat non habel… Ha igitur virginitatem prædicavimus, ut viduas

non nia ennuis ; itn ruinas honoramus, al suas honOS

conjugio reservetur. Son nostra hme prm epta, sed divina testimonia douait. De viduis, iv, col. 241 ; cf. De virginitate, vi, col. 27 1. 2. Le mariage n’est pas un mal ; ri saint Ambroise en détourne les fidèles, c’esl qu’il non une foute, mais une charge, un lien qui empêche <i « - s'élever à Dieu aussi librement. De

aidais, c. xiii, col. 259 ; De virginitate, loc. cil.

>. Ce serait donc aller contre la vraie doctrine que de

condamner le mariage, sous prétexte d’exalter la virginité. Non enitn imperari potest virginitas, sed ùptari. De virginibus, I, v, col. 195. Nemo ergo qui con.ju.gium elegii reprehendat integritatem, wl qui integritatem sequitur condemnet conjugium. De virginitate, loc. cit. Saint Sirice venait de condamner les erreurs de Jovinieu, et avait ainsi exposé la doctrine de l’Église : « Certainement, disait-il, nous acceptons sans les mépriser les engagements des noces, puisque nous y prenons part par la cérémonie du voile ; mais nous accordons un honneur plus grand aux vierges que les noces produisent. » Epist., vil, 3, P.L., t. xiii.col. 1171. Saint Ambroise, en félicitant le pape, reprend les mêmes idées qui représentent bien sa doctrine : Neque nos negamus sanctificatum a Christo essecon jugium… Jure laudatur bon auxor, sed melius piavirgo præjertur… Bonum conjugium per quod est inventa poslcritas successionis humanæ, sed melior virginitas per quam regni cœlestis hæreditas acquisita… Epist., xlii, 3, t. xvi, col. 1124. — 4. Bien plus, d’un mot dit en passant, il fait un bel éloge de la grossesse et de la maternité. La sainte Vierge, dit-il, s’est mariée parce qu’il ne fallait pas qu’elle éprouvât quelque honte d’être mère, cum conjugii præmium et gralia nuptiarum partus sit (eminarum. Expos, evang., sec. Lucam, II, 2, P. L., t. xv, col. 1553.

Plus que tous les autres, saint Jérôme devait naturellement se montrer sévère pour la condition des personnes mariées. Non seulement il fut toujours ardent à propager l’idéal de renoncement, non seulement il fut un apôtre de la virginité et de la vie religieuse aux charmes de laquelle il se laissa prendre lui-même, mais les polémiques qu’il eut à soutenir pour défendre son idéal tendaient à exciter son ardeur et à lui faire prendre parti contre le terre à terre de la vie conjugale. Il faut bien avouer, en effet, qu’il n’est pas tendre pour les personnes mariées ; et si on prenait à la lettre un grand nombre de ses expressions, quand il réfute Helvidius, Jovinieu ou Vigilantius, on le cataloguerait sans hésiter parmi les plus fougueux encratites.

Contre les adversaires de la virginité, il doit défendre l’idéal proposé par Jésus et par saint Paul. C’est pourquoi il donne à la vie des âmes vierges les plus magnifiques éloges ; il dit, par exemple : Nuptise terram replent, virginitas paradisum. Adv. Jovin., i, 16, P.L., t. xxiii, col. 235 ; et, parce que Jovinien alléguait l’exemple des Apôtres qui furent mariés, Jérôme trouve dans la particulière affection que Jésus eut pour Jean la récompense de sa virginité, virgo permansit et ideo plus amollir a Domino…, ibid., n. 26, col. 246. La virginité suppose la consécration totale au service de Dieu dans la double pureté de l’esprit et du corps : Ma virginitas est hoslia Christi cujus nec mentem cogitalio, nec carnem libido maculavit. C’est pourquoi Dieu aime les âmes vierges, et c’est pourquoi l’Apôtre veut que tous les fidèles soient comme lui ; c’est la volonté de Dieu et de saint Paul ; le mariage est seulement permis, toléré, non pas voulu : Aliud est velle quid Apostolum, aliud est ignoscere. Adv. Jovin., i, 7, col. 221. Nos qui corpora nostra exhibere. debemus hostiam vivam, sanctam, placenlem Deo, … non quid concédât Deus, sed quid velit consideremus… Quod concedit, nec bonum, nec beneplacens est, nec perjectum. Ibid., n. 37, col. 262, 263. Cette idée, saint Jérôme la développe au grand dommage du mariage. Saint Paul, a dit : « Il est bon à l’homme de ne pas toucher de femme. » Jérôme reprend l’argumentation de Terlullien : malum est ergo tangere ; nihil enim bono contrarium est nisi malum. Ibid., n. 7, col. 218. Sans doute, saint Paul a dit aussi : « mieux vaut se marier

que brûler ; » comme Terlullien encore, Jérôme dit : c’est ainsi qu’il vaut mieux ne perdre qu’un œil que de les perdre tous les deux, > et cela ne veut pas dire que ce soit un bien ; puis, prenant à partie l’Apôtre lui-même, il le somme de s’expliquer : si per se nuptise sunt borne, noli eus incendia comparare, sed die simpliciter : bonum est nubere. Suspecta est mihi bonitas i-jus rei quam mugnitudo altcrius mali malum esse cogit inferius. Ego uulem non levius malum, sed simplex per se bonum volo. Ibid., n. 9, col. 222, 223. Comment en effet le mariage serait-il bon ? Il écarte de la prière, De perpet. virgin… adv. Hclvid., n. 20, P. L., t. xxiii, col. 204 ; Ado. Jovin., i, 7, col. 220. Il ne permet pas la sainteté ; car s’il y a des saints parmi les gens mariés, c’est seulement à condition que dans le mariage ils aient imité la vie des vierges, Adv. Hclvid., 21, col. 204 ; et les prêtres, parce qu’ils doivent être saints, sont obligés de s’abstenir du mariage. Adv. Jovin., i, 34, col. 257.

Ces textes semblent absolument formels, et à les parcourir, on serait tenté de ranger saint Jérôme parmi les adversaires les plus déclarés du mariage. Et pourtant au milieu même de ses polémiques, il s’en défend. Dans son traité contre Helvidius, il supplie ses lecteurs de ne pas prendre pour une condamnation du mariage les éloges qu’il fait de la virginité, n. 21, col. 204. En tête de sa réfutation de Jovinien, il fait cette déclaration : Neque nos, Marcionis et Manichsei dogma sectanles, nupliis delrahimus ; nec Tatiani principis encratilarum errore dacepli omnem coitum spurcum putamus… Scimus in domo magna non solum vasa esse aurea et argentea, sed et lignea et fictilia… Non ignoramus honorabiles nuptias et torum immaculatum. i, 3, col. 213. Il y revient encore vers la fin : Nunc autem cum hæreticorum sit damnare conjugia… Ecclesia matrimonia non damnât, sed subjicit ; nec abjicit, sed dispensai, sciens in domo magna non solum esse…, etc., i, 40,.col. 270.

Malgré ces mises au point, Jérôme avait tellement dépassé la mesure et abaissé le mariage, et dans un langage si peu chaste, que ses opuscules firent scandale à Rome, surtout son traité contre Jovinien. Deux amis, Pammachius et Domnion, l’avertirent des interprétations fâcheuses auxquelles il donnait prise. En leur répondant, le vigoureux controversiste revient en arrière et essaie d’atténuer les exagérations que la lutte lui avait fait commettre. Il se plaint, particulièrement dans sa lettre à Pammachius, Epist., xlviii, P. L., t. xxii, col. 493 sq., qu’on veuille le regarder comme un ennemi du mariage. Soldat combattant sur la brèche, voulant vaincre pour défendre son poste, peut-on exiger que ses coups soient tellement bien mesurés qu’ils ne portent jamais trop loin ? Et comment peut-on le supposer assez peu versé dans l’Écriture sainte pour ignorer les passages qui font l’éloge du mariage. On aurait dû comprendre que son but étant de défendre la virginité, c’est vers ce but à l’exclusion de tout autre que portait son argumentation. Après ces explications, il reprend les principales de ses affirmations, soit pour en montrer l’orthodoxie, soit pour en diminuer la rigueur. Il maintient encore que l’accomplissement de l’acte conjugal doit écarter de la communion un jour ou deux, n. 15, col. 506 ; mais, sauf cette sévérité, il se défend bien d’avoir le moindre sentiment de blâme contre le mariage, et en effet c’est la pure doctrine de l’Église qu’il énonce : via regia [est] ita appelere virginitatem, ne nuptise condemnentur, n. 8, col. 498. Igitur hoc exlrema voce protester me nec damnasse nuptias, nec damnare… Virginitatem autem in cœlum fero, n. 20, col. 509.

Auparavant déjà il avait exposé la même doctrine orthodoxe dans sa fameuse lettre à Eustochium, De 2093 custodia virginitatis, Epist., XXI, P. L., t. XXM. col. 394 sq. Il y disait que toute son estime pour la virginite ne doit pas être traduite en blame pour le marlage ; car c’est déjà une grande gloire pour les personnes mariées que de venir après les vierges. n. 19, col. 405. Il y expliquait pourquoi l’Apôtre a donné seulement le conseil, et non pas l’ordre, de garder la virginite ; c’est que, pour la majorité des hommes il eût été trop dur de lutter contre les tendances naturelles et de mener une vie angélique ; mais le fait de n’être pas obligatoire rend plus belle la condition des vierges, n. 20, col. 407. C’est admettre sans restriction que le mariage n’est pas condamné.

Avec saint Augustin, nous allons trouver l’exposé definitif de la doctrine du mariage, au point de vue de sa valeur morale. Dans ses ouvrages De continentia, I bono conjugali. De sancta virginitate, De bono viduitatis, De nuptiis et concupiscentia, le saint docteur a condense tout le resultat de l’elaboration qui s’etait faite au cours de l’age patristique.

Il connaִִִִִִִit divers herétiques qui ont réprouvé le mariage, par exemple Tatien et ses fauteurs, De hæres., 25, P. L., t. XLII, col. 30, et les manichéens, ibid., 46, col. 37 ; il sait aussi que, pour avoir trop véhémentement répondu à Jovinien, Jérôme s’est fait regarder comme un adversaire du mariage. Retraclal., 11, 18, t. xxxII, col. 639. A l’opposé, il établit nettement la doctrine catholique : le mariage n’est pas condamnable, Contra Julian., V, 66, t. XLIV, col. 820 ; il a été institué et béni par Dieu dès l’origine du monde, puis élevé par Jésus au rôle sublime de représenter sa propre union avec l’Église, De nupt. et concup., 11, XXXII, t. XLIV. col. 468 : par conséquent, quand Augustin loue la virginité, il prétend bien ne pas considérer le mariage comme blâmable. De sancta virginitate, 18, t. XL, col. 404 ; et c’est même faire un plus bel cloge de l’état des vierges que de le placer au-dessus d’un autre etat qui est bon de soi. Ibid., 21, col. 406. Le mariage est bon parce qu’il est constitué par trois choses bonnes : Hæc omnia bona sunt propter quæ nuptiæ bonæ sunt, proles, fides, sacramentum, De bono conjug.. 32. t. XL. col. 394 ; ou encore generandi ordinatio, fides pudicitiæ, connubii sacramentum, De pecc. origin., 39, t. XLIV, col. 404, c’est-à-dire la procréation des enfants par l’acte conjugal, la chasteté dans la fidelité réciproque et l’indissoluble engagement des epoux.

Mais, en déclarant licite l’acte conjugal, les Pères supposent toujours que les epoux auront en vue ce qui en est le but direct et la raison d’être, qu’ils se proposeront d’avoir des enfants. Les moralistes païens aux-mêmes essayaient d’élever à ce but l’esprit des époux, cf. Fustel de Coulanges, La cité antique. p. 52 ; textes dans Moulard, op. cit., p. 50 sq. A plus forte raison les moralistes chrétiens étaient-ils formels. Si les chrétiens se marient, dit saint Justin, c’est dans l’intention d’avoir des enfants, et il compare ce but très chaste des chrétiens avec la conduite des païens qui cherchent surtout dans l’usage du mariage la satisfaction des sens. Apol., 1, 29, P. G., t. VI, col. 373. Tertullien est sévère pour le mariage, parce qu’il y voit surtout une concession faite par Dieu à l’infirmité de la chair et un moyen de la satisfaire à l’usage de ceux qui ne veulent ou ne peuvent garder la continence. Ad uxor., 11, 3, P. L.., t. 1, col. 1278. Il semble inutile de faire une énumération de textes qui tous seraient identiques dans leur sens. Mais presque toujours ce sont des affirmations trop rapides et tranchantes. Les Pères ne se demandent pas ce que vaudra, au point de vue moral, la conduite d’époux qui mêleraient plus ou moins abondamment d’autres buts moins nobles à ce but essentiel, qui chercheraient leur satisfaction sensuelle en même temps que l’accroissement de la famille, ou même qui ne songeraient qu’à leur satisfaction sans cependant rien faire pour empêcher la naissance des enfants.

Saint Jean Chrysostome, en vertu de sa conception particulière du mariage, est condamné à croire que le but principal des époux est la satisfaction de l’instinct sexuel. Le mariage n’a qu’une fin, empêcher la fornication ; et c’est pour cela qu’a été institué ce remède. In illud : Propter fornicationes uxorem…, 1, 33, P. G., t. II, col. 213. Il croit d’ailleurs ce but légitime et ne blàme pas pour autant l’acte conjugal. Moulard, op. cit., p. 72 sq.

Saint Augustin est plus juste dans sa conception théorique et plus sévère dans ses applications pratiques. Le péché, selon lui, en ôtant à l’homme son intégrité primitive, lui a fait ressentir la concupiscence qui, depuis lors, est toujours mêlée à l’acte du mariage. Cette concupiscence désordonnée est un mal, mais non pas l’acte conjugal lui-même : nunc ergo sine isto malo esse non potest (copula nuptiarum), sed non ideo malum est. Cont. Julian., III, 53, P. L., t. XLIV, col. 730. Même entaché par la concupiscence, l’acte conjugal n’est pas un péché ; il est mêlé à un mal, mais ce mal, le mariage le tourne à bon usage. Parce que dans cet acte il y a un désordre, l’homme en rougit ; mais parce que ce désordre n’est voulu que pour une fin honnête, l’homme accomplit cet acte sans péché : atque ita nuptiæ sinuntur exercere quod licet, ut non negligant occulture quod dedecet. De peccato originali, 12, t. XLIV, col. 406. C’est surtout à propos de la valeur morale de l’acte conjugal que la pensée de saint Augustin marque un progrès notable sur celle des autres Pères. Avant lui, cette question, très pratique pour des époux consciencieux, n’avait reçu que des solutions hâtives et sans nuances. Tertullien, qui semble considérer comme répugnantes les relations conjugales, De exhorlatione castilatis, 9, P. L., t. 11, col. 924, 925, les accepte cependant comme nécessaires à la conservation et à la propagation de la race humaine. Lest Pères qui suivent, se souvenant de la volonté de Dieu, manifestée dans la création par la distinction des sexes et d’une manière positive par l’ordre donné au premier couple humain : Crescile et multiplicamini, ne font pas difficulté à considérer ces relations comme normales et parfaitement légitimes. Il n’y a guère que saint Jérôme à montrer quelque sévérité : il exclut de la communion pendant quelques jours les époux qui ont usé du mariage ; il exige par conséquent quelques jours de continence comme préparation obligatoire à la communion, Epist., XLVIII, 15, P. L., t. xxII, col. 506 : pour lui. l’usage du mariage n’est pas une faute, mais plutôt, il le dit lui-même, un empêchement à la prière, conformément à l’indication qu’il prétend trouver dans saint Paul. I Cor.. vII, 5.

Il est nécessaire cependant que les époux se proposent pour but la procréation des enfants. Alors l’acte conjugal est sans péché, De bono conjugali, 11, t. XL, col. 381 ; il est légitime, De conjugiis adulterinis, 11, 12, ibid., col. 479 ; il est un devoir, Contra Secundinum manichæum, XXII, t. XLII, col. 598 ; il est honorable, Opus imperfect., VI, 23, t. XLV, col. 1557. Au contraire, se proposer la volupté charnelle, c’est faire ce que l’Apôtre déclare seulement tolérer, c’est donc une faute, c’est transformer un bien en mal. Contra Julian., II, 20, t. XLIV, col. 687.

Ces idées, saint Augustin les développe avec une merveilleuse précision dans son opuscule De bono conjugali, t. XL, col. 373-396, antérieur de dix ans, il convient de le remarquer, à la controverse pélagienne ; si les moralistes actuels sont moins sévères, on ne peut nier cependant que les conclusions du saint docteur sont nettement déduites, et c’est en cela

surtout qu’il a fait progresser la doctrine de la

valeur morale du l’acte conjugal.

Certaines choses, dit-il, sont bonnes par elles-mêmes,

par exemple la sagesse, la santé, etc., et d’autres sont bonnes en tant que moyens d’obtenir les premières, par exemple l’étude, la nourriture, le sommeil, etc. Du nombre de ces moyens est le concubitus, l’acte conjugal. La moralité de ces moyens dépend du but que l’on a en vue quand on les emploie. Si l’on s’en sert pour le but auquel ils sont naturellement ordonnés, on agit bien ; si on se prive de leur usage alors qu’il n’est pas nécessaire, on agit mieux ; si on les emploie en les détournant de leur but, on pèche plus ou moins gravement : his bonis… qui non ad hoc utitur propter quod instituia sunt peccal, alias venialitcr, alias damnabilitcr, n. !), col. 380.

Les principes ainsi posés, il n’y a qu’à les appliquer à l’acte conjugal. Si les époux y renoncent, c’est une preuve de vertu supérieure ; car l’acte conjugal n’est nullement nécessaire ; rares seront toujours les continents et le genre humain ne risque pas de finir par leur abstention ; d’ailleurs, ajoute saint Augustin, même si le monde devait cesser de vivre par excès de vertu, ce serait seulement l’avènement plus rapide de la cité parfaite de Dieu au ciel, n. 10, col. 381.

Si, au contraire, les époux usent du mariage, ils peuvent le faire pour avoir des enfants ; ils se conforment alors aux indications de la nature et à l’ordre positif de Dieu, ils ne pèchent pas. Mais ils peuvent aussi mêler à ce but légitime une intention voluptueuse ou même oublier le vrai but pour ne chercher que la volupté : ils se trouvent alors dans le cas où l’apôtre déclare concéder le mariage secundum veniam ; ils pèchent dans la mesure où une intention mauvaise se mêlera à l’intention légitime. : Concubitus necessarius causa generandi, inculpabilis et solus ipse nuptialis est. Ille autem qui ultra istam necessitatem progreditur, jam non ralioni, sed libidini obsequitur, n. 11, col. 381. Decus ergo conjugale est castitas procreandi et reddendi carnalis debiti fides ; hoc est opus nuptiarum, hoc ab omni crimme défendit Apostolus… Exigendi autem debiti ab alterutro sexii immoderatior progressio… conjugibus secundum veniam conceditur, n. 12, col. 382. L’époux consciencieux pourra satisfaire aux exigences immodérées de son conjoint, ne fornicando damnabilitcr peccet ; mais si tous deux sont complices dans l’intention voluptueuse, leur dérèglement est un péché, péché véniel toutefois, pourvu que le but honnête soit voulu davantage et qu’ils n’écartent pas la miséricorde de Dieu, vel non abstinendo quibusdam diebus utorationibus vacenl… vel immutando naturalem usum in eum usum qui est contra naturam, quod damnabilius fit in conjuge, n. 11, col. 382. Car il y a une double différence entre les relations légitimes dans le mariage et les relations illégitimes en dehors du mariage : ille naturalis usus, quando prolabitur ultra pacta nuplialia, id est ultra propagandi necessitatem, venialis est in uxore, in meretrice damnabilis ; iste qui est contra naturam, exsecrabiliter fit in meretrice, sed exsecrabilius in uxore, n. 12, col. 382.

Saint Augustin ne se fait d’ailleurs aucune illusion. Cette pureté de vue est rare et difficile ; il y a même, dit-il, des époux qui trouvent plus aisé de garder la continence toute leur vie que de n’avoir que des intentions parfaitement pures en usant de leur mariage, n. 15, col. 384.

Il y a donc une chasteté pour les époux comme il y en a une pour les continents, cette dernière d’ailleurs plus élevée en elle-même parce qu’elle exige et suppose un renoncement plus absolu. Cette supériorité de la virginité, il la proclame contre Jovinien, tout en maintenant la bonté morale du mariage : nullo modo dubitandum est meliorem esse castitatem eontinentiic

quam castitatem nuptiarum, cum tamen utrumque sil bonum, n. 28, col. 392. Et ainsi, à la fin de cette élude morale si remarquable a plus d’un titre, saint Augustin nous ramène à l’idée qui a dominé tout l’enseignement des Pères sur la valeur comparée du mariage et de la virginité.

2. Comparaison entre 1rs secondes noces et le veuvage. Au fond, c’est toujours la même question. L’appel à la perfection qui pousse les âmes d’élite a consacrer à Dieu leur virginité peut se faire entendre seulement après un premier mariage. L’époux rendu à la liberté par la mort de son conjoint a certainement le droit de se consacrer dans le veuvage au service de Dieu ou du prochain ; en a-t-il le devoir ? La question se compliquait cependant pour les Pères par la doctrine de l’unité du mariage : les époux se sont donnés l’un à l’autre ; leur engagement est indissoluble ; celui qui se remarie ne manque-t-il pas à la fidélité due à l’époux défunt ? Cette considération fut la principale raison pour laquelle les Pères se divisèrent au sujet des secondes noces plus qu’au sujet du mariage lui-même. a) Pères grecs. — Athénagore dépeint ainsi les mœurs chrétiennes au sujet du mariage : « Parmi nous chacun demeure comme il est né, ou ne se marie qu’une fois. Un second mariage, en effet, est un adultère décent, sinpsTz^ç p.oi/sîa… Celui qui se sépare de sa première femme, même si elle est morte, est en secret adultère ; il transgresse la création de Dieu qui n’a fait qu’un homme et qu’une femme ; il rompt le lien qui liait son corps à un autre corps en une unité parfaite. » Légat., 34, P. G., t. vi, col. 967, 968.

Cette sévérité sans ménagement est exceptionnelle. Clément d’Alexandrie ne condamne pas les secondes noces, tout en conseillant de demeurer dans le veuvage. Sa doctrine est, en somme, celle de saint Paul dont il cite les paroles sous cette forme : « Si tu brûles, marie-toi. » Strom., III, i, P. G., t. vin. col. 1103, 1104 ; "cf. xii, col. 1183, 1184.

Origène a parlé des secondes noces d’une manière qui peut être mal comprise ; il semble dire que ceux qui se remarient n’appartiennent pas à l’Église de Dieu, au royaume de Dieu ; mais si on recourt au contexte immédiat, il est manifeste que le sens est différent : « Celui qui est bigame, dit-il, alors même qu’il mènerait une vie digne et vertueuse, n’est pas de l’Église de Dieu, ni du nombre de ceux qui n’ont ni ride, ni tache, ni quoi que ce soit de semblable. Il est du second degré, de ceux qui invoquent le nom du Seigneur et qui sont sauvés au nom de Jésus-Christ, mais qui ne sont pas couronnés par lui. » In Lucam. hom. xvii, P. G., t. xiii, col. 1847. Évidemment il oppose le salut de ceux qui se sont remariés à la couronne de gloire plus resplendissante que recevront les parfaits, ceux qui ont gardé la virginité ou au moins le veuvage ; mais il ne les condamne pas, puisqu’il dit expressément qu’ils seront sauvés. Ailleurs il admet qu’on laisse croire aux veuves qu’elles pécheraient en se remariant ; c’est une tromperie, mais qui leur est utile, puisque les secondes noces les feraient déchoir. In Jercmiam, hom. xix, 4, P. G., t. xiii, col. 507-508. Les conciles grecs du iv° siècle se placent plus au point de vue de la discipline extérieure qu’à celui de la conscience. Ils donnent l’impression de chercher à tenir le juste milieu entre deux tendances opposées dont nous ne connaissons pas les manifestations ; et c’est pourquoi, tout en soumettant à une pénitence modérée ceux qui se remarient, ils évitent de laisser entendre qu’ils sont coupables en conscience ou même ils disent formellement le contraire. Le concile de Néocésarée (un peu après 315) défend aux prêtres d’assister au repas de noces de ceux qui se marient pour la seconde fois, can. 7 : et rappelle que ceux qui contractent mariage plusieurs fois sont soumis à M m ; I t, l l> NS LES l’i I ! ES LES SECONDES NO< ES

2098

une pénitence, can. 3, Mansl, Co/ieiL, l. u. col. 539 sq. j Hefele-Leclercq. H, t. i, p. 32(

Au concile de Nlcée, 325, lurent prises des me-pour réconcilier les eathai i dire les

ttiëns qui condamnaient les secondes noces ; » n leur ordonna de renoncer a leur rigorisme et, en particulier, de communiquer avec les remariés, can. s. U, t. u. col. o7t. (’72. 1 leiele-Leclercq, t. i, p.."’77. Le nu’mo droit aux secondes noces est reconnu par les concile de Laodicée (vers 380 ?) ; ils prescrivent d’admettre.i la communion de l’Église

es un certain temps ceux qui ont contracté un

il mariage d’une manière régulière et conforme aux canons. Mansl, t. u. ml. 563, 564 : 1 lefcle-l.eclercq, 1. 1, suppose donc qu’aucune loi ecclésiastique ou divine ne prohibe les secondes noces, et si on soumet une pénitence de quelque durée, il semble plutôt que ce soit pour sauvegarder une certaine convenance extérieure ou pour donner quelque

Faction a ceux qui auraient voulu être plus se i La tendance rigoriste existait en effet, et elle eut a ee moment deux représentants particulièrement autorises, saint Basile et saint Grégoire de XazianLe. t Basile se plæe au double point de vue de la discipline pénitent ielle et de la conscience. Il proportionne la durée de la pénitence au nombre de mariages que l’on a conclus après le premier : les bigames sont soumis a une pénitence d’un an : les trigames ou les polygames à une pénitence plus longue ; pour lui, la faiblesse de ces derniers est une fornication modérée, Exovoeouivi] : il ne les exclut cependant pas de la communion de l’Église. EpisL, cxxxxviii, -I, I’. ( » "., t. x.xxii. col. (173. 674. Ailleurs il les appelle

uillures de l’Église, avouant pourtant qu’il vaut encore mieux se marier plusieurs fois que de se livrer a l’inconduite. Bpist., cxcix, 50, ibid., col. 731, 732.

surtout la polygamie qui excite son indignation, c’est-a-dire, comme on interprète d’ordinaire ce mot, les quatrièmes noces ; ce sont là, dit-il, des mœurs de bète et non d’homme, dont les Pères n’ont même pas osé parler : c’est un péché plus grand que la fornication : il place les coupables parmi les pleurants et les prosternés pour une période de trois ans. Epist., ccxvii, 80, col. 805, 806.

Saint Grégoire de Nazianze n’est pas moins sévère que son ami. Il ne se place plus au point de vue de la discipline, niais seulement de la conscience. Il fait la même distinction entre les secondes noces et les mariages ultérieurs. Tout en déplorant les premières, il les déclare tolérées, mais il ne veut pas que l’on aille plus loin : < S’il y a deux Christs, qu’il y ait aussi deux hommes ou deux femmes ; mais il n’y a qu’un Christ, une seule tête de l’Église, et il ne doit donc y avoir qu’une chair. Puisqu’une seconde épouse est défendue, que dire d’une troisième ? Une première, c’est la loi ; une seconde, c’est tolérance et indulgence ; ure troisième, c’est iniquité. Quant à celui qui dépasserait ce nombre, il serait yv.pcôoY.ç (poreinus). Orat., xxxvii..s. /- < ;., t. xxxvi, col. 291, 292. Il rappelle ailleurs que saint Paul a permis aux jeunes veuves remarier. Orat., xxxix, 18, col. 357, 358. Il convient toutefois de ne pas exagérer. Cette recrudescence de rigorisme semble particulière aux

s cappadociens et sans doute elle ne se prolongea pas au delà du iv siècle pour ce qui concerne les secondes noces (la trigamie et a plus forte raison la tétragamie furent par la suite regardées comme illicites ; . Ce serait aller au delà de ce que donnent les textes que d’attribuer à toute l’Église grecque ce qui fut au contraire très limité dans le temps et dans

ce. Quelques années plus tard, en eflet, saint Épiphane et saint Jean Chrysostome exposent une doctrine autrement large.

DICT. PF. THKOL. CATBOL,

Saint Épiphane veut réfuter l’erreur des novatiens

et particulièrement leur rigorisme. Sa pensée est

intéressante surtout a propos des secondes QOi car pour la première lois en Orient se retrouve dans toute sa largeur le principe pose par saint Paul, 1 Cor., vu. 39, et pour la première lois il est appli que sans restriction, il n’y a aucune raison, dit le

saint docteur, pour limiter ce que l’Apôtre ne limite

pas et pour restreindre le droit qu’il reconnaîl a la

veuve. Quand son mari est mort, elle peut se renia lier ; c’est vrai chaque lois qu’elle redevient veuve, et ses mariages successifs seront dans le Seigneur, si elle observe dans sa conduite les préceptes du Seigneur et les vertus de son état. Huns., î ix, G, P. (, .. t. xii, col. 1(127. 1028.

la même position est pi ise par saint Jean Chryso-Stome. De même qu’il a vanté les grandeurs de la

virginité, il engage, par esprit de renoncement et de

continence, les veuves à ne pas se remarier ; mais il n’en fait pas une obligation. « Autre chose est exhorter, autre chose commander… Or en cette matière l’Église n’ordonne pas, elle exhorte seulement, et avec raison, puisque Paul a permis les secondes noces… Le mariage est bon, meilleure est la virginité ; de même un second mariage est bon, mais meilleur est de s’en tenir à un premier. Nous ne rejetons pas le second mariage ; nous exhortons quiconque peut se garder en chasteté à se contenter du premier. » Et il continue en décrivant quelques-uns des inconvénients qu’entraîne le second mariage : la veuve pleurant devant son nouveau mari quand elle se souvient du premier, la jalousie qui s’élève dans le cœur du remplaçant contre celui dont le souvenir subsiste, les divisions inévitables entre lés enfants des deux pères, etc. 7/i illud : Yidua eligatur, 5, 6, P. G., t. ii, col. 325, 326. Il garde la même justesse de vues dans un traité qu’il adresse à une jeune veuve pour l’exhorter à ne pas se remarier. Celles qui se remarient, dit-il, peuvent avoir diverses raisons pour le faire, ne serait-ce que leur répugnance à se priver du mariage : il ne peut les condamner sans être plus sévère que saint Paul et que l’Esprit-Saint. Il supplie donc que l’on veuille bien ne pas prendre pour un blâme contre les secondes noces les éloges qu’il va donner au veuvage gardé pour Dieu. De non iterando conjugio, 1, t. xi.vm, col. 610, 611. De fait, dans ces éloges, il est visible que Jean n’approuve pas les veuves qui se remarient : elles font preuve de bien peu d’esprit chrétien, si elles ne peuvent porter le joug de la continence, ibid., 2, col. 612 ; elles manquent de fidélité à la mémoire de l’époux qu’elles ont aimé et pleuré, De virginitate, 37, t. xlviii, col. 559, 560 ; elles montrent peu de sagesse, puisque, après avoir connu par expérience les tracas et les amertumes du mariage, elles ne savent pas profiter de la liberté que Dieu leur avait rendue. De non iterando conj., 1, ibid., col. 609. Dans tout cela, il n’y a pas un mot contre la licéité morale des secondes noces : elles ne sont pas une faute.

Ainsi, à part quelques exceptions, l’Église grecque elle-même demeura fidèle à la doctrine de saint Paul, doctrine à la fois très élevée dans son idéal et très humaine dans ses exigences. Aux vierges, elle propose de garder leur virginité pour le Christ, sans leur en faire une obligation ; aux veuves, elle demande de se garder dans la continence pour le Christ, sans cependant les condamner si elles se remarient. C’est la même conception que nous allons retrouver, avec plus de constance encore, dans l’Église latine.

b) Pères latins. — La tradition occidentale sur les secondes noces commence au Pasteur d’IIermas, et ses paroles rendent le même son que celles de saint Paul : « Seigneur, demande Ileimas.si un homme ou une femme vient à mourir et que l’autre se remarie,

IX.

67

celui-ci pèche-t-il en convolant à de secondes noces ? » Le Pasteur répond : « Non, il ne pèche pas ; mais en demeurant seul, il s’acquiert auprès du Seigneur plus de considération et plus de gloire ; cependant il ne pèche pas en se remariant. » Mand. IV, iv, 1-2, éd. Lelong, p. 88. 89.

Cette justification des secondes noces devait déplaire à la rigueur de Tertullien ; devenu montaniste, il parle de cette Écriture du Pasteur, quæ mœchos amat, et il la met en opposition avec l'Écriture du vrai Pasteur, de celui dont les paroles ne peuvent être révoquées, De pudicitia, x, P. L., t. ii, col. 1000 ; et bien. que cette allusion au Pasteur ne soit pas directement faite à propos des secondes noces, nous savons suffisamment ce qu’il en pensait pour conclure à l’opposition irréductible qui existait entre sa doctrine et celle d’Hermas. Mais Tertullien à ce moment n’est plus de l'Église ; avant sa défection, alors qu’on peut voir en lui un témoin de la croyance, il n’est certes pas tendre pour les secondes noces contre lesquelles il prémunit sa femme ; pourtant il' ne les regarde pas comme une faute. Sa pensée se résumerait assez justement dans le commentaire qu’il fait de deux paroles de saint Paul : Apostolus de uiduis et innuptis ut ita permaneant suadet cum dicit : cupio autem omnes meo exempta perseverare (I Cor., vii, 7). De nubendo vero in Domino, cum dicit : tantum in Domino, jam non suadet, sed exserte jubet. Ad uxorem, ii, 1, t. i, col. 1289, 1290.

La sévérité de Tertullien ne se retrouvera plus que chez saint Jérôme. Car on ne saurait faire état de certains textes, parfois invoqués, qui ne vont pas ad rem, ni d’un passage de Minucius Félix, Octavius, xxiv, P. L., t. iii, col. 315, qui s’applique aux femmes divorcées de Rome païenne ; ni d’une allusion que fait saint Irénée à la Samaritaine et à son inconduite, Contra hæres., III, xvii, 2, P. G., t. vii, col. 930 ; ni d’un texte de saint Justin qui, selon toute vraisemblance, a trait à la polygamie simultanée, Apolog., i, 15, P. G., t. vi, col. 349, 350.

Saint Ambroise n’aime pas les secondes noces. Dans son Hexæmeron, t. V, 62, 63, P. L., t. xiv, col. 232, 233, il propose à la veuve chrétienne l’exemple de la tourterelle qui garde la fidélité au compagnon qu’elle a perdu et il rappelle à cette occasion le conseil de saint Paul : Optât Paulus in mulieribus quod in turturibus persévérât. C’est donc un désir, une exhortation, non un ordre. Il est plus net encore dans son opuscule De viduis, composé pour exalter la noblesse des veuves qui restent telles pour le service de Dieu ; il ne fait que reproduire les paroles de l’Apôtre et les commenter : quod tamen pro consilio dicimus, non pro præcepto imperamus, provocantes potius viduam quam ligantes ; neque enim prohibemus secundas nuptias, sed non suademus… Ptus dico : non prohibemus secundas nuptias, sed non probamus ssepe repetitas ; neque enim expedil quiquid licet. 68, t. xvi, col. 254. De telles formules sont pleines de sens : il est plus parfait de garder la virginité, mais le mariage est cependant permis ; il est plus parfait de demeurer dans le veuvage, et pourtant les secondes noces ne sont pas défendues ; et des mariages ultérieurs encore, même souvent répétés à la suite de veuvages multipliés, sont toujours permis, quoiqu’ils ne soient pas à approuver. Aucun doute n’existe dans l’esprit d’Ambroise sur la licéité morale de ces mariages successifs.

Avec saint Jérôme, nous devons nous attendre à retrouver la tendance à la sévérité, étant donnée la manière dont il parle du mariage lui-même. Il sait pourtant que saint Paul a permis aux veuves de se remarier ; c’est vrai, dit-il, mais ce n’est pas de son plein gré qu’il a accordé cette permission, et n’est-il

pas à craindre qu’on n’en abuse pour multiplier les remariages ? Et sans doute ces mariages, même nombreux, ne sont pas condamnables, Jérôme le sait bien ; pourtant il emploie pour les permettre une comparaison insultante qui semble bien indiquer qu’il voudrait bien pouvoir les condamner : Verum fac ut concesserit Paulus secunda matrimonia ; eadem lege et tertia concedit, et quarla, et quotiescumque vir moritur. Alulta compellitur Apostolus velle quæ non vult… Non damno digamos, imo nec trigamos et, si dici potest, oclogamos ; plus aliquid inferam, etiam scortatorem recipio pœnilentem. Quidquid œqualiler licet, œquali lance pensandum est. Adv. Jouin., i, 15, P. L., t. xxiii, col. 234. Cf. Epist., xi.viii, ad Pammachium, 9, t. xxii, col. 499. Comparer ces mariages répétés à la pire débauche, n’est-ce pas les condamner ? Quand saint Jérôme dit qu’il ne les repousse pas, pas plus qu’il ne rejette le débauché repentant, à ne voir que ce texte, on se croira autorisé à conclure qu’il y trouve une faute morale. Mais avec ce terrible homme, il faut y regarder à deux fois avant de prendre à la lettre un texte, surtout quand Jérôme écrit sous l’influence de la passion ; on n’est sûr de sa pensée que quand il ne bataille plus. Au moment du combat il ne mesure pas plus ses expressions qu’il ne pèse la valeur de ses arguments : peu lui importe où il frappe. Et par exemple, il prétend trouver, dans le nombre des animaux admis dans l’arche et sauvés du déluge, un blâme pour les secondes noces : In duplici numéro ostenditur aliud sacramentum, quod ne in besliis quidem et in immundis avibus digamia comprobata sil. Adv. Jovin., i, 16, col. 236. Prendre à la lettre des affirmations aussi paradoxales serait se méprendre sur la pensée de Jérôme. Ce qu’il veut, c’est anéantir les objections que l’on a osé élever contre la sainte virginité ; c’est relever dans les âmes l’estime de cette belle vertu et maintenir leurs aspirations vers l’idéal du renoncement évangélique ; c’est convaincre les chrétiens qu’ils doivent chercher ce qui plaît à Dieu et que, dans cette recherche, il ne convient pas qu’ils mesurent avec parcimonie leur bonne volonté. Vouloir le plus parfait, telle est la disposition que Jérôme voudrait créer dans les âmes qui en sont capables. Et en somme, sa doctrine reste la même, au sujet des secondes noces, que celle de Paul. C’est le sens évident de ce passage très important du même traité contre Jovinien : Concedit quidem Deus nuptias, concedit digamiam et, si necesse fuerit, fornicationi et adulterio prsefert etiam trigamiam. Sed nos qui corpora nostra exhibere debemus hostiam vivam, sanctam, placentem Deo…, non quid concédât Deus, sed quid velit consideremus… Quod concedit, nec bonum, nec beneplacens est, nec perfectum… Aliud est voluntas Dei, aliud indulgentia, n. 37, col. 262, 263. Il revient sur ces mêmes considérations dans une lettre qu’il écrit vers 409 à la veuve Ageruchia pour la déterminer à persévérer dans le veuvage : Dux sunt Apostoli voluntates, una qua prxcipit,, ., altéra qua indulget… Primum quid velit, deinde quid cogatur velle demonstrat. Vult nos permanere post nuptias sicut seipsum… Sin autem nos viderit nolle quod ipse vult, incontinentise nostra : tribuit indulgentiam. Quame duabus eligimus volunialem ? quod magis vult et quod per se bonum est ? an quod mali comparatione fit levius et quodam modo nec bonum est quia prxjertur malo ? Ergo si eligimus quod Apostolus non vult, sed velle compellitur, … non Apostoli, sed nostram facimus voluntatem. Epist., cxxiii, 7, t. xxii, col. 1050.

Plus nette est la pensée de saint Augustin. Dans le De bono viduitalis, il félicite « la religieuse servante de Dieu Juliana » d’avoir persévéré dans le veuvage, mais pour l'éclairer sur la valeur de son état, il ajoute : Hoc primum oportet ut noveris bono quod ele ! 101

MARIAGE DANS LES PÈRES LE SACREMENT

2102

damnarl secundo » nupttas, sed tnferiiu

honomri. ::t bonum sondai rirginitatis quod

tlegit fUta tua ::<tias, sic nec riduitus

indas, a. 6. P. /… t. xi. col. 133. Il l’appâte IUT la doctrine île saint Paul ; et poursuivant le raisonnement de l’Apôtre, il ne veut même

  • troisièmes uoees, les quatrièmes,

ni les su tilsque Paul a dit simplement : la

femme est lit>re quand son mari est mort, qu’elle se marie a qui elle veut : quis sum qui putem deflntendum quixi itolum video définisse ? a, l.">, col 439.

. pourquoi, tout en respectant le sentiment de . enanoe qui pourra empêcher la veuve de se l limite, il n’ose pas pour cela la contner et élever son opinion contre l’autorité de .ture. Reste pourtant l’appel au plus parfait : Quod autan dico univiree oiduse, hoc diea omni vidum : bea : <ic permanseris, a. 15, col. 440.

Dans cette longue enquête sur une question morale qui ié les esprits dans les cinq première

.s. nous n’avons pas relevé tous les témoignages, ni cité tous les documenta. La conclusion qui s’en t te et très certaine, c’est qu’il faut se tenir contre des généralisations hâtives qui

attribuent à l'Église dans son ensemble des préventions défavorables au mariage, ou la condamnation formelle des secondes noces. L'Église, au contraire, en dehors des rares exceptions que nous avons relevées, est restée Adèle a la doctrine de Jésus et de saint Paul. Si elle a toujours convié les aines à s'élever aux sommets par la continence dans la virginité ou le veuvage choisis pour Dieu, elle n’a jamais eu de îté pour les Ames plus humbles qui n’ont pas entendu l’appel des privilégiés ou moins courageuses qui n’ont pas osé le suivre.

le sscreubst DE u±RiAGE. — Cette question a incomparablement moins préoccupé les Pères que la précédente. Ils ne pouvaient pas se demander s il convenait de placer le mariage dans la liste des sacrements, et c’est seulement en recueillant les éléments épars dans leurs œuvres que l’on peut se rendre compte de leur pensée et des progrès de la doctrine. Et pourtant l’importance de cette question n'échappe à personne, puisqu’il s’agit de retracer, autant que possible, la marche qu’a suivie l'Église pour faire sortir de la simple indication de l'Écriture la formule très nette du dogme, telle que l’ont élaborée les scolastiques et définie les conciles.

Dans ce travail de recherche, il y a deux écueils également à craindre : le premier est de laisser perdre les moindres parcelles de vérité, parcelles d’autant plus précieuses qu’elles sont plus rares ; le second serait de prêter aux Pères nos pensées et d’interpréter leurs expressions forcément imprécises d’après ce que nous apprennent les définitions de l'Église. Ce qui importe, c’est de savoirce qu’ils ont pensé afin de noter les progrès qu’ils ont fait faire à la connaissance du dogme. Or. sur le point dont il s’agit, l'Évangile et saint Paul fournissaient les données suivantes : 1. Institué par Dieu pour conserver et propager la race humaine, le mariage a été relevé de la déchéance qu’il avait subie par Jésus-Christ qui l’a sanctifié et restauré, en lui rendant son unité et son indissolubilité primitives. — 2. Cette restauration impose aux époux chrétiens des devoirs que l’expérience des siècles passés a montrés trop lourds pour la nature humaine laissée à ses propres forces. Elle suppose donc que Dieu donnera aux éprjx les grâces sans lesquelles le mariage serait un Joug insupportable. — 3. Le mariage chrétien trouve son idéal dans l’union mystique de Jésus avec son Église ; ce symbolisme porte au divin la sublime dignité du mariage et fait pressentir son efficacité sanctifiante.

Les Pères vont développer ces trois Idées. Noua

trouverons une lumière de plus dans le fait que l'Église

veut intervenir pour bénir le mariage de ses enfants ; et il sera intéressant de voir si le sens de plus en plus

complexe du mot særamentum appliqué au mariage ne peut pas nous fournir un renseignement. 1 » Lc mariage sanctifié par Jisus-Christ. -- Les

Pères en trouvent une preuve surtout dans le lait Hiie Jésus a voulu, des le début de sa vie publique, assister aux noces de Cana et y accomplir son premier miracle.

Ce fait prend, aux yeux des Pères, une Importance de premier ordre ; car ils voient dans la démarche du Christ non pas seulement l’intention de manifester sa sympathie aux deux époux de Cana, mais celle de montrer aux époux de tous les siècles la haute estime dans laquelle il tenait le mariage, de leur enseigner avec quelle élévation d’Ame ils devaient le célébrer et de sanctifier avec le mariage lui-même la naissance des enfants. Ainsi, parmi de nombreux textes, saint Épiphane, ILcrcs., ii, 30, P. G., t. xli, col. 012 : t II me semble que Jésus fut invité pour deux raisons : d’abord afin d’entourer de chasteté et d’honnêteté les noces dans lesquelles la passion des hommes débordait comme une eau furieuse, et aussi pour en adoucir les peines futures par la suavité du vin qui enlève les chagrins et par la grâce. » Saint Augustin, In Joan., tr. ix, 2, P. L., t. xxxv, col. 1459 : Ad hoc ergo Dominus venit ad nuptias ut conjugalis castilas flrmaretur et ostenderetur særamentum nuptiarum. Saint Cyrille d’Alexandrie, In Joan., II, i, 2, P. G., t. lxxiii, col. 223, 224 : a Comme on célébrait les noces en toute chasteté et honneur, la mère du Sauveur était présente. Il vint lui aussi avec ses disciples, non pas tant pour prendre part au festin, que pour faire un miracle et sanctifier le principe de la génération charnelle de l’homme. Il convenait en effet que celui qui devait renouveler la nature humaine et l'élever à un état plus parfait, non seulement accordât sa bénédiction à ceux qui étaient déjà au monde, mais préparât sa grâce à ceux-là mômes qui devaient naître dans la suite et sanctifiât d’avance leur naissance. »

Les Pères voient une autre preuve de la volonté de Jésus dans la restauration par laquelle il rendit au mariage ses deux propriétés primitives. Cette idée, sur laquelle ils ont moins insisté, a été parfois affirmée, par exemple dans la lettre écrite au pape Sirice par saint Ambroise et le concile de Milan, vers 389 ; le concile remercie le pape d’avoir défendu les prérogatives de la virginité, tout en ne condamnant pas le mariage : Ncque nos negamus sanctificatum a Christo esse conjugium, dioina voce dicente : Erunt ambo in carne una et in uno spiritu. S. Ambroise, Epist., xlii, 3, P. L., t. xvi, col. 1121.

2° Le mariage chrétien, garantie de la grâce divine pour les époux. — On serait heureux de trouver sous la plume des Pères une de ces formules très nettes auxquelles la théologie nous a habitués. Ce qui, pour nous, caractérise un sacrement, c’est qu’il produit la grâce qu’il signifie. Les Pères ne pouvaient avoir une pareille précision de langage et on ne peut sans anachronisme s’attendre à la trouver chez eux. Du moins ils ont cru et enseigné que la grâce est donnée aux époux, qu’elle fonde leur union et en assure la fermeté, qu’elle est la réponse de Dieu à la confiance de ceux qui se marient en lui. Au fond, qu’avaient-ils à dire de plus ?.N’est-ce pas ce qui importe aux époux chrétiens ? Dieu présidant à leur union. Dieu la bénissant pour la rendre indissoluble, Dieu assurant a tx conjoints pour l’avenir les grâces dont ils auront besoin pour rester fidèles, cette conception du mariage chrétien représente peut-être le progrès le plus notable jin : —,

    1. MARIAGE DANS LES PÈRES##


MARIAGE DANS LES PÈRES. LE SACREMENT

2104

sur les données script maires où l’idée de grâce n'était qu’implicitement contenue. De la pensée des Pères à

la doctrine des théologiens, il n’y a qu’un pas à faire, important pour nous, niais sans portée pratique pour les époux qu’ils voulaient surtout instruire de leurs devoirs, à savoir l’affirmation que la grâce de Dieu est produite par le mariage lui-même et non seulement donnée à son occasion.

Ici encore les textes seraient nombreux et concordants. Qu’il suffise de citer les suivants comme particulièrement intéressants. Tertullien voit dans la grâce divine une garantie contre les malheurs qui menaceraient les époux : Si ralum est apud Deum malrimonium hujusmodi, cur non prospère cedat, ut et a pressuris et angustiis et impedimentis et inquinamenlis non ita lacessatur, jam habens ex parte divines gratine patrocinium. Ad uxorem, ii, 7, P. L., t. i, col. 1299. Il revient sur la même idée avec plus de détails encore : Unde su/ficiamus ad enarrandam félicitaient ejus matrimonii, quod Ecclesia conciliât, et confirmât oblatio, et obsignat benediclio, angeli renuncianl, Pater rato habet ? Puis, après avoir décrit la vie pieuse et unie des deux époux, il continue en montrant ce qui en est la raison et le couronnement, la présence du Christ, c’est-à-dire en réalité sa grâce : talia Christus videns et audiens gaudet, his pacem suam mittit ; ubi duo, ibi et ipse ; ubi et ipse, ibi et malus non est. 9, col. 1302 sq.

— Origène enseigne que c’est Dieu lui-même qui unit les deux époux et qu'à cause de cela « la grâce est en eux ». Comm. in Matth., xiv, 16, P. G., t. xiii, col. 1230.

— Saint Athanase, dans sa lettre au moine Amoun, compare mariage et virginité ; celui qui se marie, dit-il, « ne recevra pas autant de grâces ; il en recevra pourtant ; c’est le grain qui rapporte trente pour un. » P. G., t. xxvi, col. 1173, 1174. — Saint Ambroise rappelle aux chrétiens mariés qu’ils doivent rester fidèles à leurs épouses ; et il en donne cette raison : Cognoscimus velut præsulem custodemque conjugii esse Deum qui non patiatur alienum torum pollui ; et si quis fecerit, peccare eum in Deum cujus legem violet, gratiam solvat. Et ideo, quia in Deum peccat, sacramenti cœlesiis amittit consortium. De Abraham, I, vii, P. L., t. xiv, col. 442.

Malgré l’imprécision des formules, il y a donc un fait dont les Pères ne doutent pas, c’est que le mariage chrétien assure aux époux des grâces afin qu’ils restent fidèles à leur devoir.

3° Le mariage chrétien, symbole de l’union du Christ avec son Église. — Ce symbolisme mystérieux a été très souvent rappelé par les Pères ; mais ils n’en ont pas tiré les conséquences auxquelles on aurait pu s’attendre. D’ordinaire ils ne creusent pas cette idée plus que ne l’avait fait saint Paul ; ils se contentent de faire une allusion au texte de l’Apôtre ou tout au plus de citer ses expressions, sans en déduire autre chose que la sublimité du mariage chrétien. Cette remarque a déjà été faite par P. Pourrat, La théologie sacramentaire, Paris, 1907, p. 20. Elle est exacte tout spécialement pour Tertullien, un des Pères qui se réfère le plus fréquemment au texte de l'Épître aux Éphésiens : des passages qu’a relevés chez lui le P. de Backer, dans le bel ouvrage qu’a publié le P. de Ghellinck, Pour l’histoire du mot sacramentum, I, Les anténicéens, Louvain, 1924, p. 125 sq., il n’en est pas un qui essaie de creuser l’affirmation de saint Paul dans le sens qui nous intéresse. Le très beau commentaire de saint Jean Chrysostome, In epist. ad Ephes., c. v, hom. xx, P. G., t. lxii, col. 135 sq., commentaire un peu prolixe, selon l’habitude du grand orateur, aboutit simplement à des conséquences morales, aux vertus que doivent pratiquer les époux, aux devoirs qui leur incombent, à la place respective qui leur revient au foyer. Aucune préoccu pation dogmatique ne transparaît non plus, du moins relativement au mariage, dans VAmbrosiasler. P. L., t. XVI, col. 398, 399. Saint. Jérôme insiste a plusieurs reprises sur la sainteté du mariage qui a pu être comparé à cette divine union ; saintes doivent être les relations entre époux, puisque sainte est l’union du Christ avec son Eglise ; la passion ne doit pas les dominer ; la prière doit les purifier, cf. Comm. in epist. ad Ephes., t. III, c. v, P. L., t. xxvi, col. 530-">.'l7. De tous les Pères, c’est sans doute saint Augustin qui a davantage développé le caractère symbolique du mariage, et ses aperçus furent très féconds pour le progrès de la doctrine de ce sacrement ; il en est le principal artisan à l'époque patristique ; l'étude de sa pensée viendra mieux à sa place quand nous exposerons l’emploi qu’il a fait du mot sacramentum appliqué au mariage.

4° Le mariage célébré devant l'Église. — Si évident était le caractère sacré du mariage, que, de très bonne heure, l'Église voulut intervenir et intervint de fait dans sa célébration. La bénédiction qu’elle accordait aux époux, les cérémonies dont elle accompagnait leur union était un gage des grâces accordées par Dieu. Il n’est sans doute pas besoin de souligner que la question du ministre du mariage était en dehors des préoccupations : le prêtre bénissait les époux, il appelait sur eux la grâce de Dieu et la grâce leur était donnée : c’est ce qu’affirmaient les Pères, ce que signifiaient les formules rituelles, ce que les fidèles croyaient et espéraient.

Le premier témoignage de l’intervention de l'Église dans le mariage est celui de saint Ignace : « Il serait bon, dit-il, que ceux qui se marient, tant hommes que femmes, ne contractassent leur union qu’avec l’approbation de l'évêque ; car c’est la pensée de Dieu qui doit présider aux mariages et non la passion. Tout pour la gloire de Dieu. » Ad Polycarp., v, 2, édit. Lelong, Paris, 1910, p. 102, 103. Le saint évêque exprime un désir ; la pratique qu’il recommande était sans doute déjà en usage chez les chrétiens fervents ; il voudrait qu’elle devînt générale. De fait elle ne tarda pas à se répandre. — Tertullien, en effet, s’exprime comme s’il était de règle que les mariages chrétiens fussent conclus devant le prêtre et bénits par lui. Ce qui, pour lui, caractérise le mariage que Dieu protège, c’est que l'Église le noue, et que la bénédiction sacerdotale le scelle sur la terre en même temps que le Père le ratifie au ciel : Ecclesia conciliât, … obsignat benedictio. Ad uxor., ii, 9, P. L., 1. 1, col. 1302. Dans son traité De monogamia, un des arguments par lesquels il veut persuader à sa femme de ne pas se remarier est celui-ci : comment pourrait-elle demander ce mariage, quand ceux à qui elle le demanderait (a quibus postulas) ne peuvent, d’après saint Paul, avoir été mariés qu’une fois ? C’est donc que les époux vont demander le mariage aux prêtres ; et ceux-ci le donnent : « Les ministres donneront donc des hommes et des femmes comme on donne des bouchées de pain ? Ils vous marieront, vous, dans l'Église vierge, , unique épouse du Christ unique ? C. xi, P. L., t. ii, col. 943.

En quoi consistait cette intervention de l'Église et quelles étaient les cérémonies dont elle entourait le mariage ? Le rituel en fut assez vite fixé, du moins dans ses parties essentielles. Saint Ambroise paile de la velatio et de la benedictio ; écrivant à Vigilius pour lui indiquer les devoirs qu’il devra remplir comme évêque, il lui recommande de veiller à ce que les chrétiens ne se marient pas avec des païennes, ou inversement, et il donne cette raison : nam cum ipsum conjugium velamine sacerdotali et benedictione sanctifleari oportet, quomodo potest conjugium dici ubi non est fidei concordia ? Epist., xix, 7, P. L., t. xvi, col. 984. MARIAGE DANS Il S PÈRES l E - i Kl Ml l

Mot ;

donc ui rit-t) : le

au moyen de deux sition du voile et la bénédiction, compiles par le prêtre. De ce veiamen

rs une Interprétation symbolique

. i, j r io | UI -.il dit que le

nuptial m. lu nules nuages quelquefois très , ir le foyer. Exhortatto

346. A la même époque,

mentionne les deux mêmes i , lut que celui qui viole l’engagement reml coupable de sacri..' Ilimtrium, P. L. t. xiii, col. 1 136. — qui semblent avoir été peut-être par saint Césaire. mais reproslation plus ancienne, Hefcle-Leclercq, >. t. il, p. 103 sq., veulent que les conduits a la bénédiction du prêtre parents ou par les paranymphes, eau. 13, Dans l'Église grecque, saint Grégoire .e mentionne la jonction des mains des le prêtre : ne pouvant assister au mariage écrit au tuteur de la jeune tille. Proco « Par le désir je suis présent : je célèbre la fête . je joins l’une à l’autre la main droite tics deux Jeui et toutes deux à celle île Dieu. »

P. < ;.. t. xxxvii, col. 315, 316. - Saint ome suppose que le prêtre pourra toute la fête nuptiale, même aux réjouiss qui suivent la cérémonie. Il met en garde les fidèles contre les joies immodérées, les danses, les chansons immodestes qui trop souvent accompagnent Ne vaut-il pas mieux faire comme les i qui eurent le Christ assis au milieu d’eux ? Comment cela se fera-t-il ? demandera-t-on… Par Us prêtres eux-mêmes… Si tu fais entrer les serviteurs du Christ, le Christ par eux sera présent avec frères. In illud : Propter fornicationes uxorem etc., hom. i, 2, P. G., t. li, col. 210.

Aucun document ne nous renseigne sur l’ensemble érémonlea du mariage. Le sacramentairc léonien contient les prières de la messe et de la bénédiction nuptiale. P. L., t. lv, col. 130, 131. C’est seulement le pape Nicolas I", en 866, qui donne une description complète des rits suivis dans l'Église latine, Pesponsa ad consulta Bulgarorum, c. iii, P. L., t. exix, col. 980 ; Duchesne. Origines du culte chrétien, Paris, 1925,

Le mol sacramentum appliqué au mariage.


Cette partie de notre étude se restreint évidemment aux Pères latins : le mot uvxmrjpiov n’ayant pas suivi la même évolution qui a modifié et précisé le sens du mot sacramentum.

La traduction latine qui a rendu par sacramentum magnum est le qucrrrjpiov |xéya du texte grec .nement très ancienne, puisque Tertullien en fait un usage relativement fréquent. Les Pères rieurs continuent à citer le texte latin, ou au moins.i y faire allusion. Puis il arrive que le mot imentum est appliqué au mariage sans qu’il y ait une relation certaine avec le texte de l'Épître aux -. Il faut essayer de préciser le sens de ce -constances où il est employé. Il n’est sans doute plus nécessaire de rappeler que, e des Pères, le terme sacramentum n’a is que lui a donné la théologie. Sa signifiât au contraire très élastique à cause des - qui l’unissaient à la langue juridique ou milid’une part, à la langue des mystères de l’autre, de sa su le, chaque

auteur peut en l’employant avoir en vue un sens plutôt qu’un autre, chaque passage peut présenter un sens différent des autres. « Parmi les mots qu’affectionne

la littérature chrétienne antique, dit le P. de Ghelllnck,

surtout chez, les Mric.iins et clic/, saint I lilairc, il

n’en est peut être pas qui doive davantage û l'étude minutieuse du contexte la détermination « in sens qu’il affecte, particularisé ou étendu, simplifié, enrichi ou

transforme, au point qu'à lire certaines pages de es auteurs, on serait lente de croire qu’il n’est pas de

limites assignables à la variété des notions susceptibles d’entrer dans un seul mot. L'élasticité de la signification occasionnelle de sacramentum rend cette détermination extrêmement délicate et malaisée en certains

cas. el il faut humblement reconnaître qu’il échappe

plus d’une lois à tOUl essai de précision. POUT l’Ilis toindu mot sacramentum, Introd., p. 11. C’est pour essayer de mettre un peu de lumière dans cette complexité que le P. de ( '.hellinck, av » lui. s les PP, de Hacker, l’oukens et l.chacqz. Ont recensé chez les Pères anteiiiceens tous les passagi retrouve ce mot en essayant de déterminer pour chacun le sens précis. Déjà le P. d’Alès avait fait cette même étude plus brièvement pour les textes de Tertullien. La théologie de Tertullien, Paris, 1905, p. 321-323, et de saint Cvprien, I.a théologie de saint Cijpricn, Paris, 1922, p. 84-89. Antérieurement avaient paru des études analogues dont plusieurs sont appréciées par le P. de Ghellinck, op. cit., p. 43 sq. Et, avant tous, Vasquez en 1588 avait étudié en détail les divers textes où saint Augustin applique au mariage le mot de sacramentum, pour essayer d’en préciser le sens. Comment, ac disputai, in III am part. S. Thomæ, De matrimonii sacramento, disp. II, c. V, n. 30.

Ce n’est pas sans raison que Vasquez s'était limité à approfondir les textes de saint Augustin. Les Pères antérieurs, en effet, ne fournissent à peu près rien qui puisse être de quelque utilité.

Dans la période anténicéenne, la seule qui ait été encore étudiée par le P. de Ghellinck et ses collaborateurs, il n’y a que Tertullien et Lactance qui aient appliqué au mariage le mot sacramentum. Tertullien le fait en six endroits, et toujours il cite ou utilise le texte de saint Paul aux Éphésiens : Adv. Marc, V, xviii, P. L., t. ii, col. 518 ; Exhortatio castitalis, 5, ibid., col. 920 ; De monogamia, 5, ibid., col. 936 ; De jejunio, 3, col. 958 ; De anima, Il et 21, ibid., col. 665 et 681. Or, dans tous ces passages, la pensée de Tertullien ne dépasse pas celle de saint Paul ; il voit dans le mariage primitif d’Adam et d’Eve ou dans le mariage actuel, un symbole, une allégorie, une figure, annonçant ou rappelant l’union mystique du Christ et de l'Église. Cf. de Backer, dans l’ouvrage cité, p. 125 sq. ; d’Alès, op. cit., p. 322, 323 ; et sans doute cette pensée a pu mener dans la suite à la doctrine théologique du sacrement de mariage, mais elle ne marque aucun progrès sur les paroles de saint Paul. — Le sens du mot sacramentum est tout différent chez Lactance, Epitome, 61, P. L., t. vi, col. 1080. Il dit que celui qui est marié doit se contenter de sa femme et garder casti et inviolabilis cubiculi sacramenta ; autrement il serait adultère devant Dieu. Le sens est évident : sacramentum désigne l’engagement sacré qui unit les époux et les oblige à se garder une inviolable fidélité ; et ainsi Lactance se rapproche du sens primitif du mot, le sacramentum était le serment et en particulier le serment militaire. Lebacqz, dans l’ouvrage cité, p. 264. — De Lactance à saint Augustin, l.s Pères ne font que citer le texte de saint Paul, comme avait fait Tertullien, sans y rien ajouter qui précise le sens du mot ; ainsi, par exemple, saint Aml>i"isc et saint Jérôme.

Pour saint Augustin, il n’en est plus de même. Sans doute quand il parle de sacramentum à propos du mariage, il fait quelquefois allusion à l'Épître aux Éphésiens ; mais ! < sens du mot se précise et prend des

nuances nouvelles. Pour plus de clarté, nous diviserons en trois classes les passages où nous trouvons ce mot : d’abord ceux où il se contente d'énumérer les bona nuptialia, parmi lesquels il place le sacramentum ; puis ceux où il expose avec quelque détail ces bona nuptialia ; enfin ceux où il parle de sacramentum sans rapport avec les bona nuptialia. Nous ne prétendons d’ailleurs pas relever tous les passages ; mais du moins signaler les principaux.

1. Les bona nuptialia sont au nombre de trois, selon saint Augustin, et leur énumération, sous des termes différents, reste toujours identique ; par exemple, gencrandi ordinatio, fides pudicitiæ, connubii sacramentum, De pecc. origln., 39, P. L., t. xliv, col. 404 ; proies, pudicitia, sacramentum, ibid., 42, col. 406 ; in castitalis fide, in conjunctionis fœdere, in propaginis germine, Contra Julian., III, 57, col. 732. Si on compare ces trois passages, on est frappé de la concordance qui existe entre les trois bona nuptialia ; ce sont bien les mêmes ; or, celui qui en deux endroits, est appelé sacramentum ou connubii sacramentum est désigné dans le troisième par in conjunctionis fœdere. Il s’agit donc du lien sacré et inviolable qui unit les époux.

2. Dans d’autres passages, les mêmes bona nuptialia sont exposés avec plus de détails. — De nuptiis et concupiscenlia, I, 11, t. xliv, col. 420. Pour prouver l’existence du sacramentum, saint Augustin fait appel au texte de saint Paul ; et ce même texte l’aide à expliquer ce qu’il entend par là : le sacramentum, c’est encore l’indissoluble engagement qui unit les époux : hujus procul dubio sacramenti res est ut mas et jemina connubio copulati, quamdiu vivunt, inseparabiliter persévèrent ; mais la raison profonde de cette indissolubilité, c’est précisément le rapport de symbole qui existe entre le mariage et l’union du Christ avec l'Église ; cette dernière ne pouvant être rompue par le divorce, le mariage non plus ne doit pas être rompu. Si pourtant les époux prétendaient se séparer, le lien, extérieurement brisé, subsisterait toujours pour leur condamnation, comme subsiste dans l’apostat le caractère du baptême, sicut apostatæ anima, velut de conjugio Christi recedens, etiam fide perdita, sacramentum fidei non amittit, quod lavacro regenerationis accepit. Deux idées nouvelles complètent donc le sens premier du mot sacramentum : c’est un engagement sacré, d’autant plus inviolable qu’il est l’image du lien éternel entre le Christ et l'Église ; un engagement dont la perpétuité rappelle le caractère ineffaçable produit par un autre sacramentum, par le baptême. — Ibid., n. 13, col. 421. Saint Augustin trouve un vrai mariage dans l’union de la Vierge avec Joseph ; et dans ce mariage existent les trois bona nuptialia : proies, fides, sacramentum. Prolem cognoscimus ipsum Dominum Jesum ; fidem, quia nullum adulterium ; sacramentum, quia nullum divortium. Il s’agit d’un engagement indissoluble. — Ibid., n. 19, col. 424. La pensée est la même : le sacramentum est l’engagement que l’on ne peut rompre et qui subsiste même quand on y manque : sacramentum, quod nec separati nec adulterati amittunt, conjuges concorditer casteque custodiant. — Ibid., n. 23, col. 427. Il explique le sacramentum en faisant appel au texte dé la Genèse : relinquet homo… et adharebit… et à l’union du Christ avec l'Église : entre l’homme et la femme, comme entre le Christ et l'Église, il y a conjunctionis inseparabilis sacramentum. — De bono conjugali, 32, t. xl, col. 394. Dans tous les mariages, même païens, il y a deux des bona nuptialia ; mais la sanctitas sacramenti est spéciale aux mariages chrétiens. En quoi consistet-elle ? per quam nefas est etiam repudio discedentem alteri nubere, dum vir ejus vivit. On ne se marie que pour avoir des enfants ; cependant, même si le mariage

est stérile, on ne peut le rompre, le sacramentum demeure. Saint Augustin l’explique par une comparaison qui intéresse vivement la question : Quemadmodum si fiai ordinatio cleri ad plebem congregandam, eliamsi plebis congregatio non subsequatur, manet tamen in illis ordinatis sacramentum ordinationis ; et si aliqua culpa quisquam ab offtcio removeatur, sacramento Domini semel imposito non carebit, quamvis ad judicium permanente. Quelques lignes plus loin, il explique le sacramentum du mariage par le texte de saint Paul : Uxorem a viro non discedere.., I Cor., vii, 10, 11. La comparaison employée ici est analogue à celle que nous avons rencontrée plus haut : le sacramentum du mariage, déjà comparé au sacramentum fidei du baptême, est maintenant comparé au sacramentum ordinationis ; mais c’est toujours au même point de vue, celui de sa fermeté et de son inviolabilité : comme on est chrétien pour toujours, comme on est prêtre pour toujours, on est marié pour toujours.

3. Dans un passage, saint Augustin parle du sacramentum nuptiarum sans le faire entrer dans une liste de bona nuptialia. De bono conjugali, 21, t. xl, col. 387, 388. Il compare le sacramentum nuptiarum singularum, le mariage monogame des chrétiens, au sacramentum pluralium nuptiarum, au mariage polygame des patriarches. Dans un cas comme dans l’autre, il y a un symbolisme mystérieux : les anciens mariages préfiguraient l'Église, où toutes les nations se soumettraient à Dieu ; le mariage unique est une figure du ciel où l'Église elle-même sera consommée dans l’unité. Qu’il ne s’agisse pas dans ce texte de sacrement au sens actuel du mot, le P. de Smedt’le démontre facilement par le seul fait que les mariages juifs sont dits sacramentum au même titre que les mariages chrétiens. Principes de la critique historique, Paris, 1883, p. 112-114. Mais la pensée du saint docteur semble plus complexe que dans les autres passages. Son attention se porte surtout sur l’unité du mariage chrétien, tellement nécessaire au sacramentum temporis nostri que l'Église n’ordonne pas ceux qui ont été mariés deux fois, non qu’ils aient commis une faute, mais parce qu’ils n’ont plus l’intégrité du sacrement. Et en même temps l’idée du lien indissoluble reste également présente à l’esprit de saint Augustin, et ce lien indissoluble est toujours essentiel au sacramentum : apostasier et violer l’engagement du baptême ou violer rengagement du mariage sont des péchés semblables ; les anciens ne pouvaient sans péché rompre leurs mariages ; à plus forte raison ne le peut-on pas maintenant, pas même pour remédier à la stérilité du foyer : in nostrarum quippe nuptiis plus valet sanctitas sacramenti quam fecunditas uteri.

On ne peut donc se ranger complètement à l’opinion de Vasquez, d’après laquelle le mot sacramentum, pour saint Augustin, signifie seulement que le mariage chrétien est une image de l’union du Christ avec son Église, opinion adoptée également par le P. de Smedt, op. cit., p. 112. Encore moins peut-on admettre l’affirmation d’autres théologiens, qui veulent y trouver le sens précis que la théologie et l'Église ont ensuite donné au mot sacrement, par exemple, pour ne pas citer de théologiens plus récents, Perrone, De matrimonio christiano, Liège, 1861, t. i, p. 17, IS et p. 45, n. 121. La vérité est autrement nuancée. Le mariage est sacramentum, d’après saint Augustin, en ce sens qu’il est un engagement indissoluble entre les deux époux ; mais aussi parce que l’indissoluble fermeté de cet engagement a pour raison, fondement et idéal l’indissoluble union du Christ avec son Église : parce que l’unité essentielle à cet engagement dans le mariage chrétien est un symbole de l’unité de l'Église MARIAGE DANS LES PÈRES. LA LÉGISLATION

2 1 I

qui M consommera dans la cul ; parte que, malgré

toutes les violation* extérieure ! que l’on peut tenter.

davantange e< t engagement qne

perd son caractère de chrétien, si l’on est

i de prêtre, si Ion est ordonne ; et cette

milatlon du sacramentum nuptianun au sacramentum

uni ordinationis indique pent être

, le saint docteur n’ex - Aller plus loin sei ait dépasser les paroles

stin. 1 lie seront dépassées : c’est naturel,

- qu’il a imprimes à la doctrine iu

..creineni sont de telle sorte qu ils doivent

tntlnuer et aboutir à la rormule très nette qui

trouvée plus tard. C’est pourquoi nous avons

pu dire que saint Augustin a ete un des principaux

us de cette doctrine ; mais il ne l’a pas exprimée

loimême.

lusion. — D’ailleurs sommes-nous encore loin de 1 idée théologique de sacrement ? Il ne faut ; saint Augustin des autres Pères : il

nu leurs doctrines et accepté leurs enseignements ; et il ne faut pas davantage borner notre vue aux textes où apparaît le mot sacramentum : ils font partie de tout un ensemble et c’est 1 ensemble qu’il tant rder pour savoir où en est la connaissance explide la doctrine sacramentaire du mariage. Les

s suivants sont d’ores et déjà connus
1. le

mariage a été vraiment institué par Jésus-Christ,

ue l’institution primitive avait été corrompue

par les nuvurs païennes ou par les tolérances consenties aux Juifs, et c’est Jésus qui a restauré le mariage dans sa pureté. — 2. I.e mariage assure aux époux des grâces qui leur permettront d’en remplir les devoirs et d’en respecter les exigences. — 3. De ces grâces la vraie source est la sanctification que Jésus a donnée au mariage et dont la première manifestation fut sa présence et son premier miracle aux noces de Cana. Cette sanctification se renouvelle à chaque mariage et le signe sensible en est la bénédiction et les autres cérémonies dont l'Église l’accompagne. — 4. Le mariage chrétien s'élève infiniment au-dessus des unions des païens parce qu’il est l’image et le symbole de l’union du Christ avec son Église ; c’est pour en être une représentation plus parfaite qu’il doit être saint, un, indissoluble : dans ce symbolisme mystérieux, les Pères aiment à trouver la raison et le fondement de tout ce qu’il y a de grand dans le mariage chrétien. — 5. L’engagement contracté par poux chrétiens a quelque chose de sacré et de permanent qui rappelle l’engagement du chrétien au service de Dieu, l’engagement du prêtre au service des autels : de là une assimilation entre le mariage d’une part et, de l’autre, le baptême et l’ordination.

Un grand progrès a donc été parcouru ; il ne reste que peu d'éléments à conquérir pour que la notion du mariage-sacrement soit complètement formée, ichèvera ce dernier pas, avec l’assistance de rit-Saint qui garantit contre l’erreur les conquêtes qu’elle accomplit dans la connaissance plus parfaite du dogme révélé. Quant aux Pères, répétonsle, ils ont connu et exposé cette doctrine autant qu’il était utile à leurs fidèles de la connaître ; car ils étaient, non des théologiens, soucieux principalement de creuser et d’approfondir la vérité révélée, mais des pasteurs, désireux de la garder sans corruption et surtout d’y trouver pour leur troupeau des directions de vie et des leçons de perfection.

/II. LA L ! < I8LAT1 /'C ' > DV MARIA 'L.

— Le mariage chrétien étant une chose sainte, il appartient à ! en faire respecter la sainteté ;

et puisque Jésus-Christ a rétabli les lois primitives de l’indissolubilité et de l’unité, c’est encore à l'Église

qu’il Incombe de les tainrespecter, même a l’encontre « les tolérance ! de la loi ci ile.

I 1 glise n’a jamais pu ignorer ses droits et ses ileoiis m pareille matière ; niais il a loin des » ie

mlèresel très timides Interventions qui ont Inauguré

sa législation matrimoniale au code complet de lois

qui la composent actuellement ; c’est surtout en pareille matière que se vérifie la loi <u progrès lent

et Insensible par lequel passent les sociétés coi e

K s Indh Idus.

Saint Ignace posait un premier principe d’intervention quand il recommandait de ne point conclure de mariage sans l’avis de l'évêque. Ad /' « /i/n/r/i., v, 2, mi. Lelong, p. 102, 103. Le rôle de l'évêque ne pouvail itie que de contrôler si le mariage projeté était conforme aux lois de l'Évangile et aux règles « le la prudence. Tel lut. semble-t-il, le domaine auquel se limita d’abord l’T'.glisc dans ses interventions. L'Évangile ne permettait pas le remariage des divorcés : et d’autre part la prudence défendait aux chrétiens d’exposer leur foi ou celle de leurs enlants par des mariages avec des païens.

Tour l’observation des lois évangéliques, l'Église n avait pas à légiférer elle-même, mais seulement à instruire les fidèles. Qu’elle l’ait fait, on n’en peut douter ; les commentaires des Pères sur les prescriptions très claires de Jésus ou de saint Paul en sont la preuve. L'Église affirmait ainsi la valeur absolue de la loi chrétienne, même quand celle-ci contreditla loi civile ; elle revendiquait en matière matrimoniale une véritable autonomie. C’est ce qui ressort avec évidence de l’attitude du pape Calliste dans la question des mariages 'clandestins des patriciennes. Avec son acrimonieuse injustice, Hippolyte en fait grand reproche au pape : « Aux femmes non mariées, écrit-il, que l’ardeur de l'âge porte vers un homme de condition Inférieure qu’elles ne peuvent épouser sans déroger, il permit de vivre avec qui bon leur semblerait, esclave ou libre, et de considérer ces unions comme légales. Philosophoum., t. IX, î. 12, P. G., t. xvi c, col. 3386. Sous les accusations du pamphlétaire, il est aisé de discerner la mesure prise par Calliste. Elle est en somme à son honneur. Aux femmes de rang sénatorial qui ne pouvaient trouver à épouser un elarissime, la loi civile ne laissait le choix qu’entre la dérogation et le concubinage secret. Calliste déclare que l’union d’une patricienne avec un homme de condition inférieure peut être considérée par l'Église comme un mariage véritable, quoi qu’en ordonnât la loi civile. Comme le fait remarquer fort justement L. Duchesne, « la conduite du pape est la preuve de la conscience où était le pouvoir ecclésiastique chrétien de son autorité sur le mariage, autorité indépendante de celle de l'État ». Les origines ehrétiennes, cours lithographie, p. 329. — Plus tard saint Jérôme, en face de certaines tolérances de la législation romaine, proclamera le même principe en rappelant le devoir de fidélité mutuelle qui s’impose aux époux chrétiens : Alite sunt leges Cwsarum, alise Christi ; aliud Papinianus, aliud Paulus noster præcipit. LpisL, i.xxvii, ad Oceanum, 3, P. L., t. xxii, col. 691.

Quant à la loi de prudence qui interdisait aux chrétiens les mariages avec les païens, nous n’avons aucun texte législatif de la primitive Église. Mais Tertullien témoigne que c'était la discipline générale : Coronnnt et nuptiae sponsos, et ideo non nubimus elhnicis, ne nos ad idololatriom usque dedueant, a quu apud illos nuptiæ incipiunl. De corona militis, c. xiii. /'. L., t. ii, col. 96. Pt ailleurs, en reprenanl avec véhémence les chrétiens uni se permettaient de pareilles alliances, il semble faire allusion à une sanction qui les atteignait : Fidèles gentilium rnatrimonia subeunles, stupri reos esse constat et arcendos 21 1 1

    1. MARIAGE DANS LES PÈRES##


MARIAGE DANS LES PÈRES. LA LÉGISLATION

2112

ab omni communications fraternilalis. Ad uxorem, ii, 3, /'. L„ t. i, col. 1202.

Il n’y a aucune preuve que la législation ecclésiastique du mariage ait contenu d’autres dispositions tant ((ne dura l'époque des persécutions. lit cependant nous avons le droit de croire à l’existé ce d’un rudiment de code matrimonial. En effet, dès que la < paix fut rendue à l'Église, diverses mesures furent prises pour réglementer les mariages des fidèles ; et en les voyant assez semblables dans des régions très différentes, on a l’impression qu’elles ne faisaient que traduire en textes de lois des usages universellement adoptés.

C’est le concile d’Elvire qui édicté le premier code du mariage, et tout de suite il apparaît déjà assez complet. Les canons 8 et 9 prononcent des peines contre les femmes qui abandonnent leur mari, même pour cause d’adultère, et en prennent un autre ; les canons 10 et 11, contre la femme qui se marie avec un homme qui a répudié sa première femme ; le canon 15 blâme les mariages entre les femmes chrétiennes et les païens, ne setas in flore lumens in adulterium animæ resolvatur ; les canons 16 et 17 sont plus sévères encore pour les chrétiennes qui se marient à un hérétique, à un juif, à un prêtre païen ; l’adultère de l’homme ou de la femme est sévèrement puni, surtout si le coupable est retombé dans son péché et ne s’amende pas malgré ses promesses, can. 47 et 69 ; les parents ne doivent pas rompre les fiançailles de leurs enfants, sauf le cas de faute très grave, can. 54 ; un chrétien n’a pas le droit d'épouser sa belle-sœur, sous peine d’une pénitence de cinq ans ; moins encore peut-il épouser sa belle-fille : c’est un inceste qui entraîne l’excommunication dont on ne peut le relever, même à la mort, can. 61 et 66. Mansi, Concil., t. ii, col. 8 sq. ; Hefele-Leclercq, t. i, p. 226 sq.

Tel est le premier essai de législation ecclésiastique en matière matrimoniale. Il est certainement antérieur à l'édit de Milan ; peut-être même doit-on le faire remonter avant 300 ; en tout cas, il correspondrait à une période de paix assez prolongée pour l'Église d’Espagne. Or, dès que Constantin eut assuré la liberté au christianisme, les conciles d’Orient et d’Occident ou les évêques organisent officiellement la législation ; parmi les canons qu’ils promulguent, quelques-uns concernent le mariage ; et partout se retrouvent, au moins partiellement, certaines des règles édictées par le concile d’Elvire, ce qui laisse penser que les uns et les autres ne font que codifier des lois vécues avant d'être écrites. Il y aura cependant quelques éléments nouveaux, en particulier l’interdiction du mariage à tous ceux qui ont consacré leur vie à Dieu.

Le concile d’Arles, 314, rappelle aux hommes qui ont dû se séparer de leur femme coupable d’adultère, qu’ils ne peuvent se remarier, can. 10, cf. can. 9 du concile d’Elvire. Il défend aux jeunes chrétiennes d'épouser des païens, sous peine d'être séparées de la communion pendant quelque temps, can. 11, cf. can. 15 du concile d’Elvire. Hefele-Leclercq, t. i, p. 287 sq.

Le concile d’Ancyre, 314, ordonne à celui qui a enlevé une jeune fille déjà fiancée de la rendre à son fiancé, can. 11. Il condamne à la pénitence l’homme ou la femme qui se rendraient coupables d’adultère, can. 20. Hefele-Leclercq, t. i, p. 313 et 322.

Au concile de Néocésarée, entre 314 et 325, can. 2, une excommunication est prononcée contre la femme qui épouserait son beau-frère ; on ne lui laisse pas d’espoir de réconciliation, sinon au moment de la mort, à condition qu’elle promette, en cas de guérison, de rompre cette union illégitime. Hefele-Leclercq, 1. 1, p. 328.

Il y avait aussi une excommunication portée contre

les veuves consacrées au Seigneur qui oseraient se remarier, ainsi qu’en témoignent les Statuta Ecclesise antiqua, can. 101. Ibid., t. ii, p. 120.

Saint Hasile, dans ses Épttres canoniques, nous a laissé le recueil complet des lois ecclésiastiques qui régissaient le mariage en Orient, ou plutôt dans toute l'Église, puisque les documents qui nous renseignent sur l’Occident sont absolument concordants. La I" épître canonique, Episl., clxxxviii, à Amphiloque, contient un canon contre les personnes consacrées à Dieu (tô » v xavovixwv) infidèles à leurs promesses ; le sens n’en est pas évident ; il semble viser le cas où ces personnes prétendraient se marier, déclare que ces mariages ne sont que débauche et qu’il faut prendre tous les moyens de les rompre. P. G., t. xxxii, col. 673, 674. Dans la II canonique, Epist., cxcix, à Amphiloque, plusieurs canons concernent le mariage. Le can. 18 semble être la justification du règlement porté dans la première contre les personnes consacrées à Dieu qui viendraient à être infidèles. Il convient, dit saint Basile, maintenant que l'Église en se fortifiant devient plus capable de sainteté, d'être plus sévère qu’on ne l'était. Jusqu’ici on condamnait seulement ces personnes à la pénitence. Il faut désormais les traiter comme des adultères et exiger qu’elles cessent de pécher avant de les admettre à la communion ; et de fait ne sont-elles pas infidèles à Jésus-Christ dont elles étaient les épouses ? ibid., col. 717 sq. Le canon 22 ordonne à celui qui a enlevé une jeune fille fiancée à un autre de la rendre à son fiancé, col. 721 ; le canon 23 exclut de la communion celui qui a épousé sa bellesœur, jusqu'à ce qu’il s’en soit séparé, col. 723 ; le canon 32 prescrit de considérer comme adultère une femme dont le mari est disparu et qui se remarie, tant qu’on n’est pas certain de la mort du premier, col. 727.

Si nous comprenons bien la pensée de saint Basile, il innove dans le sens de la sévérité à propos du mariage des vierges ou des veuves consacrées à Dieu : il exige qu’on les sépare de leur prétendu mari avant de les admettre à la communion ; nous dirions aujourd’hui qu’il déclare leur mariage, non seulement illicite, mais invalide. Sur les autres points, il ne fait que se conformer à la discipline générale déjà ancienne. Il le déclare particulièrement au sujet du mariage d’une femme avec son beau-frère. Un certain Diodore, ou peut-être, comme il le suppose lui-même, un anonyme qui se cachait sous ce nom, invoquait contre lui la fameuse loi mosaïque du lévirat, Levit., xviii, 18. Basile lui répond en s’appuyant sur la coutume, coutume qui a force de loi parce qu’elle vient des saints qui nous l’ont transmise ; cette coutume est qu’une semblable union n’est pas considérée comme mariage, et qu’on n’admet pas les époux à la communion tant qu’ils ne se sont pas séparés. Epist., clx, P. G., t. xxxii, col. 623, 624.

En dehors de saint Basile et après lui, nous ne trouvons de législation qu'à l'état fragmentaire.

Dans l'Église latine, c’est le pape Sirice qui ordonne de respecter l’engagement des fiançailles et condamne le mariage des prêtres et des diacres, Epist., i, ad Himerium, n. 5 et 8, P. L., t. xiii, col. 1136 sq. ; c’est saint Ambroise, ou plutôt l’auteur anonyme du De lapsu virginis consecralæ inséré parmi ses œuvres, voir Ambroise (Saint), t. i, col. 945, qui condamne comme un adultère le mariage d’une vierge consacrée, déjà épouse du Christ, n. 21, P. L., t. xvi, col. 373 ; c’est le pape Innocent I er, qui, pour la même raison, défend d’admettre ces personnes à la communion, tant qu’elles n’ont pas rompu leur union illégitime, comme on le fait pour les adultères. Epist., ii, ad Victricium, n. 15, P. L., t. xx, col. 478, 479.

Dans l'Église grecque, c’est le concile de ChalcéMARIAGE DANS LES PÈRES. CONCLUSION

a 1 1 3

i interdit Im mariage* entre chrétiens

ues. juifs ou païens, moins que ceux cl

ttent de se convertir, can. 1 1 : qui prononce

iiiununicatlon contre une diaconesse, can. 15,

-. une vie icrée ou contre un moine qui

Uent mariage, can. 16. Hefele-Leclercq,

t. il.

ipide coup d'œll sur les textes lëglslatl . onclusions suivant »

i temps lies Pères, n’a p.is revendiqué irmule abstraite son pouvoir de porter des itiere matrimoniale ; elle a afllrmé sou droit en l’exerçant.

un véritable pouvoir législatif. L’Eglise ne

itente pas de maintenir et d’appliquer les lois

ni>i sur l’unité et l’indissolubilité ; elle y ajoute

selon que les circons Ilt.

ravoir lui appartient en propre. Elle ne le demande pas aux empereurs devenus chrétiens ; elle

>e p.is de ce que prescrivent les lois civiles, former, ni pour y contredire ; à côté de Ile prétend avoir les siennes, comme une é indépendante qui veut poursuivre sa fin propre. ici encore, elle fait, elle ne dit pas, et l’on cheri vain une déclaration d’allure générale sur avoir qu’elle possède indépendamment de l'État. lr s'étend sur le mariage tout entier dément jusqu'à le défendre, mais juste rendre nul et inexistant. Évidemment nous ne trouvons pas dans les textes les distinctions, maintenant classiques, entre mariage illicite et mariage invalide, entre empêchement prohibant et empêchement dirimant. Mais la distinction s'établit peu à peu dans la pratique. Il y a des mariages que

se punit d’excommunication et qu’elle laisse

ndant subsister ; il y en a d’autres qu’elle ne e pas et qui entraînent pour les époux une excommunication illimitée jusqu'à ce qu’ils se séparent. ire étaient avant tout les mariages conclus trairement aux lois d’unité et d’indissolubilité ; mais il y en eut d’autres a partir surtout du IV siècle. Ainsi le mariage d’un homme avec sa belle-fille die d’Elvire) et avec sa belle-sœur (concile de lint Basile) ; le mariage du ravisseur la jeune Bile qu’il a enlevée (concile d’Ancyre, Ba-ile : le mariage des vierges ou des veuves consa. a Dieu (Basile, Innocent ! ') Telle était, a que de saint Augustin, la liste des empêchements dirimants, de droit ecclésiastique, que les textes de font connaître. Voir aussi Empêchements

uuaob, t. IV, Col. 21 I").

tr. T l’F. Y CE AUQUEL as PLA HDÊRSJl LB UAR1AOB. —

A la fin de cette longue enquête sur la doctrine des

mpossible de n'être pas frappé, d’une

part de l’abondance de leurs renseignements et de

leurs affirmations sur des points qui ne nous parals iremière importance, et par contre des

lacune de leur c dis doctrines que nous

.s l’habitude de considérer comme essentielles.

plaçaient a un point de vue spécial,

lui des théoli du nôtre.

!  ; lu m triage selon le

trel, mais seulement du mariage chrétien. —

Us voyaient pourtant autour d’eux toute la masf

trouvait aucun des

quoi ils aimaient appeler l’attenfldèles. Ils en parlaient même quelqueptionnellement pour trouver dans l’un

ou 1 leçon de dignité morale, soit beaucoup

plus souvent pour stigmatiser les vices qui les déshonoraient. Mais ildemandé pourquoi

2114

de tels mariages, si différents du mariage chrétleni

étaient malgré tout de rais mariages : le contrat

matrimonial, le consentement et ses conditions, sa

valeur, etc. autant de questions qui sont restées eu

dehors de la perspective des Pères. IK n’ont voulu

considérer le mariage que dans si dignité surnaturelle, celui qui. avant été institue et sanctifié par Dieu créateur, a ete rétabli et sanctifié plus abondamment par.lesus et par l'Église.

2 « Ils envisagent le mariage chrétien moins du point , hrue théorique que du point de rue pratique, lis

sont en effet plus pasteurs.pie théologiens : C6 qi cherchent, c’est à instruire leurs fidèles d< qui seront utiles pour diriger leur conduite. En présence des erreurs qui aboutissent a blâmer l’union des

époux comme si elle était une faute, ils tiennent à rassurer les chrétiens ; et c’est pourquoi, tout en gardant les yeux levés vers une perspective plus haute,

celle du renoncement et de la continence, ils Missent que le mariage, crée par Dieu, sanctifié par .lesus. bénit par l'Église, ne peut être que moralement bon et honnête. — Kn face des foyers païens dont la stabilité était toujours menacée par le divorce, ils rappellent avec insistance que le mariage, d’après la volonté de.lesus, doit être un et indissoluble, et que les époux, s'élant donnés l’un à l’autre sans partage et pour toute la vie, se doivent garder la plus entière fidélité jusqu'à la mort. — Et parce que de telles exigences, si fort au-dessus des mœurs et des habitudes, pouvaient paraître trop dures et effrayer les âmes, les Pères, après saint Paul, élèvent les yeux des fidèles vers ce magnifique idéal, le mariage mystique du Christ avec son l'élise : des chrétiens, qui appartiennent à l'Église, épouse vierge et féconde, épouse sans tache du Christ son époux et son chef, n’ont pas le droit de déchoir à la façon des païens. Puis, ayant ainsi haussé les âmes a la plus belle et à la plus vraie conception de la famille chrétienne, ils font entrevoir les grâces que Dieu promet aux époux : Dieu sera le gardien de leur fidélité réciproque, comme il a été le témoin de leurs engagements ; Jésus sera au milieu d’eux comme il fut à Cana, les bénissant par sa présence et les protégeant par sa bonté.

3 » C’est à ce même point de vue pratique qu’ils s’occupent de ce que nous appelons le sacrement de mariage. — Cette conception pastorale de leur devoir d’enseigner est, nous l’avons déjà dit, la vraie raison pour laquelle ils n’ont pas songé à élaborer une doctrine du sacrement de mariage. Au fond cette doctrine se trouve dans leurs écrits autant qu’il était utile aux chrétiens de la connaître. Par exemple, il fallait que les fidèles pussent compter sur la grâce de Dieu pour remplir les obligations du mariage chrétien ; mais en quoi leur importait-il de savoir que ces grâces sont produites par le mariage luimême.' c’est pourquoi la question de l’efficacité du sacrement demeure en dehors de leurs préoccupations. De même, les pasteurs rappelaient que le prêtre doit bénir le mariage et ils montraient dans cette intervention officielle de l'Église une reproduction de ce qui s'était liasse aux noces île Cana : le prêtre représentait Jésus-Christ sanctifiant l’union de l’homme et de la femme : mais ils n’ont pas son< ; é a se demander quel était exactement le rôle du prêtre, s’il était ou non le ministre du san> Me question, elle aussi,

restait ep dehors de leur perspective. En somme ils disaient aux fidèles ce qu’il leur importail de savoir ; le reste est pure théorie.

Sous le bénéfice de cette observation, nous ne craignons pas de dire que leur exposé du dogme sacramentaire du mariage ne présente pas de grave lacune.

I.e P. de Smedt, après avoir disculé le sens du mot unentum dans un texte de saint Augustin, élargit la question et fait cette observation très juste : « Pour nous, catholiques, dont la règle de foi principale se trouve dans une autorité infaillible et toujours vivante, pour nous qui nous glorifions à bon droit de posséder dans les définitions de cette autorité un fondement solide de nos croyances, auquel ne peut suppléer aucun des secours qu’ont à leur disposition les sectes dissidentes, il y aurait inconséquence et danger à vouloir montrer que nous pouvons prouver péremptoirement tous nos dogmes en dehors de ces définitions. » Principes de la critique historique, Liège, 1883, p. 114, 115. Il faut se souvenir de cette remarque chaque fois que l’on veut remonter à l’origine de nos dogmes. Et pourtant il convient de ne pas minimiser à l’excès les renseignements doctrinaux des Pères. On les eût étonnés en leur posant certaines questions de théologie sacramentaire qui nous sont maintenant familières. Mais nous qui connaissons cette théologie et qui l’appliquons au mariage, nous retrouvons sans peine dans leurs écrits les principaux éléments de la doctrine, à savoir : mariage institué par J.-C, sanctifié par lui, bénit par l’Église, assurant aux époux les secours divins, les portant à vivre saintement, à l’imitation des rapports très saints qui unissent le Christ et l’Église, source de sanctification et de grâces. Il ne reste pas un grand pas à faire pour que ce contenu, doctrinalement très riche, s’achève et se couronne par la doctrine sacramentaire : ce sera, mais après bien du temps, l’œuvre des théologiens.

II. Après saint Augustin.

I. LES DERNIERS PÈRES.

La dernière période de l’âge patristique nous fournira une moisson moins abondante. Ce n’est plus le temps des grandes hérésies qui obligeaient à creuser les dogmes, ni des grands génies capables de ce travail ; les circonstances d’ailleurs étaient peu favorables à la recherche sereine de la vérité ; car les invasions qui commençaient forçaient l’Église à reprendre sur les barbares le travail d’enseignement et d’adaptation des âmes aux doctrines et aux préceptes évangéliques ; il ne s’agissait pas d’approfondir la vérité révélée, mais de l’apprendre aux peuples nouveaux qui se pressaient pour envahir l’Empire romain.

Aussi trouverons-nous plutôt des solutions de cas de conscience, des applications nouvelles de la morale chrétienne du mariage, qu’un véritable progrès dans la connaissance du dogme.

Saint Léon le Grand.

Il eut à résoudre deux fois des difficultés pratiques au sujet de l’indissolubilité du mariage. Ses réponses présentent un certain intérêt, l’une parce qu’elle montre la fidélité scrupuleuse avec laquelle l’Église voulait maintenir la loi de l’Évangile, l’autre parce qu’elle nous fait connaître un point de discipline assez curieux.

La campagne d’Attila en Italie, 452, avait été funeste pour les armes romaines ; un grand nombre de villes avaient été prises, pillées et ruinées, et des captifs avaient été emmenés par les Barbares. Nicétas, évêque d’Aquilée, expose au pape la difficulté qu’entraîne cet état de choses. Les femmes de ces prisonniers sont sans nouvelles, de leurs maris ; elles peuvent les croire tués ; elles ont pensé en tout cas qu’ils ne reviendraient jamais de captivité ; et il en est qui, trouvant la solitude trop pesante, se sont remariées. Maintenant que la situation s’est améliorée, plusieurs de ceux que l’on croyait perdus sont revenus. L’évêque est embarrassé et recourt au pape pour savoir comment résoudre ce cas. Déjà saint Basile avait posé une règle pour une difficulté semblable, et il concluait à l’indissoluble valeur du premier mariage. Epist., cxcix, can. 31, P. G., t. xxxii, col. 727. Saint Léon maintient la même solution, seule conforme à la loi évangélique : necesse est ut legitimarum foedera nuptiarum redintegranda credamus…, omnique studio pro curandum est ut recipiat unusquisque quod proprium est. Epist., clix, 1, P. L., t. liv, col. 1136.

La lettre à Nicétas est de 458. Vers la même époque, le pape eut à répondre à une série de questions que lui avait posées Rusticus, évêque de Narbonne. Plusieurs ont trait au mariage. Une première série comprend les questions 4, 5 et 6. Il s’agit dans toutes trois d’une situation semblable : un homme qui a pris pour concubine une de ses esclaves peut-il encore se marier ? Cette union n’est-elle pas un vrai mariage qui lui interdit tout mariage subséquent du vivant de sa concubine ? Le pape est formel. Une concubine n’est pas une épouse : aliud est uxor, aliud concubina, Epist., clxvii, inquis. iv, P. L., t. liv, col. 1204 ; cf. inquis. vi, ibid., col. 1205. Bien plus, l’esclave ne peut devenir l’épouse légitime d’un homme libre ; il n’y a mariage légitime qu’entre personnes libres de condition égale : c’est une loi établie par la volonté de Dieu avant que le droit romain n’eût commencé d’exister. Aucun mariage par conséquent entre cet homme et sa concubine. Saint Léon énonce cette conclusion dans une phrase admirable par sa plénitude de sens comme elle l’est par son élégance littéraire : Unde cum societas nuptiarum ita ab initio conslituta sit, ut præter sexuum conjunctionem haberet in se Christi et Ecclesiee sacramentum, dubium non est eam mulierem non pertinere ad matrimonium, in qua docetur nuptiale non fuisse mysterium. Ibid., inquis. iv, col. 1204. En pratique, il faut donc que l’union illégitime soit dissoute pour faire place à l’union légitime, que la concubine s’en aille pour laisser entrer l’épouse : ancillam a toro abjicere et uxorem cerise ingenuitatis accipère, non duplicatio conjugii, sed profectus est honestatis. Ibid., inquis. vi, col. 1205. Les questions xiv et xv avaient rapport au mariage des moines ou des vierges qui ont reçu l’habit religieux. Saint Léon ne semble pas considérer de tels mariages comme invalides ; il blâme et soumet à la pénitence les moines infidèles, quia etsi… honestum potest esse conjugium, electionem meliorum deseruisse transgressio est, inquis. xiv, col. 1207 ; pour les vierges, il ne parle pas de pénitence, il dit seulement : prœvaricantur, etiamsi consecratio non accessit. Inquis. xv, col. 1208.

Saint Grégoire le Grand.

C’est encore de questions pratiques qu’il s’occupe principalement à propos du mariage. Nous citerons comme plus importantes une solution d’un cas particulier dans le sens de l’indissolubilité, et sa doctrine sur la licéité de l’acte conjugal.

1. Indissolubilité.

La loi civile, voulant maladroitement favoriser les vocations à l’état religieux, déclarait que, si un des époux voulait entrer dans un monastère, alors même que l’autre préférait rester dans le monde, le mariage était rompu, cf. Justinien, Novelles, cxxiii, P. L., t. lxxii, col. 1057. A deux reprises, au moins, saint Grégoire revendique, contre la loi civile, les droits du mariage indissoluble. C’est d’abord dans une lettre à la pastricia Théoctiste, Epist., t. XI, xlv, P. L., t. lxxvii, col. 1161. Il n’admet pas que l’entrée en religion d’un époux soit une cause de rupture du mariage. La loi humaine peut le permettre, la loi divine le défend. Ceux qui soutiendraient une pareille erreur ne sont plus chrétiens : qui a christiani non sunt, dubium non est. Eosque et ego, et omnes catholici episcopi aique universa Ecclesia, anatliematizamus, qui a veritati contraria sentinnt, contraria loquuntur. Si les deux époux veulent, chacun de son côté, mener une vie de continence, soit par désir de perfection, soit pour expier leurs fautes, on ne doit pas les en empêcher : mais si l’un d’eux refuse d’embrasser la vie religieuse, le mariage

tarée et il n’eai pu permis de la rompre.

que Nutiit Grégoire avait répondu en principe,

Il l’applique en pratique dans une autre lettre.

'. l. XI. i. col. 1169. Une femme, Agathosa,

plaindre à lui de ce que son mari l’axait

quit : elle pour se faire religieux. Le pape

ordonne de taire une enquête pour connaître la vérité

n’y a pas eu, de la part de la femme,

DM faute grave qui légitime la séparation, il veut

n lui rende son mari, même s’il a déjà reçu la

tique, quia, etsi mundana le* prteclpit,

utrolibet inviU solvi conju tamen lex fieri non permiltit.

njugal. — Cette question, si

apports conjugaux est résolue par saint

le même sens que par saint Augustin,

ivec une netteté plus grande.

Il pose comme principe que l’acte ilu mariage est

en lui-même licite et chaste : c’est Dieu qui l’a voulu

que Dieu veut lie saurait être pèche. Ainsi

In septem psalmos pienit. expositio, ps. i, 7, /'. /…

Von idto tontines in peccatis eonet piuniur quia peccalum sit conjugibus commisceri ;

tim opus castum non habet culpam in conjuge. Deus

enim copulam marilalem institua quando masculum et

ftminam in principio creaoit. Cf. Ilomi !. in Evangelia,

I. II, jcxrvi, ô. t. i xxvi. col. 1269.

Mais il s’en faut que, dans la pratique, les époux mplètement la sereine beauté de cet acte Ils n’en respectent pas le but très élevé, puisqu’ils y mêlent trop souvent la concupiscence et le souvir leur volupté : ils en usent sans modération, ne se bornant pas à ce que réclame la volonté divine. C’est pourquoi l’acte conjugal est toujours souillé d’une faute, non parce que illicitum quid agitur, mais parce que hoc quod est licitum sub moderaminr non tenetur. Reg. past., III, xxvii. t. lxxvii, col. 102. C’est une faute légère sans doute, ibid., et lia in Job., t. XXXII, 39, t. lxxvi, col. 659 ; enfin c’est une faute, et David a pu dire avec a que nous sommes tous conçus dans le péché. In septem psalm. pienit., loc. cit. De cette faute, les époux doivent souvent demander pardon à Dieu : unde necesse est ut crebris eiorationibus deleant quod pulchram copulæ speciem admistis votuptalibus /œdant, Régula pastoratis, loc. cit. — Dans sa réponse aux interrogations de saint Augustin de Cantorbéry, il tire une conséquence sévère de ses principes. Il veut que l’homme qui a eu commerce avec sa femme, tienne quelque temps d’entrer à l'église : cette abstention est une preuve de respect pour le lieu saint ; elle est. depuis une haute antiquité, en usage dans .se romaine et s’explique par la souillure morale contractée par cet homme : Romanorum semper ab antiquioribus usus fuit, post admistionem proprise conjugis, et lavacri purificationem quærere et ab ingressu ecclesiæ paululum reverenter abstinere. S’ec hœc dicentes putamus culpam esse conjugium. Sed quia ipsa lieiia commistio conjugum sine voluptale carnis fieri non potest, a sacri loci ingressu abstinendum est, quia voluptas ipsa sine culpa esse nullatenus potest. Epist., 1. XI. i.xiv, t. lxxvti. cm. 1196.

II. rites ET prières lit'. : — 1° Les rites.

— Nicolas I" les expose avec détail dans sa réponse

aux consultations des Bulgares, en 866, n. 3, P. /-.,

x, col. 879-880 ; et c’est, dit-il. la coutume depuis

longtemps usitée à Rome. Avant le mariage, il y a

'es préliminaires, de caractère civil ou reli . Ce sont d’abord les fiançailles, sponsalia, ou

- de mariage exprimées par les futurs époux

r ceux de qui il » dépendent ; puis la subarrhatio,

ttache sa fiancée au moy< □ de l’anneau

au doigt ; et enfin la tradition de la dot

par un contrat écrit et devant les témoins invites. Quand ces préliminaires sont accomplis et que le

temps du mariage est venu, on conduit les deux Saucés ad nuptialia fadera, lis sont d’abord amené » a r<

avec les offrandes qu’ils dolvent offrir à Pieu par la main du prêtre. (L. Duchesue. Origine » du cutte chrétien. 10 « edit.. Paris, i (.>-.'>. p. 450, croit pouvoir traduire : « la célébration de la messe devant les

époux qui prennent part 6 l’offrande et à la communion » ) ; ils reçoivent ensuite la bénédiction avec le velamen ealesle. du moins ceux qui se marient pour

la première fois, car ceux qui convolent en secondes

noces n’ont pas cet honneur du velamen ; enfin, quand ils sortent de l'église, « ils portent sur leurs têtes les couronnes que l’on a coutume de conserver (pour cet usage) dans l'église même ». Le i ape ajoute d’ailleurs que ce cérémonial n’oblige pas sous peine « le péché, surtout quand il s’agit de pauvres, et il en donne une raison qui nous paraît exprimer, pour la première fois avec cette netteté, ce qui est essentiel au mariage : sufpcit secundum leges solus eorum consensus, de quorum conjunetionibus agttur.

Les prières.

Les sacramentaircs romains contiennent des prières spéciales que le prêtre devait

réciter à la messe de mariage et la bénédiction qui accompagnait la velaiio nuptialis, par exemple le sacramentaire léonien, P. L., t. i.v, col. 130, 131, et le sacramentaire gélasien, P. L., t. lxxiv, col. 12131215. Les formules liturgiques, souvent très semblables à celles de notre messe pro sponsis, contiennent des affirmations doctrinales qui, à vrai dire, ne sont pas neuves, mais qu’il semble intéressant de souligner. C’est Dieu qui a institué le mariage : Pater mundi conditor, nosceniium genitor, multiplicandæ originis instilutor… ; c’est à lui qu’on demande d’assister au mariage qui se célèbre présentement, pour le bénir et donner aux époux la grâce d’en remplir les devoirs : tua benedictione potius impleatur… ; ut quod, te auctore fungitur, te auxiliante servetur. Le mariage crée entre les époux un lien plus étroit qu’aucun autre, ut unum efjiceret ex duobus, un lien indissoluble de paix et de concorde, qui fadera nuptiarum blando concordiæ jugo et insolubili pacis vinculo nexuisti ; aussi parmi les vertus que l’on demande à Dieu pour la jeune épouse, c’est la fidélité qui tient le premier rang, toutes les autres lui servant de garantie : uni toro juncta, contaclus illicitos fugiat. Lè r mariage a été établi en vue des enfants, et c’est le seul but que les prières de l'Église proposent aux époux ; elles rappellent en particulier à l'épouse qu’elle ne doit pas chercher dans le mariage la licentia nuptialis, mais se proposer l’observation de la loi de Dieu. En somme, c’est un court résumé de la doctrine du mariage et des obligations des gens mariés que nous offrent ces belles prières liturgiques.

/II. L’AFFAIRE DU DIVORCE I)E L0T1IMRE II. — Nous devons nous arrêter quelque temps à cette triste affaire à cause des affirmations doctrinales ou canoniques qu’elle provoqua, soit de la part du pape Nicolas I", soit de la part de l’archevêque Hincmar de Reims.

Triste affaire, elle l’est vraiment : un roi complètement dominé par ses passions, au point de jeter dans les esprits de ses sujets le trouble et de braver les lois de l’Eglise comme celles de la justice ; des évoques courtisans qui n’osent affirmer les droits de la morale et, par complaisance pour le roi, rendent une sentence notoirement injuste ; des légats du pape qui se laissent acheter ou intimider et prennent le parti du fort contre le faible, malgré la consigne qu’ils ont reçue ; nous ne voyons, en somme, que deux hommes qui ne courbent pas l'échiné devant le pouvoir, le pape et l’archevêque de Reims, Hincmar.

Les faits sont connus, dans leur ensemble sinon dans tous les détails. I.othairc II, roi de Lotharingie, second fils de l’empereur Lothaire ! *, avait épousé, en 855 ou 850, Theutberge ou Thietberge, fille du comte de Bourgogne, Boson. Jusqu'à quel point son consentement a ce mariage fut parfaitement libre, on ne peut le déterminer : il avait alors une maîtresse, Waldrade, et c’est elle qu’il aurait voulu prendre pour femme. Hefele-Leclercq, Histoire des conciles, t. iv, p. 238, note 1. En 857, il répudie Theutberge pour épouser sa concubine ; et, pour faire casser son mariage, il invoque un motif particulièrement déshonorant : Theutberge aurait eu des relations incestueuses avec son frère, Hubert, abbé de Saint-Maurice en Valais. Une réunion des grands du royaume se tient en 858 ou 859 pour instruire la cause ; Theutberge, qui affirme son innocence, est soumise à l'épreuve de l’eau bouillante qu’un de ses serviteurs subit en son nom avec succès. Le roi, une première fois battu, reprend l’affaire devant un concile réuni à Aix-la-Chapelle en 860 ; vaincue par les mauvats traitements et abattue par un long emprisonnement, Theutberge avoue ses prétendues fautes, soit en particulier à l'évêque de Cologne, Gunther, soit plus tard par écrit ; en 862, un nouveau concile d’Aix-la-Chapelle déclare nul son mariage, et le jour de Noël 862, le roi épouse solennellement Waldrade. Mais Theutberge, ayant recouvré sa liberté, en appelle au pape Nicolas I er, de cette décision qui la lèse et la déshonore. Le pape envoie deux légats, Rodoald de Porto et Jean de Ficoclæ avec mission d’instruire à nouveau le procès et de le juger dans un concile tenu à Metz ; il leur fait parvenir un monitoire très ferme pour leur indiquer la marche à suivre et leur recommander la fermeté ; mais les légats se laissent gagner par des présents et le concile de Metz confirme la décision d’Aix-la-Chapelle. C’est alors que le pape prend lui-même l’affaire en mains. Il est pleinement convaincu et de l’innocence de Theutberge, et de l’irrégularité des procédures qu’on a suivies pour la condamner. Il dépose les évêques les plus coupables et casse la sentence de ses légats et du concile. Malgré les menaces de l’empereur Louis II, frère de Lothaire, qui vient même assiéger Rome, il excommunie Waldrade, menace d’excommunier Lothaire, obtient que celui-ci reprenne sa femme et toujours refuse d’autoriser le divorce, même quand la malheureuse reine, maltraitée par son époux, demande la permission de se retirer dans un monastère, pour laisser la place libre à Waldrade. Lothaire était tellement dominé par sa passion que Nicolas I er mourut sans avoir eu la joie de terminer l’affaire. Son successeur Adrien II allait sans doute la terminer dans un synode romain quand Lothaire mourut le 8 août 869. Cf. R. Parisot, Histoire du royaume de Lorraine sous les Carolingiens (843-923), Paris, 1898, p. 146 sq., HefeleLeclercq, Histoire des Conciles, t. iv, p. 237 sq., 287 sq., 313 sq., 360 sq.

1° Le pape Nicolas I" et le divorce de Lothaire. — Quand on parcourt la liste des pièces que Jaffé cite de ce pape, on est immédiatement frappé du nombre considérable de lettres qui ont été écrites pour régler cette affaire. Pour la première fois, l'Église se sentait assez forte pour intervenir et réprimer fermement chez les princes ce qu’elle ne permettait pas aux fidèles, et pouvant le faire, elle comprenait que c'était son devoir. Il s’agissait de savoir si les rois étaient ou non soumis aux lois de l'Évangile comme les sujets, si devant les passions des rois l'Église se tairait, au risque de scandaliser les petits, ou protesterait, au risque de déchaîner contre elle des orages. Aussi dans une affaire d’une telle importance, le pape ne se ménage pas ; dès qu’il a pris la chose en mains, en 862, c’est au

moins quarante pièces qu’il lui consacre : lettres à Lothaire ou aux rois ses parents, qui peuvent avoir quelque influence sur lui, aux archevêques et évêques des divers royaumes ou à tel d’entre eux sur qui il compte, discours dans le synode réuni au Latran. Jaffé, lier/esta, t. i, n. 2697, 2698, 2699, 2700, 2701, 2702, 2707, 2723, 2725, 2726, 2729, 2748, 2749, 2750, 2751. 2752. etc. Dans ce seul fait, se trouve une double affirmation : que l’indissolubilité du mariage est une loi assez importante pour que l’Eglise soit prête à tout sacrifier plutôt que de la laisser violer, et que devant une telle loi, les rois comme les sujets sont tenus à l’obéissance.

Quant aux motifs allégués par Lothaire pour obtenir l’annulation de son mariage, le pape ne les accepte pas :

1. Un premier était l’inceste imputé à Theutberge avant son mariage. Il semble en effet que ce crime ait été, au ixe siècle et au moins en Gaule, considéré comme un empêchement de mariage : Hincmar, nous le verrons, le regarde comme tel. Cf. Hefele-Leclercq, t. iv, p. 238, note. Nicolas Ie ' ne croit certainement pas que Theutberge soit coupable ; mais nulle part il ne dit que le mariage serait nul si elle l'était ; au contraire il semble, à sa manière de parler, que même en ce cas le mariage serait valide. Il n’est donc pas exact de dire simplement que c'était un des points de la législation ecclésiastique matrimoniale. Dans la lettre que le pape adressait à Adon, archevêque de Vienne, et qui est sa première intervention personnelle dans l’affaire du divorce royal, il répond ainsi aux questions que l’archevêque lui avait posées : a) Un homme, légitimement marié, n’a pas le droit de prendre une autre épouse du vivant de la première, même s’il l’a renvoyée, et il n’a pas davantage le droit d’avoir une concubine. — b) Si une femme avait été déflorée, et qu’ensuite, ne le sachant pas, quelqu’un l'épouse et ait commerce conjugal avec elle, il ne peut dans la suite la renvoyer sous prétexte qu’elle avait été déflorée par un autre, ni prendre une autre femme, comme si la première n'était pas légitime épouse, ni avoir une concubine. Jaffé, n. 2697 ; P. L., t. exix, col. 797.

Dans la suite, divers autres prétextes furent invoqués, et Theutberge elle-même, lassée de la vie commune, qui était pour elle une cause de mauvais traitements continuels, les avait proposés au pape pour qu’il lui permît de reprendre sa liberté.

2. Elle disait que Waldrade avait été avant elle mariée à Lothaire. Le pape lui montre qu’il n’est pas dupe de son affirmation ; il lui reproche de se faire, par crainte et lassitude, l'écho des réclamations du roi ; et en tout cas, il lui dit à elle puis à Lothaire, que jamais il ne lui permettra d'épouser Waldrade : « Même si Theutberge mourait, dit-il au roi, jamais, par aucune loi, par aucune règle, tu ne pourras ni tu n’auras la permission d'épouser Waldrade. Que Waldrade ait été ton épouse légitime, l'Église n’a pas besoin du témoignage de Theutberge (pour savoir la vérité). Nous savons une chose : c’est que ni nous, ni la sainte Église ayant l’autorité de Dieu qui jugera les adultères, nous ne te laisserons impuni si jamais tu reprends Waldrade, même Theutberge étant morte. » Jaffé, n. 2873 ; P. L., t. exix, col. 1148 ; cf. Jaffé, n. 2870 ; P. L., col. 1137.

3. Theutberge proposait d’entrer en religion pour laisser Lothaire libre de suivre sa passion. Le pape le lui interdit, P. L., col. 1138, et il le redit au roi : elle ne peut se retirer dans un monastère à moins que le roi lui-même ne promette de garder la continence. Et avec un peu d’ironie, le pape insiste : Si ergo hoc modo vis, nos grato permiltimus animo celeremque prsebemus assensum… Si utrisque conveniat conlinentem 1 22

y. L. i.

i Quant aux accusations de détail que Loti formulait contre la reine, elles ne font rien à la alldlté du m <" l>lw

riles, par exemple Anne et Êlisabet h. s vices nombreux ? peu Importe ; 'serait elle 'ivrognerie ou a la violence, de mauvaises mœurs, débauchée, gourmands, coureuse, médisante, ou querelleuse, bon gré, mal gré, il faudrait encore la I

pape concluait ^a ! <t Ire a Lothaire en faisant ntiments île chrétien, qui doit reconnaître l’autorité du pape, et de Ris, qui « toit se soumettre aux remontrances affectueuses de son père ; il le suppliait d’avoir plus d'énergie pour réfréner ses t d’oublier à jamais Waldrade ; sinon, il pourrait comme elle être frappé d’excommunication et. pour une satisfaction d’un temps, être condamne ad sul/ureos lettons et à la perte éternelle.

llincmar de lùims et le divorce de Lothatre. — r été aussi actif que celui du pape, le rôle de l’archevêque de Reims ne laissa pas d’avoir son importance, llincmar ne fut pas seulement le canoniste dont on demandait leavis, il fut l'évéque influent que les partisans de Lothaire auraient voulu dans leur camp et qui, rien qu’en prenant parti pour Theutberge, lit pencher la balance en sa faveur.

Des avant le II* concile d’Aix-la-Chapelle, S60, Hincmar fut sollicite de se déclarer pour Lothaire. L'évéque Adventius de Metz alla lui demander d'être un des deux évéques du royaume de Charles le Chauve qui devaient y prendre part. Hincmar refusa, prétextant l'état de sa santé, mais aussi parce qu’une affaire

te importance était du ressort d’un concile général.

Ce refus jeta les partisans de Lothaire dans une grande perplexité ; on s’en tira en laissant croire que Hincmar avait déclaré approuver le concile et s’y même fait représenter par deux autres évoques français. De divortio I.otharii et Tetbergæ, interrog. i, P. L., t. cxx, col. 630. -- C'était déjà assez pour justifier une protestation d’Ilincmar. I ne démarche directe fut faite auprès de lui par des sujets de Lothaire pour provoquer une déclaration publique de sa pensée. On lui posait un certain nombre de questions, il y répondit par son traité De divortio Lotharii régis el Tetbergae reginæ, f. L.. t. c.xxv, col. 619-772.

Dans ce traite mal composé, où se suivent presque réponses a vingt-trois Interrogations, puis à sept questions, ou chacune des idées énoncées ses justifications, textes de Pères ou de conciles cites in extenso, les discussions juridiques tiennent la plus grande place : quelle était la procédure a suivre ? quelle était la valeur de telle preuve, par exemple de l'épreuve de l’eau bouillante ? que fallait-il penser du monstrueux inceste dont on accusait la reine et des suites invraisemblables qu’on lui attribuait ? telles sont surtout les idées vers lesqi. irtent les préoccupations d’Ilincmar. —

Tou' affirmations d’ordre théologique ne

manquent pas, et il convient de relever surtout les suivante

1. L’indissolubilité du mariage.

llincmar affirme à maintes reprises l’indissolubilité du mariage : il le devait en face des évéques courtisans qui ne semblaient pa la rigueur de la loi évangélique. On alléguait, par exemple, le cas de l'évéque Éhon qui avait < sur l’aveu secret qu’il ht d’une faute par lui commise (document fort intéressant. pour le dire en passant, a verser au dossier de l’histoire de la discipline pénitentlelle). Mais autre est la loi qui attache l’un a l’autre les deux époux, autre la loi qui unit l'évéque a son siège. L’homme et la femme

sont lies l’un à l’autre Jusqu'à la mort de l’un ou de

l’autre. Interrog. u. col, 642 l a loi d’Indissolubilité

repose avant tout sur les affirmations de la sainte

ne. et Hincmar aime a en répéter les textes ; il

résume la doctrine en cette phrase : UXOKttl « riru

dlseedere posse neque auetoritas sacra permltttt, [nterr.

I. col I

2. 1rs causes possibles de séparation. H n’en connaît que deux : Disjunctio inter fidèles post inttum conjugtum flerl non potest nlsl causa fornteationts et unionconttnenttae. Interrog, xi. col. 7.' ::::< f. interrog.

II. COl. 642 ; interrog. V, col. 651, 652. lai cas d’adul tire de l’un des époux, l’autre est libre de renoncer à la vie commune : même alors, la loi de I >icu subsiste qui défend de séparer ce que Dieu a uni ; aussi les

époux ainsi séparés ne peuvent se remarier tanl que

la mort ne les a pas libérés du premier mariage. Ibtd. Ce lien créé par Dieu, Dieu lui-même le dénoue quand les deux époux, d’un commun accord et par amour pour la vertu supérieure de continence, renoncent à leurs droits l’un sur l’autre et se vouent à la vie religieuse ; mais il faut pour cela que tous deux s’engagent a garder la chasteté : l’entrée en religion de l’un des époux, l’autre demeurant dans le monde sans promettre la continence, ne romprait pas le mariage. Ibid. et interrog. x. col. 680. Aucune autre cause de rupture n’est légitime. Les dissentiments qui peuvent éclater entre époux ne sauraient être pris en considération ; autrement, une foule de mariages seraient brisés au mépris de la loi de Dieu et on aboutirait à la séparation par consentement mutuel. Interrog. ii, col. 644. La stérilité du mariage et le désir d’avoir des enfants n’est pas davantage une cause qui permette ou de rompre le lien conjugal ou de prendre une concubine ; et llincmar, a cette occasion, commente en quelques lignes les trois bona nuptialia dont parlait saint Augustin, fides, proies, sacramentum. Interrog. xxi, col. 736.

3. Les conséquences de la séparation.

Quand les époux se sont séparés pour cause d’inconduite de l’un d’eux, le lien formé par Dieu subsiste, de sorte qu’ils ne peuvent se remarier, du vivant de leur conjoint, sans être adultères ; la tradition et les lois de l'Église, que cite abondamment Hincmar, sont tout à fait formelles sur ce point, déjà affirmé par saint Paul. Interrog. v, col. 651 sq. Mais si la séparation a lieu par désir de continence, la pensée d’Hincmar n’est plus aussi nette : quelquefois il considère le mariage comme rompu, Dieu ayant lui-même séparé ce qu’il avait uni. Interrog. ii, col. 642 ; ailleurs il suppose que le mariage subsiste et il cite un texte de saint Augustin à propos du mariage de la sainte Vierge ; le mariage, dit-il, est plutôt ennobli et spiritualisé que dissocié. Interrog. v, col. 651. La question d’ailleurs est purement théorique puisque, dans l’hypothèse, on ne saurait envisager un mariage subséquent de la part des époux qui ont fait vœu de continence.

4. Les devoirs mutuels des deux époux.

En face de la haine dont Lothaire poursuivait Theut berge, des calomnies atroces qu’il lançait contre elle, des mauvais traitements qu’il lui faisait subir, Hincmar traie, en commentant saint Paul, le tableau Idéal de ce que doit être l’homme pour son épouse, à l’imitation de ce qu’est le Christ pour son Église. Les deux tableaux qui se suivent, celui de l’idéal que propose l’Apôtre, celui de la réalité que présente la conduite du roi, forment un contraste violent qui met en plus vive lumière les beautés du mariage chrétien. I nterrog, v, col. 657-658.

">. L’empêchement d’inceste. — Hincmar admet son existence et la prouve par des textes de Pères ou de conciles qu’il Interprète d’une manière fantaisiste. Pour lui, si Theutberge était convaincue de ce crime par un tribunal qui la jugerait avec impartialité, son mariage serait nul, l’incestueux s’interdisant par son crime tout mariage ultérieur. Interrog. xii, col. 705707 ; interrog. xix, col. 730. Nous avons vu que le pape Nicolas Ier ne semble pas connaître l’existence d’un semblable empêchement ; mais qu’on y ait cru en France, ce n’est pas douteux, étant données les calomnies contre Theutberge, et la sentence portée contre elle, et la façon de parler d’Hinemar. Celui-ci pense donc que, si la reine a été coupable de ce crime, son mariage est nul et Lothaire se retrouve libre. Il devrait d’abord faire pénitence, puisque légalement il est coupable d’adultère, ayant eu des rapports avec Waldrade alors qu’officiellement il était marié ; mais sa pénitence faite, il pourrait contracter un nouveau mariage. Interrog. xx, col. 731 ; cf. interrog. xxi, col. 736-738. Rien ne s’opposerait à ce qu’il prît pour femme sa concubine Waldrade, comme David, après son châtiment, prit pour femme légitime Bethsabée. Interrog. xxi, col. 738. Ici encore, Hinemar est en désaccord avec le pape Nicolas Ier, qui déclare que jamais, même si Theutberge vient à mourir, il ne consentira au mariage entre Lothaire et Waldrade.

Le traité d’Hinemar et les lettres de Nicolas Ier sont les derniers écrits de quelque importance qui nous renseignent sur le mariage. Avant les études systématiques que rendra possibles la fondation des grandes écoles, et qui feront faire à la doctrine du mariage des progrès plus considérables que pendant toute la période des Pères, c’est plus d’un siècle qui va s’écouler, e siècle de fer », a-t-on dit ; on pourrait dire aussi : siècle de ténèbres.

L. Godefroy.

III. LA DOCTRINE DU MARIAGE CHEZ LES THÉOLOGIENS ET LES CANONISTES DEPUIS L’AN MILLE.

Introduction

1. Acceptation universelle de la compétence exclusive de l’Église sur le mariage.

Depuis la fin de la période patristique jusqu’à l’an mille, la doctrine du mariage ne s’est guère développée, à cause de l’état médiocre des sciences religieuses et des limites assez étroites que la coutume ou les princes posaient à la compétence législative et judiciaire de l’Église. L’affaiblissement des États occidentaux, dans le cours du xe siècle, et les progrès de la puissance ecclésiastique devaient supprimer le second de ces obstacles.

Dans ce xe siècle désordonné, par l’effet même des désordres qui troublaient la société civile, les droits de l’Église se sont singulièrement accrus en bien des domaines jusqu’alors réservés au prince. — C’est aux environs de l’an mille que la compétence exclusive du législateur et des juridictions ecclésiastiques en matière de mariage a été reconnue dans presque toute la chrétienté. Jusqu’alors, il y avait en partage — collaboration plutôt que concurrence — entre l’Église et les États chrétiens. Le rôle de ceux-ci s’arrête dans le cours du xe siècle en France et en Italie. Esmein, Le mariage en droit canonique, Paris, 1891, 1. 1, p. 25 sq. ; Salvioli, La giurisdizione patrimonialee la giurisdizione della Chiesa in Italia prima del mille, Modène, 1884, p. 141 ; I. Fahrner, Geschichte des Unauflöslichkeitsprinzips und der volkommenen Scheidung der Ehe im kanonischen Recht, Fribourg-en-B., 1903, p. 117 sq.

Le triomphe des juridictions ecclésiastiques ne fut point accompli du même coup dans toutes les régions de France ou d’Italie. Encore au xie siècle, le Liber Papiensis et l’Expositio nous sont témoins qu’en certains lieux, les affaires matrimoniales étaient jugées par les tribunaux laïques. F. Brandilcone, Saggi sulla storia della celebrazione del matrimonio in Italia, Milan, 1906, p. 562 sq.

Les causes de cette transformation ont été diversement appréciées. « Conséquence naturelle de la généralisation de la foi chrétienne dans la société civile », pense Salvioli, suivi par E. Chénon, Le rôle social de l’Église, Paris, 1922, p. 74, 75, et Histoire générale du droit français, Paris, 1926, 1. 1. p. 393. Esmein, Brandilcone soulignent, avec raison, la cause politique. En France, l’affaiblissement du pouvoir royal permit aux juridictions ecclésiastiques de se substituer coutumièrement à la justice publique ; et il semble qu’en Italie, la concession faite par l’Empereur à de nombreux évoques de la dignité et des fonctions de comte ait préparé la compétence exclusive des évêques en matière matrimoniale.

En Angleterre, où l’évolution politique ne présente pas exactement les mêmes caractères que celle des États continentaux, la compétence exclusive des tribunaux ecclésiastiques paraît avoir été un peu plus tardivement admise : elle est incontestée au début du xie siècle. Pollock et Maitland, The history of english law before the time of Edward I, Cambridge, 1895, t. i, p. 106 sq. ; t. ii, p. 304 sq.

Si les étapes de la substitution de l’Église aux pouvoirs séculiers ne sont pas encore connues avec assez de précision, les conséquences en sont immédiatement faciles à prévoir. L’Église s’était bornée pendant le premier millénaire à défendre les principes du mariage chrétien ; il lui appartient désormais d’organiser toute la réglementation et toute la police du lien du mariage, de définir et de coordonner un régime dont elle a tout le soin, car, en même temps que la compétence judiciaire, l’Église avait acquis, naturellement, le pouvoir législatif, c’est-à-dire le pouvoir de n’appliquer que son droit et les lois séculières qu’elle aurait canonisées. Force lui était donc d’arrêter tous les principes d’un droit complet relatif au vinculum (des effets civils, elle ne s’est qu’incidemment occupée).

2. Difficulté de l’unification législative.

Besogne délicate : le monde chrétien, en effet, est partagé entre des législations, des coutumes fort différentes dont les deux principales sont le droit romain et le droit germanique. — Le droit romain règne dans une grande partie de l’Italie péninsulaire et dans la France méridionale, où le Bréviaire d’Alaric a conservé le Code théodosien et quelques fragments des jurisconsultes classiques, où la pratique surtout a maintenu les anciens usages. Le mariage romain, dont nous aurons bientôt à exposer plus longuement la théorie, se réalise par le simple accord des volontés des époux, sans aucune solennité légale. Sur l’histoire de ce mariage en Occident jusqu’au xe siècle, cf. Chénon, Histoire générale du droit français, t. i, p. 62-67 ; Ch. Lefebvre, Introduction générale à l’histoire du droit matrimonial français, Paris, 1900 ; G. Salvioli, Storia del diritto italiano, 8e édit., Turin, 1921 ; A. Solmi, Storia del diritto italiano, 3e édit., Milan, 1922 ; F. Brandileone, op. cit. — Dans les pays occupés par les peuples germaniques, une autre conception du mariage s’était imposée, dont les historiens d’aujourd’hui discutent certains traits. D’après l’opinion classique, le mariage germanique se réaliserait par la transmission du mundium : celui qui a puissance sur la femme vend son mundium au mari — primitivement, c’est la femme même que le mari achète — par un contrat (desponsatio, Verlobung), généralement suivi d’une dotation et, toujours, de la livraison (traditio, Trauung) : tous ces actes s’accomplissent avec un cérémonial archaïque et compliqué, variable selon les lieux et auquel un orateur prête son concours. Cette doctrine a été exposée dans de nombreux ouvrages et récemment par Fr. Rodeck, Beiträge zur Geschichte des Eherechts deutscher Fürsten bis zur Durchführung des Tridentinums, dans Münstersche Beiträge zur Geschichtsforschung, N. F., t. xxvi, p. 20 sq. L’importance des actes successifs est diver M TRIAGE EN rHÊOLOGIE. INTRODl CTION

2126

ment appréciée : certains auteurs (Sohm) voient dans l’acte constitutif du mariage, que cerScheuri) croient reconnaître « f. l’exposé de l-'r. Frensdorff. Vtriàbnæh kans lecfds und

i.uis //, ; ieschichlsbUttttr,

Pour Sohm, la dapotuatio a rem. dont elle est l’exact équlva, -nio que le mariage par achat était partait ment ilu prix de la femme, de mémo le palerix du mundium lors de s tffo suffit

I le mariage, avant toute tradition, et nt fut devenu symbolique, la promesse le >le prendre la femme pour son épouse passa au premier plan et constitua le contrat de mariage. Se heu ri et bien d’autres objectent que la prou : telle Sohm attribue tant d’Importance

obligations négatives, et ne suffit point le mariage qui ne devient effectif que

de la femme. Ces deux opinions contradiot.. lement vaines à Freisen qui

unie choses bien distinctes l’acquisition du fillffl et le mariage OÙ les Germains n’auraient mu qu’un rapport naturel, non point un rapport Enfin le schéma classique a été vivement 1 Ficker, Untersuchungen zur germanischen ꝟ. 1891, qui soutient que le

man unals accompli chez les peuples

ins l’accord exprès de volonté des deux is un contrat entre les époux, opinion que s littéraires semblent renforcer. (). Zaliiniliessung im Xibelungenlied und in der m. dans Comptes rendus de l’Académie de ne. Philos, hist. Kl., t. cxrax, rase. 1, 1023. ! indications brèves laissent pressentir quelles difficultés rencontre l’historien du droit, dans la recherche di s positives du droit matrimonial de nues germaniques et aussi les formes Liversement interprétées parles savants. Et p encore sont entre eux les divergences quai. de fixer la part de chaque influence : le droit matrimonial de l'Église est, tour à tour, représenté comme d’origine germanique (Sohm), romaine (Friedberg, Sebllng, etc.), hébraïque (Freisen). Il

>le que ces trois facteurs dont seule une

étude minutieuse des usages et rites locaux révélerait l’importance respective se peuvent reconnaître assoie canonique. Le problème qui se le (problème immense et dont nous n’avons à étudier que les rapports incidents aive la théologie), c’est précisément de faire à chacun sa part.

lations et coutumes, d’origine romaine et germanique, où la théorie des empêchements, les formes de la célébration — on verra combien fut inte l’influence du formalisme germanique — upture du lien ont leurs particularités, r danla mesure où les intérêts îx l’exigent, en attendant que les prin* * icls soient unifiés : c’est l’un des cha pitres et non le moins curieux du conflit entre les et le droit universel que Home, pour la secon a imposer à l’Occident.

Iniufflïanre* de la doctrine théologique. — Mais la difficulté primordiale ne sera point de contraindre la chréti merveilleux accord : il s’agit

d’ab dans l'Église même l’unité de la

doctrine. Si les principes fondamentaux du mariage chr.' bien assurés, sur beaucoup de points qui semblent intéresser la discipline plutôt que le dogme, il y a entre théologiens, entre canonistes, des opiniondivergent

- principes fondamentaux se rapportent aux

caractères et à la valeur morale du mariage. L' eien Testament, renseignement de.lesus Christ et de saint

Paul les ont posés. Les conciles et les décrétales les ont Interprétés. Les Pères les ont mis en relief, soii en

commentant les Écritures, soit en combat tant les hérésies : et, comme SUT tant d’autres sujets, l'œuvre où se résume leur doctrine et qui domine le Moyen

— presque sans partage danle temps où nous sommes

placés et jusqu’au milieu du xuie siècle est celle de saint Augustin. Toutes ces sources, qu’ils COn

naissent surtout par l’intermédiaire 'les florilèges et des collections canoniques, communiquent aux hommes du xe siècle quelques vérités essentielles, surtout d’ordre moral, car la réglementation juridique

est fragmentaire (l'État Vient de s’en dessaisir ! et la systématisation théologique n’est pas encore commencée. La grande affaire a été de fixer, aux premiers siècles,

la valeur morale du mariage : contre le rigorisme OU le laxisme des sectes, les l'ères ont justifie, en les hiérarchisant, les divers états accessibles aux chrétiens. Si la virginité est supérieure au mariage, ut bono melius, et le veuvage aux secondes noces — les Pères le remarquent avec un accent variable et souvent très appuyé — le mariage est, lui aussi, un état honnête que recommandent l’institution divine et les trois biens énumérés dans des textes fameux de saint Augustin : fldes, proies, sacramentum. C’est aussi bien entre les individus et selon leur pureté, leur soumission aux lois de leur état que s'établit devant Dieu la hiérarchie. La continence est au sommet ; puis la chasteté dans les relations conjugales, c’est-à-dire leur limitation aux fins licites : procréer, plaire à Dieu par l’acceptation d’un devoir ; enfin, si la volupté l’emporte sur la charité, il y a pèche, péché véniel. Telle était la doctrine dominante, celle, en particulier, de saint Augustin, en quelques passages célèbres. Il ne faut point, toutefois, oublier que dans le sein même de l'Église subsistait une tendance plus sévère, inspirée par l’horreur de la concupiscence, la méfiance à l'égard de la chair et qui se manifeste notamment, à partir du Xe siècle, par l’extraordinaire croissance de l’ordre monastique. Ainsi, quelques nuances distinguent les Pères dans le jugement qu’ils portent sur l'état de mariage et sur l’acte conjugal.

La notion de sacrement n’a point donné lieu à tant d’analyses. Mais il en résulte une infirmité de la doctrine : l’imprécision. Il n’en faut point conclure que, pour un homme du xie siècle, le mariage n’est pas un signe et que Dieu n’accorde point aux époux la grâce requise pour l’accomplissement de leur tâche. Saint Paul a défini le symbole et Tertullien, par exemple, nous est témoin de la croyance à la grâce. Mais pendant les dix premiers siècles, la grande œuvre, et combien nécessaire, de l'Église, a été d’introduire la moralité dans le mariage, de préciser des règles, de résoudre des cas de conscience, non point d’approfondir le dogme. Les conséquences pratiques de la doctrine importaient plus que les formules savantes.

Pourtant, sur quelques points, l’absence d’une systématisation causait quelque trouble. De la notion de sacrement et des enseignements mêmes de JésusChrist, on ne tirait pas encore toutes les conclusions imposées par la logique. Ce conflit entre la logique et la pratique, la vérité et la coutume, se manifeste surtout dans l’appréciation du principe de l’indissolubilité.

Un peu flottante sur ce point essentiel de la dissolution du lien, la doctrine est encore plus hésitante sur la question de sa formation même. Le consentement fait-il le mariage, comme l’admet le droit romain ? Ou bien certaines solennités sont-elles requises comme l’exige le droit coutumier, comme l’insinuent

certains textes canoniques ? Surtout y a t-il véritablement mariage avant la commixtio sexuuml

La réponse négative à cette dernière question pouvait se fonder sur un texte célèbre de saint I.éon et elle avait été professée par Hincmar. I. Fahrner, op. cit., ]). 87 sq ; voir l’interprétation un peu différente de Schrôrs, Hinckmar Erzbischof von Reims, Fribourgen-Ii., 1884, p. 211) sq. Elle trouvait un appui dans certaines coutumes populaires et dans la tradition juive. « Pour les Juifs, l’alliance de Dieu et de son peuple, alliance qui doit toujours durer, se perpétue par le mariage. D’où la nécessité du mariage qui assure la perpétuité de la race élue et lui permet de continuer à jouir de la bénédiction de Dieu. D’où la réprobation de l’adultère qui dissout cette alliance. D’où le soin attentif de la préservation de la race. L’alliance étant une alliance de race et de sang entre Dieu et son peuple, le fait matériel de la propagation de l’espèce prend une importance capitale. » Cours inédit d’Histoire du droit, de M. Champeaux, Strasbourg, 19261927. Sur le mariage chez les Juifs postérieurement à la fondation de l'Église, cf. J. Neubauer, Beitràge zur Gcschichte des biblischlalmudischen Eheschliessungrechts, Leipzig, 1920. Toutes ces raisons n’avaient plus grande valeur dans la société chrétienne dont la perpétuation est assurée contre tout risque et où l’on met l’accent sur le symbolisme de l’alliance toute spirituelle entre le Christ et l'âme. Mais la tradition juive gardait un certain crédit. Déterminer l’instant où se forme le mariage : tel sera l’un des plus graves soucis de l'Église, au xiie siècle.

4. Objet de cet article.

Nous exposerons non point l’histoire si attrayante et instructive des cérémonies du mariage, non point même toute la doctrine du mariage depuis l’an mille, mais seulement l’histoire du dogme et de la doctrine théologique. C’est dire que les questions de pure discipline, la réglementation complète des conditions de fond et de forme requises pour la validité du mariage, ne seront point traitées : elles trouveront leur place dans le Dictionnaire de droit canonique, et déjà la plus considérable, celle des empêchements, qui occupe dans tous les traités du mariage la plus grande place, a été étudiée ici même dans la mesure où il convenait qu’on l 'étudiât. Voir t. iv, col. 2440 sq. De même, les formalités de la célébration ne nous retiendront guère. On trouvera quelques explications au mot Propre curé (puisque ce mot a été annoncé déjà, avant la publication du Codex). Sur la liturgie, l’article Mariage du Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie, nous donnera certainement des renseignements complets. Enfin, nous n’avons point à étudier en détail le divorce. Voir Divorce, t. iv, col. 1455 sq. ; Adultère, t. i, col. 468 sq.

Nous ne traiterons donc ici que les questions (dont beaucoup, nous l’avons dit, sont fort apparentées au droit) qui intéressent la théologie. Elles ont une extraordinaire ampleur. On peut les grouper sous trois chefs : valeur morale de l'état de mariage ; formation du contrat-sacrement, analyse du sacrement. Seule, la seconde série de problèmes — son titre même l’indique — intéresse à la fois canonistes et théologiens. C’est aussi le chapitre le mieux étudié et nous aurons pour l’exposer de très bons guides : outre I. Fahrner, déjà cité, et Esmein (dont R. Génestal nous donnera bientôt une nouvelle édition), plusieurs livres anciens, mais toujours recommandables : E. Friedberg, Das Recht der Eheschlicssung in seiner geschichllichen Entwicklung, Leipzig, 1865, où l’on trouve d’abondants renseignements sur l’histoire du mariage dans les divers pays d’Europe (et aux ÉtatsUnis) et l’effet législatif des révolutions religieuses : naissance du christianisme, Réforme, Concile de

Trente, lateisme des temps modernes ; A. von Schcurl, Die Entwicklung des kirchl. Eheschliessungsrechtes, Erlangen, 1877 ; P.. Sohm, Dus Recht der Eheschliessung ans dem deuischen und canonischen Recht geschichtlich eniwickeli, Weimar, 1875 ; J. Freisen, Gcschichie des canonischen Eherechts, bis zum Ver/all der Glossenlitteratur, 2° éd., Paderborn, 1893, ouvrage considérable où toutes les questions relatives a l’histoire du mariage et surtout aux empêchements sont approfondies. Les monographies sont très nombreuses. Nous citerons seulement, à cause de leur rapport au sujet qui nous occupe et de leur valeur celles de E. Sehling, Die Unterscheidung der Verlobnisse im kanonischen Recht, Leipzig, 1887 ; Die Wirkungen der Geschlechtsgemeinschalt au) die Ehe, Leipzig, 1883 et de W. von Hormann, Quasiaffinitùl, Inspruck, 1906 (qui s’occupe, avec beaucoup de finesse, de bien d’autres sujets que la quasi-affinité).

La première des trois séries de problèmes que nous avons distinguées intéresse la philosophie et le droit, mais surtout la théologie morale. L’un des plus délicats chapitres en a déjà été traité dans ce Dictionnaire, t. v, col. 374 sq. (Devoirs des Époux). Il nous reste à envisager bien d’autres aspects de l'état de mariage : son honnêteté et sa place dans la hiérarchie des états, s’il est de droit naturel, facultatif ou obligatoire, ses caractères.

Enfin, l’histoire du sacrement nous mettra en présence de questions exclusivement théologiques : signe, efficacité, ministre, matière et forme, institution divine. Bien que cette histoire présente un intérêt considérable, elle n’a jamais fait l’objet d’une étude suivie. Les historiens du dogme ou de la théologie, dont nous n’aurons guère à citer les travaux, si intéressants sur tant d’autres points, consacrent au mariage quelques alinéas, tout au plus quelques paragraphes (ainsi Schwane) sans grande précision. Et ils sont parfaitement excusables ; ils n’ont point, dans des ouvrages généraux à composer toute une histoire qui serait nouvelle. De très utiles indications se trouvent, en somme, dans G. L. Hahn, Die Lehre von den Sakramenten in ihrer geschichllichen Entwickelung innerhalb der abendlàndischen Kirche bis zum Concil von Trient, Breslau, 1864, et P. Pourrat, La théologie sacramentaire, Paris, 1910. Innombrables sont les livres à consulter sur chaque point particulier : ce qui manque, c’est une histoire du sacrement de mariage.

Nous n’avons certes point l’ambition injustifiée ni, présentement, ! a charge de l'écrire : nous voudrions seulement en proposer l’esquisse ou même le schéma. L’un après l’autre, nous avons consulté les commentaires, édités ou manuscrits, que les théologiens ont, depuis l’an mille, consacrés au mariage et sur lesquels nous avons pu mettre la main. Il n'était peut-être pas utile — les canonistes du Moyen Age nous l’avaient déjà insinué et fait éprouver par la méthode directe — de consulter tant d’hommes qui se ressemblent au point que l’on pourrait souvent les confondre, quand ils sont d’une même famille : nous 'entendons qu’un thomiste ou un scotiste du xve siècle quand il commente le mariage, répète la leçon des thomistes et des scotistes du xive siècle. A d’autres nous épargnerons les confrontations inutiles. Surtout, nous suggérerons des confrontations fructueuses. Tout notre dessein est de tracer pour l’usage des historiens quelques avenues, d’ouvrir quelques vues sur de beaux horizons. La nouveauté de notre entreprise, la brièveté des délais qui nous étaient impartis, seront l’explication et, nous l’espérons, l’excuse de nos carences.

5. Plan général. — La constitution d’une doctrine homogène et complète du mariage s’est faite en deux grandes périodes, dont la première que nous appellerons la période classique, finit avec le

Moyen vge et la seconde, la période moderne, te déroule depuis le xxr siècle Jusqu’à du jours, il est caractériser l’une et l’autre. Au m’siècle, le droit canonique contient mit le mariage peu de décisions et les vérités de toi n’ont pas été minutieuses analyses. D fallut compléter les collections, leflorilèges, el la première Renaissance fournit do* méthodes d’Interprétation. Deux siècles de recherche et de controverse ont prépare les tolu--, les conclusions d’Innocent III. de Grégoire IX elles île saint Bonaventure, de saint Thomas, au iiie siècle seulement que le droit est pleinement défini, encore la célébration du mariage i l-elle hors du champ de la réglementation : contrat purement consensuel. Quanl aux vérités natiques, jusqu’au concile de Florence, les dis us des théologiens ne connaîtront guère de int bien entendu que sur les points esseni, il n’y eut pas de division irréductible. l < ^ protestants, les régaliens, les philosophes el tvants Incrédules donnèrent aux facultés dialeclens un nouvel emploi. La révolte contre l’Église qui commence au xvre siècle a d’abord que la Réforme catholique dont l’un des résulfut la transformation du mariage en contrai nnel ; puis, comme toutes les affirmations traditionnelles étaient l’une après l’autre contestée-, des définitions pontificales, précisant les vérités de foi ou proches de la foi arrêtèrent les controverses des théons : l’unité se rétablissait sur tous les points de la rine.

Gin de formation, où l’accord profond de la

lente permettait les tournois des écoles, où l’état même des sciences religieuses rendait inévitables, indispensables les débats, et puis des siècles de coordination, île concentration nécessaire OÙ le contrôle juridique devient plus strict, le dogme plus rigoureusement précis, la dispute moins arbitraire : telles sont brillantes qu’il nous faut successivement étudier. - - Notre exposé sera doue divisé en deux parties : I. La période classique : de la Réforme du xie siècle a la fin du Moyen Age. —II. La période moderne : du xvi’siècle à nos jours (col 222 1). f. La PÉHODB CLASSIQUE : Db LA RÉFORME DU

i" su : i us du Moyen <, i. Nous l’avons l’époque du droit et de la théologie que i xr-xv s) se partage tout naturellement en deux actions successives : préparation, d’abord hésitante au xi « àt ireuse au xir : puis, synthèse olastiques depuis Albert le Grand jusqu’au milieu du xiv siècle et transmission de ces riche ; ue intactes jusqu’à la génération de Luther. — D’où les deux sections de notre étude sur la période médiéva < : I La préparation de la doctrine hjuc. — IL La formation de la doctrine classique 2162).

I. H PRÊFABATIOB DE La DOCTRINE CLASSIQUE. — La période que nous appelons préparatoire est pleine d’une merveilleuse activité, providentiellement ryth Au xie siècle, la réforme provoque un inventaire complet di canoniques ; leur discordance attire

ntion des pape, et des savants. La renaissance du droit romain et celle de la dialectique fournissent, a la fin du siècle, h’les méthodes indispen ystématisation complète et cohérente : les canonistes, avec un zèle accru, commen ient a ordonner leur science ; <- théologiens appliquent aux florilèges scripturaires et patristlques les nouveaux procédés et ainsi s’ébauche la théologie du i : Jusqu’au jour OÙ, vers le milieu du

xir siècle, deux grandes synthèses, celles de Gratien le Lierre Lombard, couronnant l’œuvre des

OTCT. DB THBOl. ( A ni.

premiers canonistes logiciens et des pn.colasliqucs

posent les fondements de la doctrine classique. Lés Sentence* sont au centre d’uni’floraison d’écrits théo logiques, précurseurs de la synthèse magistrale du

xuie siècle. i.es problèmes poses par le Décret

reçoivent, dans les conciles et dans les Décrétâtes, dont c’est l’Age d’or, toutes les Solutions utiles. L’ai

fermlssement de la législation, le progrès « les contre, verses permettront, au milieu du xur siècle, l’achève

nient d’une doctrine classique, presque unanimement

acceptée.

L’action de la réforme grégorienne ; la renaissance du droit romain et la création d’une science canonique ;

la renaissance de la philosophie et les débuts de la

scol asti que ; les premières synthèses ; les conflits de

doctrine entre 1150 el 1170 : le développement de la

législation jusqu’à la parution des Décrétâtes de Gré goire IX : tel est le cycle de questions qu’il nous faut, à présent, parcourir.

L « Le siècle de la Réforme religieuse. Dès la lin

du x° siècle, se produit dans les divers pays de la chrétienté, comme un mouvement de préréforme qui se traduit dans les collections canoniques françaises. allemandes et italiennes. Quelle est la place faite au mariage dans ces diverses collections, qui sont à peu près nos seuls témoins pour les toutes dernières années du x « et la première moitié du xr siècle.’1. Les collections canoniques île la préréforme. En France, Abbon de Fleury († 1004), bien qu’il eût éprouvé par une Intervention fameuse la gravité des affaires matrimoniales, ne s’en occupe point dans sa Collectio canonum, presque exclusivement consacrée au clergé, P. L., t. cxxxix, col. 473-508 ; cf. Amanicu, art. Abbon. dans Dtct. de <lr. canonique, fasc. 1. l’avis. 1924, col. 73-75. Dans son Apologeticus, il mentionne le mariage comme un des trois états (ordincs) entre lesquels se partagent les chrétiens, le moins parfait, concédé par indulgence, encore que permis à tous ceux qu’un engagement spécial n’en lient pas éloignés. P. L., t. cwxix, col. 463. Les secondes noces sont autorisées par saint Paul. Quant aux troisièmes et quatrièmes mariages, non me legisse memini utrum a catholicis debeant celebrari ; sed hoc ubsque ullo scrupulo occurrit ; quod si hoc /admis grave est in feminis, multo gravius est si contingal in niris. Ibid.. col. 464.

Les collections allemandes sont moins indifférentes à la discipline du mariage. Plusieurs livres du Décret de Burchard de Worms, composé entre 1008 et 1012 et qui fut la collection canonique la plus répan due au xr siècle, contiennent des textes relatifs au mariage. Le I. IX. de feminis non consecratis, P. L., t. cxi.. col. 815, recueille les textes de saint Léon sur la distinction entre l’épouse et la concubine, sur l’épouse légitime, plusieurs textes mit la nécessité dr la bénédiction nuptiale, le rapt, le remariage, les causes de rupture du lien matrimonial. On ne trouve point dans le Décret de doctrine sur la formation du lien et, bien que l’évêque de Worms soi ! favorable à l’indissolubilité, il admet, peu logiquement, plusieurs cas de divorce. P. l-’ournier. Eludes critiques sur le Décret de Burchard de Worms, dans Nouvelle unir historique…. 1910.p. 571 » el Le Décret de Burchard de Worms, dans Revue d’histoire ecclésiastique, 1911, p. 682 sq..Même Incohérence dans la Collectio XII Partium (entre 1020 et 1050). P. Foumier, La Collection canonique dite Collectio XII l’artium, dans Revue d’histoire ecclésiastique, 1921, p. 257.

Plus intéressantes encore sont les collections italiennes de la préréforme. La Collection en Cinq Livres, contenue intégralement dans le Vattianns 1330 et le Valltcellanus Jt 11, composée entre 101 i et 1023

et qui semble Inspirée par les mêmes préoccupations que celles de Burchard, a exercé, au cours du xr siècle,

IX. — C8

une Influence considérable sur le clergé de l’Italie centrale et méridionale : douze recueils, au moins, en Bont dérivés. I*. Fournier, Un groupe de recueil » canoniques italiens des X* et XIe siècles, dans Mém. de l’Acad. tics Inscriptions, t. XL, 1915, [>. 95-212. Le t. V, qui, dans le ms. du Vatican, a 231 chapitres, est consacré au mariage. M. P. Fournier en a donne le sommaire, loc. cit., p. 166, el la préface en a été publiée par Theiner, Disquisitiones, p. 271 s<|. L’auteur de la Collection en cinq livres semble avoir mis en circula tion un certain nombre de textes patristiques importants, relatifs au mariage. Il fait à saint Augustin de emprunts probablement directs. Le Dr adulterinis conjugiis et le De bono conjugali ont fourni chacun une trentaine de fragments. Une série importante a pour titre : Expositio Hieronymi presbyteri, I. V, c. 153, 159, 162, etc. : les premiers textes, au moins, paraissent provenir des Commentaires de saint Jérôme sur Matth., xix, 5 et Eph., v, 31. Bon nombre de textes déjà utilisés par les canonistes ont, en outre, été déformés par l’auteur de notre collection. I'. Fournier, loc. cit., p. 175-182. L’origine, enfin, de certains fragments, est douteuse : partisan de l’indissolubilité de l’union conjugale, le compilateur insère, à partir du c. 149, des décisions placées sous le nom de Jolumnes Constantinopolilanus episcopus, qui pourraient être apocryphes. Très défavorable aux secondes noces, il place sous le titre de canon de Laodicée une décision sévère à l'égard des conjoints binubes ou trinubes, t. V, c. 31, § 2, moins sévère, cependant, que la décision qu’il pouvait lire dans sa principale source, la Collection en neuf livres du Yaticanus 1349, t. IX, c. 29, qui dirime les secondes noces, stupra et adulteria. Cette réaction italienne contre les seconds mariages s’explique sans doute par une influence byzantine el par le principe de Vunitas carnis. P. Fournier, loc. rit.. p. 153. Dans la plupart des douze recueils issus de la Collection en cinq livres, des emprunts importants au t. V, ont été relevés.

Si menus que soient, en apparence, les renseignements fournis par les collections canoniques de la première moitié du xi c siècle, ils ne manquent cependant point de portée. Ils témoignent d’abord de l’insécurité des règles sur la formation et la dissolution du lien matrimonial, d’une tendance à l’ascétisme qui se manifeste en France dans l'œuvre du moine Abbon et en Italie par la réaction contre les secondes noces. enfin d’un premier effort pour l’enrichissement du dossier patristique, en vue, précisément, d’assurer l’honnêteté, l’indissolubilité du mariage.

2. La renaissance de l’hérésie.

Tandis que l’attention des canonistes italiens s’arrêtait sur le mariage, il se produisait en France un événement dont on ne put immédiatement apprécier l’importance, précurseur, lui aussi, de grandes actions : le réveil de l’hérésie. Le manichéisme reparaissait, avec sa conception méprisante du mariage, état inférieur qui rabaisse l’homme, que les hérétiques autorisent dans certains cas, sans jamais permettre au prêtre de le bénir, el dont est interdite, absolument, la réitération.

La lutte contre l’hérésie fut inaugurée en 1025. au concile d’Arras, où Gerhard, évêque de Cambrai condamne les opinions des nouveaux hérétiques sur le mariage dans le canon 10 qui est une longue justification du mariage chrétien, appuyée sur une série de textes de saint Paul. Mansi, Conc.il., t. xix, col. 449 sq. ; Hefele-Leclercq. Histoire des conciles, t. iv b, p. 940 et sq.

Pourtant, au milieu du xie siècle, la doctrine du mariage n’est point de celles qui occupent particulièrement les esprits. La centralisation de l'Église, la répression de la simonie et du nicolaïsme sollicitent, avant tout, les grégoriens. A. Fliche, La Réforme

grégorienne, I. i, 1921, et I. ir. 1925. Le mariage ne tiendra qu’une place restreinte dans les œuvres de la Réforme. Nous relèverons successivement les textes qui le concernent dan, les collections grégorienne-, chez les théologiens, enfin dans les lettres des papes.

'.', . Les canonistes réformateurs.- Les canonistes grégoriens se sont principalement occupés de la réforme de l'Église et des clercs : entepri-c fort vaste et la plus urgente. P. Fournier, Les collections canoniques niinaines tic l'époque de Grégoire Vil. dans Mémoires de l’Académie des Inscriptions, t. xi.i. Paris, 1918.

La Collation en 74 Litres ne contient sur la formation du lien matrimonial qu’un texte du pseudoÉvariste (c. 2, Hinschius, p. 87). Cf. P. Fournier, Le premier manuel canonique de la Réforme du XIe siècle, dans Mélanges d’archéologie et d’histoire de l'École française de Rome, t. xiv, 1891. p. 183. — Anselme de Lucques indique dans les deux premiers sommaires de son livre X. consacré au mariage et que nous connaissons seulement parla transcription de Aligne, son opinion sur la formation du lien : c’est le pacte conjugal qui fait le mariage et pour qu’il y ait mariage légitime, il faut que la femme ait été demandée, puis qu’il y ait eu desponsatio et bénédiction nuptiale. P. L. t. cxi.ix, col. 523. Anselme paraît favorable à l’indis solubilité absolue, peu favorable aux troisièmes mariages. Quod tertia uxor superfl.ua est, écrit-il en son c. 1. Des quatre collections grégoriennes, celle d’Anselme est la plus riche de textes relatifs au mariage. — - Le plan du Capitulare d’Atton et celui de fis Collection de Deusdedit excluent les développements sur le mariage. On ne trouvera dans le Capitulare que de rares textes sur ce sujet, parmi les fragments de saint Grégoire le Grand.

4. Les théologiens.

Sur le chapitre du mariage, la seule question qui préoccupe les canonistes de la Réforme, c’est le rétablissement du célibat ecclésias tique. Il faut faire la même remarque pour les publicistes, ('.. Mirbt, Die Publizistik im Leilalter Gregors VII, p. 239-371 el pour les théologiens. Dans l'œuvre du cardinal Humbert, le mariage des laïques n’est l’objet d’aucun développement. Et c’est en marge des traités réformateurs qu’il faut placer un précieux opuscule qui nous fera connaître la pensée de Pierre Damien sur la formation du lien matrimonial.

Cet opuscule a été écrit au cours de la controverse sur la validité des mariages contractés en temps prohibé. Certains canonistes considéraient comme valides ces mariages, pourvu que la consommation fui différée jusqu’au terme du lempus clausum. C'était insinuer que le sacrement se forme par la copula. Pour combattre cette opinion, Pierre Damien rédigea son traité De lempore celebrandi nuptias. P. L., t. cxlv. col. 659-665. Ses arguments, il les cherche d’abord dans une interprétation raisonnable et non dépourvue d’ironie des textes canoniques. Par exemple, si les nuptiæ consistent dans le concubilus, la publicité qu’exigent les canons n’irait point sans quelque scandale. Conséquence plus inattendue encore : tout péché de la chair emporterait mariage. (On se rappelle que, pour Hincmar, il emporte parenté.) C’est démontrer par l’absurde que concubilus… non nuptiæ sed res est potius nuptiarum, col. 601. — L’objection fondamentale à la théorie d’après laquelle le mariage aurait son principe dans l’union charnelle. Pierre Damien la tire de l’exemple offert par Joseph et.Marie : (Maria) non nupsil et tamen juxta Scripturæ sententiam absque dubio nuptias relebravil ; quomodo dicitur, ubi concubilus defuit, nuptias dici non posse ? Nos auteme diverso libère profitemur, et conçu bitum posse sin nuptiis fieri et sine concubilu rate nuptias appellari. Col. 662 II y a des nuptiæ virginales, cœlibes, comme celles de saint Jean. Et elles sont recommandées par l’Apôtre. — Mais s i t34

n Damien s'élève fortement contre la théorie du

inariage par copula, il ne dégage pas avec autant de

vigueur la notion du mariage consensuel : …et huU

intention » prlobolia adduntur et

cum /)r „ ; - matrimonii sacramrntum,

tuni propier speciem heu rænfus nidelicet /"-<>

naborum. eonvivii paralus, dona aponsalia,

taniilariini dotalium instrumenta, et ai </nu aunt '//à'.

Hcet onmia simul junetu nuptix vocantur

Ou reconnaît dans tout ce développement

l’Influence de saint Augustin, avec, en outre, un if

souci de la publicité. Souci bien naturel : Pierre

Damien est surtout préoccupé de défendre les règles

formelles si Importantes dans les périodes où la

coutume règne presque sans partage et particu ment les prescriptions relatives au temps du mariage. Voila pourquoi il insiste sur les solennités plutôt que sur la volonté, sur les signes plutôt que sur le n' « le du consentement. Que le inariage rût, à ses veux, on sacrement, cela résulte du texte même que nous venons de reproduire. Quant au sermon i xix ils sons son nom, P. Z.., t. exuv, col. 897 sq., et qui Wtdn mariage le dernier de douze sacrements, il est d’un cistercien (de Ghellinck).

Il convient enfin de noter que, sur la question des ..les noces, Pierre Damien n’adopte pas le point

me rigoriste des canonistea italiens de la préréforme. Dans le Liber qui dieitur Dominas oobisaun, c . il se demande pourquoi le bigame n’est pas admis

ordres : c’est que le prêtre doit se conformer à l’exemple de Jésus-Christ, vit unius sponsœ… e/tue, procul dubio virgoest, et i ! ne faudrait point penser que les seconds mariages sont proscrits, la condamnation ! va tiens le prouve. /'. /…t. cxtv.cel. 241. Le souci de Pierre Damien de maintenir la tradition de l’Eglise au sujet du mariage se manifeste encore dans son opuscule De parentelse gradibua, ibid., col. 191-208, que nous nous bornons a signaler car. relatif a un empêchement, il ne rentre point dans le cadre de Cet article. En somme. Pierre Damien a surtout contribué au discrédit de la théorie qui attribue une importance Belle à la copula carnalis, et il a mis l’accent suite rôle du consentement, mais sans réduire celui des imites : il respecte la plastique contumière. ." ». Décisions pontificales. — La doctrine consensuelle plus nettement défendue par les papes n formateurs. La papauté, des le temps de Nicolas I ', a canonisé ie principe romain que le consentement des fait le mariage. Mais, a la différence des Romains, les papes du i siècle n’ont pas toujours bien distingué la volonté actuelle de la promesse de contracter mariage. La promesse jurée équivaut à mariage, au jugement d’Alexandre IL l’n habitant d’Aiezzo ayant épousé une femme a qui un autre homme avait juré qu’il la prendrait pour femme ijuraverat enim… in matrimonium priut dueere spon. le second époux est considère comme adultère. qaaniam atténua aponaom vioente proximo eoneupivii cl seduxit. Lettre a Constantin, évêqne d’Arezzo, a. 1066-1067. Jaffé, n. 1617. La distinction entre liançailles et mariage ne nous parut pas mieux établie dans la lettre adressée par Grégoire VII a l’archevêque de Trêves, le 16 octobre 1074, Jaffé, n. 4883 ; i, reiI. ll Registrum, n. 1<> dans Monum. Germ. hiat., BpistoUe srlertic. Berlin, 1920, p. 140-142. Il question d’un clerc marié a la manière des laïques sncramento et dapamatione : rien n’indique qu’il s’agisse de deux actes successifs. W. von Hormann. QaasiafflniUtL, ii, 1 1 1906), p. 11". note 2. et p. 217-223. Que la papauté entendit bien garder intactes les règles traditionnelles et interdire aux laïques toute nouveauté dans la réglementation du m a ri a ge, la preuve en est fournie par un concile romain, tenu aux

environs « le l’année 1085 où Uexandre il maintient la computatlon canonique des degrés de parente que

les légistes cherchaient à modifier. II. litlni". Ls

commencements de r École </e Droit de Bologne, trad, Leseur, Paris, 1888, p. 36 sq. Nom ai quia perveraa tt obstinata mente u recto tramile apostoltem Sedis deviare l’olnerit. et aliter quam nus m nu plus eelebrandti gradua parentelse numerare contendertt, prtnuitn />/< sua temeritate ccelesti peena plectetur, postmodum vero gladio perpetui anathematis noveril se fagulandum, Jaffé, n. oiTti. Voir ci-dessus l’art. Incestueux, t. u. col. 1555.

Au xie siècle, les textes qui concernent le mariage

sont donc assez rares et sans lien. On peut relever

seulement la tendance de la papauté à intervenir dans

les affaires matrimoniales comme en tout domaine, et

un commencement de réaction contre la théorie brutale du coneubilua, en laveur du consensus, spécialement des fiançailles jurées.

La reforme grégorienne n’a point exercé une inllucnce directe sur la doctrine du mariage. Bile a seulement rendu possible, en permettant la centralisation romaine, le plein exercice par l’Eglise du pouvoir exclusif qui lui appartient en matière matrimoniale, l'œuvre législative de la papauté. Cette œuvre législative était, nous l’avons dit, particulièrement délicate, à cause des conceptions différentes du mariage qui partageaient les peuples chrétiens et de l'état précaire des sciences religieuses. Peux grands événements, sur lesquels la réforme grégorienne eut peut-être une inthiencc décisive ont facilité la tâche de la papauté : la renaissance du droit romain à Bologne et la formation des méthodes scient i tiques. 2 La renaissance du droit romain et de la dialectique (1090-Il U)). — 1. La théorie romaine du mariage. Tandis que s’accomplissait la réforme religieuse, dans le dernier quart du r siècle, la renaissance scientifique était inaugurée à Bologne par.'es maîtres de droit romain.

Le droit des derniers siècles de l’Empire contenu, noI animent, dans le Code Théodosien, et aussi dans les reliques des jurisconsultes, était, nous l’avons vii, applicable en Italie et dans le Midi de la France, et l'Église qui vivait sub lege romana contribua sans doute à le préserver contre l’envahissement du droit coulumier. Chénon, op. cit.. p. 502. « l’est peut-être encore aux canonistes qui recherchaient dans les bibliothèques des textes anciens pour autoriser, pour développer la n tonne de l'Église, que l’on doit la découverte des compilations, partiellement oubliées, de Justinien : le Code, les Institutes et surtout le Digeste. P. Fournier, Un tournant de l’histoire du droit, dans Nouv. renne hislor., 1917, p. 129-109 : E. Meynial, Roman Laæ, dans The Legacy of the Middle Ayes, Oxford, 1926, p. 363 sq.

Ces monuments du droit roinano-byzantin, dont l’ampleur dépassait ta Animent celle des recueils occidentaux contenaient des textes nombreux relatifs au mariage. Les glossateurs n’en ont certes point compris toute la valeur historique, mais ils énonçaient quelques principes tort clairs que nous résumerons ici. car ils devaient fournir aux papes de très riches éléments pour la systématisation de la doctrine cano nique du mariage.

Les Institutes (i, 9, Il définissent le mariage : Xtiplitr sine matrimonium est viri et mulieris ninjunctio, indii’iduam conauetudinem vitte continent. L’a dation d’existence, VOila Ce qui caractérise le mariage.

Consortium omnis vitæ, divini et humant /uris corn manient m. dit la définition de Modestin, 2)iff., xxii, 2, I. L’intention de se comporter comme mari et femme mnritatis affectio, lirons affedio, est nécessaire poui qu’il y ait mariage. Cette affectio distingue le mariage

du concubinat. Elle suffit pour la créât ion du lien : la volonté des époux fait le mariage : Consensus facit nuplias, répètent plusieurs textes célèbres et notamment Diy., l, 17, 30 (Ulpien) el Cod. Just., v, 17, 8.

Les historiens modernes se demandent si cette maxime a le même sens en droit romain et en droit canonique. Selon A. von Scheurl, op. cit., p. 11, elle exprime, à Rome, que la constitution d’un ménage, avec l’intention manifeste de réaliser une union matrimoniale est nécessaire et suffisante pour qu’il y ait mariage. Selon Seliling, Die Unlersclieidung…, le simple accord des volontés, suffirait, sans aucun signe de vie commune.

La plupart des romanistes conviennent en un point ; l’accord des volontés qui fait le mariage ne constitue pas un contrat, car il n’a pas pour but immédiat de produire des obligations, mais de réaliser le consortium, la vie commune. La loi, et non la volonté des parties, fixe les conséquences de ce consortium. Le mariage romain n’est donc pas un contrat consensuel. On ne peut davantage le considérer comme un contrat réel dont la femme serait l’objet. Il est un état réalisé par l’accord des parties et réglementé par la loi. L. Desforges, Étude historique sur la formation du mariage en droit romain et en droit français, Paris, 1887, p. 54-59. « C’est une institution morale et sociale d’où dérivent de notables conséquences juridiques et sous ce rapport, et aussi parce que pour sa subsistance un animus constant est nécessaire, on peut comparer le mariage à la possession. Dans la doctrine classique du postliminium, il figure encore parmi les res facli, non parmi les res juris. » Ainsi s’exprime Ferrini, Pandette, 3e édit., 1917, p. 869 sq. La nécessité de cette disposition permanente de l’esprit des époux donnerait au mariage consensuel du droit romain une ligure bien différente de celle du mariage consensuel qui sera reconnu et consacré par l'Église. Peut-être y a-t-il dans cette interprétation de la permanence du consentement requis en droit romain une pointe de subtilité.

Du consentement actuel qui fait le mariage, les Romains distinguent l’engagement de conclure ultérieurement le mariage c’est-à-dire les fiançailles : distinction de grande importance pour l’histoire du droit canonique, mais qui ne se conserva point avec sa pureté primitive dans les usages médiévaux.

Pour la validité du mariage, outre le consentement des époux, est requis le consentement des personnes sous la puissance de qui ils sont placés et qui, dans le très ancien droit, étaient les seuls auteurs du mariage. Un texte dont la forme et l'âge sont discutés, Dig., xxiii, 2, 19, autorise la personne en puissance à en appeler au magistrat quand les parents s’opposent au mariage et à requérir de lui l’autorisation nécessaire. Dans certains cas où le père de famille est hors d'état de donner son consentement, le mariage peut cependant avoir lieu. Le fondement de l’autorisation du père, c’est la puissance ; l’idée de protection n’apparaît que dans le mariage de la femme sui juris. Girard, Manuel de droit romain, 7e édit., 1921, p. 163 sq.

Aucune solennité ne semble requise : ni cérémonie religieuse, ni formalité légale. L’usage des cérémonies religieuses s'était maintenu, en dépit de l’affaiblissement des croyances, mais elles ne constituent pas un élément juridique nécessaire à la perfect ion du mariage. Si… pompa… aliaque nuptiarum celebritas omittatur, nullus œstimel ob id déesse recte alias inito matrimonio lirmitatem…, dit une constitution célèbre de Théodose et Valentinien (a. 428). Cod. Just., v, 4, 22. Des tabulée nuptiales sont souvent rédigées, mais elles ne sont point indispensables. Cod. Just., v, 4, 9 (Probus) et Dig., xx, 1, 4 (Gaius). Elles sont parfois rédigées après le mariage. Dig., xxiv, 1, (56 (Screvola). L'écrit ne

fait point le mariage, dit Paplnien, Dig., xxxix, 5, 31, pr. El il n’exclut point la preuve contraire. Cod.

Just., v, 4, l.'i. Disposition pratique : car les mariages simulés n'étaient point rares, notamment entre personnes qui voulaient tourner les lois caducaires. La rédaction d’un instrumentum dotale est exigée dans certains cas par le droit de Justinien ; mais ce sont des cas exceptionnels. La règle générale (caractère facultatif de l' instrumentum dotale) est affirmée dans plusieurs textes qui maintiennent, en face du droit gréco-égyptien, la tradition romaine. E. Costa, Storia del diritto romano privalo, 2e édit., 1925, p. 31 sq.

Un long débat s’est engagé sur l’importance de la deduclio uxoris in domum mariti, qui est une des trois cérémonies, peut-être la plus importante, de l’ancien mariage sacré et qui s’est maintenue à l'époque classique. On a relevé que le mariage d’un absent n’est valide que si la femme a été conduite dans sa maison. Dig., xxiii, 2, 5 (Pomponius) et qu’une constitution des empereurs Valentinien et Valons, Cod. Theod., vii, 13, De tironibus, G, qui exempte de la capitation les femmes des soldats ayant accompli cinq ans de service, précise qu’il ne s’agit que des femmes deductæ. Il est permis de penser que, dans ce dernier cas, on a voulu éviter des fraudes, dans le premier, des doutes sur la formation du lien. Dans les deux cas, on conçoit que la preuve du mariage a une importance singulière : peut-être la deduclio in domum mariti constitue-t-elle la publicité indispensable. Desforges, op. cit., p. 46-48. D’autres textes, cependant, semblent plus catégoriques, et considérer le mariage comme accompli au moment précis de la deduclio. Cod. Just., v, 3. 6 (Aurélien) ; Dig., xxxv, 1, 15 (Ulpien) ; cf. A. von Scheurl, Consensus facit nuptias, dans Zeitschrift fur Kirchenrecht, t. xxii, p. 269 sq.

On se demande encore si la cohabitation était nécessaire pour la permanence du mariage romain. Certains auteurs considèrent que les Romains ne pouvaient concevoir le mariage sans vie commune ; cf. A. von Scheurl, op. cit. L’opinion contraire s’appuie principalement sur Dig., xxiv, 1, 32, 13. En tout cas, et ceci est capital, le mariage peut fort bien exister et subsister sans que des relations sexuelles s'établissent entre les époux. Nuptias non concubilus, sed consensus facit. Cette règle a des conséquences importantes : la possibilité du mariage malgré l’absence du mari, et qu’une femme dont le mari meurt avant de l’avoir connue, a cependant la condition de veuve. Dig., xxiii, 2, 7.

Toutefois, l’un des buts principaux du mariage est la procréation. On le conclut généralement liberorum quærendorum causa. En plusieurs passages de ses œuvres, saint Augustin mentionne que ces expressions se rencontrent dans les tabulée nuptiales. Le nom d’u.vor procreandorum liberorum causa était spécialement donné à la femme mariée sans manus. Labbé. Du mariage romain et de la manus, dans Nouv. revue hist. de droit…, 1887, p. 19. Mais ce but n’a plus la même fonction morale sous l’Empire que dans la famille primitive dont l’objet était d’assurer la perpétuité du culte. Fustel de Coulanges, La cité antique. A l'époque classique et à Byzance, le but principal du mariage est de réaliser le consortium. — L’absence de cérémonies pouvait rendre difficile la preuve du mariage. Plusieurs constitutions ont eu pour objet d’assurer la publicité. Nous avons dit qu’un écrit est souvent rédigé. A défaut d'écrit, la preuve testimoniale peut être invoquée et aussi la possession d'état. Cod. Just., v, 4, 9. — Les textes romains contenaient, enfin, toute une théorie des empêchements et des vices du consentement que les canonistes ont utilisée. Sur un point essentiel ils étaient en opposition flagrante avec les principes du mariage chrétien ; Us énumèrent un i Mil w.K. i. RE NAISSANi i m » iu>i i

2138

certain nombre de causes de divorce que le droil canonique latin devall complètement rejeter (el qui ne lignifient point, d’ailleurs, que lei Romain » lient conçu, en principe, le mariage comme une association non perpétuelle ; oir mit ce point les controverses récentes dans Cicu, Matrimonium stminarium rtipu ehivio giuridico, t. i. 1921, p. 1 19, note 1 1.

sur ces règles « in mariage a Rome, consulter, outre Kcellents manuels de Girard, ( uq, t ornil, Buckland, etc., et les histoires de Costa, Karlowa, le livre ancien, mais encore utile de A. Rosabach, Vntersuchungen tiber die rim. Ehe, Stuttgart, 1853, qui contient beaucoup de précisions sur les rormes ; une partie (p a pour sujet la consécration reli se du mariage. En outre presque tous les ouvrages aux sur l’histoire du mariage en droit canonique contiennent un chapitre sur le droit romain. Voir encore Zhlshman, Dos Ehutcht der orientaltschen Kircht, Vienne, 1864.

La théorie romaine du mariage consensuel se heurte conception coutumière qui ne donne de valeur au consentement que s’il a été confirmé par un acte particulier que l’on nomme tantôt fiance, tantôt serment, tantôt remise d’arrhes ou « le denier à Dieu, et qui marque en quelque sorte un commencement d’exécution ou le remplacement « le l’exécution par la mise d’une personne ou d’une chose sur qui

se fera l’exécution ; c’est alors seulement que le consentement devient obligatoire. Les textes sont très précis, l’on est obligé non par sa volonté seule, mais mtdiante fide, mtdiante jurumento.

^t cette fiance, ce serment lequel, en ai tendant le véritable accomplissement du mariage, le concubilus, donne déjà a la volonté une certaine portée obligatoire qui va fournir aux canonistes le biais par lequel du mariage contrat réel, achevé par la commixtio seiuum ils feront un contrat consensuel. I'. Champeaux. Cours inédit d’histoire du droit, 1927.

La renaissance du droit romain eut pour conséquence presque immédiate un enrichissement du contenu des collections. Les textes romains renforçaient sensiblement la notion du mariage consensuel. Mais comme les textes canoniques qui semblent établir le rôle essentiel de la copula gardaient toute leur autorité et que la coutume germanique subsistait. des divergences étaient inévitables dans la théorie et dans la pratique. La détermination du moment où le lien de mariage est créé fut l’un des problèmes qui retinrent l’attention des canonistes quand, à la lin du xie siècle, le souci d’expliquer et de résoudre ces divergences les occupa et les conduisit à créer une méthode d’interprétation. Cf. P. Fournier, Un tournant, toc. rit.

2. Les collections préclassiques. La papauté. Ce progrès commença de s’accomplir dans les dix dernières années du iie siècle.

L’impression que donne le Liber de vila christiana, composé par Bonlzo de Sutri probablement entre 1089 et 1095 (cf. P. Fournier, Bonlzo de Sutri. Urbain II et la comtesse Mathllde…, dans Bibl. de l'Éc. des Charte*. 1915, t. i.xxvi. p. 6-Il du tirage à parti. c’est que le diverses conceptions du mariage se mêlent s.uis se fondre, que, par crainte d’omettre quelque élément requis par l’un ou l’autre des droits en vigueur dans la chrétienté, spécialement en Italie, Bonlzo additionne toutes leurs exigences. ' n texte peu connu du I. VIII autorise cette impression : In omni enjo conjugio légitima, hoc in » rimis constderandum est, si ille asciteitur in virum qui a mulierc eligitur, et si (lia eligitur a riro qute diligitur. Deinde si hæ quæ superius diximus leges non contradicunt, oportet ut th tradita a parentibus rel a mundoaldis et dotata tabulis et a sacer dole benedicla et a paranumphti custodtta. Et post nui' liidia jura lus diebus quitus oportet, quitus Interdtctum non est, a pronubis riro confuncta. Ex tttrtt Decreti Bonizonts eptseopi exeerpta, dans Mai. Nova Patrum tttliotheca, t. mi <. Rome, 1854, p. 63 sq.

i es premiers efforts en vue de fixer la valeur des divers éléments énumérés par Bonlzo, Yves de Chartres les accomplit dans ses lettres et dans ses tloi

collections : le Décret (1093 05), la Panormte (vers 1095) et la rrtparttta ; cf. P. Fournier, Les collections canoniques attribuées à Yves de Chartres, dans Bttl. de II des Chartes, 1896, t. Lvn, p. 645 sq., et ^ ves de Chartret

et le tirait canonique, dans Revue des questions liisl.. 1898, t. i iu. p. 51 sq.

Ainsi, dans la Panormte collection très répandue au

xir siècle, l'évéque de Chartres adjoint aux fragments

des Institutes, de saint Aluhroise. d’Isidore de Scvillc.

qui déposent en faveur de la notion du mariage purement consensuel, le tragnient célèbre de saint Léon.

avec cette rubrique (pt le mot mtntstertum se trouve. comme dans Réginon) : Ula mulier non perttnei ad matrimonium cum quu non celebratur nuptiale ministerium. Panormie, vi, 23, P. I.. I. ci. ni, col. 1248. En

réalité. Yves de Chartres annonce, dans la Panormie, une théorie intermédiaire dont la terminologie est empruntée aux Pères et qui aura bientôt un grand succès : le consentement inaugure, commence le mariage. In desponsalione conjugium initiatur, rubr. de l’an., vi, 1 I : A prima jide desponsaitonts conjuges vertus appcllantur, ibid.. 15. La consommation n’est donc point nécessaire pour qu’il y ait mariage. Ibid.. 16 et 29. Et pourtant, il n’y a vrai mariage qu’après la copula. Ibid., 23. A la différence de Pierre Damien. Yves de Chartres reconnaît l’importance du concubilus.

La pensée d’Yves de Chartres, sa terminologie même sont loin de présenter une parfaite cohérence. Dans ses Lettres, il montre quelque hésitation. La Genèse lui semble insinuer que tune primum initur legitimum matrimonium, cum conjuges per commi.itionem carnis reddere sibi invicem passant conjugii debitum. Kp., xcix. /'. L., t. clxii, col. 118-119. El cependant, il admet, se tondant sur les textes, l’efflcacité de fiançailles jurées entre impubères, et que, par ces fiançailles, ex majori parle fucrit conjugium e.r utrorumque valuntate compactant. Ibid. Les fiançailles jurées donnent donc déjà au lien matrimonial — Yves ne fait que suivre la doctrine émise par Fulbert de Chartres. Kp.. xi.i. /'. /… t. cxi.i. col. 223— son plus vigoureux élément. Elles sont irrévocables, Ep., ci.xvii. De même, le mariage est. avant toute œuvre de chair, indissoluble. Ep., c.xi.vu, oi.xi, ccxlvi. Quod si objicilis non fuisse conjugium, ubi constat non subsccuium fuisse cumule commercium. ex auctoritate Patrum respondeo, quia conjugium ex eo insolubile est. ex que pactum conjugale /irmatum est. Ep., CCXLVI. L’indissolubilité est donc liée au pacte conjugal, à la desponsalio : mais ces mots ont-ils sous la plume d’Yves une valeur constante et bien arrêt

Bien qu’Yves de Chartres semble séparer fiançailles et mariage dans certains textes -eue : aux, ainsi au début de sa lettre xcix, en pratique, on ne voit pa bien quelle différence il met entre les liai au moins les fiançailles jurées - et le mariage non consommé. Desponsatio signifie l’un et l’autre (Ep <i et ccxlvi) et aussi pactum conjugale (Ep, , cxxxrv, (.M. m. c.l.xi. ci. XVII, ccxlvi) qui 'iTt : i lier le mariage de Joseph et Marie comme le pacte juré entre deux pères de famille en vue du mariage de leurs enfants. Toute desponsatio, c’e

dire toute promesse jurée aussi bien que toul conseil

tement conjugal constitue la partie principale du

mari. 2 1 39

    1. MARIAGE##


MARIAGE. LES PREMIERS SC0LASTI01 ES

2140

(l’est que, dès l'échange « les consentement*, il y a union des volontés, des Ames, aussi Importante que celle des corps, « car ceux dont les corps doivent être unis par l’acte conjugal, sont tenus d’accorder également leurs Ames. « Ep., c.xxxiv. I.a figure (le l’union (lu Christ et de l'Église ne peut se réaliser par la seule copula carnalis, il y faut la charité, « …nous ne reconnaissons point le mariage là où ne se trouve point le.sacrement du Christ et de l'Église. Or, elle ne semble point inclure ce sacrement, la conjonction de l’homme et de la femme dans laquelle n’est pas ohservé le précepte de la charité. « Ep., ccm.ii. L’affirmation de l’union du Christ et de l'Église par la charité est appelée à une grande fortune. En somme, Yves de Chartres considère que la figure de cette union est indispensable (tandis que la copula ne l’est point), qu’elle se réalise dès le pacte conjugal et que, déjà, les fiançailles accompagnées d’un serment sont la plus grande partie du mariage. Seulement, la copula ajoute au consentement un complément sur la nature duquel Yves ne s’explique point avec clarté.

Ainsi, de grands doutes subsistent, les canonistes sont hésitants sur la valeur relative des éléments qui semblent concourir à la formation du lien matrimonial. Dans toutes les collections post-grégoriennes, cependant, on peut suivre l’introduction progressive de fragments du droit romain relatifs au mariage. Plusieurs d’entre eux avaient pénétré dans les recueils canoniques dès avant l’an 1000. On en trouve notamment dans l’Anselmo dedicata ; mais l’insertion de tous les textes importants des compilations de Justinien commence à la fin du xie siècle. La Britannica (Neues Archiv., t. v, p. 570) et les collections chartraines en accueillent un bon nombre. E. Sehling, Die Unterscheidung der Verlôbnisse im kanonischen Recht, Leipzig, 1887, p. 50 sq. La maxime fameuse d’UIpien n’entra dans les collections que vers l’année 1110, où on la voit figurer au Polycarpus (P. Fournier, Les deux recensions de la Collection canonique romaine dite le Polycarpus, dans Mélanges d’archéologie et d’histoire publiés par l’Ecole française de Rome, t. xxxvii, 1918-19, p. 73, 84), et, sous une forme singulière, dans la Cœsarauguslana : Nuptias non concubitus sed afjectus facit. P. Fournier, La collection canonique dite Cit’saraugustana. dans Noiw. revue hist. de droit…, 1921, p. 70.

Ce n’est pas seulement dans les collections qu’elle s’inscrivit. La papauté lui donne une confirmation nouvelle dans un texte d’autant plus intéressant qu’il marque bien de quel consentement il s’agit : Dico, quod legitimo consensu interveniente ex eo statim conjux sit, quo sponlanca concessione sese conjugem esse asserit. Non enim futurum promitlebatur, sed priesens firmabatur. Innocent II (1130-1143) distingue ainsi mariage et fiançailles, consentement actuel et promesse et il affirme que le consentement actuel fait le mariage. Compil. I", IV, i, 10, dans Friedberg, Quinque Compilationes antiquæ, p. 44.

3. La défense du mariage dans la première moitié du XII » siècle. — Plus urgente encore que la théorie du droit, la défense de l'état de mariage sollicite, en cette première moitié du xiie siècle, l’activité des conciles et des théologiens.

La condamnation du mariage est une des parties communes à presque toutes les hérésies qui prospèrent en ce temps-là : probablement, elle est inscrite au programme des pétrobrusiens, et l’on sait avec quelles expressions sévères, elle figure dans celui d’Henri de Cluny. Ci-dessus, t. vt, col. 2180.

Les conciles ne tardèrent point à réprimer ces attaques. Le concile de Toulouse, en 1119, c. 3, vise vraisemblablement Pierre de Bruys. Cependant, les propositions que Pierre le Vénérable attribue à cet

hérétique laissent si bsister un doute sur ses sentiments. lletclc-I.eclercq, t. v (/, p. 570 sq.

Le même texte devint la loi de l’Eglise universelle au X' concile œcuménique, second du Latran, en 1139. Le c. 23 est ainsi conçu : Ceux qui, sous le prétexte d’ardeur religieuse, condamnent l’eucharistie, le baptême des enfants, le sacerdoce et les divers ordres et le lien du mariage, nous les chassons, comme hérétiques, de l'Église de Dieu, nous les condamnons et les livrons au bras séculier. Leurs partisans sont frappés des mêmes peines. Mansi. ConciL, t. xxi, col. 532 ; rlefele-Leclercq, loc. cit.. p. 731 sq.

La sainteté du mariage est affirmée contre les hérétiques avec une vigueur admirable par saint Bernard dans son sermon i.xvi, n. 3-5, /'. L., t. clxxxju, col. 1091 : Il faut être bestial pour ne pas s’apercevoir que condamner les justes noces, c’est lâcher les rênes à toutes sortes d’impudicités. Otez de l’Eglise le mariage honoré et le lit sans tache, et vous la remplirez de concubinaires, d’incestueux, d'êtres immondes. Choisissez donc, ou de remplir le ciel de tous ces monstres ou de réduire le nombre des élus aux seuls continents… » E. Vacandard, Vie de saint Bernard, Paris, 1920, p. 214 et sq. (nous lui empruntons le fragment traduit de ce sermon dont la véhémence est, jusqu’au bout, soutenue).

On trouverait dans tous les premiers scolastiques qui ont eu à s’occuper du mariage des déclarations fermes sur l’honnêteté du lien conjugal. Saint Anselme qui dans son De coniemptu mundi, P. L., t. CLvm, col. 698 sq., n’a point manqué de décrire les charges du ménage, est aussi empressé à reconnaître, dans le De nuptiis consanguineorum, ibid., col. 555, la sainteté du mariage légitime.

.Mais le plus fructueux travail des premiers scolastiques, ce fut la coordination des auctoritates sur lesquelles s’exerce déjà la dialectique, coordination qui prépare les voies au premier traité de grand style, celui d’Hugues de Saint-Victor.

4. Les collections de Sentences.

Cette période de 1090 à 1140 est l'âge d’or des collections de Sententiæ. G. Robert, Les Écoles et l’enseignement de la théologie pendant la première moitié du XIIe siècle, Paris, 1909, p. 125-131 ;.M. de Wulf, Histoire de la philosophie médiévale, 1° période, c. m ; M. Grabmann, Die Geschichte der scholastischen Méthode, t.n, Fribourg, 1911, p. 131 sq. ; J. de Ghellinck, Le mouvement théologique du XIIe siècle, Paris, 1914, p. 80 sq. Sur les diverses classes entre lesquelles se répartiront, désormais, les écrits théologiques, cf. G. Théry, dans Revue des sciences philosophiques et théologiques, 1923, p. 237. Presque toutes ces collections contiennent des sentences sur le mariage dont l’intérêt ne réside pas seulement dans le choix, mais encore dans les sommaires ou les commentaires qui les relient. Nous examinerons ici quelques-uns de ces Sentenciaires.

Les Sententiæ Magistri A., attribuées à Alger de Liège, par Hilffer, Beitràge zur Geschichte der Quellen des Kirchenrechts, Munster, 1862, p. 28 sq. (attribution contestée, cf. de Ghellinck), font au mariage une place importante, Bibl. nat., ms. latin 3881, fol. 198 sq. Le c. 00 est ainsi conçu : Non est perfeclum conjugium ubi non sequitur commirlio sexuum. L’importance de ce texte a été mise en relief par Hïiffer, op. cit., p. 14 sq. : Sehling, op. cit., p. 54. Son histoire nous paraît sujette à revision. — Les Sententiæ contenues dans le ms. Y 43 Sup. de la Bibliothèque ambrosienne à Milan, que Grabmann attribue à Irnerius, sans rallier tous les suffrages (cf. de Ghellinck, op. cit., p. 84, n. 5), ont quatre titres relatifs au mariage. Grabmann, op. cit.. p. 133, note 1.

On sait quel développement Anselme de Laon é + 1117) et Guillaume de Champeaux († 1121) donM m ; I (, l. l l - PREMIERS SC01 ^.STIQl ES

il 42

2141

nèrent I eatta ht :, rature des Sentences, i.rabmann. usq. Ils inaugurent, avec le Libtr de_ mise rdia que nous avons étudié dans un article récent, i a / iber Pancrisis et quelques autres ouvrages conser vés en manuscrits. un mode de commentaires où s’entremêlent définitivement le texte et le raisonnement dialectique -. De Ghelllnek, op.e « ., p. B6

Le recueil attribué a Anselme traite du maria deux reprises, inselms pon Laon, Systemalisehe Sen hn-en éd lr PI. Bliemettrieder, dans Beitrâge tur

, 'iehte der Philos, des Mitlelatters, t. xviii, ra Munster. 1919. p. 112-113 el p. 129-150. Le premier lient a pour objet île montrer dans le mariage la „ Salnte Trinité. On y reconnaît en effet,

d’abord trois institutions : au paradis, dans la première épttrc bun Corinthiens, dans 1rs règles des sancti Paires modernes qui interdisent le mariage entre con sam uins(ces institutions ne sont point diverses quantum ad naturam conjugii sed quantum ad divenitatem temporis et diversos status hominis) ; puis trois buis : procréer, éviter la fornication, multiplier l’amour ; trois J, u.„ fecunditatis, fides oinculum pudicitise,

mentum signum et figura conjunctionis Christi et trois empêchements : vœu, ordre, parenté ; consentement de personnes légitimes et présentes (il faut noter ce trait), amour des enfants ne nuilo vel voto vel opère evitetur etsi non quæratur, intention d'être fidèle ; trois causes de dissolution : , consensus quie est de præsenti, pactionis, qua de futuro, fornication, impuissance, qui, elle-même, peut avoir trois causes : infirmitas, defectus membrorum. friqiditas.

Traité du mariage, p. 129-151, s’ouvre par I observation que le mariage, a la différence dis autres rements.aété institue avant le péché, ad offlcium. ge successivement l’origine, les biens, les nies. les causes de dissolution, le remariage. Dieu a institué le mariage en créant la femme et en inspirant à Adam paroles : H oc nunc os… Jésus-Christ l’a consacré par ^a présence et son miracle aux noces de Cana. I, première institution fut faite ml offlcium et eut p..ur --ause la multiplication de l’espèce, la seconde. , ut remedium. eut pour but d'éluder la fornication, ce but ne pouvant être raisonnablement séparé de I intention de procréer. Le mariage contracte par l’un des époux en vue d’une autre fin : richesse, volupté, est rieurement un mariage mais, en vérité, l'époux coupable de tels propos est adultère. Avant le

péché l’homme était maître de tous les mouvements de sa chair et l’union des sexes s’accomplissait sans concupiscence. Aujourd’hui, elle entraîne, sauf cependant lorsque le but en est la procréation, faute vénielle dans le mariage et si la faute n’est que vénielle, c est a cause des trois biens mentionnés par saint Augustin. u sujet de ces trois biens, Anselme développe (et ici encore. Augustin l’inspire) la distinction entre læramentum et ré » sacromenti. Seuls les bons obtiennent la res sacramenti. deviennent membres du Christ : tous, bons et mauvais, peuvent recevoir le ment, ainsi anpelé quod aliquid sacrum occultât, e qu’il signifie le mariage indissoluble de JésusChrist et de l'Église. Les trois biens ne sont donc pas i finales du mariage, mais causes de excellence. Apres avoir justifié les caractères du mariage dans la Loi nouvelle. Anselme traite longuement la question du mariage des infidèles, pour conclure à leur validité et qu’ils sont des sacrements : ce qui leur manque, c’est la res sneramenti. Le m même ne peut leur être refusé, puisque le consentement fait le mariage. Dans un paragraphe très important. Anselme présente les textes apparemment contradictoires : dune part. Isidore, saint Ambroise, saint _ustin affirment le principe romain, de l’autre saint

Augustin ic’est l’apocrj phe r< cemment foi gé l d< clare : Tlla mulier non potest pertinere ad matrimonium, cum qua perhibetur non fuisse commtxtlo sexuum. La solution est a, sec : le mariage existe dès l’accord des

volontés, qui en est la cause efficiente. Sans cet accord, point de mariage, par cel accord, le mai est accompli. Mais il j a « tes compl » ments qui ajoutent , h. perfection du mariage, il 5 a des degrés de pi

1 |on dans le mariage. Et II est n rai que, seul, le mariage

consommé réalise l’union du Christ el « le i Eglise. Pans une autre « le ses œuvres, les Enarrationes in Uatthœum, Anselme axait mis l’accent sur cette Idée que le mariage n’est parfait qu’après consommation : Si frigides natures est vir, non perfectum est conjugium. dimittat ipsa eum et nubat alteri. Loa cit., c. v, P. /… t. « i xii. col. 1298. Le mariage n’est indissoluble qu’après la consommation. Ibid., c. nx, col. 1412. Vers la fin de son Traité 'lu mariage, dans les Sententiet Vnselme revient sur la formation du mariage

et il fait entre fûtes pactionis et fides consensus une

distinction dont Guillaume de Champeaux nous Indiquera toute la portée. Quant aux formes du mariage, elles sont variables selon les lieux : in aliqua terra. conjugia liant per sacerdotum consecrationem, m illq œro terra sine eorum benedietione. I.a définition « pi An selme propose du mariage est intéressante : conjugium est consensus masculi et jemiiur. imlinduulem VitSB consuetudinem retinens, i<l est individualiter commanendi et carnaliter commiscendi absque prolis vitatione, legitimus, id est inter légitimas personas légitime

inclus Anselme énumère les empêchements et l « s

causes de dissolution du mariage, que mms n avons pas à envisager ici. I.a variation « les règles est expliquée dans le paragraphe final conformément au Prologue « lu Décret d’Yves de Chartres.

I es Sentences « le Guillaume de Champeaux (ï 11 —). que C. l.etèvre a publiées dans les Travaux et mémoires de l’Université de Lille, t. vi. 1898, Mémoire n° 20, contiennent un titre De conjugiis, p. 68-74, qui ne manque pas d’intérêt. Guillaume, après avoir énumére d’après saint Augustin les trois biens « lu mariage, en étudie les vicissitudes depuis la première institution, au Paradis, jusqu'à nos jours. Il applique assez ingénieusement la méthode recommandée par Yves et Bernold et montre les changements que le temps a introduits dans la loi du mariage (empêchements séparation). Contrairement a l’opinion commune, il pense « pie le mariage n’a jamais été obligatoire, mais que déjà chez les premiers hommes, il était simplement permis Guillaume admet de nombreuses causes de séparation et. dans plusieurs cas, h' remariage : parente spirituelle, jriqiditas. découverte de la cognatio à un degré prohibé : toute cette partie est assez médiocrement traitée. — Le dernier paragraphe du De conjugiis est consacré à cette question : celui qui a engagé sa f « >i peut-il conclure un mariage avec une autre personne ? Le mot /if/es. répond Guillaume, s entend de deux façons : fides pactionis et fides conjugii ; la première, fides qua promillil quod eam recipiel m suam, est une promesse ; par la seconde, époux reçoii comme sienne l'épouse, soit solennellement, soit avant l’accomplissement des solennités, cum aesensu accepit eam in suam. sire in solemnibus sire unie Celui qui, oubliant une simple promesse, prend nne autre femme, doit la garder et taire p l*>ur

manquement a s ;, parole. Mais la foi conjugale ne peut être abolie : l'époux qui prendrait une secondefemme devrait la renvoyer et reprendre la première. Ce texte important contient en -nue la dl tlnction entre les tponsalia de præsenti et les sponsalia de futuro, comme l’observe P Fournier, qui l’a publié vers le temps où paraissait l'édition de Lefèvre, dans la Revue d histoire ri <le littérature religieuses, t. iii, 1898, p. 115. V.

On pourrait s’attendre à trouver dans V Elucidarium d’Honorius d’Autun des renseignements sur le mariage. Nous n’y avons relevé qu’un texte digne de mention, sur le symbolisme : pcr cumule connubium signi/icidur Christi et Ecclesiæ sacramentum, t. II, c. xvi, /'. L., t. CLXxii, col. 1117. Le fragment Ad conjugatos du Spéculum Ecclesiæ ne renferme rien d’important, ibid., col. 807.

Dans son traité Contra hæreticos, qui est comme un sentenciaire apologétique, Hugues d’Amiens présente le mariage comme l’un des trois états permis aux chrétiens, I. III, c. iv, P. L., t. cxcii, col. 1288-1291. Deux idées sont dignes de remarque dans son bref exposé. D’abord, il semble attribuer une grande importance à la bénédiction nuptiale. S’adrcssant aux hérétiques pour les inviter à régulariser leurs unions : sint sponsæ vestræ, écrit-il, sub sacerdolali benediclione, loc. cit., col. 1290. Et dès le début de ses explications, il insinue que la bénédiction nuptiale garantit la vertu du remède que constitue le mariage contre la concupiscence : conjugulis quippe caslilas sub benedictione sucerdotis remedium est contra incentiva carnis, contra libidincm jornicationis, loc. cit., col. 1288. Ihw autre idée qui, elle, a attiré depuis longtemps l’attention des historiens, est mise en relief par Hugues : il s’agit du caractère non sacramentel des secondes noces. « Le mariage du Christ et de l'Église fut un et singulier ; il commença dans le temps, mais il dure dans l'éternité, loc. cit., col. 1288. Les secondes noces ne représentent donc point cette union durable. Elles sont bonnes, honnêtes, mais non sacramentelles. Sed pro iteratione jam non est singulare, nec habet sacramentum cœlestis conjugii unius et singularis, quo Christus junctus est Ecclesiæ perpétua stabilitate. Quisquis ilaque iterando conjugium de unitale transit ad numerum, de singulari ad plurimum, jam non in se représentât sacrosanctum Christi et Ecclesiæ conjugium, quod singulare permanel in eeternum. » Ibid., col. 1289.

Hors de l'École française, des développements intéressants sur le mariage ont été présentés par le cardinal Robert Pull (J1146), Sententiarum, t. VII, c. xxvih-xxxix, P. L., t. clxxxvi, col. 945-960. Ce petit traité a surtout un caractère moral et pratique. Après un tableau des grandes époques du mariage (c. xxviii-xxx), Robert Pull étudie les devoirs des époux et la valeur de l’acte conjugal, qui est naturel, mais corrompu par la faute d’Adam et appartient à la catégorie des actes qui nullalenus ubsque culpa fiunt (c. xxxi) ; mais la faute n’est pas imputée quand les fins du mariage sont recherchées (c. xxx). Les époux ne peuvent se refuser l’un à l’autre le debitum. Mais il leur est loisible de conclure un pacte de continence, dont Pull examine les conséquences avec sagesse (c. xxxii). Les causes de séparation (c. xxxm-xxxiv), les empêchements (c. xxxv, xxxvi, xxxviii), les fiançailles jurées (c. xxxvii), enfin les biens du mariage (c. xxxix) sont étudiés en de petites dissertations précises, dont la plus intéressante pour notre étude est celle consacrée à la formation du lien conjugal (c. xxxvri). « D’après certains auteurs, écrit Robert Pull, la promesse de mariage appuyée sur la fiance (média fide) est irrévocable ; selon d’autres, le consentement qui fait le mariage, prévaut sur la promesse, même confirmée par un serment. » Pull ne prend point parti, bien qu’il semble enclin à admettre la seconde opinion et montre à l'égard du serment une certaine méfiance, qui, partagée par beaucoup de docteurs, contribuera au discrédit des promesses jurées et de la fiance.

5. Abélard.

Tous ces sentenciaires du début du xiie siècle ont, en vérité, mieux contribué au progrès de la doctrine du mariage que l'œuvre, cependant d’une toute autre ampleur, d’Abélard.

Ce n’est point dans le Sic et non qu’il faut chercher, comme on l’a fait parfois, la pensée d’Abélard sur le mariage. Les c. cxxii à cxxxv constituent des dossiers sans conclusion..Mais dans VEpitome theoloyiæ cliristianæ, qui reproduit sa doctrine, bien que la rédaction soit d’un de ses disciples, Abélard traite du mariage sous ce titre significatif : De conjugii sacramenio et quod non con/ert aliquod donum, sicui calera faciunt, c. xxxi, /'. L., t. CLXXvm, col. 1745. Dans le c. xxviii, il avait déjà expliqué : le mariage est classé parmi les sacramenta spiritualia, bien qu’il ne concoure pas au salut, sed propter inconvenientiam ad salutem est concessum ; et il est le signe d’une grande chose. Dans le c. xxxi, il développe cette idée : le mariage ne confère aucun don, mais il est un remède à la concupiscence et permet d’accomplir sans pèche l’union charnelle. Comme son maître, Guillaume de Champeaux, Abélard distingue : fœderationem de conjugio contrahendo, fœderationem conjugii. La première consiste en une promesse, quando promitlii quod eam accipiat sibi uxorem, la seconde, en des paroles qui expriment la tradition actuelle, Trado me libi ad usum carnis meæ, ita ut, quundiu vixeris, non me alii conjungam. Cette seconde foederatio fait le mariage. Nouvelle ébauche de la distinction que proposera Pierre Lombard. On remarquera quelle force Abélard reconnaît à la promesse : c’est déjà une union, fœderutio. Comme son maître, encore. Abélard montre les vicissitudes du mariage. Puis, il étudie les empêchements, les biens du mariage, le mariage des infidèles.

Dans son Sermon sur l’Annonciation, il examine assez longuement le contenu du consentement matrimonial de Marie et de Joseph. Ce ne fut certes point un consensus commislionis carnalis, on ne peut supposer chez la vierge Marie un renoncement à sa virginité. Les deux conjoints s'étaient simplement promis ut castimoniæ virtutem pari cuslodirent consensu. Serm. i, In Annuntiatione B. V. Mariæ, P. L.. t. clxxviii, col. 381 sq. Ainsi se maintenait, se forti fiait le grand argument théologique en faveur du mariage consensuel.

G. Hugues de Saint-Victor. — Le premier exposé général et très ample de la doctrine du mariage, il le faul chercher dans l'œuvre de Hugues de Saint-Victor († 1141). Hugues a traité du mariage dans la deuxième partie de son principal ouvrage, le De sacramentis christiani ? fidei, P. L., t. clxxvi, col. 479-520. Cette partie a été probablement composée sous le pontificat et par ordre d’Innocent II (1130-1143). Hugues a esquissé encore sa doctrine dans le De B. Mariavirginitate, ibid., col. 857-876. Sur l'œuvre et la bibliographie de Hugues de Saint-Victor, cf. ci-dessus, t. vu. col. 240-308 : la doctrine du mariage est résumée col. 282-283. Le chapitre consacré par Mignon à cette doctrine dans les Origines de la Scolastique, t. ii, p. 235262, est un peu diffus et légèrement faussé par des emprunts nombreux à la Summa sententiarum qui, on le sait aujourd’hui, n’est point l'œuvre de Hugues de Saint-Victor.

Le mariage, fait observer Hugues, est une société. L’homme et la femme, qui est une associée, non point une esclave, bien que légèrement inférieure à l’homme. s’engagent par le pacte conjugal à vivre pour toujours en commun. « Le consentement spontané et légitime par lequel l’homme et la femme se constituent débiteurs l’un de l’autre : voilà ce qui fait le mariage. Le mariage est la société même formée par cet accord des volontés et qui lie les deux époux, débiteur^ mutuels, leur vie durant. » De B. Mariæ virginitate c. i, col. 859, cꝟ. 864, et De sacramentis, t. II, part. XL c. iv, ibid., col. 485. Cette conception, Hugues la justifie par les textes classiques où elle est exprimée. El il insiste sur les caractères que doit présenter le con : i, "

    1. MARIAGE##


MARIAGE. LES PREMIERS SCOLASTIQUES

2146

Maternent. Il sera spontané, libre, il devra exprimer une Intention actuelle et non une simple promesse. La cause efficiente du mariage est le consentement mutuel exprimé par de. paroles de présent. / « Eplst. /"'" ai (.'or., q. ii, /' /… t. v i w. col. 52 i. Hugues sépare bien nettement le consentement actuel et la desponqui est, pour lui. la promesse : Nomen autan


sationis non ipsum conjugii consensum quo nuitrinwnium firmatur, sed paàionan et promissionem futuri eom inifteare in ipso ooeis expressione

imus quia et spondere non dure est aul faccrc sed promitterf. De sacramentis, I. 11. part. XI, c. v, t. n xxvi. col. 187. Promettre et agir sont deux

. —, différentes. Ne pas tenir une promesse, c’est mentir. Mais le fait est Irrévocable et surit au regret île l’avoir accompli. Ibid., col. 186, Hugues n’admet donc point l’assimilation des fiançailles jurées au mariage. Qui n’accomplit point von serment est par jure : mais la promesse antérieure n’invalide pas le consentement actuel. Et, comme dan-, le texte classique de saint Ambroise, le mot desponsata sert à

ier la femme déjà mariée, Hugues déclare qu’il

se rapporte tantôt à une promesse, et alors, ce sont les fiançailles, la desponsatio romaine, tantôt au consensus maritalis lui-même. Ibid. Cf. sur cette distinction, Sehiing, op. cit., p. 66-72. Enfin, Hugues Insiste sur

tint, le consentement doit être légitime, c’est-àdire non paralyse par des empêchements. Légitime et inter penonas légitimas foetus, persona légitimasignifiant ees personnes in quibus illa rationubitis causa demonttrari non potesi quare conjugii pactum mutuo firmure non possint. De sacrum.. I. II. part. XI. e. iv. eol.

Le consentement libre, actuel, légitime fait doue le mariage. Est-ce a dire que la dot. la sponsio dis

parents, la bénédiction du prêtre ne jouent iei aucun rôle ? En vérité, non : ce sont là des conditions légales. /<L. ibid., c. v, col. 180 sq. Et Hugues montre bien leur importance pour la preuve du mariage, en exposant le conflit qui peut se produire entre la vérité cachée et la vérité légale. Voici le cas : un mariage a été contracté de manière occulte : cette circonstance n’empêche point qu’il soit valide. I. 'époux qui, oublieux de ses engagements, contracterait un nouveau mariage. publiquement, commettrait un sacrilège. Si la femme abandonnée le traduit devant les tribunaux ecclésiastiques, quelle sera la sentence ? La preuve du mariage occulte étant presque impossible, la femme sera probablement déboutée. L'Église ne peut « faire prévaloir ce qui est occulte sur ce qui est manifeste..Même l’aveu du mari ne saurait servir de preuve : la sécurité lion-, serait fort menacée si l’on s’en rapportait a de tels aveux, un époux désireux de rompre le lien invoquerait trop volontiers un ancien mariage secret avec la femme qu’il désire. Si la preuve du mariage occulte (et valide) n’est point faite, l’homme Infidèle sera donc condamné a demeurer dans le péché. Pour eviterlescandale.il se soumettra à la sentence. Dieu qui, seul, juge les choses (aillées, lui sera peut-être miséricordieux. Mais.sa véritable épouse ne pourrait se remarier sans sacrilège. Et lui-même n’a en conscience aucun droit sur le corps de la femme a qui ise reconna’t qu’il est tenu de rendre le devoir conjugal. Ibid., c. iii, col. 1NK sq. Cette anal] se met en relief le péril de la clandestinité. Nulle part.il n’a été mieux aperçu et mieux décrit. Mais la théorie consensuelle 1 accepte comme inévitable.

Pas plus que leformalités légales, la consommation

n’est requise pour la validité' du mariage. D’abord, le consentement qui ne serait qu’un consensus coitus -ait saris effet. Ibid., c iv, col. 184. Hugues va beaucoup plus loin encore : le consentement au mariage n’implique nullement, à son avis, le consensus

COttuS. De l’accord passe en vue de la vie commune

et qui constate l’union des cuurs, il faut même separci

nettement le consensus carnalls commerça, l’engage

ment que Chaque époux peut faire à l’autre de son corps, la promesse de l’union sexuelle. Est adlme altus

consensus, scilicet carnalis commerça ad invicem exi gendi atque reddendi, stmilem inter virum et mulierem pactionem constituera). Dr n. Marne virgin., e. i. col. 859 ; cf. De sacrum. toc, ni. Cet engagement est

licite. Dieu l’a permis non pour qu’il lût l’essence du

mariage, mais pour qu’il en augmentât les mérites et

la fécondité. De L'. M. rirgin.. <. i. col. 864. Cet enga

geinent n’est pas inclus dans le pacte matrimonial : il n’est point la cause du mariage, simplement il peu accompagner le pacte conjugal, cornes et mat efjectoi

conjugii. o/jicium et non l’imulum. Ibid. lin abandonne le point de vue du juriste pour juger d’un point de vue moral, surnaturel, le rôle de la copula.

Non seulement, elle n’est point la cause du mariage, mais elle en diminue la vérité, la sainteté, i Cet office cessant, il ne faudrait point croire que la vérité ou la vertu du mariage cesse : au contraire, le mariage est d’autant plus vrai et plus saint qu’il est forme par le seul lien de la charité et non par la concupiscence charnelle et l’amour de la volupté. « De H. Mariiv rirgin.. c i, col. 860. C'était reprendre le théine traditionnel, auquel lingues donne plus de précision en distin guatit le vinculum caritatis, l’union des cœurs et la concupiscentia carnis, l’union charnelle qui n’est que l’offlcium conjugii.

La conclusion logique de tous ces développements eût été que le sacrement de mariage se forme à l’instant où le pacte de vie commune est passe et que les mérites des époux grandissent dans la mesure on ils observent la continence. Mais Hugues couronne ses jugements moraux d’une distinction llu’ologique. entre deux sacrements : sacrumentum conjugii, sacramentum conjugalis offtcii.

In conjugio siquidem duo sunt : sacrumentum conjugii et sacramentum carnalis offtcii. Hoc est confugium et conjugii o/Jicium, ulrumgue sacramentum. Conjugium est in fœdere dileclionis, conjugii ojjicium est in générât ione prolis. Igitur amor conjugalis sacramentum est et sacramentum in conjugibus est commislio carnis. De II. M. virgin., c. IV, col. 874. Consentement et copula. en effet, sont le symbole de deux realités spirituelles fort différentes. L’accord des volontés signifie l’inti mité entre Dieu et l'âme, majus sacramentum, l’union charnelle signifie l’union du Christ et de l'Église. « L’amour conjugal est le sacrement de l’amour spiri tue ! entre Dieu et l'âme. L’union charnelle entre les époux est le sacrement de l’association réalisée entre le Christ et l'Église par l’cITel de l’Incarnation. Erunt duo in carne una. sacramentum hoc magnum est in Christo et Ecclesia. Erunt duo in corde uno : sacra mentum hoc majus est in Deo et anima. Ibid.. e. i, col. 8(>b. La même distinction se trouve, avec de plus amples développements, col. 864. Ailleurs, col. 875, Hugues explique la seconde figure, l’analogie parfaite entre l’amour réciproque des époux et celui de Dieu et de l'âme.

De la distinction entre majus et magnum sacramentum, Hugues ne lire point de grandes con équences. En fait, il lui est impossible de méconnatl n que le bul normal, ordinaire bien que non mie isaire, du mariage, c’est la procréation. Fides, proies, sacramentum : il énumère, après saint Augustin, letrois biens du mariage. Et, de façon forl singulière, il cherche a les diviser : Sacramentum. c’est le marbr oient

dit : /ides, /aoles, appartiennent plutôt a l’offlcium conjugii. Ce qui n’empêche point Hugues, tant ; i terminologie est indécl -. 'le rappeler un peu plus loin, dans une nouvelle distinction assez étrange, la 48

double figure qu’il a plusieurs fois proposée : //) quo videlicet conjugio, sacramenium forts est indivis/' societas', Tes sacramentt intus u<i tnvicem flagrant perseveranter antmorum charitas. Sacramenium loris ml Christum et Ecclesiam, res sacramentt intus ad Deum et animant. Vt sicut in copula carnis Christt et Ecclesia sacramenium diximus, ita etiam in fœdere societatis ejusdem sacramenium ostendamus. De sacrum, c. vin. col. 195.

Le mariage appartient à tous les peuples, même infidèles. « Si un infidèle prend femme pour avoir une postérité, garde la foi conjugale, aime et protège ^a compagne, lui demeure associé jusqu'à la mort bien que, par ailleurs, il soit infidèle, puisqu’il n’est point croyant, sur le point du mariage, cependant, il ne va ni contre la loi ni contre l’institution divine. br sacrum., t. II, part. XI, c. xiii, col. 505. C’est que le mariage existait déjà dans le plan de la création, dans la loi de nature. Dieu l’a institué quand, ayant créé la première femme, il inspira ces paroles à Adam : Nunc us ex ossibas… Avant la chute, les relations conjugales étaient autorisées ad offtcium, ayant pour but seulement la multiplication de l’espèce. Depuis la chute, elles sont autorisées ad remedium. De B. M. virgin., c. i. col. 865 ; De sacram., t. II, part. XI, c. iii, col. 481.

Cette fonction médicinale était la seule que reconnût Abélard. Epit. iheol. christ., c. xxxi, P. L., t. CLXxviii, col. 1745. Hugues développe en outre des vues sur la fonction sociale et aussi la fonction surnaturelle du mariage. Le mariage des chrétiens, et lui seul, sanctifie ceux qui le contractent dignement. De sacram., t. II, part. XI, c. viii, P. L., t. clxxvi, col. 496. La vérité des sacrements est double : aliam sciliect in sanctifleatione sacramenti, aliam in effectu spiriluali. Dicitur enim veritas sacramentorum virtus cl i/ratia spiriluatis quæ in ipsis et per ipsa sacramenta percipitur, quam veritalem accipere non possunt qui sacramenta Dei indigne percipiunt, c. xiii, col. 505. Le mariage des infidèles peut être vrai, mais il ne sanctifie point, il ne confère point la grâce.

Hais sur la vérité du sacrement, Hugues professe une doctrine singulière, faute d’avoir compris la notion des empêchements dirimants. Le sacrement est vrai dès lors que les époux se sont, de bonne foi, promis de toujours vivre ensemble. S’ils ont ignoré un empêchement grave, cela ne met point obstacle à la vérité du sacrement. Quand leur erreur sera découverte, l'Église défera le lien. C. xi, col. 498. Et c’est, pour Hugues, la preuve que l’indissolubilité n’est pas essentielle au mariage. Voir sur ce point Mignon, op. cit., t. ii, p. 250 sq. L’unité est, par contre, un trait essentiel du mariage chrétien. La justification que propose Hugues de la polygamie pratiquée par le peuple d’Israël, c. x, reproduit les expressions traditionnelles, celles, notamment dont s’est servi Abélard. Epit. theol. christ., c. xxxi. L’une des conséquences logiques de la théorie d’Hugues serait la possibilité du mariage unisexuel. Pour se défendre contre cette déduction et maintenir la règle de la différence des sexes, il lui faut invoquer la Genèse qui envisage la seule association de l’homme et de la femme. De B. M. virgin., c. iv, col. 873 sq.

7. Conclusion.

Il nous est maintenant possible de tracer une esquisse du développement des idées pendant le siècle qui précède les synthèses classiques.

Le point qui a le plus constamment occupé canonistes et théologiens, entre l’an mille et l’année 1140, c’est la formation du lien, l’importance relative des divers éléments qui concourent à cette formation. Des solennités, on ne s’occupe guère : cependant, Pierre Damien leur assigne un rôle. La grande affaire, c’est de déterminer la part de la volonté et celle de la copula carnalis. Certains regardent la copula comme indispensable pour la perfection du mariage : l’expression I

se rencontre notamment dans Alger de Liège e( Anselme de l.aon. D’autres réservent à la copula une fonction mal définie (Yves de Chartres). Et quant au rôle de la volonté, il n’est pas toujours bien précisé. Dans la seconde moitié du xie siècle, certains papes et Yves de Chartres le considèrent comme déjà rempli au moment de la promesse jurée. Mais la distinction entre fiançailles et mariage est déjà bien marquée dans la première moitié du xir siècle, par Guillaume de Champeaux, par Innocent II. par Hugues de SaintVictor. Avec ce dernier, la réaction contre la théorie du concubitus est au paroxysme. Et déjà la notion du mariage purement consensuel et distinct des fiançailles atteint sa perfection. La confusion qui subsistera encore quelque temps, le vocabulaire en est dans une certaine mesure responsable, Pactum conjugale, desponsatio, nous avons vu quel emploi libéral est fait de ces mots. El l’on joue sur le sens de fides : fiance, bonne foi. fidélité comme on jouera sur le mot sucrumentum.

Tous considèrent le mariage comme un sacrement ; mais dans le sacrement, ils reconnaissent, avant tout, le signe d’une chose sacrée. lit l’union de Jésus-Christ et de l'Église n’apparaît à beaucoup symbolisée que par l’association charnelle. Cependant, le rôle de la volonté, de la charité, dans cette union, a déjà été remarqué par Yves de Chartres et Hugues de SaintVictor cjui aperçoivent un second sacrement dans l’accord des volontés des époux. L’ancienne notion, trop matérielle, du signe, est donc à demi écartée. Elle passera bientôt au second plan.

Moins claire est dans l’esprit des premiers scolastiques la notion de l’efficacité du signe. Ils s’arrêtent à l'énumération des biens du mariage, et ces biens ne sont pas médiocres. Mais la collation de la grâce, ils ne font plus que l’entrevoir, arrêtés par de secrets scrupules qui se dévoileront mieux un peu plus tard. L’ne négation résolue, Abélard est seul à l’exprimer : Anselme de Laon et Hugues de Saint-Victor en revanche, enseignent l’efficacité du sacrement.

De ces difficultés que rencontrent les théologiens, l’origine du mariage rend bien compte. Il est antérieur à la Loi Nouvelle : la part respective de la nature et celle de la grâce, de l'état et du sacrement, nos docteurs ne la savent point discriminer. L’institution divine, au Paradis, leur inspire des illusions, car ils ne voient point les changements introduits dans la nature même du mariage, si attentifs qu’ils soient, depuis la fin du xie siècle, aux variations du droit.

Telles sont les conclusions principales qu’autorise notre enquête. Si l’allure que nous avons dû lui donner paraît quelque peu lente, c’est que le progrès de la théologie et du droit s’est accompli sans révolution. Les noms de Gratien et de Pierre Lombard couvrent tout un ensemble d’idées dont la publication des œuvres du xie siècle et du début du xiie dévoile les inventeurs ou, plus souvent, les transmetteurs. La série des textes s’accroît de façon continue à partir du xi siècle et de même le trésor des idées. Peu de grands noms illustrent la série : Y’ves de Chartres, Anselme de Laon, Hugues de Saint-Victor : encore Hugues ne fait-il, sur bien des points, qu’amplifier les idées d’Anselme de Laon, qui lui-même doit aux florilèges sa science patristique et n’applique pas une autre méthode que celle proposée par Yves de Chartres - et Bernold de Constance.

Le progrès consiste donc dans la perception assez claire du problème primordial : comment se forme le mariage'? Les divers actes de la volonté (fiançailles, serment, consentement actuel), sont distingués avec plus de soin et leur valeur est soumise à examen. La notion du signe s’affine. Le sentiment des variations historiques devient plus vif. M i ; i w ; r.. GR Tll N E l PIERRE LOMB UI>

21 19

i„ revanche, la doctrine reste fragmentaire et par peu sûre. Les théologiens n’ont pas asseï résolu nient dépassé les frontières du droit. Us recherchent surtout les conditions de la collation du sacrement. Mir l’Institution du mariage par Jésus-Christ, l’effl caclté la composition du rite sacramentel, voire sur l’Indissolubilité, Ils n’ont que des vues asseï courtes. M us le problème de la formation du lien qui les préoc eupe principalement, ils en préparent la solution définitive Tandis que les canonistes, embarrassés par quelques textes, sont enclins tout naturellement à attribuer à la copula » "> r°lo soit essentiel soit complémentaire « tans la formation du mariage, les théolo Hiens, moins attentifs a l’acte et à des textes isolés qu’a l’intention et au symbole, mus par des considérations morales, inspirés par l’exemple de Joseph et de Marie, sont dos partisans résolus de la notion du ourtment consensuel. Los deux conceptions, des canonistes et colle des théologiens, vont, dans le même temps, être pleinement et systématiquement formulées par Gratien et par Pierre Lombard.

; Les premières synthèses, au milieu du XJI* si

as grandi ouvrages, l’un canonique, l’autre théorue, vont exercer sur le développement de la doctrine, au milieu du xir siècle une influence sans précédent : le Décret de Gratien et les Sentences de Pierre Lombard.

I. L. Décret de Gratien. Composé peu après 1 1 lii, a pour but de rétablir l’harmonie entre les tes canoniques. Aucun sujet ne justifie mieux que le mariage cette entreprise ; sur aucun, Gratien ne pu1 présenter deux séries de textes d’apparence plus contraires, dans les causes XXVII-XXXVI de la seconde partie.

Une femme desponsata peut-elle rompre son lien iioisir un autre homme ? Telle est la q. n de la cause XXVII. Quel sens Gratien ilonne-t-il au mot desponsatio ? Ksmein traduit par fiançailles. A tort. Il il aussi bien « l’un mariage non consommé : cela résulte de la qualité des personnes à qui Gratien applique le nom de sponsi et de toute son argumentation, sujet de la discussion est doue : faut-il considérer comme époux ceux qui ont déclaré leur volonté de vivre comme tels— Gratien ne précise point s’il s’agit de fiançailles ou de consentement matrimonial — avant que Vunitus carnis ait été réalisée ? La définition du mariage semble s’appliquer à la simple desponsatio et on en peut dire autant de certains textes (pseudoChrysostome, Nicolas L r aux Bulgares). De quel lentement s’agit-il ? An consensus eohabitationis, , rnalis copula-. an uterque ? Dirtum post c. 2. Dans le premier cas, le frère et la sœur pourraient se marier : dans le set ond. il n’y a pas eu mariage entre Joseph et Marie, puisqu’ils se sont épouses avec l’intention de ne point consommer le mariage. En somme. Gratien reprend ici l’argumentation d’Hugues de Saint-Victor. Kt il allègue des textes qui exigent la simple volonté de mener la vie commune. Que les sponsi soient déjà considérés comme époux* la preuve en est fournie par les Pères, par la loi juive, le droit romain et par les canons. Saint Ami. rois.- reconnaît que la paclio conjugalis et non point la defloratio fait le mariage, que le mar. du début ; « un initiatur, peut être appelé

eonjagium. C. 5. Saint Augustin et Isidore de S. ville précisent : a prima f.dr desponsationia conjuges appellantur, c. G et 9, et saint Augustin montre les trois biens du maria. dans l’union de Joseph et do Marie.

Dans le Lévi tique, Dieu regarde comme synonyme Hioret sponsn. Le droit romain ordonne a la femme de porter le deuil tpotui tonquam riri. Les canons, en lin. font naître l’affinité de la desponsatio. C. 11-15.

Dans une seconde partie, Gratien va opposer les preuves directes et indirecte - avancées par l’opinion

2150

adverse. D’abord, saint Vugusliu (le Icxle est apO

cryphe) et saint Léon ne reconnaissent le mariagi qu’après la commixtio sexus. Ibtd., c 16, 17. Puis, de nombreux textes établissent « les différences profondes entre l'état <le sponsm et l'état d'époux. Un éponx ne

peu ! entrer en religion ni faire vuu de chasteté sans le consentement de l’autre épOUX, c. 19-26 : au contraire, qu’un SponSUS puisse librement opter pour la vie solitaire ou monastique, des exemples illustres el des textes le prouvent. Ibid., c. 27, 28. L’impuissance

antérieure à l’union charnelle met obstacle à la forma

lion du lien : survenant après consommation, elle n’est pas une cause de dissolution. Dictum post c. 28 et c. 29. A celui qui a épousé une femme dont le SponSUS est mort, on ne refusera point les ordres sacres, tandis que une est exclu, ibid. La séparation de deux sponsi n’est pas un divortium. ibid. Les canons traitent difïé remment celui qui a eu des relations avec la sœur d< sa femme et avec la sœur de sa sponsa, ibid., c. 30 sq. La femme adultère qui a été séparée de son mari ne peut se remarier : tandis que la sponsa rupin que son fiance ne veut point reprendre peut choisir un autre époux, ibid ;, c. 33 sq.

Peux séries de textes apparemment contradictoires soutiennent donc les théories que, pour rendre plus simples nos explications, nous appellerons théorie consensuelle et théorie de la copula (cette terminologie commode n’appartient pas aux commentateurs du Moyen Age). Gomment Gratien essaie-t-il de faire la conciliation ? En empruntant à la doctrine française la distinction du matrimonium initiatum et du matrtmonium ratum. Sed seiendum est. quod conjugium desponsatione initiatur, commixlione perfteitur. Unde inter sponsum ri si>nnsnm eonjagium est. sed initiatum ; Met copulatos est conjugium ratum. Dictum post c. 34. Cette distinction' est autorisée par certains textes. Ibid., c. 35-39.

Seul, le matrimonium ratum est indissoluble. Seul, il représente l’union de Jésus-Christ et de l’Eglise. Les textes relatifs à l’indissolubilité visent tous le mariage parfait, le mariage consommé. Dict. post c. 39, S L Comment donc expliquer le mariage de Joseph et de.Marie'? Gratien le considère comme par rail en se fondant sur le critère et sur l’autorité de saint Augustin : per/ectum intelligitur non ex officia, sed ex his qux comitantur conjugium. ex fide videlicet, proie et sacramento. Quie omnia inter parentes Christi fuisse uuctoritale Augustini probantur, eod. loco. Enfin, que les sponsi soient appelés con juges, Gratien l’explique encore par l’espérance, née de la desponsatio, de tous les biens du mariage. Dict. post C. 39, § 2. Par plusieurs canons, Gratien justifie cette interprétation, qu’un dictum post c. 45 expose amplement.

La desponsatio ne fait pas le mariage, mais « la volonté antérieure de contracter mariage et le pacte conjugal ont pour effet que la copulation réalise le mariage. Les comparaisons dont se sert Gratien, la médiocrité de son vocabulaire prêtent à équivoque. La conclusion est ferme : l&sponsa n’est point conjux. Cependant, elle n’est pas toujours libre de renoncer a son état : il y a des textes qui ordonnent au ravi de restituer au sjionsus la sponsa rapta, el un fragment plus général de la lettre du pape Sirice a Minière interdit à une desponsata de contracter mariage avec un autre homme que le sponsus. Mais Gratien ob que dans le cas dont s’occupe Sirice, il y a eu deduclio in domum et bénédiction. El les textes qui énoncent le même principe, il faut supposer qu’ils s’appliquent a des sponsm benedictte. Le sponsm qui abandonne la sponsa et contracte un autre mariage que celui qu’il avait promis commet une sorte de sacrilège : illu bénédictin quam nupturm sacerdos imponii, apud fidèles cujusdam sacrilegii Instar est. si ulla transgressiom 21 51

MAlUAGi :. GRATIEN ET PIKHHK LOMHARD

21 52

violetur, avait écrit le pape Sirlce. Et Gratien de

reprendre : Talium discessione violatur benedictio, quant nupturæ sacerdos imponit. Dict. in c. 50.

La clandestinité n’est point considérée par Gratien comme une cause d’invalidité. Dans la cause XXX, q. v, il présente les textes qui l’interdisent, c. 1-6, et en déduit que les mariages conclus au mépris de ces prescriptions pro infectis haberi debent. Dictum post c. 6. Il arrive un peu plus loin à une conclusion toute différente : les mariages clandestins sont contraires aux lois, mais indissolubles, dès lors qu’ils sont prouvés. Le motif de leur prohibition, c’est la difficulté de la preuve et. le risque déjà signalé par Hugues de Saint-Victor. Dicta post c. 8, post c. 9 et post c. 11. Le mariage est non legitinwm, mais il est ratum. C. XXVIII, q. r, dict. in c. 17.

Nous n’avons pas à exposer ici la théorie des empêchements ni celle de la dissolution du mariage, mais deux questions doivent retenir notre attention : quelle est la valeur du mariage contracté entre personnes qui ne sont point catholiques ou libres ? Le mariage entre infidèles peut être valide, caus. XXVIII, q. i, car aucun précepte divin n’interdit le mariage aux gentils. Si un infidèle se convertit, Gratien ne lui reconnaît le droit de contracter un nouveau mariage que si l'époux demeuré infidèle l’abandonne ou lui rend insupportable la vie commune, contumelia Crealoris. Caus. XXVIII, q. il, c. 2, et le dictum de Gratien. Le mariage d’un chrétien et d’une infidèle est nul. Caus. XXVIII, q. i, dict. Grat. in c. 14, parce que cette union est contraire aux lois de Dieu et de l'Église ; et certains textes interdisent le mariage entre chrétiens et hérétiques. Ibid., c. 16. Entre esclaves ou entre serfs, il peut y avoir mariage légitime et de même entre un serf et une femme libre. Caus. XXIX, q. il.

Il ne faut point chercher dans le Décret une théorie complète du consentement mais des indications fragmentaires. D’abord, Gratien considère comme indispensable le consentement des deux parties, celui de la femme comme celui de l’homme. Caus. XXXI, q. n. Mais les enfants ne peuvent se marier sans le consentement des parents. Caus. XXXII, q. ii, dict. Grat. in c. 12 : Gratien renforce donc sur ce point l’autorité paternelle, comme le note justement Esmein, op. cit., 1. 1, p. 157.

Le mariage parfait peut-il être dissous par le divorce ? Le cas le plus grave auquel on puisse penser, c’est l’adultère. Dans la caus. XXXII, q. vii, Gratien se demande si celui qui a renvoyé sa femme causa fornicationis peut se remarier. Après avoir allégué les textes fameux qui semblent admettre l’affirmative, il conclut résolument que le matrimonium ratum et consummatum est indissoluble. La captivité ou la longue absence d’un époux n’autorisent pas l’autre à se remarier. Caus. XXXIV, q. i et n.

La notion du sacrement est imparfaitement dégagée. Le mot sacrement désigne tantôt l’indissolubilité du lien, caus. XXXII, q. i, dict. in c. 10, tantôt ce lien lui-même, ou encore le signe sacré de l’union du Christ et de l'Église. Caus. XXVII, q. il, dict. in c. 39. Ce dernier sens est commun chez les théologiens.

2. Les Sentences de Pierre Lombard.

Quelques années après le Décret, et postérieurement à l’année 1151 (cf. J. Pelster, dans Gregorianum, 1921, t. ii, p. 387-392 et 445), Pierre Lombard présenta l’exposé complet de la théologie du mariage. Ses sources sont faciles à déterminer : il a emprunté à Hugues de SaintVictor et à Gratien presque toute sa matière. O. Baltzer, Die Senlenzen des Petrus Lombardus, Leipzig, 1902, p. 151-159. La preuve, en ce qui concerne Gratien, avait déjà été faite par P. Fournier, Deux controverses sur les origines du Décret de Gratien, dans Revue

d’histoire et de littérature /r//(/(>use.s, 1898, t. iii, p 97 sq., 253 m|.

Le plan que suil Pierre Lombard, t. IV, disl. XXVIXLII — moins imparfait que dans bien d’autres parties de son œuvre - est important à connaître. puisque la théologie du mariage sera principalement développée dans les commentaires sur les Sentences. Nous le résumerons ainsi : Double institution, caractère facultatif, valeur morale, symbolisme du mariage, dist. XXVI. Définition ; rôle du consentement et de la copulation, dist. XXVII. Fiançailles jurées ; contenu du consentement matrimonial, dist. XXVIII. Liberté du consentement, dist. XXIX. L’erreur ; le mariage de Marie et de Joseph ; les causes finales, dist. XXX. Les trois biens ; la valeur de l’acte conjugal, dist. XXXI. Le devoir conjugal, dist. XXXII. Règles du mariage ; de la polygamie dans l’Ancienne Loi, disl. XXXIII. Empêchements d’ordre physiologique, dist. XXXIV. Rupture du lien, dist. XXXV. Empêchement de condition sociale, d'âge, dist. XXXVI. Empêchement qui résulte des ordres sacrés ; uxoricide, dist. XXXVII. Empêchement de vœu ; longue captivité, dist. XXXVIII. Disparité de culte ; mariage des infidèles, dist. XXXIX. Consanguinité, dist. XL. Affinité ; définition des péchés charnels, dist. XLI. Parenté spirituelle ; secondes noces, dist. XL II.

On peut reconnaître dans ce tableau quelques grandes divisions : formation du lien, dist. XXVII et XXVIII ; vices du consentement, dist. XXIX. et XXX ; rapports conjugaux, dist. XXXI-XXXIII ; empêchements, dist. XXX1V-XLII. La place assignée aux divers sujets n’est pas toujours justifiable et les développements ne brillent point non plus par l’ordre et la clarté. Enfin, les matières juridiques tiennent dans ce cadre beaucoup plus de place que la théologie. Laissant de côté les distinctions relatives aux empêchements, dont nous ne retiendrons que quelques fragments qui se rapportent à l’objet de cet article, nous résumerons successivement la doctrine de Pierre Lombard sur la formation du lien, le sacrement, la moralité et les caractères du mariage.

a) Pierre Lombard, ayant adopté la définition, déjà devenue classique, de Hugues de Saint-Victor, précisé, avec l’aide de Gratien, le sens de Vindividuu consuetudo, servitude mutuelle, fidélité, communion, dist. XXVII, c. 2, pose le principe fondamental : la cause efficiente du mariage, c’est le consentement exprimé par des paroles ou par certains signes, nec de juturo sed de pressenti. Sans expression du consentement, pas de mariage ; toute expression libre du consentement des époux crée immédiatement le lien : Isidore de Séville, Nicolas Ie ', (pseudo) Chrysostome, saint Ambroise s’accordent sur ce point. Le pacte conjugal fait le mariage, avant même la copulation, c. 3, et le nom de conjux est applicable dès la desponsatio, comme l’affirment saint Ambroise, saint Augustin et Isidore. C. 4. Les sept textes et plusieurs de^ expressions de Pierre Lombard sont empruntés à Gratien, dont la théorie est présentée dans les c. 5 à 8. Le Lombard fait observer que, entre consensus et copula, la séparation n’est point radicale dans le Décret, mais consensus facit matrimonium in coitu.

A cette doctrine, Pierre Lombard oppose sa propre distinction : le mot desponsalio est appliqué tantôt à la promesse de contracter mariage, tantôt au consentement actuel, de pressenti, c’est-à-dire au pacte conjugal. Dans le premier cas il y a fiançailles et les parties doivent être appelées sponsus et sponsa, dans le second : mariage et les parties sont conjuges. Plusieurs des textes allégués par Gratien appliquent le terme sponsus à des personnes qui ont formé la pactio conjugalis de pressenti, et c’est donc avec raison qu’on les appelle conjuges ; d’autres réservent au mot son sens ►153

M < 1 C, I. GR I II I I PIERRE LOMBAR 1°

2154

propre. Les premiers appliquent les règles du mariage, econds, celles des Qançallles, et ainsi s’explique leur contradiction apparente, lis ne distinguent point entre le mariage non consommé et le mariage consomme m. lis entre le mariage contracté per rcrba de prtnentl et la promesse de mariage per verba de futuro, c’est i dire, les Qançallles. c. s 10. Même ion famées par un serment, les Raqçallles no font point le mariage : Pierre Lombard copie sur ce point l’argumentation de Hugues de Saint-Victor. Dist. XXVIII, , 1 Bn revanche, le consensus, de prtesenli régulier est toujours irrévocable. En un seul cas Lombard, admet la séparation après l'échange des verba de iti : quand lo mari est impuissant et que la femme no l’a point su au moment Un contrat. Mais le motif de la séparation, c’est que l’impuissant n’est point une personne pleinement autorisée par la loi à contracter mariage. Dist. XXXIV, c t.

Pour caractériser lo consentement, Pierre Lombard reprend les termes de Hugues do Saint-Victor : -rvisijs cohabitationis, vel carnalis copultt non )iicit conjugium, sed consensus conjugalla societatis. Dist. XXVIII, c t. Quant à son expression, elle sera. on principe, verbale, mais tout signe qui établit avec certitude la volonté dos contractants suilira. Si les paroles expriment ce que lo coeur no veut point, cette obligation née dos paroles : Je te prends pour mari, je to prends pour femme, fait lo mariage, pourvu qu’elles n’aient point été prononcées sous l’empire do la violence ou du d >1 * Dist. XXVII, c. 3-4. 1-a théorie des vices du Consentement est exposée par Pierre Lombard, dist. XXIX.. dist. XXX. c. 1. en termes identiques à ceux que nous avons relevés chez Gratien,

L’originalité du Lombard est. en revanche, très remarquable au chapitre dos consentements requis. Puisque seul, le consentement dos époux fait le mariage, l’intervention des parents n’est point indispensable. I.a traditio parentum fait partie de cet ensemble d'éléments coutumiers qui donnent au mariage décence et solennité. Et dans cette catégorie, Pierre Lombard place aussi la bénédiction nuptiale : Quee<tam (sunt) pertinentia ad decorcm et solemnitulem sucramenti, ut parentum traditio, sattrdotum benedictio rt hujusmodi ; sine quibus légitime /il conjugium, quantum ad rirtutem. non quantum ad honestatem sacramenti. Dist. XXVIII, c. 2. Ce n’est point que Pierre Lombard approuve le mariage clandestin : Sine his ergo non quasi legitimi conjuges, sed quasi adutteri vel fornicatores conreniunt, ut illi qui clanculo nubtint, ajoute-t-il au passage que nous venons de citer. La difficulté sera de prouver ce mariage : mais au for interne, il existe, indubitablement.

b) Le mariage est donc un sacrement dès l'échange des rerba de priesenti. Il répond, on effet, à la définition : signum sacræ rei. Avec Hugues do Saint-Victor, Pierre Lombard expose la double union de Jésus-Christ et de l'Église. Les époux sont unis par la volonté avant de l'être par la nature, symbole de la copula spirilualis per caritatem de Jésus-Christ et de l'Église. Dist. XXVI, c. 6. Ainsi est justifié le mariage do Marie et de Joseph. Dist. XXX, c. 2.

Ce que signifient les texte, de saint Augustin et de saint Léon qui semblent exiger le nuptiale musterium, c’est qu'- la seconde figure n’est point réalisée avant la copula. Si elle se réalise, il y aura non point comme un second sacrement - Pierre Lombard évite ici le langage de son modèle — mais une image plus parfaite de l’union de Jésus-Christ et de son Hglise. Dist. XXVI. c. 6.

Du caractère sacramentel. Pierre Lombard s’occupe dans une sorte de préambule dont la source est Hugues de Saint-Victor et OÙ il unit les deux quesi ions de l’origine et de la cause finale. Dist. XXVI, c. 1-5. Le

mariage à la différence des autres Bacrements fut d’abord institue au Paradis avant le péché, lorsque « l.un prononça ces paroles inspirées : Hoc nnne OS., Le but. c'était la multiplication du genre lui main el

tout homme avait ! < devoir d’j contribuer, prima

tnstltutto habutt prseeeptum. Après la chute, le mariage

reçut une nouvelle destination : H avait été Institué adofflcium, il le fut, désormais, ad remedtum, ut natura exeiperetur, et cette seconde institution habutt induU genliam, c’est-a-dlre que le mariage est simplement

permis.

r) Que le mariage fut simplement toléré, qu’il eût

pour but les relations charnelles, cela posait un double problème : celui de la valeur de l'état de mariage et plus spécialement de l’acte conjugal. Quod nuptite b<<u : i sint : telle est la rubrique du c. ô do la dist. XXVI. El les textes classiques sur ce sujet sont allègues. Dans la dist. XXXI, o. 1 et '_', Pierre Lombard expose, d’après saint Augustin, la nul ion des trois biens du mariage et que Vu/] cet us conjngalis suffit, sans Inten tion formelle d’avoir des enfants. Le mariage, on effet.

peut être contracté' pour des causes variées, dont la principale est la procréation, la seconde, d'éviter la fornication, mais d’autres buts sont concevables : les mis, honnêtes, comme la paix, les autres moins louables : l’amour de la beauté ou des richesses. Et le mariage est valide, même si la fin on est médiocre, quia vita mala vel intentio peroersa altcujus sacramentum non contaminai. Dist. XXX, c. 3 et 4. L’union des sexes aurait clé bonne et profitable et sans aucun emportement charnel, si Adam n’avait péché. Depuis la chute, cette union suit la concupiscence et elle est coupable si la recherche des biens du mariage ne l’excuse. Mais la copulation en vue de la procréation c-t sans péché : pratiquée causa incontinentim, sans intention de procréer, mais fide servata, elle entraîne faute vénielle. Dist. XXXI, c. 5. C’est l’enseignement de saint Augustin. Dans le premier cas, ajoute Pierre Lombard, il y a concession, dans le deuxième, permission et c’est ainsi qu’il faut entendre l’indulgence dont parle l’Apôtre, I Cor., vu. G. Ibid., c. 6. Pierre Lombard adopte les remarques de saint Augustin sur la mesure à observer dans les relations conjugales et sur l’excuse du conjoint qui rend le devoir, c. 7, et il considère comme licite, si elle est modérée, la délectation charnelle que les trois biens inspirent.

d) Les caractères du mariage chrétien occupent assez longuement Pierre Lombard : la dist. XXXIII est consacrée à la polygamie des Hébreux. Dans un fragment assez curieux de la dist. XXXVIII, C. 3, Pierre Lombard admet que si un homme marié contracte un second mariage en pays lointain, bien qu’il soit adultère, il devra rendre le devoir conjugal à la seconde femme, quand elle le réclamera. Le mariage ne peut se dissoudre que par la mort de l’un des époux, auquel cas un second, un troisième et même un quatrième mariage est licite. Dist. XLII, c. 7. Le divorce n’es » jamais permis, même pour cause d’adultère. Dist. XXXVIII, c. 3.

Du mariage des infidèles, le Lombard s’occupe brièvement, dist. XXXIX, c. G-7, et pour combat t re. avec Gratien. l’opinion qui leur déniai ! toute valeur aux yeux de l'Église. C’est un conjugium legitimum, non ratum. Legitimum est quod legali institulione vel provineiee moribus, non entra fussionem Domini contrahitur.

-1° La controverse doctrinale. — L'œuvre de Gratien

confrontait, en quelque sorte, fous les textes, toutes

les opinions qui avalent trouve place avant lui dans

ollections canonique :. t elle de Pierre Lombard

absorbait la i lie des théologiens et notamment de

Hugues de Saint-Victor. Tout ce qui a précède les

deux grandes synthèses est désormais périmé. Quand 2 1 5

    1. MARIAGE##


MARIAGE. GRATIEN ET PIERRE I.OM I ! A ?U)

2156

ils combattront la théorie qui assimile au mariage les fiançailles Jurées, les hommes du Moyeu Age ne sauront point qu’elle fut professée par Yves de Chartres, et, dans les Sentences, ils ne chercheront point la trace de Hugues « le SaintVictor.

Cependant, les deux ouvrages qui inauguraient la synthèse du droil canon et de la théologie étaient loin de la perfection ; ils ne présentaient qu’un exposé fragmentaire et assez mal coordonné de la théorie du mariage. Sur la formation même du lien, les solutions que proposent Gratien et Pierre Lombard ne manquent point d’artifice, car les textes qu’il s’agit de concilier sont antérieurs aux critères qu’on leur veut imposer ; enfin elles sont divergentes. Or, le Décret et les Sentences vont servir de base à l’enseignement, aux commentaires des canonistes et des théologiens pendant toute la période de formation des doctrines classiques.

Au milieu du xii° siècle, la doctrine de Gratien fut assez généralement acceptée en Italie, tandis que celle de Pierre Lombard régnait en France : plusieurs contemporains relèvent cette antinomie. Esmein, op. cit., t. i, p. 124 sq. Elle se manifeste dans toute sa force jusqu’en 1170, et il nous faut l'étudier dans l'œuvre des canonistes et des théologiens de cette brève période.

1. Les disciples de Gratien.

Peu de temps après la publication du Décret paraissent (vers 1150), les Sommes de Paucapalea et de Roland Bandinelli (le futur Alexandre III), V Abbreuialio d'Ûmnibene (vers 1156), les gloses de Cardinalis (vers 1160), la Summa coloniensis et la Summa parisiensis (vers 1170), et plusieurs traités sur le mariage : Schulte en a signalé quatre dans son troisième Beitrag zur Geschichte der Literatur des Dekrets, p. 34 sq. Cf. J. F. von Schulte, Die Geschichte der Quellen und der Literatur des canonischen Rechts…, t. i. Les décrétistes suivirent assez fidèlement les opinions de Gratien ; sur plusieurs points, ils les précisèrent. Le point essentiel de la doctrine de Gratien, c’est la distinction entre matrimonium initialum et matrimonium ratum. Cette distinction, les canonistes la reproduisent, et on la trouverait aussi dans certains ouvrages de théologie, ainsi dans les Sentences de Roland Bandinelli, édit. Gietl, p. 270 (ces fameuses Sentences renferment presque exclusivement au titre du mariage un traité des empêchements).

Le principal intérêt de cette distinction, c’est que le mariage simplement commencé peut être dissous dans certains cas. Gratien n’a point arrêté la liste de ces cas, mais ses commentateurs les énumèrent. Un Tractatus de matrimonio anonyme, publié par Schulte, Decretistarum jurisprudentiæ spécimen, 1868, p. 18, en compte huit : nouvelle desponsalio suivie de consommation, fornication volontaire du conjoint, rapt, maléfice, entrée en religion, perpétration d’un crime énorme, maladie chronique, longue captivité. Même liste dans la Summa coioniensis. Roland, dans sa Somme, compose une série quelque peu différente : le matrimonium initiatum peut être dissous pour impuissance, maladie de la femme, longue captivité du mari, affinité survenante, folie, parenté spirituelle, rapt à la suite duquel le sponsus ne voudrait plus recevoir sa femme. Summa, édit. Thaner, p. 130, 144, 181, 186, 187, 189, 200.

L^n autre progrès de l’analyse juridique conduisit à formuler une théorie ziouvelle de la formation du lien, différente de celle de Gratien, bien que l’auteur de la Summa coloniensis pense, en la produisant, interpréter sainement le Décret : comparant le mariage à la vente, il considère que le mariage est réalisé au moment de la tradition corporelle. Édit. Scheurl, Die k’nlwickluny des kirchlichen Eheschliessungsrechls.

1877, S 22, p. 168 ; cf. Freisen, op. cit., p. 189. Cette opinion est aussi professée dans la Summa de matrimonio de Vacarius, composée peu après 1156, cf. Magistri Vacarii Summa de matrimonio, dans Lau> quarlerlg Ret’ieiv, I. an, p. 270-287, et l’article de Maitland, ibid., p. 133-1 l'î, reproduit dans ses Collectai Papers, t. iii, p. 87-105. Sur la pratique, celle opinion n’eut gi d’influence. La notion de sacrement n’est point développée par les décrélistes. A la suite de Gratien, ils distinguent le mariage consommé qui, représentant l’union de Jésus-Christ et de l'Église, est sacramentel et le mariage non consommé. Midrimonium aliwl est, quod continet in se Christi et Ecclesiæ sacramentum, idiud non. Matrimonium enim, curnuli conjunclione perfectum, Christi et Ecclesiæ sacramentum continere dit itur. L’triusque siquidem copulu conjunctionem Christi et Ecclesiæ significat, unde sponsa dicitur non pertinere ad matrimonium, quod continet Christi et Ecch.siæ sacramentum. Roland, Summa…, édit. Thaner, p. 130. … primie nupliæ Christi et Ecclesiæ in se continent sacramentum, ibid., p. 156. En d’autres endroits, Roland emploie le mot sacramentum pour signifier l’indissolubilité. On trouverait cette même diversité de sens chez tous les décrétistes : pas un seul ne donne encore au sacrement son sens plein, celui de signe efficace. Freisen, op. cit., p. 34 sq., 173 sq.

2. Les disciples de Pierre Lombard.

La doctrine du mariage exposée par Pierre Lombard eut une diffusion rapide et très étendue.

Parmi les décrétistes mêmes, il semble que le glossateur Cardinalis l’accepte, puisqu’il considère comme parfait et indissoluble le mariage purement consensuel et entend par nuptiale myslerium le maritalis afjectus. Maassen, dans Comptes rendus de l’Académie de Vienne, t. xxiv, p. 23. Cf. Freisen, op. cit., p. 35 sq.

Les résumés des Sentences reproduisent les thèses du Lombard. Bandinus, Sententiarum libri IV, dist. XXVI-XXXV, P. L., t. cxcir, col. 1105-1110.

Quel que soit l’auteur de la Summa Sententiarum. on sait que le Tract. VII, De sacramento conjugii, P. L., t. clxxvi, col. 153-174, appartient à Gautier de Mortagne. M. Chossat, La Somme des sentences, œuvre de Hugues de Mortagne, p. 78 sq. Ses chapitres se rapportent aux empêchements, à la moralité du mariage : un seul, le c. vu traite de la formation du lien : quod juramentum de juluro non facial in præsenti conjugium. La distinction entre la promesse et le consentement actuel y est clairement établie. Même netteté dans deux intéressantes lettres écrites par Gautier de Mortagne en 1155 et dont certains passages pourraient être tirés du c. vii, De sacramento conjugii : la doctrine d’après laquelle les fiançailles jurées constituent le mariage, y est vigoureusement combattue. La séparation entre verba de præsenti et verba de fuiuro fermement marquée. Martène, Velerum scriptorum collectio, 1. 1, col. 834-837 ; cf. W. von Hôrmann, op. cit., p. 209, note 1.

A cause de l’unité de mariage entre le Christ et l'Église, la doctrine commune admet que les secondes noces, bien que licites et honnêtes, ne contiennent point le sacrement de cette union. Summa Sententiarum, P. L., t. clxxvi, col. 172.

3. Les éclectiques.

Si l’antinomie est bien marquée entre la plupart des auteurs qui ont exprimé leur opinion sur le mariage au milieu du xue siècle, il est pourtant des auteurs qui empruntent à la fois au maître de Paris et au maître de Bologne.

Les Sentences de Gandulphe, composées entre 1160 et 1170, marquent un essai d’harmonisation, pas toujours très heureux, comme le note avec raison von Walter, des doctrines de Gratien et de Pierre Lombard. Magislri Gandulphi Bononiensis Sententiarum libri quatuor, Vienne, 1924, p. cxiii. La définition 21 ;

    1. MARIAGE##


MARIAGE. I ES DÉCRET VLES

! I : -s

même ilu mariage proposée par Gandalphe montre que cet auteur ne s’est pas complètement séparé de l'École >liIm> ogne Matrimonium est conjunctio inter eos quorum utrrquf offert dtbitum rtddert tentbatur vel

tenttur. ita ut neulri illorum dividuam i itam sine, « m mum eonstnsu fas sit servant, scilicel continenter vivat.

I alllnite ne résulte, -clou Gandulphe, « pie de la

copulu earnalis. * 236. Celui <l » nt le conjoint meurt

la consommation du mariage n’est point considéré comme veuf, s 240. L’union charnelle parfait l « mariage. §24-1. Mais, avec Pierre Lombard, Gandulphe

dislingue consensus de prstsenti et consensus d : futuro. 1 12. Ie premier fait le mariage, S 235, 238, '.Ml. La Femme qui abandonne son mari Impuissant et a iIi-n relations avec un autre homme ne contracte pas un second mariage valide. Les explications de Gandulphe -air le symbolisme sacramentaire sont proches de la leçon des Bolonais. $ 239. La commixlio sexuum ne représente, a son avis, l’union du Christ et d u>e si elle a pour luit la procréation ou

encore la redditio debiti earnalis, qui signifie l’obéissance due a Dieu par l'Église. Et seule l’union des -. est symbolique, dans le mariage. I.a combinaison des doctrines bolonaise et française nous parait être le principal intérêt des Sentences de Gandulphe.

pinioris sont éclectiques plutôt qu’originales, et non seulement sur la formation du lien matrimonial mais sur toutes les questions classiques : il traite avec ampleur de la valeur île l’acte conjugal, de la chasteté et surtout dis empêchements, qui occupent les lieux tiers de son Traité du mariage, § 264-357.

disputes philosophiques, aussi, s’annonçaient. Eudes d’Ourscamp († 1171), dans ses Quasstiones, édlt. l’itra, Analecta, t. ît. p. '.>7. cherche à accorder la pluralité de sujets et Vunitiis earnis. Puisque les époux ne font qu’un seul corps, leurs péchés seront-ils communs ? Et puisqu’il faut répondre négativement, en quoi consiste l’unité.' Et cette unité est-elle plus forte entre les époux qu’entre les amants ? Se réalise-toile entre l'époux, l'épousee ! le complice du conjoint adultère.' Ordre de problèmes dont les conséquences pratiques ne furent pas négligeables et dont nous aurions tort de méconnaître la place qu’il tenait danla spéculation médiévale. Sur Eudes d’Ourscamp, îrebmann, op. fit., p. 25 sq.

Les tolulions législatives. - l.a principale difficulté qu’il importait de résoudre, c'était donc la /'nation du moment précis OÙ se tonne le lien matrimonial. II

sait la d’une question pratique, susceptible d’une solution générale et qui devait attirer l’attention « les grands papes législateurs qui occupent la chaire pontificale à partir du milieu du xiie siècle, spécialement

iiulre III et Innocent III ; ils la réglèrent avec un remarquable sens de la mesure. Cf. A. I.. Smith. t'.hurch and State in the Middle Ages, Oxford, 1913, p. 72 sq. Quelques-unes de leurs décisions ont été diversement interprétées par les modernes. Il semble que l’on doive distinguer et nous distinguerons id deux étapes dans le triomphe de la doctrine consensuelle. Alexandre III prépare ce triomphe, mais non point sans hésitation ni tergiversation. Apres une courte période de quasi-immobilité du droit, Innocent III développe les conséquences du principe romain, auquel Grégoire I donnera des confirmations nouvelles avant de l’imposer a la chrétienté en publiant son recueil de Décrétâtes. Les textes législatifs que nous devons résumer sont dispersés dans le Quinque compilationes anttqute rédigées entre 1191 et dans les Décrétâtes d.- Grégoire IX (1234), que nous désignerons pa' le rigle X, si-ion l’usage. Cf. Dictionnaire, t. iv, col. 2>i~. 209 » q. ; tout le quatrième livre de ces diverses collections est consacré

  • M mariage. -Il nous paraît utile, pour que l’on con

n -.issc le cadre propose aux Commentaires « les canonistes, d’en indiquer le plan. Le premier titre du livre IV des Décri (aies « le i.1. golre IX, le plus Important pour notre sujet, contient trente deux Fragments sur la loi mation « lu mariage et des fiançailles. Saint Raymond « le l’ennafort a rassemblé ensuite les textes les plus notables sur le mariage d.s Impubères, tu. ii, la clandestinité, lit. m. le double mariage, t. i v (de sponsa duorum), les conditions, ut.. les empêchements cl Incapacités, lit. i i. la légitimité, lit. xvii, l’accu sation dans les causes matrimoniales, lit. xviii, la séparation, lit. xix. les donations entre époux, (il x.

le remariage, lit. xxi.

1. La formation du lien d’après les Décrétales dans /</ seconde moitié du m/e siècle. l.a doctrim

consensuelle était reçue avec faveur par l'Église romaine (et c’est donc Improprement qu’on l’a appelée

parfois, au Moyen Age et « le nos jours : théorie galli cane). Nous l’avons déjà rencontrée dans plusieurs décrétales. Mais ce mariage formé par le seul consentement est-il parfait, Indissoluble, avant d’avoir été consommé? Ou bien la copula doit-elle Intervenir pour la perfection du lien ? Les papes ont « lu trancher cette question lorsque sYst présenté, dans la pratique, l’un ou l’autre « les cas envisagés par les commentateurs du Décret.

l.a plus simple et la plus importante des difficultés « pie les papes ont eu à résoudre, c’est le cas de la sponsa duorum : si une femme qui a contracté mariage perverbadi pressenti contracte et consomme un s « 'con « l mariage avant « le connaître son premier mari, lequel « les deux mariages « loi ! être maintenu ? Innocent II axait déclaré valide le premier mariage, Compil. l IV. i, ld : « lès qu’un consentement légitime est intervenu, le mariage est accompli. Les relations charnelles « pii s'établiraient par la suite avec une antre personne seraient donc gravement coupables.

Alexandre III est presque aussi net. au moins dans une décrétale. Compil. I IV. iv, c. 6 (8) ; un mariage a été célébré sans l’assistance d’un prêtre, sans l’accom plissement d’aucune « les solennités d’usage en Angleterre ; après « pioi. la femme a épousé solennellement un autre homme et a consommé l’union. Si le premier mariage a été réalisé par le consentement réciproque el actuel, exprimé par ces paroles : Ego te recipio in meum et ego le recipio in meam, malgré le manque de solennité et bien que la copula earnalis n’ait pas été réalisée, ni l’homme ne pourra contracter un nom eau mariage, ni la femme : cum nec poluerit nec debuerii pusi totem consensum alii nubere. La solution serait parfaitement nette si Alexandre [II ne semblait exiger, a défaut de solennités, un certain formalisme dans l’expression « lu consentement, puisqu’il veut « pie les paroles mêmes qu’il cite aient été prononcées. Dans d’autres décrétales qui visent la même hypothèse, il semble ne donner la préférence au premier mariage « pie s’il a été contracté « n présence du prêtre « m d’un notaire, X, IV, IV, .'i. ou avec les solennités coutumières, X, IV. xvi. 2. Et ailleurs, il ne présente cette même solution « pie comme la plus sure, l’opinion des 'I'" leurs « tant divisée et la coutume ecclésiastique llol

tante. Compil. / », IV. IV, 1, (fil et."> (7). L’idée que I ni

le mariage consommé est parlait et indissoluble inspire plusieurs autres décisions d’Alexandre III. Ainsi, il applique au mariage simplement consenti la théorie de l’afflnitas superveniens : après avoir contracté mariage, un homme s « st abstenu des relations conjugales, mais il a connu sa belle-mère. Si la faute est publique, une pénitence sera imposée au coupable « pu pourra ensuite, avec dispense, se remarier, la femme, « le son « ôte. recouvrant toute sa liberté. A. IV, Kin, 2.

Enfin, Alexandre III. confirmant la coutume eccli siastique autorise chaque « 'poux, avant la copulation, CO

à se retire]- dans un monastère sans assentiment de

son conjoint. X, III, xxxii, C. 2 et 7.

En somme, Alexandre III reste, dans une certaine mesure, fidèle à la doctrine de Gratien, d’après laquelle le mariage n’est parfait que par Vunitax carnis : Non surit una caro inr et millier nisi cohœserint copula maritali. Compil. / a, IV, i, 2. Pour justifier l’entrée en religion d’un époux avant la copula, il écrit : quurn non /uisscrit una caro simul effecti, X, III, xxxii, 2 et, plus explicitement encore, dans le c, 7, eod. tit. ; l’interdiction faite par Dieu à l'époux de renvoyer son épouse se rapporte au mariage consommé. Mais il adopte la distinction de la desponsatio de præsenti et de la desponsatio de /utiiro, avec une terminologie moins nette que le Lombard et quand les paroles de présent ont été prononcées, il soumet au jugement de l'Église le sort d’un mariage non consommé qui, jadis, était abandonné à l’arbitraire des époux et qui ne l’est plus que dans le cas où l’un d’entre eux veut se faire religieux. Compil. I*, IV, iv, 5 (7).

Les décrétales de la fin du xiie siècle ne contiennent rien d’important sur le sujet qui nous occupe si l’on excepte une lettre d’Urbain III à l'évêque de Florence, par laquelle il rend la liberté aux sponsi quand l’un d’entre eux devient lépreux avant consommation du mariage. X, IV, viii, 3. Voir. afi'é, n. 15176 (Lucius III).

A la fin du xii c siècle, on peut donc dire que le droit canonique, tout en affirmant le principe que le consentement fait le mariage, continue de ne considérer comme indissoluble que le mariage consommé, d’admettre plusieurs exceptions au principe général du mariage consensuel.

2. D’Innocent III à Grégoire IX.

Ces exceptions furent presque toutes effacées entre l’avènement d’Innocent III (1198) et la publication des Décrétales de Grégoire IX (1234).

D’abord, l’adjudication de la sponsa duorum au premier et seul véritable époux, à celui qui, le premier, a engagé sa foi par paroles de présent, est prononcée sans réserve par Innocent III dans plusieurs décrétales : Si dictus vir cam per verba de præsenti desponsavit, ad eam cogendus est de jure redire. Compil. III*, IV, i, 2(1198). Même netteté dans deux autres décrétales du même pape, X, IV, iv, 5 (1200), IV, ii, 14 (1206) et dans une lettre de Grégoire IX (1227-1234) à l'évêque du Mans. X, IV, i, 31. Raymond de Pennafort inséra ces trois décisions dans son recueil et découpa de telle façon deux des décrétales d’Alexandre III que toute réserve y était levée. A", IV, iv, 3 et IV, xvi, 2.

C’est encore Innocent III qui abolit l’application des conséquences de Vaffinitas superveniens au mariage non consommé. X, IV, xiii, 6 (1200). La raison qu’il donne est, d’ailleurs, étrangère à la distinction du mariage consommé et du mariage simplement contracté, et limite sensiblement l’ancienne théorie de l’affinité survenante. La décrétale d’Alexandre III que nous avons citée fut corrigée par Raymond de Pennafort, A', IV, xiii, 2, pour n'être plus applicable qu’au cas de fiançailles.

Une retouche analogue permit à Raymond de Pennafort de modifier le sens de la décrétale d’Urbain III relative aux lépreux : il l’appliqua aux sponsnlia de futuro. X, IV, viii, 3.

Sur plusieurs points notables, l’importance de la copula continue d'être reconnue. D’abord, celui qui épouse une veuve dont le premier mariage a été consommé est irrégulier quantum ad gradus ecclesiasticos. C’est un des aspects de la théorie de la bigamie interprétative. Au contraire, si le premier mariage de la femme n’a pas été consommé, il n’y aurait pas bigamie. A', I, xxi, 5. Cette distinction, apparemment subtile, avait au Moyen Age une certaine importance pratique. Génestal, Le priuilegium fori en France, 1921, 1. 1, p. 73.

La conséquence la plus grave que l’on ait retenue de la doctrine de la copula, c’est la possibilité pour l'époux d’entrer librement en religion avant la copula carnalis. La plupart des premiers décrétistes avaient adopté sur ce point l’opinion contraire, énoncée par Pierre Lombard. Mais les Décrétales d’Alexandre III que nous avons indiquées, confirmées par Célestin III, dans .V, III, xxxii, 14, changèrent leur position. Sur tout ce développement législatif, cf. Esmein, op. cit., t. i, p. 126 sq. ; Freisen, op. cit., p. 190-205 ; I. Fahrner, op. cit., spécialement p. 169-214.

3. La législation relative au consentement.

Puisque le consentement fait le mariage, les papes ont eu à déterminer les conditions requises pour que le consentement fût valable.

Quant au fond, ils exigent que le consentement soit actuel et sans vices. Exiger que le consentement soit actuel, c’est écarter définitivement la doctrine d’après laquelle les fiançailles jurées valent mariage. La coutume de promettre avec serment le mariage était si bien établie que le mot jurare est parfois employé dans les Décrétales pour signifier les fiançailles. Compil. i a, IV, i, 15. Celui qui épousait une autre personne que celle à qui il avait juré sa foi contractait un mariage valide et subissait seulement la peine du parjure. Compil. I*, loc. cit. et IV, iv, 6. Cependant, Alexandre III invite l'évêque de Poitiers à contraindre le jureur à exécuter son engagement, s’il n’a pas d’excuse légitime. X, IV, i, 10. Dans une autre décrétale, il décide qu’un fiancé qui, depuis son serment, a eu la vocation religieuse, doit d’abord contracter mariage ; avant la consommation, il pourra se faire religieux. Mais déjà Lucius III rappelle le principe que les mariages sont libres. X, IV, i, 17.

Que le consentement doive être actuel, cela n’exclut point la possibilité d’y apposer des conditions. Cf. X, IV, v, De condilionibus adpositis in desponsationibus et in aliis conlractibus. Il ne peut s’agir, en matière matrimoniale, d’une condition résolutoire qui serait contraire à la loi de l’indissolubilité. Seules, sont admises les conditions suspensives. L’idée qui inspire le droit canonique étant de favoriser le mariage, toute condition immorale ou illicite, pourvu qu’elle ne soit pas contraire à l’essence du mariage et délibérée par les deux époux, est simplement réputée nulle, X, IV, v, 7 ; et l’on entendait assez largement le moral et le licite, puisque l’on peut stipuler que l’un des époux donnera à l’autre une somme d’argent, X, TV, v, 3 et subordonner le mariage au consentement d’un tiers, ibid., c. 5 et 6. Cf. Esmein, op. cit., t. i, p. 171-178. Mais le mariage est nul qui est contracté sous une condition contraire à son essence, comme d'éviter la procréation, de se livrer à la prostitution en vue de gagner de l’argent, ibid., c. 7. Le mariage conditionnel devient pur et simple par l'événement de la condition, par un consensus de præsenti ou par la copula carnalis. X, IV, v, c. 5 et 6.

Le consentement n’a de valeur qu’autant qu’il est lucide. Donné sous l’empire de la folie, il est tenu pour inexistant. X, IV, i, 24. La notion de l’erreur fut maintenue par la pratique telle que l’avaient dégagée Gratien et Pierre Lombard. Sur le point controversé de Vcrror conditionis, les papes déclarèrent annulable le mariage contracté par une personne libre avec un esclave dont elle ignorait l'état. X, IV, ix, c. 2, 3, 4. Toute violence ne vicie pas le consentement. Le mariage contracté sous l’empire de la violence ou de l’erreur était susceptible de confirmation par l'établissement libre de rapports conjugaux ou par leur continuation. A', IV, i, 28 : ix, 2.

Les formes de la célébration du mariage ne pouvaient être rigoureusement déterminées, puisque le consentement crée, à lui seul, le lien. Cependant, les. 2lt11

M lï I i ; I' FORMATION DE LA DOCTRIN1 Cl VSSIOUE

Il 62

traditions romaines et canoniques n'étaient point trahies.1 une liberté sans règle dans la formai ion des mariai ;.- Les papes eurent le souci de maintenir tontes les conséquences du principe : Consensus fælt nuptlas et d’assurer a l’expression du consentement une clarté, une publicité suffisantes. Le principe consensuel exclut les Formules solennelles : tonte expression claire de la volonté tics parties doit être tenue pour valable. Nous avons cru relever dans une décrétale d’Alexandre 1 1 1 une tendance au formalisme. Mais l’exigence de certaines paroles n’a jamais pu r « l’autre but que tic rendre Impossible toute ambiguïté, la forée obligatoire n’a jamais réside dans les

term

i seulement les paroles, mais encore des signes

parfaitement clairs peuvent exprimer le consentement. Innocent III explique ainsi l’expression per lyrba de pnesenti : ce ne sont point les paroles qui font le mariage, puisque les enfants qui les prononceraient vant l'âge de raison ne seraient point lies, et les

sourds, les muets peuvent contracter mariage. X, IV. I, c23 et 24.

La présence même des contractants n’est pas requise.

Innocent III, qui est l’auteur des deux di cri tales relaaux sourds et muets, a déclaré dans une autre décrétale, .Y, III. xxxii, 14, la validité du mariage contracte par l’intermédiaire d’un nuncius qui transmet la volonté de l’une des parties. Cf..1. Bancarel, I.t mariage entre absents en droit canonique, thèse, Toulouse, 1919. Les parolesont, naturellement, tenues pour l’expression sincère de la volonté des parties. On les Interprétera selon le sens commun, X, IV. i, 7 : l</ communem verbi intelligentiam recurratur et cogatur uterque verba probatu in eo sensu retinere, quem soient recte intelliuentibus generare. Mais les paroles peuvent être mensongères, et il s’agit alors de savoir si le mariage que n’ont point voulu les parties, malgré pparences, est cependant réali-é. Il ne l’est certes point devant Dieu. Au for externe. Innocent III admet que si l’absence de consentement est prouvée, le mariage n’a pas eu lieu. -Y. IV. i. 26.

La difficulté n'était point tant d’Interpréter les paroles des contractants que de prouver l'échange des consentements, aucune formalité n'étant requise à peine de nullité. Les mariages clandestins sont fréquents. Alexandre III le remarque, dans une lettre à

pje de Padoue, où il enjoint d’excommunier les coupables. Compil. 1 IV. îv. I. Nous avons relevé plus haut des lettres où il met l’accent sur l’importance de

ennité. Mais le mariage clandestin est parfaitement valide. Compil. / ». IV. îv. 6,.S. Compil. II". IV, iii, 1 ;.Y, IV, m. 2. Nonaurons relevé dans les DéeréMes tout ce qui a quelque intérêt pour la théologie en signalant que les secondes noces sont permises avant même l’expiration d’une année fie deuil. A", IV, xxi. c. 1 et.V Mais elles ne sont pas bénites. Ibid., c. 1 et 3.

La part faite aux théories de (indien et de Pierre Lombard danles Décrétâtes de Grégoire IX peut donc être fort simplement déterminée. La maxime : Contensas fæit naptias domine tout le I livre. El comme l’expression eontractus matrimonialis est couramment employée (voir, par exemple, tit. i. c. 26, 21. 32), on peut dire que le mariage apparaît dans le droit des Décrétâtes comme un contrat consensuel, dont les effets sont même plus énergiques, plus immédiats que ceux

contrats consensuels des Romains, puisque, l'échange des consentements, -ans aucune tradition, chaque époux acquiert sur son conjoint la plénitude de ses droits. Le consentement actuel fait le mariage. Mais le rôle de la eopula carnalis n’est point complètement exclu. Elle peut avoir un effet conlirmatoire ou supplétoire : elle annule la condition qui tenait

DICT. DE I lll'.oL.. Ull.

en suspens un mariage, A. IN. V, 6 ; elle continue un

consentement vicié par l’erreur ou la crainte, X, i.

xmii. i ;. i. i. J : clic transforme les fiançailles en mariage pourvu qu’il ait vraiment réalisation de

l’imitas citrnis et non point simple tentative. A. 1. i.

c. 30 et 32 ; IV, v, c. 3 et ù. Ces hypothèses sont pra tiques, comme on peut le voir aux Registres des offl cialités. Et pour offrir un tableau complet, il faudrait ajouter que l’impuissant est un Incapable et que toute

la théorie de la dispense de mariage non consommé'

a pour point de départ la décrétale d’Alexandre ni

sur l’entrée en religion des époux axant copulation. Cf. Brys, De dispensatione in fure canonteo, Bruges, 1925, p. 204.

Ii ne faut point chercher danleDécrétâtes mudoctrine complète du sacrement, ni même une leinii nologie très sûre. Ici nous avons voulu seulement relever dans le Corpus les textes qui servent de conclu

sion définitive aux controverses sur la formation < lien, le couronnement d’un effort qui, depuis le r siècle, s’est accompli surtout dans le domaine du droit. Nous en a ons poursuivi l'étude Jusqu'à l’année 1234, parce qu’il eût été arbitraire d’arrêter l’esquisse du conflit entre (iratien et Lierre Lombard au moment où la Législation commence de le dirimer et que celle partie consacrée a la préparation de la doctrine classique serait incomplète, mutilée, si nous n’y faisions place aux fondements législatifs. Mais les rares éléments théologiques contenus dans les Décrétâtes, c’est dans l’exposé de la doctrine classique elle-même que nous les devons incorporer, car ils sont, au milieu de dispositifs juridiques, l'écho de l’enseignement des Commentaires et des Sommes dont l'âge d’or commence à la tin du xir siècle et qu’il noir ; faut, maintenant, étudier.

II. L.l FORMATION 1>K I. DOCTRINE CLASSIQUE. Préambule : Les sources. La renaissance du droit avait donc abouti à une législation assez ferme sur le seul point qui eût été jusqu’alors objet de controverse et qui put être réglementé : la formation du lien. Dès le pontificat d’Innocent III. la théorie consensuelle inspire, malgré quelques réserves, toutes les décré laies. Alors commence la période brillante de la scolas tique où les anciens problèmes sont approfondis avec un souci plus vif de justifier par le raisonnement les autorités, où se découvre toute l’ampleur des questions proprement t héologiques. Soumettre à un examen minutieux les textes et la pratique en vue de reconnaître les divers aspects du mariage, puis insérer en quelque sorte le mariage dans la doctrine générale des sacrements : Ici fut. au xiir siècle, le double souci des docteurs.

Telle est aussi la double série de problème. que nous examinerons successivement : dans une première série, nous distinguerons, avec les théologiens et canonistes du Moyen Age l'état, le contrai et le sacrement de mariage, et nous étudierons leur cause commune, le consentement des époux. La seconde série nous fera connaître les divers traits du sacrement. Avant d’aborder ces sujets, une présentation rapide des sources s’impose.

1. Concurrence de la théologie et du droit. Dans

l'élaboration de la doctrine du mariage, le partage ne fut jamais nettement établi entre le domaine des théologiens et celui des canoniste, . Et il ne pouvait l'être. puisque le mariage est à la fois, par le même acte, contrat et sacrement. Lierre de Poitiers définit ainsi dans une liste trop concise ce qui est du ressort des théologiens : Quid Bit sacramcidum conjugii, et quid res sacramenti, quee inslilutio et guss cousu efflciens, et causa ftnalis et causa divortiis animadoertendm. Sententtarum libri qulnque, I. V, c. xiv. /'. /… i. n a, col. I2.'17. En fait, les commentateurs des Sentences

IX.

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    1. MARIAGE##


MARIAGE. FORMATION DE LA DOCTRINE CLASSIQUE

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reprenaient après Pierre Lombard, outre la définition, sujette a controverse, outre les débats sur te droit naturel, toute la théorie du consentement et la théorie du divorce, qui appartiennent au droit comme à la théologie ; à celle des empêchements, qui est proprement canonique, est consacrée, presque toujours, la plus grande partie de leurs développements. Rares sont les ouvrages où les théologiens, exposant la doctrine du mariage, renoncent de propos délibéré à traiter les matières canoniques. Albert le Grand, dans un fragment demeuré inédit de la Sumnui de creaturis, donne un exemple qui ne l’ut point suivi. En revanche, certains commentaires sur les Sentences sont principa lenient juridiques, même dans les parties qui ne se rapportent pas au droit : ainsi.Jean Bacon († 1346), qui est d’ailleurs canoniste autant que théologien et qui fut mêlé à la pratique des causes matrimoniales, soulève à peine dans ses Questions les difficultés théologiques et les canonistes classiques lui fournissent presque toute la matière de son traité.

Les canonistes, de leur côté, commentant le Décret de Gratien ou les Décrétales, touchaient à certains problèmes incontestablement théologiques : unité ou dualité du sacrement, efficacité, institution. Tantôt, les termes du Décret les invitaient à ces explications, tantôt la solution d’un problème disciplinaire dépendait d’une solution théologique ; enfin, ils n’apercevaient pas toujours leurs frontières ou les franchissaient de propos délibéré. Nous trouverons des exemples de toutes ces démarches. Et nous aurons à apprécier les effets heureux et les conséquences fâcheuses de la concurrence des canonistes et des théologiens.

2. Les sources canoniques.

Après la publication des Décrétâtes de Grégoire IX, le droit classique ne s’enrichira plus guère de textes législatifs sur le mariage. Le livre IV du Sexte composé par ordre de Boniface VIII (1298) ne contient que cinq fragments répartis en trois titres. Dans les Clémentines, il a un seul texte. Il manque aux Extravagantes communes. La période de la législation est close. Sans doute, de nombreux conciles provinciaux, de nombreuses constitutions synodales s’occuperont du mariage, mais sans rien innover.

Le premier rôle appartient, désormais, aux docteurs, qui composent des gloses, des sommes, des monographies. Tous les Commentaires, Gloses ou Sommes, sur les causes XXVII-XXXVI du Décret, sur le 1. IV des diverses collections de Décrétales. sur quelques autres textes encore, dispersés dans le Corpus et que nous aurons à signaler incidemment, méritent examen, non parce que ces commentaires présentent, en général, une forte originalité, mais pour la connaissance des courants de doctrine. Parmi les décrétistes, Huguccio mérite, comme en toute matière, une attention spéciale à cause de sa personnalité et de son inlluence. Une partie de sa Somme sur le Décret de Gratien (cause XXVII, q. n), a été publiée par Roman dans la Nouvelle revue historique de droit, 1903, p. 745-805. Il serait vain d’énumérer les autres commentateurs du Décret que nous utiliserons : de savants articles de Fr. Gillmann, dans Der Katholik et dans VArchiv fur kathol. Kirchenrecht, ont mis en lumière quelques aspects de leur doctrine sacramentaire.

Vers le moment où Barthélémy de Brescia complète la Glose ordinaire de Johannes Teutonicus (environ 1240), commence l’œuvre des décrétalistes. Comme en toute lignée, les plus intéressants sont les premiers en date. Vincent d’Espagne, Geoffroy de Trani, à cause de la fraîcheur de leur témoignage et ceux dont la richesse ou l’ampleur ont assuré le succès : vers le milieu du uie siècle, Innocent IV, Hostiensis, Bernard de Parme, auteur de la Glose ordinaire ; Johannes

Andréa-, au début du xive siècle ; enfin Panormi tamis a la fin du Moyen Age.

Les monographies sont peu nombreuses et, malgré leur réputation, aucune d’entre elles n’oflre un intérêt de premier ordre : Bernard de Pavie, Summulu de matrimonio, édil. Laspeyres, 1800 : Robert de l-’lainmesbury, Summa de matrimonio (vers 1207 ;, édit. Sehulte, 1808 ; Tancréde, Summa de matrimonio (1210-13), édit. Wunderlich, 1841 ; Raymond de Pennafort, Summa de peeniientia et matrimonio, Rome, 1603 ; Johannes Andréa-, († 1348), Summa de sponsalibus et matrimonio ; Joh. Lupus († 1490), De matrimonio et letjilimalione, dans Truclutus univ. juris, t. ix, fol. 39 sq. Enfin, d’innombrables documents d’ordre pratique, comme les Regesta des papes, publiés par les membres de l’École française de Rome et les Registres des ofïicialités, dont trop peu ont été édités, nous renseignent sur l’application du droit.

3. Les œuvres théologiques et morales. La liturgie. — Mais la grande période du droit est close avec le débat sur la formation du mariage. Le rôle principal, au xiiie siècle, appartient aux théologiens.

Les scolastiques vont analyser les éléments du rite sacramentel ; sur le point capital de l’efficacité du sacrement, ils redresseront l’opinion erronée de nombreux canonistes, l’opinion vague de leurs prédécesseurs ; la doctrine incomplète de Pierre Lombard sur l’institution divine du mariage sera par eux achevée. .Même la théorie du consentement prendra dans leurs commentaires une forme logique, que les canonistes ne lui ont pas donnée. Et comme les matières sont mieux groupées dans les Sentences que dans le Décret et les Décrétales, il en résultera que les sujets juridiques seront exposés avec plus de cohérence et de plénitude par les théologiens que par les canonistes.

Les Commentaires des Sentences sont notre principale source, encore que nombre d’entre eux ne contiennent point la matière du 1. IV ou n’en présentent qu’un exposé incomplet, peu médité. Les Sommes théologiques et les Traités des sacrements sont aussi des témoins précieux. Il sera impossible de déterminer avec certitude l’apport de chaque théologien ou de chaque école, jusqu’au jour où l’étude minutieuse des manuscrits et aussi celle des Commentaires déjà édités aura permis l’établissement d’une chronologie et d’une généalogie des œuvres. Tel développement de Godefroy de Poitiers sur le mariage se trouve textuellement dans Guillaume d’Auxerre, lequel emprunte à Prévostin : et l’on sait (l’exemple même de Prévostin le montre) combien sont sensibles les différences entre manuscrits d’une même œuvre. Il est donc actuellement impossible de fixer la date rigoureusement exacte de l’apparition des diverses doctrines et leur origine précise. Mais beaucoup d’approximations peuvent être licitement proposées. Et d’abord un premier schéma peut être dessiné du développement des traités du mariage. — Nous ne ferons pas ici une énumération de tous les Commentaires sur les Sentences : Ripaida, dans sa Brevis expositio literie Magistri Sententiurum, Venise, 1737, p. 598 sq., s’en est chargé : mais il nous paraît utile d’indiquer les œuvres les plus importantes pour l’histoire de la théologie du mariage, depuis la fin du xue jusqu’à la fin du XVe siècle ; pour celles qui n’ont pas été imprimées, nous citons le manuscrit que nous avons utilisé. La justification des dates communément admises et tous les compléments nécessaires sur chaque auteur, on les trouvera, avec la bibliographie dans les articles de ce Dictionnaire et dans d’autres ouvrages encyclopédiques, Xomenclator de Hurter. Kirc/icnlexicon de Wetzer et Weltc, Encycl. Britannica, etc. Pour ne point compliquer notre esquisse, nous n’avons cité que des travaux tout récents ou spécialement utiles. 21 « 

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MARIAGE. FORMATION DE LA DOCTRINE CLASSIQUE

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La doctrine de l'étal de mariage est déjà bien déve loppée dans legrandes œuvres de la On du an' el du début du mue siècle : la Somme de Simon de Tournai, composée crs 1190 (d’après M. le chanoine Warichez), liibl. Nat., ms. lat. 3203 ; celle de Magister Martinus antérieure à l’année vioo. Blbl. Nat., ms. lat. U celle d'Étiennc Langton qui vécut a Paria entre 1180 cl 1206, Blbl. Nat., ms. lat. n ! 5fi ; celle de Prévost in 1209, d’après M. l’abbé l.acombe qui en prépare une édition critique) ; la Summa de sacramentis de Pierre k Chantre († 1197), Bibl. Nat.. ms. lat. ilmit dépend le De malrimonio de Robert de Courson (entre 1201 et 1210 selon M. l’abbé Malherbe dont nous utilisons la transcription polycopiée) et qui est Inspirée par un esprit pratique, moral, reconnalssable encore dans le De sacramentis Eccttsise de Guy d’Orchelles, Bibl. Nat.. ms. lat. 17 SOI et, selon Grabmann, liehte, t. n. p. ls > s sq., dans une Summa desacramentis, do Munich, Clm 22

La Summaaurea de Guillaume d’Auxerre, vers 1220, Paris (Pigouchet), 1500, n'élargit pas sensiblement les problèmes relatifs au mariage ; elle mérite, cependant, a cause de son Influence, beaucoup d’attention ; et l’exposé de Guillaume d’Auvergne dans son De sacramentis, Opéra omnia, Venise, 1591, p. 184-500 (rédigé entre 1223 et 1228, sauf les c. î et u. De sacramentis in mentre, postérieurs à 1228), de caractère avant tout moral, n’offre un intérêt spécial que par le rôle qu’il semble assigner à la bénédiction nuptiale. Nous avons relevé quelques progrès dans les Commentaires sur les Sentences vraisemblablement composés entre 1230 et 1240 par Roland de Crémone, Bibl. Mazarine. ms. lat.

. Ehrle, dans Miscellanca dominicana, 1923, p. 85-134 ; Godefroy de Poitiers, Bibl. Nat..

ms. lat. ; //-'. fol. I03sq. ; et Hugues de Saint-Cher, ms. de la Blbl. de Haie. H. II. 20, fol. 139-150. Philippe île (.rêve (+ 1238) traite de lu continence, sans grande milité, Bibl. Nat.. ms. lut. 1 ; 74H. fol. 129 sq. (M. Muylan nous donnera -ans doute une édition de cette Somme).

La grande époque, pour la théologie du mariage, comme pour toute la théologie scolastique, c’est le milieu du mit siècle. Entre 1245 et 1258 sont compo" utre la Somme d’Alexandre de Haies, dont il est difficile, actuellement, de faire usage autant qu’on le voudrait, encore que les travaux du P. Minges nous rendent compte de bien des parentés, les quatre Commentaires fondamentaux sur les Sentences d’Albert le Grand (1245-1249), de saint Bonaventure (12481254), de suint Thomas d’Aquin (1254-56) et de Pierre de Turentaise i 1256-58). Les deux premiers présentent avec une ampleur nouvelle toute lu doctrine du mariage. Celui de suint Thomas, qui eut une très grande diffusion, emprunte beaucoup à Albert le Grand qui occupe une pluie de tout premier ordre dans ce chapitre d’histoire littéraire. Noue sommes loin de connaître toutes lesource, de saint Thomas, dont l’originalité, ici comme en bien d’autres lieux, réside surtout dans la méthode et lu technique : cf. Grabmann, La Somme théologique de saint Thomas d’Aquin, trad. Vansteenberghe, p. 116 sq.. 1 r> sq. Voir sur chaque point lu Bibliographie thomiste du l Mandonnet, 1921. Pierre de Tarentaise suit de fort près suint Thomas. Les Commentaires d’Albert le Grand, saint Bonaventure. suint Thomas d’Aquin posent ù peu près tous les problèmes qui ont occupé le Moyen Age : ministre, matière et forme, efficacité ; ils ouvrent ces rubriques a peine entrevuepur leurs prédécesseurs soulesquelles parfois, leur pensée est encore mul assurée et qui susciteront de v i vives querelles. Sur bien des points déjà truite. il I résument et terminent, ou a peu près, l’effort des scolastiques.

Cette merveilleuse période des Commentaires cla*.

Siques sur les Sentences, est aussi celle des grands traites

de théologie, la vente, ils ne contiennent que peu de fragments originaux sur la doctrine du mariage, La Summa contra gentiles n’offre qu’un expose bref et peu Instructiꝟ. 1. m. e. cxxii-cxxvi ; I. IV. c. Lxxvrn. la Somme, plus tardive, de Célestln v n’a rien de

notable. Quant à la Somme thëologique, « n sait que

saint Thomas ne l’a point achevée, Le Supplementum, ajoute par Raynald de Piperno, contient le traité du

niariuge emprunté au Commentaire sur les Sentences.

l.es q, xii-ixviu du Supplementum sodl composées d'éléments fournis par les Commentaires de saint Thomas sur les dist. l Nl.ll du IV livre des Sentences, regroupés, adaptes au mode d’exposition de la Somme. Mandonnet, Des écrits authentiques de saint Thomas d’Aquin, 2*édlt., 1910, p. 153 sq ; Grabmann, /" Somme thiologique, trad. Vansteenberghe, p. 33 sq. Il faut déplorer aussi qu’aucun des manuscrits de la Somme d’Ulrich de Strasbourg (que do.it publier une élève de l'École des Chartes) ne contienne le De sacramentis. Jusqu'à ces dernières années, on pouvait ajouter à la litanie des regrets un nom encore, celui d’Albert le (irand. dont une partie de la Summa île ereaturis était perdue, encore le De sacramentis. Mgr Grabmann u découvert récemment celle partie précieuse dan, un manuscrit de la Bibliothèque Marciana, à Venise, que nous avons pu étudier. Cod. Class. IV, n. 10. fol. 210-218. On trouvera lu série des questions de ce traité exclusivement théologique dans M. Grabmann, Drei ungedrùckte Teile der Summa de ereaturis Alberts des Grossen, dans (Juellen und T’orschungen : ur Geschichle des Dominikanerordens in Deutschland, fasc. 13, Leipzig, 1919, p. 63. Le fragment De sacramentis semble antérieur au Commentaire sur les Sentences (ibid.. p. 7 I) : on y pourrait donc voir une première ébauche de lu pensée d’Albert le Grand sur le mariage.

Les grands docteurs que nous venons de citer avaient abordé et résolu sans divergences graves presque tous les problèmes théologiques relatifs au mariage. Richard de Mediavilla, ù la Qn du xiir siècle, enrichit et affermit sur plusieurs points la tradition (les livres de Hocedez et de Lechner, punis en 1925, nous aideront ù le montreri. Mais déjà s’est ouverte une ère de disputes et de criticisme. C. Michalski, Le eriticisme et le scepticisme dans la philosophie du XIVe siècle, extrait du Bulletin de l’Académie polonaise îles Sciences et îles Lettres, année 1925, Cracovie, 1926. Plusieurs théologiens de grande envergure proposèrent sur quelques points des opinions nouvelles qui eurent de longues répercussions. Pierre Olive, vers l’année 1280, faisait du mariage un sacrement dénature spéciale (voir les études du P. Déni fie et le ms. Vat. lut. 4986, dont nous avons pris connaissance), el c’est, en définitive, son opinion qui a été reprise avec éclat par Durand de Saint-Pourçain († 1334), dont un livre de Koch nous permettra bientôt de mieux mesurer l’importance.

Dans les toutes premières années du xiv siècle, de très originaux Commentaires sur les Sentences étaient proposés a Oxford et à Paris par Duns Scot. La question de la date et de la forme de ces (envies est actuellement en litige : l'élude très minutieuse que l’on fait des mss. nous donnera, sans doute, de nouvelles certitudes. Cf. Ch. Balic, Quelques jirécisions fournies par la tradition manuscrite sur la oie, les auprès et l’altitude doctrinale de -Iran Duns Scot. dans Renie d’histoire ecclésiastique, 1926, p. 551-566 ; I-'r. Pelsler. Duns ScotUS nui II eni/lisiiien lliindschri/len. duns 'L’itschri/t ji/r kathol. Théologie, 1927, t. m. p. 65-80 (voir notamment, p. 79 sq., l'état actuel de la question i.

L’assimilation du mariage aux autres sacrements,

particulièrement quant à son efficacité, était si généralement admise au xive siècle, que la réaction contre les opinions de P. olive et de Durand fut énergi queinent entreprise, notamment par Pierre Auriol († 1322) et par Pierre de la Pallu († 1342) dont les Commentaires sur les Sentences ont joui d’un grand crédit. Au contraire, ies hésitations de Duns Scot sur la forme du sacrement ont été recueillies par bon nombre de ses disciples, dans la période qui nous occupe, depuis Jean de Bassoles († 1347) jusqu'à Guy de Briançon († 1185) ; nous aurons à étudier cette tradition et les curieuses conséquences qu’elle a entraînées pour la détermination du ministre du mariage. En cette matière, comme en tant d’autres, saint Thomas et Duns Scot sont les deux grands inspirateurs des scolastiques de la dernière période.

A partir du milieu du xive siècle, les théologiens ne professent guère d’opinions nouvelles sur le mariage, mais il serait injuste de dénier toute valeur à leurs exposés. Si beaucoup d’entre eux n’ont d’autre titre à notre attention que le témoignage qu’ils portent de l’opinion commune, il en est plusieurs qui ont eu le mérite d’approfondir divers points de la doctrine : les analyses d’un Guillaume de Vaurouillon († 1461) ou d’un Tataretus († 1494), par exemple, ne sont pas sans force. Le premier, dont le Commentaire est de 142930, bien qu’il n’ait point le génie de saint Thomas ou de Duns Scot, suit une méthode et montre une pénétration qui en font l’un des auteurs représentatifs et intéressants de la fin du Moyen Age ; cf. F. Pelster. Wilhelm von Vorillon, ein Skotistdes.XV Jahrhunderts, dans Franziskanische Sludien, 1921, p. 48-66.

Mais combien rares sont, entre 1350, et 1500, les exposés du mariage qui offrent quelque véritable nouveauté ! On se borne à transcrire des opinions, parfois pour les juger, comme fait Caprœolus, soave-.l sans l’originalité qu’il faut pour choisir. Denys le Chartreux n’est point sur ce chapitre plus personnel que saint Antonin de Florence, ni Pierre d’Ailly que Gerson. Le Traité du mariage est provisoireme t arrêté.

Il prend dans certaines œuvres un caractère avant tout pratique : ainsi dans la Somme théologique de saint Antonin de Florence, pars IIP, tit. i, et dans le Trnctatus sacerdotalis de Nicolas de Blony (de Plowe) qui eut un si grand succès : onze fois, au moins, il fut édité à Strasbourg, dans les premiers temps de l’imprimerie.

Le tableau que nous avons dressé ne comprend pas tous les grands noms du Moyen Age, ni la majorité de ceux que nous avons dû consulter. Cela tient, mis à part les oublis involontaires, au fait que plusieurs théologiens remarquables n’ont point étudié le mariage avec l’ampleur ou la profondeur que l’on trouve en d’autres parties de leur œuvre, ou même ne s’en sont point occupés. La première raison vaut par exemple pour Pierre de Poitiers et Alain de Lille, Bichard Fitsacre et Bobert Kilwardby, François de Meyronnes et Henri de Gorcum, que nous aurons cependant l’occasion de citer ; la deuxième, au moins pour les éditions que nous avons pu consulter, est vraie de B. Holcot et de G. Occam. On sait que Biel n’a point achevé son Commentaire sur les Sentences et que le Traité du mariage est dans le Supplementum de son disciple Wendelin Steinbach. Combien d’observations importantes ne conviendrait-il pas de faire, dans une étude complète des sources, sur la part des maîtres dans les Commentaires qui nous sont parvenus et les diverses formes de ces Commentaires. Voir, par exemple, les récents travaux de Michalski.

Les deux ordres qui ont le plus contribué au développement de la doctrine du mariage sont les prêcheurs et les mineurs. Les autres ordres ont fourni aussi leur

contribution, avec, nous semblc-t-il, une tradition moins originale et moins suivie : mais il nous reste encore beaucoup à apprendre sur leurs travaux, cl notamment sur leurs Commentaires des Sentences. Voir pour les carmes les belles études, toutes récentes, de Xiberta, et sur l’augustin Thomas de Strasbourg, que nous aurons à citer, l’article de N. Paulus, Der Augustinergeneral Thomas von Slrassburg, dans Arrhin jiir elsasissche Kirchengeschichte, 1° année, 1926, p. 49-66.

Les monographies consacrées au mariage par des théologiens sont rares, d’un intérêt secondaire cl presque exclusivement juridiques. On peut citer celles de Bobert de Sorbon, De matrimonio, dans les Notices… de Hauréau, Paris, 1890, p. 180 sq. ; Jean de Capistran († 1456), De quodam matrimonio, dans Tract, unir, juris, t. ix, fol. 77 sq. ; Jacques Almain († 1515). De psenitentia et matrimonio, Paris, 1526.

L’histoire de l’exégèse des textes scripturaires relatifs au mariage n’a point tout l’intérêt que l’on pourrait supposer. Les sondages que nous avons faits, notamment dans les Commentaires de la Première aux Corinthiens, n’ont point donné de résultats appréciables. Cependant, il y a là une source qu’un historien de la doctrine du mariage ne saurait négliger.

Les moralistes ont, naturellement, consacré au mariage une bonne part de leur activité. Trois catégories d’ouvrages, surtout, méritent examen : les ouvrages de morale et d’ascétique, les ouvrages de théologie et de casuistique à l’usage des confesseurs, les sermons. Chacune de ces catégories appelle de brèves observations.

Les Sommes ou Livres des Vertus et des Vices, les Traites de la conduite de la Vie sont nombreux dans notre période : Jean de la Bochelle, Guillaume Pérauld, Jean de Galles… La liste serait longue des auteurs à consulter et dont nous n’avons feuilleté que de rares chapitres.

E. Jordan faisait remarquer, dans un article paru voici quelques années, combien serait intéressante l'étude des ouvrages destinés aux confesseurs. Ils nous apprendraient sur quelles questions était attirée la réflexion des époux, au tribunal de la pénitence, dans quelle mesure s’exerçait le contrôle de l'Église en ce domaine aujourd’hui réservé. Sans doute, il resterait à savoir comment les confesseurs usaient de leurs Questionnaires. Il y a lieu de croire que tant de Manuels pratiques n’ont point été composés sans but et sans effet. Et nous savons que les prédicateurs invitaient les confesseurs à faire aux époux des recommandations très précises qu’eux-mêmes ne pouvaient adresser à un grand auditoire. L'étude des ouvrages de casuistique nous apprendrait quelles difficultés se présentaient ou étaient imaginées, quelle application ont reçu les principes généraux de la théologie. Notre enquête, sur ces points, a été trop limitée pour que nous puissions écrire le chapitre d’histoire religieuse et morale dont nous signalons l’intérêt, et auquel introduiraient déjà bien des ouvrages sur la pénitence, que l’on trouvera cités, par exemple, dans les notes du P. Schmoll, Die Busslehre der Friïhscholastik. Munich, 1909, des chapitres de B. Stintzing et de E. Michaël, des articles spéciaux comme celui de .). Dieterlé, Die Summse confessorum (sive de casibus conscientiœ) von ihren Anfangen biszu SilvesterPrierias. dans Zeitschrift fur Kirchengeschichte, 1903, t. xxiv, p. 520 sq.

Les serinons pour le second dimanche après l’Epiphanie, où on lit l'Évangile des noces de Cana, sont remplis de considérations sur la dignité et la sainteté du mariage : quelques-uns comme ceux de Nider, de Biel, sont justement appréciés. Beaucoup d’autres ont été imprimés. et les inédits sont nombreux. Sur la MARIAGE. FORMATION Dl LA DOCTRINE CLASSIQUE

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prédication en Franco, cf. l ecoj il » - la Marche, lu

chaire français » au Moyen Age, spécialement au

Mile siècle, Paris. 1868 (sur le mariage : p. 397-404),

tecondalrement, L. Bourgain, La chalrt française

ih si de, Paris. i S7 »  » : sur la prédication en Aile magne au Moyen ~c. l Michæl, Geschtchte des

tchen Volkes, Fribourg. 1899, (. ii, c. iii, avec bonnet Indications bibliographiques, notamment

l>. 144, n.. ;. i n sermon était prononcé s l’occasion « !. la cérémonie du mariage ; 1 ecoj <le la Marche parle, eu outre, d’un sermon a l’occasion du contrat (p. 398)

donner les précisions désirables. Les dernières sources que nous avons mentionnées offrent, on le voit, un double intérêt : elles montrent d’abord, l’adaptation <le la théologie savante A la vie populaire. C’est à ce titre que nous les axons présentées. Il serait intéressant de préciser les modes de eette adaptation et quelles tendances s’y manifestent et quel esprit y préside : ainsi, la part respective faite dans les serinons aux clichés scolaires ou traditionnels n uns pratiques des Qdèles. Cette seconde part laisse voir le second intérêt de nos sources : elles nous éclairent sur le monde pour lequel étaient faites les nuances de la théologie classique.

Oræ monde « loi ! être étudié. L’histoire des vérités

tatiques et des doctrines théologiques ne peut être tout à fait intelligible à qui s’enferme dans le domaine d ins prendre vue sur le monde vivant

pour lequel sont définies ces vérités et proposées ees

ines. Ce n’est pas seulement a l’exégèse désinui hasards de la recherche que sont dus I exploitation, l'éclaircissement des vérités chrétiennes. L'état des mœurs rend nécessaires bien des progrès de législation et de doctrine. La sévérité plus on moins grande des règles sur l'étal et sur le contrat de mariage s’explique en quelque mesure par les

ins moraux des fidèles ; il est donc intéressant de

r quelle idée les hommes du Moyen Age se lai du mariage et de l’amour, quels relâchements IT'.sJise eut a prévenir ou à combattre. Les ouvrages de Ch. Y. Langlols, sur lu vie en France au Moyen

d’après quelques moralistes du temps, Paris, 1908 ; Lu de en France au Moyen Age. Paris, 1924, contiennent maint détail utile ; on ne lira pas sans profit Flamenca ou les lamentations de Mahieu. Voir encore A. Méray, Lu vie au temps des COUTS d’Amour, Paris, A. I.ecoy de la Marche. Lu société nu XIIIe siècle, Paris. 1880. On a déjà tiré beaucoup de renseignements

-'urces littéraires : voir, par exemple, E. Spirgatis, Yerlobung und Vermàhlung im altfranzôsischen v<dkslùmlichen Epos, Berlin, 1894, spécialement p. 20 sq. ; L. Gautier, La chevalerie. Paris. 188 1 ; H. liarth. l.iebe und Ehe im allfranzi sischen l’ahet und in der mitlellhcchdculschen Xovelle, Berlin, 1910 ; F. von Reitlenstein, Liebe und Ehe im Millelalter, Stuttgart) 1912. Nous pensons qu’il y aurait beaucoup île renseignements à recueillir dans certains textes comme la Vie de saint Alexis.

L’Iconographie du mariage, dont on a fait bon usage pour l'étude des premiers siècles chrétiens, pourrait préciser sur divers points notre connaissance des idées et des médiévaux, puisque les textes scriptu raires relatifs a l’institut ion divine, aux noces de Cana, aux vierp i aux vierges folles, ont inspiré les

sculpteurs, les peintres et les maîtres-verriers, et qu’il

! ans les manuscrits. îles représentations de la cérémonie du mariage ; voir par exemple Bédier et Ilazard. Histoire de la littérature française, t. I, p. 39. L’ouvrage

Iry sur la théologie des peintres, l’article de s. igette. dans Annales archéologiques, t. xxvii, p. 385 sq., les étude > générales sur l’iconographie chrétienne ne contiennent rien d’utile sur notre sujet. La représentation des scènes bibliques ou évangé liques qu<- nous avons Indiquées eal étudiée dans les beaux ouvrages d'É. Maie.

Comment l'Église a christianisé certaines coutumes ires anciennes et composé les cérémonies religieuses du mariage, les llturgistes nous l’apprendront. Les théologiens oui presque unanimement regardé la

bénédiction nuptiale comme un « ornement. un décor i du sacrement. et nous dépasserions les bornes naturelles de ici article si nous entreprenions une histoire de la bénédiction nuptiale. Cependant, il nous en faudra dire linéiques mots, à propos des formes du

mariage et nous utiliserons en cet endroit les rares

lexles publiés dans Marlènc. De antiquts Ecclesit !

ritibus. l. L c. i. Venise, 1788, t. ti, p. 120 sq., et les

travaux de V. Thalholcr. Ilundbuch der katholischen Liturgik, Fribourg en-B., 1912, t. ii, p. tbi ; Th. Klleloth. Ltturglsehe Abhandlungen, t. i. Die Etnsegnung der Ehe…, Schwerin, 1854 ; ceux de II. Cremer et A.. Dieckhoff, que nous citerons plus loin ; A. Eve ling, Ehescheidung, Eheschltessung und kirchltche Trauung, Gutersloh, 1904 ; W. von llôrmann. Die tridentinische Trauungsform in rechtshistorischer Heur theilung, discours rectoral, Czernowitz, 1904. Toute l’histoire des rites nuptiaux mérite l’attention du théologien. Ces rites traduisent la foi de l'Église el

aussi des croyances populaires dont beaucoup sont

antérieures au christianisme. Voir les études déjà anciennes de I". llofniann, l’her den Verlobungs-und den Trauring, dans Comptes rendus de l' Académie de Vienne, 1870, t. i xv, p. 825 sq. ; de.1. Hoffmann, sur {'Histoire des /ormes du mariage, dans Theol. prukt. Monatsschrtft, 1891, t. i. p. 745 sq., et surtout les tra vaux récents et 1res remarquables de E. Chénon, lieclierches historiques sur quelques rites nuptiaux (exlrait de la Nouvelle revue historique de droit…, 1912) ;.1. l'ïcisen, Dos Eheschliessungsrecht Spaniens in Westgotischer, mozarabischer und neuerer 'Lcit. et Das Eheschliessungsrecht Grossbritaniens und Irlands, Paderborn, 1918 et 1919 ; W. Abraham, La manière de contracter mariage dans l’ancien droit polonais, I.vwivv. 1925 (compte rendu dans Zeitsehrijl der Savigny Stiftung, kan. Abtheil., 1926, p. 557-569 ; les conclusions de cet ouvrage Important seront bientôt utilisables pour les historiens français, grâce au Mémoire que prépare sur le même sujet un étudiant strasbourgeois). Dans un article de la Revue d' histoire du droit, 1926, p. 38, note 2, dom L. Gougaud annonce une étude prochaine sur Le rituel nuptial dans le passé.

On le voit, les sources d’information sont extrême ment variées. La plus importante, et de beaucoup, pour l’histoire de la théologie, ce sont les Commentaires sur les Sentences. — Pour simplifier les citations il nous arrivera souvent de n’indiquer que la distinction et la question des Commentaires sur le livre IV, auxquelles nous renvoyons. Ex. : saint Bon aventure, dist. XXVI, q. ni = saint Bonaventure, Commentaria in IV libros Sententiarum, t. IV, dist. XXVI, q. m. L Causes du développement de la doctrine. La

cause principale de l’amplification de la doctrine du mariage au xine siècle, il la faut évidemment chercher dans le développement général des sciences religieuses et plus précisément de la doctrine des sept sacrements. Plusieurs circonstances onl spécialement hâté ou favorisé l'œuvre de la théologie sur le point qui nous occupe.

C’est d’abord l’hérésie qui a Incité hs théologiens,

dès le xir siècle, a expliquer et a justifier l'étal de

mariage, on sait, principalement par l’histoire des

premiers siècles, que les vérités tacitement admises par tous les chrétiens ne sont, très souvent, fixées dans des formules que pour répondre aux négations des sectes. Les préoccupations de Pierre le Chantre el de Robert de ('.ourson ne sont peut-être pas sans rap

ports avec L’expansion du catharisme. En tout cas, une abondante littérature témoigne de l’efforl considérable accompli par les apologistes pour défendre contre les hérétiques la sainteté du mariage.

La philosophie antique vint consolider leurs raisons en leur donnant tout le fondement du droit naturel. En outre, les catégories d’Aristote renforraien ! les cadres de la doctrine, et l’hylémorphisme offrit des suggestions pour une analyse du sacrement qui, d’ailleurs, n'était pas tout à fait nouvelle.

lin fin, depuis le début du XIIIe siècle, les problèmes juridiques relatifs au lien étaient tranchés par voie législative : la théorie du contrat ne présentait plus de difficulté grave.

5. Plan suivi par les théologiens du Moyen Age. Dès la fin du xii c siècle, les théologiens, notamment les commentateurs des Sentences ont pris l’habitude d’insérer l’exposé du mariage dans les cadres si flexibles des quatre causes aristotéliciennes. Ainsi, Guy d’Orchelles, Bibl. nat., ms. lat. 17 501, fol. 87 : les causes matérielles sont les personnes légitimes qui contractent : les causes efficientes sont le consentement mutuel (causa per se) et la copulation charnelle (causa per accidens) ; il y a des causes finales nécessaires : procréation, fuite de la fornication, d’autres utiles : paix, beauté, richesses ; les causes formelles, ad decorationem et ornatum matrimonii sont les solennités religieuses et civiles. Au cours du xme siècle, les quatre causes serviront de litre aux quatre parties du traité du mariage. Ainsi Albert le Grand, saint Bonaventure étudient successivement le mariage secundum catisam formatera (institution : dist. XXVI), secundum catisam efficientem (consentement : dist. XXVII-XXX), secundum causam fmalem (bona : dist.. XXXI-XXXIII), secundum causam formalem (empêchements : dist. XXXIV-XLII). Bien d’autres divisions ont, d’ailleurs, été proposées, qui ne sont pas toujours sans intérêt.

L’ordre que nous suivrons dans l’exposé des doctrines différera de celui que leur modèle imposait aux commentateurs des Sentences et que nous avons déjà fait connaître en indiquant le plan du Lombard : du moins tâcherons-nous de traduire fidèlement la double préoccupation qui les anime. D’abord, avec l’aide de la philosophie et du droit, ils ont distingué les divers aspects du mariage : état, contrat, sacrement, dont la confusion avait embarrassé les anciens canonistes, analysé le consentement qui est leur cause commune. Puis, partant de la notion générale du sacrement, ils l’ont appliquée au mariage pour en reconnaître la matière et la forme, l’efficacité, l’institution. Nous étudierons successivement ces deux ordres de problèmes, qui, certes, ne se présentaient point à l’esprit des docteurs du Moyen Age avec ces cadres didactiques, mais qu’il est commode aujourd’hui d’envisager l’un après l’autre. Les analyses ou les controverses que nous rapporterons, si subtiles ou périmées qu’elles puissent parfois nous paraître, sont celles qui ont préoccupé, passionné tous les théologiens classiques et qui ont préparé les définitions universellement admises aujourd’hui.

1° Première série de problèmes : les dii>ers aspects du mariage. — Le mariage est à la fois un état, un contrat et un sacrement. Chez les chrétiens, l'état de mariage résulte du contrat-sacrement et les trois termes sont inséparables. Mais ils ne sont pas réunis chez les infidèles qui ne reçoivent point le sacrement, dont le mariage n’a point nécessairement pour base un contrat civil ni la reconnaissance du contrat naturel. Et dans tout mariage entre chrétiens il est possible et il paraît en général licite de dissocier, pour les analyser successivement, l'état, le contrat et le sacrement, au sujet desquels se posent des problèmes distincts. Cette divi- [

sion tripartile n’est pas encore rigoureusement établie chez les I liéologiens du xiir siècle, dont la terminologie est parfois hésitante, mais elle sera présentée avec vigueur dis le début du xiv siècle, spécialement par Duns Scot et ses disciples.

I.e mol de mariage peut prêter a équivoque, car tantôt il désigne le contrat, tantôt l’obligation qui en liait, tantôt le signe sensible de la grâce conférée aux contractants. » Report, paris., dist. XXVIII, q. un., h. 20. Et Duns Scot présente les trois définitions, exclu ! l'équivoque et aboutit au corollaire de la séparation du contrat et du sacrement. Mêmes distinctions dans VOpus oxoniense, dist. XXVI, n.l6sq. Les scotistes accuseront vigoureusement les divisions : Miud est malrimonium, aliud est contractas matrimonii et aliud est sacramentum matrimonii, dit Lierre d’Aquila († 1370), dans son Commentaire sur les Sentences, ou il reproduit fidèlement les idées, la lettre même de Duns Scot, dist. XXVI et XXVII, ad l » m. Et il définit ainsi les relations entre les trois termes : Malrimonium est relatio realis extrinsecus adveniens vel ad minus est relatio rationis permanens in animabus conjugum. Gontraclus autem matrimonii est in fieri et est actio vel passio interior vel exterior. Sacramentum autem matrimonii quia est siynum signans contraclum matrimonii simpliciter est in fieri. Même netteté dans les Commentaires de Guillaume de Yaurouillon, op. cit.. fol. 392 et de Guy de Briançon, op. cit., Lvon, 1512, fol. 198.

La distinction n'était pas encore aussi marquée au xme siècle. Nous verrons qu'à ce moment la notion de contrat n’est pas bien assise. On se bornera à observer que le mariage intéresse l’ordre naturel (offlcium naturœ) et l’ordre surnaturel (sacramentum), à quoi l’on ajoute parfois : l’ordre social, i Le mariage en tant qu’il est de l’ordre naturel est régi par le droit naturel ; en tant qu’il est une société, il est régi Italie droit civil ; en tant qu’il est un sacrement, il est régi par le droit divin. » Saint Thomas, Summa contra gentiles, t. IV, c. 78.

Même ceux qui, plus tard, définissent successivement l'état, le contrat et le sacrement, ne l’ont point trois chapitres sous ces titres généraux. Cependant, une grande part de leurs explications nous paraissent rentrer tout naturellement dans ces trois cadres ; chacun peut recevoir une série bien liée, bien distincte de questions importantes. Xous les adoptons pour cette raison pratique, étant bien entendu que, daiiN le mariage chrétien, dont s’occupent presque constamment les scolastiques, les trois termes sont, en fait, inséparables. Simplement trois ordres de questions se présentent.

Celles que soulève l'état de mariage, ou plus précisément la dignité de l'état de mariage, sont résolues par le concours de toutes les sciences philosophiques. Les théologiens se demandent : ce qu’est l'état de mariage, quelle est sa valeur morale et naturelle et la valeur de chacun des actes qu’il autorise, sa place, enfin, dan> la hiérarchie des états entre lesquels peuvent choisir les chrétiens.

1. La dignité de l'état de mariage. — a) Honnêteté du mariage. — La valeur de l'état de mariage a été, dans les derniers siècles du Moyen Age, le sujet de vives disputes. C’est un fait bien connu que l’hostilité d’un bon nombre d'écrivains de ce temps à l'égard des femmes et du mariage. Il nous suffit de rappeler l’esprit satirique de bien des fabliaux (cf. Bédier. Les fabliaux, Paris, 1893, c. x), les dures critiques de la seconde partie du Roman de la Rose, les violentes attaques du clerc Mattheolus de Boulogne-sur-.Mer dans ses Lamentations, édit. Van Hamel, dans Bibl. des Hautes Études, fasc. 95, Paris, 1892, le pessimisme d’Eustache Deschamps. Toute cette tradition lit té. MARIAGE. DOCTRINE CLASSIQUE, L'ÉTAT M MARIAGE

témoigna d’un étal d’esprit qui n’eût pas été danger, s’il se fol librement développé. Car l’Institution « lu mariage étall alors menacée par de » contempteurs infiniment plus dangereux que 1rs poètes : les prédicateurs d’hérésies, Presque toutes les s hérétiques i ! u xii « et du xuie siècle <>nt résolument attaqué le mariage. F. Toceo, / 'eresta nel Iedio Florence. 188-1. p. 90, 1 18 sq., 216. On saii avec quel mépris l’hérésiarque Henri l’a traité, quelle est sur la génération et sur les sacrements la doctrine d’Amaury de Bène.cl dessus, t. i, col. 938 et celle des Vaudots. Malin. Die Lettre von den Sakrantenten. Bres lau. 1884, p. 120. 1 a plu-, dangereuse « le toutes les erreurs relatives m mariage lut celle « les Albigeois, dont les griefs peuvent se réduire à ces deux points : , i. Tout plaisir de la chair est coupable : le mariage, formant un lien charnel durable. ; 'st ^'organisation permanente de la débauche, meretrh iiim. lupanar. fui explique ees paroles de Jésus : (eux qui

seront jur.cs dignes d’avoir part au siècle a venir et à la ré su r r ection des morts ne se marieront pas. Luc, xx, et le mot de l’aul recommandant d’c [ter le contact des femmes. i c.or. vu. 1. Les textes invoqués par l'Église en faveur « lu mariage, les cathares les appliquent au mariage spirituel qui réunit au ciel l'âme réhabilitée et le corps immatériel qu’elle y a au jour de sa chute. b. La génération est l’oeuvre du diable. Ole fait descendre dans un corps misérable une ànie qui vivait heureuse en Dieu. En quence, celui qui reçoit l’initiation du consolamentum promet de ne jamais se marier et les hérétiques préfèrent le libertinage au mariage. Sur ces doctrines albigeoises « lu mariage, cf. Dôllinger, Geschichte der gmosiisctunaniehâischen Sekten im frûheren Mittelalter, Munich. 1890, p. 174-178 ; J. Guiraud, L’Atbigéisme hxiiguedot ien aux XII' et XIIIe siècles, dans Cartulairt de X.-l)../< Prouille, t. i. p. ixxiv-ixxix et p. xcn : P. Alphandérv. Lrs idées morales chez les hétérodoxes latins an début ttu A / / / siècle. Taris. 1903, p. 63 68. Cette condamnation du mariage est une des doctrines primitives des cathares. C. Schmidt, Histoire et doctrine de la secte des cathares ou albigeois, lis lit. I. n. p. 273, et il n’y a pas de raison sérieuse de croire, avec Schmidt. ibid.. p. is~ que les dualistes absolus la rejetaient. Sur les raisons, intéressantes, mais douteuses de condamner le mariage qu’Alain attribue aux cathares, cf. Alphandérv. op. cit., p. 65 sq.

Les doctrines cathares constituaient un très "rave péril pour la société. Des millions d’hommes les onl professées et peut-être appliquées. Ce qui explique la réaction vive des conciles et de la doctrine.

I.ucius III. au concile de Vérone (1184), prend des mesures contre ceux qui n’acceptent point sur le mariage les enseignements « le l'Église romaine : Déeréiales, V. vu. '. « . c. Ad abolendam. Le premier canon du quatrième concile « lu I. a Iran l 121 » ) qui a été inséré « lans les Déerétales, I. i. 1. Justifie le mariage : Non solum aiitem virai nés et continentes, oerum etiam ronjui/ati per (idem rectam et opèrationetn bonam plæentes Den ad teternam merentnr bc<diludinem prrvenire. I.a papauté a défendu avec constance la dignité du mariage. En 1 159 encore. Pie II sévit contre les hérétiques bretons. Raynaldi, Annales, a. 1 159, n. 30 ; ntré. Colleet. fudieiorum, t. i b. p. 253.

I.a propagande albigeoise fut l’occasion pour les prédicateurs et polémistes orthodoxes de réunir tous les textes et tous les arguments qui. dans la tradition catholique, justifient le mariage. Dès la seconde moitié du xir siècle, sont composés « les florilèges scripturaires : V Antihmresls d'Ébrard, dont le c. vii a pour sujet le mariage, édit. Gretser, Opéra omnia, t. xii b. p. 142-145 ; le sermon de Bonacurse, dont nous avons un texte si incertain « lans /'. L., t. <<iv.

col. 780 sq. ; le traité d’Ermengaud, Ibid., col I

1342. D’autres Ouvrages, comme le Sermon contre les

cathares d’Eckert, abbé <l « ' Schônau i ; 1185), « lans /'. I. t, x<. col. '_' « > a 36, et le Contra hteretlcos d’Alain de I 111e I : 1185), I. I. c. lxiv, P. L., t. ci. col. :  ; « > ; >.ion. relient les textes relatifs au mariage par un commentaire, La plus ample réfutation « les erreurs albigeoises sur le mariage est celle « lu dominicain Moiu’ta de Crémone i : 1235), Advenus valdenses et cal haros libri quinque, I. IV. c. vil, Home, 1743, p. 315 346, qui, en trois paragraphes, réunit successl vement les textes scripturaires, les arguments opposables aux hérétiques, les preuves que le mariage est licite, bon et saint : la Dtsputotio inler catholicum il patertnum hæreticum « le Grégoire « le Florence c 1 12 1 1), dans Martène et Durand. Thésaurus noous anecdot., t.. coi. iTii 1715 « ) Rainier Sacchoni, ibid., col,

1 TTl ». présentent des arguments brefs.

Cette réhabilitation du mariage, bien qu’elle soit l'œuvre « le polémistes distingués, ne présente pas tout l’intérêt que l’on pourrait attendre : la méthode d’au torité y joue le rôle principal et il pourrait être seule ment curieux d'étudier le choix qui fut fait parmi les textes script araires.

I.a discussion devait prendre beaucoup plus dam pleur dans les ouvrages des grands scolastiques : ils se demandèrent si le mariage est de droit naturel. quelle « 'si la valeur de l’acte conjugal, comment il convient d’apprécier les biens « lu mariage.

b) Mariage et tirait naturel. De bonne heure, les scolastiques se sont préoccupés d’assurer au mariage le fondement du droit naturel. I.a discussion est déjà avancée dans la Somme de Roland de Crémone, ms. cit.. fol. 132 sq. Elle prend toute son ampleur dans les grands commentaires du milieu du xiir siècle. Sur le droit naturel dans la doctrine des scolastiques, voir l’ouvrage « le Stockums, et M. Grabmann, Dos Nalurrecht der Scholastik von Gratian bis Thomas von Aquin, dans Arehiv fur Rechts und Wirtschaftsphihsophie, 1922, p. 12-53. on ne trouvera guère de renseigne ment s spéciaux sur notre sujet dans l’r. Wagner, Dos natûrliche Sittengesetz nach der Lehre des hl. Thomas von Aquino, Fribourg, 1911, qui cependant souligne l’importance de la définition du droit naturel donnée à propos « lu mariage, dist. XXXIII, q. i, a. 1 ; voir aussi I.. Baur, Die l.ehre vont Naturrecht bei Bonauentura, (Mélanges Bfiumker), 1913, p. 231.

lis raisons de douter si le mariage est de droit liai u rel sont exposées en termes identiques par Albert le Grand et saint Thomas. Toutes les espèces animales ne le pratiquent point : la nature incline seulement a la copulation, laquelle ne fait point le mariage. Les hommes eux-mêmes, à l'état de nature, vivaient « lans les forêts sans constituer des familles. Encore aujourd’hui, le contrat de mariage a « les formes diverses chez 1rs divers peuples : variété contraire à la nature. lui revanche, ! « Digeste et les Instantes présentent le mariage comme de droit naturel et Cicéron aussi et Aristote. qui voit dans l’homme animale naturale conjugale magis (/nom politicum, un animal destine à la vie conjugale plutôt qu'à la vie « i ile. qualité commune a tous les êtres animés : ainsi, chaque couple d’oiseaux a son nid. El l’organisation des hommes, la répartition des travaux ne se conçoivent pas sans

le mariage.

Ces arguments, les srnlasl iques les adoptent, la réception de l’aristotélisme est sur ce point si complète. qu’Albert le Grand se borne à transcrire un fragment du Commentaire d’Aspasius sur le I. I de l'Éthique : l’union des sexes ne réalise la tin parfaite dont la raison de l’homme est avide « pie h elle aboutit à la procréation et a l'éducation des enfants. Avec plus de force, saint l bornas distingue une double 217.'. MARIAGE. DOCTRINE CLASSIQUE, L'ÉTAT DE MARIAGE

21 76

action de la nature : la nature Impose certaines choses, elle incline à certaines autres choses. Le mariage n’appartient pas à la première catégorie, niais bien à la seconde. La raison naturelle y incline de deux manières : en disposant les pères à élever leurs enfants, les époux à s’entr’aider dans une association durable. Car la génération n’est pas le seul but assigné par la nature au père : il y faut ajoute]- l’entretien de l’enfant, son éducation complète, esse, nutrimentum, disciplinant, sa promotion à l'étal parfait, celui où il cl capable de vertu, lit l’association passagère de l’homme et de la femme ne répond point à leur besoin constant de secours mutuel. Ainsi, la raison incline à reconnaître l’indiscutable nécessité de l’union permanente de l’homme et de la femme, des enfants et des parents, c’est-à-dire le mariage. Il n’est donc point vrai que la nature incline seulement à la copulation. La loi commune, c’est la procréation dans le mariage. C’est un caractère spécifique et l’une des supériorités de l’homme que son inclination au mariage. Si les animaux ne pratiquent point le mariage aussi parfaitement que les hommes, cela tient à la mesure de leurs instincts et facultés. Chez les uns, le mâle nourrit sa progéniture, chez les autres.il n’a aucun soin de celle-ci. Il est normal que l’homme ait une conception plus élevée du mariage que les autres êtres. Et les besoins de l’enfant sont naturellement tels et si durables qu’ils requièrent une application durable du père, tandis que chez les autres animaux, il arrive que les petits puissent immédiatement pourvoir à leur sustentation, seuls ou avec le secours de leur mère. Ce que dit Cicéron de l’anarchie des primitifs ne peut être vrai que de quelques dans, mais les Écritures attestent l’existence du mariage dès l’origine du monde. S’il y a, enfin, des différences entre les usages matrimoniaux, c’est que la nature humaine est mobile : d’ailleurs, ces différences ne portent que sur les accidents.

De toutes ces raisons, où l’on reconnaît la part très large d’Aristote, il est permis de conclure que le mariage est de droit naturel. Et déjà, la question plus précise des caractères que lui assigne la nature est partiellement résolue par les arguments que nous avons résumés : la nature prescrit l’indissolubilité. De droit naturel, le mariage est indissoluble, puisque la nature exige que les parents surveillent toute leur vie l'éducation des enfants. Duns Scot rattache directement l’indissolubilité à la loi divine. Report, paris., dist. XXXI, q. un., n. 11.

Les raisons de douter si la monogamie est de droit naturel étaient multiples : l’exemple de nombreuses espèces animales, l’absence d’une coutume et d’un précepte universels, la pratique des patriarches, le but même du mariage, qui se réalise mieux dans la polygamie et jusqu’aux raisonnements subtils d’Aristote. A quoi l’on oppose la Genèse, ii, 24 (Erunt duo), qu’un homme ne peut, juridiquement, engager son corps à plusieurs femmes, que la pluralité d'épouses va contre l’exclusivité naturelle de l’amour. Saint Thomas résoud la difficulté par sa distinction des préceptes premiers et des préceptes seconds ; cf. Sertillanges, La philosophie morale de saint Thomas d’Aquin, 2e édit., p. 116 sq. Le mariage a pour fin principale la procréation et l'éducation : la polygamie n’y fait point obstacle (il en va autrement de la polyandrie) ; mais elle s’oppose aux préceptes seconds, à la fin secondaire qui est l’association, la collaboration des époux. Duns Scot exclut la monogamie de la catégorie des prima principia practica qui forment au sens strict la loi de nature : elle appartient à la catégorie des principes legi naturæ multum consona, dont Dieu peut dispenser. Opus oxon., dist. XXXIII. q. i, n. 7 ; Report, paris., dist. XXXIII, q. ir, n. 7. Pierre Auriol, dist. XXXIII, q. i. a 1, cherche à prouver que la poly gamie est contre le primarium jus naturae et ne peut être tolérée par dispense. Sur ces point encore, Pierre de la l’allu est d’un autre avis. Dist. XXXIII, q. I, a. 1.

La plus grave des difficultés, ou plutôt celle qui semble préoccuper le plus les scolastiques quand ils défendent les caractères du mariage en droit naturel, c’est dans la coutume d’Israël qu’ils la trouvent. Si l’indissolubilité et la monogamie sont de droit naturel, comment expliquer le libelle de répudiation et la polygamie des patriarches'.' Quant au libelle de répudiation, saint Thomas expose les deux opinions que l’on professait en son temps ; la plus commune est que la répudiation était, chez les Israélites, un péché sans peine, , la seconde, et la plus probable, selon saint Thomas, c’est que la répudiation est en soi un mal, mais que la permission de Dieu l’a rendue licite. Dist. XXXIII, q. ii, a. 2, sol. 2. Cf. ci-dessus Divorce. t. iv, col. 14Î>8 sq.

La polygamie des patriarches ne cause pas moins de surprise. Le progrès des inquiétudes avouées sur ce sujet par les théologiens est assez curieux à suivre. Pierre Lombard s'était placé au point de vue purement spirituel : les patriarches ont-ils péché en prenant plusieurs femmes ? La préoccupation des canonistes et théologiens de la fin du xii° et du début du xiiie siècle va plus avant : elle est plus juridique. Ils se demandent comment, dans la polygamie, se réalise Yindil’idua consuetudo uilee ? Y eut-il un mariage entre Jacob et Rachel, un autre entre Jacob et Lia ou un seul mariage de Jacob avec Rachel et Lia ou un seul mariage, celui qui fut conclu lors de l'échange, avec Rachel, des verba de præsenti ? Cette dernière opinion est celle de Robert de Courson, qui consacre une bonne partie de son premier chapitre (édit. Malherbe, p. 2-4), à discuter le problème et les opinions de ses contemporains.

C’est une des questions auxquelles s’arrêtera Hugues de Saint-Cher, ms. cité, fol. 144 v°. Albert le Grand lui consacre une des quatre parties de son petit traité inédit, Du mariage, ms. cité, fol. 215 r° sq. En somme, il réunit les préoccupations de ses prédécesseurs. Il se demande d’abord si les antiqui patres ont pu licitement avoir plusieurs femmes. Réponse affirmative : dicimus quod licuit habere plures dispensatorie. — Toutes ces femmes étaient-elles uxores ? Dicimus quod non fuerunt plures uxores sed uxorio afjectu cognitac. Si autem quxritur quid sil uxorarius afjectus, dico quod mulieris afjectus spe pietatis in proie et non inlentione libidinis dicitur uxorarius afjectus, fol. 216.

Jusqu’alors, les préceptes du droit naturel n’ont guère joué de rôle dans le débat. C’est qu’ils n’ont point encore attiré fortement, non plus que la notion de dispense à la loi naturelle, l’attention des théologiens. Brys, op. cit., p. 256 sq. Cette indifférence ne devait point durer. Albert le Grand insère le problème de la polygamie des patriarches dans un très ample exposé des caractères du mariage en droit naturel. Dist. XXXIII. Et il montre les raisons pour lesquelles Dieu accorda aux patriarches une dispense qui, d’ailleurs, n’est point tout à fait contraire au droit naturel. L’explication de la polygamie des patriarches est concise et définitive dans les Commentaires de saint Thomas. Dist. XXXIII. q. i, a. 2, sol. Cf. O. Lottin, Le droit naturel chez saint Thomas et ses prédécesseurs, dans Ephemerides theol. Lovan., 1926, p. 163-167. L’interprétation de la dispense donna lieu à des considérations profondes sur le gouvernement divin, notamment dans Duns Scot, Report, paris., dist. XXXIII, q. ii, n. 5 sq. ; l’interprétation même de ces textes de Scot tient une place dans les controverses récentes ; cf. B. Landry, Duns Scot, Paris, 1922, p. 255 sq. et la solide réponse de É. Longpré, La philosophie du B. Duns Scot. Paris, 1924, p. 83 sq. MARIAGJ DOI 1KIM I LASSIQ1 E, L'ÉTAT D1 M TRIAGE

2177

t J Vakur de f » eU conjugal. Si le mariage w « > » > étal naturel, n’y faut-U point reconnaître aujonrd nul la marque de la nature déchue ? L’acte conjugal n’est-ll pas un relvchement coupable de la chalrl

Les scolastiques rencontraient sur ce polnl la cri tique des hérésiarques et celle de ces philosophes qui condamnent en toute union charnelle une délectation superflue el ! < trouble de la raison. t>n leur objectall encore que Pierre Lombard rherche à cet acte des excuses, el qu’il est accompli dans le secret : preuves qu’il ne va point sans honte et sans péché.

P’asstt nombreux canonistes et théologiens -ou tiennent que lacté conjugal ne peu ! jamais s’accomplir s ms péché : Est enitn quidam ftreor. quædam voluplas, semoer peccatum est. ut XXXlll.q. IV, Vir (c. il ce hic expresse habetur quod opus conjugale nunm potesi exeneri sine peccato. Huguccio, in c. 1, eaus ll. q. ». <"' rerbum non datur. cité par K Gillmann. dans Hcr Katholik, 1909, t.n, p. 21 », n. 5, Huguccio ajoute que, si les hérétiques on ! tort de dire quotl concubitus non potest fieri sine peccato, c’est qu ils entendent par là : péché mortel, alors que l’union accomplie en vue de tins licites n’a pour conséquence qu’un péché véniel. On trouvera la même opinion dans Rufin (édit. Singer, p. 181) el dans un manuscrit d’Erlangen, cité par Gillmann : Sed metior et celebrior pinio ut dicatur quod i cumule commercium) non tit sine culpa compleri. Plusieurs théologiens du siècle et du début du xur professent une opinion re : R. Pull, Sent., I. VII, c. x. /'./… t. clxxxvi,

-. Pierre de Poitiers. 1'. I… t. CCXI, col. 1258 et

I ; Innocent III. /><' contemplu mundi, I. I. c. î. mi. eol. 703, et Commentaria in ps. IV

it. (?). ibid., eol. 1

Aussi se trouve-t-il des auteurs, dans cette période. pour interdire les relations conjugales presque tous les jours de la semaine : le jeudi, en souvenir de l’arrestation de Notre-Seigneur, le vendredi en commémoration de sa mort, le samedi en l’honneur de la sainte Vierge, le dimanche, jour de la Résurrection, le lundi, jour consacre aux défunts et encore certains jours de fête. Cf. Pierre le Chantre, op. cit.. Bibl. Nat., ms. lat. -. fol. 2Il et Robert de Courson, op. cit.. fol. 105. Cette disposition à la rigueur, qu’il serait intéressant de confronter avec les prescriptions et doctrines relatives au jeûne et à l’abstinence, s’explique parla force de la tradition pessimiste, par la répugnance que cause aux moralistes toute volupté charnelle, et si l’acte générateur accompli en vue de sa fin légitime n’est point excepté, c’est que, pour la plupart des théologiens antérieurs à saint Thomas, le péché d’ori gine se propage par la concupiscence de l’acte conjugal. La concupiscence dans l’acte conjugal souille le germe vital ;. J.-B. Kors. La justice primitive et le péché originel d’après saint Thomas, I » partie, Les sources. i, 71.. Une sorte de reaction contre le rigorisme fut entreprise par Pierre le Chantre et ses disciples. D’abord. lassent parmi les semi-hérétiques ceux qui. prohibant les relations conjugales cinq jours par semaine. Toréent par des moyens obliques de détruire le mariage >. Pierre le Chantre et Robert de Courson, Inc. ciî. Pratique et bienveillant. Robert de Courson rve qu<- ces relations ne sont pas toujours Inspi ! par la recherche d’une fin précise et qu’on ne saurait déclarer mortellement coupable celui qui use en toute simplicité, sans cause définie, de son droit. Mieux, ces actes que tant de docteurs réprouvent ne re méritoires'.' Cette question donna lieu - la fin du xir siècle a des débats, où Pierre le mtre prit une grande part, et qui furent particulièrement vifs en l’année de sa mort (1197), au « lire de r | îrson. dont nous suivons le. développe 1 1 78

inents. op. c « ., foi. 101 106, Que l’acte conjugal accom

pli ex COrttate, en ue de la procréai ion. ou par devoir.

ou pour éviter l’Incontinence soit méritoire, cela résulte de l’intention même, et de la prudence qui l’anime : omne opus cujuscumque vtrtults meritortum est

Ou objecte : In altqua parle épis efflcUUT homo lotus

euro. Mais il faudrait donc dire que les actes pieux ou héroïques perdent leur mérite parce que l’esprit est

momentanément détourne par quelque circonstance

extérieure de la pensée de Dieu. En réalité, il convient de décomposer l’acte comme le lait Pierre le Chantre el d’y reconnaître les moments du mérite et ceux du péché Véniel : l’intention est méritoire, la délectai ion charnelle véniellement coupable.

La dispute s'était encore compliquée dans le premier tiers du xur siècle, si l’on s’en rapporte au expllca lions de Hugues de Salnt-Cher qui, après avoir posé la question : l’acte conjugal peut-il être accompli sans péché.' expose tous les arguments pro et contra, et conclut : Solulio hufus dtpendetab illa quæstione qua quteritur utrum primi motus sint peccata. Illi qui dicunt quod primi motus sint percuta dicunt quod opus conjugale non » otest flerl sine peccato ad minus veniali. Alii qui dicunt quod primi motus non sint peccata dicuiil quod non omne opus conjugale sit peccatum… Ms. cite. fol. 139. Hugues de Saint-Cher appartient à cette dernière catégorie : usscrimus secure quod non omne opus conjugale est peccatum. immo quandoque meriloriiim Dita ceternse. Et il se rallie à la distinction augustinienne des quatre causes de Vopus conjugale.

Ces débats s’apaisèrent, comme bien d’autres, au milieu du xur siècle. Les textes allégués à la charge de l’acte conjugal. Albert le Grand et saint Thomas les expliquent et ils invoquent, en sens contraire, plusieurs autres textes. Ne leur suffisait-il point, d’ail leurs, d’avoir prouvé que la viraisgeneratiba est une vertu naturelle, que, donc, l’acte conjugal est nécessaire. On ne sera pas surpris que nul n’ait mieux affirmé que saint Thomas, avec un optimisme plus ferme et plus lucide, la bonté des inclinai ions naturelles, i Si la nature corporelle a été instituée par un Dieu bon, il est impossible de dire que ce qui concerne la conservation de la nature corporelle et à quoi la nature incline soit universellement mauvais. » Donc, il est impossible que l’acte de la procréation sit universaliter illicilus, ut in eo médium idrtutis inveniri non possit. Dist. XXVI, q. i, a. 3, sol.

L’acte conjugal est-il simplement utile ou vraiment honnête, se demandent les théologiens. Que 'ignifienl ces excuses dont parle le Lombard ? L’honnêteté, l’utilité, la délectation ont leur part dans le mariage, répond saint Bonaventure, mêlées cependant de leurs contraires, dist. XXXI, a. 1. q. i, ce qui explique la nécessité des excuses fournies par les trois biens du mariage. La définition même de ces trois biens donna lieu à une controverse entre canonistes et théologiens, vers la fin du xiie siècle. Hazianus († 1197), l’inaugura el ses disciples le suivirent : Robert de Courson les combat ( « '. 5, De bonis matrimonii, copie Malherbe, fol. 19) : Hazianus et sui sequaces exponebant hsec négative, dicentes quod in matrimonio débet esse proies, id est animas non contrarias proli c' fuies, ut neuier ad alienum lliorum Iranseat et sueramentum ut nunqnam divortium fiât. Sed sic non exponitur quid unumquodque istorum sit. et ideo nobis videtur aliter solvendum, ai

dirumus quod proies lue dicitllT spei pnliS pTOCTCandx ad cultum Del et fides obserranlia mutine serinlulis et conjugalis castitatis et sacramentum matrimonii sancti las sine /irmilus, rel si maris dicere, insepi

Les SCOlastiques écartent avec soin les malentendus

que pourrait suggérercette notion des /, tntta.

L’excuse, observe Albert le Grand s’applique a la pana ex culpa palris procèdent. El sa, m Thomas note 2179 MARIAGE. DOCTRINE CLASSIQUE, L'ÉTAT DE MARIAGE

2 ISO

bien qu’il ne s’agit pas d’une excuse extérieure, mais que ces liiens qui assurent l’honnêteté <lu mariage sont de ratione matrimonti.

Duns Seul, Report, paria, , dist. XXXI, q. i, ne veut même point que l’on parle d’excuse, puisque le mariage, par son objet et par sa fin, est un acte honnête, que les biens du mariage existaient déjà dans l'état d’innocence, alors qu’il ne pouvait être question d’excuse. Et Pierre Auriol, dist. XXXI, q, i, a. 1. déclare : aucun acte de vertu n’a besoin d’excuse.

La doctrine tend donc à juger l’acte conjugal d’après ses causes. Albert le Grand distingue quatre causes : spes prolis, fides reddendi debili, rememoralio boni sacramenti, sanalio inftrmitatis, et trois mobiles : amor cultus Dei propagandi in proie, amor justitise> in redditione debili, fides unionis futuræ in uno spiritu ad Deum. Dist. XXVI, a. 12. Les trois premières causes et les deux premiers mobiles rendent l’acte méritoire, la quatrième cause en fait un péché véniel si la nature précède la concupiscence, mortel si la volupté est la fin ultime. Saint Thomas reconnaît le mérite de l’acte conjugal s’il a pour cause la justice, reddilio debili, ou la religion, procréation d’enfants de Dieu ; s’il a pour cause la volupté, la fidélité restant sauve, il y a faute vénielle ; si cette volupté est prête à s’exercer hors du mariage, péché mortel.

Les scolastiques s’accordent désormais sauf de très rares exceptions, à considérer comme licite, honnête et sans péché, l’acte conjugal qui a pour fin la procreatio, la redditio debili, la rememoratio boni sacramenti. Encore exigent-ils la modération eliam in licîtis. Le vehemens amator, l’ardentior amator, celui qui use sans retenue du mariage pèche mortellement. Cf. H. Lauer, Die Moraltheologie Alberts des (irossen, Fribourg-en-B., 1911, p. 351.

Les divergences n’ont été sensibles que sur l’interprétation du remedinm concupiscentiæ, et elles ont porté quelques théologiens aux extrémités de la rigueur ou de l’indulgence. Que le mariage fût un remède à la concupiscence, les cathares le niaient et probablement aussi certains logiciens, car les objections présentées par Albert le Grand ont un caractère d'école. Comment, se demande-t-on, le mariage qui excite, satisfait, entretient la concupiscence, serait-il un remède, alors que le remède est toujours contraire au mal. S’il le limite, c’est pour en accroître l’intensité. Le remède, répond Albert le Grand n’est pas toujours contraire au mal : il ne peut l'être dans ces maladies invétérées et chroniques où la nature ne supporterait pas une cure radicale. Mais il est faux de dire que le mariage ait tous les effets que l’on prétend sur la concupiscence : les lois divines et humaines lui donnent cette vertu d’empêcher la turpitude du vice ; si la copulation y est permise, elle n’en est point la fin essentielle et ce qu’elle laisse après elle, ce n’est point l’appétit mais Yinfumilas pœnæ, d’ailleurs diminuée ; enfin, celui qui mettrait dans le mariage la même passion que dans les relations illicites serait adultère, comme dit Pythagore, allégué par saint Jérôme. Cf. Albert le Grand, dist. XXVI, a. 8.

La dispute se poursuivit sur la valeur de l’acte conjugal accompli en vue d'éviter la fornication ; il est sans péché, au jugement de Durand de Saint-Pourçain, dist. XXXI, q. iv, mais non point selon Pierre de la Pallu, dist. XXXI, q. n. Il n’est pas impossible que l’inclination à l’indulgence s’explique, dans une certaine mesure, par la nécessité de justifier le mariage et son usage normal au temps de 1' « amour courtois ». Cf. G. Paris, dans Romania, t. xii, p. 518 sq. ; E. Schiôtt, L’amour et les amoureux dans les lais de Marie de France, Lund, 1889, p. 26 sq. Les rapports entre époux sont jugés si peu désirables par les auteurs littéraires qui reflètent et flattent sans doute l’opinion,

quc certains théologiens ont pu hésiter à appeler coupables des plaisirs que l’on avait tant de peine à contenir dans les bornes du sacrement

d) Mariage et virginité. Le mariage est un bien, il peut être méritoire, la nature nous y incline. X’esl-il pas un devoir ? Quand les théologiens le classent parmi les non communia (cf. J. de Ghellinck, A propos de quelques affirmations du nombre septénaire des sacrements au XIIe siècle, dans Recherches de science religieuse, 1910, p. 493 sq.). parmi les non néce saires (Otton de Bamberg ? dans /'. L., t. clxxiii, col. 1359), ils constatent seulement un fait. Pour résoudre le problème de la liberté du mariage, ils considèrent le plan divin. A l’origine, le mariage fut sub præcepto, pane qu’il importait de peupler la terre, de multiplier le nombre des adorateurs de Dieu. Le mariage était alors un devoir en tant qu’il assure la conservation de l’espèce ; il ne l’a jamais été en tant que remède : il y a des remèdes préférables, la contemplation et la pénitence. Cf. Xicolas des Orbeaux ( t 1465), Super Sententias compendiiim singulare, Paris. 1511, n. L, dist. XXVI. Denys le Chartreux allègue sur ce point divers théologiens du xiiie siècle. Dans la suite des temps, la liberté fut laissée a chaque homme de choisir entre le mariage et le célibat. Cf. par exemple, saint Bonaventure, dist. XXVI, a. 1. q. m. Car si la vie collective requiert le mariage, comme elle requiert des laboureurs et des soldats, le mariage n’est pas une condition nécessaire de la perfection individuelle : la virginité peut être plus favorable à la croissance spirituelle. Saint Thomas ID-IF, q. clii, a. 2, ad l unt : In 7Vum Sent., dist. XXXIII, q. m. a. 2, ad 2 U "' et 5*™ ; In 7/um Ethic, lect. n. Cf. Sertillanges, op. cit.. p. 466 sq.

Que la virginité soit supérieure au mariage, c’est une vérité reconnue par les canonistes (Freisen, op. cit., p. 26, sq.) et dont la démonstration tient fort à cœur aux théologiens. Tel commentateur des Sentences, comme Bobert Covvton, ms. XCII, fol. 227. de Merton Collège (Oxford), consacrera tous ses développements sur le mariage à l'établir. Et tels autres, comme Nicolas des Orbeaux, loc. cit., rappelleront une sentence fameuse : virginitati attribuitur jructus centesimus, viduitati… sexagesimus, malrimonio… Iriresimus. Cette solution n’allait point sans difficultés théoriques. On objectait : le mariage est de droit naturel, le précepte originel n’a jamais été révoqué, le bien de l’espèce est supérieur à celui des individus, et l’existence même de l’espèce requiert le mariage. Mais saint Thomas montre comment la diversité des vocations est condition de l’harmonie du monde : irfaut. pour que la société vive, des hommes mariés et des contemplatifs.

e) La place du mariage dans la société chrétienne. Les théologiens n’ont pas manqué d’assigner aux gens mariés leur place précise dans la société chrétienne. C’est un lieu commun, à la fin du Moyen Age, de les considérer comme formant un ordre. Abbon l’appelait déjà ordinem, un état. Dans son Histoire de l’Occident. Jacques de Vitry écrit encore, vers 1225. que les gens mariés forment un ordre ; dans un sermon sur les noces de Cana, il élève le sens du mot : Dieu même a institué cet ordre, tandis que les autres ordres, il a laissé aux hommes le soin de les instituer. Sermoncs in epistolas et evangelia dominicalia, Anvers, 1575, p. 156. Au cours du xme siècle, le thème fut popularisé en France par le dominicain Guillaume Pérauld. dans son De eruditione principum, 1. V. c. xxvi et xxvii (que l’on a souvent attribué à saint Thomas) et dans sa Summa virtutum ac nitiorum, ouvrage très répandu, très exploité jusqu’au XW siècle, où il énumère les douze fondements de la dignité et sainteté de l’ordre des époux, t. I, pari. III. tract, iii, c. 15 ; en AileM m ; i (, r. mu i i ; ii CL VSSIQI I. il CON ru T

JISl

r, par i<- franciscain bavarois Berthold de Ratls bonne, dans son célèbre sermon sur les sepl sacrements Dieu a sanctiUé le mariage plus qu’aucun ordre au monde, plus que les rrtres déchaux, les hrères eurs ou '.-- moines gris qui. sur un point, ne peuvent mcomparer nu saint mariage. On ne peut se p, wr de cet ordre. Dieu la donc commandé. Les autres ordres, il les a seulement conseillés… Comment le ciel serait-il peuplé -ans le mariage ? Bertholds Prei, édil. Gôbel, 1905. p. 282 sq. Robert de Sorbon le W mariage : sacer onlo. Kl le dominicain nn. vers 1300. prcci>e encore : l’ordre îles époux i Dieu pour abbé. Il n> « guère de lieu commun plus répandu en France et en Allemagne a la Un du Moyen i)n le trouve non seulement dans de nombreux ..us. niaidans la littérature religieuse de tons les (..is chrétiens : toute une série de traités imprimés ou manuscrits, composes en Allemagne, a la fin <lu . le développent et le Spe-rulum humanæ vitse de Rodrigo Sanchez de Arevalo, Rome, 1 168, I. 1. c i. raccueille. Les douze chers d’honneur relevés par Guillaume Pérauld ont eu un tel succès jusque dans les premiers livres de la prose allemande et ils groupent si bien toutes les raisons de la faveur de l’Eglise pour le mariage que nous les énumérons brièvement : c’est le plus ancien des ordres, fonde par Dieu, dans le plus saint « les lieux, au temps de l’innocence ; conservé lors du déluge ; la mère de Dieu a voulu en faire partie, le Christ l’a honore par sa présence aux noies de (..ma. ou il lit son premier miracle : l'Église le bénit ; il est orce des générations fidèles, le septième sacrement, et il autorise des actes qui. hors mariage, sont des pèches mortels.

Les prédicateurs et les écrivains ne s’en tiennent pas signer au mariage ce rang très élevé. S’il est un ordre, il n’v faut entrer qu’avec décence et pour des motifs honorables. Jacques de Vitry tonne contre les mariages d’argent. Le jour des noces, ce n’est pas la fiancée que l’on devrait conduire à l'église, mais bien argent et ses vaches. Et le dominicain Jean ilt, dans la seconde moitié du w siècle, recommande aux jeunes gens d’apprendre les règles de l’ordre conjugal, car il n’j a pas de noviciat, avant entrer, ni « le dispense, une fois qu’on s’y est gé. Or. les règles de l’ordre doivent être bien obser. répète, vers le même temps, le franciscain Jean Gritsch, de Bâle, dont les sermons eurent un si La plus douce, rappelée par Guillaume ald et Pérégrin, est celle de l’amour mutuel. Il '.autres obligations plus mêlées de peine, tout un .statut de l’ordre des gens maries que présentent des OUVI raux, comme le Doctrinale du chartreux

Erhard (, ross ou bien des ouvrages spéciaux, comme le Miroir dr l’ordre des gens mariés du dominicain saxon Marc de Weida (1187). Les devoirs d'éducation forment l’objet d’un chapitre.

Toute cette conception de l’ordo a été signalée à plusieurs reprises, notamment par Michæl, op. cit. Denifle a attiré l’attention su-- son importance, trad. i’aquier. t. II, p. 72 sq. Elle fait l’objet d’un article substantiel, que nous avons largement utilisé, de V l’aulus. Milielallerliehe Slimmen ùberden Eheorden, dans Historisch-polilische BlOtter, 1908, t. cxli, p. 1008-1021 et de quelques pages de P. I’alk. Die Ehr uni Ausgangt de* Mitlelallen, Pribourg-en-B.,

Il ne s’agit point la d’une fantaisie verbale sans

portée. Rien ne montre mieux la tendance des prédi ars populaires, des moralistes, à exalter et, en

me. a majorer la valeur de l'état de mariage,

puisque, a la lettre, ils le placent avant la profession

religieuse, ni le souci général de l'Église de soumettre

_ens mariés à une discipline stricte, a l’observation

IIS.

de leurs devoirs. Il convient d’ajouter que le droll canonique secondait efficacement les vues des prédl cateurs et « les moralistes, Par un clan naturel et un parti pus puissant. Il favorise la conclusion des

mariages, il pousse au mariage tous ceux qui ne se

sentent pas capables de porter l'état supeiieiir île VU*ginité ou de continence. Il leur a tendu des pièges. Esmein, op. cit., t r, p, 85 sq. La formation du

lien, il la rend facile, en D’exigeant aucune foi nie. en supprimant des incapacités, des conditions gênantes, en créant la théorie des mariages présumés. El il B pose cette règle qu’il faut toujours juger en faveur du

mariage

La disposition générale de l'Église à l'égard de l'étal de mariage est donc très nettement marquée : elle le considère comme naturel, honnête et saint, la lutte contre l’hérésie, dont l’un des traits généraux, au xiir siècle, est d'être hostile au mariage, l’incite.i donner tout leur relief à ces caractères essentiels. 1 ne tendance austère, ascétique, continue de se manifestel chez certains docteurs, mais elle n’aboutit pratique ment qu'à des conflits très limités sur la casuistique. El la méfiance de l'Église â l'égard de la chair, que la croyance au péché originel Impose, n’aboutit qu'à po

ser des règles d’une haute moralité. L’une des séduc tions de la doctrine que nous avons exposée n’cst-cllc point la recherche constante d’un accord entre la nature et la raison, les besoins de l’homme et sa vocation supérieure'.'

2. La théorie du contrat.. L'état de mariage dépend chez tous les peuples soit de l’accomplissement de rites définis, soit d’une manifestation de volonté, faute de quoi n’existe entre l’homme et la femme associés qu’une liaison de fait ou une condition inlY rieure à celle de l’union légitime.

Selon les temps et les lieux, le droit a exigé des cérémonies solennelles, comme chez les Germains, OU la simple preuve de l’aflectus marilalis, comme chez les Domains. Aucune de ces conceptions n’exclut. aucune n’impose la notion explicite du contrat, d’un accord de volontés en vue de produire des effets juridiques. En fait, les peuples anciens ont traité plutôt le mariage comme une institution, sans doute parce que l’intérêt religieux ou social, le caractère impérieux de la coutume leur cachaient le jeu des volontés individuelles, des engagements personnels dans le mariage. Au contraire, la doctrine classique qui nous Occupe a reconnu dans le mariage un contrat. Elle en a déterminé la nature, le mode de formation, les effets. Nous examinerons méthodiquement ces divers sujets, en nous plaçant surtout, même dansée domaine juridique, au point de vue des théologiens.

a) Le mariage est un contrat. Les Romains n’ont jamais appelé le mariage un contrat, ni cherché à lui appliquer les règles des contrais. Cependant, l’expression eontrahere matrimonium se rencontre chez les jurisconsultes de l'époque impériale et ils avaient bien remarqué que, comme les contrats consensuels, le mariage est parlait nudo consensu. Dig. xx, t. I,

et xxii. I, I.

Les commentateurs des lois romaines, des avant la renaissance bolonaise, appelaient le mariage un trat et l’assimilaient, dans leurs exemples, aux nuirais consensuels, la vente, la société. Ainsi Petn Exceptions legum romanarum, pp. i, c. 20 : Contractas id est ex utraque parte, simul consensu tractus, suai

nuplim et tmptio. Mêmes expressions dans le Libellas

de verbis legalibus, c. 6. Les gjossateurs, bien qu’il leur arrive de déclarer que le mariage n’est pas un cou trat, le traitent comme un contrat de société OÙ, SÎm

plement, l’union des personnes joue un plus grand rôle que l’esprit de lucre. Irnerius. Summa Codlcis, edit. Fttting, p. 136, v. 1. el Rogerius, Summa Codicis, 2 1 83

    1. MARIAGE##


MARIAGE. DOCTRINE CLASSIQUE, LE CONTRAT

2184

éd. Gaudenzi, dans Bibliotheca juriilica Medii Mvi, l. i, ]). 89 sq. Sur une concordance partielle entre Rogerius et la Summa colon if nais, cf. W. von H8rmann, Desponsalio impuberum, p. 96.

La notion de contrat avait donc été appliquée par le droit séculier et elle était reconnue par les romanistes au moment où se forma le droit des Décrétâtes. Le triomphe de la doctrine de Pierre Lombard devait en favoriser le développement. D’abord, par une sorte de contagion. Les sponsalia de juluro sont un contrat : la force des verbade pressenti serait-elle moindre ? Quand les premiers scolastiques parlent de la pactio conjugalis - terme qu’adopte Pierre Lombard, t. IV, dist. XXVII, c. iv — ils n’entendent certes point lui donner une armature moins robuste qu’aux fiançailles. C'était même le premier avantage de cette notion de contrat qu elle facilitait la réglementation du mariage, en le plaçant dans un cadre solidement établi - pour d’autres figures — par le droit romain : elle avait donc une efficacité juridique et sociale. Cf. Détrez, Mariage et contrat. Étude historique sur la nature sociale du droit, Paris, 1907, p. 134 sq. En outre, elle facilitait l’explication du rôle exceptionnel de la volonté humaine dans un acte spirituel. C’est à ce titre que les théologiens l’ont spécialement invoquée.

Non, cependant, sans quelque hésitation. Albert le Grand nous en est témoin. Dans la distinction XXVII, a. 6, In I' nm Sent., il se demande : pourquoi le consentement est-il requis, par exception, dans ce sacrement de mariage ? Hesponsio ad hoc est, quod istud sacrumentum, ut prius dictum est, consista in quadam commutatione sive contractu ipsius personse contrahentis : talis autem commutatio non potest fieri sine consensu commutantis, sine contrahentis : et ideo in islo et non in aliis requiritur consensus. Tel est l’un des très rares textes d’Albert le Grand où il soit question du contrai ; et l’on voit qu’il ne tient pas fort à ce terme. Saint Thomas l’emploie presque toujours avec des réserves ou des tours embarrassés. Tantôt il signale une analogie : Conjunctio matrimonialis fit ad modum obligationis in contractibus mate riali bus. In IV™"Sent., dist. XXVII, q. i, a. 2, quæst. -1, sol. 2 ; tantôt il admet vaguement que in matrimonio fit contractus, Ibid., quæst. 2 ; tantôt il voit dans le mariage une sorte de contrat : in matrimonio, cum sil quidam contractus, est quædam promissio, per quam talis vir tali mulieri determinatur. IV am Sent., dist. XXXI, q. I, a. 2, ad 2um.

La dénomination de contrat ne s’acclimate donc point sans peine. Et nous écrivons à dessein : la dénomination. Quant au fond, les scolastiques n’ont aucune répugnance à traiter le mariage comme une >orte de contrat. Tous s’accordent à reconnaître que le consentement crée à la fois et des obligations entre les époux et le sacrement. La légère réserve que semble indiquer le langage d’Albert le Grand et de saint Thomas ne porte, que sur la catégorie de l’obligation, le nom qu’il convient de lui appliquer.

Chez les franciscains, le nom de contrat ne semble pas avoir rencontré les mômes résistances. Saint Bonaventure l’emploie à plusieurs reprises sans l’ombre d’une hésitation : ainsi, dans la théorie des conditions, In IV mn Sent., dist. XXVIII, a. un., q. m et à propos du mariage clandestin (cum non potest primus contractas probari…) ibid., q. v, et dans sa conclusion sur le rôle de l’autorité paternelle : Contractus malrimonii débet esse liber nec ordinarie subjicitur prsecepto parentum obligatorio. Dist. XXIX, a. un., q. m.

Le langage de Duns Scot est bien résolu. Pour lui, nous l’avons vii, le mariage est incontestablement un contrat. Opus oxon., dist. XXVI, q. un., n. 8 : dicitur enim contractus, quasi simul tractus duarum voluntatum. Et il le définit : Contractus matrimonii est maris et

/emimej^miilua’jtranslatio corporum suorum, pro usu perprtuo ad, 'procreandam prolem, débite educandam. Ibid., n. 17. L’opinion commune, à partir de la fin du xiiie siècle, adhère à cette conception très nette du contrat.

b) Le mariage est un contrat consensuel. Parfois, pour préciser davantage, les théologiens proposent une assimilation arbitraire et quelque peu dangereuse à tel ou tel contrat.

Ainsi, Duns Scot interprète le contrat de mariage comme une donation mutuelle ou un échange : contractus ille non potest esse nisi muluæ donationis vel permutationis, quod idem est, potestatis corporum pro usu perpétua ad istum jinem. Opus oxon.. dist. XXVI, q. un. ; Report paris, , 1. IV.dist. XXVIII, n. 14. Contractus sine commutatio, dit déjà Albert le Grand.

Beaucoup de théologiens et de canonistes, professant une toute autre opinion, inclinent à considérer le mariage comme un contrat verbal. Obligatio verborum, avait dit Pierre Lombard. Et bien d’autres le répètent : Geoffroy de Trani, Innocent IV, Guillaume Durant… Peut-être faut-il voir dans cette conception l’influence de la pratique séculière : l’usage de la stipulation, c’est-à-dire du contrat verbal, solennel, pour la conclusion des mariages est constaté par les Exceptions Pétri et le Livre de Tubingue. Bonaguida, édit. Wunderlich, p. 189, ii, 7, semble bien indiquer que la stipulation est d’usage courant dans sa région d’Arezzo. Si l’on accepte la conjecture très plausible de Brandileone, la stipulation se serait introduite dans le droit populaire de l’Italie : elle permettait à ces populations, qui ne connaissent point l’usage germanique du mariage conclu devant un officier public, d’assurer à leur mariage une publicité suffisante. En tout cas, les canonistes jusqu’au milieu du xme siècle, insistent sur la nécessité des paroles quand les parties peuvent parler.

Il est probable cependant que seul le souci de la preuve les inspire. Car l’opinion générale est que le mariage se forme solo consensu et appartient donc à la catégorie des contrats consensuels. Hostiensis l’aflîrme énergiquement : …sufficit quod de consensu appareat qualitercumque sicut dicit lex in consimili contracta… locationis et emptionis qui solo consensu contrahilur… Tantôt on le rapproche de la vente, tantôt de la société : assimilations maladroites, mais qui montrent du moins, que l’on ne se méprend point sur la nature du contrat.

Le mariage est donc un contrat consensuel, non point un contrat solennel. Bomanistes et canonistes sont d’accord sur ce point. « Dans le mariage, ni l'écrit ni la solennité ni la dot ne sont nécessaires : ce n’est pas la dot mais Yaflectus matrimonialis qui fait le mariage, le reste est appendice, » écrit Irnerius. loc. cit., p. 141. Placentin († 1192), dont la Summa Codicis est le recueil juridique le plus complet du xii c siècle, cf. P. de Tourtoulon, Placentin, 1896. p. 240, met en relief le même principe, tout en considérant comme légale la deductio in domum. In Librum V 11Il codicis, tit. iv, De nuptiis, Mayence, 1536, p. 197. Mêmes expressions dans Bogerius, op. cit., t. i, p. 92. Au Moyen Age, aucune cérémonie n’est requise par l'Église pour la validité du mariage. Les formalités qu’elle prescrit n’ont d’autre but que de permettre le contrôle des empêchements et de fournir la preuve du contrat.

On ne pourrait être, davantage, tenté de comparer le mariage aux contrats réels. La copula carnalis ne contribue en aucune mesure à la formation du lien. Son rôle a été précisé par la doctrine. Saint Thomas l’explique ainsi : … duplex est integritas. Una quæ utlenditur secundum perjectionem primam, quæ consistil in ipso esse rei : alia quæ attenditur secundum perjectio 2 ! -">

M iu U ; E. DOCTR [NE Cl ssh » l E, LE CONTR T

218(3 « ?/ ; i aeeumhun, qu.r consista In opération*. Quia ergo carnalis camm quædam operatlo, sur usus

mtatrimonii, per quod facuttas ad hoc datur, ideo trtt

t ! is commixtio de secunda integritate matrinwnit.

ft non tlt prima. In / 1 "" Sent., « lis !. XXVI, q, 11.

a ;. s..i L’acte conjugal ne concourt donc qu’a la

rot ion accidentelle ilu mariage. Sur deux points.

niant, le droit classique continue d’accorder une Importance décisive.1 la commixtio seras : en admettant les mariages présumés, en permettant à un époux

rer en religion.i.i : it consommation du mariage.

-i la notion tin mariage présumé est adoptée par c’est parce que la consommation pos ire au liauçailles n’est autre chose que la réali 1 d’une promesse, la manifestation d’une volonté

elle. Albert le Grand, disi. XXVIII. a. 2 ; saint Thomas, dist. XXVIII, q. 1. a. 2. La preuve « le cette

niuiation est fort difficile a faire. Les docteurs admettent généralement que la partie <|ui affirme qu’elle a eu lieu doit être crue, saut preuve contraire résultant île l’inspection corporelle de la femme, de la constatation de sa virginité. Cf. Esræin, Li.p. 201 sq. Le plus souvent, semble-t-il, c’esl la preuve « les flânes qui ne peut être fournie. Dans le Registre des

t civiles de l’offlcialitè de Paris, édit. Petit, 1919, il arrive souvent qu’une femme invoque l’application île la théorie du mariage présumé. L’homme ne nie point l’avoir connue, mais il nie les fiançailles et il

bsous, cf. p. 1. 117. 145, 2."> : î. 165, 515, etc. De cette théorie des mariages présumés, il convient de rapprocher deux autres cas où la copulation réalise le mariage : la copulation libre purifie un consentement vicié par l’erreur ou la crainte et actualise un conseil tentent conditionnel.

Quant a la seconde exception aux principes généraux, l’une des plus amples justifications s’en trouve dans le Sacramentale de Guillaume de Montlauzun, Hihl. Nat.. ins. lat 3205, fol. 59 : le simple accord des

tes. peut être détruit, mais aucun acte contraire ne saurait annuler l’effet de la copula carnalis. Et puis, la charité, cause et fruit du mariage, n’est-elle point renforcée par l’entrée en religion ?…nec videtur riolatnr caritalis qui hanc in melius fortifiait.

Le pouvoir du pape de dispenser du mariage non consommé a donné lieu a une longue et intéressante controverse entre canonistes. Cf. I. Brys, De dispensat iont…. Bruges, 1925, p. ii"l sq. ; Fahrner, op. cit., p. 180 sq. ; F. Gillmann, Von Prioilegtum Paullnum, dans Archio fur kalhol. Kirchenrecht, 1921, t. civ, M. Commentant la décrétale d’Alexandre III sur l’entrée en religion des époux avant consommation du mariage (Compll., L. III, xxviii, c. 7), leur Alain explique : * Le mariage non consommé tire son efficacité de la constitution ecclésiastique : le pape a donc sur ce mari ;. ne les plus larges pouvoirs.. Opinion qui fut acceptée par tous les canonistes du Moyen Age, avec, parfois, quelques réserves, comme on peut le remarquer chez Hostiensis et Johanne Andrt

Les usages attribuent a la copula carnalis plus d’importance que ne leur en reconnaît la doctrine. Ainsi les mariages par procuration comportent un simulacre

insommation : Maximilien fit ainsi occuper suc vement par procureur le lit de deux princesses : lorsqu’il épousa en 1 177 Marie de Bourgogne (cf. Hanauer. Coutumes matrimoniales au Moyen Age dans Mémoires de /Me. de Stanislas, Vsérie, t. x, 1892, Nancy. 1 -S-.t.{. p. 253 sq., tirage., part, Nancy, 1893, p. 12 iq.) et en 1 190, Anne de Bretagne. Tel fut aussi le cérémonial du mariage de l’archiduchesse Marguerite avec Philippe le Beau, duc de Savoie en 1501.

! um. Le mariage par procuration dans l’Ancien Droit, dans Souvellr revue historique de droit. 1917,

p. 199. El tel était, semble t 11, le cérémonial de toul mariage princier dans les pays occidentaux, comme on le voit dans la description du mariage de Frédéric ni avec i léonore de Portugal (1452), dont Eneas

SylviUS dit. pour conclure, qu’il s’accomplit selon lia

coutume des Allemands, quand il s’agli du mariage îles princes. et dans les ordonnances laites par Henri vil d’Angleterre pour s.i maison. E. Chénon, Recherches historiques, p. 86 sq. Cette coutume des princes trouvait aussi sou application chez les parti culiers, voire dans les prisons, comme en témoigne un Registre criminel du Chdtelet de Parts, cité par Chénon, ibid., p. 28, note I. L’importance du fait de la consommai ion est encore soulignée par la benedictto lhalami, ibid., p. 81 sq, El les coutumes décident générale ment que la femme mariée ne gagne son douaire que par la consommation du mariage. Ainsi I ieaumanoir. Coutumes de Beauvotsts, édit. Salmon, n 180

Douaires est aquls à la famé si tost comme loiaus mariages et compalgnle charnelle est fête entre M

et son mari, et autrement non. Dans certaines cou tûmes des Flandres, la femme n’est soumise à la puis sauce de son mari qu’après la première nuit de cohahi talion. La coutume d’Eecloo, comme celle de Court rai. subordonne la confusion des patrimoines à la consommation du mariage. Eecloo, ruh. 12, a. 1 ; Courtrai. rub. 12. a. I : Le mari et la femme après la consommation du mariage sont communs tant de tous leurs biens que de leurs corps. !.. I.olthé, Le droit îles gens maries dans les Coutumes de Flandre, Paris, 1909, p. 26, p. (il sq. L’importance civile de ce premier coucher a été bien mise en lumière par Ifanauer dans le mémoire précité, p. 1 ( i - 2 N. où des textes nombreux sont rassemblés, empruntés au Miroir île Saxe aussi bien qu’aux coutumes du Nord et du Centre de la France'.

Tous ces textes et ces faits montrent bien que, dans les usages et dans les croyances populaires, la consommation garde une très grande importance, pour la formation du lien matrimonial. Mais l'Église, malgré ces dispositions coulumières et la force des traditions juives ou germaniques, a maintenu très rigoureusement et sans tergiverser à partir du xiir siècle, la théorie consensuelle.

Le principe général est donc que le consentement fait le mariage. La théorie du consentement est l’oeuvre des théologiens autant que des canonistes. Certains chapitres de cette théorie : contenu, carac tères essentiels, fonction précise du consentement, sont dus presque uniquement aux commentateurs des Sentences ; à d’autres : qualités, expression du consentement, ils ont donné une ampleur remarquable.

c) Contenu du consentement. Le consentement est la cause de Vordinatto ad unum qui l’ail le mariage. Seulement, il s’agit de définir l’objet de cette ordina tlo. En quoi consiste le consentement, quelle volonté expriment les époux ?

Avec Hugues de Sainte-Victor et Lierre Lombard, les théologiens répondent : la volonté de réaliser l’association conjugale. Mais quelles sont les couse qlien ce simplicités de celle associa lion ? Suppose t cibla volonté de réaliser l’union chamelle ? < 'n se rap pelle la réserve des premiers scolastiques sur ce point. Au xiir siècle, la réponse de tous les docteurs est fort nette : …Ce n’est pas la volonté d’habiter ensemble, ni d’avoir des ici. il ions charnelle-, qui est cause elli

ciente du mariage, écril Guillaume d’Auxerre, c’est la volonté plus générale d'établir l’association conju

gale et cette association comprend bien des choses : cohabitation, relations charnelles, services mutuels cl pouvoir de chaque époux sur le corps de l’autre.

Summa aurea…, Paris (Pigouchet), l" fol. 286 ;

Cf. J. Strake, Die Sakramententehre des W. von Auxerre, 2187

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MARIAGE. DOCTRINE CLASSIQUE, LE CONTRAT

Paderborn, 1017, p. 201. il y a là encore un peu de désordre, qui sera corrigé vers le milieu du xiiie siècle. Saint Thomas, après avoir lai ! observer que le mariage n’csi pas essentiellement la copula carnalis mais une association en vue de cette copula, ajoute qu’il esl juste (le dire que le consensus in copula carnali est seulement implicite, quia potestas carnalis copula in quant consenlitur est causa carnalis copula, sicut potestas utendi re sua est causa usas. Dist. XXVIII, a. I, sol. Mêmes expressions dans Richard de Mediavilla, dist. XXVII 1, a. 2, q. iv. et dist. XXX, a. 2, q. ii. Mais l’opinion d’après laquelle les époux s’engagent simplement à ne point avoir de relations avec une autre personne que celle à qui ils ont donné leur loi garde des partisans. Elle est encore professée par .lacques Alinain. D’autres docteurs, en revanche, enseignent que le consentement absolu et exprès in copulam carnalem est requis.

La distinction entre la potestas et l’usus, le pouvoir de réaliser l’union charnelle et l’exercice de ce pouvoir, est donc clairement enseignée. Consensus qui matrimonium jacit est consensus in mutuam suorum corporum potestatem, écrit saint Bonavenlure. In jyam Sent., dist. XXVIII, art. un., q. vi. Les époux se concèdent l’un à l’autre un droit absolu mais rien ne les oblige à en user. Toutes les raisons que l’on invoque pour prouver que les époux consentent in carnalem copulam doivent être bien entendues en ce sens qu’ils se reconnaissent un pouvoir, non qu’ils s’engagent à l’exercer. Ainsi la formule : consentio in te ut non cognoscas me, est contre la substance du consentement matrimonial, comme contraire à la potestas. Et c’est aussi la potestas, non point l’exercice de cette potestas, qui distingue l’association conjugale de toute autre association. Et si la copula est le terme normal du mariage, on n’en peut induire que l’intention de la réaliser en est Vinitium, car matrimonium initialum et matrimonium consummatum ne sont point logiquement enchaînés ; il n’y a entre eux qu’un rapport, le rapport de la puissance à l’acte. La consommation procure, sans doute, le principal bien du mariage, prolem, mais la procréation est une conséquence immédiate non point du mariage mais de l’acte conjugal auquel elle donne sa perfection ; elle n’est pas, d’ailleurs, indispensable au mariage. Enfin, les paroles d’Adam : Erunt duo in carne una, s’expliquent par la nécessité pour le premier couple humain d’assurer la multiplication de l’espèce.

Ainsi s’expriment les commentateurs de la distinction XXVIII de Pierre Lombard et spécialement Albert le Grand, saint Ronaventure, saint Thomas, Duns Scot, de qui nous avons résumé les arguments. La conclusion de saint Bonaventure est particulièrement expressive : aliter datur potestas corporis in contractione matrimonii, aliter in consummatione. La potestas carnalis copulæ est incluse dans le consentement matrimonial, mais l’exercice du droit peut être lié.

Il faut donc admettre que Marie accorda à Joseph la potestas. L’explication de cette apparente singularité est l’objet des Commentaires sur la distinction XXX des Sentences, dont l’histoire appartient à la mariologie. Notons seulement que l’explication de saint Augustin, à savoir que le vœu de Marie était conditionnel, nisi Deus aliter ordinaret, est demeurée la plus commune. Les scolastiques admettent que le mariage de Marie ne fut point en tous les sens du mot, parfait : il l’est quantum ad esse, non point quantum ad operationem. Quant à la haute convenance de ce mariage, saint Thomas l’explique ainsi : il fallait que la sainte Vierge représentât l'Église, qui est vierge et épouse ; que la généalogie du Christ fût régulièrement constitutée, or elle ne s'établit point par les

femmes, en Kiæl ; que le Christ donnât par sa nativité une approbation au mariage ; que la perfection de Marie apparût dans tout son éclat puisqu’elle est

demeurée vierge dans le mariage. Saint Thomas, dist. XXX.

'/) Qualités du consentement. Le consentement qui fait le mariage, c’est le consentement actuel. Les commentateurs des Sentences l'établissent sur la distinction XX VI II de Pierre Lombard, où ils définissent la valeur des fiançailles jurées : le serment ne change point la signification de la promesse, simplement, il la confirme. Mais le futur ne devient pas le présent, parce que l’on a fortifié le pacte. Saint Thomas, In I V u '" Sent., dist. XXVIII, q. i, a. 1. La valeur du serment était fort mal appréciée par certains docteurs, si l’on s’en rapporte aux objections présentées et répétées par les grands scolastiques. Irnplere juramentum est de jure divino : le serment engage l’homme envers Dieu, et rien ne peut abolir cette obligation qui est plus forte que toute obligation purement humaine. Celui qui a juré d'épouser une personne certaine ne saurait donc, par de simples verba de prœsenti, effacer la garantie divine. Saint Thomas répond que le mariage subséquent avec une autre personne rend illicite le serment primitif, ibid.. ad lum.

Si le consentement doit être actuel, cela n’implique pas qu’il doive être pur et simple. La notion de contrat consensuel permit aux canonistes de justifier l’emploi de la condition dans le mariage. C’est dans leurs commentaires sur le c. 16, caus. XXVIII, q. i (Laodicée31), qui traite du mariage conclu entre un chrétien et un infidèle et où l’on voulut voir un contrat sous condition de conversion, que les canonistes formèrent la théorie des conditions. Hussarek von Heinlein, Die bedingte Eheschliessung, Vienne, 1802, p. 26 sq. Ce n’est qu'à partir d’Huguccio que la validité des conditions est communément admise. Mais à cause de la nature spéciale du mariage (soulignée par Huguccio, cf. Hussarek, p. 71 sq.), il fallut modifier sensiblement la théorie romaine : les canonistes n’admirent point, en général, la rétroactivité des effets du contrat, quand la condition se réalise.

La théorie des conditions reçut dans la doctrine de très amples développements. Les critères posés par les Décrétâtes furent interprétés avec une faveur évidente pour le mariage. Innocent IV admet que les conditions contraires à la substance du mariage, les seules qui le rendent nul, ne peuvent produire leur effet que si les deux parties y consentent expressément. Apparalus, in c. 7, A', IV, xv. Parmi les clauses contraires à la substance du mariage, les docteurs se demandent s’il faut placer la condition d’observer la continence. Panormitanus répond affirmativement pour le cas où il y a pacte exprès ; mais il ajoute que la volonté tacite de ne point consommer le mariage n’est pas un obstacle à sa validité, comme le montre l’exemple de Marie et Joseph. Panormitanus in c. 16, X, IV, i.

Sur la condition, voir, outre l’ouvrage de Hussarek von Heinlein et les fines critiques de F. Brandileone, Saggi…, p. 383-31)2 : Manenti, Délia inapponibililà det condizioni…. Sienne, 1889, p. 17 sq.

Le consentement doit, évidemment, être intérieur. S’il manque chez l’un des époux, il n’y a point mariage au for interne. Ce qui fournissait aux sophismes un beau sujet : l’impossibilité de connaître la pensée ferait que les relations conjugales ne peuvent jamais s'établir sans risque de fornication. Albert le Grand répond avec raison que ce risque n’est point général, le déguisement de la pensée restant exceptionnel, que l’Eglise ne peut juger que selon les apparences et le conjoint aussi, que, donc, le signe du 2181)

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lentement, même mensonger, permet a l'époux de bonne fol d’exercer les droits qui résultent de ton Irai. Dist. XXVII. a l. ad " » et d » ">. | a dlstinc lion des deux fors, la nécessité d’une présomption île sont nettement établies par saint Honaventure, XXVII. a '-'. q. il. L’hésitation, chose curieuse, était plus grande chei las canonlstes. Une décrétale rameuse d’Innocent III. rotative à un consentement feint, . I. i. iy>. faisait édominer la vérité absolue même dans le forum Ksmein, op. cit.. t. i. p. 305. Et lu Glose ordinaire de Bernard de Parme « .lit expressément sur ce texte : Le mariage simulé n’est point un niaMais elle s'écarte immédiatement de cette maxime. Et les décrétalistes voulurent entendre la taie d’Innocent III comme applicable seulement au for Interne. Cette question du consentement feint n’eut jamais dans leurs ouvrages ni dans la législation siastique du Moyen Age une solution parfaitement i-lairv.

f) Vues du consentement. la théorie des vices du consentement, la crainte et l’erreur, est presque toute entière l'œuvre « te la doctrine.

menaces de nature a Impressionner constantem virum vel constantem feminam sont une cause de nul t les canonlstes disent, en général, « le nullité absolue. Panonnitanus ajoute que la copula carnalis volontaire purgera la metus et validera le mariage, sans effet rétroactif. In c. 28,.V. IV. i. Mais la théorie de la violence, c’est encore les théologiens qui l’ont développée, dans leurs Commentaires sur la distinction XXIX de Pierre Lombard. Avec Aristote ils distinguent la violence simple, qunfacit necessitatem utam, qui est irrésistible, brutale, et la violence mixte, qutt facit eonditionatam necessitatem, celle, par exemple, que subit le capitaine qui, pour éviter le pire. Jette ses marchandises a la mer. Seule, cette ule violence qui se confond avec la inclus : peut affecter la volonté. Pour être cause de nullité, il faut avons-nous dit, qu’elle soil de nature à impressionner un homme bien équilibré. Très finement, les théolofont la psychologie du constans vir. Albert le Grand le caractérise ex rirtulc. statu, lempore et Uico : saint Thomas, d’après la qualité du danger qu’il redoute normalement et son appréciation de l’urgence. L’erreur e-t un des empêchements que les classiques étudient avec le plus d’attention. Hubert de Courson, par exemple, lui consacre son plus long chapitre. A la suite de (Vratien et de Pierre Lombard, la doctrine envisage successivement l’erreur sur la personne, sur les qualités, sur la fortune, sur la condition.

Chez les canonlstes, l’erreur sur la personne fut le sujet de Gloses fameuses et pittoresques sur la cause l. q. i. * Quod autem, et l’on aboutit à cette conclusion que le mariage e>t nul quand fini des ints s’est trompé sur l’individualité civile et ie de l’autre partie, le croyant, par exemple, (ils < ! e tel roi. non s’il s’est trompé sur ses qualiti

ml a tort tils de roi. L’erreur sur la qualité, en effet, n’entraîne point nullité, sauf s’il s’agit a’error conditions. si un homme libre épouse une esclave non point une serve la croyant libre ou si une femme libre épouse un esclave, le mariage est nul ; cf. Thaner. L’erreur sur la fortune est sans conséquence juridique. Esmein, op. cit., t. i, p. 311-335.

I) uis leurs ('.ommentiiira sur la distinction XXX Sentences, les théologiens approfondissent la notion de l’erreur. Le consentement est un acte de la mté qui présuppose un acte de l’intelligence, si la connaissance intellectuelle est empêchée par l’erreur Albert le Grand montre fort bien de quelle connaissance il s’agit - comment l’acte volontaire aurait il quelque valeur ? Cependant pour que toute valeur lui soit déniée, il i.iui que l’erreur porte mu un élément

essentiel ; sujet ou contenu du consentement. Il l’erreur sur la personne est (de droit naturel) diriinante et Verror eondttionia aussi, puisque le aervua ne peut donner à son conjoint la potestas sur son corps s.uis consentement du maître. Toute autre

erreur, par exemple sur l’orthodoxie i conjoint, est

sans effet. Les objections discutées par les scolasti ques, et que nous ne pou ons exposer ici. ne sont point sans Intérêt pour la connaissance « 1rs idées sociales

.m Moyen Age.

/ » L’autorisation divine, La volonté des époux n’est pas autonome et souveraine. Elle ne produit son effet qu’avec l’autorisation de Dieu qui s’est manifestée, d’une manière générale, lors de l’institution primitive du mariage et qui, dans chaque contrat, ratifie en quelque sorte le consentement intérieur des époux. Ce consentement est l’occasion, la condition

indispensable de l’opération divine qui lie les époux : la conjonction, la relation même qui est le mariage a toujours Dieu pour auteur. Consensus utriusque personst es/ causa prozima matrimonii, sed atmul cum

inslilulione divina, conclut saint Honaventure, In

I V"'".s>/iL, dist. XXVII, a. 2, q. i, Le consentement est bien la cause efficiente du mariage, mais non point la cause de sa conservation : le soleil est causa cjjicicns et conservons luminis, le couteau émisa efficient vulneris, non point causa conservons, et de même le consentement suffit ut matrimonium fiai, non ut permaneat, ibid.. ad fin » '. Conjunctio sive ipso relatio qust est matrimonium semper est a Dca. dit saint Thomas.

Cette Intervention divine explique l’inexistence du mariage quand le consentement des époux n’est pas intérieur ou définitif. Saint Honaventure, dist. XXVIII, art. un., q. u. Que le consentement ne puisse être donné qu’avec l’autorisation de Dieu, maître de tous les corps. Pierre de Tarentaise l’affirme énergiquement : In I '"'" Sent., dist. XXVII, q. n : Respondeo quod ad hoc ut vert contrahatur in foro conscientiic et Dei qui cordium novit occulta rcquiritur verus consensus interior quamvis non sufflcerei sine inslilulione divina, quia cum // et mulicr plenarie subsint dominio Dei, non liceret uni transferre corpus suum in potestatem alterius ni*i concurrente ad hoc Domini voluntate et auctoritate. Et Richard de Mediavilla est tout pénétré de l’importance de cette doctrine. Dist. XXVII, a. 2, q.ieta. 10, q. u. Cf. Lechner, Die Sakramententehre des Richard von Mediavilla..Munich, 1925, p. 367, 377, 113..Mais Duns Scot proteste, en faveur de la liberté humaine, dans un passage doiil on notera l’importance : Dieu a donné la liberté à l’homme, se bornant à exiger de lui l’observation des préceptes du Décalogue. Ainsi, rien n’empêche un homme de se vendre comme esclave, encore que cette opération ne soit point spécialement approuvée par le Ecritures : dans cette vente, il transfère a autrui la potestas sur son corps, ainsi que dans le contrat de mariage. De même, l’homme peut disposer de ions ses bien- : et la raison en est que, dans la mesure où Dieu n’a point soumi. a des obligations spéciales envers lui l’homme et ses biens, il a laisse champ libre a la volonté humaine. Op. OXon., dist. XXVI, q. un., n. 10.

On le voit, le débal s’est élevé à de grandes hauteurs. C’est le problème de la liberté de l’homme qui est en jeu. Mais quelle que soit l’opinion des tin

giens sur le rflle de la volonté divine dans la formation de chaque mariage, et sur ce point encore on pourrait suivre la double tradition thomiste et scotiste, ils sont d’accord pour reconnaître que l’institution divine du mariage sullit à en faire un contrat d’une catégorie toute spéciale. Elle suffit, notamment,

a en faire un contrat indissoluble. Celle permanence du contrat est un des points essentiels de la différence entre le droit romain et le droit chrétien. Los théologiens y insistent volontiers : Ma autan confunctto quæ respicit tolum confunctum et est matrimonium essentialitcr, non est affeclio animorum, vcl approximatio corporum, sed quoddam vinculum obltgatorium, quod non perimitur, sive afjeelu sive. corpore separentur, dit saint Bonaventure, In /V™, Sent, dist. XXVII, a. 1, q. i, ad 4mn et 5um.

g) La formation du contrat. - - lui principe, le mariage est contracté par les époux eux-mêmes..Mais il peut aussi se former entre absents, être contracté par lettre, cf. Glose in c. 8, caus. XXX, q. v, ou par un procureur qui doit être pourvu de mandat spécial, ne peut déléguer, et dont la révocation entraîne nullité des engagements pris par lui, alors même qu’il l’aurait ignorée. Sexte, I, xix, c. 9 ; cf. J. Bancarel, Le mariage entre absents endroit canonique, thèse, Toulouse, 1919, spécialement p. 24 sq. ; E. Blum, art. cit.

Le consentement doit être exprimé in facie Ecclesiæ. Les époux se présentent devant la porte de l'église. C’est là que le prêtre les interroge sur les divers empêchements et, d’après Etienne de Bourbon († 1262), que se fait l'échange des verba de præsenli. C’est là que, dans les pays soumis aux usages germaniques, se font, dès le xie siècle, la desponsatio, la dotatio. Postquam fuerit millier viro desponsata et legaliter dotata, introeat cum marito ecc’esiam (Cologne, xie siècle, dans Hittorp, col. 177). Beaucoup de grandes églises du Moyen Age ont ainsi une « porte du mariage », qui est souvent ornée de sculptures symboliques : Dieu bénissant Adam et Eve, le Mariage du Christ et de l'Église, les vierges sages et les vierges folles. Falk, op. cit., p. 3 sq., signale plusieurs de ces portes en Allemagne, et notamment celle de Saint-Sebald à Nuremberg (fin XIVe siècle).

La forme même du consentement donna lieu à controverse. D’abord, le consentement peut-il être tacite ? Les casuistes ne manquaient point de mauvais arguments pour le prouver. On peut le voir dans la discussion que consacrent les commentateurs des Sentences au consentement tacite, v. g. saint Bonaventure, t. IV, dist. XXVIII, a. un., q. iv. Mais déjà Huguccio explique bien la nécessité de paroles ou de signes per quæ Ecclesiæ fiât fuies de matrimonio coniracto, op. cit., p. 804. Il se contente, à la vérité, de signes très modestes. Pone quod puella verecundia erubescit loqui, et tamen paiitur subarrari et dotari. Nonne ipsa patientia et taciturnitate consensus e.rprimitur, quamvis lingua nichil dicat ? Op. cit., p. 805. Jusqu’au milieu du xme siècle, cependant, l’opinion commune exigeait des paroles de ceux qui pouvaient parler. Hostiensis le constate avant de défendre l’opinion contraire qui, à la fin du Moyen Age, est dominante.

Les verba varient d’une Église à l’autre. La coutume locale les arrête ou permet de les interpréter. Ce qui fut le sujet de toute une littérature exégétique au Moyen Age. Voir les textes du Liber praclicus de consuetudine Remensi, n° 157, p. 151 et n° 25(5, p. 204, cités par Esmein, t. i, p. 109.

Mais il ne faudrait pas imaginer que la pratique du contrat consensuel s'établit d’un seul coup avec toute sa simplicité dans la chrétienté pénétrée d’usages germaniques. Le chapitre le plus intéressant et le plus délicat d’une histoire du contrat de mariage pendant la période du xie au xv° siècle aurait pour sujet la transformation de ces anciens usages et le rôle qu’y joua l'Église. En voici les données essentielles.

La doctrine canonique du mariage per verba de prœsenti confirmait simplement la pratique courante dans les pays où s'était maintenue l’application du droit romain. Dans les régions de l’Italie où régnait

le droit lombard, elle contribua très fortement a la dégradation des formes anciennes : d’après Brandileone, la femme, devenue sujet de droit, se substitue a son mundoald, dont la desponsatio devient une simple promesse du fait d’aulrui ; la transmission du mundium finit par ne plus être un élément essentiel dans la formation du mariage. Brandileone, op. cit., p. 246 sq. ; Calisse, Diritlo ecclesiastico c diritto longobardo, Home, 1888. A partir du xiie siècle, la datio parentum est en voie de disparition, non seulement en Italie, mais dans toute la chrétienté. Les rituels d’Auxerre (xiv c s.), de Paris Cxv s.) ne la mentionnent plus. Martène, op. cit., p. 131 sq., 134 sq.

Le fait qui nous intéresse spécialement ici, c’est qu’au moment où s’effacent les antiques solennités, grandit le rôle du prêtre dans la cérémonie. Les historiens ne s’accordent point pour l’attribution de ce rôle. Selon Friedbcrg, op. cit., p. 93 sq., le prêtre aurait remplacé l’orateur de la datio germanique, cet orateur qui constate la réunion des conditions nécessaires et règle les formalités ;.'elon Sohm, op. cit., p. 164, il remplacerait le tuteur. Des ouvrages, qui ne s’accordent guère, ont été consacrés partiellement à ce sujet : H. Cremer, Die kirchliche Trauung historisch. ethisch und liturgisch, ein Yersuch zur Orentierung. Berlin, 1875 ; voir un art. de Dieckhoff sur ce livre, dans Gottingische gelehrte Anzeigen, 1876, p. 801-829 ; A. Y. Dieckhoff, Die kirchliche Trauung…, Rostock. 1878. Notre collègue, M. Champeaux, qui étudie la question et à qui nous avons emprunté les conclusions et la plupart des exemples qui vont suivre, est enclin à admettre qu'à partir du xie siècle la tradition de la sponsa fut généralement faite au prêtre en vue de la translation à l'époux.

Des textes nous montrent la substitution du prêtre aux parents pour le transfert du mundium. Ainsi, le Liber ordinum publié par dom Férotin, d’après quatre mss. du xie siècle, et qui était en usage dans l'Église wisigothique et mozarabe, contient un ordo ad benedicendum eos qui noviter nubunt qui montre la traditio faite parles parents au prêtre lequel transfère lui-même la femme à l'époux. Quum venerint hii qui conjungendi sunt, expliciter secundum morem missa antequam absolvat diaconus, accedunt ad sacerdotem juxta cancellas. Et venientes parentes puellee aut aliquis ex propinquis, si parentes non habueril, tradit puellam sacerdoti. A la fin de la cérémonie tradit sacerdos itellam viro. Monumenta Ecclesiæ liturgica, Paris 1901 : cf. Freisen, Eheschliessung in Spanien, 1918. Le rituel d’Arles (xme siècle), prescrit la même traditio. Les parents antequam dicatur Pax Domini… tradant eam sacerdoti. Martène, op. cit., p. 130. A Rouen, au xiv c siècle, le prêtre renouvelle les bans devant la porte de l'église : Et si tune aliquod impedimentum non intervenerit, det eam marito. Il demande à l’homme : N. veux-tu avoir N. à femme et épouse, et la garder saine et inferme, et lui faire loyale partie de ton corjis et de tes biens, ne pour pire ne pour meilleure tu ne lu changeras tout le temps de sa vis. Tune vir respondeal : Volo, aut Ouyl. Postea dicat viro : Que lui baillctu ? Vir respondeat : Ma foy. Même interrogatoire de la femme. Tune sacerdos det eam viro, dicens verbis latinis : Et ego conjungo vos, etc. Martène, op. cit.. p. 132.

D’autres textes montrent le prêtre donnant les époux l’un à l’autre : c’est le cas des rituels d’Amiens, de Limoges, de Liège. Martène, p. 134, 136, 138.

Le rôle du prêtre est, parfois, celui d’un instigateur : faciat parentes sicuti mos est dure eam, dit un rituel de Rennes (xr s.). A Lyre (xiie s.), la dation n’est faite pai les parents qu’après que le prêtre a requis le consentement des deux époux. Ailleurs, le prêtre est collaborateur et garant. En même temps que le sponsus, il passe l’anneau au doigt de la sponsa, MARIAGE. limiTlilM C] SSI<HK. LE CONTRAT

2194 « m bien il récite avec l’époux la formule du consentement, ou bien il tient les maini des deux époux pendant la promesse. In relevé complet, puis un classement chronologique et géographique de tous les textes connus serait indispensable pour permettre peut-être dos conclusions. l>ès a présent, la participation du prêt n-, au contrat de mariage, à <le> titres divers, qui ont pu changer à mesure que s’aflalbllssall le mundium, est un fait bien établi et non sans Importance pour l’histoire de l’action et de la Juridiction de l’Église en matière matrimoniale.

Celui qui contracte mariage sans les solennités coutumières, et a plus forte raison sans témoins, accomplit un acte incontestablement valide, mais Illicite. La clandestinité constitue une iolation de la coutume raie « 1<- M, ix qui s’en rendent coupables

mettent un péché et sont passibles « le peines canoniques oir les Commentaires des canonlstes sur IV, m. />< cland. </<</>. Et si l’on découvre, après coup, quelque empêchement ignoré « les époux lors du contrat, les avantages « lu mariage putatif seront refuses aux enfants, ibid., eX IV, xvii, 11.

canonlstes de la fin du Moyen Vue ne sont point d’accord sur la notion même de clandestinité. Certains, comme Panormitanus, admettent qu’Ecelesia peut signifier un groupe de fidèles. Panorm., in c. 3, . IV. m. n.’. », et que l’on ne peut appeler clandestin un mariage publiquement contracté, alors même que ise n’y aurait aucune part. Voir les diverses opinions dans le De matrimonio de Ion. Lupus, Trac’. unir, juris. t. ix, fol. Il sq. In mariage clandestin pouvait être régularisé par une célébration postérieur in fade Ecclesise X, IV. iii, : i. Le grave inconvénient de la clandestinité, c’est l’extrême difficulté de la preuve. I.’accord s’était fait, malgré quelques difficultés, sur l’application aux causes matrimoniales de la règle ordinaire : Aetori incumbit probatioMais quels moyens de preuve étaient recevahies ? Quand le maétait célébré in jacit Ecclesise, il suffisait que deux témoins vinssent en déposer. Ce concours était d’ailleurs nécessaire, car aucun registre ne contenait mention des mariages. A défaut de solennités, il fallait que deux témoins eussent entendu prononcer les paroles de présent, rencontre qui semble peu commune, ou qu’un acte authentique eût été rédigé devant notaire, ce qui était rare. On tenait généralement que l’acte de constitution de dot ne prouve point le mariage, parce qu’il ne le vise qu’accessoirement et qu’il est souvent rédigé avant l’échange des perte de prarsenti. Enfin, l’aveu des parties est sans force. Il fallait donc souvent se contenter de présomptions, dont les plus importantes sont celles qui résultent du port de l’anneau et de la possession d’état. Le port de l’anneau fait présumer le mariage dans les pays OÙ seules les femmes mariées sont autorisées par la coutume à porter l’anneau. Quant à la possession d’état, cteurs exposaient sur le c 1t. X, II, xxiii, une théorie compliquée d’où il résulte que la cohabitation de deux personnes qui se comportent extérieurement comme de-, époux (træiatus) faisait présumer le mariage, et quand la commune renommée (fama) y ajoute son appui, certains admettent, avec Innocent IV et Panormitanus, que la preuve est complète : mais c’est là un sujet de grandes controverses, in, op. cit, t. i. p. 189-201. La clandestinité, on le voit, lai. ait subsister une dangereuse incertitude sur l’état de, personnes. Aussi, dès le Moyen Age. e’ie a donné nu, nous le verrons, à des protestations nombreuses.

h) Eflïts du contrat. Le contrat de mariage établit entre les époux un état permanent : toutefois, les théologiens classiques ne s’accordent point à reconnaître ce fin de causalité : Mnlrimonium non est

DICT. DE Tlll.OI.. CATH.

aliquid causatum ab ilio contractu matrimoniali, sed derelictum ; unde et quando dicitur contractas matrimonitilis. ., débet accipi (-(insu pro dlspositlone prseoia, stcut apertio fenestrse dicitur causa tltumlnationis domus. Guillaume « le Vaurouillon, in I’mn Sent., dist. n., , />. ctt., fol. 397. C’est la leçon de Scot, Opus mon., dist. XXVII, q. u. n. 2 ! Non est dicendum quod (consensus) sit proprie causa effleiens illius oin cuti : sed est dispositio prseoia, saut baptitari et ordinari est prseoia dispositio ad characterem. Mais la plu part des docteurs tout dépendre directement le fin culum eonjugale de rechange des consentements qui est le contrat. Pour définir ce résultat, malrimonium. rinculiim conjugale, théologiens et canonlstes pou valent choisir entre plusieurs textes classiques : le Digeste et les Institutes, Hugues de Saint-Victor et Pierre Lombard leur proposaient clés formules diverses, que saint Thomas caractérise, In I’""’Sent., dist. XXVII, q. l. a. 1, quasi. 3. Certains auteurs se

contenteront des termes les plus généraux : confunc lio maris et femines. Notion trop large, qui assimile la famille de l’homme au ménage des cigognes et des colombes. comme dit Lierre de la Lallu, In 1 Y’" n Sent., dist. XXVI. q. i, Venise. 1 193, fol. 138. La définition que proposai ! Lierre Lombard a été adoptée par tous les théologiens classiques, non sans disais sion et minutieuse analyse. Chacun des termes en a été soumis au contrôle de l’él yniologie, de la tradition, de la logique.

Pourquoi le nom de malrimonium, puisque la dignité du père remporte sur celle de la mère’.' Vel nuptise, alors que les nuptise ne sont point de l’essence du mariage.’El quant à la conjunctto, elle diffère du lien matrimonial connue l’effet de la cause. On demandait encore pourquoi il n’est question que de conjunctio maritalis, comment on peut admettre Vindioidua consuetudo oitse entre des époux dont le caractère, les usages sont parfois différents, dont les mérites sont toujours distincts ?

Cette exégèse pointilleuse était déjà pleinement développée à la fin du xir siècle, comme on peut le voir dans la Somme de Simon de Tournai, lîibl. Nat., ras. lat. 3203. fol. 215 et sq. Albert le Grand et saint Thomas exposent et résolvent toutes les difficultés. Se conformant aux explications des Décrétâtes, Us justifient par le rôle de la mère le nom et les diverses étymologies qui peuvent être proposées de nuitrimonium, matris muniiim, mutrem muniens, matrem monens : les étymologies d’Augustin et d’Isidore de Séville sont également rappelées. Ce mot sert à carac tériscr les effets du mariage. Nuptise signifie la cause, qui est la desponsatio ; conjunclio, l’essence. Cette conjunctio existe bien dans le mariage, puisque ubicumque est qdunatio aliquorum, ibi est aliqua conjunc ti<>. Elle ne diffère point du mariage, oinculum quo Ugantur formaliter non effective. Et si l’on dit con functio maritalis. le millier profiter virum de saint Paul l’explique. Enfin, tes diversités qui se rencontrent dans les époux n’empêchent pas plus la loiincr

satin ad conjunctionem que les diversités des hommes n’empêchent la vie de la cité, la rammunicatio çlvilis Albert le Grand, In /V u >" Sent., dist. XXVII, a. 2 ; saint Thomas, In P"" Sent., dist. XXVII, q. I, a. 1. La notion générale que saint Thomas avait proposée de l’étal de mariage, quædam relalio île génère eonjiiin lionis. a donné lieu a des controverses. Lierre Auriol. op. cit., dist. XXVI, q. r, a. l, lait observer

que le mariage n’entraîne aucun changement in /an

damento oel rations fundamenti ; et Lierre de la Lallu.

op. cit., dist. XXXI, q.I, VOll dans le lien de mariage

aliquid absolutum in corpore. Caprœolus maintient

contre ces opposants la doctrine thomiste op. cit..

sq. Des le xiii’siècle, les expressions conjunctio

IX. — 70 21 9£

    1. MARIAGE##


MARIAGE. DOCTRINE CLASSIQUE, LE SACREMENT

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maria et femtrue rencontraient bien des résistances.

Toutes les fois que s'établissent les relations conjugales, un nouveau mariage ne serait-il pas formé, si l’on s’en tient à la lellre de la définition ? Ft le mariage ne survit-il point quand ces relations sont interrompues ? Saint Bonaventure consacre toute une question à ces débals, dont la conclusion n’est point vaine, puisqu’elle sépare très nettement la formation et l’exercice des droits du mariage : quædam conjunctio dicitur vineuhim, quiedum facit vineulum, queedam est usus vinculi, et cette dernière, seule, est réitérée ; ce qui n’aboutit point à multiplier le mariage, quoniam non est genus in essendo, sed actus in ulendo sive usus in agenda. In I Vum Sent., dist. XXVII, a. 1, q. i, ad lum.

Ces droits que le mariage crée entre les époux, les théologiens les exposent sans une terminologie bien ferme : relatio dominii… non… relalio seruilutis, sed… relaiio possessionis, dit, par exemple, Pierre Auriol, dist. XXVI, loc. cit., p. 170. La difficulté, c'était surtout d’expliquer comment, à la différence des autres contrats consensuels qui font naître un droit personnel, le mariage créait immédiatement un droit réel. C’est, dit Hostiensis, que, le mariage crée un rapport spirituel : Nec eget consensus iste traditionis adminiculo corporalis ; nam spirituaiia magis consistant in bona voluntate et intellectu animi quam in facto seu apprehensione corporali.

Les droits et devoirs des époux, en ce qui concerne les relations conjugales sont égaux. Albert le Grand, In 7Vum Sent., dist. XXXII, a. 1 ; saint Thomas, In IV am Sent., dist. XXXII, q. i, a. 3. Canonistes et théologiens les dissuadent d'établir immédiatement ces relations, et leur accordent un délai d’un mois, pour des raisons qu’expose bien Albert le Grand, loc. cit., dist. XXVII, a. 8. Certains rituels, comme celui de Saint-Florian (xii » siècle), édit. Ad. Franz, Fribourg-en-B., 1904, p. 46, recommandent une abstention de 2 ou 3 jours, ut ftlios non spurios sed heereditarios Deo et sœculo génèrent. Cf. Livre de Tobie, viii, et comparer avec la sessio triduana exigée lors du transfert des biens. La doctrine prévoit minutieusement les temps et les circonstances où la continence devra être observée, pendant toute la durée du mariage.

Dans le gouvernement de la famille, le mari est le chef. Albert le Grand, loc. cit.

Les enfants issus du mariage sont légitimes ; ceux qui sont nés antérieurement au mariage peuvent être légitimés ; cf. R. Génestal, Histoire de la légitimation des enfants naturels en droit canonique, Paris, 1905. Voir bibliographie dans Sâgmuller, Lehrbuch des kathol. Kirchenrechts, 3e édit., Fribourg-en-B., 1914, t. ii, p. 223 sq. ; ajouter : L. Gougaud, La légitimation des enfants sub pallio d’après les anciens Rituels, dans Revue d’histoire du droit, t. vii, 1926, p. 38-46.

i) Conclusion. — La notion contractuelle du mariage a donc été fixée au cours de la période classique. D’abord, le mariage qui avait longtemps été une alliance entre familles devient vraiment une alliance conclue entre les époux. Les volontés individuelles sont libérées de l’emprise des volontés familiales, et donnent naisance au contrat. A l’ancienne théorie de la copulalio — naturelle dans les droits qui considèrent la femme comme objet plutôt que comme sujet du contrat — s’est substitué le concept d’une obligation née de l'échange des consentements, d’un contrat qui fonde le jus ad corpus, mais qui est parfait avant la commixtio sexuum. Le mariage n’a plus son point de départ dans l’union charnelle, le debitum conjugale est l’effet du contrat. Toutefois, certains grands scolastiques regardent le contrat de mariage comme un échange d’objets, une double tradition symbolique et volontaire ; ils n’ont pas entièrement dégagé la

notion de contrat purement consensuel, faute d’avoir bien compris la fonction de la cause dans les obligations. Il leur a manqué de reconnaître explicitement que le mariage, s’il s’apparente à l'échange ou à la société, a cependant une cause propre, qui lui donne sa physionomie et le sépare profondément de tous les autres contrats. II ne faudrait point exagérer cette lacune dans la construction des théologiens et des canonistes. En reconnaissant aux verba de priesenti la force obligatoire, ils avaient dégagé le mariage de tout formalisme, de tout » réalisme », ils l’avaient donc implicitement agrégé à la catégorie des actes consensuels. Les rapprochements qu’ils ont proposés avec d’autres figures très différentes sont imputables à une confusion des nuances du droit : le progrès de l’analyse juridique nous préserve aujourd’hui de ces illusions.

3. La justification du sacrement.

Ce contrat, dont les canonistes et les théologiens ont fixé la nature, les conditions et les effets, est un sacrement. C’est à ce titre que les théologiens l’ont toujours étudié.

a) Le mariage est un sacrement. — Quelques textes d’une autorité universelle ont, à partir de la fin du xip siècle, affirmé, en face de l’hérésie, ce caractère sacramentel du mariage. Au concile de Vérone (1184), Lucius III publia un long décret contre les hérétiques de son temps. Ce décret passa dans la Compilatio prima, V, vi, Il et dans les Décrétâtes de Grégoire IX, V, vii, 9 (Ad abolendam) et fut ainsi l’une des bases de la doctrine sacramentaire des canonistes.

Universos, qui de sacramento corporis et sanguinis Domini nostri Jesu Cliristi, vel de baptismate, seu de peccatorum confessione, matrimonio vel reliquis ecclesiasticis sacramentis aliter sentire aut docere non metuunt quam sacrosancta Romana Ecclesia prædicat et observât… vinculo perpetui anathematis Innodamus.

Tous ceux, qui, sur le sacrement du corps et du sang de NotreSeigneur JésusChrist, sur le baptême, la confession des péchés, le mariage et les autres sacrements de l'Église, ne craignent pas de penser et d’enseigner autrement que ne prêche et pratique la sacrosainte Église romaine, nous les enchaînons du lien de l’anathème perpétuel.

Deux célèbres professions de foi, celle adressée en 1210 par Innocent III aux évêques des provinces où résidaient les vaudois, et celle des Églises grecque et latine au deuxième concile de Lyon (1274) comptent le mariage parmi les sept sacrements. DenzingerBannwart n. 424 et 465. Ces deux professions de foi insistent sur les caractères du mariage. indissolubilité, monogamie qui n’exclut d’ailleurs point la possibilité des seconde noces.

Il figure dans les énumérations septénaires du milieu du xii° siècle, Pourrat, La théologie sacramentaire. p. 243 sq., et à partir du début du xme siècle, il n’est plus de canoniste ou de théologien qui ne le mette dans la liste des sept sacrements. G. L. Hahn, Doctrines romanse de numéro sacrameniorum septenario rationes historicæ, Vratislava, 1859, p. 24 (pour les théologiens) ; l’article si substantiel de F. Gilimann, £> ; e Siebenzahl der Sakramente, dans Der Katholik, 1909, p. 182 sq., déjà cité, et Geyer, Die Siebenzahl der Sakram’nte in ihrer historischm Fntwicklung, dans Théologie und Glaube, 1918, p. 325 sq.

b) Problème des causes efficientes et des causes finales. — Pourquoi, se demandent les théologiens, le consentement est-il nécessaire dans ce sacrement ? Albert le Grand répond dans un texte que nous avons déjà cité : Istud sacramentum… consistit in… contraclu. In /V" 1Il Sent., dist. XXVII, a. 6. L’identité du contrat et du sacrement autorise le rôle de la volonté humaine. Mais elle ne le justifie pas pleinement.

a. — D’abord, le consentement peut-il être cause efficiente à la fois du contrat et du sacrement ? DirerMAKI U'.K. DOCTRINl I I ^SSIQl l LE SACRE MEN1

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sonim specie sunt divers* cmuMM effkitntes : stà sacramentum et contractas institue sunt dioersm specie : erga

divers* sunt causte efficientes : sed consensus est contractas causa : eruo non est causa matrimonii. Albert le Grand, In IV™ Sent., dlst. XXVII, art. La difficulté était encore d’expliquer comment un acte purement humain peut être cause efficiente d’un signe de sainteté, engendrer, en Un de compte, un elTet transcendant, la grâce. Le consentement manifeste la volonté de l’homme. N’est-ce point la volonté divine qui lait le sacrement ? Matrimonium e-t sacramentum. sed in omni sacramento effl est dirina tnrttts, ut dicii Augustinus ; eryo in matrimonio causa efficiens est dioina virtus : ergo

-.sus mutuus non est effidens causa matrimonii. Ubert le Grand. ibid.

ert If Grand résoud la question, selon le procédé qu’il affectionne, par une distinction : îles sacrements parement divins, il sépare ceux qui sont en rapports directs avec l’activité de l’homme : la pénitence, le mariage : Istud sacramentum, ut prius determinatum est. non est tantiim dioinum ; et dictum Augustini intelligitur de sacramentis tantum dioinis : istud autan eiim sit circa actus hominum, ab actibus hominum dependet. sicut et ptrnitentia in quibusdam actibus suis. Ibid.

nt Thomas répond plus directement à la question en distinguant la cause première et les causes secondes instrumentale-. : Sacramentorum prima causa est dioina virtus. qu « in eis operatur salutem. sed causse seconde instrumentales sunt materiales operationes ex dioina institutione effleaciam habenles ; et sic consensus in matrimonio est causa. In I 'um Sent, dist. XXVII, q. i. a. 2, sol. 1. ad 1 UI ". L’opinion commune vers la lin .lu Moyen Age est exprimée par Thomas de strasbourg J ilist. XXVI : Matrimonium nonsolum causaliter dependet ab humana roluntate. sed principaliter dependet ex dioina institutione. Le mariage n’est pas un contrat purement humain, déclare saint Bonaventure, mais, a cause île son indissolubilité, lenet rationem sacramenti.

On ne s'étonnera point de retrouver appliquées au

ment les expressions mêmes dont les théologiens ont usé pour caractériser le rôle assigné dans le contrat a la commixtio carnalis. Ainsi, saint Bonaventure : Si toquamur quantum ad ess : necessitatis, oerum est quod sacramentum matrimonii ess ? habet sine commixtione carnis. si autem quantum ad esse plenitndinis, sic est de eius integritate. In /"um Seni., dist. XXVI, q. m. Et la logique leur commande également de ne point imposer pour l’existence du sacrement des

.nités non requises pour l’existence du contrat. Il faut considérer comme tout à fait fantaisiste, par exemple, cette (ilosc du xive siècle que Thaner a

ilée dans les Comptes rendus de l’Académie de Vienne, t. lxxix, p.231, et qui.se fondant sur la décrétai du pseudo-Lvariste, exi^c la dot pour la formation du sacrement. La seule difficulté sérieuse sur le point qui nous occupe sera de déterminer le rôle de la bénédiction nuptiale. Comme elle suppose une ana approfondie du sacrement (forme, ministre, efflîé), nous l’examinerons dans la seconde série de problèmes.

Les nséquences de l’identité du contrat et du sacrement, en ce qui concerne la formation du lien, sont multiples Nous avons déjà signalé que, si le consentement fait produire immédiatement au contrat tous les effets sans aucune traditio. c’est par faveur pour le sacrement. pe la même idée, les canonistes tirèrent un correctif assez curieux à la théorie générale des vices. Dans les contrats consensuels, le dolùl dans causam contractui. la manœuvre frauduleuse qui provoque la formation du contrat, est une cause de

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nullité. Mais comme elle procure, en lin de compte,

un bien spirituel, on ne l’appellera point dol. l’anor mitanus, IncS, A. tll, xvii. En fait, cependant le dol

aura souvent pour résultat d’occasionner nue cireur qui, dans les cas les plus grave*, sera « anse de nullité.

h. i.e problème de la causalité efficiente étant résolu, la difficulté renaissait, plus grave, quand ou considérait le problème des causes finales.

Peut-on admettre que le sacrement se (orme quand

les époux ont en vue une fin peu honorable, la richesse

ou le plaisir ? Incontestablement : Nec tamen malus

finis sacramentum contaminât, sicut in Jacob qui duxit Rachelem ob pulchritudinem. Pierre de Poitiers, Sen tcutiurum libri Y. 1. V. c. xvii. (.elle solution empruntée a Pierre Lombard n’est pas seulement en harmonie avec la tendance objective de Pierre de Poitiers (que

l’on se rappelle son application au baptême de la notion d’opus operatum). Elle s’accorde avec la notion canonique de la cause dont on connaît le développement au xiiisiècle. Capitant, De la cause des obligations. : i'- édit., Paris, 1926. La richesse, la volupté sont-elles autre chose que le motif, et celui qui se marie n’accepte-t-il point nécessairement, avec l’unité et l’indissolubilité, toutes les charges du mariage ! Consensus etiani isle. ctsi amore libidinis fit, tamen matrimonialis est, non fornicatorius, autumatorius ; non enim in solam Ubidinem consentit, sed in omnia oneru matrimonii. Le sacrement existe donc, quelles que soient les dispositions de ceux qui le reçoivent : si ces dispositions sont coupables, ils commettent un péché. Guillaume d’Auvergne, op. cit., t. i, p. 51'. ». Les grands scolastiques ont confirme cette doctrine. Intentio Ecslesise quæ intendit utilitutem ex sacramento prooenientem est de bene esse sacramenti et non de necessitate ejus, déclare saint Thomas, In I Vum Sent., dist. XXX. q. i, a. 3, ad. 3 nm. Celui qui ne tient pas compte des fins proposées par Dieu et par l'Église pèche, mais reçoit validement le sacrement : Isle consensus, licet sit peccatum mortale, tamen proprie est causa efjiciens matrimonii non in quantum malus sed in quantum bonus et in quantum a Deo est : dicimus enim quod omnis actio, in quantum actio, bona est et est a Deo. Le mal n’est point facteur de bien en tant que mal, mais par le bien qui y est annexé. Ainsi, la cupidité qui est un mal a beaucoup de conséquences louables, notamment l’activité commerciale.

c) Unité du sacrement. — La conclusion qui resuite implicitement de tous ces débats sur la causalité, c’est que le contrat de mariage ne peut exister entrechrétiens sans le sacrement : le consentement est, dans le même instant, la cause efficiente du contrat et du sacrement. Mais pouvait-on parler du sacrement et n’y a-t-il pas, en réalité, dans le mariage plusieurs sacrements'. 1

Le vocabulaire même suggérait une première dif Acuité, que Prévost in expose et résoud ainsi : a On élève couramment cette objection : le mariage est appelé sacrement et le troisième bien du mariage est également appelé sacrement. S’agit-il du même sacrement ou de deux sacrements ? Il semble qu’il y a pluralité, puisque le second sacrement est designé comme bien du premier, lui revanche, la signification de l’un est exactement identique a celle de l’autre, ce qui conduirait à conclure : un seul signe, un seul sacrement. » Solutio : Magister i’elrus dtecbut, quod est aliud, et illud, quod dicitur bonum conjugii, appellat inseparabililatrm. Yidetur tamen esse dicendum aliter, etiam quod nec connumeratio est recipienda. Sec es' dicendum, quod sit idem sacra ment uni vel aliud, sed dicitur homo imago Dei propter rationem et ipsa ratio dicitur imago Dei, non tamen eadem vel ulia imago, ita matrimonium dicitur sacramentum propter bonum conjugii, quod sic vocatur, scilicet inseparubilitas, et (10

i/Kum bonum dicitur sacranientum sed nec idem nec (iliud. Cité par F. Gillmann, '/auSakramententehre des W. von Auxerre, Wurzbourg, 1918, p. 39.

On trouvera des expressions analogues dans Guy d’Orchelles, ms. cit., f<*. 90, dans Roland de Crémone, ms. cit., fol. 134. Cette distinction des deux sens de sacramentum est une diiïieulté eourante que l’on voit déjà exposée dans la Somme de Roland et dans celle d’Huguccio, loc. cit., p. 758.

Le mot sacramentum, dans l'énumération augustinienne des biens du mariage, fides, proies, sacramentum, signifie donc l’indissolubilité, et c’est à raison de cette indissolubilité que le mariage est appelé sacrement. Cette première discussion a pour principal avantage de souligner le caractère par où le mariage diffère profondément des autres contrats. Le consentement peut assurer la formation mais non la permanence du lien conjugal : Matrimonium habet causam efpcientem consensum, sed non conservantem. Est ergo consensus causa ut matrimonium pat, non ut permanent. S. Bonaventure, dist. XXVI I, a. 2, q. I, ad 2um et 3um. Il crée la mutua obligatio, non point Vobligationis mutilas indissolubilitas… et quamvis primum sil hominis, secundum est instituentis ; et rutionc illius indissolubilitatis, præcipue matrimonium tenet sacramenti et signi sacri. S. Bonaventure, dist. XXVI, a. 1, q ii, ad 4um. Le premier trait du sacrement, c’est qu’il est le signe d’une réalité spirituelle. Décrétistes et théologiens, jusqu’au début du xme siècle, insistent avant tout sur ce trait fondamental : sacramentum quia sacræ rei signum, ainsi caractérisent-ils le mariage. Raoul l’Ardent, Paucapalea, R. de Courson, bien d’autres encore transcrivent pour l’appliquer au mariage la définition augustinienne du sacrement popularisée par Hugues de SaintVictor et P. Lombard. Or dans le mariage, deux réalités sont signifiées. C’est pourquoi Hugues de Saint-Victor admettait deux sacrements. La même opinion est exprimée par des canonistes, par exemple Etienne de Tournai, in c. 17, Caus. XXVII, q. ii, ad verbum Christi et Ecclesiæ sacramentum : Alterum ergo sacramentum est in desponsatione, alterum carnis in commixtione. La Glose ordinaire du Décret sur le c. 2, dist. XXVI, au mot De sacramento, reconnaît un triple sacrement : la conjonction des âmes per verba de pressenti signifie la conjonction du Christ et de l'âme fidèle, la commixtio carnis, l’union du Christ avec l'Église, la conjunctio corporum, l’union de Dieu et de l’humanité. Même explication dans la Glose ordinaire sur le c. 5, X, I, xxi. Prévostin reconnaît aussi un triplex sacramentum. Cf. Lechner, op. cit., p. 378, n. 4, qui cite le ms. latin 6985 de Munich, fol. 131 v°.

Cette interprétation était la conséquence logique d’une définition du sacrement qui tient trop exclusivement compte du symbole et qui conduisait aussi certains auteurs, comme Simon de Bisiniano, à admettre la dualité du sacrement dans le baptême.

Dès la fin du xiie siècle, l’attention des commentateurs se fixe, plutôt que sur la res sacra, sur le signum. Huguccio observe que si, dans le mariage, deux choses sont signifiées, il y a unité de signe : Nec sunt ibi duo sacramenta, ut dixit Mag. Jo., sed unum sacramentum, id est unum signipeans, scilicet matrimonium et duo signipeata, scilicet conjunctio animas ad Deum per caritatem et conjunctio Christi et Ecclesiæ per naturam. Summa…, loc. cit., p. 764.

Les théologiens de la même époque diront aussi clairement que l’unité du sacrement n’est point contrariée par la double union, spirituelle et corporelle, des époux : Sacramentum est hic consensus animurum et carnalis copula, nec sunt duo sacramenta, sed unum sacramentum unionis Christi ad Ecclesiam, quæ pt per charitatem et corporalis quæ pt per naturæ

con/ormitatem. Cujus etiam signum est carnalis copula, ttcut consensus animarum spiritualis unionis. Pierre de Poitiers, op. cit., I. V, c. xiv, V. L., t. ccxi, col. 1257. — Telle est encore l’idée d’Etienne Langton. Non tamen sunt duo matrimonia sed unum. Avant la commixtio sexus, le mariage représente l’union du Christ et de l'Église militante, après la commixtio se l’union du Christ et de l'Église triomphante. Summa, Bibl. Nat., ms. lat. 14 S56, fol. 166.

Au xiii 1 siècle, certains canonistes continueront d’enseigner la théorie du duplex sacramentum : ainsi G. de Trano, Summa in titulos decretalium, Venise, 1570, in lit. De bigamis, n. 2, fol. 36. Mais la théorie unitaire semble unanimement admise par les théologiens. L’explication du signe est amplement déve loppée par plusieurs d’entre eux, ainsi par Robert de Courson, dans sa Summa au début de la Quæstio de mtdrimonio : Sicut inter contrahentes usuaiiter, primo, pt desponsatio per verba de (uturo, secundo, per verba de præsenti pt conlractus matrimonialis in jacie Ecclesiæ, tertio, sponsa traducitur in amplexus sponsi. ita inter Christum et Ecclesiam faclum est. Xam Christus, qui est sponsus et caput Ecclesiæ, primo, despondit Ecclesiam in primo A bel juslo, quasi per verba de prœsenti, ubi divinitas, tamquam os osculuns, sibi conjunxil humanitatem, quasi os osculatum, ex quibus confectum est illud verum osculum, de quo dicitur : Osculetur me osculo oris sui. Et per illum consensum in osculo illo signipealum matrimonium, prius initiatum, tune est consummatum, sed non ait ratum nisi in pne, quando traducetur sponsa in amplexus sponsi. Est autem matrimonium copulationis diviniiatis et humanitatis, et copulationis Christi et Ecclesiæ signipealum. Ideo, dicitur sacramentum quia est utriusque tam sacræ rei signaculum. On trouvera des expressions analogues dans la Somme du maître de Robert de Courson, Pierre le Chantre, Bibl. Nat., ms lat. 3258, fol. 182, dans Simon de Tournai, Bibl. Nat.. ms. lat. 3114 A, fol. 215. Sur l’union du Christ et de l'Église, cf. M. Grabmann, Die Lehre des heiligen Tho mas von Aquin von der Kirche als Gotteswerk, 1903. p. 249-266. Bien des théologiens remarquent la dissolubilité de l’union du Christ et de l'âme fidèle : le péché détruit cette union. Robert de Crémone, le note, ms. cit., fol. 132 et c’est aussi ce qui explique la possibilité d’entrer en religion avant la consommation du mariage. Tandis que l’union du Fils de Dieu et de la nature humaine est indissoluble et donc le mariage consommé qui la symbolise. Cf. Guillaume d’Auxerre, op. cit., I. IV, tr. ix, c. ii, q. 2 ; Saint Antonin de Florence, part. III, tit. xiv, c. 9, col. 677.

La considération de l’unité du signe levait une dernière objection : celle tirée de la dualité de sujet, dont l’exposé est très clairement fait par Guillaume d’Auxerre, Summa aurea in IV libros Sent., Paris. (Pigouchet), 1500, fol. cclxxxv : Cum enim matrimonium sit conjunctio maris et feminæ et ibi sunt duæ dictiones quæ sunt relatio et correlatio, maritus enim dicitur uxoris maritus et uxor mariti uxor, quæritur an utraque illarum conjunctio per se sil matrimonium an ille duæ simul acceptæ ita quod ncutra sil utraque per se : ergo ibi sunt duo matrimonia ; ergo duo sacra menla. — La réponse est facile : Il y a deux sujets, mais unité d’effet et de signe : d’effet, car les deux conjonctions réalisent l’unité de chair ; de signe, car elles signifient l’union du Christ et de l'Église, au dire, de l’Apôtre… double principe d’unité, comme dans l’eucharistie. Cf. Strake, Die Sakramententehn des Wilhelm von Auxerre, Paderborn, 1917, p. 201. Il s’agit là d’une difficulté exposée par presque tous les scolastiques. Nous l’avons relevée dans Eudes d’Ourscamp. On la trouverait dans Roland de CréMARIAGE. D0( TRINE Cl ^SSIQT E, l MATH RE

inotio. roi. 131, et Duns Scol l'énonce avec netteté, Report, paris., <IM. XXVII, q. n.

routes ces difficultés, on le sait, ne son ! pas propies.m mariage. La multiplicité de sacrement, certains, nous l’avons vii, croyaient l’apercevoir dans le baptême, et d’une raçon générale, les scolas tiques ont une certaine tendance à appeler sacrement successifs d’un sacrement. Ainsi pour la pénitence, c 1 Schmoll, <>/> cil., p. l 13, pour l’extrémeonction, A..1. Kilker, Extrrme-onction, Washington,

/) Le mariage des infidèles est il un sacrement Peut-on air.-, enfin, que tout contrat de mariage valable soit un sacrement <>u bien faut-il réserver le sacrement aux chrétiens

Plusieurs décrétâtes appellent særamentum le mariage des infidèles. En l’année 1201, Innocent III écrit à l'évéque de Tibériade : le baptême ne dissout pas le mariage, qtiurn sacramentum conjugii apud ftde infidèles existât, Potthast, n. 1325 ; X, IV, JCix, , ii 1206. il expose, à l'évéque de Ferrare… qu’il pourrait sembler, videri posset, que et sacramentum conjugii et sacramentum rtiam eucharisties <i non taptiztdis recipi potes t. Potthast, n. 2749 ; X, III, m '" 3. Honorius III énonce, parmi les cas qui n’admettent point transaction : Conjugii særamentum, quod, quum non solum apud Latinos et Grxcos, sed cliam apud infidèles existât, a severitale canonial cirai l recedere non licebit. Potthast, n. 5834 ; X, I.xxxvi, 1218) L’un de ces textes X, III. xmi, 3) énonce, comme simplement concevable, rideri posset. l’idée que la croyance en Jésus-Christ permet aux nonbaptisés île recevoir le sacrement. Les deux autres emploient le mot særamentum dans un sens très e, | our exprimer que le mariage a son fondement dans le droit naturel, que Dieu, en l’instituant, lui a donné certains caractère' universels. C’est en ce sens que Boniface VIII écrit : Matrimoniivenvineulumab Erclesiæ sapile rerum omnium condilore, ipso in

diso et in statu innocent ininstituenle, unionem et

indissolubilitalem acceperit. Sert.. II. xv. c. un. InnoIII. dans unedécrétale de l’année 1199 marque bien la séparation traditionnelle entre le mariage des fidèles et celui des infidèles : le premier est rerum et ralum. le second n’est que rerum : Sam etsi malrimonium rerum quidem inter infidèles existât, non lamen est ralum. Inter fidèles autem rerum quidem et ratum existit. quia særamentum fidei. quod semel est admis$um, nunquam amittitur : sed ratum efjicil conjugii særamentum, ut ipsum in conjugibus illo durante perdant. Potthast, n. 68t. X, IV, xix. 7.

scolastiques, vers le milieu du xiir siècle. reunissent les arguments pro et contra dans leurs commentaires sur la distinction XXXIX des Sentences. Le mariage des infidèles, déclare saint Bonaven. habet tantum semiplene mtionem offieii. remedii, sacramenti. — Malrimonium taie est aliqun modo imentum habitualiter, quamris non actualiler, eo quod actu non eontrahunt in fide Ecclesiiv. dit saint Thomas. In /V" 1 " Sent., dist. XXXIX, q. i, a. 2, ad l Dm. Le mariage des infidèles ne peut être un sacrement comme celui des chrétiens, puisque le baptême est la porte d’entrée des sacrements : Secundum quod icramentum. non habet per/eclam indissolubilitalem nisi secundum quod jundatur in baplismo et fide. Albert le Grand. In 1 'um Sent., dist. VI, a. 6.

L’opinion commune est donc que le mariage des infidèles est simplement verum. Encore plusieurs contestent-ils cette qualité. On trouvera leurs arguments dans les Commentaire.- ; précités sur la distinction XXNIX. Richard de Medlavilla professe cette opinion sévère, dbt. XXXIX. q. iii, a. 1. Duns Scot le reprend sur ce point. Opnsoion., dist. XXXIX, q. un.

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3 Deuxième série de problèmes : l’analyse <lu s< ment. L La composition du rite sacramentel. t n

seul contrat, un seul sacrement, un seul contrat sacrement de mariage : telle est la conclusion 1 laquelle se rallient presque tous les auteurs classiques. Dans le mariage doivent donc se trouver tous les

traits auxquels la doctrine commune au xur siècle reconnaît m sacrement : matière et forme, grâce, Institution divine. C’esl à dégager ces traits que vont s’employer les théologiens, surtout à partir d’Albert le Grand.

a) Position du problème. L’analyse du rite sacra mentel qu’imposa la généralisation de la conception hylémorphlste, dans la première moitié du xiir siècle, pouvait troubler la doctrine du conl ral-acrcincnt

au moment où elle atteignait la perfection'.

Tandis, en effet, que le contrat est réalisé par le simple consentement mutuel, le sacrement requiert, d’après l’interprétation hylémorphlste, un double élément : la matière et la forme, qui paraissent Introduire quelque part de réalité et de solennité dans le contrat-sacrement.

Les origines de la théorie hylémorphiste « lu sacre ment ne sont pas bien élucidées. On lui donne généralement pour introducteur Guillaume d’Auxerre. Cf. P. Schanz, Die Lehre von den heiligen Sacramenten, FribOUrg-en-B., 1893, p. 103. Certains auteurs proposent de remonter plus haut, lui tout cas, l’application à chacun des sacrements ne semble pas antérieure à l’année 1230. Aisée pour le baptême el l’eucharistie, elle était plus délicate pour la pénitence, cf. Schmoll, op. cit., pour l’extrême-onction, cf. Kilker, op. cit.. p. 24 sq., et surtout pour le mariage.

Certains docteurs renonçaient à l’analyse. Alexandre de Halès rapporte une opinion d’après laquelle il n’est pas besoin de matière dans les sacrements de la Loi de nature. Siimma. part. IV, q. v, membr. 1, a. 1, Cologne. 1622, fol. 90. Et le cardinal Jean Le Moine enseigne encore : In malrimonio carnali non est proprie malcria rcl forma. Gl. in c. Si infantes, De despons. impub., n. 5, dans In Sextum Commentaria, Venise, L">S5, fol. 312. Scot, lui aussi, déclare que le sacrement de mariage n’a point de matière. Heporl. paris., dist. XXVIII. n. 23. Mais bien peu de théologiens ont reculé devant la difficulté du sujet. L’un des plus anciens témoins, sans doute, de l’application au mariage de l’hylémorphisme aristotélicien est Hugues de Saint-Cher qui, sur plus d’un point, a fait avancer la doctrine (N. l’aulus l’a montré, par exemple, poulies Indulgences). Melius potest dici, seilicet quod consensus in copulam maritalem per rerba de pnvscnti expressus est sacramentum et ipse est quasi malcria sacramenti ; forma rerborum est quasi forma sacramenti ejusdem. Ms. de Bâle, fol. 139.

b) La matière. — Presque tous les théologiens, désormais, vont essayer de définir la matière et la forme du mariage.

Seulement le mot matière a. selon les auteurs, une signification plus ou moins concrète et sensible. Il en est qui croient décerner la matière dans le corps même des contractants : Sicul in contractibus rerum res qua transjeruntur per conventionem ipsam sunt muleria : sic corpus quod transfertur quoad potestatem est materia in malrimonio, écrit Pierre de la l’allu. In / V"™ Sent., dist. XXVI. q. iv, Venise, 1 I ! ' :  ;. fol. 1 11. Opinion qui sera enseignée par saint Antonio de Florence, au xv siècle. D’autres regardent comme matière les paroles prononcées par le premier des

époux qui engage sa foi. Verbum primo prolatum ab altéra (suscipientium særamentum) habet rationem matériel, écrit Richard de Mediavilla, Sup. JV™ Sent., dist. XXVI. q. a, ad 1°'". Certains canonistes I appuyaient cette interprétation sur le canon Detrahe,

Caus. I, q. i, c. 54, comme le rapporté G. <le Montlauzun, dans son Sacramentelle, Blbl. N’ai., ms. lat. 3206, fol. 57. Et Caprœolus considère cette Interprétation comme conforme à l’esprit de saint Thomas OU encore cette autre : Consensus interior expressus aliqun modo et sensibilis fartas. Defensiones… éd. Paban et Pègues, Tours, 1906, t. vi, p. 501. — Tel autre, joignant des opinions extrêmes, reconnaît la matière à la fois dans Je consentement et dans la conjunctio corporum : c’est le cas de Ro)>. Fitsacre, ms. xi.m d’Oriel Collège (Oxford), fol. 207.

L’opinion appelée à la plus grande fortune est celle, nuancée, d’Albert le Grand et saint Thomas : il faut reconnaître la matière dans les dispositions et les actions des époux : …quia talis malcria non est nisi in illis sacramentis quee totam rationem e/Jiciendi trahunt a passione Christi, et sacramentis quæ sunt in Christo, sicut est baptismus Christi, passio Christi, resurrectio Christi, et hujusmodi. In his autem quæ sunt circa opéra nostra, sunt materia aliqua nostru, vel nos sub aliqua dispositionc : sicut in pœnitenlia dolor est materia, et in matrimonio nos sub potentia commixtionis sexuum exislentes. Albert le Grand, In /Vum Sent., dist. XXVI, a. 14, adq.i, ad'2um. Et saint Thomas : Sacramentum matrimonii perficitur per actum cjus qui sacramento illo utitur, sicut pœnilentia ; et ideo, sicut pœnilentia non habet aliam materiam nisi ipsos actus sensui subjectos, qui sunt loco materialis elementi, ita est de matrimonio. In 7Vum, dist. XXVI, q. ii, a. 1, ad 2um.

c) La forme. — Bien plus grave était le problème de la détermination de la forme. Le contrat de mariage, purement consensuel, se réalise par le simple accord des volontés. L’identité du contrat et du sacrement sera-t-elle sauve si l’on exige pour la formation du sacrement que cet accord se manifeste selon une certaine forme ?

La difficulté ne fut pas immédiatement aperçue. Albert le Grand se borne à reconnaître la forme dans le consensus per verba de præsenli, et saint Thomas dans les verba. In IV nm Sent., dist. XXVI, q. ii, a. 1, ad lum. Mais Duns Scot précisa toute la portée du problème. Dans ses commentaires d’Oxford, il pose nettement la question de la forme du sacrement. Dist. XXVI, q. un., n. 14 sq. Dieu a-t-il imposé une formule ou bien faut-il considérer tout contrat comme un sacrement ? Velenim Deus instituit ita indeterminatum signum, ut sit signum e/ficax gratiæ, sicut indeterminalum signum requisitum ad contractum : vel magis determinavit illud, quod débet esse efficax gratiæ, quam ex impositione humana determinetur signum sufjîciens ad contractum ; et si sic, vel determinavit aliqua verba præcise, puta, accipio te in meam, vel in meum ; vel determinavit indifjcrenter quæcumque verba exprimentia talem consensum. Si Dieu a strictement déterminé la forme, arrêté les paroles précises que les époux doivent prononcer pour recevoir la grâce, il s’ensuit que, bien souvent, un contrat de mariage est passé sans que le sacrement y soit joint, puisque les formes du contrat sont libres et, pratiquement, diverses comme la coutume. Si la seule prononciation de paroles est requise, certains mariages encore ne seront que des contrats : ainsi le mariage des muets. Scot ne se décide point à proposer une solution ferme. Il définit le sacrement : expressio certorum verborum, mais avec cette réserve que, si les verba ne sont point nécessaires, on se contentera de signes équivalents. Ibid., n. 17. Dans son Commentaire de la dist. XXVII, il laisse encore pendante la question de savoir si le mariage par lettres est un sacrement.

Dans les Reportata parisiensia, la pensée de Scot est plus clairement exprimée. Après avoir montré

que le contrat peut se former sans paroles, que n’importe quel signe sensible suflil pour que les parties soient liées, il ajoute que le sacrement, au contraire, ne peut être conféré sans un signe sensible déterminé et des verba cerla. Ad sacramentum autem matrimonii requiritur signum sensibile determinatum, ut audibile et cerla verba, quia sine certi.s verbis non est sacramentum matrimonii, liect possil esse contractas ad matrimonium sine certis verbis… Istud autem signum audibile, quod est necessariurn ad matrimonii sacramentum, vel ipsa cerla verba, sunt forma ipsius sacramenti. L'Église, en effet, n’admet point n’importe quel signe sensible, elle exige les verba de præsenli : Nisi enim hoc sacramentum haberet pro forma totali signum sensibile determinatum, ut certa verba, non essel unum sacra mentum forte… et tune forma ipsius sacramenti essel lalissima, quia quæcumque signa sensibilia essenl forma, quod non tenet Ecclesia catholica ; sed quod tantum pat determinate per verba de præsenli. Ibid.. n. 23. Les personnes qui ne peuvent échanger les paroles contracteront mariage mais ne recevront point le sacrement : c’est le cas des absents qui peuvent contracter par lettre ou par procureur (n. 22), des muets (n. 23), de ceux que leurs parents ont conjoints. Dist. XLII, n. 24. Dans tous ces cas exceptionnels, il y a séparation, disjonction du contrat et du sacrement. A ceux qui passeraient le contrat sans recevoir le sacrement, Dieu ne refusera point une certaine grâce, quia Deus assista ibi propter difficullatem contractas honesti ; mais cette grâce sera moindre que celle qui est attachée au sacrement. Opus oxon., dist. XXVI, q. un, ii, 15.

Cette opinion de Scot était appelée à une grande fortune. Déjà, au xiv c et au xv siècle, beaucoup de disciples du docteur subtil la professèrent. Jean de Bassoles fait remarquer à plusieurs reprises que l'Église tient pour constant quod sacramentum quodlibet in verbis consistit. Si des paroles ne sont point nécessaires, d’autres signes suffiront, quod tamen non videtur mihi. In IVum Sent., dist. XXVI ; voir encore dist. XXVII-XXIX. Vers le même temps, Hugues de Newcastle († 1321) semble avoir soutenu l’opinion de Duns Scot avec un certain éclat. Et la définition scotiste du sacrement de mariage, expressio certorum verborum maris et feminæ, sera reprise et discutée par toute la lignée des commentateurs de Scot, par Pierre d’Aquila, In I Vum Sent., dist. XXVI-XXVII, ad lum, comme par Fr. de Marchia, Bibl. Xat., ms. lat. 3071, fol. 161 sq.. par Guy de Briançon, In ZV™ Sent., dist. XXVI, Lyon, 1512. fol. exevin, comme par Jean de Cologne, Quæstiones, Venise, 1472, fol. 222. On pourrait citer plusieurs dizaines d’auteurs et. si nous le notons, c’est pour que l’issue de cette opinion scotiste devienne plus intelligible : il ne s’agit pas d’un vague propos perdu dans l'œuvre de Duns Scot, comme on semble, en général, le croire. Les propos de Duns Scot sont rarement dépourvus de finesse, et ils n’ont presque jamais été voués à l’oubli. A la lin du Moyen Age, nombre de théologiens étaient enclins à admettre, après les Reportata parisiensia et l’Opus oxoniense, que sans verba, point de sacrement, ou tout au moins, comme Jean de Cologne, à exprimer un doute embarrassé.

Cependant Ange de Clavasio († 1495), dans sa Summa angelica, Paris. 1506, fol. ccLxxviii, déclare que les théologiens et presque tous les canonisUs n’exigent pour l’expression du consentement qu’un signe, et que l’existence du sacrement ne requiert qu’un signe sensible. Des commentateurs de Scot. comme Guillaume de Vaurouillon, défendront cette dernière doctrine, avec, il est vrai, des arguments inégalement sûrs, comme on peut le voir fol. 396 sq. Le fond de sa doctrine, Guillaume pouvait l’appuyer MARIAGE. DOCTRINE CLASSIQI E, LE MINISTRE

sur l’autorité de grand » scolastiques et notamment de l’un de ses modèles, saint Bonaventure : /" « ( rflu* nuton [særamentis] non vtntt vis a verbo exferiori « </ <^ intrinseco. ni in panitentia quantum aa conlèssionem et in matrimonio ; et in talibus sufficU 9ueliseumqut fiât expressio, sur oerbo, sur serin », , 19t ttiam luocumqut nutu alio. S. Bonaventure, dist. lll. a. un., q. iv ; voir encore Durand, dist. I,

q. ED., ,

, /> le ministre. Puisque le consentement est la cause efficiente du contrat et du sacrement de mariage et que son expression constitue la ronne du sacrement, il semble que les époux doivent être considérés comme les ministres.

I ce textes où cette affirmation logique est posée directement et sans restrictions ne sont cependant

pas très nombreux : les textes qui représentent expressément le prêtre comme le ministre du mariage, on aurait également quelque peine à les découvrir. M.iis il v a un grand nombre de textes qui paraissent insinuer lune ou l’autre de ces conclusions et qu’il nous faut classer. La fonction du prêtre au contrat, nous l’avons déjà indiquée, col. 2192. Il s’agit, * présent, d’apprécier la portée de la bénédiction nuptiale. En termes précis : le sacrement est-il formé par les époux en même temps que le contrat, comme toute l’analyse générale du mariage nous l’a laissé supposer. ou bien le prêtre, bénissant les époux, en est-Il le

ministre ?

I. cartons provisoirement les textes qui attachent , ce a la bénédiction nuptiale. Sans autre ambition que de grouper quelques éléments de décision le sujet que nous allons effleurer appelle une longue étude nous relèverons quelques idées importantes dans les conciles, les ouvrages des théologiens et plusieurs rituels.

Les III* et IV' conciles du Latran qui interdisent au prêtre d’exiger une somme d’argent pour la bénédiction nuptiale ont en vue la gratuité du sacrement. La vénalité est telle, en certaines Lglises. dit le canon 7 du III* concile du Latran. que pro sepnlturis et exstquiia morluorum. et benedietionibus nubentium. seu aliia sa-rumentis aliquid reqniratur. …Se igitur hier de cetera fiant, rel pro personis ecclesiastieis deducendis in sedem. rel sæerdotibus instiluendis. ont sepeliendis mortuis. seu benedicendis nubentibus. seu oliis særamentis conferendis seu collatis aliquid exigatur. districtius pnhibemus. X, V, iii, c. 9. Mêmes expressions dans le canon 66 du IV° concile du Latran (1215), X, V, ra, c42 : Quidam clerici pro exsequiis mortiiorum et benedietionibus nubentium et similibus pecuninm exigunt. Et le concile ordonne ut libère conferantur ecelesiastica særamenia.

Des décrétantes, nous le verrons, ont tiré de ces textes la conclusion que la bénédiction nuptiale confère le sacrement..Mais ici. le mot sacramentum doit être [iris au sens large de chose sacrée. On applique le même nom a la bénédiction et aux sépultures. Aucun texte de concile général ne dit que le sacrement dépend de la bénédiction nuptiale. Et le style officiel distingue fort bien, comme le note Gibert. la solennitation du mariage. V administration des autres sacrements. Sans doute, de nombreux conciles provinciaux. du xill' au xv siècle, emploient pour caractériser les (onctions du prêtre qui bénit le mariage les mots : conjungere. ropulare. mais il n’en faut point tirer des conclusions trop précises. Ces mots n impliquent pas que le prêtre confère le sacrement : ils marquent seulement sa participation active à la tradition mutuelle époux, et l’analyse du contrat nous en a déjà révélé la signification.

La doctrine fournit-elle une réponse plus claire'.'

II y a dans bon nombre d’auteurs des expressions

2206

ambiguës. Ainsi. Albert le Grand In i " m Sent.,

, ii, i. i. a. 1 1 : le mariage peut être envisagé sous

plusieurs aspects, soit comme ollice naturel. BOll

comme bien de l'Église, <t quoad hoc poteat aufflclenter effici ptr conænsum in maritalem copulam. Sea tertio modo est m remedlum, et sic ponitur su 6 claoibus Eccleaia et est m dlspensatione mlnistrorum, et gnoad hoc habet formam in fæie Ecclesim expreaaam, et aceipit benedietionem Ecclesia et efficttur Ecclesim, non quidem sacramentum secundum se, sel særamentum Ecclesim', ni sit medicina ex ni clavium tpsius Ecclestse. Saint

Thomas reprend plusieurs fois celle Idée, ce vocahu

lalre même, d’abord en termes presque Identiques, In I '"" Sent., dist. I. q. 1, a. 3, puis dist.. a. '-, qiuest. I. ad 2 nm. Et encore Contra grilles. I. I. c. 78 : Malrimonium igitur, secundum quod consista in conjunctionc maris et feminm intendentium prolem ad culium Del generare et educare est Ecclesia sacra' mentum ; mule et gtuedam benediclio nubentibus per ministros Ecclesia adhibetur. Dans la Somme thiolo gtque, 1I J -I1' 1 '. q. c, a. 2. in fine : …dore pecuninm pro matrimonio, inquantum est naturel offlcium, licitum est : inquantum vero est Ecelesist sacramentum. est illieitum : et ideo secundum jura prohibetur. ne pro benedictione nuptiarum aliquid exigatur.

Saint Bonaventure ne fait pas une moindre pari à la bénédiction nuptiale : Malrimonium aceipit rationem spiritualitalis et gratin : quando consensus jnngitur benedictioni. ubi explicatur signtficatio, et obtinetur per benedietionem sanctificatio, et ideo m benedictione sacerdolali consista ratio spirilualis pracipue. Dist. XXVI. a. 2, q. n. ad -f"" 1.

Il n’est ]ias utile de multiplier les citations de théologiens scolastiqucs : aucune ne rendrait l’idée plus claire. Et quant aux canonistes, nous nous bornerons à transcrire la Close ordinaire sur le C. 1, X, IV, xxi qui interdit de bénir les seconds mariages : quia sacramentum iterari non débet, dit Bernard de Parme.

Les théologiens marquent donc une certaine répugnance à abandonner aux laïques l’administration d’un sacrement, et ils considèrent que la bénédiction appartiendrait dans la division précédemment analysée au cycle du sacrement : ils condamnent pour ce motif tout Ira fie pécuniaire dont la bénédiction serait le prétexte OU l’objet. Peut-on dire pour autant qu’ils font dépendre de la bénédiction la validité du sacrement ? Il serait imprudent de l’affirmer : car ceux-là mêmes qui paraissent exiger la bénédiction exposent avec force, en d’autres passages, qu’elle n’est requise que quantum ail honestatem. non point (/minium ml l’irtutem matrimonii. Quoi de plus net que l’enseignement de saint Thomas, In IV'"" Seul., dist. XXV11I, q.i, a. 3, ad 2um ? Après avoir expliqué que l’absolution du prêtre est indispensable pour la remission des péchés, il ajoute : Sed in matrimonio OCtus nostri sunt causa su/ficiens ad induccndiim proximum efleetum, qui est obligatio : quia quicumque est sui juris, potest se alteri obligare : et ideo sacerdotis benediclio non requiritur in matrimonio quasi de tssentia sacramenti. Et encore, dist. XXVI. q. ii, a. 1, ad l"" Yerba quibus consensus malrimomalis cxprimitur, sunt forma liujus sacramenti, non autrui benediclio sacerdotis qute est quoddam sacramentale. Le refus de bénédiction nuptiale aux secondes noces, saint Thomas l’explique par le defectus sacramenti. Ibid. dist. XLII, q. m. a. 2. ad 2™. Albert le Grand expose que les prêtres administrent les seuls sacrements divins : quant aux sacrements humains, ils enseignent simplement qualiier honeste et secundum Deum fiant. Et ainsi il réfute l’objection : Omnt sacramentum Ecclesia. consista m operatione ministrorum Ecclesia In M' 1 "" Sent., dlst. XXVII, a, i. ad : V"". A la fin

du.Moyen Age, le thème n’a point varié : Benedictio

i>ero sacerdotis non pertinet ad essentiam liujus sacramenti : sed est quid sacramentelle ad ejus solemnitatem pertinent, écrit, par exemple, Nicolas des Orbeaux, dans son Compendinm singulare déjà cité, Et le continuateur de Biel, In 7 V'"" 1, S>/iL, dist. XXV, q. ii, a. 2, p. 8 : Non est propria locutio, quod sacerdos conférât hoc sacramentum sicut cœtera, sed eonjnges sibi muta conférant et accipiunt.

Non est propria locutio : ces mots éclairent tout le débat. Au vrai, on ne s’est point mis d’accord sur le sens du mot : ministre. Dès lors, quiconque joue un rôle actif dans la cérémonie est appelé ministre. La preuve, nous la demanderons à ceux-là mômes qui, nettement, déclarent que les contractants sont les ministres. Aucune formule n’est, en apparence, plus limpide que celle dont use Duns Scot : Ministri sunt dispensantes sibi hoc sacramentum. Report, paris., t. IV, dist. XXVIII, n. 23 et 24. Mais Scot observe : si les contractants sont les ministres, les parents qui marient leurs enfants sont donc les ministres du sacrement comme du contrat. Opus oxon., t. IV, dist. XXVI, q. un., n. 15 : …uliquando patres conlrahunt pro filiis vel flliabus, pr&sentibus eis, non exprimentibus signa propria : si ergo ibi est sacramentum, oporlet dicerc quod minister huius sacramenti potest esse indifjerenter quicumque potest esse minister in contractu matrimonii. Dans les Reportala parisiensia, dist. XLII, n. 24, Scot semble renier cette opinion étrange, quia parentes non conferunt eis gratiam, dit-il avec raison.

Mais ses disciples reproduisirent souvent les termes de Y Opus oxoniense. Jean de Rassoies note très correctement que les contractants sont ministres du sacrement : Unde sacerdos non requiritur in hoc sicut minister sed sicut solennisans faclum, quod patel quia per seipsos ipsi contrahentes possunt nubere et nubunt, et sortiuntur sacramentum et vinculum et contrahunt. In /V'um Sent., dist. XXVI. Mais il ajoute : « Si quelque autre peut être ministre, il semble que celui-là est ministre du sacrement qui est ministre du contrat de mariage ; donc les parents qui contractent pour leurs enfants sont peut-être ministres du sacrement. » Et Guy de Briançon, à la fin du xv siècle : « On dit que le ministre de ce sacrement peut être, indifféremment, quiconque peut être ministre au contrat de mariage. Tantôt, en effet, le ministre c’est le prêtre ; tantôt l’homme et la femme, comme dans le mariage clandestin ; tantôt un laïque et tantôt un clerc. Mais dans un mariage bien réglé, seul le prêtre est ministre, car un mariage bien réglé ne doit se faire que in facie Ecclesise. »

Les rituels ne fournissent point les éléments d’une conclusion générale. Au contraire, ils montrent la diversité des formules et combien il serait imprudent de prendre à la lettre certaines expressions. Ainsi, le prêtre est appelé ministre du sacrement dans un ancien rituel de Liège. Martène, op. cit., p. 138. Or, il ne dit pas un mot qui ait l’air de forme ; ce sont les époux qui se conjoignent et le texte ajoute que la bénédiction suit le contrat. On trouvera d’autres exemples de cette terminologie incertaine dans Gibert, Tradition ou Histoire de l'Église sur le sacrement du mariage, Paris, 1725, où sont classés chronologiquement de nombreux fragmente canoniques et liturgiques. La formule la plus commune est, semble-t-il, JCgo accipio te in meum, Ego accipio te in meam.

2. La collation de la grâce. - Tandis que les scolastiques s’ingéniaient à distinguer les éléments du rite sacramentel, un autre problème, capital et qui exigeait une solution péremptoire, sollicitait leurs soins. Le sacrement n’est pas eulement un signe : il est un signe efficace de la grâce : les définitions classiques

soulignent ce Irait essentiel. Cf. Pourrat, op. cit., p. 34 sq.

Il paraît donc vain de se demander si le mariage produit la grâce. Cependant, ni les canonistes tout remplis de préjugés juridiques et moraux, que nous allons envisager, ni, en général, les premiers scolastiques n’ont clairement aperçu la conclusion que leur imposait la logique.

a) La négation des canonistes. Au temps où la plupart des théologiens se bornaient à indiquer le rôle médicinal du mariage, entre 1150 et 1250, de nombreux canonistes niaient formellement que le mariage conférât la grâce. Cette conclusion leur était imposée d’abord par une conception singulière de la simonie. Le rôle de l’argent dans la conclusion des mariages les étonne : le prêtre qui bénit reçoit son denier et le règlement des rapports pécuniaires est un des soins des époux ou de leurs familles, soin légitime ainsi que le montre l’exemple de Rébecca. Comment expliquer ces marchandages et ce trafic des choses saintes ? C’est que, font observer la plupart des décrétistes dans leurs commentaires sur le c. 13, Honorantur, caus. XXXII, q. ii, le mariage ne confère point la grâce. Ainsi raisonnent l’auteur de la Summa parisiensis, Jean de Fænza, Simon de Bisiniano, Sicard de Crémone. Et si Huguccio fait des réserves sur le raisonnement de ses contemporains, en notant que la simonie peut être commise hors du champ de la grâce, il admet, lui aussi, que le mariage ne produit point la grâce. Cf. F. Gillmann, Die Siebenzahl der Sakramentc, p. 192. « Pourquoi, demande-t-on. l’argent intervient-il dans ce sacrement alors qu’il n’intervient pas dans les autres sacrements ? Certains disent : à cause des charges du mariage… Mais la vraie raison, c’est que dans ce sacrement, la grâce de l’Esprit-Saint n’est pas conférée comme dans les autres… » Glose ordinaire sur le c. Honorantur. « Le mariage n’est point de ces sacrements qui donnent la consolation de la grâce céleste. » Glose ordinaire sur le c. Quidquid invisibilis graliæ, Caus. I, q. i, c. 101. Les décrétalistes n’ont pas été moins nets sur ce point. Par exemple, G. de Trano et Hostiensis, dans leurs Sommes, au titre De sacramentis non iterandis, Bernard de Parme, in c. 9, Cum in Ecclesiæ corpore, X, V, iii, De simonia, au mot Benediclionibus, reproduisent l’opinion des décrétistes : le mariage ne peut conférer la grâce, puisque le contrat comporte, sans encourir grief de simonie, des conditions pécuniaires.

Alors même que le mariage s’accomplirait sans concours d’argent, n’a-t-il pas, du moins, pour effet, d'éloigner de Dieu ? Qui enim duxit uxorem cogitur ad quæ mundi sunt, quomodo placeat uxori et divisus est, dit Etienne de Tournai, p. 261. Pis encore, n’est-il pas cause de volupté? Comment les actes entachés de turpitude qu’il autorise et comporte seraient-ils considérés comme productifs de grâce par leur analogie avec la passion du Christ, sourcede toute grâce ? Rufin exprime clairement ce qu’est le mariage poulies partisans de cette opinion : un signe purement figuratif. Solum autem malrimonium… ita rem sacram in sexuum commixtione significat, quod eam lege turpitudinis impediente minime operatur ; signum enim est [conjunctionis] Christi et Ecclesiæ non effectivum, sed dumlaxat reprœsentativum, sicut sacrifteia pro peccato in Veleri Testamento fustificationem impii figurabant, quam tamen nequaquam efficiebant. Rufin, Summa…, p. 481. Le mariage est un sacrement propter significantiam, écrit l’auteur de la Summa monacensis.

Cette conception n’est point propre aux canonistes, comme on l’affirmera souvent à partir du xiv° siècle. Les théologiens et les moralistes du xiie siècle ne se sont pas en général prononcés. Quelques-uns ont MARIAG1 I"" rRINl I I ^SSIQl I. LA COLLATION DE LA GRA< E

, collation d « la grflCC belard. Ganiiulphe ; il

f.ut ajouter Pierre le Chantre. Verbum abbreviatum,

KSllt y. /, t, . v.col. 126 : Sunt etiam spiritualia

, « 'eonltrUir vel collata augrtur Spiritus Sanetl

t m aligna, "t tcHeatastiea særamenta, prtster

inionium. ordines. officia etiam eeelesiastica.

Encore au xiiie siècle, l’opinion que le mariage n est

ment spirituel est exprimée par le

manuscrit théologique d’Erlangen cité par GlUmann,

l. Jacques de Vllry C 1240) écrit dans sou

Historia oceidentalis, c. 36. Douai. 1596. p. 388 : 1 es

  • icrements ont été Institués pour être des signes et « les

moyens « le sanctification. Mais le sacrement de

mariage n’a point la vertu de produire ou d’augmenter

la grâce, car sa fonction est purement médicinale :

permet comme remède a la fornication, de même

que l’on permet au moine l’usage de la viande et au

malade de prendre « les bains. Guillaume Pérauld

sa Summa uirtutum ne vitiorum, Anvers,

. t. i. fol. 128, énumérant les douze Mens « lu

mariage et les quatre fruits « lu douzième, ne parle

point de la grâce.

Et Hugues « le Saint -Cher dans l’une « le ses œuvres, confirme, en somme, (opinion de Ru fin : Hoc quod licitur. sacramentum efpcit quod figurât, intelligitur lantum de sacramentis institutis in Eoangelio ; hoc autan institutum est unie Legem. In Fpist. I ad Cor.. ii, éd. Venise. 17" : '-. tvu. P- > ss - t '" 1 '- Ainsi. jusqu’aux premières décaties du xiiie siècle, l’opinion commune semble ne voir dans le mariage qu’un signe et les théologiens ne lui assignent généralement qu’une fonction médicinale, encore que l’efficacité du sacrement soit reconnue par plusieurs d’entre eux en termes résolus : Anselme « le l.aon, Hugues « le SaintVictor nous l’ont montré.

b Solutions intermédiaires. Quand les théolo mirent à enseigner explicitement, au début du xiir siècle, le rôle de la grâce dans le mariage, ce ne fut point sans tergiversation.

- Les uns considèrent le mariage comme ayant simplement pour effet de conserver la "race. Ainsi l’exprime Guillaume d’Auxerre. Nous avons exposé la doctrine des sacrements qui confèrent la « race. Il nous faut maintenant nous occuper des sacrements qui watt la grâce, c’est-à-dire du mariage, conservateur de la grâce, qui est une sorte de médecine préventive puisqu’il préserve de la fornication. - Summa…,

fol. CCLXXV.

Il semble que l’on pi-ut considérer encore comme

représentant de cette opinion Alain de Lille, Theolo regula-, reg. < : xiv, /'. /-.. t. r.cx. col. 681. Elle est

suffisante par la Summa de fide catholica, t. I, c. i x. P. I… t. ccx, col. 367.

b. — D’autres semblent voir dans la bénédiction nuptiale la source de la grâce : c’est peut-être l’avis de Guillaum « ' d’Auvergne, cf. Ziesché, Die Sakramententehre des W. von Auvergne, dans Weidenauer Stndien. Vienne, 1911, t. iv, p. 149-226. Les époux qui, contractant, ont en vue les causes finales que l’honnêteté assigne au mariage font un acte très saint. wer. matrim., c. vi. lor. cit., p. 519. Dieu leur rde son aide pour atteindre les fins qu’ils se proposent, ibid., c. ix. ]). ô2". Mais la virtus sarramenti appartient-elle au simple contrat passé entre deux fidèles, ou bien est-elle le fruit de la bénédiction nuptiale ? La réponse de Guillaume d’Auvergne n’est pas d’une clarté parfaite. Il ne reconnaît la virtus

imenli qu’au sacramentum vri nominis. celui qui té accompagné de la bénédiction. C’est le texte sur

lequel J. de Guibert met l’accent dans un savant article : Le texte de Guillaume de Pari » sur l’essence du -ment de mariage, dans Recherche* de science religi"t*e. 1914, p. 122 iq. Mais il fait observer aussi

2210

que Guillaume, en autre endroit (p, 520 « le l'édl Uon que nous avons pu Utiliser » mentionne la béné diction connue une nouvelle source de sainteté. Et Guillaume ne paraît il point attacher au mariage

contracte sans bénédiction « lu prêtre (pourvu que l « s

époux n’aient point refuse ce lile malicieusement)

la virtus sacramenti ?…digne pteque tmclpientlbus sacramentum Istud, reœnnterque servare volenttbus,

ipsa virtute sacntmentt præstatUT iniiltum rrlrigcrium contra ardorem concuptsccnttse carnalls ; et il ajoute quelques observations curieuses, tirées « les confidences qu’on lui B faites.

Nous hésitons à reconnaître dans les deux textes de

saint Thomas que cite J. de Gulberi un écho de Guil laume d’Auvergne. En revanche, nous avons relevé chez certains canonistes l’affirmation que la lu -tiédie

lion nuptiale confère la grâce. Voir la Glose ordinaire, in c. 9, Ciun in ecclesite, X. V, m. Peut-être même

était-ce là une opinion populaire. Aliquis nupsit in occulte.. crédit quod sollempnitas illa si udderctur aliquam gratiam conjerret… Ainsi commence une question « lu ms. latin. M7J « le la Bibl. Nat. (xiii « s.),

fol. 7'.'.

Les Commentaires « le Hugues de Saint-Cher et ceux de saint Bonavenlure marquent le moment OÙ l’hésitation fut le plus vivement exprimée : In aliis sacramentis virtute sacramenti con/ertur gratia vel augmentum gratinsrd non in matrimonio virtute matrimonii con/ertur gratia. Aliquando lumen datur vel virtute sacerdolalis benedictionis vel propter intentionan contrahentium. In Sent., ms. de Bâle, fol. 139. Parti de la négation, Hugues s’achemine vers la solution raisonnable, celle qui s’accorde avec la notion intégrale du sacrement. Saint Bon aventure tient pour certain que le mariage confère un certain don de grâce, aliquid grat182donum, è.ceuxqmte reçoivent dignement, his qui ex carilatis consensu uniuntur ad procreandam prolem ad divinum cultum. A raison du consentement et « le la bénédiction de l'Église, cujus est særamenta débite tractare, l'âme est sublevata de la corruption de la concupiscence, et la grâce est donnée ad copulam singularem, utilem, inseparabilem. Cette grâce constitue un remède contre le triple désordre de la concupiscence : l’inconstance ou manque de fides, la luxure qui exclut la procréation, l’instabilité qui exclut le sacrement. Dist. XXVI, a. 2, q. U, conclus. Cependant, le mariage ne confère point la grâce comme les autres sacrements : A' on datur gratia per eum modum, per quem in aliis sacramentis, sed solum auxilium gratis :, sicut supra in principio visum est (dist. XXVI, a. 2, q.u), nisi forte rationc benedictionis adjunclm, quss vendenlem faceret simoniacum. Dist. XXX, a. un., in fine. Licet in quantum est sacramentum Ecclesiæ, ratione benedictionis annexadet etiam gratiam digne accedentibus, dit encore saint Honaventure, dist. XXXIX. a. 1, q. ni, ad 3'"". En plusieurs autres endroits, il exprime cette même idée. En somme, la cause et la portée de la grâce ne sont pas clairement reconnues par saint Bonaventure qui semble attacher une force excessive à la bénédiction nuptiale, ei apprécier sans une suffisante largesse les fruits du sacrement. Mais, déjà, son contemporain Albert l<- Grand avait préparé la solution définitive.

n L’affirmation de la grâce. Avant « le combattre les opinions contraires à la production de la grâce, Albert s’efforce de les ramènera l’unité. Il n’y a peutêtre qu’un désaccord verbal entre ceux qui nient la « race et ceux qui professent que le mariage a pour effet recessum a peccato.non autan ordtnem ad bonum. Cette gr.u-e empêche le règne de la concupiscence, elle la contient dans les bornes prescrites par les fins et l’honnêteté du mariage. Et dicuni probabililer isli guod hase est cousu quart quidam Patres vidaduf 22Il MARIAGE. DOCTRINE CLASSIQUE, LA COLLATION DE l. GRACE 2212

dicere, quod non con/erl gratiam, quia non ronfert eam in online ad bonum, sed a nwlo tantum : ad bonum autem habet quoddam impedimentum non ex se, sed ex consequentibus oneribtis. In I V" 1 " Sent., disl. XXVI, a. 14, q. il, ad 1°'"

A l’argument des canonistes, la réponse était particulièrement aisée. Le mariage est à la fois contrat et sacrement. Le contrat naturel ou civil peut s’accompagner de clauses pécuniaires. Le qu’il est interdit de vendre, c’est le sacrement ou les cérémonies qui l’accompagnent. S. Thomas, IP-II a ;, q. c, a. 2, ad(i 11 '". Cf. S. Bonaventure, op. cit., disl. XXVI, a. 2, q. il, ad lum.

Aux objections d’ordre moral, Albert le Grand et saint Thomas répondent, nous l’avons vu dans leurs Commentaires sur la dist. XXVI : Le mariage est consomme per aetum honeslum a Domino benediclum, cui in pœnam adjuncla est turpitudo concupiscentiæ. Loin d’exciter l’appétit charnel, il le réprime, le dérive aux fins du mariage, empêche ses déviations. S. Thomas, In /V™ Il Sent., dist. XXVI, q. ii, a. 3, ad 4um. Enfin, l’amour mutuel des époux ne les conforme-t-il pas à la charité du Christ qui fut cause de sa passion ? Comme les autres sacrements, le mariage nous conforme donc à la passion du Christ (Richard de Mediavilla ajoutera la réflexion malicieuse que l’on devine. Dist. XXVI, a. 2, q. ni, ad 2um).

Tous ces éclaircissements devaient préparer la voie au triomphe de la doctrine définitive. Que le mariage confère la grâce, Albert le Grand considère cette opinion comme très probable : … non quodeumque bonum, sed hoc bonum quod facere débet conjugalus : et hoc est quod fideliter conjugi assistât et opéra sua illi communicet, et prolem susceptam religiose nutriat, et hujusmodi. Et hsec etiam probabilis est multum. Loc. cit. Dès le premier article de la question De matrimonio secundum quod est sacramentum, saint Thomas prend parti contre ceux qui font du mariage un simple signe : c’est parce que le mariage applique à l’homme, au moyen de signes sensibles, un remède sanctifiant opposé au péché, qu’il est un sacrement. In /V™ Il Sent., dist. XXVI, q. ii, a. 1. Si le mariage n'était point cause de grâce, il ne différerait point des sacrements de l’Ancienne Loi, où il était déjà un signe et un remède, où, déjà, il autorisait les rapports sexuels. Et comment soutenir que le mariage préserve du mal sans incliner au bien"? La même grâce qui prévient le péché dispose au bien, tout comme le même calorique chasse le froid et donne de la chaleur. Saint Thomas juge donc avec faveur l’opinion de ces théologiens qui enseignent la collation de la grâce : « Que le mariage chrétien est propre à conférer la grâce qui aide les époux à remplir les devoirs de leur état, ce sentiment est le plus probable, car quelque faculté que l’homme reçoive de Dieu, il reçoit aussi les secours dont il a besoin pour en faire l’usage convenable… Puis donc que le mariage donne à l’homme, en vertu de l’institution divine, la faculté d’avoir avec son épouse les rapports nécessaires pour la génération, il lui donne aussi une grâce sans laquelle il ne pourrait pas accomplir cet acte comme il convient, et sic isla gralia data est ultima res contenta in hoc sacramento. Ibid., a. 3. Saint Thomas ne pense point, d’ailleurs, que la doctrine qu’il adopte ajoute rien d’essentiel à la leçon du Maître des Sentences : lui aussi professait que le mariage confère la grâce : Gratia autem quee in matrimonio con/ertur, secundum quod est sacramentum Ecclesiæ in ftde Christi celebratum, ordinatur directe ad reprimendam concupiscentiam, qute concurrit ad aclum matrimonii ; et ideo magister dicit, quod malrimonium est tantum in remedium ; sed hoc est per gratiam quæ in eo conferiur. Dist. II, q. i, a. 1, qunst. 3, ad 3um. Saint Thomas semble donc classer Pierre Lombard

parmi les tenants de la seconde opinion. Quant à lui, on ne peut douter qu’il soit disposé à admettre la troisième opinion : que le mariage confère aux époux toutes les grâces dont ils peuvent avoir besoin.

d) Les résistances. — Tandis que se dégageaient ces conclusions, les opinions anciennes gardaient un certain crédit. Humbert de Romans († 1277) écrit : Benedictio sæerdotalis… cui annexae st divina gralia. Dr rruditione prsedicatorum, t. II, tract, il, c. 51, Barcelone, 1007, p. 390. 1 lugues de Strasbourg († 1281) se borne encore à appeler le mariage : médecine préservative. Compendium theologiæ, t. VI, c. v. Même réserve dans le De matrimonio de Robert de Sorbon († 1274) ; cf. Hauréau, Notices de quelques manuscrits latins de la Bibliothèque Nationale, t. i, p. 189 sq.

Le problème prit une ampleur nouvelle au cours d’un épisode dont on n’a point remarqué l’importance pour le sujet qui nous occupe : l’affaire de PierreJean Olive.

En l’année 1283, le ministre général des franciscains, Bonagratia, qui avait entendu au chapitre de Strasbourg de vives plaintes contre la doctrine de Pierre-Jean Olive, chef des spirituels, institua une commission de sept théologiens pour examiner une liste de propositions tirées des écrits de l’accusé. Fr. Ehrle, Petrus Johannis Olivi, sein Leben und seine Schriften, dans Archiv fur Litteratur und Kirchengeschichte des Mittelalters, t. iii, p. 409-552 ; E. Hocedez, op. cit., p. 79 sq.

Parmi les trente-six propositions censurées à Paris, il en est une qui concerne le mariage. Dans la sixième de ses Quæstiones, Cod. Vat. 4986, fol. 10-21, Olive se demande si la virginité ou l’abstinence de toute copulation est préférable au mariage. Cf. Ehrle, loc. cit., p. 50 1 sq. Voici comment Olive présente sa thèse dans la défense qu’il composa en 1285. Le sacrement de mariage n’est pas un sacrement au même sens, univoce, que les autres sacrements de grâce ; il ne semble pas avoir d’autre titre au nom de sacrement que le serpent d’airain ouïe tabernacle, ou le berceau de Moïse. Voir d’Argentré, Collectio judiciorum, Paris. 1728, 1. 1 a, p. 228 sq. Olive avait accepté la rétractation qui lui était imposée. Au chapitre d’Avignon, en octobre 1283, il reconnut que le mariage est un sacrement de la Loi nouvelle et confère la grâce, qu’affirmer le contraire est une erreur, le soutenir, une hérésie, en douter, illégitime, qu’il croit avoir toujours admis le caractère sacramentel du mariage et n’avoir nié qu’en passant son équivalence aux autres sacrements, notamment la production de la grâce, ibid., p. 230. Dans sa Défense, composée après que le provincial lui eut refusé la permission d’aller se justifier à Paris, il renouvelle ses réserves sur la plena univocatio : tandis que les prêtres sont ministres des autres sacrements, ce sont les époux qui procèdent eux-mêmes au mariage.

Le débat s’assoupit après la soumission d’Olive, mais il se ranima au concile de Vienne, où les conventuels rappelèrent, le 1 er mars 1311, dans leur acte d’accusation contre les spirituels l’opinion de P. J. Olive sur le mariage : les termes sont à peu près ceux dont se sert Olive dans son Mémoire justificatif. Ehrle, Zur Vorgeschichte des Concils von Vienne. dans Archiv. f. Litter…, t. ii, p. 368 sq. A cette accusation. Libertin de Casai répond dans son Apologie de P. Olive et des Spirituels, rédigée probablement avant le 4 juillet 1311 : Olive affirme que le mariage est un sacrement de la Loi Nouvelle et il montre dans son traité De sacramentis, cf. Ehrle, Archiv…, t. iii, p. 476, qu’il confère la grâce. Mais il n’a pas de peine à établir que le sacrement de mariage diffère en bien des points des autres sacrements de la Loi nouvelle : il existait avant le péché, et dans l’Ancienne Loi ; 2213 MARIAGE. D0CTRJN1 Cl ^SSIQUE. L’INSTITUTION DIVINE 2214

les époux en son ! les ministres ; il peut être contracté

filtre absents et avec des clauses pécuniaires ; il ne

m' point ci' qu’il figure ; il est simplement toléré ; iso n’a point dé Uni comme un article de toi l’uniformité du mariage et des autres sacrements, ni même que le collation de la grâce se produisit de la même manière que dans les autres sacrements « le la !.<>i nouvelle. Et bien de-- auteurs ont professé que le mariage ne confère point la grâce : Pierre Lombard, et. parmi les canonistes, Huguccio, Geoffroj de Trani, iiisis. Innocent IV, Monaldus : il est invraisemblable que tous ces docteurs en droit canon dogmatisent contre les saints canons. Cf. Klule. Archiv, t. h. p. 389 m] : p :  ; '.' :  ; sq sur la doctrine et les tribulations *ie P. J. Olive, cf. L’eberweg, Grundriss der .ichte der Philosophie der palristischen und scholæn Zeil, Berlin. 1915, p. 161, 158 sq. ; M. « le YYulf. op. cit. i' edit.. 1924, p. 364 sq. ; Belmond, Deux penseurs franciscains, dans Études franciscaines, 1923, t w. p. 188 sq., et les travaux de l>. Jansen,

Duus Scot de son côté hésite : le mariage est-il vraiment un sii^ne efficace, alors que la virginité ne l’est point, qui pourrait cependant être considérée comme signum coniunciionis Ecclesite virginisad Christian ? Comme en toute chose, il se soumet à l’enseignement de l'Église romaine. Même si l’on admet que le contrat existe parfois sans le sacrement, il observe qu’une certaine grâce peut accompagner le contrat er opère opérant is. On a déjà remarque que Scot ne tire point de saint Paul. I magnum sacramsntum), la preuve de la grâce. Cf. Tunnel, Histoire de la théologi positive. 4e édit.. p. 468-473. Le doute exprimé par I>uns Scot ne doit point nous faire illusion. Peu de théologiens ont aussi bien marqué la nécessité ou, pour le moins, la convenance de la grâce dans le sacrement de mariage, à cause des lourdes charges et des s difficultés qu’il impose, et que Scot énumère avec si « in. Report, paris., dist. XXVIII, q. un, , n. 17 sq.

L’opinion des canonistes devait se maintenir jusqu'à la fin du Moyen Age. Au début du nv< siècle, elle a rallie le suffrage d’un grand théologien, Durand S iint-Pourcain. Celui-ci fait observer que les canonistes. quand ils nient la collation de la grâce, se bornent a commenter dis textes OÙ s’expriment les vues de l'Église romaine, que, loin d’avoir été desavoues par la papauté', ils ont obtenu des honneurs. voire la pourpre. In I Yum Sent., dist. XXVI. q. iii, n. t’i. Venise, 1571, fol. : >n7. Il s’agit là d’une opinion chez les théologiens et que Capræolus rétorque avec beaucoup de mauvaise humeur dans ses De/cnsiones. dist. XXVI, q. iv, tandis que certains canonistes s’obstineront à nier la grâce, ainsi que l’atteste Panonnitanus, in e. un… I. xv. De extrema anctione.

e) Triomphe de l’opinion affirmative. Dès la

Dde moitié du xmsiècle, en effet, l’opinion que le mariage confère la grâce est généralement considérée comme sûre. Richard de Mediavilla (dont les Commentaires sur le 1. IV sont postérieurs à 1287 ; cf. Eiocedez, Hicbard de Middletown, Louvain, 1925, p..">1 sq.) ne mentionne même plus dans son commentaire les opinions anciennes et pose avec fermeté son affirmation, Dist. WVI. a. 2. q. m. p. 405. Même résolution dans le Libelle des conventuels au concile de Vienne, qui considère le mariage comme efficace au même titre que les autres sacrements. Ehrie, Zur Vorgsschichte…, Inr. eit. Mais on hésite encore sur la qualification des grâces du mariage, et certains admettent qu’il ne « pie de la grâce actuelle, gratia gratis dota ; cf. H op. cit.. p. H7b. C’est le seul point liti gieux, a la fin du Moyen -' : Guy de Brianron, le signale, op. cit., fol. cx< ix. en un temps où les t héologiens s’accordent a admettre la collation de la grâce : voir, par exemple. Denys le Chartreux, op. cit., dist. XXVI,

q u ; saint Antoniu de Florence, Sunvna. part. III'.

ir xi.c. ». Vérone, 1740, col. 678. La collation de la

grâce passe même au premier plan et, par un renverse

ment très expressif des anciennes formules, Thomas de Strasbourg écrit : Non seulement le mariage est signe de grâce, comme les autres sacrements, mais il est signe « le la conjonction du Christ et de l'Église. Dist. XXVI.

/) Le earætère. l.'ellet du sacrement « le mariage est « loue de conférer la grâce, l’aut-il y ajouter un second résultat, le earætère

On sait quelle importance pril dans la théologie du iu siècle la doctrine « lu caractère. Trois sacrements impriment incontestablement un caractère : le baptême, la continuation, l’ordre. Certains docteurs proposaient d’ajouter : l’extrème-onction. D’autres, enfin, le mariage, lue interprétation littérale de Pierre Lombard (dist. XXXI, v* sieut aposta’a anima) pouvait les inspirer. Surtout, ils cherchaient un élément qui conservât le lien et assurât l'éternelle conjonction d « ' l'âme Adèle avec Dieu : ce ne peut être, pensent-ils. « pie le caractère, qui est indélébile. Sans lui comment pourrait-on séparer dans l’autre monde les gens mariés de ceux qui ont gardé le célibat ?

Albert le Grand n’a pas de peine à montrer que la permanence du lien s’explique sans recours à la notion « le caractère, par la force du consentement initial et que le mariage n’imprime point de caractère. In I V"" 1 Sent., dist. XXXI, a. M. I.a notion générale de la condition du caractère, « pie les commentateurs des Sentences développaient principalement sur les premières distinctions du livre IV, montre assez que le mariage n’y est point intéressé : deputatio, mancipatio ad aliquod sacrum, on n’y trouve rien de tel.

Toutefois, saint Thomas est disposé à admettre une certaine analogie - - rien de plus — entre la potestas ad aetus corporales, que confère le mariage et la potestas ad aetus spirituales que procurent les sacrements qui confèrent un caractère. In I Yum Sent., dist. XXXI. q. i, a. 3, ad 5um.

Cependant, l’opinion que le mariage imprime un caractère se maintient chez certains canonistes : ainsi, Antoine de Butrio, Lectura… in c. Quanta, De divortiis, n. -1, Venise, 1578, t VI, fol. 58. C’est la pensée de ces auteurs assez nombreux qui n’admettent point la réitération du mariage. I.a Glose ordinaire, nous l’avons vu. déclare : quia iterari non débet et l’auteur du Traité anonyme des sacrements contenu dans le ras. lat. 3534 de la Bibliothèque Nationale compte le mariage, fol. 21, parmi les sacrements qui ne doivent point être réitérés. X’otis retrouverons ce problème à propos des secondes noces.

A. L’institution divine. L’attention des théolo giens avait donc été successivement retenue par l’examen de l'état de mariage, du signe, de la grâce. Et chacune de ces méditations leur avait révélé des changements profonds depuis le sixième jour de la (nation. Loin d’y trouver un sujet de scandale ou d'étonnement, ils expliquèrent par les circonstances historiques la polygamie « les patriarches et le libelle de répudiation. Ces transformât ions de la nat ure même du mariage, ils ne les aperçurent que le jour où l’analyse du sacrement eût été a peu près complète, et c’est alors qu’ils achevèrent cette analyse en précisant les diverses interventions de Dieu.

a) L’institution primitive. Comme tous les sacrements, le mariage a <' ! « ' Institué par Dieu. I.a réfuta tion « les hérésies fut l’occasion d’insister sur ce point. Cf. Bonacursus, Libellas contra catharos, c r >, /'. /… I CQV, col. 78<é Tandis que le consentement des épOUX est la causa prOXima du mariage, l’institution divine en est la causa prima. S. Doua vent un-, dist. XXVII, a. 2, q. i, sol.

221 5

    1. MARIAGE##


MARIAGE. IJOCTHINK CLASSIQUE, L’INSTITUTION DIVINE

221 G

L’utilité même de l’Institution divine était contestée par certains docteurs qui observent : ce qui est de droit naturel a-t-il besoin d’être positivement institué’.' - - Au moins d’être déterminé, répond saint Thomas, car ce bien du mariage à quoi la nature incline répond a des besoins variables In /V uni Seul.. dist. XXVI, q. ii, a. 2. ad l" 1 ".

L’instant, les circonstances, le caractère primitif de l’institution préoccupent les auteurs du xiir siècle. Comme les paroles : Nunc os ex ossibus… ont été prononcées par Adam, certains reconnaissent l’institution divine dans le Crescite et muliiplicamini. Il était facile de répondre, comme fait Hugues de Saint-Cher, que ces paroles s’adressent aussi aux animaux. Illa verba, déclare Geoffroy de Trani, fuerunt potius benediclionis quam institutionis. Et l’on adopta généralement l’explication de Pierre Lombard, qui voit l’origine du mariage dans le discours inspiré d’Adam.

Albert le Grand s’étend, avec de curieux détails, sur les circonstances de la création d’Eve. An Adam doluerit in ablatione coslæ ? An Neva deossevel de carne debuil foi-mari 1 ! Tels sont les deux sujets dont il s’occupe longuement, aussitôt après avoir défini le mariage. In I Vum Sent., dist. XXVI, a. 2 et 3. Le point délicat, c’était la détermination de la nature du mariage, au Paradis. Beaucoup enseignent que déjà il était un sacrement. Gillmann, Spender und àusseres Zeichen der Bischojsweihe nach Iluguccio, Beilage II, Zur Lehre vom Verlôbnis und Eherecht, Wurzbourg, 1922, p. 36 sq.

Le mariage est le plus ancien des sacrements, déclare Pierre de Poitiers, car il fut institué au Paradis. Sent. lib. V, t. IV, c. xiv, P. L., t. ccxr, col. 1257. Alexandre de Haies dit expressément qu’il fut institué in sacramentum et non tantum in officium in puradiso. Summa. IV a pars, q. ii, membrum 2, a. 1. C’était aussi l’enseignement de Roland : Hujus sacramenti institutio a Deo farta est in paradyso, éd. Gietl, p. 270. On la trouve encore au xv siècle, sous la plume de J. Lupus, De matrim. et legitimatione, dans Tract, univ. iuris, t. ix, fol. 40. Et si l’on objectait qu’au paradis le mariage, comme sacrement, ne pouvait avoir aucune utilité, aucun sens mystique, que manenle statu innocentiæ, non fuisset necessaria assumptio carnis passibilis in Christo, Alexandre de Halès répondait que la médecine est utile, même quand il n’y a point de malade, puisqu’elle sert à prévenir, éventuellement à guérir les maladies, et que l’union d’Adam et d’Eve préfigurait celle du Christ et de l’Église, loc. cit.

Cette question intéresse en quelque mesure l’anthropologie, le débat sur la justice originelle qui a son siège principal dans le second livre des Sentences, mais dont il faut chercher ici le prolongement. Quel pouvait être, au Paradis, le rôle de la copulation et du mariage, puisque l’homme était immortel et n’aurait point cherché dans les êtres engendrés par lui la perpétuité qui était sa perfection propre ? L’homme, répond Albert le Grand, n’était point immortel par nature sed per gratiam innocentiæ habuit immortalitatem. In IVum Sent., dist. XXVI, a. 6. Si l’homme n’avait point péché, l’espèce se serait, cependant, multipliée par copulation, mais sans la douleur de l’enfantement ni les ardeurs de la concupiscence que la raison eût contenues, lbid., a. 7.

Alexandre de Halès place le mariage parmi les sacrements de la Loi naturelle. Saint Thomas l’y met avec le baptême, la pénitence, et il est le plus ancien de tous, puisque les deux autres supposent le péché. Ante legem scriplam erant quædam sacramenta necessitatis, sicut illud fidei sacramentum, quod ordinabatur ad delctionem originalis peccali et simililer pœnitentia. quæ ordinabatur ad delctionem actualis et

simililer matrimonium, quod ordinabatur ad multiplicationem humant generis. In /v m]1 Sent., dist. I, q. i, a. 2, qu » st. 2, ad 2um Pierre de la Pallu, In I Vum. Sent.. dist. II, q. i, a. 3.

b) Le tableau du développement. — Ce terme de sacrement de la Loi naturelle n’est d’ailleurs point très riche de sens. La question devient plus claire quand, au lieu de considérer comme un acte simple et d’un seul coup accompli l’institution divine, on distingue les fins diverses que Dieu a successivement assignées au mariage.

. Avant la chute, le mariage avait pour but la multiplication de l’espèce, ad officium ; après la chute, il fut en outre un remède à la concupiscence, ad remedium. Les premiers scolastiques l’ont répété, les grands commentateurs des Sentences ont approfondi la distinction. Voir notamment saint Bonaventure, In I Vum Sent., dist XXVI, a. 1, q. r. Quand le rôle de la grâce eut été mis en plein relief, à la double institution ancienne, les théologiens ajoutèrent un troisième terme, le plus important : le mariage a été institué par Jésus Christ comme sacrement de la Loi nouvelle.

Comment, alors, tracer le tableau du développement ou plutôt, définir la fonction du mariage au Paradis, dans l’Ancienne Loi et dans la Loi Nouvelle ? Albert le Grand, dans la Summa de creaturis, ms. de Venise, fol. 212, pose nettement le problème, et le résoud avec soin : Matrimonium quoad utrumque quod est in ipso scilicet officium et sacramentum inslitutum fuit in paradiso. Quoad officium, il a été réglementé dans l’Ancienne Loi et dans l’Évangile, mais non pas institué de nouveau ; secundum autem quod est sacramentum potest considerari duobus modis, scilicet, in rationc signi tantum vel causse tantum. Le signe de la double conjonction du Christ et de l’Église existe dès le Paradis, mais non point la causalité, à moins que l’on ne parle avec certains (Alexandre de Halès ?) de causa preservativa. On ne peut parler de cause qu’après le péché : non point cause de grâce intérieure, mais seulement de justification des rapports sexuels, non erit causa alicujus gratiæ interioris sed ratione honesli fecit non malum quod erat malum. Tout ce que l’on peut dire, c’est que, déjà, le mariage figurait la grâce future et en un certain sens la conférait, puisqu’il délivrait du mal de la concupiscence. Mais la grâce intérieure qui dispose aux devoirs d’état et adoucit la concupiscence, on ne la trouvera que dans le sacrement de la Loi Nouvelle ; In veteri lege… figurabat gratiam dandam in nova lege et causabat sicut autem in conferendo gratiam aliquam, sic excipiendo lapsum concupisccntiæ. Comme sacrement de la Loi Nouvelle, signât et causât gratiam interiorem ; ex unione enim actuali naturarum in Christo gratia causatur in sacramento matrimonii promovens ad bona matrimonii et ad mitigationem concupiscentiœ… Tous les textes que nous venons de citer sont tirés du manuscrit de Venise, fol. 212. En raccourci, Albert le Grand propose encore dans son Commentaire sur les Sentences cette conclusion : Nihil prohibet matrimonium sic habere duas vel 1res Mam institutienes divinas : unam quoad naturam secundum se, aliam quoad naturam corruptam et tertiam secundum statum naturæ reparatæ per Christum : et sic matrimonium est sacramentum innocentiæ, veteris legis et legis novæ. In /V 11 " 1 Sent., dist. XXVI, a. 5, sol.

Et saint Thomas, regroupant les explications d’Albert le Grand : pour assurer la multiplication de l’espèce, le mariage fut institué avant le péché : pour remédier à la concupiscence, après la chute : la réglementation des empêchements est d’institution mosaïque ; le signe date de la Loi Nouvelle. In I rma Sent., dist. XXVI, q. ii, a. 2. Dans une phrase qui fit impression, 1 s

çois de Meyronnes déclan. Le mariage été institut’dans l’itat d’innocence, confirmé dans la de nature, diminue’dans la Loi écrite (par les dispenses du droit naturel).

La multiplicité des Institutions soulevait quelques difficultés : les lois humaines, demandai) on, sonU elles deux fois publiées ? et les autres sacrements, qui ont cependant plus d’efllcacité que le mariage, onl ils été deux fois institués ; la première Institution aurait-elle été Inefficace ? Il était facile de répondre <i iu’l ; l pluralité d’institutions n’a point pour cause l’impuls leur m. us la diversité des fins successivement assignées au mariage. Albert le Grand, In Sent, toc cit.

Du moment île l’institution, les scolastiques ne se sont guère occupés. L’opinion la plus répandue est que les Noces de Cana ont été l’occasion de l’Institution chrétienne. Certains pensent que Jésus-Christ ne lit que confirmer le sacrement qui existait déjà dans l’Ancienne Loi ; d’autres, qu’il l’institua vraiment. Ainsi Omis Scot, Op. oxon.. ilist. l. q. un., n 13, 1 1 surtout Biel, In l P" » Sent., dlst. I. q. ii, . a. 2, concl. 1 : dist. 1 1. q. i. a. 1.

r) Les pouvoirs de l’Église. I ne dernière question, ..unie importance pratique, sollicita l’attention des théologiens : L’institution du sacrement par Jésus-Christ n’a-t-clle point rendu définitives toutes les - du mari. tue ? Quel pouvoir appartient à l’Église ? Les traits essentiels sont immuables, répondent les théologiens, mais un large pouvoir réglementaire appartient à l’Église.. Dominas institut ! sacramentum quoad formam tl qnoad materiam, quantum illi tempori eongruebat, mais c’est a l’Église de déterminer quelles personnes seront aptes à contracter mariage. Saint Bonaventure, In P< » " Sent., dist. XXVI, a. 1, q. a, ad 2um et dist. XL, a. un., q. ni. Hcclesiu circa materiam habilem vel inhabilem aliquid immutat, $ed non circa illud quixl est esscntiale contractai matrimonii prarsupposila materia idonea Duns Scot, Opua oxon., dist. XXVII, q. un., n. 20. Noir Report, paris., dist. I. q. un.

L’Ég ise, dit Jean de Bassoles, ne peut rien changer au sacrement, sed e/rea personas susceptivas bene legitimando vel illegitimando eas ad contrahendum. Et dico quod hoc relinquit Christus in disposilione llcclesiw quantum ad aliquos casas et gradua. In 1 Vum Sent., dist. XXVI, Et un autre théologien : Dieendum quod circa materiam habilem vel inhabilem aliquid immutat, non circa essenlium matrimonii. Guillaume de Vaurouillon, op. cit., fol 395. On sait quel avenir était réservé a ces formules.

Conclusions de la première partie. — 1. Résultats et couronnement de la doctrine classique. — a) Tout mariage valide entre chrétiens est un sacrement : les secondes noces. — L’opinion commune, à partir du xiir siècle est donc que tout mariage valide entre chrétiens est un signe et une cause de la grâce.

Cette conclu-ion a donné lieu a deux controverses : l’une, ouverte par Omis Scot et qui subordonne la validité du sacrement a l’emploi des rerba, l’autre, entretenue surtout par les canonlstes, et qui refuse aux secondes noces le caractère sacramentel. Les partisans de cette opinion contestaient que dans les secondes noces se retrouvât aucun des traits du sacrement. Elles ne sauraient signifier l’union de Jésus-Christ et de ise, puisqu’elles constituent une bigamie suce (argument qu’avait développé Hugues d’Amiens). Elles ne sont point bénites Cet ceci impressionne particulièrement ceux qui font dépendre le sacrement de la bénédiction ;. Elles n’ont pas été Instituées par Deiu. Elles sont passibles de peines.

Tous les grands commentateurs des Sentences réfutent ces objections en expliquant la distinction

XLII du livra i’Le mariage n’Imprime pas un

car. ictère : on ne VOil donc point pour quelle raison il ne pourrait être réitéré, la bénédiction solennelle est refusée aux secondes noces, mais non pas la bénédiction in fûcie EccltStB’. d’ailleurs ce point

n’Intéresse pas la alidité du sacrement. I Heu a institué

le mariage en général et il n’était pas nécessaire qu’il

m une institution spéciale des premières ci des se

coudes noces. Tout ce que l’on doit concéder, c’est que le sy mbolisiue est moins parfait dans les seconds

mariages, et qu’ils Impliquent une certaine concupiscence, la peine qui les frappe est simplement l’iné gularité ex defectu sacramentl : leurs Imperfections évidentes suffisent a justifier cette conséquence, sans que l’on ait à Invoquer d’autres causes. Ainsi raison

lient Albert le Grand, In I V" 1 " Sent., dist. Mil, a. 17.

saint Thomas, ibid., q. m a. 2, où l’on trouvera, ad

?.um. une ample explication du refus de bénédiction

b) Place < ! u mariage dans lu doctrine sacramentaire.

Toute la théorie générale des sacrements Irouve donc sa vérification dans le mariage. Cependant, certains

théologiens, embarrassés par la nature de l’acte matrimonial, ou par la fonction médicinale du mariage, ou

plus simplement par son élément naturel, humain, hésitent à le mettre sur le plan des autres særeiiieiifs

Durand de Saint-l’oureain poussant à l’extrême ce scrupule se demande utrum matrimonium habeat pie liant univocationem (tint atiis sarament is, op. cit.. dist. XXVI, q. iii, n. 9-15. A la différence des autres sacrements, le mariage est (/< diclamine rationis naturalis, sauf le signe surnaturel, il n’y a rien qui le distingue d’un acte purement naturel et humain, et il ne s’agit pas d’un signum sensibile exlrinsecus appositum, car le mariage est l’œuvre des époux. Autres singularités : il peut se former entre absents, il ne confère pas la grâce à ceux qui en sont privés. Ouvert aux infidèles, réglementé par l’Église, il appartient a l’ordre naturel et du droit positif plutôt qu’à la série des moyens de sanctification oITerts par Dieu à l’homme.

Pierre de la Pallu répond avec à propos. In I Y’ul " Sent., dist. XXVI, q. iv : Quia non est ( liquod sacramentum, quod non habeat aliquid sibi proprium, in quo difjert ab omni alio ; unde, si de illo sumatur major secundum quod convenit atiis, affirmative vel négative, et minor proportionaliter, concludetur non esse sacra mentum : verbi gratia, ex parte ministri, susceptivi, materia vel formir. Ayant appliqué sa remarque a chacun des sacrements, il conclut, avec raison, que chaque sacrement a ses particularités, qu’il est un signe et une cause de grâce, et que eeia suflit pour qu’il soit un sacrement, lit il réfute les divers arguments de Durand de Saint-I’ourcain, eod. loc.

Nous avons reproduit l’argumentation de Durand de Saint-Pourça n parce qu’elle est ample et résolue. Mais c’est à tort qu’on la croit exceptionnelle dans l’histoire de la théologie. Jean Pierre O.ive, nous l’avons vu, a servi de modèle à Guillaume Durand. Et tous les commentateurs des Sentences, ont fort a faire pour réfuter les objections par lesquelles on essaie ou l’on serait tenté d’écarter le mariage de la liste des sept sacrements : nous avons montré a travers quelles difficultés et quelles embûches s’était développée, fortifiée, imposée la doctrine relative a l’unite de signe, a la forme, à la grâce. Olive, Durand, nfont que rassembler en un faisceau les oppositions antérieun

Ils contrariaient le progrès de la doctrine qui depuis Pierre Lombard n’a cesse, malgré des hésitations partielles, de tendre a l’unification, Au lieu de mettre l’accent sur les traits particuliers du mariage, qu’ils aperçoivent fort bien, les théologiens aiment, en général, à souligner ses ressemblances sur tel ou tel poiut

avec chacun « les autres sacrements. Par exemple, saint Bonaventure fait observer : « de même que le baptême, le mariage présente uliquid permanent (le lien) aliquid transiens, (la conjunetio) ». El ailleurs il note

l’analogie de la forme, dans le mariage et dans la pénitence. La fausse théorie relative à la grâce est suggérée aux canonistes par la notion de la simonie dans l’ordre, et pour ruiner la notion du duplex sacramentum, les classiques relèvent que, dans l’eucharistie, la dualité des espèces ne double pas le sacrement. Une histoire de la théologie du mariage devrait, assurément, faire une large place à l’étude de ces rapprochements et des rapports entre le développement de la doctrine du mariage et des autres sacrements.

Le mariage est un sacrement aussi parfait que les six autres sacrements. Si, dans les énumérations, il tient souvent la dernière place, ce n’est point pour motif d’infériorité. Les canonistes, surtout, se préoccupent de son rang. Gandulfus l’appelle : maximum sacramentum et Rufin : præcipuum, édit. Singer, p. 56 et 481. Hostiensis énumère, en termes singuliers, ses marques de prééminence. In JV 110 Décret, libr. comment., in c. 7 (Lilterse) De frigidis. L’auteur de la Summa Monacensis, in c. 6, dist. XCV, est, sans doute, plus raisonnable, en reconnaissant que chacun des sacrements, par quelque côté, l’emporte sur les autres, encore que les exemples qu’il en donne soient contestables. En réalité, les termes de faveur sont une amplification du magnum sacramentum et une affirmation de la haute dignité du mariage. Il est juste de noter que les canonistes, qui avaient tant à se faire pardonner, et les prédicateurs dont l’éloquence exagère certains éloges ne sont point seuls dans ce concert en l’honneur des noces : presque tous les théologiens scolastiques s’accordent avec eux. Dans un passage inédit de la Summa de creaturis, ms. de Venise, fol. 213, Albert le Grand exprime une opinion qui semble celle de beaucoup de ses contemporains : Si comparentur sacramenta ad gratiam quam efficiunt in suscipientibus matrimonium mitioris gratis : erit efjectivum quam cetera. Si autem comparentur ad quod efjiciunt ettrinsecus secundum utilitatem communem tune matrimonium majoris boni erit efjectivum, et in ista ratione ponuntur hsec bona ; est enim communis utilitas Ecclesiee in proie sumpta, similiter communis utilitas est in bonum sacramenti quia omnes instruuntur per signum illud quam indissolubilis erit conjunetio ftdelis animée cum Deo, similiter per bonum fidei mutua caritas conseruatur. Il y a des sources de sanctification plus riches que le mariage, mais il n’y a point de sacrement plus utile à la société chrétienne, puisqu’il lui assure la durée. La signification du mariage est, aussi, de l’ordre le plus élevé, sic matrimonium dicitur majus, quia significat unitatem naturarum in Christo, fait observer saint Bonaventure, In lV nm Sent., dist. VII, dub. 3.

Que, sur certains points, le mariage soit moins digne de la prééminence, les théologiens le remarquent ordinairement. Mais c’est un sacrement qui n’admet point un rang médiocre. Le plus grand par son symbolisme et son utilité naturelle, il est le dernier, si l’on considère sa correspondance à la doctrine générale des sacrements : Inler cetera minus habet de proprielate sacramentorum novæ legis et minus de per/ectione, cum nunc lemporis sit indulgentia. Saint Bonaventure, loc. cit., dist. XXVI, dub. 1.

c) La consécration de la doctrine classique. Le Décret aux Arméniens. — L’accord qui s’était réalisé entre les docteurs reçut, au milieu du xv siècle, une consécration officielle : La grande controverse entre l’Orient et l’Occident donna au concile de Florence l’occasion de dé finir la conception orthodoxe du mariage, dans le Décret aux Arméniens. Voir ci-dessus, t. vi, col. 46.

Les dernières lignes du Décret visent le mariage : Septtmum est sacramentum matrimonii, quod est signum conjuncttonis Christ i et Ecclesiee, secundum Apostolum dicentem : « Sacramentum hoc magnum est : ego autem dlCO in Christo et in Ecclesia. » Causa efficient matrimonii regulariter est mutuus consensus per verba de. pru-senti expressus. Assignatur autem triplex bonum matrimonii… Denzinger, n. 702.

Tous ces termes sont empruntés à saint Thomas. Le mot regulariler a été ajouté, pour faire entendre, semble-t-il, que le consentement peut être exprimé par un signe quelconque sans qu’une formule spéciale soit exigible. Cf..1. de Guibert, Le Décret du Concile de Florence pour les Arméniens, sa valeur dogmatique, dans Bulletin de littérature ecclésiastique, juilletoctobre 1919, p. 208.

Dans la théorie générale des sacrements, le Décret rappelle que tous les sacrements contiennent la grâce et la confèrent à ceux qui les reçoivent dignement. Et il adopte l’hylémorphisme. « Tous les sacrements se composent de trois éléments : les choses qui en sont la matière, les paroles qui fournissent la forme et la personne du ministre qui confère le sacrement avec l’intention de faire ce que fait l’Église : si l’un de ces éléments fait défaut, il n’y a point de sacrement. »

2. Périls qui menacent la doctrine classique.

La

doctrine classique, cependant, n’était point si fortement établie qu’elle pût longtemps se maintenir sans éclaircissements ni retouches. Elle subissait des attaques intermittentes des hérésies, des États, des publicistes ; sa force de résistance était amoindrie par des infirmités séculaires. Menaces venues du dehors, faiblesses internes : il nous faut relever et décrire sommairement ces annonces et ces causes lointaines de la grande crise du xie siècle.

a) Menaces extérieures. — a. — Les hérésies de la fin du Moyen Age sont, presque toujours, résolument hostiles au mariage. Leur morale et parfois leur métaphysique (dualisme manichéen) ravalent les rapports conjugaux. Le catharisme, sous des formes diverses, n’a point cessé de travailler et d’inquiéter la société chrétienne au Moyen Age. Et d’innombrables autres sectes secondent sa critique du mariage. Sur ce premier point, la résistance de l’Église a été continue. Elle n’a cessé de défendre l’honneur du mariage et son caractère sacramentel. Encore en 1459, par exemple, le pape Pie II condamne les hérétiques bretons. Duplessis d’Argentré, op. cit., t. i b, p. 253.

b. — En condamnant l’hérésie, l’Église défend la société civile tout entière. Et cependant, certains chefs de cette société civile figurent aussi parmi ses adversaires déclarés ou secrets. C’est un fait de grande conséquence pour la pratique et pour la théo logie même du mariage que la renaissance de l’État qui, en toute matière et spécialement en ce qui concerne le mariage, reconstitue d’anciennes attributions législatives et judiciaires. Les communes italiennes

— du moins celles qui eurent un gouvernement hostile à l’Église — portèrent les premiers coups aux juridictions ecclésiastiques comme elles avaient porté les premiers coups aux immunités cléricales. Il arrive que les statuts contiennent des dispositions sur les empêchements réservant aux tribunaux civils la connaissance des causes matrimoniales, voire de celles qui regardent le lien. Les Statuts de Pistoie (xiie siècle) s’inspirant du droit lombard, défendent qu’aucune orpheline (de père) soit mariée avant douze ans accomplis, et si qua persona contra hoc fecerit, cassum sit et inutile et ipsa puella ad mundualdum suum revcrlatur. c. xxi, éd. Berlan, p. 27. Les exemples pourraient être multipliés. Cf. F. Brandileone, op. cit., p. 3-113 et spécialement p. 39-52 et p. 88, n. 1. En fait, les conflits entre les communes et l’Église — par exemple, MARIAGE. DOCTRINE CLASSIQUE, BILAN FINAL

2221

Milan, 1236, Florence dans tout ta cours du nne siècle - montrent que les prétentions des villes c'étaient point purement théoriques.

France, la législation royale n’a point, avant ta xvie siècle, réglementé le mariage. Bl les coutumes respectent le droit canonique au point de „e contenir aucune disposition sur ta lien de maOlivior Martin. Histoire de /<i coutume de /<i vicomte de Paris, t… Paris. 1922, p. 120 : l i „ nbe. Essai sur lu Coutume poitevine du maau début du XV siècle, d’après le rieux Coustumier de Poietou, Paris, 1910, p. 43. Même remarque i les nombreuses thèses publiées depuis 1900 sur le mariage en droit coutumier (cf. Grandin, Bi’Mfo„raphie générale des Sciences juridiques. 1. 1. Paris. 1926, i. Uea i manoir reconnaît explicitement la compétence des cours d Église. E. Plivard, Le régime matrimonial dans la coutume de Clermont-en-Beauooisis m Xiif siècle, d’après Philippe de Beaumanoir, Paris, 1901, p. 23 sq.

Cette compétence Jusqu’au xve siècle, n a pas été contestée. Elle était fort étendue, comme on peut la voir au Registre des causes ciriles de l’offlcialité ipiseopale de Pans (1384-1387), où les affaires se rattachant au mariage tiennent de beaucoup la plus grande place. Le tribunal de l'évêque sanctionne ou. le cas échéant, rompt les fiançailles, prononce annulation du mariage, la séparation de corps et même la séparation de biens, juge parfois les affaires de douaire, les relations illicites pendant la durée du mariage, op. cit.. p. xxm-xxvii. Mais à partir du iv siècle, on ramène peu à peu devant les tribunaux séculiers les procès où ne se pose point principalement et directement la question de validité ou de nullité du mariage : tout ce qui concerne le régime des biens, entre les époux, les séparations de biens, la légitimité des enfants, le délit d’adultère. » Esmein, op. cit.. t. i, p. 35. C’est le prélude de la grande dépossession de l'Église. Mais, en France, les causes matrimoniales proprement dites ne furent enlevées que plus tard aux ofncialités. Dans les pays latins, les seuls pouvoirs qui aient empiété parfois sur les droits de l'Éghse sont les communes.

L’attitude de l'Église était commandée par les dvonstances. Aux usurpations violentes, elle ne pouvait repondre que par l’affirmation de son droit et la fulmination des censures canoniques. Ces conllits locaux ne furent point l’occasion de grands conlits de doctrine.

- Dans l’Empire, en revanche, la lutte entre Louis de Bavière et Jean XXII donna aux publicistes l’occasion de présenter en quelque sorte les prolénes de la théorie du mariage civil. On se rappelle Tes faits : Louis de Bavière, voulant marier son fils à Marguerite Maultasch dont il convoite les riches espérances, prétend que l’union de cette héritière avec Jean Henri de Bohème n’a point été consommée et demande au pape de la rompre. Sur refus du pape, Louis de Bavière se déclara compétent ( 1312) pour juger cette affaire qui se termina conformément à ses vœux. L'Église protesta. Mais deux publicistes Guillaume Occam. dans son Tractahude jurisdiciione imperatoris in causis malrimonialibus, et Marsile de Padoue, dans une Consultation dont l’authenticité lujourd’hui hors de doute, entreprirent de démontrer la compétence de l’empereur en matière matrimoniale. Les deux œuvres ont été publiées par Goldast. Monarchia. t. i. p. 21, 29 ; t. n. p. 1383 sq.

Guillaume Occam appuie sa conclusion sur deux

faits : les empereurs romains ont exercé le pouvoir

latif et le pouvoir judiciaire en matière matrimo . le Saint-Fmpire romain-germanique continue

l’Empire romain. La fonction de l’Empire, ajoute-t-il,

2222

est de sauvegarder le bien public : toutes les (ois que l’observation des prescriptions ecclésiastiques aurait pour conséquence le dommage de l'État, l’empereur peut s’en libérer,-ans prendre l’avis du pape. ! « cas particulier île Marguerite de Carlnthie été correctement juge car l’inexistence de son mariage a été

prouvée : donc, de droit divin, Marguerite est libre

et son nouveau mariage peut être autorise par l’empereur qui, si l’intérêt public l’exige, passerait outre aUS empêchements positifs établis par les lois impériales ou pontificales. Comme l’observe Brandileone,

le principe développe par Occam. c’est que l’empereur n’est lié que par la loi divine et que, cette loi sauve, il peut exercer son pouvoir législatif et judiciaire en matière matrimoniale toutes les fois que l’utilité publique l’exige. Si l'Église revendique pour elle seule l’administration des sacrements et le jugement des causes qui s’y rattachent, on lui répondra : le baptême ne peut-il être administre par des laïques ? Et les Décrétâtes ne reconnaissent-elles point que le sacrement de mariage existe chez les Infidèles, qui ne relèvent que du pouvoir séculier ? Aux fidèles euxmêmes. l’Eglise ne peut appliquer que les dispositions de la loi divine.

Ces dispositions mêmes, Marsile de Padoue lui reconnaît seulement le droit de les définir. Tout pouvoir coercitif appartient à l’empereur. L’Eglise fixera donc les règles du droit divin et la juridiction impériale qui, seule, connaît des faits, les appliquera à tous les cas particuliers. Les transgressions de la loi divine, c’est Dieu qui les punira dans l’autre monde. Pour la bibliographie récente sur Marsile de Padoue, cf. Felice Battaglia, Marsilio da Padonae il Defensor Pæis (1324), dans Rivista intcrncuionale di filosofia del diritlo. 1924, p. 398 sq.

La doctrine classique opposait à toutes les entreprises des communes et des monarchies un enseignement ferme qui peut se résumer en peu de mots. L'État est fondé à s’occuper du mariage : In quantum est in officium communitatis, statuitur lege civili, dit saint Thomas, In I 'um Sent., dist. XXXIV, q. i, a. 1, ad 4um et Contra Génies, t. IV, c. 78. Albert le Grand, en termes généraux, a reconnu aussi cette compétence de la loi civi.e. In I Yum Sent., dist. XXVI, a. 1 l.adq.i.A la raison d’ordre politique saint Thomas ajoute une raison proprement juridique : Matrimonium. cum fiât per modum conlrætus cujusdam, ordinationi legis positioa subjacet, sicut et alii conlrætus. In /" m Seul., dist. XXXVI.q.i. a. 5, sol. Mais l’exercice du droit de l'État est subordonné à l’observation de la loi évangélique et a la décision de l'Église. Les scolastiques ne reconnaissent valeur aux lois séculières qu’après leur canonisation. L'État n’a une certaine indépendance que dans la réglementation du régime pécuniaire. Pierre de la Fallu, In JVum SenL, dist. XXVI, a. 3, concl. 3 ; Thomas de Strasbourg, In IY am Sent, dist. XL IL a. 4 ; saint T bornas. In IV m Sent., dist. XL II, q. n.

b) Faiblesses internes : divergences de doctrine : fléau de la clandestinité. — Les attaques des héréti cpies, des États, des publicistes étaient, à la vérité, peu redoutables pour la doctrine, a cause de leur brutalité. Des critiques plus nuancées eussent étéplus efficaces : sur tant de points, la dispute régna entre théologiens, faute de définitions rigoureuses ! Et puis, la notion même du mariage purement consensuel était pleine de risques, à cause du lléau de la clandestinité. Double péril interne qui mérite quelque attention.

a. - La rançon de la remarquable libelle quau Moyen Age l'Église laisse à ses docteurs, c’est l’incertltude de la doctrine sur des points nombreux. Toutes les opinions ont pu être soutenues sur la ',

matière et la forme, le ministre, le signe et même la grâce sans qu’une définition fût imposée. Sans doute l’accord, peu à peu, se fail sur la notion fondamentale : signe sacré, productif de grâce. Mais ce vote unanime, cet accord spontané, ou mieux, providentiel, des esprits, résultats d’une libre controverse OÙ l’autorité suprême, universellement respectée n’eut pas à intervenir, il est acquis seulement après de longs débats, et il ne porte que sur l’essentiel, Bientôt, les hésitations, les disputes deviendront périlleuses. Une définition insuffisante des rapports entre le contrat et le sacrement fera le jeu des adversaires de la puissance ecclésiastique. Et, par aille rs, les exagérations poétiques des panégyristes de l’ordre conjugal n’ouvrent-elles point souvent la voie aux contempteurs du célibat ?

b. — Le mal qui atteint le plus gravement la doctrine classique, c’est la clandestinité. On peut s’en rendre compte en étudiant ces sources précieuses et trop peu étudiées que sont les Consilia, recueils de consultations donnés par les jurisconsultes sur des cas pratiques. Voir, par exemple, André de Barbatia, Consilia, t. iv, cons. xxvi, Venise 1516, fol. 56-58 ; t. iii, cons. xl, fol. 72 sq. Consiliorum seu Responsorum Alexandri Tartagni, t. V, cons. cxlix, cl, cli, Venise. 1597, fol. 127-131. L’activité de ces deux canonistes se place dans le second tiers du xve siècle. Dans les causes matrimoniales qu’ils plaident, apparaît l’extrême difficulté de la preuve du mariage, soit que les témoins fassent défaut ou qu’ils soient récusables ou, enfin, que leurs dépositions se contredisent de manière flagrante et souvent burlesque.

Peut-être les inconvénients de la clandestinité étaient-ils moins sensibles qu’en bien d’autres lieux à Rome, à cause de l’importance qu’y avaient gardée les solennités. Cf. Li Nuptiali de M. A. Altieri, publiés par E. Narducci Rome, 1873. Mais, dans toute la chrétienté, la protestation est incessante contre la violation des règles canoniques sur la publicité du mariage. Les conciles provinciaux multiplient les sanctions. Cf. L. Desforges, op. cit., p. 111, n. 2. Nous avons vu de quelles peines sont frappés les époux. Il faut ajouter que les censures n'épargnent aucun de ceux qui assistent à la cérémonie : ainsi le concile de Saumur, de 1253, c. 27, les Statuts inédits du concile de Montluçon en 1266 infligent au prêtre coupable une suspense ab officio, ipso facto, pour trois ans. Les assistants sont excommuniés. L. de Lagger, Statuts inédits d’un concile de la province de Bourges au xi ile siècle, dans Revue historique de droit, 1926, p. 69 sq. La lutte contre la clandestinité au Moyen Age forme l’un des chapitres les plus curieux (et qu’il conviendrait d'étudier) de l’histoire du mariage. Cette lutte se serait prolongée sans effet pendant des siècles si la révolution n’avait ébranlé la discipline de l'Église : la clandestinité ne pouvait être exclue que par une réforme profonde du mariage, car elle était dans la logique d’une doctrine qui spiritualise au plus haut point l’union conjugale. Conjunclio animarum, rencontre, accord des âmes : le for interne s’accommode de cette définition mieux que le for externe et, si elle laisse aux prétentions de l'État peu de prise, elle embarrasse souvent, aussi, les officialités, qui ne peuvent point lire dans les consciences.

Tel est le bilan de la doctrine classique, telles sont les conclusions auxquelles aboutissent des siècles de réflexion et d'épreuves. Elles vont être soumises à la critique de l’esprit nouveau qui s’annonce à la fin du xve siècle, et régnera bientôt jusque dans les sciences religieuses. Que deviendront dans le monde moderne le dogme du mariage et les explications que les scolastiques en ont proposé?

il. La période moderne (nu xvie siècle a nos

jouhs) — Depuis la (in du xiir siècle, la théologie du mariage était en quelque sorte fixée. Au cours de la période moderne, elle devait se modifier et s’enrichir, sous la pression de nécessités pratiques

L’histoire de ces transformations peut être divisée en deux périodes : la première, de critique, de réforme et de controverses, où la doctrine se renouvela : la seconde (col. 2272), de définition, de coordination en vue de faire face aux entreprises de l'État sécularisateur et des théologiens hostiles à la conception chrétienne du mariage. Le pontificat de Pie V] marque la séparation de ces deux périodes.

I. LE RENOUVELLEMENT DES DOCTRIbBS, DV XVI e

au milieu du xviiie siècle. — Les temps modernes s’ouvrent par le procès des conceptions classiques : la Réforme porta les premiers coups, les plus directs : l’humanisme créait un état d’esprit peu favorable aux démonstrations scolastiques ; enfin les inconvénients de la clandestinité inspirèrent de tous côtés des protestations. Ces critiques ne furent pas sans fruit. Pour y répondre, le concile de Trente promulgua des définitions, opéra des réformes. Les réformes imposèrent à leur tour, une reconstruction partielle des doctrines, et les débats dont elles furent l’occasion provoquèrent d’une part la revision de toutes les parties de la synthèse scolastique, puis, des divergences entre théologiens, des analyses insidieuses, œuvres des légistes toujours habiles à mettre le droit canonique au service du prince. Nous examinerons successivement ces divers aspects de l’histoire du mariage : les critiques de la conception traditionnelle au xvie siècle, l'œuvre du concile de Trente, ses conséquences pratiques et doctrinales, les premières phases de la lutte engagée par les juristes régaliens et les philosophes contre l'Église.

1° La critique de la théorie du mariage au XVI » siècle. — 1. Les premiers humanistes. — Les premiers humanistes et les préréformateurs adoptèrent vis-à-vis du mariage une attitude assez indépendante. Cf. W. Kawerau, Die Reformation und die Ehe, Halle, 1892 : F. Falk, op. cit, spécialement le c. ix ; A. Bôhmer, Die deutschen Humanislen und das weibliche Gcschlecht, dans Zeitschr. fur Kulturgeschichte, 1896, t. iv, p. 94. 197. « On peut dire, écrit M. Abel Lefranc, que*de 1450 ou environ aux années qui virent le commencement de la Réforme le mariage apparaît comme une institution fortement battue en brèche. Les attaques ou satires dirigées contre lui se révèlent comme infiniment plus nombreuses que les panégyriques. Il fournit un thème facile et joyeux à quantité de complaintes quasi-populaires. » Revue des études rabelaisiennes, 1904, p. 6.

Toute une école dont les premiers essais remontent au début du xv siècle prend pour sujet le mariage, qu’elle traite sans impiété, mais avec un certain détachement profane. On sait quelle influence a exercée le De re uxoria de Francesco Barbaro (1415), en qui s’unissent, comme le remarque Pa^tor, l’esprit humaniste et l’esprit de l'Église. Cette influence est dès le xve siècle sensible en Italie et peut-être jusqu’en Allemagne, où paraissait, en 1472, l’ouvrage, important pour l’histoire de la prose allemande, d’Albrecht von Eyb, Ob einem manne seg : u nemen ein eeliches weib oder nit (Faut-il se marier ?^, éd. Hermann, dans Schriften : ur germanischen Philologie, fasc. 4. 1890. La première nouveauté digne de remarque, à la fin du Moyen Age, c’est donc que le traité du mariage cesse d’appartenir aux théologiens : des ouvrages pratiques ou poétiques, à la manière des Anciens, renouvellent le thème des noces heureuses. II y eut, dans ce premier âge de l’humanisme, comme un avant propos de la Querelle das femmes, que les noms de Christ M ui, , i. LES i l V.Q1 ES DE LA RÉFORME

Une de Pisan et de Martin Le Franc, les « .'un ::

i. mour suffiraient a illustrer. La hiérarchie conjugale, les offices de la femme, que le christianisme a définiss, ont sujets de dispute et tns diversement appréciés. Premier procès de la doctrine traditionnelle des rapports entre les époux dont nous suivrons les graves conséquences. A. Campa ux, relie des femmes au XVe siècle, 1865 ;

réformateurs. Les gracieux exerlettros nuxqucls l’imprimerie donna une grande publicité préparaient les esprits.1 une réaction contre la scolastique, la Réforme profita donc en quelque mesure îles dispositions créées par l’huma : mais elle tit entendre un langage tout à fait nouveau, dont le premier son fut donne par Luther

innée 1520. Voir ci-dessus, t. i. col. 1276 sq. en lôH>. dans son Sermon sur l'état de mariage. Luther enseigne la doctrine traditionnelle : mais., ::1520, dans le De captivitate, il la combat de front : Dans tout sacrement se trouve la parole de promission divine, à laquelle doit croire celui qui reçoit le signe : le signe, à lui seul, ne saurait constituer un sacrement. Or. nulle part, il n’est écrit que celui qui prend femme recevra la grâce de Dieu. Mieux : aucun signe n’a été lie par Dieu au mariage. On ne lit en aucun endroit que le mariage ait été institue par Pieu pour signifier quoi que ce soit, bien que toute chose visible puisse être entendue comme ligure it allégorie des invisibles. Mais figure et allésont point des sacrements, au sens où nous prenons ce mot. > Poussant plus loin la négation. Luther en vient a ne considérer le mariage que comme une affaire civile, cin welllich Geschû/t, cin welllich Ding : ces expressions reviennent à mainte reprise sous sa plume. Mlles signifient avant tout que la réglementation et la juridiction en matière matrimoniale appartiennent a l'État. Préface au Catéchisme de 1529 Von ehelichen Suchen (1530), Explication de Matthieu, c. v, vi. et vu il">32) : Von den Conciliis.. t. E. Friedbcrg, op. cit., p. 159 sq., 160 sq. Les idées de Luther sur le mariage peuvent être ainsi résumées : le mariage est une nécessité imposée par la nature, une nécessité physique. A la noblesse chrétienne (1.V2", . Weimar, t. vi. p. 442 : Sermon sur le mariage (1522). W., t. x b, p. 276, 17. Pratiquement, il faut donc reconnaître, sans tergiverser, que le mariage est indispensable à tout homme et que les vieux de chasteté sont contraires à la nature. Mais l'état de mariage, s’il est nécessaire et donc honorable, voire hautement spirituel, induit en péché, car l’acte conjugal est de la mfme nature que l’acte de fornication, et c’est seulement par miséricorde que Dieu le pardonne. Sur les vœux monastiques (1521), W., t. viii, p. 654 : Sermon sur le mariage ; 1522), W.. t. x b, p. 30 I,

tte opinion de Luther s’explique, comme toutes les opinions rigoristes sur l’acte conjugal, par une doctrine Inexacte de la concupiscence. Luther professe la subsistance du péché originel après le baptême et que la concupiscence en est la plus éclatante manifestation : or, la concupiscence est le mobile de l’acte conjugal. Cette opinion de Luther trouvait-elle dans la tradition catholique un appui, comme l’a soutenu A. V. Mûllcr, I.ulhers theologische Quellen, Gii 1912, p. 50-6'J ? Nous avons indiqué les diverses tendances qui se partageaient les théologiens du Moyen Age et il nous a semble que, si le pessimisme règne chez plusieurs des premiers scolastiques, il est moins accentué, cependant, que chez Luther, et moins enclin aux condamnations excessives. Et I opinion commune, surtout a partir du milieu du xm* iè'le, jugera les rapports conjugaux d’après leur but.

Si l’acte conjugal est une nécessité physique, il

DICT. DE THKOL. CATIIOL.

serait contraire.1 la nature de retenir dans les liens

du mariage des époux qui ne peuvent se procurer l’un

à l’autre l’apaisement <ie leurs désirs charnels. Le

mariage doit doue être résiliable dans un grand nombre de cas. w. t. i. p 558 ; 1. x b. p. 278, etc. I 'In dissolubilité du mariage avall perdu sa Justification essentielle le jour où Luther avait cessé de le considérer comme un sacrement, c’est a dire dès ptivi tate. L’autre caractère fondamental du mariage chr< tien devait être aussi résolument sacrifié : on sait comment Luther admit et justifia par les Écritures la polygamie, et quelle fut son attitude dans l’affaire Carlstadt(1524)e1 surtout dans les affaires de Henri l

et du landgrave de liesse.

Sur celle doctrine de Luther, cf. Friedberg, op. cit., p. 157-175, 203-210 ; Denlfle-Paquier, Luther et le luthéranisme, t. u. Paris, mu, p. 10-146, 391 107, 161-469 (Paquier) ; Strampf, .1I. Luther liber die Ehe, 1N.")7 : E. Salfeld. Luthers Lettre von der Ehe, Leipzig, 1882 ; Cristiani, Luther et le luthéranisme, Paris. 1909, 7* étude, p. 207-258 ; IL Grisar, Luther, spécialement t. ii, Pribourg-en-B., 191 1. p. 491-516.

Calvin a consacré au mariage plusieurs disserta tion. dont la plus connue est dans V Institution de la Religion chrétienne, I. IV. c. xix..'il sq.. dans Corpus Reformatorum, t. xxxii, col. 1121-1125. « … nul n’avoit apperceu que ce fust un Sacrement, jusqu’au temps du pape Grégoire. Car si le mariage est une ordonnance de Dieu, où voit-on qu’il soit « une cérémonie extérieure ordonnée de Dieu, pour confirmer quelque promesse. » L'Église y voil un signe sacré ; mais toutes les comparaisons des Écritures seraient selon ce critère, un sacrement. ainsi, le larcin, puisqu’il est écrit : « Le jour du Seigneur sera comme un larron. » (I Thess., 5, 2). Dans le texte de saint Paul (Eph., v, 28-32), il n’est point question de sacrement, mais de mystère, qui signifie secret, de même qu’en d’autres passages de l’Apôtre. » Et afin que nul ne s’abusast à l’ambiguïté, expressément il met qu’il n’entend pas de la compagnie charnelle de l’homme et de la femme, mais du mariage spirituel de Christ et de son Église. » Dans son Commentaire de l'Épîlre aux Éphésiens, Calvin propose une explication analogue et conclut : Quis autem inde sacramentum excuderet ? Videmus ergo quam crassuignorantia fuerii ista hallucinatio. Corpus…, t. lxxix, col. 227. Pourquoi l'Église a-t-elle fait du mariage un sacrement ? Pour se réserver la législation et la juridiction en matière matrimoniale : elle en a usé avec beaucoup d’arbitraire et de méchanceté. Inslit. chrét., loc. cit. Elle est tombée dans la contradiction en interdisant à ses prêtres un sacrement, et en regardant la conjonction charnelle a la fois comme une immondice et comme le signe de l’union du Christ et de son Église. Calvin lient le mariage pour un état très honorable et il combat avec la même ardeur les libertins et les « papistes » qui. les premiers pratiquant la débauche, les seconds exaltant la continence, abaissent la dignité du mariage. Cf. P. Lobstein, Die Elhik Caloins, Strasbourg, 1877, p. 95 sq. « Le lien le plus sacré que Dieu ait mis entre nous est du mari avec la femme. 1 Serin, xli, Corpus, t. lxxix, p. 761-764. Contrairement a Luther, Calvin condamne la polygamie au nom des Écritures et il explique Je cas des patriarches par une concession de Dieu a leur avidité, Commentaire sur la Genèse, i. 19, Corp us, t. xxiii. p. 99. Cf. E. I >oumi rgue, Jean Calvin. Lausanne. 1902, t. 11, p. -1 1

Aucun des autres chefs de la Réforme ne semble avoir professé sur le mariage un< : opinion particulière. Mélanchton a surtout mis l’accent sur la alnteté du mariage : le célibat 1 lui, contre l’ordre

divin. De conjugio piæ commonefactiones 1 551.

Bucer, dont on sait la grande faveur pour le mariage.

IX. — 71

mériterait une place éminente dans un tableau des

doctrines des réformateurs.

3. J.cs canonisiez de la Il<'l<>rme. — Les canonistes partisans de la Réforme publièrent entre 1530 et 1563 plusieurs 1 rades du mariage, parmi lesquels il faut citer ceux de MelchîoT Kling, Matrimonial ium causarum traclatus methodico ordine scriptus, Francfort, 1553, ouvrage qui ne s'écarte guère de la tradition médiévale qu’en niant l’empêchement de l’ordre, d'Érasme Sarcerius, Ein liuch vom h. Ehestande and von Ehesachen mit allenumbstendigkeiten zu diesen Dingen gehôrig, 1553, ouvrage mi-juridique, mi-théologique, favorable à la juridiction séculière, et les divers traités de Basile Monner, qui contiennent un ample exposé, principalement juridique, des doctrines de la Réforme. Sur ces auteurs, cf. Schulte, op. cit., t. iii, p. 22 sq. Il nous paraît utile de présenter ici un tableau méthodique des positions auxquelles se sont arrêtés les réformateurs à la veille des débats du concile de Trente (1563), d’après les ouvrages de Monner († 1566) dont le premier seul fut publié avant sa mort : De matrimonio (paru en 1561) Iéna, 1604 ; De clandestinis, conjugiis, ibid.

La mariage, selon Monner, est un état honorable et saint. De matrimonio, p. 9. En l’interdisant aux clercs, l'Église romaine va contre le droit naturel et contre le droit divin. Ibid., p. 11-14. Mais si le mariage a une fonction très élevée, il n’est point, pour autant, un sacrement ni une chose spirituelle : il ne confère point la grâce, il est commun à tous les hommes, res plane politica, et si Dieu l’a institué, c’est au même titre que les magistratures. Ibid., p. 44, 54, 83. Il en résulte que les causes matrimoniales n’appartiennent point aux juridictions ecclésiastiques et que le pape n’a point le droit, par ses constitutions, de réglementer le mariage ou d’accorder des dispenses, Ibid., p. 87, 102, 112. — Le consentement fait le mariage, mais non point le seul consentement des parties : il faut, en outre, le consentement des parents. Le droit naturel l’exige et le droit des gens, et aussi le droit divin et le droit civil, et l’ancien droit canonique et la coutume, la raison enfin, à quoi les Constitutions pontificales sont contraires. Ibid., p. 45-69. Le traité De clandestinis conjugiis est principalement consacré à cette question : l’un des grands avantages du consentement des parents, c’est d’empêcher les mariages clandestins, dont les inconvénients sont longuement exposés. — Des chapitres très minutieux du De matrimonio, p. 14-40, sont dirigés contre la polygamie (les réformés ne suivirent pas Luther dans son erreur sur ce point). Mais le divorce est admis dans cinq cas principaux (outre quelques cas secondaires) : adultère, desertio malitiosa, impuissance, apostasie ou hérésie, sévices, inconduite de la femme antérieure au mariage. Dans tous ces cas — et il convient de noter que certains réformés n’admettent que les deux premiers ; cf. Richter-Dove-Kahl, Lehrbuch…, 8° édit., p. 1175 sq. — - il y a véritablement divorce et non point simple séparation de corps : la partie qui obtient la rupture du lien peut se remarier. L’abandon malicieux — Melchior Kling le remarque aussi dans la préface de son traité — est un des cas sur lesquels insistent volontiers les réformateurs et ils s’appuient notamment sur I Cor., vii, 15, Si infidelis discesse rit… La définition de l’hérésie, p. 172-174, englobe tous ceux qui ne pratiquent point la vraie doctrine de Jésus-Christ, c’est-à-dire nombre de « papistes ». Sur chaque point, l’auteur marque, avec parfois beaucoup d’aigreur, en quoi il s’oppose au droit de l'Église romaine.

En somme, les réformateurs attaquent sur tous les points la doctrine catholique du mariage. Ils se

moquent du signe ; ils nient la collation de la grâce, l’institution divine et, à plus forte raison, la distinction de la matière et de la forme. Tous, plus ou moins radicalement, rejettent le principe d’indissolubilité ; plusieurs, et non des moindres, autorisent la polygamie. L’acte conjugal est jugé par Luther avec une sévérité telle que l'état de mariage apparaît, malgré ses éloges, comme quasi-délictueux ; et pourtant le vœu de continence lui semble un défi à la loi naturelle. Enfin, toute compétence est, logiquement, refusée à l'Église, spécialement au pape, dans les causes relatives à la formation ou à la dissolution du lien matrimonial. La réforme même du contrat (pour exclure la clandestinité), c’est en brisant la tradition canonique de la liberté des enfants, en exigeant l’intervention de la famille, que l’on entend la réaliser.

4. Érasme et l’apogée de l’humanisme.

Quelles répercussions pouvaient avoir les influences mêlées de l’humanisme et de la Réforme sur un puissant esprit, Érasme nous le révèle en plusieurs de ses écrits. Élégance et largeur des vues, liberté extrême de la critique : les signes de l’esprit nouveau sont réunis dans ses ouvrages ; et nous ajouterons, sans intention de paradoxe, que les procédés scolastiques n’en sont point si sévèrement bannis que l’on paraît le croire. La philosophie antique a sa part dans la Christiani matrimonii inslilulio, mais aussi le symbolisme, plus radine encore qu’au xme siècle. Opéra, Leyde, 1704, t. v, col. 615 sq. Par exemple, Érasme ne se contentera point de voir dans le mariage la figure de l’union du Christ et de l'Église : Nec impiæ, mea sententia, fuerit imaginationis, hic ponere Deum Patrem sponsum, sanctissimam Virginem sponsam, paranymphum Angelum, conceptus opificem Spiritum Sanclum, fœtum Deum et hominem… Les vérités chrétiennes, exposées avec correction, sont ainsi pourvues de tous les ornements que suggèrent l’imagination et les souvenirs littéraires. Cette alliance de la tradition et de la fantaisie n'était pas d’une régularité incontestable : les poètes anciens fournissaient aux vérités chrétiennes un appui quelque peu compromettant. Bien plus périlleuse que cette liberté dans le choix des preuves était la liberté des raisonnements inspirée par la préréforme autant que par l’humanisme et qui se manifeste notamment dans le Commentaire de la première Épître aux Corinthiens, Opéra, t. vi, col. 692 sq., où Érasme entreprend de montrer les variations de l'Église et que le mariage n’a point été considéré par les Pères comme l’un des sept sacrements. Sans doute, le mariage est chose sainte et sacrée et tamen typus esse potest rei sacrée, quod per se sanctum non sil, velut Delhsabce crcpla Uriæ et David juncta, et Osese prophetæ stuprum, Samsonisque ac Dalilse fabula, quod palam lestatur Hieronymus, ibid., col. 699 sq. Toutes les fois qu’il s’occupe du mariage, Érasme en souligne le caractère à la fois humain et sacré (voir encore Exemplum epislolæ suasoriæ, dans Opéra, t. i, p. 414-424) ; il concède à la nature et à l’histoire un rôle exagéré, cherchant les notions générales dans toutes les littératures classiques, et dans la théologie, de graves variations. Cette infiltration de l’esprit humaniste et réformateur n’aurait pas été sans danger pour l'Église si elle se fût produite dans les écoles : la force de la tradition lui opposa un obstacle infranchissable.

Mais, dans le monde des lettres, Érasme n’occupe une place particulière qu'à cause de son génie. Le sujet qu’il traite est des plus communs. En 1513, vers le même temps on il éditait chez Josse le De re uxoria de Barbaro, le jurisconsulte Tiraqueau publiait un traité fameux De legibus connubialibus, dont la seconde édition est de 1524 et qui fut probablement, l’une des sources d'Érasme ; en 1521, pa m Mil c.i :. l A hiim^ i i i fHOLIQl E

S i(mt nupiialia libri sex de Jean Nevixan, et eu ; --'. tmaury Bouchard prenait contre liraqueau, beaucoup moins vil d’ailleurs que Nevixan, la délense des femmes. L’Institution du mariage ehréc nu centre d’un grand mouvelittéraire qui prit une nouvelle forme entre et l.M’j pour aboutir, après une véritable révolution île sentiment, .1 la grande controverse dont la icle imi<- (.15-12) donna le signal, et où la critique du mariage lut présentée avec une prodigieuse par Uabeïais, au tiers livre de Pantagruel (1546). .v [ tiers livre du Pantagruel et la querelle

ins lu vii, - des études rabelaisiennes, t. h. 1904, p 1-10 et 78-109 ; J. Parât, L’influent* de fueau sur Rabelais, même Repue, p. 138-155 .. Tandis que les réformateurs nient le caacramentel du mariage, les pins habiles ans soumettent donc a une critique impitoyable iivent sans respect l’institution même. Et ceux qui montrent pour le mariage la plus haute estime riment avec sévérité sur le célibat. Déjà, Érasme plaçait résolument le mariage avant le célibat religieux Cornélius Agrippa, dans son ouvrage Sur la noblesse et excellence du sexe féminin, de su />/< émintnee sur l’autre sexe et du sacrement de mariage, qui parut B latin a Anvers en 1529 et que, l’on regarde comme le premier manifeste du féminisme moderne, emploie des termes assez, vifs a l'égard des prêtres et des religieux, trad. Gueudeville, p. 184 sq., p. '201 sq. Ce petit traite du Sacrement de mariage n’est orthodoxe que par l'éloge qu’il contient de l'état conjugal : il ne mentionne point la grâce, il admet la rupture du lien pour cause d’adultère et n’emprunte rien a la tradition scolastique. Quand nous aurons ajoute qu’Agrippa vécut et mourut catholique, si étrange que irrière, "ir ci-dessus, t. i. col. 635 sq., et qu’il eut de nombreux admirateurs et disciples, il nous sera permis de conclure que le mariage est traite par les humanistes de tout bord avec une remarquable élégance, mais aussi avec une liberté comparable a celle des réformateurs et non moins insidieuse.

La doctrine catholique. — En face du péril, les théologiens ne songèrent pas à faire des concessions ou des jeux d’esprit.

La doctrine catholique du mariage fut amplement exposée et défendue par leurs soins. Les ouvrages où elle est contenue oITrent une grande variété de formes. Parmi les Commentaires sur les Sentences, le plus célèbre est celui de Dominique de Soto, In I Y Sent, comment., Salamanque, 1557-60, dont les distinctions sur le mariage ont été souvent alléguées. L’autorité de Martin de Ledesma, dont les Commentaires parurent à Colmbre, en 1555, ne fut pas négligeable. De nombreux traites des sacrements maintiennent les vérités et opinions traditionnelles, notamment ceux de Cajétan. De sacramentis, Rome, 1531 et de François de Victoria, Summa sacramentorum Eceiesim, 1561 : en seconde ligne, ceux d’Adrien VI, 1-r. Titelmans, Phll. Archintus, .lean Eck, Tilmann Smeling, Gaspard Contarini. Voir les notices de Hurter. Des ouvrages >aux sont consacrés au mariage, dont les plus connus sont ceux de Catherin, De matrimonio et de J. A. Delphinus, De matrimonio et cœlibalu. Canurino. 1. Cf. F. Lauchert, Die ilulienischen lilerarischen Gegner Luth-.rs. Fribourg, 1912, p. 526 - [. En l">r>.

uTubias publiait son De sp/msalibus et malrimoniis. Quelques ouvrages traitent de questions plus

.tes : l’affaire de Henri VI II suscita des monographies et de même les m ntre catholiques et hérétiques, le n lils de familles, le célibat ecclésiastique. Les réfutations générales de l’hérésie iont une part au mariage. L’une des plus souvent

citées, bien quelle soit fort élémentaire, est celle d’Aipn. de Castro, aaVersus oouies hatresea libri

XIIU (dont la première édition est de 1534) au mol

Nuptim, edit d’Anven, 1565, fol. 305. D > a un peu

plus d’ampleur dans la I, : r ;

thoid Pirstlnger (1528), éd. de Munich, 1852, p. 677-687 ; les Loci communes de Hodrælster (1546), qui eurent une si grande fortune, ne s’occupent qu’in cidemmeiii du mariage, à propos du vœu de chasteté et du célibat, c. xvii, [ngolstadt, 1582, p. 127-458 L’Enchiriâion de Gropper, les Explicationes de Ruard Tapper (1555), ['Assertio catholtcte fldei de Pierre de Soto, Anvers, 1552, eurent beaucoup de lecteurs. La plus piquante réfutation des erreurs nouvelles est sans doute VAssertio septem saaramtn torum, parue dès 1521 sous le nom de Henri VIII, et dont une partie est consacrée au mariage, éd. Pot tier, p. 186-217. (H. l.aenuner, Dfe rorlriduliniseli

kalholische Théologie, Berlin, 1858, p, 325-329, ne

s’occupe, a propos du mariage que de ce dernier traite, i lies ouvrages n’ont point pour but exclusif la discussion méthodique des erreurs protestantes, 0s expo sent les vérités catholiques. Ce qu’il nous y faut

chercher, c’est l'état de la doctrine orthodoxe a la veille des débats du concile de Trente. Leur fidélité aux grands scolastiques est parfaite. Que l’on prenne l’un des meilleurs d’entre eux, le Commentaire

sur les Sentences de Dom. de Soto, on n’y trouvera guère d’autres additions aux Commentaires de saint

Thomas et de Pierre de la Pallu que la mention brève des erreurs luthériennes. Contre Lulher. Dom. de Soto maintient les preuves classiques du signe et de la grâce. Au texte fondamental de saint Paul, Luther refuse le sens qui lui est traditionnellement accordé. Le mot særamentum y devrait être, selon lui, remplacé par myslerium. Chicane frivole, répond Solo, car les deux mots sont synonymes. Disl. XXVI, q. ii, a. 1 ; dist. I, q. i, a. 1. Luther ajoute : ce n’est point ilans le mariage, mais dans la conjonction du Christ et de l'Église que sain ! Paul aperçoit le nu/sterium. lui realité, répond Soto, la comparaison faite par saint Paul dans l'Épîtreaux Éphésiens entre le mariage et l’union du Christ avec l'Église est une affirma" tion très claire du symbolisme. Ainsi l’ont entendue les Pères et les docteurs, depuis saint Ambroise jusqu'à Pierre Lombard. Cajétan s’est trompé, quand il a renonce a cette interprétation. Elle s’impose d’autant mieux que l’indispensable continuité du genre bu main, dont le but est la multiplication des saints, ne pouvant être assurée que par un acte entaché de plaisir charnel, il était convenable qu’un sacrement la rendît régulière, excusât de toute faute les qniux Voila pourquoi renseignement des papes et des conciles renforce la tradition primitive : â Vérone, a Consstanec, à Florence, le mariage a été compte parmi les sacrements. L’exégèse et l’histoire s’accordent donc à établir le caractère sacramentel du mariage. Dom. de Solo, In /V"™ Sent., dist. XXVI, q. ii, a. 1 ; cf disl. I, q. i, a. 1.

Que le mariage confère la grâce, aucun théolo catholique du xvi » siècle n’en doute. Dom. de Soto

fait un exposé historique assez d< émises s U r cette question capitale, qui lui parait tranchée par le concile de Florence, nom negare illud concilium non fuisse légitime congregatum, non eseet tutum. Une définition était ((pendant ni on en peut juger par ! de Solo, qui

ajoute (1557 1 : Si œcumenica Sunodus Trldenttni fuisset progressa, id iptum définisse !  : nom sic erat Patribus in animo. Les conciles de I I de

Paris, et divers auteurs, notamment Jean Eck, ont combattu déjà la négation protestante. Dom.de I. q. ii, .

Érasme lui-même nous est témoin de la croyance générale à l’efficacité du signe. Sed vieil plausibilior rcccniioritm sententia quæ trad.t in matrimonio rite suscepto, quemadmodum in cœteris sucramentis, infundt peculiarem donum Spirilus, quo simul et formions redduntur ad perpétuant concordiam et robustiores ad pariter toleranda hujus nitee incommoda rt instructions ad sobolem piis moribus educandam. Opéra, t v, I). 623.

La doctrine catholique est donc l>icn arrêtée sur les points essentiels : nature sacramentelle cî effets du mariage. Mais des divergences subsistent sur le moment de l’institution divine, sur les rapports du contrat et du sacrement, sur la détermination du ministre.

Au xvie siècle encore, des théologiens de grande valeur, tels Catharin, Pierre de Soto, considèrent le mariage comme un sacrement de l’Ancienne Loi, se fondant sur la bénédiction divine dont parle la Genèse, sur l’effet médicinal qui fut reconnu au mariage aussitôt après la chute, sur la généralité des termes dont use saint Paul dans son Épître aux Éphésiens. La doctrine de l’institution du sacrement par Jésus-Christ est très clairement exposée par Dom. de Soto, dist. XXVI, q. ri, a. 2.

Sur les rapports du contrat et du sacrement deux opinions continuaient de partager les interprètes. Gajétan, par exemple, nie que le mariage contracté par procureur soit un sacrement la représentation n'étant point admise pour la réception de la grâce, ni l’absence qui pourrait autoriser les plus singuliers effets (ainsi qu’un homme, soit marié pendant qu’il dort). Dominique de Soto, si scrupuleusement orthodoxe, ne « rejette point tout à fait cette opinion qui est en quelque manière probable, car elle s’appuie sur des arguments que l’on ne saurait mépriser ». Cependant, il regarde comme plus probable et comme très recommandable l’opinion contraire. Jésus-Christ a simplement et sans exception, fait du mariage un sacrement : peut-on, dès lors, sans témérité, séparer le mariage du sacrement ? id quod sit vere matrimonium a ratione sacramenti accipere, potissimum cum illud ratione et virtute novee legis sit indissolubile. La grâce est-elle moins nécessaire au mariage contracté entre absents ? Et l'Église devrait-elle autoriser ce mariage s’il n’est pas un sacrement ? Aux objections de Cajétan, il faut répondre que le mariage â ses particularités, parce qu’il est un contrat naturel et civil en même temps qu’un sacrement : or, les contrats sont permis entre absents. Et qu’un homme puisse pendant son sommeil recevoir le sacrement de mariage, faut-il s’en étonner, puisque la grâce du baptême est conférée à l’enfant, au fou, et que beaucoup admettent que la couronne du martyre peut être gagnée par un chrétien que les infidèles auraient exterminé tandis qu’il dormait ? Op. cit., dist. XXVII, q. i, a. 3.

Nous avons signalé les progrès de l’arbitraire dans la désignation du ministre, au xv » siècle. Au xvie siècle, d’intéressants efforts sont accomplis pour préciser le sens du mot ministre. Ainsi, Etienne de Poncher, évêque de Paris, dans VOpusculum seplem ecclesise sacramenta et artem audiendi confessiones breviler dcclarans qu’il joint à VOpus tripartitum de Gerson, Paris, 1507, explique : Forma hujus sacramenti est expressio exterior mutui consensus partium quæ fit his verbis vel signis œquivalentibus. « Ego accipio te in meum virum. Ego accipio te in meam conjugem. » Nec illa verba quæ dicuntur a sacerdote : « Ego conjungo vos » sunt forma ; sunt tamen a sacerdote dicenda ad declarandum matrimonium esse inter partes contrac lum. Et cependant, Etienne de Poncher admet que le prêtre peut, en un certain sens, être appelé ministre. Ministri hujus sacramenti proprie sunt contrahentes

vir et mulier qui exprimunt consensum inleriorem per verba prsedicta scilicel : « Accipio te in meum », et : « Accipio te in meam ». Sacerdos tamen aijquo modo potest dici minister inquantum inquirit ab eis expressionem illorum verborum et inquantum déclarât per expressionem verborum matrimonium esse contractum. Des explications analogues se trouvent dans les Ordonnances synodales de Soi von, de 1501.

Parfois, les diverses fonctions du prêtre sont séparées avec soin. Les Statuts synodaux du diocèse d’Augsbourg, en 1518, distinguent : 1. admitiere : recevoir le consentement des parties (admissatio, dans le*. Ordonnances synodales de l'Église de Sens en 1521). ~ 2. conjungere : prononcer les paroles : Ego vos conjungo. — 3. benedicerc : réciter les prières qui implorent la bénédiction de Dieu. Malheureusement, la portée de ces divers actes n’est nulle part définie avec clarté. Les théologiens expriment des opinions les rituels et les Statuts synodaux établissent la pratique : l’explication officielle des formules n’a guère occasion de se produire. Quand, par exception, le rôle du prêtre est défini, ce n’est point pour le minimiser. Le catéchisme rédigé par ordre du concile de Mayence, en 1519, fol. 207. fait de la bénédiction nuptiale la matière du sacrement : Cf. Gibert, Tradition de l'Église, t. i, où l’on trouvera un bon recueil de textes du xvr siècle.

Ainsi l’incertitude règne, au xvie siècle, sur la nature de l’intervention du prêtre dans l’administration du mariage. Les uns le traitent comme ministre, les autres comme témoin autorisé de la déclaration des époux-ministres. Il semble que la pensée assez commune des auteurs et des gens d'Église peut être ainsi interprétée : le consentement des époux est indispensable pour la formation du mariage, mais Dieu autorise, confirme et bénit l’union, le prêtre est son vicaire et ses paroles ne font que constater, homologuer les déclarations des époux, demander à Dieu de ratifier leur dessein et de les combler de grâces. Son intervention est non seulement celle d’un ministre de Dieu, mais encore celle d’un témoin qui, devant les hommes, assurera la publicité du mariage. Que ces diverses idées, lutte contre la clandestinité, représentation de Dieu, pouvoirs exclusifs du sacerdoce dans l’administration des sacrements, aient eu, selon les auteurs et selon les pays, une importance variable, on n’en peut douter. Une étude approfondie de cette question nous ferait mieux connaître la valeur relative de ces diverses considérptions et non point une opinion commune.

Ou plutôt, l’unanimité ne serait obtenue que sur un point l’une des missions du prêtre est incontestablement d’assurer la publicité du mariage. Le droit canonique lui donnait ce rôle et beaucoup de catholiques y insistaient, émus par les ravages de la clandestinité. Non seulement Érasme, mais les théologiens comme Delphinus, Berthold : « Il faudrait que les mariages clandestins fussent déclarés invalides' Beaucoup de personnes simples ont été induites en erreur par le droit actuellement appliqué, déclare Berthold, op. cit., p. 085 ; Die winckel heyral (wær) gar fur unpiindig zuoerkennen.* La clandestinité n’est pas sans inconvénients, observe Pierre de Soto, op. cit.. p. 70, et il rappelle que l'Église a admis autrefois des règles plus rigoureuses. Dominique de Soto est intéressant sur ce point encore. « Les périls des mariages clandestins sont si fréquents et si graves que l'Église agirait avec beaucoup de sagesse en considérant comme vains et nuls les mariages qui ne peuvent être prouvés au moins par deux ou trois témoins. » « Les Pères réunis à Trente, ajoute-t-il, ont échangé bien des propos sur ce point, que le concile œcuménique ou le pape peut et doit régler. » Dist. XXVIII, q. i, a. 1. M ] c.i :. I i l ONCILE DE 1 RI vu

223^

Il est done Juste de conclure qu’au x, e siècle, un fort mouvement d’opinion s'était dessiné dans l’Eglise pour la r> Forme du mariage, a cause des inconvénients la clandestinité.

lents do la clandestinité avalenl Inquiété les États, surtout à raison du désordre qu’ils mettaient dans les familles. CI. Détrez, op. cit., p. 154, Ce qui occasionna en France l’une dos premières interventions de la puissance civile dans la réglementation du mariage : le célèbre êdlt de Henri Il en 1556 donne faculté d’exhéréder leurs enfants nu neurs qui se seraient mariés sans leur consentement et ère aux juges le droit de prononcer telles peines ar eux suivant l’exigence des cas. Lefebvre, . p. 131 sq. Sur l’occasion do cet édlt (mariage de leanne de Plenne et de François de Montmorency, à qui Henri Il destinait et accorda, par la suite. e naturelle. Diane de France) ; cf. Vantroys, Êtudr historique et juridique sur le consentement des parents au mariage de leurs enfants, Paris. 1899.

ncile de Trente. - Définir les dogmes attaques par les protestants, opérer les reformes uécesls étaient les buts du concile de Trente. Les - relatifs au mariage furent, a ce double litre, inscrits au programme de sis travaux.

1. Ouverture des débats sur le mariage.

Dans sa n (3 mars 1547), le concile avait défini la doctrine générale des sacrements et. dès lors, les principes fondamentaux du mariage. Le mariage est un des sept sacrements institues par Jésus-Christ (c. 1) et ees sept sacrements diffèrent profondément de ceux de l’Ancienne Loi (c. 2) ; ils contiennent la grâce . ils la confèrent ex opère opéra to (c. 8) ; celui qui dminlstre doit avoir l’intention de faire ce que veut l'Église (c. 11). Par ces définitions qui renouvellent les précisions du Décret aux Arméniens, les débats des scol astiques étaient elos. spécialement le débat sur la grâce et sur Vunirocatio du mariage et des autres sacrements.

L’examen des difficultés propres au mariage fut décidé en 1552 : mais il fut arrêté net par l’intervention des protestants qui se plaignaient que l’on puvrit sans eux des diseussions nouvelles. Sarpi. 1. IV. c. xlv : Pallavicini. 1. XIII. c. n.

Le Il mars 1562, dans une congrégation générale, le cardinal de Mantoue, Hercule Gonzague, faisait lire par le secrétaire du concile. Angelo Massarelli, douze ula re/ormationis. Les e. xi et xii étaient ainsi conçus : c. XI. Mutrimonia clandestina un in /uluro debeant declarari irrita esse et nullal c. xii. Quw (.onditiones sint declarandse ad hoc ut matrimonium non dicatur dandestinum sed in facie Ecclesiw contraclum ? Voir le Uiaire de G. B. Liekler, dans Le Plat, Monumentorum ad historiam conc. Trident… s pédant ium colléelio, t. viifc, p. 288. C'était proposer la difficulté qui préoccupait avant tout les Pères du Concile et reproduire presque littéralement les Poslulala episcoporum Italiæ circa rc/ormationem generalem. Ibid., t. v, p. 618. En cette année 1562, rien d’utile ne fut fait en ce qui concerne la réforme du mariage.

Le débat ne devait être repris qu’en 1563 et, pendant

presque toute cette année, il préoccupa vivement

Nous en connaissons assez précisément

toutes les phases, et les plus intéressants détails sur

haque point par diverses sources. D’abord, par les

que rédigea Massarelli, secrétaire-notaire du con n 1874 par Aug. Theiner, Acla genuina

oeeumenici concilii Tridenlini, Zaghreb, 1874,

et plus complètement par S. Elises, Concilii Tridenlini

Actorum pars sexta (Coll. de la Societas Gœrresiana,

.1, Fribourg-en-H. 1924 Acfa, avant

tout, que nous ferons usage. Des compléments utiles

sont fournis par le Diaire de G. Paleotti. auditeur de

Pote et > canonlste du s. uni Siège. rédacteur >ies

décrets. Ce lUaire a été réédite par Theiner. dans les

Acta genuina… Les correspondances particulli offrent aussi de l’intérêt, notamment celle des légats avec le cardinal Borromée, que nous citerons d’après

I. SÛsta, />" r, miseke Kurlt und dus Konxil pon Trient

unter Pius iv. t. m et tv, Vienne, lui 1914. Les

autres recueils de textes relatifs an concile de Trente, sauf celui de Le Plat, déjà cite, ne fournissent qu’un

très petit nombre de renseignements mile-. Quant aux historiens du concile, P. Sarpi, séduisant.

à coup BÛT, est plein d’inexact il udes sur le sujet du

mariage, tandis que Pallavicini, cité Ici d après l'édl

tion de Cigli. suit de près les sourie..

2. Les débuts sur le contrat-sacrement. Attitude des

theologi minores. Le 3 février 1563, le cardinal de Mantoue, premier président et légat, dans l’allocution

par laquelle il annonçait la prorogation de la ses suggérait notamment… ut theologi disputarent de his articulis, qui pertinent ad sacramentum matrimonii Ehses, p. 376.

L’assemblée ayant approuvé ce dessein, huit articles furent proposes le 4 février aux theologi minores, qui se partagèrent entre quatre sections, dont chacune eut à examiner deux articles. La fixation du tour de parole donna lieu à un conflit très vif entre les français et les Espagnols qui allèrent jusqu'à affirmer que, si leur point de vue n'était pas accepté, leur roi pourrait demander aux armes sa vengeance. Voir deux lettres des légats à Borromée dans Sùsta, op. cit., t. iii, p. 204 sq, et 209 sq ; Theiner, t. ii, p. 643 ; BaluzeMansi, Miscellanéa t. iu.n p. 438.

Du 9 février au 22 mars, trente-six réunions furent tenues, Pallavicini, p. 269 sq., Elises, p. 382-470, dont les plus Intéressantes pour notre sujet sont celles des théologiens de la première section : six Espagnols, quatre Français, trois Italiens, deux Portugais. Elises, p. 382-408. Les deux articles suivants leur étaient soumis :

1. Matrimonium non esse sacramentum a Deo institutum, sed ab hominibus in Ecclesiam tnvectum, ne habere promissionem gratiæ.

2. Parentes posse irrilare mutrimonia clandestina, nec esse vera matrimonia, quæ sic contrahuntur, expedireque, ut in Ecclesia hujusmodi in futurum irrilentur.

De ces théologiens de la première classe et de tous ceux qui interviendront dans les débats ultérieurs, il nous est assez facile de reconstituer le dossier : ils étaient nourris de doctrine classique. P. Sarpi se moque de leur « grand étalage d'érudition scolastique Assurément, ils connaissaient fort bien les opinions de saint Thomas, de Duns Scot, de Durand de SaintPourçain. Ils subissaient, en outre, l’influence des auteurs récents, comme Gropper qui, dans son Enchiridion, Paris, 1545, nie le caractère sacramentel du mariage clandestin, ou, en sens contraire. Tapper, Explicationis articulorum ven. (acultatis Lovaniensis, Libri ii, Louvain, 1555-1557, t. ii, p. 503, et Delphinus, op. cit., p. 60-69.

La discussion du premier article fut l’occasion pour les theologi minores d’exposer toute la doctrine du sacrement. L’intérêt des débats, c’est qu’ils nous mou trent de façon précise l’opinion des plus éminents théologiens de la chrétienté sur les preuves du sacrement, la matière et la forme, la collation de la grâce, l’institution divine.

Plusieurs catégories de textes établissent le cai tère sacramentel du mariage. Les uns sont tin Écritures et parmi eux. le plus souvent cité est celui de saint Paul, Eph., V, 32, Sacramentum hoc magnum est, avec, parfois, cette observation, à l’usage d< protestants, que mysterium équivaut à sacramerdum. Salmeron et Simon Vigor dans Ehses, p. 383 et MARIAGE, LE CONCILE DE TRENTE

2236

En revanche, Antoine île (ira^iiiino rejette J 'interprélat ion courante. : N&n calligitur ex iltis verbis Pauli luiiln’miiiiiiini esse sacnimenltim. Et il M contente de Mal t II., xix, 6, Quûd Di’iis conjun.rit… D’autres textes scripturaires sont écartés par Alph. Salmeron, Ibid., p. 382 sq. Les anciens Pères fournissent un lot assez important de preuves et notamment saint Ambroise el saint Augustin. L’autorité des scolastiques est souvent invoquée. Enfin, on allègue les Décrétâtes et surtout les conciles de Constance, tic Florence et de Trente même (sess. vu).

Les preuves de la collation de la grâce sont, elles aussi, variées. Les textes le plus souvent invoqués sont Hebr., an, 4, thorus immaculatus, et 1 Tim., ii, 15, salvabitur millier… Le mariage, puisqu’il est un sacrement, Elises, p. 386, et puisque Dieu l’a tour à tour ordonné, puis autorisé, ibid., p. 387, confère nécessairement la grâce. Sans la grâce, la diteclio dont parle saint Paul serait impossible. Ibid., p. 398.

Où est la matière, où est la forme de ce sacrement ? La matière, certains la voient dans la datio dexterie et annuli, alléguant saint Thomas, Suppl., q. xli, a. 1, ad 2um. Quant à la forme, plusieurs répondent : c’est la bénédiction du prêtre. Ainsi Côme-Damien Ortolanus, cf. Ehses, p. 388, Simon Vigor, ibid., p. 396, P. Fernandez qui présente cette thèse avec ampleur dans deux réunions du 15 février : pour que le mariage soit un sacrement, il y faut la bénédiction du prêtre, qui est ministre, et dont les paroles invariables sont la forme. Cette cérémonie mise à part, quelle serait la différence entre le mariage des chrétiens et celui des païens ? Ibid., p. 405. La dispensation des sacrements appartient aux ministres de l'Église : in ministris enim sacramentorum potestas supernatnralis requiritur uti in causa efficicnli. Les choses sacrées ne doivent pas être abandonnées aux mains des laïques. Et il est inadmissible que le mariage contracté en présence du prêtre soit sacrement par la seule volonté des époux. — A la vérité, cette thèse ne rallia pas beaucoup de suffrages. Et plusieurs théologiens soutinrent que les époux eux-mêmes sont ministres du sacrement, notamment Salmeron, Ehses, p. 384, Didace de Paiva, ibid., p. 401, qui fait observer que si l'Église juge les mariages clandestins, c’est qu’elle les considère comme des sacrements.

L’une des preuves de la sacramentalité du mariage, c’est son institution divine. Sur le moment de cette institution, il n’y a point accord entre les théologiens. Nicolas Maillard invoque encore le Crescite et multiplicamini, Gen., i, 28. Salmeron montre bien que le mariage est un sacrement de la Loi nouvelle. Ehses, p. 382 sq.

De tous ces avis que les Pères du concile expriment avec la plus entière liberté, il est aisé de reconnaître les sources ou, pour le moins, la tradition. Fernandez est un dominicain espagnol, et l’opinion qu’il propose est celle même que le dominicain Melchior Cano avait probablement déjà proférée. Qu’Antoine de Gragnano, frère mineur, renonce à l’argument tiré de saint Paul en faveur du sacrement, cela fait penser à Duns Scot.

Le second article donna lieu à des réserves nombreuses. Les inconvénients des mariages clandestins étaient reconnus et vivement ressentis par tous les théologiens. Us s’accordèrent à en déplorer les scandales : dissensiones, odia, inimiciliæ comme s’exprime Ant. Leitanus. Ehses, p. 398. Sunt enim contra bonum prolis, contra bonum fidei, et contra bonum sacramenti, ajoute Thaddée de Pérouse. Ibid., p. 408. On refusait, en général, aux parents le pouvoir de les invalider. La question grave, c'était de décider si ce pouvoir appartenait à l'Église. Cf. Chr. Meurer, Die rechtliche Natur des Tridentiner Matrimonial-Décrets, dans Zeilschr. lùr Kirchenrecht, 1889, t. xxii, p. 97-126, où cette ques tion de compétence est étudiée dogmatiquement sans toute la documentation désirable. < L'Église ne peut annuler un sacrement véritable comme peut l'être un mariage clandestin, où rien n’empêche la réunion de tous les éléments nécessaires au sacrement : le consentement et les paroles qui constituent la forme, les corps des époux qui sont la matière, les contractants qui sont les ministres, » dit Antoine de Gragnano. Elises, j). 407 S’il faut en croire Sarpi, Nicolas Maillard aurait été du même sentiment (Pallavicini lui prêle, l’opinion contraire). Salmeron invoque aussi en faveur de la validité des mariages clandestins de nombreux textes. Ehses, p. 385. Même opinion dans les discours de Simon Vigor, p. 397, d’Ant. Cochier, p. 398. En revanche, Nicolas de Bris soutient que les mariages clandestins sont nuls. Et il invoque des textes, notamment celui du pape Évarisle, pour conclure énergiquement : « Ni le droit naturel, ni le droit des gens, ni le droit civil. Ni le droit divin n’autorisent la clandestinité : le mariage doit être publiquement contracté adhibitis adhibendis, faute de quoi il n’est point ratum, vulidum, firmum, il n’est point de Dieu mais du diable. » Ehses, p. 387.

Même les partisans de la validité des mariages clandestins antérieurs au Concile — et c'était la grande majorité — reconnaissaient à l'Église le pouvoir d’invalider à l’avenir ces mariages : il s’agissait de justifier ce droit et l’exercice qui en était proposé.

L’explication qui obtint la plus grande faveur, reposait sur la distinction entre le contrat et le sacrement. Jésus-Christ, disait-on, n’a institué que la grâce, qu’il a ajoutée au contrat ancien, sans le modifier. L'Église, en invalidant les mariages clandestins, ne touche pas au sacrement : elle détermine le mode de contracter. Ainsi parlèrent Fernand de Bellosillo, P. Fernandez, Thaddée de Pérouse. Ehses, p. 404, 405, 408. La distinction du contrat et du sacrement est encore faite par Salmeron, p. 382, Didace de Paiva, p. 401. Aloysius de Burgo Novo, abordant plus directement la question, rappelle que l'Église peut illegitimare personas : idée de grand avenir. Quant à l’opportunité de la réforme, Salmeron et Simon Vigor demandèrent que l’on fît réflexion sur ce point. Ehses, p. 385, 397.

3. Discussion du premier projet.

Le 20 juillet 1563, les présidents et légats soumirent à l’examen des Pères onze canons sur le sacrement de mariage et un décret De clandestinis malrimoniis. Ehses, p. 639, 640. Voici les canons qui nous intéressent spécialement :

Can. t. Si quis dixerit maSi quelqu’un dit que le

trimonium non esse verum mariage n’est pas un véri sacramentum legis evangetable sacrement de la loi

liese divinitus institutum, évangélique, divinement in sed ab hominibus in Eceiestitué, mais (un rite) intro siam invectum, a. s. duit par les hommes dans l'Église, qu’il soit anathème.

Can. 3. Si quis dixerit Si quelqu’un dit que les

clandestina matrimonia qua ; mariages clandestins libre libero contrahentium conment contractés ne sont pas

sensu fiunt non esse vera des mariages véritables et

et rata matrimonia, ac valides, que, dès lors, les

proinde esse in potestate parents ont le pouvoir de les

parentum ea rata vel irrita valider ou de les invalider,

acere, a. s. qu’il soit anathème.

Les autres canons visent la polygamie, le divorce, les empêchements, la compétence des juridictions ecclésiastiques.

Le décret constate les inconvénients de la clandestinité et statue :

…ea matrimonia, quæ in…les mariages, qui, à

posterum clam, non adhibitis l’avenir, seraient contractés

tribus testibus, contrahenen secret, sans l’assistance

tur, irrita fore ac nulla… de trois témoins, seront

invalides et nuls…

Du 24 au 31 juillet, quatorze assemblées générales M i ; i w, i, LE ( 0N< ILE DE Mil N H

tarait tenue* pour discuter ce premier projet Ehses,

p. ci :

1, premier.mon. /', tacramento, fut juge par nomorat « urs de r. dactlon trop brève. Contre la fausse inc de Durand de Saint Pourçaln, plusieurs fols rappelée, n'était-il pas utile de dire : maWmonium est sacramentum. et de mentionner la collalion, : plusieurs formules étalent proposées

dont la plus nette e>t de l'évéque d’Alès et Terralba, ratiam ex opère operato non

m. Au lieu de dioinitus, ne convenalt-11

le dire : institué par Jésus-Christ ? L’archevêque voulait même ajouter un renvoi a Mat th.. s, p 651. L'évéque de Tortosa souhaite que l’on Indique quelles sont la matière et la forme. Ehses, p. 671. Enfin, quelques Pères auraient voulu restreindre la ition au mariage des chrétiens, tandis que le ., ; des dominicains trouvait trop large une déflation qui ne distingue pas le contrat et le sacrement.

I i ratnl débat se poursuivit autour du problème des mariai es clandestins. Ils eurent quelques déJen5. L'évéque de Terni déclare : Matrimonia cliam destina sunt medicina : ad multa mala. Et l'évéque d’Vpres précise : ils empêchent 1 len des débauches. Ehses, p.. Quelques-uns, répétaient le Neeesse

ndala reniant : tels, les évéques de Milopolamoset de Lucera. Ehses, p. 652 et 660. En revanche, les Inconvénients de la clandestinité furent emmures mcoup de soin dans un discours du cardinal de Lorraine : mépris des empêchements, discorde, ilité du lien, absence de dot, débauche, adultère, infanticides. Ehses, p. 642. Il défendait ainsi la thèse chère aux orateurs français. Ce même jour. 24 juillet ami assadeurs du roi de France, Arnaud du Ferrier et Dufaur de Pibrac présentaient au concile cette requête : i Le Roi très chrétien demande que les antiques solennités du mariage soient rétablies aujourd’hui, et que les mariages soient célébrés ouvertement et publiquement à l'églie ; et si dans certains cas on à propos de permettre le contraire, que du moins on mariage ne poisse être réputé légitime avant d’a oir été ceUbré p. » r le cure ou par un prêtre, en présence de trois témoins ou plus. » Le Plat. op. cit., t. iii, p. 166 ; Pallavicini, <w.cH., l. XXII, t. xi, p. 249. L’im :.in causée par cette requête. Fickler l’indique dans son Dièdre, toc. cit.. p. 382 sq.

Mais comment déclarer ces mariages invalides ? L’archevêque de Rossano exprime la difficulté avec sa précision ordinaire : l’ai peine à admettre l’annulation de ces mariages pour défaut de solennité ou île preuve, ce qui charmerait en quelque manière la choses, puisque ce qui n’a servi jusqu'à jour qu’a la preuve et solennité deviendrait ence et cause intrinsèque d’un sacrement Ehses, p. 647. Il ajoutait encore :

pportun de fournir aux hérétiques, par des Innovations en matière de sacrement, quelque argument propre a frapper le populaire ? La crainte des nouveautés arrêtait tout dé même le cardinal Madruzzo. piillavicini. t. xi. p. 291 sq. L’archevêque de Venise énonçait plus crûment son troisième mot il d’opposition : quia hsretici matrimonia clandestina damnant. Ehses, p. 643. La contrariété entre le c. 3 et quelque inquiétude. Kn im de compte, beaucoup de Pèrese bornaient a proposer que l’on aggravât les peines portées contre eetu, marient clandestinement : privation

[communication, infamie, voire que l’on enjoignit à l'épousée de renoncer pour toujours à sa ehevetur p. 644 (Otrante), 652 (Sent

Philadelphie). 656 (Terni), etc.

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i es partisans de la réforme n’avaient pas de peine a établir le droit de de créer des empêche ments dlrimants et a oflrli des exemples de l’exercice de ce droit, olr notamment le discours de l’arche véque de Grenade. Ehses, p. 644.

il re-tait a justifier par l’analyse juridique l’appli cation actuelle <-U droit d’invalider. Jamais la théorie de la distinction du contrai et du sacrement ne tut

détendue avec plus d’insistance que par les aiche vêques de /ara. Braga, I anclano, les évéques de s t e/, Chioggla, Brugnato, i eiria, Metz, Monte flascone, Orense, Genève, Cotrone, Léon, Mmerla, Ugento, Cludad Rodrigo, Namur, Cadix, Coïmbre, Lucques, Monopoli, le général des Dominicains. Ehses, p. 645, 651, 654, 655, 656, 661, 662, 662, 663, 663, 665, , ,, . 667, 668, 669, 672, 673, 674, 675, 678 (deux ou trois de ces textes pourraient signifier une simple distinction rationnelle). Et pourtant, que l’on ne pût loucher au contrat sans toucher au sacrement,

c'était la doctrine traditionnelle, et elle fut rappelée

notamment par les évéques de Tortosa. Calvi, Aies. Ehses, p. 671, 671, 677. Il fallait donc rechercher une

autre explication. Plusieurs pensèrent la trouver dans la théorie des vices du consentement : la clandestinité ne suppose-t-elle point l’un OU l’autre de ces vices ?

L'évéque de Capaccio suggéra que la clandestinité emporte présomption de violence. Ehses, ]>. 644, 690. C'était une présomption arbitraire, qui obligeait à regarder comme nuls les mariages antérieurs au concile, et qui, proposée à regret, ne fut point retenue.

Enfin, dès le début de la discussion, une explication fut offerte, qui devait l’emporter. Le patriarche d’Aquilee souhaitait ut forma decreti potius sit contra personas quam contra matrimonia jatn fada, sciliect ut personæ fiant inhabiles. Ehses, p. 643. Cette idée que la prohibition des mariages clandestins constitue une inhabilitas personarum fut favorablement accueillie par les archevêques de Braga, de Tarente. les évéques de Hierapetra, Volt unira. Nio, Pesaro, et l’abbé Eutychius. Ehses, p. 650, 651. 654, 660, 671, 673, 678. Elle ne fut point acceptée sans des réserves. L’archevêque de Rossano intervint à deux reprises. Ehses p. 644, 647 : « On peut parler d’inhabilitatio, déclaret-'il, quand il s’agit de causes inhérentes et inséparablement conjointes à la personne, comme l’ordre, la consanguinité, la cognation spirituelle et légale, le vœu : mais non pour ce qui se peut séparer de la personne comme la clandestinité, l’ignorance des parents, etc. » L'évéque de Coïmbre fit observer : … nec inhabililantur tantiim personæ cum inhabilitatio sit conlractus et ex conséquent Sacramenti malrimonii. Ibid., p. 655.

Au cours des délibérations, une idée importante se dégagea, qui avait été émise d’abord par le cardinal de Lorraine, Ehses, p. 642 : ut unus ex tribus teslibus silsacerdos. En ce sens se prononcèrent les archevêques de Zara. p. 65 l. de Naxos, p. 652, les évéques de Paris, p. 658, Modène, p. 659, au total plus de 20 prélats. L'évéque de Brugnato fut particulièrement net : Dicatur ergo quod conlractus malrimonii fiât coram cho, alioquin sit nullum. L'évéque de CiudadRodrigo fut d’avis contraire : Augeatur numerustestium, inler quos non sit sacerdos, quia prohibitum est ex canonê. Ehses, p. 668. Beaucoup ne voyaient dans le prêtre qu’un témoin particulier) pectable ;

plusieurs même, comme l'évéque de Tortona, p. 656, laissaient le choix entre un prêtre et un notaire. Brandileone, op.cit., p. 335 sq., fait observer que cette pratique du mariage devant i dl ancienne en

Toscane, où le synode provincial de Flot 1517

la reconnaît, et que les orateurs qui assignent un rôle aux officiers publies s’inspirent des usages de la région d’Italie OÙ ils ont vécu.

Nombreux étaient ceux qui regardaient comme essentielle la bénédiction nuptiale. Ainsi les évoques d'Évreux, Ehses, p. 05 : 5, de Ségovie, p. 657, d’Orléans, p. 660, de Lérida, p. 666, bien d’autres encore. Plusieurs demandèrent que l’on ajoutât expressément que le prêtre est ministre du sacrement. Ehses, p. C75 (Alife).

4. Le deuxième projet.

Le projet fut remanié conformément à certains vœux des Pères. On le divisa en trois parties : douze canons De sacramento matrimonii, un décret De clandestinis matrimoniis, douze canons Super abusibus circa sacramentum matrimonii. Ehses, p. 682-684. Le c. 1 amplifié reçut sa forme définitive. Voir ci-dessous, col. 2246. L’affirmation de la validité des anciens mariages clandestins n’est plus énoncée isolément comme dans le c. 3 du premier projet, mais placée dans le préambule du décret. Tout ce qui concerne la clandestinité se trouve donc dans le décret : première nouveauté qui sera durable. La seconde, c’est l’adoption du motif d’inhabilitatio personarum pour invalider désormais tout mariage contracté sans la présence de trois témoins, au minimum. Les fils de famille sont déclarés inhabiles jusqu'à 20 ans, les filles jusqu'à 18, sans le consentement de leurs parents, ou, à leur défaut, de l'évêque.

Du Il au 23 août, ce projet fut discuté en vingt assemblées générales. Ehses, p. 685-747. La discussion porta principalement sur l’opportunité de la réforme et sur la valeur du fondement proposé. La peur d'être d’accord avec les hérétiques ne fut jamais si grande. L’analogie entre les termes du décret et certaines expressions d'Érasme, de Luther, de Calvin causait de l’inquiétude. Voir Ehses, p. 688 (Otrante), p. 691 (Rossano), p. 741 (général des jésuites). A quoi l'évêque de Modène répondait que rien ne pourrait mieux satisfaire les luthériens qu’un aveu d’impuissance de l'Église. Ibid., p. 711.

Les partisans, très nombreux, d’une réforme ne se mettaient point d’accord sur le fondement. Les uns tenaient la bénédiction nuptiale pour essentielle. Ehses, p. 734 (Alife). D’autres restaient fidèles à la distinction du contrat et du sacrement : tels l’archevêque de Naxos, les évêques de Capo d’Istria, Ségovie, Coria, Montemarano, Ostuni, Namur, Lucques, Or vieto. Ehses, p. 700, 706, 708, 712, 714, 723, 730, 733, 735 ; et ils se heurtaient aux réponses classi ques, opposées par les évêques de Cava, de Terni, de Ghiusi. Ehses, p. 701, 707, 725 : Et quod ratio conlractus et matrimonii sunt ita conjuncta sicut calor et ignis. D’autres encore considéraient comme déraisonnable le consentement clandestin, ibid., p. 688 (Aquilée), p. 721 (Léon), ou comme pouvant être entaché de dol. Ibid., p. 732 (Lecce). La critique du motif proposé par le Décret : Inhabilitatio personarum, était répétée sans variations notables. Ehses, p. 687 (Jérusalem), p. 690 sq. (Rossano), etc. En revanche la justification en était poursuivie avec une certaine vigueur : les uns discutant la notion à'inhærentia personæ qu’objectait l’archevêque de Rossano : Hoc enim est falsum in cognatione spiriluali, in qua adesl qualitas personæ non a natura, sed ex institutione Ecclesiæ. Item in cognatione legali non adest qualitas perpetuo inhærens personæ, dit l’archevêque de Lanciano. Ehses, p. 699. D’autres soutiennent que le crime de clandestinité inliœret personæ. Ehses, p. 711 (Modène), 725 (Ugento). Et ces raisons étaient adoptées par un bon nombre de Pères. Cependant, toutes ces divergences n'étaient point sans causer quelque trouble dans les esprits : tels insistaient pour que l’on ne fît pas un dogme d’une réglementation disciplinaire. Ehses, p. 721 (Léon), 730 (Namur), tandis que le général des ermites de Saint-Augustin réclame pour les théologiens, à l’exclusion des canonistes, l’examen du décret. Ibid., p. 740.

Au cours de ces débats fut très nettement posée la question : la transformation du mariage est-elle sujet dogmatique ou disciplinaire ? L'évêque de Colmbre répondait quod controvcrsiu est in dogmate. Elises, p. 705. Les évêques de Sulmone, Ségovie, Modène, soutinrent l’opinion contraire. Ehses, p. 707, 708, 711. Visconli, Mémoire du 16 août, Amsterdam, 1719, ]j. 270 sq. « Le principe des dogmes est la foi et la parole ; de Dieu, tandis que celui de la réforme est la charité. Or, les Pères sont mus par la charité à demander la nullité des mariages clandestins. » Ainsi s’exprime l'évêque de Modène, et, après l'évêque de Ségovie, il montre que, si l’on veut traiter cet article comme le sujet d’un dogme, c’est pour ajourner indéfiniment la conclusion. Le sentiment des légats, c’est que, pour le moins, une définition dogmatique ne serait obtenue qu’après de très longs débats. Voir une lettre des légats au cardinal Borromée, Sûsta. op. cit., t. iv, p. 151.

5. Le troisième projet.

Le 5 septembre, un troisième projet fut présenté : douze canons De sacramento matrimonii, avec une nouvelle préface, un canon Super irritandis matrimoniis clandestinis et douze canons Super abusibus, dont le premier exige pour la validité du mariage qu’il soit contracté en présence du curé de la paroisse ou d’un autre prêtre muni de l’autorisation du curé ou de l'évêque, et de deux ou trois témoins. Ehses, p. 760-765.

La discussion se poursuivit du 7 au 10 septembre, dans sept congrégations générales. Ehses, p. 779-795. Le rapport qui nous en est parvenu est concis, mais sur deux points, fort intéressant. Le progrès de la formule énoncée par l'évêque de Coïmbre est manifeste : Hujusmodi irritatio est contra jus divinum, dit le patriarche de Jérusalem, Ehses, p. 780 ; il s’agit d’une matière dogmatique, affirment le patriarche de Venise, les évêques de Przemysl et d’Orvieto. Ibid., p. 780, 793. Et comme l’opposition de 60 Pères semble empêcher en telle matière une décision, les patriarches d' Aquilée et de Venise proposent que l’on remette au pape le soin de décider. A quoi l’archevêque de Grenade répond : Renvoi au pape, signifie abandon de la cause. Pourquoi réunir un concile, sinon pour trancher les difficultés ? Ehses, p. 780. L'évêque de Ségovie ajoute : « Le pape est présent au concile, représenté par les légats ; demander qu’on lui renvoie l’affaire, c’est dire ; Remittatur aliquid a Pontifice cum Concilio ad Pontifirem solum. » Ibid., p. 786 sq. : Pallavicini, p. 361-365. Le 10 septembre, les débats furent clos. Pallavicini caractérise ainsi les quatre opinions entre lesquelles étaient partagés les Pères : affirmation de la possibilité et de l’urgence d’une réforme, négation de cette urgence, assertion cbj caractère dogmatique du problème, opposition radicale pour incompétence de l'Église. 133 voix approuvèrenl le décret, 56 lui furent opposées.

Les légats craignirent alors que la minorité, appliquant la méthode qu’elle avait préconisée, ne fît appel au pape et que la controverse sur les rapports du pape et du concile ne fût ainsi rouverte. Ils songèrent à une prorogation. Voir lettre des légats au cardinal Borromée, Sùsta, t. iv, p. 242. Mais auparavant, ils provoquèrent, en vue d’apaiser la controverse, une conférence solennelle et publique, qui eut lieu le 13 septembre chez le cardinal Morone. Les légats, de nombreux prélats, des laïques même y assistèrent. Le cardinal Hosius ouvrit la séance en recommandant le calme et la charité mutuelle. A quoi les orateurs inscrits répondirent par une dispute sur le tour de parole, chaque parti rejetant sur l’autre la charge de la preuve. Morone invita les partisans du Décret à développer les premiers leurs arguments. La position même de la question fut le sujet d’une nouvelle que M TRIAGE, LE CON( ILE DE TRE Il

2242

relie : allalt-on discuter le pouvoir de l'Église ou l’opportunité de I* réforme. Enfin, m théologiens

rent contre le Décret. Cinq le défendirent. Paleottl rapport.- les arguments ilo trois des orateurs, fis sont peu originaux et n’eurent d’autre résultat que de mieux manifester le sentiment des deux partis. 1 a minorité, n’ayant plus aucun espoir de succès, devint

.sie. comme c’est la coutume. Elle rappela le

le de Hirnini et le second il Éphèse ou la minorité m. I. aiiiez. général des jésuites, déclara que

rtie la plus nombreuse, en celle affaire, était la moins raisonnable. La riposte fut aussi vive que

ique et la conférence se termina dans le tumulte.

iciner. Acta, t. il, p. 665-667 : Sickel, n. c< I .

Sùsta, t :. p. 239 ; Pallavldnl, t. m. p. :. i

l.t quatrième projet et ! < rot.- définitif. - Le

ol>re. un quatrième projet fut présente : douze

ns De sacramento matrimonii et dix canons Super rt) 'ormatione, dont le premier (Tametsi) est relatif à indestinité. Ehses, p. 888-890. Les canons Super abusus sont supprimes, et il n’est plus question d’annuler les mariages contractes sine eonsensu patris.

Deux congrégations générales furent tenues, les

Il octobre. Bien que le pape eût appuyé le projet. Theincr. t. n. p. 671, les opposants ne modifièrent point leur avis. Quelques-uns, comme l'évêque de Lésina, protestèrent avec vivacité. Ehses, p. 898-906, Pallavicini. t. xii. | ». 97-101. Cinquante-huit Pères répondirent par le non placet. Theincr. t. n. p. 672. Le Il novembre, fut voté le texte définitif, Ehses, p. 966 , on sans reserves ni opposition. Le c. 12 sur la compétence des juridictions ecclésiastiques fut critiqué par le cardinal Morone, qui craignait que l’on n’irritât les laïques.

Cinquante-cinq Pères — en majorité italiens — lient prononcés contre le décret De clandeslinis, dont trois légats, les cardinaux Morone, Simonetta, et Ho-ius. qui. cependant, s’en remettaient à la décision pontificale. I.e cardinal Madruzzo, les patriarches de Jérusalem et de Venise demeurèrent parmi les opposants et la déclaration des deux patriarches fut particulièrement énergique. Sur ces dernières séances. le procès-verbal de Massarelli est bref ; il contient toutefois plusieurs résumés intéressants des discours prononcés : celui de l'évêque de Citlà di Castello paraît avoir été le plus remarquable. Ibid., p. 976. La principale raison alléguée par les opposants est que l'Église ne peut modifier la forme d’un sacrement. Des difficultés pratiques aussi étaient invoquées, dont lapapauté dut, plus tard, tenir compte : il y a des lieux, et notamment les pavs protestants, où l’on ne peut trouver de prêtres. Ehses, p. 973 (Reggio), 976 (Citta di Castelloï. L’archevêque de Nicosie, à qui ne plaisait cependant point le Décret, relut la déclaration du concile de Nicosie de 1340, affirmant la pleine soumission des évéques grecs, maronites, arméniens au souverain pontife. Sur cette dernière 'éance. cf. Ehses, p. 971'.'77 : Theiner, t. a, p. 674 sq. : Pallavicini, t. xii, p. 167-172. Le rapport du cardinal.Morone ne contient sur la clôture et sur tous ces débats qu’avait dirigés l’habile cardinal que deux lignes sans intérêt. Cf. G. Constant, La légation du cardinal Morone, Paris, a. 151, p. 438.

Les débats sur le rôle des parents. — Quant aux mariages contractés par les fils de famille sans le consentement des parents, et dont nous n’avons encore rien dit pour ne point compliquer l’exposé des débats, on sait que les français en étajent particulièrement préoccupés. Déjà, une ordonnance de 1556 avait

que les fils mineur et les filles mineures

dé 25 an obtinssent le consentement de leurs parents.

à peine d’exclusion de la succession paternelle. Isambert. Ordonnances…, t. xui, p. 168.

Le premier projet contenait une disposition aux

termes de laquelle tout mariage contracté sans ce consentement, par les Qls avant 18 ans. par les filles

avant 16 ans accomplis, sérail nul. Ehses, p. 640. t. cl

article donna lieu a de vifs débats. I.e principe cil cl. lit

admis par beaucoup de Pères qui reconnaissaient la tradition canonique. Les ambassadeurs du roi de France le soutinrent avec vigueur et la plupart des évoques franc. ils. Le cardinal de Lorraine, en particulier, Justifia le projet du 20 juillet en Invoquant le précepte Honora patron… et les exemples tournis pai les Ecritures, les lois romaines, la raison naturelle, Ehses, p. 643. Mais le cardinal Madruzzo, l’arche vèque de Rossano, les évéques de Città di Ca ; ti llo el d’Orvieto opposèrent la coutume, les difficultés pour le liN éloigné de sa famille d’obtenir le consentement paternel, la loi divine, nlinquei homo patron ; melius est nubere quant uri, la liberté des âmes. Pallavicini, op. cit., t. XX, p. 291 sq. Les défenseurs du projet proposèrent en vain des tempéraments : que l’on pût en appelé] à l'évêque du refus injuste des parents, ou que l’eveque eût le droit de consentir au mariage des mineurs, ou que des peines fussent portées contre les enfants qui se marieraient sans l’aveu de leurs parents.

Le second projet (7 août 1563) maintient, parmi les conditions de validité du mariage, le consentement des parents. La majorité matrimoniale est lixée à 20 ans pour les fils, 18 pour les filles. Au cas de refus injuste, î 1 est permis de recourir à l'évêque. Ehses, p. 683. Le cardinal de Lorraine, modifiant la conduite qu’il avait jusqu’alors tenue, combattit le projet. Le général des jésuites fit observer que le concile paraîtrait, en l’adoptant, suivre les réformés. Le projet fut repoussé. Celui que l’on soumit au concile le. 5 septembre 1563, Ehses, p. 763, et qui revient aux termes fixés par le premier projet pour la majorité matrimoniale n’eut pas plus de succès que les précédents. Cf. F. Bernard, op. cit., p. 99-105.

8. Autres points qui fixent l’attention du concile. — Nous n’avons résumé, des débals du concile de Trente, que ceux qui concernent la transformation du contrat. Mais bien d’autres sujets furent discutés : les empêchements de vœu et d’ordre, de parenté et d’alliance, de rapt, dont nous n’avons point à nous occuper ici ; les caractères du mariage chrétien : et il nous faut rapporter les arguments essentiels de la discussion, encore que les principes traditionnels aient été purement et simplement maintenus, et que nous n’ayons pas à traiter en détail la prohibition du divorce ; la supériorité de l'état de virginité sur l'état de mariage ; la compétence exclusive de l'Église en matière matrimoniale. Sur tous ces points, les réformateurs avaient vigoureusement attaqué la doctrine traditionnelle. Il convient de noter les positions prises par les Pères au cours des débats du concile.

a) Caractères du mariage. — Les articles relatifs aux

deux caractères fondamentaux du mariage chrétien

avaient été soumis à l’examen des theologi minores de

onde classe. Voici les deux proposition, erronée !

qu’ils devaient examiner, Ehses, p. 380 :

3. Il est licite, après irui l’on a répudié une épouse

pour ci location, de

contracter un second m

3. Liccrc post repudiatam uxorem causa fornieationis Iterum contrahere, vivente

priore uxore, erroremque esse extra illani causani fornieationis divortium facere.

1. Ltcere christiants habere plures uxores, prohtbltiones <lu vivant de la première ; une i ii i m de divorcer en dehors de ce cas de fornication.

4. Il est licite aux chrétiens d’avoir plusieurs fem que conjugtorum certis annl nus ; l’interdiction des ma temporibus superstitionem riagesàcerta « sse tyrannieam al) ethnicol’année est une superstition rumsupentitioneprofectam. tyrannique dérivée d’une superstition païenne.

Le seul cas de rupture du tien que l'Église tenait à exclure par une disposition catégorique, c’est donc l’adultère. Le rejeter, c'était, en effet, proclamer l’indissolubilité absolue, les autres cas énoncés par les protestants ayant une importance pratique et des justifications théoriques bien moindres.

Les protestants invoquaient le texte de saint Matthieu, xix, <), la coutume de la primitive Église, les principes de la justice. Massarelli a relevé les arguments par lesquels leur répondirent Pierre de Soto, Antoine de Mouchy, Jacques Hugues, Jean Hamircz, Matthieu Guerra, Didace de Sara. Elises, p. 408-421. L’usage du libelle de répudiation chez les Hébreux ne les étonne point : le mariage était-il alors autre chose qu’un contrat ? (Didace de Sara). Jésus, s’adressant aux Pharisiens, constate la coutume : à ses disciples, il enseigne sans restriction, comme le montrent Marc et Luc, la Loi nouvelle. Le texte de saint Matthieu qui n’a point nécessairement le sens littéral que lui donnent les protestants (Hugues et Ramirez en font une analyse subtile) pourrait laisser place à quelque hésitation, et ces hésitations ont duré, en fait, assez longtemps dans l'Église primitive, bien que, déjà, la première Épître aux Corinthiens n’admette aucune exception à la loi de l’indissolubilité. Mais Dieu n’a-t-il point donné à son Église, à l'Église romaine, la charge de définir toutes les parties obscures de la foi ? Dès lors, qu’importe une indécision provisoire que la coutume romaine, appuyée sur tant de textes, confirmée par tant de témoignages, a depuis longtemps rendue vaine ? Si l’on invoque la justice, l’humanité pour autoriser l'époux innocent à contracter un nouveau mariage, c’est faute d’avoir remarqué deux choses capitales : d’abord que le renvoi de la femme adultère n’est point obligatoire et donc que l’innocent ne subira point, malgré lui, la peine de l’isolement et de la continence forcée ; puis, que rompre le mariage, ce serait donner toutes ses aises à la femme coupable (de Mouchy). Tels sont les raisonnements des theologi minores (nous avons désigné entre parenthèses le plus ferme sur divers points). Tous affirment sans réserve l’indissolubilité absolue du lien matrimonial.

Au cours des premiers débats, le cardinal de Lorraine demanda que les autres causes de divorce alléguées par Calvin : disparité de culte, non convenientia in conuersatione, longue absence fussent, elles aussi, expressément rejetées. Elises, p. 642 (Ehses remarque, n. 2, que telle n’est point la doctrine de Calvin dans son Institution de la religion chrétienne). Cet avis plut à l’assemblée et le canon 5 du second projet, Ehses p. 682, fut rédigé conformément au vœu du cardinal et ne donna lieu à aucune critique.

Deux causes de dissolution reconnues par l'Église étaient, en revanche, rejetées par les protestants : la dispense papale et l’entrée en religion de l’un des époux, avant consommation : cette dernière cause est affirmée dans le canon 8 de la première rédaction. Ehses, p. 640. On lui réserva dans les rédactions postérieures, un canon spécial et dans un autre canon le droit de l'Église de prononcer la séparation de corps fut exprimé.

Le principe d’indissolubilité ne pouvait être mis en question. Mais la manière de le présenter fut le sujet de longues discussions dans les congrégations générales. Beaucoup de Pères craignaient que l’anathème porté contre ceux qui avaient soutenu l’erreur dénoncée par l’art. 3 déjà cité et par le canon 6 du premier projet qui leur était soumis, Ehses, p. 640, le canon 7 de la seconde rédaction, Ehses, p. 683, ne parût atteindre un bon nombre de docteurs des premiers

siècles, et l'Église orientale — les orateurs vénitiens soulignèrent au cours de la seconde discussion les usages de leurs sujets grecs — et l'Église occidentale elle-même, si longtemps indulgente au divorce pour cause d’adultère. Elises, p. 642-680 ; 685-747. Sur la proposition du cardinal de Lorraine, on modifia le canon relatif au divorce pour exprimer seulement que la doctrine de l’indissolubilité absolue professée par I Église était conforme aux Écritures et à l’enseignement des Apôtres. Elises, p. 760 et 889 (canon 7 du troisième et du quatrième projet). Après bien des diseussions, cette formule fut maintenue.

Le principe monogamique ne pouvait donner lieu à de si longs débats. Puisque les époux n’ont point le droit de se remarier après la séparation, c’est donc que la polygamie est interdite. La monogamie apparaît en premier lieu comme une conséquence de l’indissolubilité. Elle découle, en outre, de la nécessité de Vunilas carnis et de ce simple fait que chacun des époux a sur le corps de son conjoint un droit, un pouvoir absolu. Les Écritures et les Pères fournissent un fort contingent de preuves. Et l’objection tirée de la polygamie des patriarches se résoud par la simple constatation d’une dispense divine. Ainsi raisonnent de Mouchy, Hugues et Guerra. Ehses, p. 412, 415, 418. Les Pères n’ajouteront rien à ces observations.

b) L'état de virginité, — Les réformateurs avaient placé l'état de mariage au-dessus de l'état de virginité, erreur que condamne l’article 5 soumis aux délibérations des theologi minores de la troisième classe :

Matrimonium non postLe mariage n’a point ponendum, sed anteferenrang inférieur, mais supérieur dum castitati, et Deum dare à la virginité ; et Dieu donne conjugibus majorem gratiam aux époux une grâce plus quam aliis. Ehses p. 3N0. grande qu’aux autres (fidè les).

Tous les arguments traditionnels : textes scripturaires et patristiques, exemple de la vierge Marie, considération des fins respectives du mariage et de la virginité, furent allégués par les orateurs et notamment par Antoine Solis, Michel de Médina, Lazare Brochot, Jean de Ludena, Jean Gallo, Sanctes Cinthius, Lucius Anguisciola, Jean Mathieu Valdina. Ehses, p. 428 sq., 432 sq., 435, 446 sq., 459, 463, 465, 466. Il n’y eut, dans les congrégations générales, aucune voix discordante. Dicatur voto virginitatis, demande le cardinal Madruzzo, que suivent l’archevêque de Rossano, l'évêque de Verdun. Ehses, p. 643, 646, 658 ; Status matrimonialis et status virginalis, proposent les évêques d’Almeria, de Barcelone, ibid., p. 665, 670 ; que l’on supprime l’anathème, demande l'évêque de Saint-Asaph. Ibid., p. 662.

c) Compétence de l'Église en matière d’empêchements. — Aux théologiens de la quatrième classe était proposé l’examen de cette erreur :

Solamimpotentiam coeunSeules l’impuissance et

di et ignorantiam contracti l’ignorance diriment le con dirimere contractum matritrat de mariage ; et les causes

monium, causasque matrimatrimoniales regardent les

monii spectare ad principes princes séculiers, sœculares.

La dernière partie de ce texte nous intéresse seule. Malheureusement, les théologiens de la quatrième classe furent invités à se réunir avant la date prévue, pour permettre au cardinal de Lorraine d’assister aux débats de la troisième classe, qui tint séance en tout dernier lieu. Aussi, plusieurs d’entre eux, pris de court, s’excusèrent et Massarelli ne nous a conservé que le résumé d’un seul discours, celui de Jacques Alatri (?) dont le dernier paragraphe, seul, se rapporte à notre sujet. Il est, d’ailleurs, fort instructif. L’orateur tient à faire la distinction quie a multis aliis adducta est, à savoir que deux choses doivent être considérées M Mil u.i i i « ON ! il i Dl ri ; i i E

.i.iule mariage : le contrai et le sacrement, i i est compétente pour ton ! ce qui regarde le sacrement, non pour le reste ; ainsi, le mariage clandestin .< de la juridiction si i hscs, p. 13 l.

S faut déplorer le laconisme ou le mutisme <i< -. ledébats des Pères nous fournlsseni d’amples renseignements qui méritent d'être résumée. Le canon il ».< la première rédaction, dont la forintmfut j.un.tis modifiée, est ainsi conçu :

S ruli dixerit causas masi quelqu’un « lit que les

niâtes non -p.-, tare nd causes matrimoniales ne sont « tiros : aii.ipus de la compétence des Mt. jUrtiecclésiastiques, qu’il

-oit anathéme.

a peu de Pères donnèrent leur approbation

iv canon. Cependant le 20 juillet, à la

. l'évêque de Quimper entreprit de prouver son bien-fondé en alléguant des textes conciliaires, et il rallia aussitôt le suffrage « les évêques de

l.ecee et de C.oimbre : ce dernier, renchérissant : dicatur nullo moilo pertinere. Khses. p. t'>7 : i. El les eansarae portent, en effet, sa formule. Ibid., p. 680. i : ile ne traduit pas. cependant, le désir communément no par les Pères. Presque tous ceux qui Jugent

Don 11. c’est pour en condamner ou la forme ou même le fond. Les plus modérés demandent que la formule soit changée. Le patriarche de Jérusalem,

ue de Ciudad Rodrigo, suivi par les évêques de

Città di Castello et de Barcelone pendant les premiers débats, F.hses, p. 666, 668, 669, f>70. l’archevêque il Otrante, qui avait déjà en juillet provoqué des adhésions à une motion qui ne nous est point parvenue et que suit, au o urs des débats sur le second projet, l’archevêque de Messine, ibid., p. 688, 698, représentent cette manière. D’autres, plus pacifiques encore, insistent pour que l’on supprime l’anatlième. Et c’est l’opinion qui, jusqu'à la fin du concile, eut le plus de défenseurs. Elle avait été. dés le 25 juillet, présentée par l’archevêque cle N’axos, puis le 28 juillet, par l'évêque de i.érida, Antoine Augustin, que suivent

évêques d’Klne, Nîmes, Ypres. Namur, Alife, . Ibid., p. 652. 666, 667, 667, 669, 669, 675, "77. Reprise durant la discussion du troisième projet, elle eut pour défenseur aux derniers débats, en octobre 1563, l’archevêque de Rossano que sept Pères voulurent approuver. I.e Il novembre encore, elle fut rappelée. Quelques-uns suggéraient que l’on fît

er cette affirmation de la compétence des tribu' iques dans le décret De reformatione. Antoine Augustin, encore suivi par l'évêque de Nîmes, avait pris ce parti aux seconds débats, ibid., p. 743 et <ux débats de septembre, les cardinaux de Lorraine et Madruzzo s’y ralliaient. Ibid., p. 779.

L’idée même d’une affirmation sans réserve de la compétence des juridictionecclésiastiques rencontrait

oppositions très résolues. Plusieurs Pères auraient voulu que l’on rejetât le canon proposé. Le 27 juillet, .ce fut particulièrement opiniâtre. Tollatur, répètent les opposants. Khses, p. 660, 661, Même protestation en août. Ibid., p. 689, 71-1. Les raisons invoquées par ces adversaires de la compétence exclusive de l'Église sont d’opportunité et de justice : ils craignent d’irriter les puissances séculières en revendiquant pour les tribunaux ecclésiastiques des causes qui ne leur appartiennent point. Ce qu’exprime l'évêque d’Orléans : non plæet, ne videamur umbitiosi ; et dixil quod hse caume matrimoniale* m primitiva Eeclesia non perlinebant ad eceletiattieot ; ne irritemus sierulnrcs. Ibid.. p. 660. L'évêque de Nîmes appr celui d’Oppido : Non est oerum quod

onw> matrimoniales pertineant ad Ecclesiam.

Ibid.. p.

Lu conséquence, certains cherchaient une Formule

plus proche de ce qui leur semblait être la vérité. Que 1 on dise quelles causes appart ienueiil aux juridictions

ecclésiastiques, demande l'évêque de Cadix, ibid, ,

p b72 : les causes coiuernanl le sacrenient i, avait déjà précise l. éque de l.arino. ibid., p. 662, le 3

Ici.et il 3 revient le 17 août. Ibid., p. 71 7. La distinction laineuse du contrai et du sacrement aboutissait a s, -s ;.iiis périlleuses conséquences. El certains n’hésl

(aient pas à reconnaître le droit de l'État de |ugeT les

causes relatives au contrat, de modifier, selon l’intérél

publie » les Conditions et la forme (lu contrat. Nous avons rencontre tous ces fourriers inconscients des t héories régalicnncs : liellosillo, l’archevêque de I iraga,

h- évêques de Leirla et de Met/, d’autres encore.

Khses. p. -101. 650, 661, 662.

9. Les décisions du concile.

Trois des canons De

sacramento matrimontt doivent cire textuellement cités parce qu’ils se rapportent directement a l’objel de

notre élude.

Le c. 1 définit le sacrement :

si quis dixerit matrlmo niuin non esse vere et proprie unum ex se -plein legis

evangelicaj sacramentii a Cbrlsto Domino Instltutum, sed al) homlnibus in Eeclesia Inventum, neque gratiam eonferre anathema sit.

.Si quelqu’un dit que le mariage n’est pas vraiment

et proprement l’un des sept sacrements de la loi évan gélique institué par le Christ

Notra-Selgneur, qu’il est une invention humaine (introduite) dans l'Église, qu’il ne confère pas la grâce, qu’il soit anathéme.

Le c. 10 affirme la supériorité de la virginité sur le mariage :

Si quis dixerit slatum ron jugalem anteponendum esse statui virginitatls vel csellbatus, et non esse melius ac beatius manere In virginitate aut cadlbatu, quam jungi niatriinonio : anathema sil.

Le c. 12 réserve aux les causes matrimoniales

Si quis dixerit causas matrimoniales non speetare ad judices ecclesiasticos : anathema sit.

Si quelqu’un prétend que l'état conjugal est préférable a l'étal de virginité ou de célibat, et qu’il n’est ni meilleur, ni plus profitable de demeurer dans la virginité ou le célibat que de se marier, qu’il soit anathéme.

juridictions ecclésiastiques

Si quelqu’un dit que les causes matrimoniales ne sont pas de la compétence des juges ecclésiastiques, qu’il soit anathéme.

Le c. 2 aflirine le principe de la monogamie, les c. 5, ti, 7 ont pour sujet l’indissolubilité : ils rejet tenl les causes de divorce admises par les protestants e1 affirment la licéité de la rupture du mariage non consommé par l’entrée en religion ; les c. 3, 4, et 9 traitent des empêchements, le c. 8, de la séparation quoad (horum, le cil, du tempii^ clausum.

Au cours de la discussion, plusieurs Pères avaient demandé que l’on rédigeât une prélace justificative qui, après avoir été débattue au cours de la deuxième et de la troisième lecture du projet, fut définitivement adoptée a la quatrième lecture. Elle rappelle l’origine du mariage Mien., it, 23 et 24), la mono ; amie e1 l’indissolubilité (Matth., xix, 6 ; Marc, x, 8 et '. » >. la collation de la grâce (Eph., v, 25 et 32). Ehses, p. I

Le décret De elandestinis énonce que l'Église, tout en affirmant que les mariage :  ; clandestins sont vera et rata, et qu’il n’est pas au pouvoir des parents de confirmer ou d’annuler le mariage de leurs enfants, con tracté sans leur consentement, a toujours détesté ce : deux catégories de mariages. I m mariages clandestins rendent possible la bigamie : si un conjoint contracte mariage public après un mariage secret (seul valable devant Dieu), l'Église qui ne juge poini des chose cachées, ne pourra empêcher qu’il vive dans un adultère permanent. Le quatrième concile du Lalian

i tâché de prévenir ce désordre en exigeant trois publications avant la célébration du mariage. — Ce décret sera étudié avec les développements qui conviennent à l’art. Propre CURÉ, OÙ se trouve renvoyée toute la question de la clandestinité. Notons ici qu’il exige pour la validité « lu mariage la présence du curé ou d’un prôtre autorisé par le curé ou l'évêque du diocèse et de deux ou trois témoins. L’absence de ces personnes entraîne clandestinité, empêchement diritnant. Le curé devra interroger les deux parties, se rendre compte de leur consentement et prononcer les paroles consacrées par l’usage. Il leur donnera la bénédiction nuptiale : cette bénédiction ne peut être donnée que parle proprius parochus ou un prêtre autorisé par lui ou par l'évêque. Enfin, le curé dressera procès-verbal de la cérémonie sur un registre spécial. Deux exhortations sont adressées aux époux : le concile les engage à ne point vivre ensemble avant la bénédiction, à se confesser et à communier avant le mariage ou pour le moins trois jours avant la consommation du mariage.

3° La répercussion des décisions et des débats du Concile de Trente. — - Les dispositions du décret De re/ormatione matrimonii ne devaient s’appliquer que dans les pays où ce décret aurait été publié ; dans les autres pays, l’ancien droit resterait en vigueur. La publication n’a pas été laite dans un certain nombre de régions habitées à la fois par des catholiques et des protestants. Le détail en sera exposé à l’article déjà indiqué ; comme aussi les modifications que le nouveau droit a apporté aux règles tridentines. Ici, où il ne s’agit que des répercussions qu’a pu avoir sur le concept du mariage le décret Tametsi, il nous suffira de signaler quelques points de particulière importance.

1. Application et amplification des règles du Concile de Trente. — L’une des plus considérables modifications est celle introduite par une déclaration de Benoît XIV du 4 novembre 1741, qui reconnaît la valeur des mariages mixtes ou des mariages entre hérétiques contractés sans solennité en Belgique et en Hollande. Dans une lettre du 9 février 1749, Benoît XIV écrit que le concile de Trente, quand il institua le nouvel empêchement, n’a pas étendu sa décision au mariage des hérétiques.

Des concessions pontificales ont accordé à de nombreux pays le bénéfice de la déclaration du 4 novembre 1741. On en peut voir l'énumération dans Vecchiotti, Instituliones…, t. iii, c. xin.

Le fait que le concile ne fut point reçu en France ne pouvait empêcher l’effet de sa publication par les autorités ecclésiastiques. On sait, d’ailleurs, que l’opinion de Pothier d’après laquelle les règles relatives au mariage furent la cause de la non-réception, est dénuée de fondement. Sur les véritables raisons de l’opposition, cf. V. Martin, Le gallicanisme et la Réforme catholique. Essai historique sur l’introduction en France des décrets du Concile de Trente (1563-1615), Paris, 1919.

En confirmant les décisions du concile, le pape Pie IV en avait expressément réservé à la papauté l’interprétation. En 1564, il créa pour surveiller l’exécution des décrets du concile la Sacra Congrcgatio cardinalium Concilii Trideniini interpretum ou Congrégation du Concile, dont les attributions furent étendues par saint Pie V, et qui reçut de Sixte-Quint le droit d’interpréter les décrets de réforme. Cette Congrégation devait surveiller l’exécution des décrets du concile, les interpréter par - voie de déclaration, en faciliter l’application par des règlements, juger les cas qui lui seraient soumis. On trouvera un choix de ses décisions dans Schulte et Bichter, Canones et décréta…, Leipzig, 1853.

l.e principal travail d’interprétation porta sur le décret De clandestinis et d’abord sur les personnes dont la présence est requise. On admit que le parochus devrait être, en principe, le curé du domicile réel et, dans des cas nombreux, pourrait être le curé du lieu de résidence de l’un des époux. Cette détermination souleva de nombreuses difficultés juridiques.

Le prêtre, assistant au mariage, n’accomplit pas un acte de juridiction : il joue le rôle de simple témoin, leslis spectabilis, dit la Congrégation du Concile. Schulte-Richter, p. 229, n. 49 (a. 17.51, ). Il n’est que l’un des trois témoins et autant l’on se montra soucieux de bien établir quel curé devrait être présent à l'échange des verba de prxsenli, autant fut élémentaire l’interprétation dos qualités requises des deux autres témoins. Toute personne, sans condition d'âge, de sexe, de religion, est admise. Une seule condition, de pur fait, est posée par la jurisprudence : le curé et les deux témoins devront bien constater la volonté actuelle des comparaissants. La présence « purement physique et matérielle » du curé ne suffit pas. Schulte-Richter, p. 235, n. 65 (a. 1700). La Congrégation du Concile décide que le consentement devra être renouvelé, tantôt purement et simplement, tantôt ad cautelam, quand le prêtre n’a point entendu les paroles ou vu les signes du consentement. Ibid., p. 235, n. 64 (a. 1715 et 1730). Mais elle se montre libérale et un peu hésitante dans l’interprétation de la présence morale et de la science du curé. Ibid., p. 235 sq., n. 66 (a. 1733), 67 (a. 1753),

A la question si invitas et compulsus per vim adsit sacerdos dum conlrahitur matrimonium, utrum taie matrimonium subsistât' elle répond affirmativement, p. 234sq., n.63(a. 1581).

En France, les mariages de surprise étaient fréquents. On les appelait mariages à la Gaulmine, parce que l’exemple le plus retentissant en avait été donné par Gilbert Gaulmin, ancien intendant du Nivernais. Les enfants, accompagnés de témoins ou de notaires, se présentaient devant le curé, prononçaient les paroles de présent, dont les notaires prenaient acte. Parfois, on saisissait le curé au saut du lit, ou même au lit, Matrimonium in cubiculo meo et coram me vicario de Dola, Gillet, invito, lit-on à l’année 1679 aux registres de la paroisse de Dôle. Cf. P. Pidoux, Histoire du mariage et du droit des gens mariés en Franche-Comté depuis la rédaction des coutumes de 1459 jusqu'à la conquête de la province par Louis XIV, en 1674, Paris, 1902, p. 13.

Si la cérémonie donnait lieu parfois à quelque scandale, bon nombre de mariages, en revanche, étaient contractés dans le plus grand mystère, avec dispense des publications préalables, devant un prêtre et deux témoins discrets, en lieu sûr. Les conditions posées par le concile de Trente étaient remplies, mais, en fait, la publicité se trouvait fort limitée et les maux anciens pouvaient renaître : bigamie, impossibilité d'établir la légitimité des enfants issus du mariage. Pour conjurer ces périls, Benoît XIV, dans une bulle du 17 novembre 1741, réglementa le mariage secret : les évêques n’accorderont qu’exceptionnellement, et après minutieuse enquête, la dispense des bans ; le propre curé ne pourra être remplacé pour la bénédiction qus dans des cas de nécessité ; le procès-verbal de la cérémonie sera transmis par le célébrant à la chancellerie épiscopale, pour y être inscrit sur un registre spécial où, par la suite, la naissance des enfants sera mentionnée.

Quelle sera la valeur des paroles de présent échangées sans la solennité requise ? Ne créeront-elles pas. du moins, les fiançailles, comme cela était admis naguère, pour la desponsalio de prxsenli des impubères ? La Congrégation du Concile a répondu négaMARIAGE, LES fHÊOLOGIENS POSTÉRIEURS w CONCILE

lulte-Rlchter, p. 222, n. 7 (a. 1573).

3

I.t transformation du mariage en contrat solennel

mettait en qui'-. ! ion la valeur de plusieurs modes de

e jusqu’alors reconnus valides et

auxquels manquait, ou semblait manquer, quelqu’une

i

rouî les mai ttractés sans la présence ilu

les témoins étant nuls, la théorie des matri > est.i « linde la transformation

en mariage p.rr la consommation, dlspa

it. La Congrégation du Concile écarta

. lesquelles on cherchait à maintenir

irie. Schulte-Richter, p. 226. n. 32 (a. i

De même, la simple ratification du mariage nul

l'époux dont le consentement avait été vicié,

mqui validait naguère le contrat consensuel,

De se pouvait plus comprendre sous le régime Institué

p.ir le concile de Trente. Il fallut désormais que le

mariage fût célébré avec la solennité requise, ibid.,

, :, n. 81 (a. 172 :  ; » a moins que l’empêchement

dirimant qui rendait le mariage nul ne fut occulte,

car le cas ne relevait alors que du for Interne. //>/<L,

Toutes ces difficultés d’interprétation donnèrent lieu a des consultations multiples, dont subsistent plusieurs recueils.

> ; is du concile de Trente eurent une ssion presque immédiate sur la législation livers pays de la chrétienté. En France, l’ordone de Blois de 1579, a. 1° et 11, introduisit l’oblim des publications de mariage et île la célébra : >ublique du mariage devant quatre témoins et, implicitement, devant le prêtre, Une ordonnance de infirmée en 163'.). art. 1, sanctionne pratiquement les règles du concile de Trente, pour la détermination du prêtre compétent. L’ordonnance de Blois, art. l'î et 181, prescrit, en outre, la tenue par les cures de » registres des baptêmes, enterrements et mariages < pour éviter les preuves par témoins », qui restaient les a défaut d’inscription régulière et ne furent exclues qu'à la suite d’un patient effort de la jurisprudence, couronné par l’ordonnance de 1667 sur la procédure. Notre ancien droit n’admit jamais la validité des mariages secrets ou de conscience, même après la bulle de 1711. Esmein, op. cit., t. ii, p. 201-207. On trouvera un résume de tous les textes importants du droit français sur le mariage aux xvr et xvir sièians E. Stocquart, Aperçu de l'évolution juridique du mariage, Bruxelles, 1905, p. SS-1 13.

La réglementation du concile de Trente a été, au xvii » siècle, complétée sur un point. Pour prévenir les h., les instructions de la Congrégation du

.Saint-Office des années 1C58, 1665, 1C70, organisent la procédure du liber status. Feije, De impedimenlis.., 1. L’instruction du 21 août 1670 (texte dans Bouix, Tractatus de judiciis ecclesiaslicis, 2e édit., t. m. |. ordonne qu’avant tout mariage, l'état

libre des deux époux devra être établi de manière certaine. Esmein, op. cit., t. ii, p 196 sq.

Les conciles locaux et les évêques intervinrent assez fréquemment au xvii « et au xviir siècle pour rappeler les règles du concile de Trente, et aussi pour proscrire certains D uix. Voir, pour l’Italie, Urandi leone, op. cit., I, pour la France, un exemple

dans Mémoires de la Société académique du Nivernais,

2. I.'i litt » r l’are du mariage après le concile de Trente — Le eon< ente avait donc eu dans la vie pra tique de l'Église et des Etats des conséquences immédiates. Son influence sur le développement de la littérature théologique devait se manifester de deux manières en apparence contradictoires. D’une part,

ses décisions avalent mis hors de doute des vérités

qu’il convenait de justifier a> ec ampleur pour répondra

aux attaques des protestants. I l’autre pari, les déliais

avaient tait éclater dis dissentiments qui eurent un long écho dans les écrits des théologiens.

Entre la fin du concile de l’ienie i 1563) et l’avène ment de de i ( 1775), la doctrine catholique du ma riage a eie exposée dans d’innombrables ouvi dont nous Indiquerons les plus importants. Des ouvri

l ; cs secondaires il ne nous aile possible d’examiner.

et sommairement, qu’un Faible lot.

Tes décisions du concile de Trente SUT le m. m

ne provoquèrent point Immédiatement la grande production littéraire que Ton pourrait attendre. Tes

Commentaires sur h-s Sentences d’Antoine de Cordoue ( 1569) ou de Fr. Ovando (158 1 1 ne furent poinl oubliés,

mais on les cite rarement au wir siècle. Les Disputationes de.Michel de Palacios (l.'>7l-7 : n eurent une meilleure fortune Jusqu’au XVH1e siècle. Tes traités des sacrements de Aug. I loens ( 1 570), Sonnius < 1 577), Roselli (1590) n’ont pas laissé de trace sensible dans l’histoire de la doctrine du mariage, On peut consulter comme témoin Rud. Clenck, De sacramento matrinwnii, [ngolstadt, 1°>7.">. Cf. Hurler, I. iii, col. 26. Te grand renouvellement de la doctrine, que corn

mandaient la transformation du mariage et les al ta ques des réformes, se produisit seulement à partir de la fin du xvrsiècle. I.a plus belle période pour l’histoire littéraire de la doctrine du mariage, avec le milieu du xur siècle, c’est incontestablement entre lô.sô ci 1635 qu’il la faut reconnaître. Le Cours de controverse professé par Bellarmin, de 1576 à 1588, réservait une place Importante aux sacrements. En 1593 furent imprimées pour la première fois les sept controverses relatives au mariage, sur le sacrement en général, la matière, la forme et le ministre, l’unité, l’indissolubilité, les empêchements, la compétence judiciaire, les cérémonies, édit. Vives, t. v. p. 39-151. Ces controverses où les doctrines de la lit-forme sont discutées composent l’un des plus solides et des plus durables exposés de la doctrine traditionnelle.

A quelques années d’intervalle, parurent trois excellents traités du mariage, œuvres de théologiens espagnols. Le dominicain Pierre de Ledesma, dans son De nutgno matrimonii sacramento, Salamanque, 1592, rénovait avec beaucoup de concision et de clarté la doctrine de saint Thomas. En 1592 paraissait à Cônes le De saneti matrimonii sacramento disputât ionum libri X, du jésuite Th. Sanchez, le plus important, peut-être, et le plus dense des ouvrages qui, dans les temps modernes, ont été consacrés au mariage. On en lit des résumés et des apologies, comme pour les murages des grands scolastiqucs. Cf. Ilurter, Nomenclator, 3e édit., t. iii, col. 595. Voici le sujet de chacun des dix livres : fiançailles, essence du mariage et théorie générale du consentement, clandestinité, contrainte, condition, donations entre époux, empêchements, dispenses, devoir conjugal, divorce (nous utilisons l'édition fie Nuremberg, 1706). Le De sacra mento matrimonii de l’augustin Basile l’once, dont la première édition parut à Salamanque en 1021, se présente tris modestement comme un complément au traité de Sanchez, mais on y trouve des additions et rectifications Importantes. On peut joindre à cette brillante série les Qutestiones sur le mai I lutte rez, Salamanque, Kil7 et le De malrimonio et censuris de < ;. Hurtado, Alcala, 1627, el encore les traités des sacrements de Coninck, (1616), Ochogavla (1619), Il |, Boden | 1631 I. le traité du mariage de Sannazari (1603) ; cf. Ilurter, Xomenclator, 3e édit. t. iii, col. 881, 893, 633, 909.87b.

En même temps, paraissaient les Commentaires sur 2251

    1. MARIAGE##


MARIAGE, VÉRITÉS ACQUISES

/m Sentences d’Estius. Douai, ICI 5-1 <J ; les Commentaires sur la Somme théologique de Silvlus, Douai, 16201635, les Disputtitiones (posthumes) de Maldonat, Lyon, 1614 (et mieux Paris, 1077), une partie des œuvres de Toiet et la Summa théologies scholasticte de Martin Becanus, Mayence 1 01 2-1023, dont nous Utilisons l'édition de Venise, 1098.

Dans la seconde moitié du xvii° siècle parait deux commentaires scotistes des Sentences : les Disputationes de Mastrius (Venise, 1655-1001) où l’on trouve un tableau assez clair de l'état des controverses, et contemporaines, les Commen/aria de Brancatî de Lauria, Rome, 1653-1082, et les importants ouvrages de l’oratorien Caspar Jucnin, Institutioncs théologien :, Lyon, 1094 ; De sacramentis in génère et in specie, Lyon, 1690. C’est aussi l'âge d’or des polémistes (nous les nommerons en temps utile) et des auteurs de monographies : II. Marcellus (1053), H. Mayr (1657), J. d’Avezan (1601), J. B. Rovera (1666), Cl. Frère (1007), G. Stehr (1685), G. Rossignol (1685-88) Cf. Hurter, ibid., t. iv, col. 137, 154, 266, 290, 619, 933, 961.

Au xviii » siècle, trois auteurs surtout exercèrent une grande influence et, pendant longtemps, c’est à leurs enseignements, sur le mariage, comme sur bien d’autres sujets, que l’on s’en tiendra. Honoré Tournély fit imprimer en 1725-30 ses Prælectiones theologicee (auxquelles Collet ajouta un Supplément), qui eurent de nombreuses éditions ; en 1737, parut à Venise le De re sacramentaria de René Drouin ; le Cursus theologise universalis de René Billuart fut publié de 1746 à 1750 et, jusqu’en ces dernières années, il a été souvent réédité. Nous utiliserons l'édition de Liège, 1750, t. xix, p. 205-530.

On pourra consulter encore les monographies de M. Milunski (1705), Ph. Hofstetter (1713), I. Reutlinger (1716), J. Dalbert (1730), F. Makas (1730), J. Silbermann (1732), Chr. Schardt, (1734), Canali (1734). G. Toussaint (1739), A. Heisîinger (1739), Lanzerini (1773). Cf. Hurter, t. iv, col. 904, 1303, 1608, 1615, 997, 1340, 1615, 1650 ; t. v a, col. 6.

L’intérêt du traité théologico-canonique De matrimonio de J. Kugler, Nuremberg, 1705, a été, avec raison, signalé par Wernz, et l’ouvrage malheureusement incomplet du sulpicien J. Lagedamon, De sacramento et contractu matrimonii (1743), mérite une mention particulière.

Au xviiie siècle, commencent de paraître des œuvres érudites qui éclairent l’histoire du mariage. Nous avons fait des emprunts à Duplessis d’Argentré, Colleclio judiciorum (3 volumes : 1724-1728-1736), qui déborde d’ailleurs singulièrement notre sujet. Nous sommes encore redevable de plusieurs renseignements à J.-P. Gibert, Tradition ou Histoire de l'Église sur le sacrement du mariage, 3 vol., Paris, 1725, ouvrage d’une grande érudition et qui contient notamment un relevé, pour chaque siècle, des textes relatifs à la célébration religieuse du mariage. Enfin, on ne consultera point sans quelque profit Charles Merlin, Traité historique et dogmatique sur les paroles ou les formes des sacrements de l'Église, Paris, 1745, dans Migne, Cursus theologicus, t. xxi, voir col. 182 ; dom Chardon, Histoire des sacrements, Paris, 1745, dans Migne, op. cit., t. xx, col. 1011-1152, et les Superstitions relatives aux sacrements de J.-B. Thiers.

Parmi les ouvrages de théologie morale qui furent le plus souvent consultés, il faut citer la Theologiæ moralis summa de Henriquez, Salamanque, 1591 ; la Theologia moralis de Laymann, Munich, 1025 : les œuvres de saint Alphonse de Liguori, parues à la lin de notre période.

Les canonistes ont joué un rôle secondaire au xvii e et au xviiie siècle, et leurs ouvrages sont impersonnels. On consulta surtout les Commentaires sur les Décré tâtes et li' Répertoire de Fagnan (1661), le Jus canoniiiuii ('le Pirhing (1674-1677) ; le Jus canonicum de Reiffenstuel (1700-1702) et le Jus ecclesicaticum uni Kcrsnm de Schmalzgrueber (1717). Benoît XIV (| 1758) exprima sur quelques points son opinion.

Les caté| se sont, on l’a pu remar quer, assez profondément modifiées, depuis la fin du xvr siècle : les Commentaires sur les Sentences, source principale au Moyen Age, passent au second plan, pour faire place à la grande série des commentaires de la Somme théologique (cf. Grabmann, La Somme théologique…, p. 53-58), à des cours de théologie destinés aux séminaires récemment créés, à des traités spéciaux du mariage dont certains ont la densité d’un commentaire scolastique sur les quatre livres de Pierre Lombard. Est-ce à dire que l’esprit et les méthodes du .Moyen Age ont disparu ? Non point complètement. Les rivalités subsistent, atténuées peut-être, entre théologiens et canonistes : les Conférences de Paris sur L' mariage exposeront encore, au xvin » siècle, une controverse entre les deux groupes au sujet du mariage conclu sous condition. Et la séparation des thomistes et des scotistes n’est point tout à fait supprimée : bien des ouvrages se présentent sous les enseignes de saint Thomas ou de Duns Scot.

Quant aux méthodes, elles sont plus souples chez quelques grands auteurs. Mais chez la plupart survit l’insupportable manie de relever sur chaque question relative au mariage l’avis de tous leurs prédécesseurs, de tous ceux, du moins, que pour notre infortune, ils ont connus soit directement, soit bien plus souvent, par des intermédiaires. A aucun moment le bartolisme ne sévit avec tant de fureur. L’un des méfaits de l’imprimerie fut de rendre moins coûteuse l'énumération des avis : sur chaque sujet les voix des théologiens sont comptées et, comme on remontait rarement aux sources, les erreurs du scrutin ne cessaient de s’aggraver. Il serait fort imprudent de tenir compte de ces listes arbitrairement composées. Tout récemment, Cappello signalait à propos de quelques-unes d’entre elles d'étonnantes méprises de l’un des plus respectables auteurs du xviiie siècle.

Sans faire le décompte des suffrages, nous chercherons à montrer très brièvement, comment ont été commentées dans les ouvrages les décisions du concile de Trente, comment se sont développées les controverses sur les questions non définies.

3. L' affirmation des vérités dogmatiques. — Les décisions du concile de Trente étaient à peine publiées que la critique protestante les attaquait résolument.

Sans entrer dans le détail des théories protestantes du mariage, qui, d’ailleurs, ne se sont guère développées, il nous faut retenir deux œuvres qui eurent grande diffusion et autorité : l’Examen Concilii Tridentini quadripartitum de M. Chemnitz (1563-1573) et surtout la Confessio catholica de J. Gerhard (1634). Le premier de ces ouvrages suit d’assez près la critique de Calvin, discute le symbole, l’efficacité, l’interprétation du ii, uaT"ifjpiov de saint Paul, et dénonce dans l’invalidation des mariages clandestins une entreprise de la puissance pontificale. Voir dans l'édition de Francfort, 1615, p. 419 sq. et p. 441. L’argumentation de Gerhard est plus ample et rappelle la manière des scolastiques. Le mariage a bien été institué par Dieu, mais non renouvelé par Jésus-Christ. Au sens large, il est un sacrement, mais non au sens précis où on l’entend du baptême et de l’eucharistie. Les éléments essentiels du sacrement lui font défaut. Gerhard invoque le témoignage de canonistes et de théologiens scolastiques (c. i). Dans les c. h et m. il cherche à établir que le lien de mariage est dissous par tout adultère et que la partie innocente peut se remarier ; que le consentement des parents est requis pour la validité du mariage. Sur les empéchements et sur le celibat, les thèses des protestants sont développées, à l’aide de raisons et d’autorités (c. 14 et v). Confessio catholica.I. II. part. II a. 19, Francfort, 1679, p. 1328-1369.

La pensée du protestantisme français sur le mariage, il faut la chercher dans les synodes tenus entre 1559 et 1659. Les actes synodaux ont été publiés à Londres en 1692, sous le titre Synodicon in Gallia reformata, puis en 1720 à la Have par J. Aymon. Tous les synodes des Églises réformées de France. On trouvera tous les renseignements désirables dans d’Huisseau, La discipline des Églises réformées de France, 1656 ; P.Catalon, Discipline ecclésiastique des Églises réformées de Francs, Orange. 1658. Cf. J. Faurey, Le protestantisme français et le mariage, dans Revue générale de droit et de jurisprudence. 1924, p. 265 ; 1925, p. 45, 99, 175.

En somme, les protestants maintiennent leurs positions sur tous les points qui nous occupent : sauf sur la polygamie, qui n’a été admise qu’épisodiquement dans leur doctrine et qui, au XVII siècle, fut encore combattue par Brunsmann, Monogamia victrix, Francfort. 1679, ouvrage dirigé contre Lyserus. Le mariage, répètent les réformés, ne communique pas la grâce, il n’est pas un sacrement au sens propre, l’Église ne le traite comme tel et ne le réglemente qu’en vue d’assurer sa puissance.

Sur chacun de ces points, les théologiens catholiques défendront la doctrine de Trente qu’ils incorporent à leurs traités. Que le mariage fût un vrai sacrement au même titre que les six autres sacrements, le concile l’avait déclaré et la lignée des opposants est éteinte. Il serait seulement assez curieux de noter les tendances de l’exégèse, l’importance relative que l’on assigna aux divers textes scripturaires et patristiques. Ponce, par exemple, est disposé à en négliger plusieurs et non des moindres. Op. cit., n. 5-14. Estius cherche à établir la vanité des arguments que l’on tire des épîtres paulines en faveur du sacrement. Dist. XXVI, § 7. De même Silvius, q. xlii, a. 1, combat la preuve scripturaire. Ces auteurs s’appuient exclusivement sur la tradition de l’Église. D’autres, en plus grand nombre, attachent de l’importance à l’Épitre aux Éphésiens, v, 23, que le catéchisme du concile de Trente. part. II, e. viii, 19, avait rappelée. Voir, par exemple, Tournély, De sacramento matrimonii, q. ii. a. 2, 2o conclusion. Bellarmin. dans sa première Controverse, a réuni les preuves que l’on peut tirer des Écritures, de la tradition et de la raison même en faveur du caractère sacramentel du mariage : on y trouvera la discussion du texte fondamental de saint Paul, des témoignages des Pères, notamment de saint Augustin, des quatre raisons essentielles d’où l’on peut déduire que le mariage est un sacrement : l’indissolubilité, dont on ne saurait rendre compte si le mariage des chrétiens n’est point, à la différence du mariage des non-baptisés, signe de l’union indissoluble du Christ et de l’Église ; la collation de la grâce, qui est nécessaire pour que les époux réalisent les fins du mariage, à savoir l’éducation des enfants et l’apaisement de la concupiscence ; les cérémonies, qui s’expliqueraient mal si le mariage était simplement un contrat ; l’accord des Églises grecque et latine, que rend éclatant la condamnation des erreurs protestantes relatives au mariage qu’a prononcée en 1576 le patriarche de Constantinople.

Le sacrement de mariage a été institué par Jésus-Christ : la doctrine qui en faisait un sacrement de la Loi naturelle est abolie. Les uns pensent que l’institution fut faite aux noces de Cana, les autres, par les paroles : Quod Deus conjunxit. Cf. Sanchez, I. II, disp. IV, p. 120. La doctrine de la grâce fut reçue par tous comme traditionnelle. On trouvera un exposé précis du développement du dogme, sur ce point, tel que le concevaient les théologiens du xvie siècle sous la plume de Pierre de Ledesma, op. cit. q. xliii, a 3 : avant le concile de Florence, pas de définition dogmatique, mais l’opinion de beaucoup la plus probable est que le mariage confère la grâce : après le concile de Florence, il devint impossible, sans commettre une erreur, de nier la collation de la grâce. Après le concile de Trente, c’est une vérité de foi que la grâce est conférée ex opere operato. P. de Ledesma montre la haute convenance de cette définition. Les effets de la grâce sont plus amplement expliqués par les théologiens modernes qu’ils ne l’avaient été par les scolastiques. Becanus en compte quatre : fidelilatem, dilectionem, sanctificationem, sobrietatem. Op cit., p. 644.

La transformation du mariage en contrat solennel ne souleva point parmi les théologiens de critiques durables. L’explication qu’en avaient adopté les Pères de’Trente devint, sans difficulté, traditionnelle ; voir, par exemple, P. de Ledesma, op. cit., q. XI, a. 5, et Bellarmin, De matrimonio, loc. cit. c. v. Elle fut justifiée dans de petites dissertations comme celle de Jacopo Nacchianti. Une seconde explication fut conservée : l’Église pouvait annuler les mariages clandestins non seulement par ce moyen indirect, mais directement, par l’annulation immédiate du contrat. Sanchez soutient que l’Église, de facto irritavit utroque modo matrimonia clandestina, I. III, disp. IV, p. 205 sq. Tout le troisième livre de Sanchez est consacré aux mille difficultés que soulève la clandestinité.

Le chapitre le plus attrayant de la doctrine du mariage, dans les temps modernes, ce n’est point dans la théologie dogmatique ou chez les exégètes qu’il le faut chercher, mais chez ces moralistes et directeurs d’âmes qui enseignent à leurs contemporains, dans une langue moins sèche que celle des scolastiques, la tradition chrétienne. Nul ne la présente avec plus de charme que saint François de Sales, dans son Introduction à la vie dévote (1609) et dans sa correspondance. En un temps où l’on tient pour le bon mariage de raison, combiné par d’ingénieux parents — telle est l’idée de Montaigne et de Rabelais — saint François de Sales, qui n’est d’ailleurs point hostile au mariage de raison, traduit ainsi la doctrine catholique de : consentements requis : « Pour l’entière résolution d’un mariage, trois actions doivent entrevenir quant à la demoiselle que l’on veut marier ; car, premièrement, on lui propose le parti ; secondement, elle agrée la proposition, ce en troisième lieu, elle consent. » Les parents se bornent donc à présenter un parti ; les époux arrêtent leur choix, après longue méditation. « le mariage… est un ordre où il faut faire la profession avant le noviciat. » (On reconnait ici la vieille formule de Guillaume Pérauld) « et s’il y avait un an d’épreuve, comme pour la profession dans les monastères, il y aurait peu de profès. » L’amour conjugal, traité avec tant de légèreté par la plupart des écrivains profanes et de réserve gênée par presque tous les auteurs spirituels, saint François de Sales en disserte autant qu’il le faut et sans reculer devant les précisions nécessaires. Il autorise et recommande, au rebours du puritanisme, les marques publiques d’affection, mais il proscrit les « muguetteries », l’intempérance de la chair, les susceptibilités mesquines. Dans toute la conversation des époux, il veut de la franchise et de la dignité, une ardeur mesurée que n’émoussera point l’habitude. F. Vincent, Saint François de Sales directeur d’âmes, Paris, 1923, p. 213-250, et aussi H. Bordeaux, Saint François de Sales et notre cœur de chair, Paris, 1923, notamment le I. II.

Comment nos auteurs spirituels ont jugé le mariage, depuis le temps de l’humanisme dévot jusqu’au temps du jansénisme et du quiétisme, il ne serait point inutile de le rechercher : est-il beaucoup de 2255

    1. MARIAGE##


MARIAGE, CONTROVERSES QUI SUBSISTENT

sujets, celui de la grâce excepté, où s’affrontent

plus résolument les tendances entre lesquelles se sont

partagés les modernes : l’optimisme et le pessimisme ? Déjà r Histoire littéraire du sentiment religieux en

France de II. Bremond nous a révélé bien des pages dignes de mémoire sur le mariage chrétien, ainsi celles du P. Yves de Paris, t. i, 3' pari., c. in. Nos classiques fourniraient de belles anthologies de conseils à l’u des divers étals.

Il serait injuste, d’ailleurs, de réduire la part qui revient aux théologiens didactiques dans le combat mené par l'Église pour la dignité du mariage. Tel ouvrage comme le De arle benc moriendi de Bellarmin contient de bonnes pages sur les devoirs des gens mariés, t. I, c. xv, dans Opéra, t. vin. p. 583 sq.

4. Les controverses relatives au ministre et aux éléments du mariage.

Les décisions du concile furent donc accueillies par les catholiques avec une soumission parfaite. Mais plusieurs opinions proposées par les orateurs, au concile, devaient nourrir des débats séculaires.

L’année même de la discussion des articles relatifs au maFiage, en 1563, paraissait le fameux traité De locis theologicis du théologien humaniste Melchior Cano. Voir Ca.no, t. ii, col. 1538 sq. et Lieux théologiques, ci-dessus, col. 712 sq. La thèse qui nous intéresse est développée dans le t. VIII, c. v, et indiquée en deux autres endroits de l’ouvrage récemment réédité, mais que nous avons dû citer d’après l'édition de Lyon, 1704. Sur aucun sujet, Cano n’a remarqué autant d’incertitude et d’ambiguïté dans les avis des théologiens que sur le sujet du mariage. Confère-t-il la grâce ? Quelles en sont la matière et la forme ? Le concile de Florence lui-même n’a osé se prononcer sur ces points. En réalité, tout mariage n’est pas un sacrement. D’abord, les paroles sont nécessaires pour l’existence du sacrement, comme l’ont déclaré Pierre Lombard, saint Thomas et le concile de Florence : dès lors, le mariage par signes, le mariage entre absents, le mariage présumé ne répondent point à la définition. Plusieurs docteurs illustres le remarquent et la raison les justifie amplement. Op. cit., p. 324 sq., 621, 788. Les paroles sont donc nécessaires. Mais de simples paroles exprimant la volonté des parties n’aboutissent qu'à la formation d’un contrat, qui n’est point le sacrement. La preuve que le contrat est distinct du sacrement, c’est que l’excommunié ou celui qui est en état de péché mortel ne commet pas un sacrilège en prononçant les paroles de présent. Cum igitur matrimonium solis verbis viri et feminse, civiliter prophaneque conlractum, licet rei sacræ signaculum sit, non sit tamen opus religionis sacrum, cerle non est proprie sacramentum. Op. cit., p. 326. Où est le signe de la sanctification dans un tel mariage ? Pour qu’il y ait sacrement, il faut la réunion de trois éléments : matière, forme, ministre. Or, les paroles des contractants fournissent la matière, non la forme du sacrement, car la forme doit être surnaturelle : Cujus sciliect et vis et signiftcalus non a natura, sed a causa quadam superiore oriatur. Ibid., p. 327. Mais les paroles : Ego te accipio… sont purement naturelles et peuvent être prononcées par des païens. En outre, les formules dont se servent les contractants sont variables et non point déterminées par l’institution divine comme il convient aux sacrements ; quant à l’opinion d’après laquelle les époux sont ministres du sacrement, Cano ne prend même pas la peine de la discuter : Nec -vero audiendi sunt illi qui putabunt virum ac feminam esse sibi vicissim sacramenti minislros.

Quel mariage faut-il donc considérer comme un sacrement ? « Celui qui a la forme sacramentelle et a été consacré par un vrai ministre de l'Église, » p. 325. » Ce ministère rend le sacrement profitable, » p. 327. » Au mariage contracté sans la présence d’un prêtre ou d’un ministre de l'Église manque un élément : il n’y a donc point sacrement, » p. 621. Cano invoque — non sans quelque fantaisie — le témoignage de plusieurs théologiens eu laveur de sa doctrine, qu’il considère comme la meilleure à opposer aux protesi anl 5.

De nombreux théologiens l’adoptèrent, surtout en France. La liste des partisans et des adversaires se trouve dans presque t ous les traités. Voir, par exemple, saint Alphonse de Liguori, Theol. mor., édit. Vives, t. iii, p. 706. Il convient de mettre au premier rang, parmi ceux qui fortifièrent les fondements et le crédit de cette théorie, Estius, dist. XXXI, § 10, et Silvius qui dans son Comment, in IID m parlem S. Thomas, q. xiii, a. 1, Anvers, 1695, p. 629, multiplie les arguments : la bénédiction a été appelée sacramentum par Alexandre Illdans le can. Cum Ecclesia (Desimonia) et par Martin V au concile de Constance. Plusieurs rituels et plusieurs conciles provinciaux, Cambrai, 1567, Reims, 1583, appuient cette notion. Enfin, c’est trop accorder aux époux que de reconnaître en eux les ministres du sacrement : savent-ils ce qu’est l’intention requise par l'Église du ministre de tout sacrement ? Comment les soumettre à une forme déterminée ? En que ! autre sacrement voit-on confondus le ministre et le sujet ? Et l’on invoquait encore les paroles que le décret De clandestinis met sur la bouche du prêtre : Ego vos in matrimonium conjungo. La détermination du ministre donna lieu à des théories variées. Pour Catharin, Dieu lui-même est le ministre du sacrement. Pour Maldonat, le prêtre est ministre ordinaire, les contractants sont ministres extraordinaires.

Avant même que fût publiée la thèse de Cano. Dominique de Soto, son collègue à Salamanque, en imprimait (1560) une réfutation, avec cette remarque, probablement malicieuse, que jamais il n’a rencontré cette opinion que le prêtre est ministre du sacrement. In IVum Sententiarum, dist. XXVI, q. ii, a. 3, Douai, 1613, p. 623. Bellarmin, dans sa Seconde controverse, développe de nombreux arguments contre la thèse de Cano, op. cit., p. 56-77. Ni les Écritures, ni les conciles ne fournissent un texte où le prêtre soit désigné comme ministre du sacrement de mariage : les théo logiens professent communément l’opinion que les contractants eux-mêmes sont ministres. La distinction proposée par Cano entre le contrat des époux et le sacrement administré par le prêtre est nouvelle. Sans doute, le concile de Florence a défini qu’en tout sacrement sont requis des verba ; mais il s’agit des paroles ou même des signes par quoi les époux expriment leur volonté. Si l’on objectait le rôle du prêtre dans la pénitence, c’est que l’on assimilerait maladroi tement jugement et contrat : le prêtre qui absout remplit les fonctions de juge et donc doit prononcer une sentence, tandis que les contrats sont parfaite^ ment valides entre muets. Et dès qu’un contrat de mariage est conclu par des chrétiens, le signe de l’union du Christ et de l'Église se trouve réalisé : le concile de Florence, en déclarant qu’un ministre est indispensable dans tout sacrement n’a point dénié que les époux qui font le contrat de mariage fussent ministres du sacrement. Cano demande quelle est la part du sacré dans ce contrat qui semble tout profane : il oublie le signe de l’union du Christ et de l'Église ! Et quand il refuse aux époux l’aptitude à se conférer le sacrement, à remplir en même temps le rôle d’agens et de patiens, il ne prend point garde que son argument, s’il était efficace, ruinerait aussi bien le contrat que le sacrement. Les divers appuis que Cano cherche dans les Commentaires des scolastiques, Bellarmin les discute méthodiquement, et il n’est pas sansintérêt M mî [AGE, CON li ; n ERSE S < » i l SI BSIST1 I

2258

de relever l’Interprétation que donne a ou textes liti la théologie moderne. D’abord, la plus gênant celui de Guillaume d’Auvergne, corroboré par

plusieurs canonistes : In mantfesi tanfur,

i très résolument Hellaruiin. Car la bénédiction nuptiale ne saurait être considérée comme on sacrement, puisqu’elle n’a point de forme, qu’elle n’es ! point nécessaire, que les secondes noces, Incontestablement sacramentelles, en son ! privées. Le témoiile saint Thomas n’est pas plus décisif en faveur ! thèse de Cano : -i certains passages insinuent l’importance de la bénédiction nuptiale, d’autres maissent expressément qu’elle n’est point de nce du sacrement. Et de même, les difficultés que l’on relève dans Pierre île la PallU OU dans le concile de Cologne de 1536 s'évanouissent quand, au lieu de déduire des conclusions probables de textes

amphibologiques, on lit en toute simplicité la conclusion formellement énoncée dans ces textes, à savoir que les époux sont ministres du sacrement. Enfin,

ncuse déclaration du pape Kvarisle insélée par

un (c. Aliter) aux termes de laquelle les mariages

lestins ne sont qu’adultère et fornication, ne vise

que le for externe et signifie que l'Église, qui ne Juge

pas des choses cachées, ne peut déclarer ces mariages

.nés. Mais que le mariage clandestin ait été un

vrai contrat-sacrement dans le temps où tous les

auteurs que l’on allègue ont écrit, le concile de Trente

lui-même ne l’a-t-il point affirmé? Et n’est-ce pas la

meilleure preuve que la bénédiction du piètre n’est

point de l’essence du sacrement de mariage ?

Au xviir siècle, la doctrine est fort incertaine. L’opinion d’après laquelle le prêtre est ministre du sacrement. Bênott XIV la déclare initie probabilis. !)< Sun. dioe., t. VIII, c. xiii. n. i, tandis que la Congrégation du Concile en 1T.">1 regarde l’opinion qui fait des epoux les ministres du sacrement comme verior et receptior sententin. Schulte et Rlchter, op. cit., p. 229, n. L>. L’auteur du Trætatua de matrimonio, Louvain, ut.. 177t' p. 82, montre que les deux opinions contradictoires sur le ministre sont également probables et conseille au prêtre d'être en état de grâce lorsqu il donne la bénédiction et de prononcer la formule : Ego nos in mutrimonium conjungo, cuin inlentione eonditionata per/iciendi sacramentum ; sii>e (quod salis est melius) seeundum intentionem Eccltsiæ.

x mêmes qui rejettent la théorie de Cano sont loin de s’accorder sur la matière et la forme du sacrement. Toutes les opinions des scolastiques ont encore, a l'époque moderne, des défenseurs. Les contractants sont la matière, leurs paroles sont la forme du sacrement, disent encore P. de Soto, Palacios, Barth. de Ledesma. Covarrubias. D’autres, comme Victoria, suivent la curieuse explication de Richard de Mediavilla. Quelques-uns voient dans le consentement la matière, dans les paroles, la forme, ou vice rrrsa. L’opinion qui tend a prévaloir et que professent, notamment, avec des nuances diverses, liellarmin. Suarez. P. de Ledesma et Sanchez, est que les paroles sont la matière du sac rement en tant qu’elles expriment la tradition mutuelle de puissance (on voit que l’idée du contrat-tradition reste vivant ci et la forme, en tant qu’elles expriment l’acceptation réciproque de cette tradition. Sanchez. I. II. disp. Y. liellarmin distingue le mariage dum fit, et alors les paroles des époux, en tant qu’elles déterminent la réponse de l’autre époux, sont la forme ; en tant qu’elles sont détermi : la matière. Apres la célébration du mariage, les époux eux-mêmes sont la matière.

5. Les disputes entre théologiens au sujet du contratsacrement.

Ln somme, des trois grands chapitres que nous avons eu a étudier, à propos de l’analyse du sacrement par les scolastiques. deux sont couronnés

DICT. DE THÉOI.. CATHOL.

d’une conclusion définitive : sur le principe de la grâce et sur l’institution divine, il n’j.1 plus de divergence possible, du moins de divergence grave,

Quant au conflit sur la déterminai ion du ministre, il es ! au point critique. C’esl que toute la discussion

porte, désormais, sur les conditions d’existence du

sacrement, connue elle a porte au xusiècle sur les conditions d’existence du contrat. On sali tort exac

tenient dans quel cas il aura contrat Valide ; on sait quel est le s mbolismc. quelle est l’origine divine.

quelle est l’efficacité « lu sacrement lien entre

le contrat et le sacrement, très nettement reconnu par

de bons esprits, n’apparaît point encore à tous les

yeux, les disputes dont nous avons vu le prologue dans les explications consacrées a l’identification du

sacrement (après celle de l'état et du contrat) par les docteurs du Moyen Age vont à présent éclater, sans aucune violence verbale, mais non point, OH le verra bientôt, sans péril. - Le contrat donne encore

lieu à bien des controverses intéressante-. Contenu,

expression, modalités, vices du consentement : nous renonçons à aborder ce vaste ensemble de questions avant tout juridiques, pour nous arrêter au problème

capital du contrat-sacrement.

si les théologiens du xvii* et du xviiie siècle avaient

.seulement approfondi la notion, bien établie au xiir.

que le consentement est la cause efficiente a la fois du

contrat et du sacrement, les disputes au sujet du

ministre et de la forme auraient été presque anodines et l’on eût moins agité — puisque le contrat est un et indivisible — la fameuse question : le sacreiiienl csl-il un ou multiple ? A vrai dire, elle est moins théorique, moins abstraite que jadis. Lierre de Ledesma rapporte que des théoriciens contemporains enseignent qu’il y a dans le mariage deux sacrements, fuxla numerum suscipientium, d’autres : deux sacrements part iels et un total. Mais la renaissance de ces disputes philosophiques n’aurait point grande portée si elles n’avaient (les applications. Admettre que chacun des époux reçoit un sacrement propre, distinct, n’est-ce point suggérer que l’un peut être gratifié du sacrement, tandis que l’autre, empêché, ne participe qu’au contrat.' Que décider, se demandaient les théologiens, quand un lidèle épouse une infidèle, avec dispense pontificale, quand un des contractants veut recevoir le sacrement, et que l’autre n’entend que passer un contrat '.' La réponse a ces problèmes n’est point unanime. Plusieurs admettent que le sacrement peut exister et produire ses fruits dans un seul des conjoints, et l’on citait comme promoteur moderne de cette opinion Jean Eck. Il semble que la majorité îles auteurs ait enseigné la maxime : Malrimonium non paies ! claudicare. Le mariage est un, il est sacramentel pour les deux parties, ou bien il ne l’est pour aucune des parties. Et alors, il fallait reconnaître que, dans les cas précités, il n’y a point de sacrement.

Le second cas envisagé posait d’ailleurs un problème beaucoup plus général. Entre chrétiens, peut-il arriver parfois que le mariage soit tout simplement un contrat, et non un sacrement'.' Sujet de grande dispute et dont les théologiens n’aperçoivent pas encore an xviii c siècle les ultimes conséquences. Le débat était ouvert sur ce point en deux endroits de Ions les traites modernes du mariage : au chapitre des mariages entre absents, dont on se demandait s’ils sont valides comme contrats et comme sacrements, au chapitre de l’lnteE lion des parties, où l’on se demandait si les volontés de l’homme et de la femme sont aptes a réaliser le contrat de mariage à l’exclusion du sacrement.

Le mariage en ire absents, avant le concile de ! rente,

pouvait être conclu par procureur, par lettre ou par un nuncius. Ces divers modes ont-ils été maintenus ?

IX. — 72

se demandaient, d’abord, canonistes et théologiens. Une objection se présentait immédiatement à l’esprit : naguère, le consentement nu des époux était seul requis ; le concile de Trente exige que le parochus et les témoins entendent les paroles, leur présence au contrat est imposée pro forma, c’est-à-dire quelle ne peut être ficlu et œquipullens : il faut qu’ils puissent constater l’identité des parties, leur volonté claire de contracter mariage. Ainsi s’exprime Barthélémy de Ledesma, dub. xviii, De matrim. Et il ajoute que la même raison le décide à nier la validité du mariage per epistolam, plus résolument encore, car on conçoit la formation d’un pacte par mandataire, tandis qu’une lettre n’est qu’un témoignage passif. La plupart des canonistes et des théologiens réfutèrent ces objections, en montrant que le consentement par procureur n’a jamais été regardé comme clandestin, que le mandant est parfaitement représenté par son procurator, que la publicité est bien assurée par la comparution du procureur et de la partie présente devant le curé et les témoins, qu’enfin, l'Église n’a pas fait difficulté pour admettre, comme précédemment, le mariage par procureur. Sanchez, t. II, disp. XI, n. 20 sq. Les mêmes raisons autorisent le maintien du mariage par lettre, et Henriquez, que suit Sanchez, ibid., disp. XII, n. 3, précise que l’absent doit écrire qu’il fait tradition de son corps et accepte la tradition du conjoint. La question de la validité du mariage entre absents fut peu débattue. Les théologiens la mentionnent à peine. Pour Becanus, c. xlv, q. iv, p. 656, et pour Billuart, diss. I, De matrim., art. 4, p. 227, elle ne paraît même point s'être posée. En 1727 et 1736, la Congrégation du Concile s'était prononcée pour la validité du mariage par procureur. Schulte-Richter, op. cit., p. 238, n. 69 et 70. En revanche, on discuta vivement le caractère de ce mariage entre absents : est-il un sacrement ? Nombreux sont ceux qui, se plaçant à un point de vue différent de celui de Cano, le nient, au xvp siècle : Ovando, sur la dist. XXVIII des Sentences, Barth. de Ledesma dans sa question xlii, d’autres encore, qui, trompés par des analogies apparentes, exigent pour la collation de tous les sacrements la présence réelle des parties. Un absent peut-il consacrer l’hostie ou recevoir le pardon de ses péchés ? Le consentement, ajoute-t-on, est la cause physique de la grâce ; or, il n’existe que moralement si les parties ne se rencontrent point. Enfin, ceux qui contractent mariage par procureur doivent, quand ils seront réunis, se présenter devant un prêtre : or le sacrement n’est point réitérable. La majorité des théologiens et des canonistes se prononce contre cette opinion et notamment Palacios, Pierre de Ledesma, Henriquez, Sanchez, Billuart. Tout contrat valide entre fidèles, observent-ils, est un sacrement, a été élevé par JésusChrist à la dignité de sacrement : il suffit donc que l'Église autorise, réglemente et, à l’occasion, juge un tel contrat pour que l’on soit fondé à y reconnaître un sacrement. Sanchez, t. II, disp. XI, n. 27. Billuart, diss. I, a. 4. Toutes les objections précédemment énoncées tombent dès que l’on considère la nature particulière du mariage qui, à la différence des autres sacrements, consiste en un contrat, œuvre des parties. La présence morale de celles-ci est suffisante ; la prononciation de telle ou telle formule solennelle n’a jamais été requise. El, quant à la confirmation du consentement, elle n’a point pour effet de réitérer le sacrement, mais de compléter les solennités omises et de ratifier publiquement la déclaration du procureur. Certains théologiens, comme Estius, In /V" m Sent., disp. XXIX, dont les Conférences de Paris, t. i, p. 40, rappellent encore l’opinion, donnent pour point d’origine au sacrement cette démarche des parties. Mais cette dernière tentative pour sauver la doctrine hostile

au mariage par procureur, si elle eut des échos, ne rallia que peu de suffrages.

Bien des questions se posent au sujet de ce mariage par procureur. Les condil ions de fond et de forme de la procuration remplissent toute la première partie de la disp. 1 de Sanchez : c’est l’aspect juridique, que nous nous bornons à signaler. Les théologiens, ainsi Pierre de Ledesma et Henriquez, précisent que l’absent étanl vraiment représenté, il devra se tenir en état de grâce dans la période du contrat, tandis que le procureur s’il se trouve en état de péché ne commettra point une faute mortelle, puisqu’il ne reçoit point le sacrement.

La volonté des époux, qu’elle soit exprimée directement ou par procureur, réalise donc à la fois le contrat et le sacrement. Peut-elle réaliser le contrat seul, à l’exclusion du sacrement ? Deux opinions très nettes ont eu leurs partisans. L’une, que nous connaissons déjà, constate que le sacrement n’est point séparable du contrat valide, puisqu’il est ce contrat élevé, sanctifié, pourvu de grâce par Jésus-Christ. « L’intention de ne point réaliser le sacrement répugne à l’intention requise pour contracter un mariage valide… et donc aboutit au néant, de même que l’intention de ne point réaliser le contrat exclut la possibilité de réaliser le sacrement. » Cette inséparabilité du contrat et du sacrement est de droit divin. Sanchez, t. II, disp. X, n. 6. Mais d’autres auteurs, considérant non plus l’institution divine du mariage, mais la théorie générale de l’intention requise pour la validité des sacrements, professent que les époux peuvent contracter sans recevoir le sacrement. Vasquez, Ponce, Diana, au xviie siècle, Billuart au xviiie, bien d’autres encore soutiennent cette thèse. « Celui qui passerait le contrat de mariage sans intention de recevoir le sacrement, écrit Billuart, pourrait faire un contrat vrai et valide et ne ferait point un sacrement, car l’intention est requise pour la validité du sacrement. Bien que Dieu ait institué les sacrements sans tenir compte de la volonté des hommes, il n’a pas voulu leur en imposer la collation sans le concours de leur volonté. » Op. cit., p. 234.

La solution d’une dernière difficulté dépendait en grande partie de la solution donnée au problème du contrat-sacrement : le mariage des infidèles convertis devient-il un sacrement ? Ceux qui professent l’inséparabilité du contrat et du sacrement ne sont pas embarrassés pour répondre : le défaut de baptême est le seul obstacle à la sacramentalité d’un contrat valide ; la réception du baptême par les deux conjoints élève leur mariage à la dignité de sacrement, symbolise immédiatement l’union du Christ et de l'Église. Pour Sanchez, t. II, disp. IX, n. 5, c’est l’opinion la plus probable. Et il interprète en ce sens saint Thomas, In /V™ Sent., dist. XXXIX, q. un., a. 2, ad l™ 1, où il est dit que le mariage des infidèles est aliquo modo sacramentum habitualiter non actualiter. Telle n’est point l’interprétation unanime. Billuart, après plusieurs autres, traduit ainsi : « Au mariage des infidèles, s’il est un contrat valide, il ne manque pour être un sacrement, que le baptême préalable des conjoints. Mais le baptême postérieur ne peut rien ajouter à l’effet du contrat qui a été passé jadis, in actione transeunte, par l’acte instantané du consentement, et qui ne peut être renouvelé, car il a été fait pour toujours. » D’autres auteurs, comme Henriquez, pensent qu’un nouveau consentement des baptisés est nécessaire et suffisant pour que la forme et la matière requise soient réunies et le sacrement réalisé.

Le centre de toutes les controverses, c’est, on le voit, la notion des rapports entre contrat et sacrement. Nous allons maintenant apercevoir dans l’offensive des régaliens contre les juridictions eccléi ai : i ( ; i.. L’OPPOSITION DE S R ÊG S.L.I1 NS

ques toute la portée politique du débat.

îttion à la doctrine

lnidl. furistes. randis qu’au Moyen

s au sujet du mariage ne mettaient

prises que les théologiens. « u les canonistes,

dans les temps modernes, une nouvelle tradition se forme, hostile au pouvoir, 1e l'Église et que vont assurer, maintenir tous les adversaires, 1e la puissance . siastique, principalement les régaliens et les phi » Ues. Roskovànv, Mutrimoniiim in Ecclesia cathot. n. p. 107 sq. L’idée commune à tous les itcurs. c’est que le mariage est premièrement et uis.liront : exclusivement un contrat. A ce titre, il doit être soumis à la réglementation et à la juridiction de l'État.

On pourrait être tente de reconnaître les précurseurs de eette opinion parmi les partisans de Louis, 1e Bavière ou les prédicateurs de la Réforme. Mais une réflexion plus attentive conduit à carter eette vue simpliste. Guillaume Occam et Marsile de Padoue, comme Luther ou Calvin, affirment sai* détour les droits du prime en se fondant sur des systèmes opposés a la théologie traditionnelle : doctrines de combat ou de révolte, sans effet dans les États fidèles à l’orthoriginalité des régaliens est qu’ils acceptent le dogme catholique et l’analyse la plus commune chez les théologiens du sacrement de mariage. Leurs véritables précurseurs, ce sont les scolastiques trop suhtils et les Lères du concile de Trente, qui, sans calculer les conséquences que pourraient avoir leurs analyses dans des États ambitieux de réglementer toutes les choses temporelles, s’ingéniaient, s’acharnaient a séparer le contrat du sacrement, pour justifier une reforme que des motifs plus simples et sans péril devaient, en tin de compte, autoriser. Le grand intérêt des doctrines régaiiennes, qu’il nous faut exposer, c’est qu’elles ne procèdent point de postulats nouveaux, mais qu’elles font habilement tourner au profit de l'État les disjonctions que DUOS Scot et tant d’autres scolastiques avaient opérées entre le droit et la théologie, le contrat et le sacrement.

Pendant un demi-siècle, les débats du concile de Trente sur les rapports entre le contrat et le sacrement de mariage n’eurent guère d'écho que dans les livres des théologiens, aux chapitres du mariage des absents et du mariage des infidèles. Les gallicans n’avaient point encore commencé la critique du pouvoir législatif et judiciaire de l'Église, et le canon 12 échappait à leurs attaques. Leurs objections portent sur d’autres canons et sur le Décret De clandestinis. Ainsi, Dumoulin, dans son Conseil sur le fait du concile de Trente (février 1564) relève des causes de nullité dans les divers actes de préparation et dans la procédure du concile : le canon 7 le choque et aussi le rôle assigné au curé qui empêche les protestants de contracter un mariage valide. Œuvres compléta. Paris, 1081. t. v, p. 3 19-364. Le programme tracé a la fin du xvr siècle, par Guy Coquille, au concile national qu’il désire, n’est pas plus menaçant pour les officiantes : détermination de l'âge requis pour contracter mariage, fixation du droit du primat d’accorder des dispenses, déclaration de la nullité des mariages clandestins. Autre Iraitédes libertés de l'Église de France et des droits et autorité de la couronne… Œuvres, t. i. p. 109-172. Lin 1593, Le Maître. présentant aux États de la Ligue une liste de décrets qu’il juge contraires aux droits du roi et aux libertés de l'Église gallicane, relève le c. i" du décret De re/ormationî matrimonii qui réserve aux évêques le droit de punir ceux qui contractent des mariages clandestins et les témoins qui y ont assisté : tel est l’office des juges rovaux. < les évêques n’ayant le pouvoir que de juger de la validité ou invalidité des mariages « . .1. Basdivant, Des rapports de l'Église et de l'Étal dans

2262

l, i législation du mariage./<> concile <t<- Trente nu I civil'. Paris. 1900, p. 26 28.

Le début de la grande offensive des régaliens contre

les droits exercés par Il glisc en matière de man un peut en fixer la date au, 1, lut du x He siècle. Alors les jurisconsultes commencèrent a tirer de la disjonction du contrat et du sacrement les de, ludions pra tiques dont le couronnement sera la théorie du mariage civil.

L’un des premiers exposés systématiques de la distinction se trouve dans le célèbre ouvrage (le l’archevêque apostat de Spalato, Marc Antoine de Dominis, De republica ecclesiastica, t. n. foudres, 1620, part. IL

e. i. Si les thèses e, miennes dans eel OUVTage ne sont pas nouvelles, elles et aient appelées, sous la tonne que leur donna M. A. de Dominis. à une grande fortune. On peut diviser en deux parties le e. i précité. Dans

la première (n. 1-23), l’auteur, admettant, par hypothèse, que le mariage est un sacrement, développe d’un point de vue régalien, la distinction du contrat et du sacrement. Dieu a institué le mariage aux origines de l’humanité, comme contrat naturel (n. 3). Jésus-Christ s’est borné a rétablir la monogamie primitive et à rendre le mariage indissoluble (n. 4), saul le cas de fornication, et à ce sujet, de Dominis expose longuement les causes civiles du divorce (n. 6-10). Mais Jésus-Christ ne s’est occupé que des caractères du mariage, il n’en a point changé la nature : c’est toujours un contrat naturel, un contrat civil ; la réglementation appartient à la puissance séculière, dont l'Église ne peut exiger autre chose que le respect du droit divin. N’a-t-clle point reconnu la législation romaine du mariage ? Si l’on admet que le mariage est un sacrement, il faut convenir que le sacrement n’existe que quand le contrat est parlait. Que viendrait faire dans ce contrat tout humain et corporel la puissance ecclésiastique toute spirituelle et surnaturelle ? Les choses naturelles, les éléments physiques ou juridiques qui servent à la constitution des sacrements, l’Eglise les détermine : elle n’a point à les soumettre à son contrôle, à analyser l’eau du baptême, le pain et le vin qui servent de matière à l’eucharistie, tn. ô et 22). Et si l’on objecte que le sacrement transforme le contrat, de même que par la consécration le pain et le vin cessent d'être objets purement profanes, il faut répondre que le mariage, s’il était un sacrement, ne tomberait sous la juridiction de l'Église que quoad usum, non point quoad esse, que, du reste, le sacrement ne créerait pas au profit de l'Église des droits exclusifs : le baptême soumet-il, en tout et pour tout, le baptisé à la puissance ecclésiastique ? (n. 23). La seule ]. relent ion raisonnable de l'Église porterait donejsur les effets surnaturels du mariage, s’il élait un sacrement.

Mais dans une seconde suite de disputes (n. 24-49), M. A. de Dominis reproduit, en somme, la théorie protestante. Le mariage n’est pas un sacrement : ou bien il faut admettre que tous les symboles sont des sacrements (n. 24). Il n’est pas signe d’une chose sacrée : les expressions de saint Paul ont été ma entendues (n. 26-32). Jésus-Christ ne l’a pas institué ni. 2â). Aucune promessede grâce n’y est attachée et il ne confère pas la grâce (n. 33-30). Tous les argument s en faveur de la doctrine sac rament aire sont vains : la tradition ecclésiastique et le raisonnement en fournissent une réfutation décisive (n. 42-49).

La doctrine svstématique contenue dans les premiers développements de M. A. de Dominis concordait avec celle que les gallicans étaient tout naturellement conduits a tirer de leur principe que la puissance donnée par Jésus-Christ à son Église est parement spirituelle et ne s'étend ni directement ni indirectement sur les choses temporelles, donc sur les contrats. 221 » 3

    1. MARIAGE##


MARIAGE. L’OPPOSITION DES RÉGALIENS

2264

Qu’une occasion se présentât de l’exploiter, il n'était pas douteux qu’on la saisirait volontiers. Or le mariage entre Gaston d’Orléans et la princesse de Lor raine vint à point pour cette entreprise. Gaston d’Or léans, frère de Louis XIII, avait épousé la lille du duc de Lorraine ennemi du roi de France ; celui-ci n’avait point donné son consentement au mariage et, pour détruire une union qui risquait de transporter sa couronne dans la famille de Lorraine, il Invoqua Ce refus, aux fins d’annulation du mariage, devant le Parlement de Paris qui lui lit droit par arrêt du â septembre 1634. E. Glasson, Le mariage de Gaston d’Orléans avec Marguerite de Lorraine, Paris, 189(1 : Basdevant, op. cit., p. 100-112. Cette affaire fut l’occasion de débats fort importants, au cours desquels se forma la théorie gallicane du mariage. Gaston d’Orléans déniait la compétence de l’autorité séculière. Et le roi consulta l’Assemblée du clergé, qui, après avis favorable des théologiens les plus réputés, l’approuva ; le rapport de l'évêque de Montpellier, s’appuya sur la distinction du contrat et du sacrement. Procès-verbaux des assemblées du clergé, t. ii, pièces justificatives, p. 157-103 ; Mémoires du cler<jé. t. v, p. 093-713.

Le pape Urbain VIII dénia au pouvoir civil le droit de toucher au sacrement et Richelieu fit de grands efforts pour l’apaiser : « Il y a cette différence entre le tribunal ecclésiastique et les cours de parlement, que le premier, dissolvant un mariage le déclare et prononce nul, ce qui va au sacrement, et les cours disent seulement non valablement contracté, ce qui ne touche que le contrat » : telle aurait été l’explication fournie au pape par les ministres du roi, si l’on s’en rapporte aux Mémoires de Richelieu, t. XXVI, collection Petitot, t. xxviii, p. 74.

La raison d'État qui inspira le roi ne fut point sans influence sur les polémistes, qui n’osèrent point soutenir la cause de Gaston d’Orléans. En revanche, nombreux sont ceux qui vinrent au secours du roi. Dans un langage précis, Hennequin, professeur en Sorbonne, exposa la distinction du contrat et du sacrement : Le Christ en instituant le sacrement de mariage n’a rien changé au contrat civil, qu’il a seulement imposé comme fondement nécessaire, trunco inseruit, principali annexait, materiali afjixit naturam et dignitatem sacramenti, de telle sorte que le contrat est demeuré ce qu’il était avant son élévation à la dignité de sacrement. L’autorité de Hennequin, dont Pierre Pithou dit qu’il tenait li.eu de toute la Sorbonne, assura le succès de son opinion qui se répandit immédiatement dans les ouvrages et fournit aux bacheliers une thèse brillante et provisoirement originale. Dès 1033, Jean Launoy développait, dans sa thèse de mineure ordinaire, cette proposition : Qui absolutam habent condendi leges potestatem possunt, speclata natura rei, inducere impedimenta malrimonii. M. Covillard, Le mariage considéré comme contrat civil dans l’histoire du droit français, Paris, 1899, p. 38 sq.

A partir de ce moment, les opinions développées par Dominis, puis par Hennequin et Launoy entrent dans le commun trésor des gallicans. Il serait utile de dresser une bibliographie complète des ouvrages où elles furent insérées, amplifiées, au milieu du xvii siècle, et dont les plus importants prirent pour prétexte le De cavendo schismate d’Optatus Gallus (Charles Hersent), Paris, 1040. Cf. Hersent, t. vi, col. 2312 sq., et Roskovâny, op. cit., t. ii, 1871, p. 475 sq.

Le débat avait pris un caractère pratique et très précis : il s’agissait de justifier les interventions du roi dans la réglementation des mariages. Un livre remarquable de Jean Launoy vint en quelque sorte couronner ce grand mouvement littéraire. Son titre est sans mystère : Regia in matrimonium potestas vel

J racial us de jure siccularium principum christianorum in sanciendi » impedimenits matrimonium dirimentibus. Paris, 1074, dans les (Jùivres complètes de Launoy. Cologne, 1731, t. i /), p. 025-882. L’ouvrage très savant et fort ennuyeux de Launoy est divisé en trois parties : un traité du droit des princes chrétiens d'établir et de sanctionner les empêchements dirimants au mariage, les preuves de l’exercice de ce droit par nos rois et par les princes de toutes les nations. Les opinions de Launoy sont encore exposées dans ses réponses à ses contradicteurs. Opéra omnia, lo> :. cit.. p. 883-1000 et 1005-1019. C’est principalement la première partie du Tractatus qui nous intéresse ici. Nous n’en connaissons, non plus que de l’ouvrage de Dominis, aucune analyse méthodique ; nous la résumoi^ d’après l'édition de 1074.

L’auteur allègue d’abord, p. 7-48, l’opinion d’environ 70 théologiens du Moyen Age et des temps modernes, groupés par universités, parmi lesquels 21 membres de la Compagnie de Jésus, 15 maîtres parisiens, 12 Italiens, 10 Espagnols. Ce recueil, malgré sa richesse, est loin de réunir tous les textes importants de la doctrine sur les droits de l'État et ceux qu’il allègue sont interprétés souvent de façon arbitraire. Les raisons des théologiens sont résumées avec bien des répétitions, sous sept chefs, p. 49-53. Elles peuvent être ainsi réduites : le mariage appartient à l’ordre naturel et à l’ordre civil autant qu'à l’ordre surnaturel. Il est un contrat comme la vente. En matière de contrats, le prince peut prendre toutes dispositions que requiert le bien public. Quatre raisons complémentaires sont tirées par Launoy des divers droits qui appartiennent aux princes en matière matrimoniale. Le témoignage des papes est invoqué, p. 07-77, les canons du concile de Trente sont discutés en plusieurs endroits : le c. 4, sur les empêchements dirimants aurait pu embarrasser Launoy, s’il ne l’avait rangé au nombre des prescriptions disciplinaires. Et, comme le concile n’a point été reçu en France, ses prescriptions disciplinaires ne s’y appliquent point. De plus, le mot Ecclesia, dans ce canon 4 signifie non point l’ordre sacerdotal, mais les souverains et princes temporels, membres de l'Église universelle. Vingt et un théologiens sont invoqués pour établir que jamais le droit des princes n’a été supprimé ou restreint, p. 91-100. Les arguments opposés à la thèse sont passés en revue : ceux tirés du Corpus juris canonici, ceux de Bellarmin, p. 143-150, de Canisius, p. 108-183. L’inconséquence des théologiens qui refusent aux princes modernes le droit de légiférer sur le mariage, tout en reconnaissant qu’ils le réglementaient au temps de l’Ancienne Loi, où il était déjà un sacrement, est soulignée avec force, p. 183-195. Par onze raisons, Launoy montre qu’il ne convient pas que l'Église retire aux princes leur pouvoir d'établir des empêchements dirimants, p. 202-208.

La thèse de Launoy reçut, dès l’année 1077, une consécration officielle. J. L’Huillier ayant soutenu en Sorbonne qu’on ne peut refuser à l'Église le pouvoir de dispenser des empêchements dirimants, pour reconnaître ce pouvoir aux princes, des explications furent demandées au syndic de la Faculté, Chamillard, qui avait donné son visa à cette thèse et aussi à l’auteur. L’avocat général Talon, dans ses conclusions, déclara la proposition de L’Huillier contraire aux principes de la séparation des deux puissances, que la tolérer, c’est reconnaître à l'Église le pouvoir de faire des lois civiles, alors que le pouvoir qu’elle exerce, en fait, dépend d’une concession, toujours révocable, de l’autorité royale, que les décisions du concile de Trente sur le mariage ne peuvent être matière de foi et n’ont d’ailleurs point été reçues en France.

Entre la théorie radicale de Launov et la doctrine MARIAGE. L’OPPOSITION DES RÉGALU NS

du contrat-sacrement, plusieurs ecclésiastiques cherchaient la solution moyenne. Elle fut proposée par Pierre iUMarca, archevêque de Paris, par Habert, évéque de Vabres, et avec plus d'éclat par Gerbals, Traité pacifique du pouvoir de l'Église et du princes sur npéchements du mariage, Paris, 1690. tuvrage de Gerbals est divisé en trois parties. La première combat le paralogisme grossier et honteux vie Launo). ear enfin voici comme il raisonne. Il y a quelque chose do civil dans le mariage dos chrétiens ; il importe quelquefois à la République de mettre des conditions et empêchements à ce mariage ; donc il n’appartient qu’aux princes et point à l'Église de mettre de semblables empêchements. Op. cit., p. 37. Le raisonnement absurde de Launoy exclurait aussi bien l’application du droit naturel que celle du droit ésiastique. Or le mariage a pour premier fondement un contrat de droit naturel, que le contrat civil suppose et perfectionne, pour devenir lui-même la matière du sacrement A l'Église de fixer les conditions requises pour recevoir le sacrement. A l’Etat de réglementer le contrat civil le plus digne de ses soins, le plus important pour la conservation de la lublique dont il est comme le séminaire >. Op. cit., p. 294. loi -t le sujet de la seconde partie, dirigée contre los ultramontains. Le prince, en réglementant le contrat, ne louche point au sacrement, pas plus qu’un enfant qui troublerait la pureté de l’eau dos fonts baptismaux ne toucherait à ce qu’il y a de sacré dans le baptême, ou un chirurgien qui coupe un liras a un prêtre, le rendant irrégulier, ne porte la vertu de s, » n art jusqu’aux ministères sacrés dont il fait r i’oxoroiee. Concilier le pouvoir de l'Église et celui de l'État : tel est le plan de la troisième partie, deux pouvoirn’ont-ils pas un objet différent ? uns distinctes* ! Et ces fins ne sont-elles pas bien accordées, - puisque le bien spirituel et le bien temporel résultent également des alliances légitimes et bien ordonnées. pour que l’ordre providentiel ne risque point d'être troublé par l’action des deux puissances, résolues d’ailleurs à faire droit a leurs remontrances réciproques 1 Cf. Covillard. op. cit.. p. 48-58 (exposé et critique de la thè Gerbais).

Ce compromis suggéré par Gerbais plut à de nombreux auteurs : par exemple, le Truite des empêchements au mariage, do.1. Boileau (?), Cologne, 1691, les Conférences ecclésiastiques de Paris sur le mariage. rédigées en 1603 par ordre du cardinal do Noailles, les Lois ecclésiastiques de Héricourt. I’aris, 1771, s’en inspirent. Mais une opinion plus radicale, encore suggérée par d’imprudentes tbéories des théologiens, fut présentée par I.éridant. dans son Examen de deux questions importantes sur le mariage, concernant la Puissance civile. 1753 Dès le début, Céridant expose 1res clairement sa thèse : Jésus-Christ n’a point métamorphosé le mariage. Il a maintenu le contrat, sans y rien changer, sans modifier les droits de la puissance civile. Mais il a ajouté au contrat le sacrement qui est conféré par la bénédiction nuptiale. Le contrat sera donc réglementé par l'État qui, seul, peut poser des empêchements dirimants puisque ces empêchements ne visent que le contrat. Quant à l'Église, elle jugera si les époux sont dignes de recevoir la bénédiction. Tel est son droit propre, Ces autres droits dont elle jouit actuellement résultent de concessions révocables du prince, t On confond mal à propos le mariage, avec le sacrement du mariage ou avec le sacrement que JésusChrist a établi dans son Église, pour bénir et sanctifier le mariage. Ce mariage existoil avant Jésus-Christ. Il est aussi ancien que le monde. Notre divin Législateur n’en a pas change la nature. Il a seulement établi dans son Lgiise un sacrement pour le sanctifier et

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pour répandre des grâces sur ceux qui se marient

t.. p. 2

l’ar une méthode tout opposée, i orrj aboutissait aux moines conséquences que Léridant dans ses Recherches sur le mariage, 1760. Le mariage est, pour Lorry, un acte indivisible : le contrat a été élevé a la

dignité de sacrement. mais le sacrement n’a pas absorbe le contrat, qui reste la pallie principale el substantielle. Or. par sa nature, le contrat est soumis a la loi dos princes, qui peuvent établir des empêche monts dirimants,

La séparation du contra', et (lu sacrement est d’ailleurs proposée non seulement par des partisans ou des polémistes, mais par les autours d’encyclopédies.

On la trouvera notamment au mot Mariage, dans le Dictionnaire de droit et de pratique do Ferrière, et dans la Collection de décisions de Denizart. Pothier, dans le

Contrat de mariage, c. iii, art. 1. repond aux i ar| monts frivoles des théologiens : i Il y a deux choses dans le mariage : le contrat civil entre l’homme et la femme qui le contractent et le sacrement qui est ajoute au contrat civil et auquel le contrat civil sert de sujet et de matière, i

Ainsi, toutes les doctrines régaliennes au sujet du mariage partent do la distinction du contrat et du sacrement, qui est conçue de bien des manières Les uns s’arrêtent a considérer la permanence du contrat. qui existail avant le christianisme et demeure inchange, donc soumis, comme jadis, au pouvoir réglementaire dos princes. D’autres admettent que le sacrement a pour base le contrat et n’en peut être sépare, mais qu’il no peut davantage en modifier la nature. Il on est qui séparent totalement le contrat et lo sacrement. le premier tirant sa force de la volonté des époux confirmée par la loi. lo second, de la bénédiction du prêtre. Enfin, la comparaison la plus populaire est celle d’Hennequin, cent fois reproduite : i N.-S. Jésus-Christ, en élevant le contrat civil enté (si le veut M. Gerbais) sur le contrai nature), à la dignité de sacrement de la nouvelle loi, n’a rien changé dans ce contrat comme civil, il a seulement impose, attaché, enté, comme sur un fondement nécessaire, comme sur un tronc, comme un accessoire au principal, la nature et la dignité de sacrement, en sorte que, depuis cet le élévation, le contrat civil est demeuré tel qu’il était auparavant. » Traité des empêchements au mariage, c. v, p. 79. Le but commun de tous ces ( ivilistes est donc de réserver la part du contrat, c’est a-dire de l'État.

Leur pensée commune, aussi, et qui los sépare profondément du laïcisme postérieur, c’est que le mariage est un sacrement et qu’a ce titre, l'Église ne saurait s’en désintéresser. Comment conciliaient-ils leur profession de catholicisme et leur opposition au canon 4 du concile de Trente, qui proclame le pouvoir de l'Église de fixer impedimeidn matrimonii dirimential Parfois par une exégèse sophistique appliquée au mot Église (Launoy), ou qui sous-entend (sacramenti) matrimonii (Gerbais), parfois par cette observation que le concile n’a pas été reçu en France (Talon), ou même que sa décision est nulle étant « une entreprise sur les droits de la puissance temporelle » (Léridant). Lt de même l’objection que l’on aurait pu tirer contre eux des premières ligues du décret

lametsi qui condamne ceux qui affirment la nullité du mariage contracté par un fils de famille sans le consentement de son père, est écartée grâce à des interprétations rusées : le concile ne vise que les protestants disait-on, ou bien : c’est une question purement disciplinaire.

Les droits du prince n'étaient pas défendus seulement par des jurisconsultes. Des canonistes les soutinrent, hors du cercle de la dispute régalienne. les

plus connus sont le janséniste Van Espen, Jus ecclesiasticum universum, Louvain, 1700, part. II, scet. i, tit. xiii, qui reconnaît au pouvoir civil le droit d'établir les empêchements dlrimants, et Oberhauser qui, dans plusieurs ouvrages, en 1703, 1770, 1771, 1777, défendit en cette matière le droit exclusif « les princes.

2. Les philosophes.

La critique des philosophes était plus libre et plus dangereuse encorequc celle des juristes, elle visait les caractères fondamentaux du mariage chrétien.

Les contempteurs de l’indissolubilité se plaçaient volontiers au xviii 8 siècle, sous le patronage de -Montaigne qui dans ses Essais, t. II, c. xv, écrit : « Nous avons pensé attacher plus ferme le nœud de nos mariages pour avoir osté tout moyen de les dissoudre ; mais d’autant s’est dépris et relâché le nœud de la volonté et de l’affection, que celuy de la contrainte s’est estroicy. Et, au rebours, ce qui tint les mariages à Rome si long temps en honneur et en seurté, fut la liberté de les rompre, qui voudroit. Ils aymoient mieux leurs femmes d’autant qu’il les pouvoient perdre… » Édit. Armaingaud, 1926, t. iv, p. 148 sq. Un passage non moins fameux de Charron peint l’intolérable misère d’un ménage mal assorti. De la sagesse, t. I, c. vi. Et Bodin, en sa République, t. I, c. iii, insinue le procès de l’indissolubilité. Dès la fin du xw siècle, nos livres de Pensées commencent donc à répandre le doute sur l’excellence du principe que les canons du concile de Trente avaient énergiquement maintenu en face de l’hérésie.

Ces morceaux isolés ne troublèrent point le sage xviie siècle. Au xviiie siècle, en revanche, presque toutes les philosophies sont liguées contre la doctrine catholique du mariage. Pour comprendre tout le sens de ce procès, il serait bon de caractériser les courants idéologiques qui précèdent et préparent la Révolution européenne : le rationalisme allemand, cf. von Brockdorff, Die deulsche Au/klàrungsphilosophie, Munich, 1926, les nouvelles écoles du droit naturel, cf. Arnold Gysin, Die Lehre vom Naturrecht bei Léonard Nelson und dus Naturrecht der Aufklarung, Berlin, 1924, et surtout l’Encyclopédie. Les conceptions du mariage au xviiie siècle pourraient faire le sujet d’une vaste enquête. Nous ne pouvons retenir ici qu’un tout petit nombre d'œuvres et d’idées essentielles.

La morale et la philosophie sociale de l'École du droit naturel, fondée par Grotius, ont été mises en système par Pufendorf, dans le De jure naturie, 1672 et dans le De ofjicio hominis et civis, 1673. Ces deux ouvrages ont été traduits en français par Jean Barbeyrac, sous les titres : Le droit de la nature et des gens (nous utilisons l'édition de Bâle, 1771) et Les devoirs de l’homme et du citoyen (nous utilisons l'édition d’Amsterdam, 1723). Le 1. VI du Droit de la nature s’ouvre par un long chapitre sur le mariage, t. ii, p. 183-232, qui est assez maigrement résumé dans Les devoirs de l’homme, t. II, c. ii, p. 293-302 et que l’on peut résumer ainsi : L’ordre de la société humaine demande manifestement que la propagation de l’espèce se fasse selon les lois du mariage ; il proscrit les actes contre nature, les conjonctions vagues et Iicentieuses, § 4 et 5. Il y a pour l’homme quelque obligation de vaquer à la propagation de son espèce, § 3, variable selon les lois positives, §6, et selon les cas ; le célibat n’est point blâmable « de ceux qui, aiant le don de continence, croient avec quelque fondement qu’en ne se mariant point ils rendront plus de service au genre humain ou à leur Patrie que s’ils vivaient dans l'État du Mariage : » mais il y a des cas où le mariage est obligatoire, § 7. L'État peut imposer le mariage à tous les citoyens en état de constituer une famille, mais non pas contraindre personne au célibat.

Les empêchements qu’il édicté ne doivent point faire injure à la liberté naturelle, § 8. Comment doivent se contracter les unions, quel est le fondement de l’autorité maritale, que la possession de la femme par le mari est la condition du mariage, tels sont les.sujets des § 9-14. La polygamie n’est poinl absolument contraire à la nature, mais le règlement le plus honnête, le plus avantageux et le plus propre à entretenir la paix dans les familles, ('est que chacun n’ait qu’une femme à la fois ». § 15-19. Jusqu’en cet endroit, Pufendorf semble confirmer souvent même répéter les scolastiques. On ne s’attend point à la persistance de l’accord sur le sujet de l’indissolubilité : l’adultère et la désertion malicieuse sont réputés justes causes de divorce, § 21, et aussi l’incompatibilité d’humeur, § 22 et 23 (où l’auteur discute le curieux Traité du divorce de Jean Milton). Quelques explications sur les empêchements, où Pufendorf traite de la pudeur naturelle assez longuement et sur les mariages de conscience terminent ! < chapitre.

La divergence avec la doctrine catholique apparaît, on le voit, sur le chapitre de l’indissolubilité, et si Pufendorf ne fait eu somme que soutenir la théorie protestante, le nouvel appui qu’il lui donne ajoutera beaucoup au crédit de cette théorie. Une histoire des fondements naturels de la doctrine théologique du mariage devrait tenir compte de la vive opposition que les philosophes modernes ont faite à cette doctrine au nom du droit de la nature. Barbeyrac renvoie avec raison au Traité du gouvernement civil de Locke, IIe partie, c. vii, § 10 sq., où les raisons pertinentes et très élevées que les scolastiques invoquaient pour justifier par le droit naturel l’indissolubilité sont repoussées. L'École du droit naturel elle-même devait en plus d’un endroit ébranler la morale traditionnelle. Thomasius n’a-t-il point quelque temps douté si la sodomie et la bestialité sont expressément exclues par le droit naturel ?

L'École du droit naturel étudie les besoins de l’homme plutôt que la Loi du Christ, mais elle n’exclut point Dieu de ses conseils. Plus détachés du christianisme, les philosophes français ont fait des conceptions traditionnelles une critique sans grand appareil, très dissolvante cependant, à cause de sa méthode et de ses procédés : ils observent d’un point de vue politique, comme un fait social, les religions et les croyances ; par des allégories, des exemples, ils détruisent dans l’esprit de leurs très nombreux lecteurs le respect des enseignements de l'Église. Avec les régaliens, plus audacieusement, ils dégagent le caractère humain, légal du mariage. « Le mariage, écrit Voltaire au Dictionnaire philosophique, au mot Mariage, est un contrat du droit des gens dont les catholiques romains ont fait un sacrement. Mais le sacrement et le contrat sont deux choses bien différentes : à l’un sont attachés les effets civils, à l’autre les grâces de l'Église. » Et ailleurs : « Le mariage peut donc subsister avec tous ses effets naturels et civils indépendamment de la cérémonie religieuse. » Dictionnaire philosophique, au mot* Droit canonique. Montesquieu au 1. XXIII de l’Esprit des Lois aura quelque peine à établir les frontières de la loi religieuse et de la loi civile. Dans le Prix de la justice et de l’humanité, Voltaire montrera moins de ménagements pour l'Église.

De la nature civile du mariage, les philosophes pouvaient déduire la légitimité du divorce ; mais ils s’arrêtent peu à cet argument de juriste. La raison ne suffit-elle point à montrer que l’amour qui cimente les mariages échappe à la’contrainte des lois, qu’obliger deux époux refroidis à demeurer ensemble, ou un mari déçu à vivre dans la continence, c’est contrarier la nature et blesser la justice'? L’un des plus célèbres plaidoyers pour le divorce est le Mémoire d’un Magis l H1 VGE, L’OPPOSITION DE

r II 1 1 OSOPH1 S

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trat écrit vers lan 17M, réimprimé au Dictionnaire philosophique, au mot Adultère, où Voltaire plaide pour le divorce, en Invoquant l'équité, l’histoire, l’exemple de tous les peuples excepté le peuple catholique romain. Le caractère barbare et cruel i de la loi d’Indissolubilité appelle une réforme qu’Helvétlus réclame dans son trait.- De l’esprit, section viii, et d’Holbach dans le Christiani : 1767), dans

la A/oro/t uninerse/ie (1776). Cf. P. Damas, Lea aines rfu dipore* <-/i France, Bordeaux, 1897, p. I Le principe monogamique donnait lieu à moins de l, but des philosophes ne sera point d’en poursuivre l’abolition, mais d’en montrer la r toute relative. Diderot, dans le Supplément au laini’ille. fera connaître sur ce chapitre des sauvages d’Otalti. reforme pratique, immédiate que suggèrent les philosophe-, c’est l’Institution du divorce. Los uns s’arrêtent a considérer la liberté naturelle de l’amour et que rien ne contribue plus à l’attachement mutuel que la faculté du divorce, comme dit le Persan Usbek a qui Montesquieu souille l’argument de Montaigne. ! tnn es, cxxvi. D’autres sauvegardent le

droit des enfants et ne rendent la liberté aux parents que quand ils ont élevé leur famille. La plus ancienne de toutes les sociétés et la seule naturelle est la famille, eerit Rousseau ; encore les enfants ne restent-ils lies au père qu’aussi longtemps qu’ils ont besoin de lui pour se conserver. Sitôt que ce besoin cesse, le lien naturel se dissout. Contrat social, éd. DreyfusBrissac, p. 11. Le mari doit demeurer avec sa femme jusqu'à ce que leurs enfants scient grands et en âge de subsister par eux-mêmes ou avec le bien qu’ils leur laissent… : quoique les besoins des enfants demandent que l’union conjugale de la femme et du mari dure encore plus longtemps que celle des autres animaux, il n’y a rien, ce nie semble, dans la nature et dans le but de cette union qui demande que le mari et la femme soient obligea de demeurer ensemble toute leur vie après avoir élevé leurs enfants et leur avoir laisse de quoi s’entretenir. » Encyclopédie au mot Mariage.

Les philosophes du xviiie siècle ont sécularisé la conception du mariage, ils ont accoutumé les esprits à rejeter les règles de la religion comme des limitations arbitraires et dures aux besoins et aux droits naturels de l’homme.

Une autre influence, moins connue que celle des philosophes, mais aussi active, préparait la transformation contemporaine des idées sur le mariage : les féministes, dont les idées n’avaient guère progressé depuis le milieu du xvr siècle, renouvellent, dans le dernier tiers du xvir. leur programme et leur méthode. Le cartésianisme inspire le féminisme rationnel de Poulain de la Barre, dont les ouvrages eurent une si grande diffusion, et presque toute la production féministe du xviir siècle, mi les préjugés vulgaires sont discutés. Essai sur l’histoire./es idées féministes en France, du XVIe siècle à la Révolution, dans Revue de synthèse historique. 1906, t. xiii. p. 25-57 ; '.19-106 (bibliographie) : 161-184.

3. La dé/ense catholique. — A toutes les attaques juristes, les théologiens opposent les erités dogmatiques. En outre, chacune de- œuvres régaliennes Ite des ripostes, dont on trouvera une liste partielle dans P.oskovanv, op. cit., |>. 178 sq. Les plus connues sont celles que provoqua le livre de Launoy. éslus, évëque de Rubo, publiai ! à Rome son. en in matrimonium potestas, et, en 1678,

paraissait In Librum Launoii… observationes, attribué à.lean L’Huillier, qui. en 1677, avait combattu dans sa thèse l’opinion de Launoy.

polémiques ne contiennent rien de

nouveau. Leur argumentation, comme celle de lad versalre, est prolixe, désordonnée. Galéslus, par exemple, ne commence guère la n futation de Launoy, sujel « le son ouvrage, qu’a partir du n. 1 12. i i tous ses développements peuvent se réduire a cette position fondamentale : le contrai de mariage tyanl été élevé a la dignité de sacrement par Jésus Cru il est désormais Impossible de séparer contrat et s. h n ment. Le mariage est res sacra et, à ce titre, tombi la juridiction exclusive de l'Église qui, pratiquement.

.1 exerce son pOUVOir en I ' le OTOil I Ivil. I <

seule question raimciit intéressante qui pi

posée « 'n cet endroit, on la formule sani pi Ine : en i u-e des régaliens, une doctrine ferme du contrai sacrement tend elle à se formel.' Quelles sont les opi

nions des théologiens sur les rapports normaux du

contrat et du sacrement !

Nous saxons déjà que les applications donnerenl Heu.. des divergences de vues. Mais il semble bien que, dès la Un du « evr siècle, beaucoup de th len

lient aperçu très nettement l’arbitraire et les risques d’une séparation radicale du contrai et du sacrement. , 1. -opinion commune et vraie, écrit Bellarmin, Ignore tout a l’ait celle distinction et ne mel poinl de différence entre le contrat du mariage chrétien, sa malien. sa tonne, son ministre, el le sacrement de mariage, sa matière, sa forme, son ministre : de sorte que ce qui sullit a la célébration de ce contrat suffit également a

la célébration du sacrement. > Controversiarum de sacr matr., lib. un., c. vii. édit. Vives, t. v, p. 57. Cf. .1. de la Servière. La théologie de Bellarmin, Pans. [909, p. 196 sq. El de Lugo précise : « Le Christ n a point voulu changer les conditions du contrai de mariage mais, tel quel, l'élever, de sorte que loul contrat valide entre baptisés fût, en même temps, un sacrement. » De jure et justitia, xxii, n. 392. lîcllar min pose, dans sa sixième controverse, les limites des deux juridictions : les causes purement civiles, dot, succession etc., sont abandonnées au juge séculier : les causes purement spirituelles, c’est-à-dire celles qui concernent le sacrement, sont réservées aux tribunaux ecclésiastiques. Quant aux causes mixtes, qu regardent les empêchements, le divorce. Bellarmin ne les^laisse au magistral séculier qu’en le subordonnant au juge d'Église qui pourrait les revendiquer pour lui seul aux ternies du c. 12 du concile de Trente et en invoquant l’inséparabilité du contrat et du sacrement que les affaires matrimoniales sont des affaires de conscience, que l'Église suivrait, si elle les Iranehail toutes l’exemple de Jésus-Christ. Chacun de ces fondements est bien assuré par Bellarmin. qui réfute Chemnitz avec sa précision ordinaire. Il montre la vanité de ce grief fait à l'Église d’avoir invente le sacrement pour juger les causes matrimoniales : ne suffit-il point que le mariage soit affaire de conscience pour que la compétence des tribunaux ecclésiastiques S’impose, comme en matière de change, de cens, d’usure'.' Bellarmin s’attache encore à préciser le rôle des papes et celui des empereurs dans la législation et la juridiction matrimoniale.

On le voit, les adversaires de l'Église rem enl

une résistance vive. Toutefois, il ne semble | t que

les théologiens, même à la veille des révolutions, aient eu le sentiment exact di enaçaienl

le mariage chrétien. Les traditions d'école ont eu pus de force que les avertissements des juristes el philosophes. Pour que la notion de contrai soil ramenée a sa iuste place, étroitement liée à la notion de sacrement, il faudra let, lr la ll "

du xvin si…

4 Les progrès de l'État. -- Les voles étalent depuis longtemps préparées aux révolutions non seulei par les écrits.les civilistes et des philosophes, mais 2271

    1. MARIAGE##


MARIAGE. LA SÉCULARISATION Dl MARIAGE

>i : i

par les empiétements progressifs « 1rs États sur le domaine longtemps réservé à la législation et aux tribunaux de l'Église.

Au milieu du wr siècle, voici quel était le partage entre les deux puissances : « l'Église réglait les conditions du lien matrimonial. A elle seule appartenait d’en décider législativement, d’en prononcer judiciairement la nullité ou la validité, et par suite de reconnaître OU de dénier le titre d'époux, de déclarer la qualité d’enfant légitime, comme aussi de statuer sur la rupture du lien et la liberté d’un nous eau mariage. Le pouvoir séculier n’avait d’autorité que sur les clïets, pécuniaires ou autres, du mariage : puissance maritale et paternelle ; régime des conventions matrimoniales ou douaire, entre époux ; successions, légitime entre les enfants et leurs auteurs ; parenté civile de tout le lignage, etc. C’est là ce qu’on appelait les effets civils du mariage, que l’autorité temporelle avait à régler et à juger. » Lefebvre, op. cit., p. 116.

La monarchie française ne contesta jamais brutalement les droits de l'Église, mais, par des moyens obliques, elle leur fit subir de grands dommages. C’est ici l’un des chapitres, et non le moindre, de la lutte sourde entre les deux puissances sous l’Ancien Régime. Les actes législatifs de nos rois relatifs au mariage sont assez peu nombreux. On les trouvera au Code matrimonial de Léridant, édit. de 1770. Aucun ne touche directement au lien. Simplement, ils édictent des peines. Ainsi, l’ordonnance de 1579 défend au curé de passer outre au mariage, s’il ne lui apparaît du consentement des père et mère, « sous peine d'être puni comme fauteur du crime de rapt. » Cf. Duguit, Élude historique sur le rapt de séduction, dans Nouvelle revue historique de droit, 1886, t. x, p. 587 sq. La nullité du mariage n’est point prononcée en cette ordonnance ni dans la Déclaration royale du 26 novembre 1639, qui se borne à priver d’effets civils le mariage des fils de famille contracté sans le consentement des parents, et trois autres cas ; le mariage de celui qui a été frappé de mort civile, le mariage secret et le mariage in extremis. Lefebvre, op. cit., p. 117-119. L'édit de 1697 ne fit que développer et organiser la répression des mariages contractés par les fils de famille à l’insu de leurs parents.

La jurisprudence, comme la doctrine, fut moins réservée que le législateur. Par un travail d’interprétation patient et tendancieux, nos jurisconsultes ont peu à peu restreint la compétence des officialités à certaines actions en nullité de mariage. Encore les officialités eurent-elles à subir la concurrence écrasante des Parlements, devant lesquels toute violation des règles du droit public français et des canons reçus en France pouvait être attaquée par la voie de l’appel comme d’abus. « Si l’on accuse un mariage de nullité pour avoir été célébré entre mineurs, sans publication de bans, sans consentement des parents, sans témoins, hors de la présence du curé, ou pour quelque autre raison : on appelle comme d’abus de la célébration du mariage et on demande qu’il soit déclaré avoir été mal, nullement et abusivement contracté ; parce que l’on sait que les juges laïcs prononceront plutôt ainsi que les juges ecclésiastiques. » Fleury, Institution au droit ecclésiastique, édit. de 1771, t. ii, p. 42 ; Esmein, op. cit., t. i, p. 35-45 ; Basdevant, op. cit., p. 134-159.

De sa compétence en matière matrimoniale le Parlement de Paris fit usage pour modifier le rôle du curé au mariage. D’après le décret Tameisi, le curé n’est qu’un témoin, et la Congrégation du Concile lui reconnaît ce simple rôle passif. Ce qui rendit possible, nous l’avons vii, les mariages de surprise, les mariages à la Gaulmine, où le prêtre est pris à témoin brusquement et parfois sans douceur, tandis qu’un notaire dresse acte régulier. Un arrêt du 12 août 1698 pro nonce que l’assistance active du prêtre est essentielle à la formation du mariage. Guy du Rousseaud de Lacombe, Recueil de jurisprudence, au mot Mariage.

L’Eglise résistait aux entreprises du pouvoir séculier. L’ordonnance deBlols(1579)fut interprétée par le pape Grégoire XIII et par l’Assemblée du clergé de 1585-86 comme statuant sur une question de validité du mariage, et, lorsqu’on 1629 le roi confirma l’art. 40 de cette ordonnance, le clergé refit sa protestation : toujours, le roi répondait qu’il » n’a entendu disposer du sacrement », mais régler les effets civils du contrat. Basdevant, op. cit., p. 64-70,

Les droits de l'Église sont donc théoriquement reconnus par le pouvoir séculier ; en fait, ils ont été sensiblement réduits et s’il n’y a guère trace de conflits sérieux, c’est que les progrès de l'État s’accomplissent sans violence, sous le couvert de principes canoniques et le prétexte de l’intérêt bien entendu des fidèles. Le dernier acte, seul, qui va commencer sous le pontificat de Pie VI, révélera toute l'étendue des pertes déjà consommées, l’urgence d’une coordination des doctrines théologiques et des définitions solennelles des droits de l'Église.

II. DEUXIÈME ÉTAPE : L' AFFERMISSEMENT ET L’UNIFICATION LE LA DOCTRINE DU MARIAGE. DEPUIS LE PONTIFICAT DE PIE VI JUSQU’A NOS

jours. — Dans le dernier quart du xvrne siècle, des événements décisifs vinrent clore l'ère des hésitations et des controverses théologiques : la sécularisation du mariage fut partiellement ou même totalement accomplie dans les principaux États de la chrétienté, avec cette justification officielle que le pouvoir séculier a seul compétence en toute réglementation des contrats. La papauté répondit à ces prétentions en définissant avec force la doctrine du contrat-sacrement indivisible. Et l’activité des théologiens prit pour objet la défense de cette doctrine et des principes fondamentaux du mariage chrétien.

Au cours de ces grands conflits politiques, une nouvelle et redoutable contradiction s'éleva, qu’inspiraient la science et les morales contemporaines. L’ethnologie et la critique des textes scripturaires, l'économie et l’eugénisme semblaient nouer de curieuses alliances pour ruiner la doctrine traditionnelle du mariage. Mais les sciences, aussi libéralement, fournissaient au catholicisme des défenses et des confirmations. Sur ce domaine encore, le débat continue.

En revanche, il est presque clos entre les théologiens. Les lettres pontificales ont dirimé la plupart des controverses. Et les efforts que l’on dépensait jadis en brillantes disputes trouvent aujourd’hui leur emploi dans l'œuvre de coordination, de consolidation des vérités définies et des règles de droit. Les commentaires des Encycliques et du Codex juris canonici ne présentent point de divergences graves, et bien rares sont les sujets abandonnés à l’hypothèse et à la libre discussion.

Les conflits entre la théologie et l’esprit moderne, dans le domaine du droit, la synthèse des vérités catholiques réalisée par les définitions pontificales et par la doctrine, la critique, par les savants, des enseignements traditionnels : tels sont les faits essentiels de l’histoire contemporaine du mariage.

1° La condamnation du mariage et la défense du conlrat-sacremsnt. — 1. La sécularisation du mariage : les faits. — Le mouvement de doctrine et de législation dont nous avons suivi les progrès depuis le xvi° siècle aboutit, entre 1781 et 1792, à la sécularisation du mariage dans de nombreux États jusqu’alors réputés très catholiques ou très chrétiens.

Quand Joseph II mit en pratique le programme du despotisme éclairé, ! 'un de ses soins fut de séculariser le mariage « objet principalement civil et accèsM m ; i ii, k. I SÊ( l LARISA riOIS Dl M TRIAGE

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ment religieux. comme « cri ! le vice.han.. tur Revue des Questions historiques, 1894, „u les édits de 1781 sur le droit des évêques d’accorder des dispenses de mariage sans recourir a Rome, du 16 janvier 1783 pour l’Autriche, du 28 septembre itsi pour les Pays-Bas, qui réservent à l’Etal tout ce qui concerne le contrat civil, aux tribunaux iers ! « jugement îles causes matrimoniale-, et con rent que le piètre qui bénit le mariage exerce me une fonction publique, la même reforme fut loscane par l.eopol.l II. en 1786. Cf. Bas… nt.. p. 162 sq. l.e lien entre le joséphisme, qui inaugurait, en somme, la sécularisation du mariage et les doctrines antérieure-, en particulier 11. cote du droit naturel, a été récemment le sujet de débats. dont le point de départ est le livre de G. llolzkneeht. orung und ilerkun/t der Re/ormideen Kaiser hs Il mit kirehl. Gt '. -t, l"l I. (du mariage, il question que très brièvement, in fine). Noir la bibliographie danSSgmûllcr, Lehrbuch des kathol. lènrtehh. Iedit.. Fribourg-en-B., 1925, p. w sq., note 2. et les intéressantes études régionales de … strussbur, ), T Theotogen im AulklûrungszeUatter Strasbourg, 1917, p. 140-1 II : Hubert. .pies de Liège et les édits de Joseph 11 matière ecclésiastique. Bruxelles, 1923. lai France, la campagne engagée par Turgot, Malesherbes et le Parlement de Parien vue d mettre aux protestants de contracter un mariage valide aboutit a ledit de novembre 1787 qui règle l'état civil des non-catholiques. Les parties pouvaient a leur choix contracter mariage devant le prêtre considère comme magistrat civil ou devant le juge royal. Dispenses et procès étaient de la compétence du pouvoir civil. V IV gard des religions dissidentes, la sécularisation du mariage était faite : le mariage valait. par la seule vertu.le lacté civil régulièrement accompli ; il était soumis uniquement a l’autorité séculière. . cit., p. 168 sq.. et les ouvrages déjà - sur l'état-civil des protestants. Kn soumettant a l'ÉUt le mariage des hérétiques, ledit portait atteinte aux droits de l'Église et rompait l’harmonie entre les deux puissances. On peut le considérer comme l’antécédent pratique de la sécularisation. Paoli, Étude sur rigines du mariage civil. 1890, p. 118. Celle-ci ne devait point larder à devenir générale.

Pendant les premiers mois de la Révolution fran.. l’opinion publique ne semble pas avoir été très préoccupée par la reforme du mariage. Les cahiers des -Généraux contiennent peu de chose sur ce sujet. En revanche, de nombreuses brochures et de nombreux articles de presse sont favorables au divorce. Olivier Martin, L'/ crise du mariage dans la législation intermédiaire, Paris, nul, p. 49-67. La Constituante occupa du mariage que dans les délibérations finales sur la Constitution de 1701, si Ton met à part la loi du 13 février ÎT'.'O qui abolit pour l’avenir tout l’eflet civil des vœux religieux. Le 12 juillet 1790, Talma. le comédien, a qui le curé de Saint-Sulpice refusait la publication d’un mariage projeté, en avait appelé a l’Assemblée, qui entendit un rapport de Durand de Maillane. le 17 mai 1791. Le 1 1 mai, elle avait été saisie d’une pétition du maire de Paris tendant a une organisation nouvelle des actes de l'état* civil, en vue de porter remède a l’extrême confusion qu’entraînaient pour la tenue des registres, la concurrence du clergé loyaliste et du cierge insermenté. Ces démarches provoquèrent des rapports, des projets et. finalement, le vote de la disposition suivante (27 août) qui fut insérée dans la Constitution des 3-14 septembre 1791. tit. ii, art. 7 : « La loi ne considère le mariage que comme contrat civil.. Archive » parlementaires, t. xxix, p. 746.

le principe de la sécularisation étall pose. L'œuvre capitale de la Législative mi d’organiser l'étal civil et le mariage conformément a ce principe, l.e -< ' septembre 17'.c_'. au dernier Jour de ses travaux, elle vota

deux lois : l’une sur le mode.le constater l'étal civil des Citoyens formule, dans -on litre i.une législation nouvelle et purement civile du mariage ; l’autre.la Mit i.i Faculté du divorce, qui résulte de la liberté individuelle i, du principe même du contrat. Ci//, , Won des lois.le Rondonneau, t. m. p. 853 sq. I a I ventlon prit quelques mesures pour faciliter le divorce. Sur toute cette législation révolutionnaire, cf. Desrorges, op. cit. ; Damas, op. cit., p. 103 121. Covillard, op. cit., p. 97-119 ; Basdevant, op. cit., p. '" : * 192 ; Lefebvre, op. ciL, p. 273-289 ; sur les résultats, cf. Martin, op. cit. ; Cruppl, Le divorce pendant la u « on (1792 1804), Paris, 1909 ; Mallet, L< diooræ durant la période du droit intermédiaire. Paris,

1899.

l.e caractère sacré du mariage et l’importance des cérémonies nuptiales ne turent cependant point niés par les hommes de la Révolution et ils en vinrent a

organiser, pour remplacer la liturgie catholique, toute une liturgie républicaine. Robespierre lit voler par la Convention un décret dont l’article 7 prévoyait une fête de l’Amour conjugal Un décret du 3 brumaire an IV institue une fête nationale des Kpoux, et la loi du 13 fructidor an VI, qui organise les fêtes décadaires, rend obligatoire la célébration du mariage le décadi. Cf. O..Martin, op. cit., p. 178-187.

Lorsque le premier consul eut entrepris la codification des lois civiles, les textes relatifs au mariage furent mis en discussion. La loi fut élaborée entre 1801 et 1803. Elle est devenue le titre V du Code Xapoléon. Basdevant, op. cit., p. 184 sq. ; R. Lemairc, Le mariage civil, Paris, 1901, p. 90 sq. Le mariage est régi en France par les articles 63-76 et 1 I l-£28 du Code civil, qui maintiennent la séparation du contrat civil et du sacrement et aussi le divorce. Ch. Daniel, Le mariage chrétien et le Code Napoléon, 1870 : Cardinal Gousset, Le Code civil commenté dans ses rapports avec la théologie morale, T édit., 1877 : Allègre, Le Code civil commenté dans ses rapports avec la théologie morale. 7° édit., 2 vol., Paris, 1899.

La conséquence logique du système révolutionnaire, c’est l’indépendance complète du contrat et du sacrement. Mais il arriva que le sacrement fut subordonné au contrat par les jurisconsultes qui, posant le principe que la réglementation des mariages appartient à l’Etat, refusent au prêtre le droit d’administrer le sacrement toutes les fois qu’on ne leur justifiera pas d’un mariage civilement contracté. Ainsi s’exprime Portalis, et telle fut la règle admise par le 5P article organique et reprise par les articles 199 et 200 du Code pénal. Le clergé constitutionnel était favorable à cette mesure. Mais Rome prolesta, craignant que les contractants ne se contentassent des formalités civiles ou ne crussent avoir acquis le droit de forcer le curé à célébrer le mariage religieux. Les articles 199 et 200 ont été défendus au nom des droits de l’Etat, de l’ordre social et même des intérêts de l'Église. Cf. Basdevant, op. cit., p. 212-229 Ils ont été cément attaqués par des jurisconsultes catholiques. Cf. R. Lemairc, op. cit., p. 119-135 ; Delassus, L’an tériorité des formalités civiles sur le sacrement dans le mariage, Lille, 1906.

Si le Code civil consacre les principes du mariage civil, l’esprit de ses rédacteurs est plus modéré que celui des hommes de la Révolution. Les délibérations très approfondies sur le divorce montrent.pie l’on n’entendit point en faire une conséquence de l’idée de contrat, mais un remède inévitable et administré par l'État. Le mariage et traité par les commissaires

comme une institution que la loi réglemente selon les opportunités. Lefebvre, op. cit., p. 292.

Aujourd’hui, le mariage civil est admis, et même seul admis, dans la plupart des États européens. Beaucoup ne reconnaissent comme valable que le mariage civil (France, Italie, Allemagne, Hou Tchéco-Slovaquie, Portugal, Suisse) ; l’Angleterre offre le choix entre la l’orme civile et la forme religieuse, en leur faisant produire les mêmes effets ; quelques U’gislations maintiennent la prééminence du mariage religieux, la forme civile n'étant, accessible qu’aux personnes de religion dissidente (fctats Scandinaves, Espagne) ; la Serbie et la Grèce ne connaissent, que le mariage religieux. Nous empruntons les éléments de ce tableau à A. Rouast, I.n famille, Paris, 1920 (t. n du Traité pratique de droit civil français publié sous la direction de Planiol et Ripert), p. 52 sq. On pourra consulter, en outre, Lehr, Le mariage, le divorce et la séparation de corps dans les principaux pays civilisés, Paris, 1899 ; Roguin, Traité de droit civil comparé, t. i. Le mariage, Paris, 1904 ; M. J. C. Rebora, La faznilia, Buenos-Ayres, 1926. Plusieurs législations ont récemment attiré l’attention spéciale des civilistes et des théologiens. La publication du nouveau Code allemand a suscité toute une littérature. V. Holweck, Das Civileherecht des bùrgerlichen Gesetzbuchs dargestellt im Lichte des canonise hen Eherechls, 1900, et Lehmkuhl, Das bùrgerliche Gesclzbuch des deutschen Reichs, 7e édit., 1911. La législation soviétique a fait l’objet de nombreuses études, cf. Léon Prouvost, Le Code bolchevik du mariage, Conflans, 1925 ; Th. Grentrup, Das Ehe und Familienideal in der sowjetischen Gesetzgebung Russlands, dans Théologie und Glaube, t. xvi, p. 116 ; J. Kiligrivov, Ehe und Ehescheidung in der Sowjetgesetzgebung, dans Stimmen der Zeit, juin 1926, p. 199 sq

Les conflits entre le droit canonique et les dispositions des droits séculiers retiennent souvent l’attention des canonistes et des civilistes. Voir, par exemple, un article de A. Bertola, // can. 1068 par. I del Codex juris canonicie una questione di diritto matrimonicle, dans Rivista di diritto civile, 1920, p. 223 sq. On a signalé certains accords récents, cf. A. Cavrois de Saternault, Le rapprochement des législations canonique et civile en matière de mariage, dans Revue trimestrielle de droit civil, 1921, p. 675-689. Mais ce titre ne doit point faire illusion : il s’agit de concordances sur des règlements, et qui sont imposées par des nécessités pratiques (lois sur le consentement des parents au mariage de leurs enfants, sur le mariage par procuration des militaires et des prisonniers de guerre, sur les publications et les formalités de la célébration du mariage, etc.). L’opposition entre les lois relatives au mariage civil et les principes de l'Église reste irréductible.

2. La sécularisation du mariage : les doctrines. — De nombreux travaux furent composés pour justifier le mouvement législatif de la fin du xviiie siècle.

En Italie, entre 1780 et 1790, paraissent des ouvrages favorables à l’intervention de l'État en matière matrimoniale et notamment, en 1784, la Tractatio de conjugiorum juribus de J.-B. Bono, professeur à Turin, et plusieurs curieux ouvrages anonymes. Cf. A. C. Jemolo, Slatoe Chiesa negli scrittori italiani del Seicento e del Settecento, p. 266 sq.

Dans les pays germaniques, les jurisconsultes joséphistes appliquaient au mariage le jus majestalicum. Une de leurs thèses favorites, c’est la séparation du contrat et du sacrement. Pehem, Riegger, Eybel en tirent des conséquences au point de vue des empêchements, des dispenses, de l’indissolubilité. Ad. Rôsch, Das Kirchenrecht im Zeitalter der Aufkiârung, dans Archiv fur katholisches Kirchenrecht, 1905, t. lxxxv, p. 29-37.

(/est à ce mouvement des juristes qu’il faut relier l’action des métaphysiciens du droit. Bien que les philosophes allemands du xviiie siècle aient moins efficacement que les Encyclopédistes contribué à la ruine de la puissance ecclésiastique, il est indéniable que leurs doctrines sur le mariage, ont créé de nouveaux embarras aux théologiens, suscité de nouv< écoles hostiles a la tradition. D’abord, ils ont beaucoup discuté le but du mariage. Les dissertations sur ce sujet sont nombreuses, depuis celle de Sam. Stryk, De fine matrimonii, 1708, jusqu'à celle de J.-B. Anthes, Vom Zweck der Ehe. 1771. Dans sa Métaphysique des mu uts, dont la première partie est consacrée à la théorie du droit (1797), Kant définit le mariage : L’union de deux personnes de sexe différent qui se concèdent i î droit réciproque sur leur corps pour la durée de la vie. §24. La procréation n’est point mentionnée comme but de cette union, contrairement à la définition traditionnelle et à celle donnée par la plupart des contemporains de Kant, en particulier G. Achemvall, dont il avait sous les yeux les Prolegomena juris naturalis. A. Linge, Das Eherechl Immanuel Kants, dans Kant-Studien, t. xxix, 1924, p. 248. L'éducation des enfants peut bien être un but proposé par la nature, mais le mariage est parfaitement valide sans que les parties aient l’intention de procréer. Les époux acquièrent l’un sur l’autre un droit personnel-réel, chacun possède son conjoint comme une chose et en doit user comme d’une personne : le principe de liberté serait ruiné si une personne était possédée comme personne ou si l’on en usait comme d’une chose. § 26. Cf. Emge, loc. cit., p. 265-272. Sur la place de la théorie du mariage dans la philosophie pratique du criticisme, voir l’exposé très clair de B. Bauch, Immanuel Kant. Berlin, 1917, p. 359 sq.

Ce qui semble avoir surtout frappé les contemporains de Kant, c’est la liberté qu’autorise sa notion du contrat. Mais la réaction entreprise par Hegel, aboutit à une autre extrémité : la négation du contrat. Kant exaltait la liberté individuelle, Hegel voit dans le mariage l'évanouissement de la personnalité, la confusion des deux parties. Et comme le mariage se définit par cette confusion même, on y chercherait vainement l’objet et les sujets d’un contrat. Voir notamment Grundlehre der Philosophie des Rechts, § 161-164, et sur la place de cette théorie dans les controverses en Allemagne, J. Hartmann, De contraciu matrimoniali, Bonn, 1871, p. 56 sq.

En P’rance, le passage des théories régaliennes à la théorie du mariage civil s'était opérée presque insensiblement. On peut le saisir, par exemple, dans le rapport présenté par Durand de Maillane à l’Assemblée constituante, le 17 mai 1791. Arch. parlem., t. xxvi, p. 166-187. Comme Gerbais et Léridant, il invoque la distinction du contrat et du sacrement, la coexistence de deux mariages : l’un civil, l’autre religieux, indépendants l’un de l’autre. Tous les citoyens sont astreints, pour le bon ordre de l'état-civil, à passer devant les officiers municipaux le contrat, dont la nécessité n’a jamais été niée par l'Église. Durand ne conteste point que les modifications imposées par l’Assemblée au contrat seraient autant de réformes ecclésiastiques : mais la nation n’a-t-elle point le droit de se rendre libre et heureuse ? La puissance séculière ne peut-elle régler le contrat de mariage, comme le montre saint Thomas ? Elle le doit, pour assurer l'état-civil de tous les citoyens, sans distinction de croyances religieuses.

Cette doctrine fut reprise par Muraire, dans son rapport à la séance du 14 février 1792. Mais, tandis que nos anciens auteurs regardaient le contrat comme le préliminaire du sacrement, la séparation radicale du contrat et du sacrement était proclamée par Muraire, M U, l

DÉFINITIONS ET COND IMNATIONS PONTI1 ICAL1 2278

m non. de la liberté de conscience et des cultes. La titution appelle le mariage un contrai dvj et daprès ce texte que je raisonne. Ses bases tiennent uniquement au droit civil et naturel et.1 faut bien se garder de confondre le contrat et le sacrement U mariage nest donc qu’un contrat civil ; et st un contrat, c’est à la puissance séculière ù en r les formes. Monittur universel du 1° février l a roniu.lv de Mura.rc est colle du mariage anciens gallicans donnaient pour matière au nent le contrat, les replions les plus hardis raiut du contrat un préliminaire du sacrement : avec les pl.iloM.plu-. Kdéputés de la Législative en viennent.. Ignorer le sacrement : le mariage n est qu un

S voir dans le mariage qu’un contrat civil, Celait a admettre la dissolubilité : Le divorce est une conséquence logique de la théorie qui considère e mariage comme contrai civil… Étant un contrat, le mariage peut se dissoudre. Ce que la volonté a crée. la volonté peut le détruire. P. Sagnac, La législation civiU.lt la Révolution, Paris, 1898. p. 284. Ces mots résument les discours prononces au cours de la discussion de la loi de 1792. Les idées libérales ont produit en 1792, leurs naturelles conséquences.

là Justification « les principes révolutionnaires lut proposée, en dehors des Assemblées, par divers auteurs, notamment Agier, Du mariage dans ses rapports avec l, i religion et les lois nouvelles de la France, 1801. Les brochures >ur le divorce sont analysées par O. Martin.

op. cil-, …

m seulement, les gouvernements et leurs légistes

^insurgeaient contre la tradition, mais l’anarchie lit l'Église. Joseph II y avait trouve des eo.n. In Italie, l'évéque de Pistoie, Scipion de Ricci, professe les idées régaliennes. Le synode diocésain de Pistoie, en 1786, prie le grand-duc Léopold de décider d’autorité sur tout ce qui concerne le contrat de niarime et les empêchements. De Porter, Vie de Scipion , te~ Ricci. Bruxelles, 1825, t. ii, p. 117-123. Sur la pénétration en Franc* des idées de Hicei. cl. N. Rodolico, Gli amicie i tempi di Scipion, - dei Ricci, 1 lorence, 1920 p 110. Dans le royaume de Naples, en 1788, le considérant que les causes matrimoniales sont de sa compétence, fait Juger en appel la fameuse affaire Maddaloni, par l'évéque de Motula, délégué royal, dont l’archevêque de Naples entérina la sentence Les métropolitains de l’Empire germanique taisaient, a Enis, bon marché du droit de dispense du Samt-Siege (1789). En France, le clergé constitutionnel malgré quelques résistances vite réprimées par l'ÉUt en 17'.'2. P. de la Gorce. Histoire religieuse de ha Révolution française, t. iii, 1919, p. 34 sq. ( accepta et parfois encouragea les reformes matrimoniales. Le Concile national du 21 novembre 1797 reconnaît le droit exclusif de l'État de régler la forme et les conditions du mariage. L'Église gallicane, dit l’article 1° <lu décret sur le mariage, ne reconnaît pour mariages nues que ceux qui ont été contractés suivant les b.is civiles. Journal du Concile, p. 162-164.

J L. s définitions et les condamnations pontificales. — Ce mouvement de législation et d’opinion décida la papauté a intervenir. Autant elle s'était montrée indulgente pour les controversistes, dans : e temp querelles spéculatives, autant elle se montra ferme contre les États novateurs, sa grande activité date . :, virons de l’année 17.su. et n a cessé de se développer jusqu'à nos jours.

La résistance aux entreprise, de Joseph II lut une des grandes préoccupations de Pie VI. Dans l’affaire des dispenses, l'épiscopal de l’Empire avait réserve les droits de la papauté. Mais l’archevêque de Trêves, donl l’exemple devait être suivi par les évoques I

demanda la faculté générale de dispenser, ce qui fut

pour Pie vi l’occasion de réfuter les prétentions de l’empereur et de rappeler que l'Église seule a le pouvoir de i.ver.les empêchements dirimants. Rosko X, I11N. t, . p 169, mon. 67. Quelques mois pins tard, dans les conversations de Vienne, il renouvela ses déclarations, Ibid., p. 173, mon. 69. n devall encore les amplifier dans sa lettre du r I 78" a

chevêque de Cologne, ibid., p. 259, mon. 90, et dans sa répons, - du il novembre ans métropolitains de l’Empire. Ibid., p. 268, mon. 91. Dans une lettre du il juillet 1789, il précisait la nature du contrat de

mariage.

l a juridiction de l'Église en matière matrimoniale Pie ' 1 la défendit dans l’affaire de Naples. ibid., p ht mon. 134-136. Et les cireurs du synode de Pistoie sur les droits de l'Étal turent condamnées dans la célèbre bulle Auctorem fidei, du 28 avril 1794, ibid., p ni mon. 133, et Denzinger-Bannwart, Enchiridion ii, 1558-1560. Enfin en 1791 et 1793, Il donna au clergé français les instructions que rendait urgentes la législation révolutionnaire. Roskovâny, t. r, p. 133, mon. 138., .

Défendre la compétence des juridictions ecclésiastiques tel lut le but de plusieurs lettres des papes dans la première moitié du xix » siècle, principalement de Pie VII Ibid., p. 154, mon. 141-144. L’instruction au nome en Pologne résume la condition du mariage chrétien. Ibid., p. 170. mon. l 15. Léon XII, Pie III, Grégoire XVI rappelèrent aussi, à maintes reprises, les droits de l'Église Ibid., mon. 151, 152, 154, 160, 161,

163.

Jusqu’alors, les papes oui combattu les conséquences des doctrines subversives du mariage chrétien Pie IX porta la condamnation au centre même des erreurs modernes. Dans sa lettre Ad apostoliCK, du 22 août 1851, qui condamne les opinions de.1. Nuytz, et dans son allocution du 27 septembre 1852, il s'élève contre la distinction du contrat et du.sacrement, ibid., p 545 et 5 17, mon. 176 et 178. Le Syllabus. § 8, n. 6571 énumère toutes les erreurs modernes relatives au mariage ibid., p. 555, mon. 187. Pendant tout le pontificat de Pie IX, la lutte fut vive dans les Ltats italiens, autour des projets de lois sur le mariage. Le pape intervint à plusieurs reprises.

Toute la doctrine du mariage chrétien a été mise en lumière par Léon XIII qui, depuis l’année de son avènement (encyclique Inscrutubili du 21 avril 1878), jusqu'à ses derniers jours, a maintenu les principes traditionnels dans une société où le divorce devient le droit commun. Le plus important de ces documents pontificaux est l’encyclique Arcanum du 10 février

1880.

t contre le modernisme dont les idées suri institution du mariage offensaient la doctrine traditionnelle que Pie X a particulièrement dirigé ses condamnations. Décret Lamentabili, du 4 juillet 1907,

"'l-'n même temps que la papauté, l'épiscopal.les diverses nations soutenait dans des conciles, dans des

lettres la doctrine traditionnelle de l'Église. On I

vera la plupart des textes intéressants.1 in le recueil de Roskovâny. Nous ne pouvons analyser ici masse considérable de documents ni m déci dons des Congrégations romaines. Pour la pét antérieure aux -landes définitions pontifie sont particulièrement dignes d'étude. Ainsi, dan affaires du joséphisme, les lettres des archevêqu Vienne et de Malin.-.i pleines d’en »

les décisions des synodes provinciaux et dlo, esail.s

, ., , France, pendant les années 1849-1851, marquent

une date danl’histoire de la lutte contre la sation du maria n :)

    1. MARIAGE##


MARIAGE, DÉFINITIONS ET CONDAMNATIONS PONTIFIl.LES

2280

Deux idées principales inspirent tous les documents pontificaux que nous devons examiner : l’identité du contrai et du sacrement de mariage et, conséquence nécessaire, le pouvoir exclusif de l'Église en tout ce qui concerne le lien conjugal.

Bien que le premier soin de l'Église, à l'époque de la sécularisât ion, ait été de défendre et de justifier des droits acquis, le centre du débat, c’est-à-dire la nature du contrat et son lien avec le sacrement, n’a pas été perdu de vue. Dans une lettre du Il juillet 1789, Pie VI rappelait que le mariage ne peut être réduit à la condition d’un contrat purement civil.

Les définitions les plus précises et qui ont eu la plus large diffusion, c’est Pie IX qui les a posées. En 1851, il condamne cette erreur de J. N. Nuytz :

Matrimonii sacramentum I.e sacrement de mariage

non esse nisi quid contrætui n’est qu’un accessoire du

accessorium al> eoque sepacontrat, dont on peut le

ràbfle, ipsumque sacramenséparer, et il réside dans la

tum in una tantum nupbénédiction nuptiale, tiali benedictione situm esse.

Le 19 septembre 1852, il écrit au roi de Sardaigne : « C’est un dogme de foi que le mariage a été élevé par Notre-Seigneur Jésus-Christ à la dignité de sacrements et la doctrine de l'Église est que le sacrement ne consiste point en une qualité accidentelle ajoutée au contrat, mais appartient à l’essence même du mariage ; de telle sorte que l’union conjugale, chez les chrétiens, n’est légitime que dans le sacrement, hors duquel il n’y a que concubinage. »

Même notion dans l’allocution Acerbissimum vobiscum, du 27 septembre 1852, où Pie IX s'élève contre la législation religieuse de la Nouvelle-Grenade (Colombie) :

Inter fidèles matrimonium Entre fidèles il ne peut y

dari non pesse quin uno avoir de mariage qui ne soit

eodemque tempore sit sæn même temps sacrement,

cramentum, atque ideirco et dès lors entre chrétiens

quamlibct aliam inter christoute autre union de l’hom tianos viri et mulieris prame et de la femme en dehors

ter sacramentum conjun : - de l’union sacramentelle,

tionem, cujuscumque etiam même contractée en vertu de

civilis legis vi factam nihil la loi civile, n’est autre chose

aliud esse nisi turpem atque qu’un honteux et pernicieux

exitialem concubinatum ab concubinage, absolument

Ecclesia tantopere damnacondamné par l'Église. En

tum ; ac proinde a conjugali conséquence, le sacrement ne

fœdere sacramentum sepapeut jamais être séparé du

rari nunquam posse et omcontrat matrimonial, et c’est

nino spectare ad Ecclesiam a l'Église seule qu’appartient

potestatem ca omnia decerle pouvoir de régler tout ce

nere qu ; e ad idem matrimoqui, d’une manière ou de

nium quovis modo possunt l’autre, peut toucher au ma pertinere. Denz-B., n. 1610. riage.

Le Syllabus, n. 66, condamne cette proposition :

Matrimonii sacramentum Le sacrement de mariage

non est nisi quid contrætui n’est autre chose qu’un ac accessorium ab eoque sepacessoire du contrat, qui peut

rabile, ipsumque sacramenen être séparé, et 13 sacre tum in una tantum nuptiali ment lui-même consiste ex benedictione situm est. Denclusivement en la bénédic zinger, n. 1766. tion nuptiale.

Cette notion de l’indivisibilité du contrat-sacrement, nul ne l’a affirmée avec plus de constance que Léon XIII. Peu de semaines après son élévation au trône pontifical, le 21 avril 1878, dans l’encyclique Inscrutabili, il déplorait les maux qui affligent les sociétés modernes et il en voyait l’une des sources dans la séparation du contrat et du sacrement de mariage. Jésus-Christ a élevé le mariage à la dignité de sacrement, les lois du siècle le réduisent à la condition d’un pur contrat civil : d’où la ruine de la société conjugale, Acta Leonis XIII, t. 1, p. 54 sq. Le 28 décembre de la même année, dans l’encyclique contre le socialisme, il rappelle que le mariage est, de droit

naturel, indissoluble et qu’il a été élevé par.JésuChrist à la dignité de sacrement. Ibid., p. 178. La doctrine du contrat-sacrement est plus rigoureusement et plus directement enseignée dans la lettre Ci siamo, ad nsséc le 1° juin 1879 aux archevêques et évêques des provinces ecclésiastiques de Turin, Verceil et Gênes : (/est méconnaître les principes fondamentaux du christianisme et, nous ajouterons, les notions élémentaires du droit naturel que d’affirmer que le mariage est une création de l'État et rien de plus qu’un contrat vulgaire, une association de pur intérêt civil. » Or, c’est Dieu qui a institué le mariage et Jésus-Christ lui a donné le caractère sacramentel. Les modernes présentent comme un progrès la dissociation du contrat et du sacrement, les affaires qui regardent le contrat étant réservées à l'État, tandis que l’intervention de l'Église se bornerait à une bénédiction rituelle. Il est certain que la conscience des catholiques sincères ne peut accueillir cette doctrine comme base d’une législation chrétienne sur le mariage, pour la raison qu’elle se fonde sur une erreur dogmatique plusieurs fois condamnée par l'Église, et qui réduit le sacrement à une cérémonie extrinsèque et à la condition d’un simple rite. Cette doctrine détruit le concept essentiel du mariage chrétien, suivant lequel le lien conjugal sanctifié par la religion s’identifie avec le sacrement et constitue inséparablement avec lui un seul objet et une seule réalité (e costituisce inseparabilmenle con esso un solo soggettoe una sola realità). Enlever au mariage son caractère sacré, dans une société chrétienne, c’est le dégrader et mépriser les intérêts religieux des fidèles. L’expérience montre les fruits très amers d’une telle entreprise. Ibid., p. 236 sq.

L’encyclique Arcanum condamne avec éclat la distinction proposée par les régaliens : « Qu’on ne se laisse pas émouvoir par la fameuse distinction si prônée par les régaliens, qui distingue entre le contrat nuptial et le sacrement, avec l’intention de livrer, réserve faite des droits de l'Église sur le sacrement, le contrat matrimonial au pouvoir et à l’arbitraire des chefs de l'État. Cette distinction ou, pour mieux dire, cet écartèlement (disiinctio, seu vertus distractio) ne peut être acceptée, étant prouvé que, dans le mariage chrétien., le contrat n’est pas séparable du sacrement et que dès lors il ne peut y avoir vrai et légitime contrat qui ne soit par là même sacrement. Car le Christ a élevé le mariage à la dignité de sacrement, et le mariage c’est le contrat, pourvu que ce contrat soit fait régulièrement. Il apparaît donc que tout mariage légitime qustum) entre chrétiens est sacrement en soi et par soi ; rien ne s'écarte davantage de la vérité que l’idée que le sacrement est un quelconque ornement ajouté (au contrat), ou une qualité venue de l’extérieur (proprielalem illapsam extrinsecus) que l’on pourrait disjoindre et détacher du contrat, au bon plaisir des hommes. > Denzinger, n. 1854. Le 8 février 1893, le pape écrit encore à l'évêque de Vérone : « C’est un dogme que le mariage a été élevé par JésusChrist à la dignité de sacrement, et cette dignité n’est pas une qualité accidentelle ajoutée au contrat de mariage, mais elle tient à son essence la plus profonde, étant donné que c’est le contrat lui-même qui, par institution divine, est devenu sacrement. » Acta, t. xiii, p. 38. La même doctrine est rappelée dans l’allocution consistoriale du 18 mars 1895. Acta, t. xv, p. 73 sq. ; dans une encyclique du 16 août 1898 adressée aux évêques péruviens, t. xviii, p. 140 sq. ; dans l’allocution consistoriale du 16 décembre 1901, t. xxi, p. 185 sq. ; dans une lettre aux évêques de l’Equateur du 24 décembre 1902, t. xxii, p. 261 : « Puisque Jésus-Christ a élevé le mariage chrétien à la dignité de sacrement, tout mariage entre chrétiens MARIAGE, Kl l I rATION DES DO( fRINES RI GALI1 NNES

2281

<tn un sacrement, et l’idée de contrai ne peut en aucune façon être séparée de l’idée de sacrement.

Pire que tout contrai de mariage entre chrétiens Ht un sacrement, c’est réserver la compétence de

Ko pour iv nui concerne le lien. Les papes n ont d’affirmer cette conséquence inévitable de la ri ne du contrat-sacrement. Pie VI condamnant les erreurs « lu synode de i s loie. réserve a l'Église le droit propre de poser des empêchements dlrimants. Après l’affaire de Naples rappelle que, purement spirituelles, les causes matrimoniales relèvent de la compétence exclusive du juge ecclésiastique : la lettre à l'évêque de Motula est particulièrement intéressante, car elle rejette les interprétations restrictive, que proposaient les régaliens du c. 12. De re/orm. matrim., Roskovàny, t. i. mon. 133, 135 et surtout 136.

1 a plutôt défendu les droits de 1 Eglise qu il M les a définis. Voir dans ses Acte, part. 1. t i. Î0(10 juin 1851V p 285 (22 août 1851), p. 393 ept. 1852) : t….. p. 211 (17 déc. 1860) ; t. < juin 1868). Les définitions, les démonstr. : (ions, c’est Léon Mil qui les a multipliées, avec une rigueur de termes et une finesse qui excluent toute difficulté d’interprétation.

Tout d’abord, Léon XIII défend l’Eglise contre le reproche qui lui est fait d’entreprendre sur les droits de l'État. Nul ne conteste à l'Étal ce rôle qui peut lui appartenir d’accorder temporeUement le mariage au bien commun et d’en régler selon la justi< effets civils. Lettre Ci siamo, Acta, t… p. 239. est toute disposée a la conciliation pourvu que "restent saufs ses droits imprescriptibles : Jamais elle n’a légiféré sur le mariage, sans prendre garde a l'état de la société, à la condition des peuples ; plus dune fois elle a adouci elle-même ses lois dans la mesure du possible quand il y avait, pour ce faire, des motifs justes et importants. De même elle n’ignore pl s elle ne disconvient pas que le sacrement de mariage étant ordonne à la conservation et à l’accroissement de la société humaine a forcement des rapports plus ou moins étroits avec les intérêts humains, rapports qui dérivent du mariage, mais demeurent dans le domaine civil, sur quoi légifèrent, dontconnaisse.it les chefs de l'État. Arcanum, Acta, t. n. p. 31. Pour ce qui regarde les effets civils du mariage, la compétence de l'ÉUt est indéniable. Acta, t. an, p. 38 ; t xvin. p. 142 : t. xxi. p. 186, t. xxii. p. 261. Mais le mariage lui-même, il matrimonio in se slesso, ipsum christianorum matrimonium, c’est à l'Église seule d y

pourvoir., ,

justifications de cette réserve expresse et totale sont nombreuses. Le droit divin et le droit naturel ions l’empire desquels le lien du mariage est place autorisent, commandent la sauvegarde de l’Eglise. Le mariage a été institué par Dieu, et il y a en lui quelque chose de sacré et de religieux qui suffirait à le soustraire aux règlements de la puissance séculière :.Le mariage donc étant en soi. de sa nature. chose sacrée, il e.t logique qu’il soii réglé ei organisé non par le pouvoir du prince, mais par la divine autorité de i aie compétente en fait de choses sacrées, i Arconnm, Acta, t. n. p. 23. Puisque ce contrat, naturellement saint, a été élevé par Jésus-Christ a la dignité de sacrement, comment les gouvernements séculiers auraient-ils la prétention d’y intervenir ? Ibid. Pourraient-ils invoquer l’histoire à l’appui de leurs prétentions ? Certes non. car elle confirme doublement le pouvoir législatif et judiciaire de l’Eglise en matière matrimoniale. D’abord, par l’argument de la prescription, puisqu’elle montre l'Église légiférant sur le mariage au temps même des empereurs païens. ibid., puis par la bienfaisance sociale de cette acti vité aussi évidente que la malfalsance des empiète ments de l'État. Ibid., p. 26 ; t. vi, p. 153 ; t. « ii,

p. 262,

Il faut donc admettre comme justifié par le droil naturel et le droit divin, la logique et l’expérience

des siècles, le pouvoir exclusif de l'Église de statuer sur la tonnai ion et sur les effets non civils du lien de

mariage. L'Étal ne peut fixer des empêchements, Ireamun, Acte, t. a, p. 24, ni arrêter les formes du mariage, t. xv. p. 73. ni subordonner le mariage rell gieux à l’accomplissement du mariage civil, t. nn,

n 38 ni autoriser le divorce, dont les effets désastreux devraient l'épouvanter, ni tranche, les procès relatifs au lien. Acfa, t. xiii. p. 143 ; t. xxii, p. 2(

i i.a réfutation méthodique des théories régaliennes.

Dans le temps même OÙ les papes définissaient la doctrine, les théologiens procédaient à une réfuta I

méthodique des theones régaliennes. Tous les grands

ouvrages de théologie et spécialement les traites du mariage, au xixsiècle, contiennent de longues justiBcationi de la doctrine du contrai sacre. lient.

1 ^ traites généraux qui ont eu le plus grand crédit au xixsiècle sont ceux de.1. Carrière. De malrimonio, 2 vol Paris. 1837 : A. de Roskovàny, De matrimoniis in Ecclesia catholica. 2 vol., Agram, 1837 ; Martin. De mairimoni » et pofestale ipsum dirimendi Ecclesia soli propria. Lvon-Paris, 1844 ; J. Perrone, De matrimonio christiuho, 3 vol. Home. 1858 ; Palmier !, De matrimonio chiistiano, Rome, 1880 ; M. Rosset, De sacramento matrimonii, 6 v< l. Rome, 1895-90. On peut mentionner encore Lvonn ?t, De matrimonio, Lyon 1837 : Schulte, Han<it>ncli des katholischen Eherechts, 1855 ; J. R. Kutschnei / - Eherecht der kath Kirche nach seiner Théorie und i rox « s, 5 vol., Vienne, 1856-57 ; Iloroy, Traité du mariage, 1886 ; I aurin Introductio in jus matrimoniale, 1895. Innombrables sont les monographies, où l’on peut distinguer deux catégories : les écrits polémiques, les études suides chapitres détachés.

Chacun des conflits entre l'Église et l’Etal au sujet du mariage a provoqué une abondante floraison de démonstrations, de rispostes et de libelles. Il serait intéressant d'écrire l’histoire littéraire des diverses crises Entre 1780 et 1810, les apologistes déployèrent une remarquable activité contre le joséphisme et les doctrines de la Révolution. Cf. Roskovàny, op. cit., t n p 502 sq., 513 sq., 524 sq., et les notices de Hurler. Inséparabilité du contrat et du sacrement, droit exclusif de l'Église d'établir des empêchements dirimants, indissolubilité du mariage, compétence des juridictions ecclésiastiques, légitimité des dispenses pontificales : tels sont les principes affirmés dandes dizaines de livres et d’opuscules. Tantôt l’ensemble de la doctrine est exposé, tantôt la polémique porte sur une thèse récente. A chaque publication anticatholique répondent plusieurs défenseurs de I Eglise. Bonelli attaque le synode de Pistoie, Duvivier réfute d’Outrepont, Barruel riposte à Durand de Maillane et Berthelot a Tabaraud. L’une des meilleures défenses du droit de l'Église est le Trattalo del matrimonio du cardinal Cerdil, Rome, 1803. Des monographies d allure plus sereine ont été consacrées à tous les chapitres du mariage : à ceux que nous avons indiqués cl encore à la matière et à la forme, aux mariages mixtes, au mariage des infidèles. Nous citerons temps utile ces travaux.

Les théologiens cal holiques ne se sont pas contentes de défendre, a l’aide des arguments traditionnels, la notion du sacrement. Us discutent chacun des arguments avancés par les partisans du mariage civil ; voir, par exemple, Perrone, 1. 1, p. 333-341. Passante l’offensive, ils s’efforcent de leur montrer que la notion du mariage civil est contraire a toute sagesse

h au bien social. L’indissolubilité, l’unité sont les conditions de la famille et de l’ordre, et ce sont les caractères du mariage chrétien, non point « l’un simple pacte conclu sous l’empire de préoccupations souvenl vulgaires ei qu’aucune pensée religieuse ne fortifierait. Tout pacte, d’ailleurs, est par nature résoluble et l’exécution loyale en dépend de la bonne foi des parties : seule, la religion peut garantir la stabilité des ménages, non seulement par les vertus qu’elle inspire, mais encore par les règles formelles qu’elle pose. Divorce, polygamie déguisée : telles apparaissent aux catholiques les conséquences naturelles du mariage sécularisé, l’erroné, t. i, p. 205-2")") : 287-332.

Les régaliens tendaient à assimiler le contrat de mariage aux autres contrats civils. Les théologiens, au contraire, soulignent les traits propres au mariage : la spontanéité requise des parties et qu’aucune puissance humaine ne peut suppléer, les caractères spécifiques, monogamie, indissolubilité, la signification mystique. Le mariage n’est donc point semblable aux autres contrats.

Cela même étant accordé, restait l’objection historique : la préexistence du contrat naturel et du contrat civil au sacrement qui, selon les légistes, aurait été simplement ajouté par Jésus-Christ. Les théologiens répondaient : il n’y a pas eu adjonction, mais Jésus-Christ a transformé, perfectionné le mariage de l’Ancienne Loi, élevé le contrat à la dignité de sacrement. Dès les origines, le mariage, association indissoluble, a été le signe mystique, la préfiguration de l’union du Christ et de l'Église : il était donc, au sens large, un sacrement. C’est ce contrat de nos premiers parents que Jésus-Christ a élevé à la dignité de sacrement véritable et parfait. Il en a fait le signe actuel, productif de grâce. Il n’y a donc pas à distinguer le contrat et le sacrement, mais à reconnaître un progrès, le passage d’un état inférieur à un état supérieur, comparable à la transformation en contrat civil d’un simple pacte. De même que le caractère civil n’est pas une entité distincte, mais un degré supérieur, ainsi Jésus-Christ n’a pas créé un sacrement distinct du mariage : il a fait du mariage un véritable sacrement.

Le mariage civil n’est, pour l'Église, qu’un concubinage, turpis ac exitialis concubinatus, dit le pape Pie IX, dans son allocution du 27 septembre 1852, et c’est aussi l’expression de Léon XIII dans les encycliques Inscrulabili et Arcanum. Toutes les peines qui frappent les concubinaires lui sont applicables, et notamment celles prévues par le c. 8, De rejorm. matrimonii.

2° La doctrine Ihiturgique moderne sur l'état, le contrat et le sacrement de mariage. — 1. Le Codex juris canonici et la littérature récente. — La réglementation actuelle du mariage, c’est dans le Codex juris canonici, promulgué le 27 mai 1917, pour être applicable le 19 mai 1918, qu’il la faut chercher.

Le titre vu du livre III est consacré au mariage (canons 1012-1143) et se partage ainsi : généralités (c. 1012-1018), préliminaires au mariage (c. 10191034), empêchements (c. 1035-1080), consentement (c. 1081-1093), formes de la célébration (c. 1094-1103), mariage de conscience (c. 1104-1107), temps et lieu de la célébration du mariage (c. 1108-1117), séparation (c. 1118-1132). revalidation (c. 1133-1141), secondes noces (c. 1142-1143). — Le titre xx du 1. IV a pour sujet les causes matrimoniales (c. 1960-1992). Plusieurs autres titres contiennent des textes importants pour la réglementation du mariage et notamment au livre I, les titres iv, De rescriptis, vt, De dispensalionibus ; au livre II, les règles générales, De personis, et le titre v, De potestate ordinaria et dclegata.

La séparation est si complète aujourd’hui entre le

droit canonique et la théologie que l’on chercherait en vain dans ces nombreux titres des données purement théologiques. Mais la solidarité des deux sciï se manifeste dans la notion du contrat-sacrement :

quelle-, conditions sont requises pour la collation du sacrenu ni, nous le saurons en étudiant les conditions de validité du contrat, lit c’est à ce seul point de vue que nous étudierons le Codex.

Nous n’y trouverons point de véritables nouveautés. Le Codex a remplacé l’ancien Corpus, mais il n’a point bouleversé le droit. Il a recueilli toutes les règles vivantes, entériné des lois dont nous avons étudié les progrès. L’histoire explique donc les dispositions aujourd’hui applicables et, en outre, elle sert à les interpréter et parfois à les compléter (c. 5 et P). Cf. U. Stutz, Dcr Geist des Codex juris canonici (Kirchenrechtliche Abhandlungen), Stuttgart, 1918.

L’interprétation olficielle et l’examen des causes matrimoniales appartiennent au pape, au Tribunal de la Rote et aux Congrégations du Saint-Ofiice, de la Propagande et des Sacrements, dont les décisions sont publiées dans les Acla apostolicæ Sedis, et dans les relevés et chroniques des principales revues de droit canonique, notamment le Canonisle contemporain. Il Monitore ecclesiaslico, et YArchiv jùr kalholisches Kirchenrecht.

L’interprétation doctrinale et l’exposé complet de toutes les questions relatives au mariage, on les trouvera dans de nombreux traités récents publiés depuis le Codex et dont la liste et l’analyse somnu re, parfois une partie de la Table des Matières, ont été sonnées par Boleslaw Wilanowski, Dookola Xoweyo Kodeksu (Autour du nouveau code), Wilno, 1926, p. 89-111. Une bonne bibliographie a été placée par A. De Smet en tête des diverses éditions de son traité (la dernière est de 1927).

Nous indiquons les prir.paux ouvrages récents sur le mariage, d’après la date île >ur dernière édition : A. Knecht, Grundriss des Eherechts. i-'ribourg-en-B., 1919 ; H. Noldin, De jure malrimoniuli uxta Codicem juris canonici, 1919 ; Augustine, A Commentarg on ihe new Code o/ Canon Law, t. v, Marriage Law and matrimonial Trials, 1919 ; Ayrinhac, Marriane Législation in the new Code of Canon Law, NewYork, 1919 ; Cerato, Matrimoniume Codicc juris canonici inti ç, re desumplum, Padoue, 3e éd., 1920 ; M. Leitner, Lehi buch des katholischen Eherechis, Paderborn, 3e éd., 1920 ; Th. M. Vlaming, Pralecliones juris matrimonii ad normam Codicis juris canonici, Bussum (Hollande !, t. I, 1919, t.n, 1921 ; J. Chelodi, Jus matrimoniale juxia Codicem juris ccclesiastici. Trente, 3e éd., 1921 ; J. Linneborn, Grundriss des Eherechts nach dem Codex juris canonici, Paderborn, 3e éd., 1922 ; F. M. Cappello, Traclatus canonico-muralis de sacramentis juxla Codicem juris canonici, t. iii, De matrimonio, Turin, 1923 ; N. Farrugia, De matrimonio et causis malrimonialibus. Tractatus canonico-moralis juxla Codicem juris canonici, Turin-Rome, 1924 ; F. Schônsteiner, Grundriss des kirchlichen Eherechts, Vienne, 1924 ; Blat, Commentarium textus juris canonici, t. III, pars I a, De sacramentis, Rome, 1924 ; T. Schafer, Das Eherecht nach dem Codex juris canonici, Munster-en-W., 9 « éd., 1924 ; WernzVidal, Jus canonicum ad Codicis normam exactum, t. v. Jus matrimoniale, Borne, 1925 ; Hilling, Das Eherecht des Codex juris canonici, Fribourg-en-B., 1927 ; A. De Smet, Tractatus theologico-canonicus de sponsalibus et matrimonio, Bruges, 4e éd., 1927.

Bien des ouvrages antérieurs au Code pourront être encore consultés et étudiés avec profit, en toute première ligne, celui de l’auteur même du Codex, Gaspard, Traclatus eanonicus de matrimonio, Paris, 3° éd., 1904, 2 vol., et les Iraités du mariage parus entre 1900 et 1917 : de Beeker, Ferrerès, Heiner, Van de Burgt, Vogt, etc.

Des exposés sommaires de la réglementation nouvelle du mariage ont été faits par J. B. Pighi, Raia, W. Arenhold, I. Fahrner, J. Haring, E. Gôller, M. Hockemeier, F. List. Les renseignements pratiques sont clairement donnés par P. Fourneret, Le mariage chrétien. Principes, guide pratique, formulaire, Paris, 1919 ; R. Cocart, Fiançailles et mariage. Guide pratique, Paris, 1923 ; P. Durieux, Le mariage en MARIAGE, DOCTRINES un ELLES, 1 ÊTA1 DE MAR1AG1

2286

, „Ls, .r ll l 1., m > WL, rm., / 1. 1 r.s.l-HriM v.ik-Siiirl.i’n.xiJiiwIriiiioiii.i/wadusMin Hru*-. I* ! ». Nous.hpouvons, dans .. uilbie des traita généraux de droU ul Ue> monographies relatives ail mariage. I ne uméthodique et périodique rendrait > point comme sur tous les points, d’appréciables » ™ c f s son pratique entre le Codex et 1rs législation* in » ien.es a.-t.- faite en divers ouvrages et arUcies. fou, lAUemasne. cf. Iriebs. HrafcMscvrJ Ilandbuçh des . ".r. ; /…'/Ki„. ; mil dem staalltchfii Elu-recto, Breslau. 1920. ste point, .1 noir.- connaissance, de grand trait* uniquement consacre au sacrement de mariage. Mais les ouestions proprement théologiques sont exposées dans le

V McramrnlM de tous les traités de théologie, ndica.hiques dans tous les Ira. tes récents, par

., !, .. dans B. Hartmann. Lehrbuek der Doomafi*,

, „en -H.. 1921. p. 462 sq. ; J. M. Hen£ Monnaie

. t. iv…. De rnafrimonio, Paris, 1926,

Sous aurons l’occasion de citer.lins les pages

,, .t, s presque tous les auteur, ^emporains. Les

traites de théologie morale de Ballcrim -l’almieri.. M.,

1<H.1. lerrerés. 12 éd., 1923. Vermeerseh. 1923 ;

, edecine pastorale d’AntoneUi. 1905, Capelraann. etc. ;

, 1c droit naturel. Castelein. 2 edit.. Bruxelles, l'.'li ; les

mltations… et Quwfiorw… de Gennari-Boudtohon nnent de précieux renseignements. lùuin. on pourra consulter aux mots Mariage, Divorce, ete les diverses Encyclopédies : Eitepdopaîdla MUumtca, …fie Encgelopxdia, Kirchliehes Handlexicon, etc.

J. La terminologie. — La terminologie du mariage

est bien arrêtée.

On appelle mariage légitime le mariage contracte par le. Infidèles conformément aux principes du

droit naturel et aux règles du droit positif qui les rei.it. Le mariage légitime des chrétiens est un matnmonium ratum, expression qui servait jadis a désile mariage consommé, que l’on nomme aujourd’hui matrimonium consummatum. Des autres termes que nous avons déjà rencontres, les uns ont disparu, matrimonium preesumptum, d’autres sont devenus équivoques [matrimonium clandestinum) et donc peu recommandantes ; la plupart ont gardé leur sens primitif. De Sniet. p. 132-140 ; CappeUo, p. 45-49 ; Wernz, p. 16-22 ; Fourneret, p. 24-29.

La doctrine contemporaine a conservé les grandes distinctions historiques, en marquant avec un soin devenu nécessaire le rapport entre les divers aspects du mariage. Considère in fieri, à l’instant de sa formation, il est un contrat naturel que la loi a pu menter ; il est toujours, entre chrétiens, un contrat-sacrement et il crée un lien de droit permanent, un état. Les théologiens et les canonistes étudient donc le mariage in fieri (contrat-sacrement) et in fado esse (état). Nous devons exposer brièvement a quelles conclusions ultimes aboutit la doctrine de l'état, du contrat, du contrat-sacrement de mariage, quelles sont, enfin, les difficultés présentes.

3. L'état de mariage. — La doctrine de l’Eglise sur l'état de mariage n’a point varié. Ce qui change, ce sont les formes de l’opposition quelle rencontre.

Au Moyen Age, la chair est regardée par les hérétique comme essentiellement corrompue : notre temps préoccupé de la libérer de toutes les entraves que la morale du catholicisme lui impose en formulant les règles du mariage. C’est donc l’existence même de l'état de mariage que le catholicisme doit aujourd’hui défendre et justifier.

a) L’union libre. — La principale opposition vient des apôtres de ïunion libre. Ce régime est la conclusion logique des lois sur le divorce, et le principe commun, i léclaration des Droits de l’Homme, art. 18, le [annule : « La personne n’est pas une propriété aliénable. Le respect de la liberté individuelle, tel es ! l’argument que Naquet, l’introducteur du divorce

dans ! i législation française, Invoque pour préconise] |. unlon libre. Vers l’union libre, 1909. il est conti

dit-on, la nature de retenir un homme et une lemnic

d uis nue association qui leur répugne, ou qui répi , l’un d’entre eux. La littérature contemporaine a popularise celle Idée. Le roman, le théâtre, la presse apitoient le public « les divers pays sur le sort des

époUX malheureux a qui les lois du divorce. trop « TOI

tentent conçues, n’offrent point une assez large issue Ci p Vvigdor, Examen critique « /es kndances ma dernes dans le mariage et vers l’union libre, Paris, 1909, p 239-309 ; G. Fonsegrive, Mariage et union libre, 6 « ed Paris, 191 l, p. 164-188 Les noms des h Mai-meritie en France, de J. C. Spence en

terre de Mme l'.llen lxcv en Suède, de René GhaUghl

en Belgique, évoquent des apologies pernicieuses de l’union libre. L’intensité de la propagande, depuis une

trentaine d’années, ne cesse de croître SOUS des formes et avec des nuances très variées dans toule l’Europe occidentale. En tait, le nombre de ménages tondes suis le moindre souci de soumission aux formalités du mariage est tel que la loi et la Jurisprudence ont fini par leur accorder divers avantages. Peytel, Lumon libre devant la loi, Paris, 1905 ; A. Boyer, Conséauences juridiques des états de fait culmines part union libre Nîmes. 1908 ; Libotte, L'état de concubinage, Lille 1921 ; Benoît-Cattin, Les effets juridiques de l’union libre. Grenoble, 1922. Voir les Chroniques de E. Gaudemet sur Personnes et droits de famille, dans la Revue trimestrielle de droit civil.

les sociologues catholiques - et aussi un certain nombre d’indifférentsjoignent leurs efforts à ceux des théologiens pour combat tic ces dangereuses théories P. Bureau, dans un chapitre de L’indiscipline des mœurs, recapitule les services rendus par la famille à l’humanité et ce thème a été souvent repris, au cours de ces dernières années ; voir notamment F W. Foerster, Sexuqlethik und Sexualpôdagogik, et les comptes rendus des Semaines sociales. Si l’on invoque les droits de la nature, combien il sera aise de répondre que l'œuvre de la civilisation est précisément d’arracher l’homme à toutes les misères de la nature déchue, particulièrement a cette frénésie de la passion que la famille empêche. On trouverait sur ce point des expressions pareilles dans l’article fameux de Buinetière, à propos du Disciple, Revue des Deux Mondes 1° juillet 1889, p. 220, et dans la Philosoplua moralis de Gathrein, Fribourg-en-B., 1915, n. 514. I intérêt de l’individu se confond, par conséquent, avec l’intérêt social ; le mariage qui fonde la famille donne à la société son unité première et à l’individu la paix Enfin, il assure aux enfants la protection sans laquelle ils ne pourraient vivre et l'éducation morale. Cette considération est la plus importante, pour les théologiens modernes, comme elle l'était pour les scolastiques. L’indissolubilité est donc un des caractères du mariage en droit naturel. Pie IX et 1 éon XIII l’ont expressément rappelé. Les adversaires du divorce ont mis l’accent sur cette vérité, dans tous les pays où son établissement était discute, spécialement en Italie. Cf. Capecelatro, // divorzio e VItalia, 1902 ; Gibilesco, Del divorzio, 1902 ; NovaU, / ; miirimonio, 1902.

b) Le divorce. — L’union matrimoniale est donc la seule que l'Église considère comme autorisée par le droit naturel. Billot, th. xxxiii, p..1.>0-.MU. En la justifiant contre les partisans de I union libre, elle insiste sut tes deux caractères fondamentaux :

indissolubilité, mono-amie. Ces caræt ères sont soumis a une Critique minutieuse, car les partisans du divorce forment une majorité dans la plupart des Etats modernes et nous nous bornerons a marquer ici (pour le surplus, voir le mot Divorce) que le divorce tend

à entrer dans le droit commun des nation :. Sur ce point, l’opposition antique est rétablie entre la loi de l'Église et les lois du siècle, el il faut avoir le goût « lu paradoxe pour soutenir, comme on l’a fait récemment, que par les empêchements dirimants, par les vices du consentement.., l'Église… comble le fossé qui existe entre sa législation ennemie du divorce et la

législation française favorable à cette institution. : t.. Ribot. Des remèdes offerts par la législation canonique et la législation civile aux époux désunis, thèse de la Faculté de Droit de Montpellier, 1923, p. 242. Les causes actuelles du divorce dans les divers pays du monde sont méthodiquement classées dans l'étude de Ruiz Morcno, Las causas del divorcio y de la separacion de cuerpos en la legislacion comparada. Buenos-Ayres, 1926. La discussion des projets de lois, soumis au Parlement argentin pour l’introduction du divorce, a été l’occasion d’un bon nombre d'études de statistique qui se rapportent à la pratique du divorce en Angleterre, aux États-Unis, en Argentine, en Uruguay. Cf. Revue trimestrielle de droit civil, octobre-décembre 1926, p. 1029 (R. Demogue).

c) La polygamie. — Quant à la polygamie, bien des auteurs soutiennent qu’elle est naturellement désirée par l’homme, et que les préjugés religieux et l’organisation économique y mettent des obstacles artificiels. Cette opinion a reçu sa forme la plus résolue dans Les Mensonges conventionnels de noire civilisation de Max Nordau, trad. française, Paris, 1906. M. L. Blum (Du mariage, Paris, 1908) admet aussi que l’homme est dominé pendant sa première période amoureuse par l’instinct polygamique. Mais ce mot de polygamie prête à équivoque : il vaut mieux dire caprice.

d) Devoirs des époux. — Les devoirs imposés aux époux par l'Église ont été niés par ceux qui prônent la liberté de l’amour, et plus particulièrement par ceux qui prêchent l’affranchissement complet de la femme. Des juristes, soumettant le mariage à la double loi de la liberté et de l'égalité, décident : (. Chacun des époux doit être absolument maître de lui-même quant à sa personne. » Ainsi s’exprime E. Acollas, professeur à l’Université de Berne, dans Le Mariage, son passe, son présent, son avenir, Paris, 1880. Conséquence : le debitum conjugale n’est que « le droit au viol entre époux ». Cette austérité juridique a des conséquences beaucoup moins dangereuses que la liberté pratique dont le monde moderne a fait un dogme. Plus de devoir, mais, sans limitation morale, des accords en vue de tous les plaisirs. L’hygiène seule impose quelques règles aux époux. Quant aux enfants, comme la femme a le droit absolu de ne s’en point embarrasser, toutes les pratiques anticonceptionnelles sont implicitement légitimées : non seulement les moyens préventifs, mais l’avortement.

  • Un fœtus n’est qu’une portion du corps d’une

femme ; elle peut donc en disposer à son gré comme de ses cheveux, de ses ongles, de ses excréments, » lit-on dans la Régénération, sept. 1907, citée par Ber tillon, op. cit., p. 241. Celles qui appliquent cette théorie se comptent, chaque année, par centaines de mille en France, et la proportion n’est pas moindre en certains pays voisins. « Nous revendiquons avec simplicité le droit officiel à l’avortement, » écrit J. Renaud, La faillite du mariage et l’union future.

Ainsi contredite par des adversaires multiples et audacieux, l'Église ne change pas à sa doctrine un iota. Elle continue de mettre l’accent sur la fin primordiale du mariage : la procréation et l'éducation des enfants. Codex, can. 1013 § 1 ; cf. K. Bôckenhoff, Reformehe und christliciie Ehe, Cologne, 1912, parties II et III. Sur les ravages et sur la répression de l’avortement en France, on peut consulter de nombreuses

t lu’ses pour le doctorat en droit soutenues au cours de ces dernières années. Achard, Toulouse, PUT ; Beltrami, Aix, 1921 ; Blet, Lyon, 1921 ; Epinat, Dijon. 1921 : Rioufol, Toulouse, 1924.

Les doctrinaires qui nient le devoir de la procréation s'élèvent, naturellement, contre le principe de la hiérarchie conjugale. L'égalité de l’homme et de la femme dans le ménage est généralement affirmée par les socialistes. Ch. Thiébaux, Le féminisme et Us socialistes, Paris. 1906. C’est un des articles traditionnels de leurs programmes. M. Thibcrt, Le féminisme dans le socialisme français de 1830 à 1850, Paris, 1926. D’une façon générale, on peut dire que tous les partis « avancés » sont favorables à cette thèse. L'Église enseigne invariablement que le mari est chef du ménage, que la femme lui doit soumission. Mais elle ne condamne point indistinctement toute action pour l’extension des droits de la femme, et bon nombre de catholiques, tout en acceptant sans réserve l’enseignement de saint Paul et de toute la tradition, professent et propagent un féminisme raisonnable. Sur la position de l’Eglise à l'égard du féminisme, cf. Sertillanges, Féminisme et christianisme, Paris, 1908 ; Willems, Philosophia morutis, Trêves, 1919, p. 368 sq.

La bibliographie du féminisme est considérable, au moins par le nombre des travaux. Pour la France, cf. la Bibliographie des sciences juridiques de Grandin, Paris, 1926 ; pour l’Angleterre, le livre récent de A. R. Wadia, The Ethics of feminism, dont la troisième partie est consacrée aux rapports du féminisme et de l’institution du mariage. Voir sur ce livre The Calcutta Rcview, mars 1927, p. 346-354.

e) Le célibat chrétien. — Le même principe de la liberté de l’amour que l’on oppose au mariage chrétien est invoqué contre la doctrine chrétienne de la virginité. En outre, des théoriciens, à la suite de Fichte, ont représenté comme un être incomplet, qui n’a point réalisé toute sa personnalité, celui qui demeure dans le célibat : état contre nature, selon des moralistes que le scrupule hante surtout en cette rencontre ; état contraire à l’hygiène, ajoutent des médecins implacables.

Mais d’autres hygiénistes administrent la preuve contraire, ainsi Ch. Févé, L’instinct sexuel, 2° éd., Paris, 1902, p. 317 sq. ; Payen, Déontologie médicale d’après le droit naturel, Paris, 1922, p. 261. La notion étrange du complementum sexuale est écartée sans vaine discussion par les auteurs de Traités de Droit naturel, comme Meyer, Inslituliones juris naturalis, t. ii, n. 96. Enfin, des sociologues catholiques dont l’autorité, sur ce point, est, à tous égards, indiscutable, consacrent une part de leurs développements à justifier le célibat que n’inspire point l'égoïsme, à louer les bienfaits du célibat accepté en vue de mieux collaborer au bien social. Cf. Jordan, Contre la dépopulation, p. 21-24 ; Bureau, Indiscipline…, p. 323 sq., p. 368. Voir encore Verdier, Le problème de la natulité, Paris, 1917, p. 29 sq. ; Castillon, Trois problèmes moraux, Paris, 1918, et les nombreuses études écrites pour justifier le célibat ecclésiastique.

4. Le contrat.

Les papes et les théologiens précisent que l'état de mariage est créé par contrat, et il semble, à première vue, que cette notion intéresse la technique du droit plutôt que la vie morale des nations, qu’elle n’a pu donner lieu qu'à des débats entre spécialistes pointilleux.

Et pourtant, c’est un des plus riches chapitres de notre littérature juridique et morale que celui de la dispute poursuivie depuis un demi-siècle autour de la notion de contrat. L’histoire même des diverses phases de cette dispute mériterait un long article, dont nous ne pouvons que suggérer les divisions essentielles ; les éléments en seraient fournis par plusieurs grandes controverses qui se sont déroulées en Allema M KI u ; k. doctrine moder NE, i l CON il ! I

2290

ne, en Halle, en France et, qui, actuellement encore, malgré l’Identité de leur inspiration ne sont respectivement connues que dans le pays où elles se sont déroulées.

Critiques I’ « conception du cou/™L

contrat, dégagée par les théologiens au . exploitée par les régaliens dans les temps

modernes, est devenue, a l’époque contemporaine, l’un logmes de toutes lephilosophies qui considèrent la liberté comme un droit primordial do l’homme, ouvelle École du Droit naturel aussi bien que de spirilualiste. l-ïchte et Gros aussi efficacement Manude Biran, ont poussé a l’extrême la notion lu contrat la volonté de l’homme, et elle Iroit. Cꝟ. 1.. Taiion. L’évolution du <iroit tt l, ; sociale, 3° éd., Tans. 1911, p. 6

( Mir l École historique et le droit naturel) ; J. Bonnephilosophie du Code Stipoléon appliquée au uniltc. dans Renie générale du droit, de la t lu jurisprudence, 1922, t. xlvi, p. 29spiritualiste).

1, i conséquence de cette conception du contrat, on l’avait déjà aperçue en 1792 ; elle a été plus clairement encore définie lorsque commença, voici un demi. la grande offensive pour le divorce, chez les peuples latine. Le 27 mai 1879, Naquet déclare à la Chambre française : Depuis 1780. le mariage est devenu chez nous un contrat civil ; par conséquent, il doit obéir aux principes généraux qui régissent tous

ontrats civils… il doit être susceptible de mtion comme tous les autres contrats ciils. Officiel du 28 mai 187°. p. 4385. Peu après, le 1° février 1881, en Italie, le ministre de la justice, Tommaso Villa ait un projet de loi inspire par les mêmes motifs : outrât social n’est pas la hase de fait de la société civile, non plus que de la famille. Mais cela n’empêche pas que la forme contractuelle constitue le fondement rationnel tant de la société que de la famille modernes… Maintenir le contrat malgré le dissentiment des conjoints, c’est créer une fiction de droit. Voir Ilollettino offlciale, à cette date.

De nombreux ouvrages parurent entre 1880 et en France et en Italie, où cet argument tiré du droit commun des contrats était mis en lumière. lui Italie, cemi qui lit la plus grande impression est l’ouvrage de Marescalchi, Il divorzioe la islituzione ma in Itatia, Home. 1889, OÙ les conséquences de la notion de contrat ne s, , nt d’ailleurs pas rigoureusement déduites. La thèse a été reprise dans les ou-Turchetti, // divorzio, 1892 ; de Marchesini, // principio delV indissolubilité del nuilrimonioe il divorzio, Padoue, 1902 ; (.imlni. La wiova /use del diritto cinle. Turin. 1907 ; Cosentini, La reforme de lu législation eioile, trad. fr.. Paris, 1913. Chez, ces auteurs, le caractère social du mariage n’est d’ailleurs point perdu de vue. Cimbalf et Cosentini, notamment, cherchent à établir l’accord des exigences de la logique contractuelle et de l’intérêt général. Et pour chacun des auteurs que nous citons, il y aurait lieu dans une étude approfondie de marquer bien des nuances que nous regrettons d’omettre et qui sont importante-. Il convient enfui de noter que certains auteurs, communément classés sous l’étiquette de . - de l’union libre. ont pour principal objectif oustraire le mariage a la réglementation de l’Etat et d’en faire un contrat purement privé. I’. Ahram. nliitinn du mariage, Paris. 1902. Déjà m 1865, lors de la discussion du titre du mariage au Code italien. Vigliani, pour combattre le divon. avait nie le caractère contractuel du mariage : |. pluque la sociél civile, n’est un

eonti une grande institution

qui nait bien de la volonté du mari et de

. rn. THÉOl. CATBOL.

la Femme, mais reçoit de la seule volonté Immuable de la loi ses formes, ses règles et tous ses effets. En vain tes époux, en contractant mariage, tenteraient Il i de régler leurs devoirs ou leurs droits, la constltu

tion de la famille, les effets personnels de leur union .l’une manière autre que celle prescrite par la loi

Or, quel est le contrat qui présente ces caractères ? Foschini, / motioi del Codice civile ttali édlt.,

Naples, 1884 Et telle était encore l’opinion de PI nelli ; cf. Cattaneo et Borda, // Codice men fato, Turin, 1865 (Relation du 15 juillet 1863 au Sénat t.

Jusqu’au milieu du xixe siècle, les défenseurs de la doctrine traditionnelle s’étalent homes a rectifier l’erreur des civilistes en opposant a leur théorie du contrat celle du contrat sacrement. Nombreux sont les jurisconsultes qui, au cours de. cinquante dernières années, ont pense faire échec a l’un des arguments principaux îles partisans du divorce en niant que le mariage fût un contrat. Telle a été l’attitude prise en Italie par Gianturco, qui, dans son Sistema di diritto civile, Naples, 1885, t. a, p. 2, observe que le mariage ne rentre pas dans la définition que donne du contrat le Code italien et n’obéit pas aux règles du contrat : par Gabba, Il divorzio nella legislazione itatiana, Turin. 1885, qui ne voit entre le maria} ;.’et les contrats qu’une analogie sans portée juridique. La très ardente lutte menée contre le divorce par .les savants comme Cenni. Gabba, Salandra. Teinpia. assura la victoire aux partisans de l’indissolubilité el le discrédit de la notion du mariage-contrat, qui fut abandonnée par Villa, combattue par Pasquale Flore, .s’» ; /d controversia del divorzio in Ualia, Turin, 1891, Monaldi, L’islituzione del divorzio in Ualia, Florence, 1891, rejetée par le Congrès juridique de Florence en 1892. Cf. G. Caby, Le principe de l’indissolubilité du mariage et la séparation de corps en droit italien, thèse, Paris, 1924, p. 53 sq., et la thèse de L. Daudet, Paris, 1909.

la notion de contrat a été soumise à une critique profonde par A. Cicu, professeur à l’Université de Bologne dans une leçon d’ouverture de son Cours de droit civil qui, remaniée, a paru sous le titre Matrimonium seminarium reipublicee, dans Archivio giuridico, t. lxxxv, p. 111-143.

I.a plus ancienne expression que nous ayons relevée de cette théorie, en France, se trouve dans un ouvrage aujourd’hui oublié, qui ne manque point de vigueur, d’un disciple de Ce Play, le comte de Bréda, Considérations sur le mariage au point de vue des lois, Lyon, 1877 : l-a plupart des erreurs modernes, y lit-on, viennent précisément de la théorie qui met des contrats à l’origine ou à la base de toutes les institutions sociales ou politiques. » P. 38. Et Fauteur montre les dangers du terme : contrat. Un quart de siècle s’écoula sans que cette opinion trouvât, chez nous, quelque crédit. On en avait perdu le souvenir quand, en 1902, Ch. Lefebvre, professeur à la Faculté de droit de Paris, connu par de nombreux travaux sur le mariage et qui avait déjà pris position depuis plu, leurs années lit une conférence qui eut quelque retentissement, sur ce sujet : Le mariage civil n’rst-il qu’un contrat ? Cf. Nouvelle renie historique de droit, 1902, p. 300 sq. Toujours, il m’a semblé que le lien conjugal n’a pas , té el ne doit pas être conçu en droit comme un lien vraiment contractuel et que l’état de mariage avec ses devoirs tracés dans | a loi ne peut être ramené à un ensemble d’obligations conventionnelles. Il y a, pour attacher les conjoints l’un a l’autre, un autre élément non moins essentiel que leur consentement et qui porte plus loin que leur double volonté : l’autorité divine dans le sacrement île mariage, l’autorité social* dans le mariage civil. Loc. cl., p. 301. Le fondement

IV 73 2921

    1. MARIAGE##


MARIAGE, litiLTIUNE MODERNE, LE CONTRAT

de la thèse « Institutionnelle est dans cette observation que i ce n’est pas de la convention, mais de la loi que dérivent les engagements et le lien formés dans le mariage : ce qui doit bien suffire, ce semble, pour faire voir que le mariage n’est pas rien qu’un contrat et

que même, principalement, il ne lient pas du contrai. "

ibiii., p..'{'il. L'état des personnes n’esl point réglé par des contrats. La forme même du mariage, qui

pourrait induire en erreur n’esl pas celle des vrais contrats : le lien se noue par autorité publique - au nom de la loi » el par le ministère de l’officier public, …. l’institution du mariage n’a été que l’union naturelle disciplinée et consacrée dans l'élut social Comme union légitime, mais consacrée et disciplinée par voie d’autorité, mm par voie de contrat. » Ibid., p. 331. Historiquement, c’est la société qui a organisé le mariage (empêchements, solennités, etc. » et non point la libre volonté des individus. L'état et le lien conjugaux doivent être, ont été, en fait, placés hors de l’atteinte des conventions.

Depuis un quart de siècle, nombreux sont les ouvrages où la nouvelle doctrine a été soutenue. R. Japiot, Des nullités en matière d’actes juridiques, Paris, 1909, p. 255 sq., l’adopte avec quelques réserves. Le rôle de l'État a été mis en lumière par Gounot, Le principe de l’autonomie de la volonté" en droit privé, thèse, Paris, 1912. « La destination naturelle du mariage, fait observer cet auteur, n’est pas de créer entre deux êtres des obligations personnelles se servant mutuellement de cause, d’engendrer une situation contractuelle dont le maintien serait subordonné à l’exécution des engagements réciproques des contractants, mais de donner naissance à une famille nouvelle, d’assurer la procréation et l'éducation des enfants, de sauvegarder dans le bon ordre la perpétuité de la grande famille humaine. » Op. cit., p. 259. En conséquence, l'État organise le mariage, les particuliers ont seulement la faculté d’adhérer à cette organisation : une fois leur adhésion donnée, leur volonté est désormais impuissante et les effets de l’institution se produisent automatiquement. Que le législateur modifie le statut de la famille, sa décision s'étend même aux mariages antérieurs à la nouvelle loi : ce qui ne se comprendrait pas dans un contrat. Soustraire le mariage au caprice des volontés individuelles, soumettre ces volontés au fins de l’institution, tel est l’intérêt social : « La famille née du mariage constitue un centre organisé et hiérarchisé d’intérêts, de pouvoirs et de fonctions, un organisme naturel, dont les individus sont les membres vivants, non les maîtres souverains et qui, pour devoir son origine à une manifestation de volontés individuelles, n’en constitue pas moins, une fois créé, une réalité juridique autonome et indépendante, ayant sa raison d'être propre et faite pour durer autant que l’exige cette raison d'être. » Op. cit., p. 262. Dans les articles que nous avons signalés, J. Ronnecase montre avec finesse ce qu’il faut entendre par une institution juridique et comment le mariage répond à la définition. Art. cit.. Revue générale de droit…, 1922, p. 50 sq. Le n’est pas sans raison, on le voit, que H. Morin, dans La révolte des faits contre le Code, Paris, 1920, p. vi, mentionne l’incurie des codificateurs qui ont considéré le mariage « comme un simple contrat, abstraction faite de sa fonction qui est de perpétuer la race. — « Le mariage n’est pas et ne peut pas être un contrat », écrit R. Vanhems, Le mariage civil, Paris, 190 1, p. 247, « il est l’union naturelle d’un homme et d’une femme, établie volontairement entre eux et sanctionnée par la loi. » Voir encore Hauriou, Principes de droit public, 2' éd., p. 203.

En Allemagne, la négation de l’idée de contrat fut. nous semble-t-il, moins systématique et plus désin téressée. On la trouverait incidemment exprimée, au cours d’analyses toutes dogmatiques. A quoi bon celle notion de contrat ? » se demande Moy, Von der l-./ir… p. 1 8. Les contrats sont le résultat d’un accord. comment pourraient-ils en être le fondement n’esl point parce que nous avons conclu un contrat que nous sommes d’accord, mais parce que iii, us sommes d’accord, nous avons conclu un contrat. Lingg. Die Civilehe, invoque l’histoire, qui témoigne contre la reconnai isance d’un contrat de mariage dans L’ancien droit : cf. Hartmann, op. cit.. 1871. p. 58 sq. D’assez nombreux canonistes allemands écartent l’idée de contrat, et notamment Scherer, Schulte, Læmmer.

Parmi les civilistes modernes, plusieurs défendent la notion de contrat, notamment Planiol et Capitant dans leurs Traités de droit civil. - La seule conception qui corresponde a la réalité des choses est une conception mixte : le mariage est un acte complexe, à la lois contrat et institution. écrit Rouast, op. cit., p. 56 sq.

b, Réponse à ces critiques. Les adversaires de la notion contractuelle n’exagèrent-ils point l’enjeu du débat où ils sont engagés ?

Certes, considérer le mariage comme un simple contrat, c’est le soumettre au caprice des volontés individuelles, justifier au moins le divorce par consentement mutuel. Mais l’appeler un état, ce n’esl point en garantir la durée. Le mariage, dit-on. est un état dans la société, d’autres ont soutenu qu’il était une situation. Quelle conséquence tirer de la solution de ce problème en faveur des auteurs du projet"? Si le mariage est une situation, on doit pouvoir en changer : si c’est un état, il faut convenir qu’il est soumis à la situation. Ainsi raisonne Chevalier, sans élégance excessive. Moniteur du Messidor an IX, p. 111. Et Naquet déclare au Sénat : i Lorsqu’un état a cessé d’exister en fait, on chercherait vainement une bonne raison, au point de vue civil, pour le laisser subsister sous une forme fictive. » Journal officiel, 28 mai 1881. Que l’on parle d'état ou de contrat, la fermeté du lien ne sera guère assurée si l’on ne reconnaît, au-dessus des volontés individuelles qui créent le contrat ou maintiennent l'état de mariage, audessus de la puissance publique qui réglemente le contrat ou l'état de mariage, un principe supérieur à la volonté des époux et à celle du législateur. C’esl bien la pensée de la plupart des adversaires de l’idée de contrat. Le mariage leur apparaît comme un état stable, parce qu’ils en subordonnent rigoureusement les lois à l’intérêt social. Cicu va jusqu'à nier que, dans le mariage, les époux conservent leur autonomie, cette autonomie des intérêts que le contrat suppose et maintient. « On y voit non point un intérêt commun, mais unité d’intérêt… union, unité de vie… transformation de l’intérêt individuel en intérêt supérieur. » Op. cit., p. 134. « A la différence du contrat, il n’y a point dans le mariage d’intérêts individuels, ni réciproques, ni communs, mais un unique intérêt supérieur.auque ! les volontés des époux doivent respectueusement se soumettre. Ibid., p. 136. L’unité de vie, la permanence de cette unité, tels seraient les principes supérieurs qui s’imposent aux époux. Normalement. ces principes se traduiront et seront justifiés avec une force éclatante par les enfants : niais dans tout mariage les volontés individuelles se renoncent elles-mêmes, au profit d’un idéal qui, désormais, les asservit. Telle est la conclusion essentielle de Cicu. En France, la philosophie a moins de part dans l'école » institutionnelle et l’on insiste presque exclusivement sur la fin sociale du mariage.

Quel que soit le talent des défenseurs de la thèse « institutionnelle » — et peu de théories ont été défenMARIAGE, DOCTRINE MODERNE, LE SACREMENT

ducs avec autant de science et de talent ce1 état qu’ils suspendent entre le droit public et le droit privé, qu’ils détachent des volontés individuelles sans le placer expressément sous la tutelle divine, paraît aux

miens et aux canonistes précaire. Il nous semble

que l’on peut caractériser ainsi la pensée de l'Église :

iisentements individuels qui sont.1 la base de la

. conjugale ont une importance majeure, dont

.[nu de contrat rend énerglquement compte ;

Mis l’usage des peuples civilisés, la nature et la vo

lonté divine ont fait du mariage un contrat sui generia

et rendu -ans péril le rôle de la liberté qui s’arrête dès

le moment où le lien est formé, a qui déjà des limites

sont Imposées a l’instant du contrat.

Que le mariage soit un contrat, un contrai véritable et svnallagmatique, les canonistes le prouvent en Identifiant dans le mariage tous les éléments d’un contrai : deux parties : un objet matériel, les personnes et un objet formel, individu » oitie consuetudo ; le consentement légitime ; une cause, la procréation et, secondairement, le cours mutuel et le remède a la concupiscence ; l’obligation <le fidélité et de service conjugal. Cappello, I. p. 20. WernzVidal, op. cit., p. 38. Seulement, ce contrat est d’un genre particulier. un eontrat naturel. Les consentements requis formation ne peuvent être suppléés. Les droits qu’il fait naître sont immuables et ses effets iels ne dépendent point de la volonté arbitraire des parties, il est enfin perpétuel D’Annibale, Summulu theotogite moralis, ."> éd., p. iii, $ 426. Tout cela résulte du seul droit naturel, qui sullit a assurer au mariage un caractère religieux et sacré, comme dit Léon XIII. Combien ce caractère devient plus évident si l’on considère l’origine du contrat, que Dieu lui-même a Institué, son but : la multiplication des lidéles et des saints, sa signification : l’union de JésusChrist et de l'Église.

Ainsi, la notion de contrat est gardée avec soin par l'Église. Le cardinal Gasparri juge sévèrement ceux qui le rejettent. Op. cit.. t. 1, p. 3. Les périls que l’on redoute de la liberté individuelle sont conjures dés lors que l’on ne sépare point le sacrement du contrat. Et la doctrine de l'Église suppose avec une fermeté croissante à cette dissociation.

Le eonlmt-sm : renient. EntK baptisés, tout

eontrat de mariage est un sacrement ! Codex, can. 1012 : § 1. Christaa Dominât wt sacramenti dignitatem erexit ipsum contractum matrimonialem inler baptizatos. Quant inter baptizato* nequit matrimonialis contractas palidut consister*, quinsit eo ipso sacramentum. Il v a identité réelle du contrat et du sacrement, la raison peut les distinguer, les dissocier, mais un seul, un même acte les realise. Le Tribunal de la Hôte, en 1910, a ni l’occasion d'énoncer qu’il s’agit la d’une vérité proxima fuiei. Aeta apost. Sedis, t. 11, p. 933. Entre chrétiens, pas de contrat valide qui ne s..it sacrement et pas de sacrement de mariage qui it contrat valide. Sans que l'Église en ait fait un ie de foi, il est impossible de le contester. Fourneret. Mariage chrétien, p. 16.

Le contrat de mariage n’a point charmé de nature par son élévation à la dignité de sacrement, mais Jésus-Christ mutaoit ordinem, quedenu » iluut reddidii supernatumle…. Gasparri, op. Ht., t. t, p. 22. La distinction du contrat et du sacrement ne peut être faite que ratione. Voir encore Palmieri, Tract, de m<drim., th. x, p. 73 : Billot, th. xxxvii.

L’iiwparabilite du contrat et du sacrement ayant xplicitement p ;, r "- papes Pie IX et l^on XIII. toutes les divergences entre théologiens sur ce sujet même ont été apaisées et, par voie de conséquence, leurs controverses sur plusieurs autres sujets.

2294

D’abord, il n’est plus possible d’enseigner, comme le fais. mut encore Carrière ei les Saimantieense*, que les parties sont en mesure de contracter mariage è l’exclusion du sacrement. Voir notamment les expllca lions de Sasse, t. ii, p. 388. La Théologie </< Matines fall observer que le contrat n’existerait pas plus que le

sacrement puisqu’il a été passé sous une condition

impossible

El le débat sur la invalidation du mariage des mh

dèles convertis semble clos. Puisque tout contrai de mari. me valide entre baptises est un sacrement, parle simple fait du baptême, le contrat est cleve à la dignité d’un sacrement véritable et parfait. Cette

opinion est commune et peut être regardée C ne

certaine. Billot, th. xxxviii. Une rénovation expresse

ou tacite du consentement n’est pas utile. Les S. ('..

de la Propagande et du s. Office l’ont déclare. Voir (.'(>//<I. S. C de Propag. Fide, n. 932 (a. 1841), 1195

(a. 1860) et Lie IX. le 27 septembre 1848. Wemz,

p. 17-t'. » : De Sræt, op. « 7., p. 152 sq. Sasse, op. cit.,

t. 11. p. 390, propose une explication ingénieuse, mais on transparait l’artifice : les infidèles appartiennent a l'Église virtuellement, dattnattone ; et leurs ma riages sont, virtuellement, des sacrements. Il faut donc supposer qu’ils contractent avec cette condition sousentendue : que s’ils reçoivent le baptême, leur contrat sera élevé à la dignité de sacrement.

Sur un point, la notion du contrat-sacrement donne lieu encore a quelques difficultés. Le fidèle qui épouse une infidèle revoit-il le sacrement de mariage ? Certains auteurs répondent affirmativement : ainsi. Palmieri, Rosset, et. plus récemment l’csch. t. vii, n. 728 ; Sasse. op. cit., t. n. p, 390 sq., dont voici les arguments : pourquoi l’infidèle qui peut être ministre du baptême ne le sera-t-il point du mariage ? Pourquoi parce que l’un des époux serait empêché de recevoir le sacrement, l’autre époux, qui est idoine, en serait-il privé? Comment enfui expliquer qu’un tel mariage soit de la compétence de l'Église (comme il appert de l’empêchement de disparité de culte 1, s’il n’est qu’un contrat'.' Lehmkuhl. dans une note ajoutée à la dissertation de Sasse, rejette ce dernier argument, dont la faiblesse est évidente, mais en ajoute deux autres : 1° Le mariage contracté avec dispense entre fidèle et infidèle est indissoluble au même titre que le mariage entre deux fidèles, or, l’indissolubilité s’explique toujours ex ratione sacramentij 2° Le mariage entre fidèle et infidèle signifie l’union du Christ avec les divers membres de l'Église. Ce signe de la grâce ne doit-il pas être efficace en celui qui est capable de recevoir la grâce ?

Mais beaucoup de théologiens sont enclins a maintenir dans toute sa rigueur la maxime : Matrimonium non potest daudieare, le mariage est un et indivisible. ne peut être sacrement pour l’un des époux alors qu’il ne l’esl point pour l’autre : ils Invoquent l’indivisibilité du contrat, du contrat-sacrement, la relatio Sequiparantise qui implique identité d’obligation pour l’une et

l’autre partie, unité de nature du lien matrinmni.il. X. (iihr. Sakramententehre, Fribourg-en-B., 1903, t. ii, p. 124. Et c’est en application de la même maxime que l’on admet Généralement que le mariage de l’infidèle qui se convertit, son conjoint demeurant païen, ne devient pas un sacrement. De Smet, op. cit., p. 153 sq. ; Wemz, p. 49-52 ; Billot, th. xxxviii.

3 L’analyse 'lu contrat-sacrement 1. La formation du lien. La doctrine actuelle du sacrement de mariage peut être pr< n un chapitre bref.

puisque le progrès de la dogmatique est caractérisé par l'élimination 'les controverses et la simplicité des définitions. Le tableau que nous en ferons contiendra peu de traits nouveaux : simplement, il mont n i ; i le destin des grands débals du Moyen Age.

Si nous examinions toute la théorie des conditions

requises pour la validité du consentement, cause du contrat-sacrement, les transformations les plus sensibles nous apparaîtraient en cette théorie, et elle sont principalement d’ordre administratif. Elles se rapportent, en effet, aux solennités que le decrel 'e temere du 2 août 1907 (dont les dispositions

sont adoptées parle Codex) a modifiées. Celle réforme sera étudiée au mol Propre Curé. L’excellent livre de A. Boudinh’on sur Le mariage et les fiançailles.

Commentaire du décret Ni. TEMERE, 8° édit.. Paris, 1912 et l’ouvrage déjà cité de Fourneret contiennent tous les renseignements utiles. Notons seulement que le rôle du prêtre est devenu actif, quc les mariages de surprise sont donc aujourd’hui invalides. Le Code maintient la possibilité des mariages secrets, c. llni-1107. H réglemente le mariage par procureur et par interprète, c. 1089-1091. Le mariage par lettre semble exclu par les termes du can. 1088 § 1 : < pour qu’un mariage soit validement contracté, il est nécessaire que les parties soient présentes ou représentées par un procureur. » Jusqu'à la publication du Code, la validité du mariage contracté per epistolam aut nuntiiim était admise. Voir une cause jugée en 1910, dans Acta apost, Sed, t. ii, p. 297 sq.

La célébration du mariage est réglementée par les can. 1094 sq. du Codex. Sur le temps et le lieu de la célébration, cf. Fourneret, op. cit.. p. 165-169. Sur les cérémonies, voir Bénkdiction nuptialk, t.n, col. 629 ; De Smet, op. cit., p. 164-176 ; A. Villien, La discipline des sacrements. Le mariage, dans Revue du clergé français, 1913, p. 5-32 et 1914, p. 264-286 (article qui contient beaucoup de renseignements historiques) ; Gaspard, op. cit., t. ii, p. 222 sq.

Les considérations d’ordre théologique n’ont eu aucune part dans cette réglementation des formes. En revanche, la détermination du contenu du consentement a été, dès l'époque classique, l'œuvre commune des théologiens et des canonistes. Le canon 1081, §2 du Code s’en occupe. Il est ainsi conçu : Consensus matrimonialis est actus voluntatis quo traque pars tradii et acceptât jus in corpus perpetuum et exclusivum, in ordine ad actus per se aptos ad prolis generationem. « Le consentement matrimonial est un acte de volonté par lequel l’une et l’autre partie (contractante) donne d’une part, accepte de l’autre un droit sur le corps, perpétuel et exclusif, en vue des actes normaux de la génération. » Le but voulu et accepté par les deux parties, c’est donc la copula carnalis. Il n’est pas indispensable que les contractants ?e rendent très exactement compte de la nature des relations conjugales, mais il faut qu’ils sachent la fin du mariage Can. 1082, § 1. L’ignorance n’est plus présumée après la puberté, c’est-à-dire que, en fait, ceux qui ont l'âge requis pour contracter mariage (16 et 14 ans) sont censés savoir à quoi ils s’engagent. Ibid., § 2. Exemple de nullité pour ignorance dans Acta sanctie Sedis.t. xxi, p. 162 sq. Il y a controverse entre les auteurs sur la science que doivent avoir les époux pour contracter validement mariage. Les uns, s’appuyant sur les expressions du Code et sur une décision de 1919, Acta apost. Sedis, t^ xiii, p. 54 sq., n’exigent qu’une connaissance générale du consortium et de son but. YVernz-Vidal, op. cit., p. 547 ; Revue ccclés. de Met :, 1925, p. 273 sq. ; De Smet, op. cit., p. 460. D’autres pensent que les époux doivent savoir que le but du mariage ne peut être atteint sans l’union des corp. Cappello, op. cit., n. 582 ; Vlaminck, op. cit., n. 524.

Les contractants peuvent-ils s’engager à observer la continence ? La question n’est point quotidienne, mais elle se pose assez souvent, le I'. Ret t, par exemple, l’atteste à la fin d’un article de la Zeitschr. fur kathol. Théo !., 1909, p. 590 sq. Die Josephsehe in ihren Original und ihre Xachahmung.

Les auteurs distinguent selon que la chasteté est condition du mariage ou stipulée par un pacte adjoint. Dam ce dernier cas, il ne saurait y avoir grande ditfiCUlté : on admet assez communément que le jus ad copulam, qui est de l’essence du mariage, peut être lié', qu’il est loisible aux époux de renoncer à l’exercice de leurs droits : ces droits ne cessent point, pour autant, de demeurer intacts.

Mais la discussion est vive sur la valeur du mariage contracté sous la audition de garder perpétuellement la cont inence. l 'n certain nombre d’auteurs, et notamment Lehmkuhl, op. cit., t. ii, n. 882 ; Marc, Theologia moralis, t. ii, n. 1973 ; Wernz, op. cit., p. 612-616 (longue note du P. Vidal), considèrent un tel mariage comme valide. Ils invoquent encore la distinction entre l’existence et l’exercice du droit : cette condition de la chasteté perpétuelle n’empêcherait point le droit d’exister, puisque l'époux qui aurait des relations avec une tierce personne commettrait un adultère. Et elle laisserait intact l’usage des autres droits nés du mariage. Enfin, n’a-t-elle pas été posée lors du mariage entre saint Joseph et la vierge Marie ? et au contrat de plusieurs personnes appelées à la sainteté, sainte Pulchérie, saint Henri et sainte Cunégonde ?

La plupart des théologiens et des canonistes professent l’opinion contraire. La réfutation des arguments que nous venons d'énumérer est présentée notamment par Gasparri, op. cit., t. ii, p. 93 (dans la seconde édition, t ii, p. 77, un tout autre sentiment était exprimé) et, en termes presque identiques, par Cappello, p. 670. Exclure à perpétuité l’exercice du droit, n’est-ce pas exclure le droit lui-même qui consiste dans la potestas utendi. Matrimonii substantif, écrit Benoît XIV, non répugnât malrimonio non uti, sed uti non posse. De sgn. dioc, t. XIII, c. xxii, n. 12. En quoi peut consister un droit que l’on accorde sous la condition qu’il ne sera jamais exercé ? Impossibile est, fait observer le cardinal Billot, ut causa trunsloliva dominii ipsissima causa sit qua aufertur naturalis et spontanea dominii consequenlia scilicet libéra utendi facultas. op. cit., th. xxxv, ad l 11 ™. Des exemple ? historiques allégués, il n’en est pas un où l’on puisse prouver que la continence fut observée en conséquence d’une condition mise au contrat matrimonial. On peut admettre avec saint Thomas que Marie avait fait vœu de virginité et que le SaintEiprit lui communiqua le propos de saint Joseph d’observer la continence. Voir la bibliographie relative à sainte Cunégonde, dans De Smet, op. cit., p. 131, n. 6.

Ces unions contractées, dummodo perpeluam servemus caslitalem, devront, par faveur pour le mariage, être regardées comme valides. Mais il ne convient pas de favoriser ni même d’autoriser une condition dont l’effet est si vivement controversé.

Toute condition contraire à l’un des trois biens du mariage rend le contrat nul, de droit, naturel et de droit divin. Et il suffit que l’une des parties la pose : l’acceptation expresse ou tacite de l’autre partie constitue un pacte CjUi détruit le consentement matrimonial ; le refus signifie dissensus Le plus souvent, ces pactes concernent le second bien, prolem : la condition de n’avoir point d’enfant, d’user du mariage contrairement à ses fins naturelles, de subir la castration, rend vain le consentement au mariage. La condition d'élever les enfants dans l’infidélité ou l’hérésie est considérée par les uns comme dirimante, par la plupart comme non écrite, étant simplement turpis. On discute encore si la condition de tuer les enfants ou de provoquer l’avortement sont contraires à la substance du mariage ou seulement lurpes. Pour la première opinion, cf. YVernz-Vidal, op. cit., p. 609, note 33 ; Cappello, op. cit., p. 6f14 sq.Pour la seconde, De Smet, op. cit.. p. 130. M ki w, i D0CTB1N1 MOD1 RNE, Ll SACREMEN1

route* les qualités du consentement requise » par le droit classique sont maintenues en droit moderne : il doit être personnel, libre, simultané, légitime ; il doit, en outre, être sincère : le consentement relnt ou simulées ! sans valeur. Acla sanciK Sedis, t. win. p. 1 l sq.(1885) ;.cta apost. Sedis, I. iii, p. 525 sq (1911). 1.i Ile t Ion ou simulation se vérifie dans trois cas : ou bien les époux, lout en exprimant leur consentement, n’ont pas l’intention vie contracter, ou bien, ils » nt l’intention de contracter, mais non de se conféjus tut corpus, ou bien, l’intention de contracter « t de s’obliger, mais de ne point exécuter leur e.ipage ment. Cappello. p. o30-640. Ce dernier mode de simulation ne rend point le mariage invalide. Au contraire, nient le /us adiorpus. qui est de l’essence , lu mariage, ou l’une r’es propriétés essentielles du mariage (unité, perpétuité), c’est n’avoir point la nié véritable de contracter mariage. La jurisprudence récente de la Hôte n’exige point que cette intention de ne pas ^'obliger s, , il exprimée dans un pacte. Aria apost. Serfis., t. v. p. 312 (l » mars 1913) « I t. vu. p. 292 (7 février 1915) l a simulation complète -e rencontre seulement durs le premier di que nous avons énumérés : intenlio non contrahendi. La sincérité du consentement est toujours présumée, s, , $ i. i-"i la preuve de la simulation, qui est un fait de conscience sera difficile a produire. Les canonlstes modernes admettent ordinairement qu’elle te du concours fie ces trois éléments : l’aveM du simulateur (surtout s’il est fait sous serment, aussitôt après le contrat), l’existence d’une cause manifeste de simulation, des cire instances qui l’expliquent. Si la simulation, bien que ru-Ile. ne peut être établie, le mariage reste valide au for externe, alors qu’il est nul au for interne. Théologiens et canonisli demandent si le simulateur commet un sacrilège. I.a plupart le nient : il y a. disent-ils. dissimulatio, fiction d’un acte non sacramentel : Non ponitur aetia særamentalis seu materia et forma sacramrnti qute est in contracte ralido quia contrahens sua simuMione reddii nultiim contractum, ideoque, déficiente maleria et forma sacramenti. i. e. contracta ralido. deesl quoque simulatio proprie dicta. Cappello, op. cit.. p. 633. Cette opinion nous paraît contestable, a cause de l’inséparabiltté du contrat et du sacrement : le consentement feint au mariage emporte semble-t-il a la fois simulation du contrat et du sacrement, mensonge et sacrilège. Les canonistes discutent encore les obligations du simulateur et s’il est tenu de revalider le mariage, lbid., p. 634

l"n consentement valide ne peut être donné par ciux qui s..nt privés de raison soil provisoirement (enfants, individus en état d'ébriété ou de sommeil hypnotique), soit habituellement (fous). <>n discute sur le cas des monomanes. Voir les traites de médecine pastorale, ainsi Olfers. Pastoralm.'dizin, p. 1 1 >- Le mariage peut être validement contracté par un fou dans un intervalle lucide : en cas de doute sur l'état d’un amens au moment où il a contracté mariage, on admettra qu’il était en période d’amenlia. Acla apost. Sedis. t. vu. p. 572 (1915) et t. xii. p. 338 (1918). Sur ritère de la démence (incapacité de raisonner), la distinction entre la folie subite et la démence procf. Canoniste contemporain, 1920, i une de la sentence de la Hôte. 23 <Uc. 1918). Cas démence progressive, ibid., 1922. p. 12."> (Rote, 13 février 1913) ; de folie complète, ibid. 1921, p. 226 le, M novembre 1919). L’erreur, le dol, la violence entraînent dans certains la nullité du mariage. Sont causes de nullité : l’erreur sur la personne, can. 1083, * 1, OU -ur une qualité substantielle, ibid., § 2, 1 (c’est-à-dire sur une qualité qui détermine la personne avec qui l’on

Sl*

entend contracter, cecas s’est plusieurs lois rencontré) ou sur une condition sine </"" non posée au mari ie i ode ajoute encore l’error eondittonts, eau. 10 5 2, -' : (l’interprétation de ce dernier point soulève quelques difficultés, cf. Cappello, op. a'., p 621). L’erreur simple sur les caractères « lu mariage n’entrame pas nullité, can 1084, mali seulement l’er r< nr sur l’objet substantiel.

l a crainte gravi. venant de l’extérieur, Injuste i laquelle on ne peut se soustraire qu’en consentant entraîne la nullité dudll maria ; e. (.an. 1087, S L la crainte peut n'être pas cause directe de la nullité du mariage, mais de la simulation qui rend le mai

nul ; alors, il n’est point requis de faire la preuve de la

gravité de la crainte. Rote, 8 mars 1913, dans S. Ro mante Rota dois., t. v, p 210 sq. Le chef de violence et di crainte est le plus souvent Invoqué devant les tribunaux ecclésiastiques compétents en mal itre matrimoniale. Pans une étude juridique et pratique, il appellerait de longs développements. On trouvera la bibliographie et quelques décisions récentes dans De Smet. op. cit., p. 168 174. Voir encore Fourneret, op. cit., p. 125-132 ; Wernz-VJdal, op. cit., p. 580 sq. Cappello. op. cit.. p. 642 sq. ; Gasparri, op. cit., t. ii, p. 15 sq. Plusieurs points ont donne lieu a de vives discussions : d’abord, l’appréciation de la gravité de la crainte et particulièrement la notion de crainte révérentielle. Il y a, sur ce sujet, un bon nombre de déci Sions récentes dont on peut voir la liste dans De Smet. p, dt., p. 171. noie 1 (ajouter la cause YandcrhiltMariborough). Cf. Revue théologique française, 1903, ]>. 20 sq. Lei canonistes se demandent quelle est la source de cet empêchement de pis et met us, dans le cas OÙ la liberté est simplement diminuée, non pas tout à fait paralysée « car alors la nullité procéderait, évidemment, du droit naturel) : l’opinion la plus répandue invoque seulement le droit ecclésiastique. On se demande encore dans quelles conditions la crainte est suffisamment injuste pour invalider le consentement, '.'il faut qu’elle soit injuste quoad substantiam ou s’il suffit qu’elle le soit quoad modum ; enfin s’il est requis pour la nullité du consentement que l’inspiration de la crainte injuste ait eu lieu en vue d’extorquer le consentement. Cf. J. Adloff, dans Bulletin ecclésiastique de Strasbourg. 1922, p. 111-116, qui sur le dernier point répond négativement, par une interprétation qui nous semble rigoureusement exacte des canons du Code. i : n uns contraire : Wernz, p. 587 sq. Comme le mariage jouit de la faveur du droit, aaud’t favore juris, il faut, en cas de doule sur la validité, conclure par l’affirmative, Can. 1014. CctU règle a été reconnue même en faveur des infidèles voir les Instructions de la S. ('.. du Saint-Office du

18 décembre 1872 et du 24 janvier 1877. dans Collectanea S. Congregationis de Propaganda Fide, t. ii, n. 1392 et 1 165. Par exception, si un seul des poux infidèles se convertit, et que l’on doute de la validité de son mariage, on conclura à l’invalidité, en faveur de la foi Cf. Instructions de la S C. du Saint-Office,

19 mai 1892, 26 avril 1899, Coll.cit., n. I797, 2044 ; les décisions des années 1909 a 1913 de la Rote citées par Wernz, op. cit., p. 54, n. 98 et Code. can. 1127.

2. Dissolution du lien. Le contrai matrimonial peut être nul pour trois causes : inhabile ! e des parties, invalidité du consentement, omission des formes substantielles. Les parties peuvent alors dei 1er soil la

revalidation - simple ou par sanaiio in voir Empêcbi mi vis de mamaoe, t. iv, col. 2493 et pour le droit récent, Fourneret, p. 321 333 (en ce qui concerne la première cause, la revalidation ne peut être demandée que si l’empêchement était de droit ecclésiastique), soit la nullité, ibid., p. 33' 351. In mariage valide ne peut être dissous par le

pouvoir séculier, car la loi de l’indissolubilité est de droit naturel secondaire et confirmée par le droit divin positif. Mais les trois causes de dissolution admises par le droit classique de l’Eglise sont encore aujourd’hui reconnues : le privilège paulin qui fera l’objet d’un art icle dans ce Dictionnaire I sur les controverses récentes, cf. De Sinel. op. cit., |>. 29 1 sq.), la profession religieuse et la dispense pontificale.

La profession solennelle dans un ordre religieux proprement dit dissout te mariage non consommé. Can. 1119. La collation des ordres sacrés n’a point le même effet, ni les vœux simples soit temporaires soit même perpétuels. On trouvera les catégories d’ordres à vœux solennels dans Fourneret, op. cit., p. 194 s : q. La controverse au sujet de l’efficacité des vœux simples émis par les membres de la Compagnie de Jésus qui, depuis Grégoire XIII, divisait les théologiens (cf. Fahrner, op. cit., p. 308-310, qui cite les opinants) est terminée. L’efficacité de la profession solennelle a sa source dans le droit ecclésiastique, d’après l’opinion la plus répandue aujourd’hui, la seule, fait observer Fahrner, qu’autorise l’histoire, bien que certains auteurs aient fondé celle efficacité sur le droit naturel ou sur le droit divin. Fahrner, op. cit., p. 296-301 ; De Smet, op. cit., p. 288 sq., où l’on trouvera la liste des opinions anciennes et modernes.

Tout mariage non consommé peut être dissous par l’autorité du Souverain Pontife, can. 1119. Voir ci-dessus, t. iv, col. 1469-1470. Les canonistes modernes font observer qu’il ne s’agit point là d’une dispense au sens strict (relaxatio legis) mais d’une véritable dissolution du lien. Cette dissolution ne pouvant être accordée que par Dieu, l’Église en la prononçant, n’exerce pas un pouvoir propre, mais un pouvoir ministériel et instrumental. Elle ne l’exercera donc légitimement que si une juste cause est invoquée. Un décret de la S. C. des Sacrements du 7 mai 1923 fixe les règles à suivre pour prouver la non consommation. Acta apostolicæ Sedis, t. xv, p. 389-436 ; Canoniste contemporain (Villien), 1924, p. 49-64 et 97-112. Ce décret précise que la S. C. des Sacrements est seule compétente pour connaître du fait de nonconsommation du mariage et de l’existence d’une juste cause de dispense : c’est une cause réservée. En principe, seuls les époux peuvent demander dispense du nvdrimonium ratum et non consummutum. L’opinion commune est que le pape ne pourrait dissoudre ce mariage à l’insu des époux ou malgré eux. Cette opinion s’appuie sur les can. 1119 et 1973 et sur la règle 5 du décret cité ; sur la tradition, qui ne montre aucun exemple de dispense accordée à l’insu des deux époux ; sur la raison, qui ne découvre point de cause juste de séparation, utroque sponso invita. Wernz, op. cit., p. 736, note 37. Cappello combat ces arguments, p. 795. Pourquoi, demande-t-il, le pape ne pourrait-il, malgré l’inaction ou la résistance des époux, dissoudre un mariage non consommé s’il y voit une cause juste ? Le droit ecclésiastique dissout, indépendamment de leur volonté, par une loi générale, le lien des époux qui font profession solennelle, a fortiori devrait-il dissoudre ce lien dans un cas particulier s’il y a justa causa. Et Cappello expose un cas soumis au Saint-Siège, que la mort vint résoudre au cours de l’instance et dont il ne doute point (pro certo habemus) qu’il eût fourni à sa thèse une confirmation décisive.

Le mariage consommé, entre chrétiens, est absolument indissoluble. Can. 1118. Mais le mariage consommé, entre infidèles, peut être dissous par le pape, lorsque les époux, convertis, se trouveront soumis à sa juridiction, pourvu que, depuis le baptême, ils n’aient pas eu de relations conjugales. Si un seul des époux se convertit, les auteurs ne sont point d’accord sur le

droit d’intervention de la papauté ; cependant, la plupart admettent que le Souverain Pontife pourrait rompre le lien, Cappello, op. cit., p. 826 sq. Même Je mariage contracté validement, entre un non-baptisé et une hérétique baptisée, peut être dissous par le pape, et, en fait, la dissolution de mariages de cette sorte a été récemment prononcée. Voir deux réponses de la Congrégation du Saint-Office du 10 juillet 1924, dans L’Ami du clerr/c, 192"), p. 109, et du 5 novembre 1924, dans Ecclesiasticai Review, 1925, t. i.xxii, p. 188. Les réponses s’appliquent à un mariage contracté sans dispense ; mais des auteurs récents (De Smet, op. cit., p. 285) considèrent que la dispense ne modifiant en aucune manière la nature du mariage, le pape pourrait dissoudre un mariage contracté avec dispense entre deux personnes dont une seule aurait reçu le baptême.

A l’exception des trois causes que nous venons d’indiquer profession religieuse, privilège paulin, dispense pontificale — le mariage ne peut être dissous, tant que vivent les époux. Mais les époux peuvent être dispensés de la vie commune. La principale cause de séparation, la seule cause de séparation perpétuelle est l’adultère qui doit être consommé, pleinement volontaire, non compensé par l’inconduite du conjoint ni autorisé par lui, expressément ou tacitement. Can. 1129 Bien d’autres causes peuvent être invoquées : apostasie ou hérésie, péril grave de l’âme ou du corps, éducation non catholique des enfants, vie criminelle et ignoble. Can. 1131, § 1. Sur ces questions, que nous n’avons pas à traiter ici, cf. De Smet, op. cit., p. 220-232 ; Cappello, op. cit., p. 864-873 ; Wernz-Vidal, op. cit., p. 778-786 : Gasparri, op. cit., t. ii, p. 324 sq.

3. Rôle de l’Église et de l’État.

« Baptizalorum matrimonium regitur jure non solum divino, sed etium canonico, salna competenlia civilis potestatis circa mère cii’ilps ejusdem matrimonii efjectus. Le mariage des baptisés est régi non seulement par le droit divin, mais encore par le droit canonique, la compétence du pouvoir civil restant sauve pour ce qui concerne les effets purement civils dudit mariage. » Can. 1016. L’Église seule est qualifiée pour statuer en toute matière ou atïaire relative au contrat-sacrement et au lien de mariage. Le fondement de cette compétence exclusive est à la fois d’ordre théorique et d’ordre pratique. Le mariage est un sacrement et le contrat ne peut être séparé du sacrement. Même considéré comme contrat naturel, le mariage est sacré puisqu’il multiplie les sujets de l’Église militante et de l’Église triomphante. Le droit de l’Église est donc fondé sur la nature même du mariage. Il a Dieu pour auteur et ne dérive point d’une loi ecclésiastique (comme le pense Schnitzer, op. cit., p. 46 sq.), encore moins d’une concession du pouvoir séculier. On ne saurait même accorder au pouvoir séculier une part dans la réglementation du contrat-sacrement et du lien de mariage. Le concours des deux puissances » pour la réglementation du mariage, qui fut jadis recommandé par divers auteurs est une conception périmée. Des contradictions sont inévitables entre deux législations indépendantes qui ont le même domaine et comme le bien surnaturel l’emporte sur le bien naturel, qu’il ne contrarie d’ailleurs, en aucune mesure, le droit exclusif de l’Église est fortifié par la considération de l’intérêt public. De Smet, op. cit., p. 357 sq.

Ce pouvoir exclusif de l’Église est législatif, judiciaire et coercitif. La loi ecclésiastique fixe les conditions de validité et de licéité du contrat-sacrement, toutes les conséquences qui en dérivent naturellement : droits et devoirs des époux, statut des enfants, enfin il règle toutes les questions intimement rattachées au vinculum conjugale, notamment les fiançailles. Le MARIAGE, DOCTRINE MODERNE, LE SACREMENT

2301

pouvoir d’établir des empêchements qui donné Ueu.m plus mis conflits n’appartient qu’au pape ou au concile œcuménique, en union avec lui. Les ics ne peuvent qu’interdire. |><>ur des raisons 1res 1 célébration de certains mariages auxquels oppose aucun empêchement légal. Il appartient o l’Église d » poser dans les limites du droit naturel et du droit divin des empêchements en vue du bien spirituel et menudu bien temporel des fidèles. Les empêchements absolus doivent être justifiés pur la site de défendre la vie et les droits des tiers ou la site de pourvoir au bien commun de la société. Voù ; mariagi. t. iv, col. 24 15 sq.

1 i compétence exclusive dejuridictions eedésiass en matière matrimoniale, rappelée par le e.m 1960 du Code, est une conséquence du pouvoir itif : Causse matrimoniales inter baptizatos jure , , ft exchisi’""’ecclesiasticum spectant.

tribunal compétent est. en première instance. l’Ordinaire du lieu. L’appel porte l’affaire devant le métropolitain. Le e.m. 1594, §2 prévoit le cas OÙ la première instaïue s’est déroulée en cour archlépiscol e pape est le dernier juge d’appel et, à cause de mante de juridiction.il a compétence universelle dans toutes les’affaires matrimoniales des chrétiens, qu’il peut évoquer et juger. Depuis la constitution nli consilio de Pie X (29 juin 1908>, la compétence tribunaux et Congrégations est ainsi fixée : au Saint-Office appartiennent les causes relatives au privilège paulin et aux empêchements de disparité de igion mixte : quant aux autres causes. - qui doivent être tranchées par voie disciplinaire outre les cas de non-consommation) sont portées int la Congrégation des Sacrements, celles qui oumises a l’ordre judiciaire, devant la Hôte. La énitencerie tranche les questions de for

interne.

la compétence des juridictions ecclésiastiques ne nd pas aux non-baptisés (même catéchumènes) mais elle s’étend a tous les baptisés. Tout contrat matrimonial valide entre baptisés est un sacrement, can. 1012. v 1. et donc soumis à la juridiction de ise comme le disent les can. 1016 et 1960. En fait, le tribunal de la Rote a été appelé plusieurs fois à juger des causes matrimoniales concernant des baptises non-catholiques. Voir, par exemple. S. Romaine senltntife, t. iv, p. 20 sq., p. 328 sq. : isionsde 1912). Son intervention n’a donc riend’innt procès Vanderbilt-Marlborough, lie a déclaré nul. ex capite vis et mclus. un mariage bré entre protestants, en 1895. Acta aposl. Sed., 501. Cf. Ami du clergé, 6 janvier 1927, p. 1 sq. et 10 mars 1927. p. 149 sq. Ce mariage n’était d’ailleurs point invalide du chef de clandestinité, car il a été célébré sons le régime du décret T<tm>tst dans un pays ce décret n’avait pas été publié. li convient de noter que l’enquête sur l’état libre qui précède tout mariage fait l’Eglise juge de la validité de l’union qui aurait été antérieurement eontracpar l’une ou l’autre des personnes qui désirent

s’unir en légitime mari :

Eni _ causes matrimoniales ont été jugées par

le tribunal de la Rote, notamment 18 du chef de violence et de crainte, dont 1 1 ont été favorablement accueillies. 8 du chef de défaut de consentement, dont 5 admises, 3 du chef d’- consentement simulé, rejel du chef de violence, crainte et condition impodont 2 admises. 2 du chef de clandestinité, adn,

Le pouvoir séculier partage la compétence avec l’Égli-e pour la répression pénale des délits de droit commun : adultère, inceste, uxoricide. etc., sans qu’il lui soit, naturellement, permis de toucher au lien

2302

En outre, le bras séculier doit prêter son concours a l’Eglise qui seule a le pouvoir cocrcitif comme le pouvoir judiciaire pour l’exécution des sentences

des tribunaux ecclésiastiques.

le entabie domaine de l’État, ce sont les effets

civils (régime pécuniaire, successions, etc.), avec une

double réserve : aux époux dont le mariage est valide canonlquement ne peuvent être refusés les Bffets Inséparables du contrat : et le can. 1961 <lu Codex permet au |uge ecclésiastique de connaître des effets purement civils du mariage, ex propria potistate, s’ils sont évoqués incidemment et accessoirement, au cours d’un procès.

lue décision de l’État, dans le domaine réserve a Il g Ise, ne tirerait sa force que de la délégation faite par l’Église de son pouvoir OU d’une canonisation postérieure ; cf. l.eitner. op. cit., p. 76 sq.. 85 sq. Les prescriptions ou prohibitions édictées par le pouvoir civil sont sans force obligatoire : simplement, par esprit de charité et pour éviter de graves difficultés pratiques, les fidèles les observeront, pourvu qu’elles soient honnêtes. Cf. Scheeben-Atzberger, Handbuch der katholischen Dogmatik, Fribourg, 1903, t. tv, p. 797 sq.

Que les États modernes aient sensiblement dépassé les frontières fixées a leur compétence par le droit canonique, nous l’avons déjà montré ; les législations des États-Unis d’Amérique oui même instauré de nouveaux empêchements, d’ordre sanitaire, qui contredisent le principe de la libelle naturelle du mariage affirmé par l’Église. Les maladies vénériennes, la tuberculose, la faiblesse d’esprit, l’ivrognerie, certaines autres tares sont considérées par ces législations comme des obstacles au mariage. Cf. The ecclesiastieal Review YearBook, Philadelphie. 1910 ; Encycl. Britannica, au moi Marriage, cites par De Smet, op. cit., p. 377. n. 3. Plusieurs États américains sont allés jusqu’à prescrire la stérilisation des dégénérés. Dans l’État de l’Indiana, entre 1907 et 1910, 800 hommes auraient subi la vasectomie. Ces procédés paraissent en contradiction avec les principes de l’Église : elle ne les juge strictement indispensables ni pour la défense des tiers, ni pour le bien social, et ils portent gravement atteinte aux droits de l’individu. De Smet, op. cit., p. 382-385. avec une abondante bibliographie.

Comme l’Église n’a point juridiction sur les infidèles, le pouvoir de réglementer leur mariage, appartient à l’État qui peut établir des empêchements prohibitifs et dirimants. Resemans, De competeniia civili in rinculum conjugale infîdelium, lS87. La constitution de la famille intéresse au plus haut point la société civile, qui doit v pourvoir seule hors du domaine de l’Église. Application a été faite de ce principe par la Congrégation de la Propagande, notamment dans un décret du 26 juin 1820, aux termes duquel un mariage contracté entre Tonkinois, malgré l’existence d’un empêchement dirimant établi par la loi locale, est nul. Une instruction dont on discute le caractère fut rédigée par le consulteur, où le plein pouvoir des princes séculiers sur le mariage de leurs sujets infidèles est affirmé, notamment le droit de fixer des empêchements qui ne soient point contraires au droit naturel ou au droit divin. Cette double limitation est, d’ailleurs, incontestable. D’autres points ont soulevé quelques difficultés, ainsi, le fondement et la nature du pouvoir du prince : il nous semble que ce pouvoir, il l’exerce comme chef de l’État, jamais comme pontife de la religion nationale, et qu’il l’exerce per se. et pas seulement per accident. Cf. De Smet, op. cit., p. 371 sq. ; Gihr, p. 4*0-464. De nombreux auteurs du isiècle ont contesté OU étroitement limité le pouvoir du prince sur le mariage des infidèles : l’opinion contraire semble aujourd’hui dominante. Wernz, p. 82-89. 4. Le minisire, la matière, ta (orme. — Toute la

réglementation du lien de mariage est donc bien arrêtée. On en peut dire autant de la théologie, où l’on distingue encore des vérités de toi et des opinions certaines, mais où la part des simples probabilités a été presque complètement éliminée.

a) Le ministre. D’abord la théorie de Cano, qui fournissait un appui aux adversaires de l'Église, se trouva indirectement atteinte par les définitions pontificales du contrat-sacrement. Quelque temps encore, elle fut traitée avec certains ménagements : on en peut voir un exemple dans Gerdii. Mais, au cours du xixe siècle, l’opinion contraire devint l’opinion commune. On trouvera une discussion détaillée dans Carrière, De matrimonio, t. i, p. 15-70 ; Rosset, op. cit., t. i, p. 296-320 ; l’erroné, op. cit., t. i, p. 18-175.

La doctrine de Cano a été réprouvée par Pie IX, dans sa lettre Ad apostolicæ Sedis (22 août 1851) qui condamne les œuvres et les doctrines de NuytL, et par Léon XIII dans la lettre Arcanum divinæ (10 février 1880,. Elle n’a plus aujourd’hui de partisan. Cf. Billot, op. cit., p. 370 ; Schanz, Die Lehre non den heiligen Sucramenten…, Fribourg, 1893, p. 738 sq. On se demande seulement quelle notion les époux doivent avoir de leur ministère. Et l’on admet que, pour la validité du sacrement, il n’est point nécessaire que les contractants sachent qu’ils sont les ministres : il suffît qu’ils aient l’intention générale de contracter mariage selon l’esprit de l'Église, plus simplement, qu’ils ne manifestent point explicitement la volonté de ne pas recevoir le sacrement. Tanquerey, Synopsis… De matrim., n. 12, p. 319. Vouloir le contrat, c’est vouloir’le sacrement. Noldin, op. cit., n. 510 ; Franzelin, De sacramentis in génère, Rome, 1868, p. 226

Cette doctrine n’est pas en contradiction avec la doctrine générale d’après laquelle le ministre du sacrement peut accomplir le rite sans conférer le sacrement. Si les époux ne veulent point réaliser le sacrement, il n’y aura point sacrement, mais parce que le contrat et le sacrement sont inséparables che7. les chrétiens, que tout contrat a été élevé par lésus-Christ à la dignité de sacrement, il n’y aura point de contrat. Sasse, op. cit., t. ii, p. 388 sq.

Les personnes qui seraient en état de péché mortel au moment de contracter mariage commettraient un péché mortel, puisque le mariage, étant un sacrement des vivants, postule nécessairement l'état de grâce. Voir quelques distinctions sur ce sujet dans Cappello, p. 776 sq.

b) Matière et /orme. — Les discussions sur la matière et sur la forme semblent aussi définitivement closes. Aujourd’hui on reconnaît communément la forme dans l’expression du consentement : paroles ou signes. Cf. Billot, th. xxxs’ii, coroll. 1 ; Gasparri, op. cit., t. i, p. 23.

Sur la matière, les opinions ont été plus nombreuses que sur la forme parmi les théologiens : elles étaient de bien moindre conséquence, puisqu’elles ne risquaient pas de séparer le contrat et le sacrement. Les thèses des classiques gardent toutes des partisans, dans les temps modernes. Parmi les opinions plus récentes, celles de saint Alphonse de Liguori, de Benoît XIV, de Lugo sont le plus fréquemment reproduites. On les trouvera, par exemple, dans Rosset, n. 356 sq., t. i, p. 289 sq. L’opinion qui semble aujourd’hui la plus répandue, et qui a pour elle l’autorité de Dom. de Soto, deBellarmin, de Suarez, est celle qu’exprime le cardinal Gasparri, loc. cit. : Pr&ferimus illos qui dicunt maleriam remotam esse jus coeundi. proximam esse verba, signa… exprimentia consensum qui/tenus important traditiomm juris ; formant ! esse eadem verba, signa… exprimentia consensum qualenus important acceptionem juris. Nam hac acceptione completur contractus et ideo sacramentum, et proinde tune verificatur illud : aeeedit verbum ad elementum et fit

sacramentum. Cf. A. Blat, op. cit., t. iii, part. 1, p. 106 sq. ; Huarte, n. 221 ; Pescb, n. 758 sq. ; Billot.

loc. I il.

5. La i/rire et le cara’tire. Le consentement mu

t ml, sacramentum lantum, réalise le lien, rem et sacramentum, et procure la grâce, rem, laquelle se produit des qu’aucun obstacle ne s’y oppose.

Le mariage, per se. confère la grâce à ceux qui in étal de la recevoir, la grâce seconde, un accroissement de la grâce, et non la grâce première, puisqu’il est un sacrement des vivants. Comme les autres sacrements des vivants, il peut, per occidens, produire la grâce première en ceux qui se trouveraient en état de péché mortel, sans avoir conscience de leur état, et avec la contrition imparfaite, sallem hubitualiter. telle est, du moins, l’opinion la plus répandue chez les théologiens ; cf. ci-dessus, Attrition, t. i, col. 21M8 sq.

La grâce sacramentelle du mariage est en quelque sorte cette réserve, ce potentiel de grâces d'état, qui permettra aux époux de remplir tous les devoirs et de supporter toutes les charges du mariage. Cette grâce sacramentelle les incitera à rechercher la fin première du mariage, a donner à leurs enfants l'éducation religieuse et morale et de bons soins temporels, can. 1013, à s’aimer et â s’entraider constamment avec joie, à modérer leurs désirs charnels.

Si les époux ne sont pas en état de recevoir la grâce au moment où se forme le lien, la reviviscence du mariage se produit, remoto obice, car le lien conjugal dure comme ratio exigitiva de la grâce et Dieu ne saurait priver de la grâce sacramentelle les époux bien disposés. Hervé, op. cit., p. 496 sq. Sur la curieuse théorie de Leitner, op. cit., p. 61 sq., cf. Wemz-Vidal, p. 36, note 59.

L’attention des théologiens est sollicitée par un problème qui n’avait guère été approfondi jusqu'à ces dernières années, celui du caractère. Les canonistes de la fin du Moyen Age ne l’avaient pas méconnu. Peut-être, pour écarter leur sentiment, cette simple observation de Lugo paraîtra-t-elle suffisante : le mariage non constitua hominem in aliquo offlcio rel ministerio pertinente ad Christum, ralione cujus oporteat hominem peculiari nota Christi insignire. Disputationes scolasticæ el morales (h sacramentis in gêner ?, Lyon, 1636, p. 103. En Allemagne, une doctrine plus nuancée que celle du xv siècle s’est formée dans ces dernières années : celle du quasi-caractère Voir CArtvefftFK

SACRAMENTEL, t. II, COl. 1708.

6. L’institution et les développements du mariage. — Les grandes époques de l’histoire du sacrement de mariage ou, comme disaient les scolastiques, ses diverses institutions, sont exposées de la manière suivante par les théologiens.

Dieu a créé la société conjugale (Hoc mine os…) el lui a assigné sa tâche fCres’itc..). L’opinion de Pabst, Adam und Christus…. p. 38 sq., d’après laquelle la sexualité est une conséquence du péché d’Adam, est erronée. Dès l’origine, le mariage était un signe sacré de l’union future du Christ et de l'Église. La monogamie et l’indissolubilité sont ses traits primitifs. L’acte de Lamech est une violation de la loi qui a régné jusqu’au déluge.

La polygamie fut permise aux Israélites par une dispense, le divorce s’introduisit parmi eux, et Dieu le permit dans certaines limites. La formation du lien a été réglementée par Moïse qui, sur l’ordre de Dieu, énonça plusieurs empêchements.

Jesus-Christ éleva le contrat à la dignité de sacrement de la Loi Nouvelle. Quatre opinions sont encore aujourd’hui proposées sur le moment de cette institution : les uns pensent que le sacrement de mariage a élé institué lorsque la nature divine, en la personne M Mil. ; i :. OPPOSITIONS - IENTIFIQUES LA DOCTRINE

du Verbe, s’unit i la natore humaine, et Ils Invoquant

le symbolisme du mariage ; d’autres que '* Seigneur en

Il fiant p ; ir sa présence les noces de Cana, éleva

tr.it à la dignité de sacrement : il en est qui assl

gnent pour origine au mariage chrétien le rétablisse

ment par lésus-Christ des lois primitives de l’unité

l’indissolubilité. Matth., six.." 10 ; enfin, plu ne veulent voir dans les paroles du Christ

qu’une préparation a l’institution méditée celle ci ne

rail faite qu’après la résurrection « lu Seigneur,

pendant les quarante jourdurant lesquels il apparut

plusieurs fois aux pdtrvs, et les entretint des m>s du royaume des deux. Quant à la promulgation

du nouveau sacrement, le Christ s’en serait remis au

ministère de saint Paul. I Cor., vii, l 17. J. Souben,

-tir théologie dogmatique, t. vin b. Les sacrements,

Sur le mode de l’institution, plusieurs opinions ont iroposées qui sirattachent trop intimement à la tbèse générale de l’institution des sacrements pour que l’on puisse les discuter utilement ici. Plusieurs théologiens, appliquant a l’histoire du mariage la conception Dewmanienne du développement, se demandent si Jésus-Christ n’aurait pas institué quelques sacrements a l'état implicite ? Ne se serait-il pas contenté d’imposer les principes essentiels, desquels, après un loppement plus ou inoins I.mil ;. seraient sortis les ment s pleinement constitués"? Pourrat, "/). cif., p. '.27. :. Sauf le baptême et l’eucharistie, les sacrements n’auraient pas été donnes a l'Église par le Sauveur pleinement constitues. Seuls, les principes essentiel ! du mariage, par exemple, auraient été poses : l’EspritSaint en aurait peu à peu. selon les besoins de l'Église grandissante, dévoile toutes les richesses. Cette théorie de l’institution immédiate mais implicite du mariage adoptée par Koch, danTheologischt Quartalschri/t. 1912, p. I 16 sq.

I opinion d’après laquelle le mariage n’aurait été considère que tardivement comme un sacrement de la Loi Nouvelle a été condamnée parle décret Lamentabili :

M. Matriniontum non potuit évadera Meramentum

- nisi s, rius in Koelesia ; siquideiii. ut inatrimonium pro sacranirnto hsiberctur. i it ut

lard plena doctrine de gratia et saoramentis tbeologica expHcatlo.

N. ">i. Le mariage n’a pu devenir sacrement de la Loi

nouvelle que par l’action tar<lie de l'Église ; car, pour « pie le mariage fut considéré comme sacrement, il était

-aire que la théologie

eut complètement développé la doctrine de la grâce et des battements.

L’opinion qui srmlile aujourd’hui dominante est

que le progrès qui se manifeste dans la doctrine du

mariage est le résultat d’une Intelligence plus parfaite

fésus-Christ Connaissance plus expli t non point institution plus explicite.

L’opposition aux doctrines traditionnelles fonder

sur 1rs scienrrs. Le conflit entre la loi de l'Église et

lis du siècle a été aggravé au courdu siècle

dernier par un conflit spéculatif, entre les sciences

M plutôt les conclusions d’un certain nombre de

nts et la théolof

D’abord, les sciences qui, depuis l’humanisme,

ent a demi-sécularisées, l’exégèse et la philo . devinrent généralement, entre les mains des

lalqui hostiles a leur ancienne maltresse, la

théoli il besoin de rappeler que tous les

textes scripturaires relatifs au mariage ont été soumis

ïamen général qui n'épargne aucun fragmenl

Livres saints ? Il n’entre point dans notre plan île

opinions émi ses sur chacun

d’entre eux et des réponses atholiques.

Cette besogne l’imposerail eependanl a l’historien

de la théologie du mariage au nx 1 siècle. Le seul chapitre u de la première aux Corinthiens lui tour

nirait le sujet d’un longue dissertation qui < terminerait actuellement par l’examen de conjectures toutes

récentes et hv pererit iques sur la rédaction de cette

epitre et l’origine du fragment relatif au mariage. Cf. Annuaire de V École pratique des Hautes Études, -cet ion des Sciences religieuses, 1926 -7, p. 86. si la critique, Jadis respectueuse, est devenue dans

bien des cas Indifférente ou agressive, cela lient a la disposition générale de l’esprit moderne, qui se

traduit notamment dans la philosophie, les détails de l’enseignement des philosophes contemporains sur le

mariage qui. certes, mériteraient examen, offrenl moins d’intérêt pour l’histoire de la théologie qui prit général qui les anime, un esprit d’hostilité aux définies, Immuables. La plupart considèrent les lois du mariage comme toutes relatives, i-'.i même ceux qui voudraient les affermir leur assi^ncni dei hases bien fragiles. Un philosophe foncièrement ai lâche aux principes de la famille tels que hs a posés le christianisme, Auguste Comte, substitue, dans sa théorie du mariage aux assises du dogme catholique les fondements nouveaux que lui fournissent la psychologie positive et la statique sociale. !.. I

Bruni, /-" philosophie d’Auguste Comte, Paris, 1913, p. 289-293 ; les philosophes ci les juristes qui restau relit la notion du droit naturel sont trop souvent portés à lui attribuer un contenu variable. Nous verrons que les catholiques ont réagi avec force contre ces dispositions qui les alarment.

L’exégèse scripturaireet la philosophie, dont nous ne faisons que signaler le rôle, sont desciences ancienne-. qui ont seulement changé d’esprit. Au xixe siècle,

des sciences nouvelles sont apparues don ! l’esprit

nesi point, en apparence, si menaçant pour les vérités traditionnelles et qui. cependant, devaient leur opposer parfois des contradictions rudes il pratiquement efficaces. Les sciences historiques, d’une part, ont entrepris l'étude des primitifs, les sciences économiques et l’hygiène, l'étude du développement de la population. Les premières étaient donc amenées à prendre parti sur les origines du mariage, les secondes, sur la morale sexuelle. El ainsi, après la doctrine du contrat-sacrement, c’est la doctrine catholique de l’institution divine du mariage et de l'état conjugal qui se trouvait mise à l'épreuve.

1. L'étude des non-civilisés ri In question des caractères primili/s du mariage. Vers le milieu du xix* siècle, les vues sur l'état primitif de l’homme qui étaient depuis l’antiquité l’apanage des poêles et des philosophes ont pris un caractère rigoureusement scientifique. Certains savants ont énoncé cette conclusion que le mariage est une institution tardive, que la société conjugale n’existe point dans les civilisations primitives. La théorie de la promiscuité originelle, du défaut de règle touchant le rapports sexuels chez les primitifs, professée par tous les évolutionnistes, a ete exposée systématiquement dans un ouvrage célèbre de J. Hachofen. Dos Mutterrecht, stuttgard. 1861. L. H, Morgan, Ancieni Societu, 1877, lui donna plus d’ampleur, et de nombreus observateurs réunirent des faitqui semblaient la corroborer. Voir notamment Giraud-Teulon, Les origines du mariage et </- hi famille, Paris, 1884. Cette théorie prit une importance politique pratique, deplus redoutables, le jour on les socialistes l’utilisèrent, notamment l'.ebei. Die l "m und der Sozialismus, 1883, et F. Engels, Der Ursprung der Familte und dm Staats, dis Privattigenthums, 1884.

La théorie évolutionniste repose sur une certaine notion de l'état primitif de l’homme, animal dominé pal l’Instinct sexuel, incapable de la fixité el de In 8

délicatesse de sentiments que Buppose le mariage. Cette notion générale, les évolutionnistes la croienl Justifiée pur l'étude des peuplades non civilisées. SI l’on groupe, un peu arbitrairement peut 6tn

leurs explications, voici leur tableau de l'évolution humaine : à l’origine, promiscuité sans règles, l’incertitude de la paternité chez certains peuples anciens et aujourd’hui encore en I lawai (Morgan) en serait une preuve La première règle qui apparaisse serait l’interdiction du mariage entre parents au premier degré. Puis la prohibition s'étend, mais entre les hommes d’un groupe et le^ femmes d’un autre groupe, la liberté des rapports sexuels est admise (noces par groupe). Famille matrimoniale (liachofen), famille patriarcale et polygamique, famille monogamique, tels sont les derniers stades. Les transformations continuent de s’accomplir sous nos yeux.

Les conclusions de.Morgan avaient d’abord été acceptées par la plupart des sociologues. En 1888, elles étaient très vivement attaquées par Starcke, Die primitive Familie in ihrer Entstehung und Eniwickelung (trad. française en 18'.)1). Les frères Sarasin publièrent les résultats d’observations laites chez les Weddas de Ceylan, dont la civilisation est très primitive et qui connaissent cependant une organisation matrimoniale régulière et même une véritable monogamie. P. et F. Sarasin, Die Weddas von Ceylan und die sieumgebende Vôlkerschafien. Westermarck reprit les objections de Starcke (et aussi celles que, dès 18(55, avait formulées Mac-Lennan) qu’il appuya de nombreux documents ethnographiques. The hislory of human marriage, Londres, 1891.(trad. française en 1895). A quoi Mucke répondit par une nouvelle interprétation des faits observés par Morgan, cf. Horde und Familie in ihrer urgeschichllichen Entwiekelung, Stuttgard, 1895 ; J. Kolher, Zur Urgeschichte der Ehe, Totemismus, Gruppenehe, Mutlerrechl, a réhabilité les conclusions de Morgan.

Peu de mois après cet important ouvrage, enl898, paraissait le premier volume de l’Année sociologique. Chacun des volumes de cette publication contient une sorte de chronique consacrée aux études récentes sur le mariage dans les sociétés primitives, et dont les éléments sont répartis entre la troisième section : Sociologie et morale juridique (sous la rubrique : l’organisation domestique et matrimoniale) et la quatrième section : Sociologie criminelle et statistique morale (n. Nuptialité, divorces). C’est là, et dans quelques articles, qu’il faut chercher la pensée de Durkheim sur le mariage, intéressante pour sa valeur propre, et à cause de l’influence qu’elle a exercée. Nous la connaîtrons mieux quand auront été publiés par les soins de M. Mauss les cours de Bordeaux et de Paris. On peut lire la conclusion de l’un d’entre eux dans la Revue philosophique, janv.-fév. 1921, p. 1-14, et ils ont été utilisés par G. Davy, Vues sociologiques sur la famille et la parenté, d’après Durkheim, même Revue, juillet-août, 1925, p. 79-117. Il ne peut être question, dans cet article, que de signaler celles des conclusions de Durkheim qui intéressent la théologie, de résumer très rapidement ses vues sur les origines et les propriétés du mariage. Elles s’opposent aux opinions récentes que nous venons de mentionner. L’un des résultats de la critique de Durkheim a été d’achever la ruine des hypothèses de Bachofen, Morgan, Giraud-Teulon sur la promiscuité primitive et le mariage collectif. Avec constance, Durkheim s’est appliqué à dissoudre cette vaine conjecture. Voir ses comptes rendus des ouvrages de Kohler, Grosse, Howitt, dans Année sociologique, 1898, t. i, p. 313, sq., p. 332 ; 1906, t. ix, p. 366 sq. Par d’autres conclusions encore, Durkheim fortifie les vues traditionnelles : son opposition au divorce par consentement

mutuel est révolue. Voir son article sur ce sujet dans la Revue Bleue, 5 mai 1906. El s’il admet la dissolubilité du lien conjugal, on peut le compter parmi les plus réservés des partisans du divorce, dont il défend le principe, mais non point la liberté absolue. La facilité avec laquelle le mariage se rompt lui paraît être une anomalie. Tout ce que nous savons de l’histoire de la famille et de la société conjugale, enseigne-t-il, nous porte à croire que celle-ci doit revêtir de plus en plus un caractère sacré. Nous associons de plus en plus dans notre pensée les deux époux, nous tendons à considérer leur lien comme indissoluble. (Notes d’un cour inédit, communiquées par notre collègue M. Halbwachs.) Si l’enfant ne peut rompre les liens de parenté qui l’attachent à ses parents, pourquoi les liens conjugaux demeureraient-ils livrés à l’arbitraire individuel ? Le mariage n’est pas un contrat pur et simple : c’est un phénomène qui a un intérêt social. Le groupe conjugal est la seule molécule sociale qui ait une durée assez longue : il est bon que la société fasse sentir à l’individu que ce groupe n’est pas une convention de deux personnes, par conséquent que les conditions du divorce soient limitées. » Ibid.

Mais ses vues fondamentales sur la famille et le mariage dans les sociétés primitives sont fort éloignées de l’Anthropologie orthodoxe. « On voit combien est erronée cette opinion qui fait du mariage la base de la famille, » écrit-il dans un compte rendu de l’Année sociologique, 1898, t. i p. 341. Le centre et le foyer de la vie familiale, à l’origine, c’est le totem et c’est par le totémisme que Durkheim expliquera l’exogamie et toute la notion primitive de la parenté. Voir notamment La prohibition de l’inceste et ses origines, loc. cit., p. 1-70. La « famille conjugale » est le terme d’une évolution « au cours de laquelle la famille se contracte, à mesure que le milieu social avec lequel chaque individu est en relation immédiate s'étend davantage ; et cette évolution partirait, comme première forme de la famille, d’un vaste groupement politico-domestique, le clan exogame amorphe, et aboutirait à la famille conjugale d’aujourd’hui, en passant par la famille-clan différenciée, utérine ou masculine, par la familie agnatique indivise par la famille patriarcale romaine et la famille paternelle germanique. » G. Davy, art. cit., p. 83, et Revue philosophique, 1921, p. 6, note 2. La famille ne serait donc point le groupement naturel des parents et des enfants, mais une institution sociale, produite par des causes sociales. Primitivement, elle ne se di-'.ingue pas du clarr ; le mariage n’est dans sa vie, qu’un « accident » et il ne constitue point la parenté. Encore le mariage ne commence-t-il qu’avec la prohibition de l’inceste. « Ce qui montre bien que la prohibition de l’inceste est l’origine du mariage, c’est qu’un premier germe de mariage apparaît dès que l’inceste est prohibé. » Et il ne s’agit que d’un germe : « Prohibition de l’inceste, organisation du groupe familial, voilà les deux conditions nécessaires du mariage. Elles ne sont pas encore suffisantes. En effet, il n’y a pas encore de formalités au mariage : et ces formalités ne sont point dans le mariage quelque chose de superficiel… Elles sont quelque chose d’intrinsèque, d’essentiel » (Notes d’un cours inédit). Et ce mariage primitif n’est généralement ni monogamique ni indissoluble.

A côté du groupe constitué par Durkheim et ses disciples, qui garde une place importante dans l’Université et qui est aussi l’objet de vives critiques (voir par exemple, l’ouvrage récent de Lacombe), d’autres doctrines sociologiques se sont formées, dont les conclusions heurtent parfois les explications catholiques de l’origine du mariage. Voir un tableau de ces doctrines dans F. Squillace, Critica délia sociologia, t. i, Le dottrine sociologiche, Rome, 1902, et La classifiMARIAG1 OPPOSITIONS SI [1 NTII IQ1 ES LA DOCTRINE

i

Mtfon des doctrines wdohgifms, dans AnJwl p Institut international de sociologie, 1902, t. viii, p Chaque année, d’Importantes études « on publiées lui les origines de la ramllle, soit soua une ImM ainsi G. Fnucr. les oriofnra./< I « /amifle el m ion realite. les origines du totémisme et de garnie). trad. frauvaise. 1922, soit limitées à une ,, .. ainsi l> Vinogradof. Principes historiques du (origines.le la famille aryenne). trad. I)uez et , n des Louerais, Paris. 1924, soit consacrées a… » , pe restreint, et les monographies de ce genre sont n> en plus nombreuses. D « tous ees travaux, il en est peu. quels que soient les sentiments de leurs auteur-, qui aient pour fin précise la polémique religieuse. Mais il est Inévitable qu’ils la provoquent, toutelelois qu’une hypothèse contredit la doctrine catholique de la création et Ue l’institution divine du mariage

I catholique-, un peu surpris et irritepar la liberté des premier- évolutlonnistes, ont, depuis Ion 'tenu.-, reconnu qu’il ne suffit point d’opposer aux avants prives de la foi un dogme qu’ils ignorent ou de railler les faillites partiellede la science. Les problèmes scientifiques ne peuvent être abordés qu ades méthodescientifiques. Les -avantcatholiques ont donc commencé a leur tour deenquêtes sur les non-civilisés : ils avaient à leur disposition des millierd’informateurs surs, les missionnaires, qui, en fait, on ! été mis à contribution au cours de ces dernières année-.

In groupe d’ethnologues s’est forme dont le premier soin a été de constituer une méthode, la méthode dite historico-cultureUe. Græbncr, Die Méthode der Ethnologie, Heidelberg, 1911 ; A. Bros, i : ethnologie religieuse, Paris, 192 » ; H. Pinard de la Boullaye, , de comparedes religions, t. i, 1922 ; t. n. 1 '.->. Sur les origines françaises de cette méthode, cf. Vincent, Chronique d’Histoire des religions, dans rnces religieuses, 1927, p. 1°". note 1. M Vincent a donné un aperçu fort clair de la méthode dans cette même Repue, 1925, p. 98 sq. L’un déplusavantreprésentants de cette méthode est le Schmidt, de Vienne, directeur de la revue Anthroet qui a particulièrement étudie un peuple que icoup considèrent comme le plus proche des premiers homme-, les Pygmées. Cf. Schmidt. Dm Stellung der Pggmænoôlker in der Entwicklungsgeschiehte des Menschen, Stuttgart, 1910. La production de cette école est déjà abondante. On en trouvera les conclu-ionessentielles résuméedans Gemelli, Origines Je la famille, trad. fr.. 1923. DeSemaines dethnologie religieuse attestent la vitalité de la nouvelle école. Voir le Compte rendu analytique de la II h session, Enghien, 1923. son point de départ, c’est, en somme, la constatation de la liberté naturelle de l’homme, qui interdit d’appliquer a la recherche des origines de la société conjugale une méthode qui suprait la constance et l’enchaînement nécessaire des phénomène-. Malgré leinjonctionde certains -avants qui ne veulent appliquer aux non-dvilisés que la méthode des sciences naturelles. l’Ecole ethnologique étudie la psychologie de chaque peuple historiquement dans les diverses conditionon il s’est trouve. Klle aboutit à la détermination de cycles culturels. mais non point au tableau d’un développement continu de l’homme : elle discerne, depuis la création, des reculs, des bond-, des arrêtet, dans la période des origines, une décadence grave. L’erreur des évolutlonnistes n été de tracer a l’histoire un parcours ilier, d’imposer aux faits l’ordre d’un dur tchème rectiligne (au lieu de leclasser selon leur antiquité) et d’appeler primitifs les états de perversion. La question est. d’abord, de déterminer quels sont les plus

2310

primitifs dehommeBeaucoup « le savants répondent : les Pygmées, doni on a retrouvé des squelettes en Suisse, en France, en Sibérie et qui sont aujourd’hui dispersés en diverses parties du monde. <>r, les Pygmées et les Pygmoldea pratiquent le mariage

individuel et -table. Il- -ont monogamecomme ils

sont monothéistes. Et leur morale sexuelle est assez

élevée : certains observateurs -'accordent à dire

que dantel groupe pygmée, comme les Negritos des Philippines, la chasteté est pratiquée hors du mariage et la fidélité strictement observée entre époux.

i i schmidt. op. cit., passlm, et les nombreux ouvrages

publiesur les divers groupes de Pygmées et de Pyg moide-. dont on trouver., la liste danlenotes de Schmidt et de Gemelli. Voir notamment, sur les Andanièneles travaux de l’oit manu, de.Mann et de Klo-s ; sur les NegritOS, ceux de liecd et de Mundt lauft ; sur leBoschimans, Fritsch, Arbousset et Damna-.

D’autrecivilisations -c sont formées OÙ l'œuvre

de Dieu est, en quelque sorte, dégradée par l’homme. Encore ne faut-il point admettre la réalité de toutes les dégradations que les évolutlonnistes onl cru reconnaître : ainsi, l’appellation de père conférée par

les jeunehommes aux ancien-, dancertaines tribus, ne signifie poinl l’incertitude de la paternité ; elle a est qu’un témoignage de respect ; ei elle n’est pas générale : chez les Andamènes, par exemple, peuple très primitif, les termes qui désignent la pareille sont précis ; bien deobservateurs confirment que le régime de la promiscuité n’est point commun chez les primitifs. Cf. Mgr Le Roy, La Religion des primitifs, Paris, 1909 (sur les Bantous). La théorie des noces par groupes a été soumise à une -i vigoureuse critique, de Ta part de savantd’origine très diverse et d’observateurs des tribus australiennes oii on croyait en voir l’illustration, qu’on peut la regarder coiniiu périmée. Quant au matriarcal, si la ligne féminine est .seule prise en considération chez certaines tribus, cela n’implique point l’incertitude sur la paternité ni le gouvernement des femmes : des observations précises Pont montré. Cf. Gemelli, op. cit., p. 52-71.

L’exposé et la discussion des thèses sur l’origine du mariage onl été faits dans de nombreux ouvrages : voir notamment Howard, A history oj matrimonial institutions, Chicago et Londres, 1904 ; Fonsegrive, Mariage et union libre. Paris, 1904 ; Nystrôm, Das Geschlechtsleben und seine Gesetze, 8 « éd., Berlin, 1907. la première partie de l’ouvrage de K. BôckenhofF, Reformehe und christliche Ehe, Cologne, 1912, expoes la doctrine catholique des origines du mariage et de son élévation par Jésus-Christ au rang de sacrement. 2. Économistes et eugénistes ligués contre la morale conjugale du christianisme. — a) L’attaque. — Si les discussions relatives aux origines du mariage n’ont point ébranlé les enseignements de l'Église, si même elles fournissent de nouvelles confirmations à ceux qui demandent aux Pygmées un témoignage sur l'étal primitif de l’homme, certaines sciences pratiques, l'économie, l’hygiène devaient porter à la morale traditionnelle decoups extrêmement redoutables et.lune efficacité que la statistique nous révèle chaque jour.

a 1e néo-malthusianisme. C’est l’idée même de l’association conjugale, la notion des rapports entre époux, qu’une propagande, d’abord suggérée par I observation des faits sociaux, a récemment bouleversée. L’ensemble de -edoctrines et de serecettes est désigné soule nom de néo-malthusianisme. Malthus, on le sait, n’en est point le fauteur. Ayant aperçu les dangers d’un accroissement non surveillé de la population, convaincu que cet accroissement excessif est la cause principale de la misère et de la plupart des vices cet honnête pasteur recommandait comme frein

préventif l’ajournement du mariage Jusqu'à un âge assez tardif, la continence devant être gardée dans le célibat, moral restraint. Tel est le sujet de la seconde édition d’Un Essai sur le principe de la population,

Londres, 1803. On trouvera la traduction de trois passages essentiels de ce livre, précédés d’une notice et d’une bibliographie dans P, (iemàhling, Les grands économistes, textes et commentaires, Paris, 1925, p. 121-143.

Du vivant même de iMalthus, commença une propagande dont le point de départ est fourni par les observations de l’Essai sur l’accroissement de la population, mais dont les conclusions pratiques sont nouvelles. Cette propagande fut inaugurée en Angleterre vers 1820. Cf. J. A. Field, The earlg propagandist movement in English population theorg, dans The american économie Reoiew, 1911. Le néo-malthusianisme « rejette le moral restraint, l’abstention, l’ajournement ou la réduction des rapports sexuels physiques, comme une condition impossible ou trop pénible, et recommande un ensemble de pratiques diverses, d’artifices, pour rendre les relations physiques sexuelles à volonté improductives. » Paul Leroy-Beaulieu, La question de la population, Paris, 1913, p. 297. Les conditions sociales de l’Angleterre, au lendemain des guerres de l’Empire, étaient très favorables à l'épanouissement de la nouvelle doctrine. James Mil), le père du philosophe, l’adopta discrètement (1818) et Thomson sans aucun voile (1824). Elle prit aussitôt une forme populaire, des tracts la répandirent. Après vingt ans d’interruption, elle reparut, en 1854, dans les Éléments de science sociale de Drysdale, où est présentée la théorie de la « copulation préventive », c’est-à-dire « accompagnée de précautions qui empêchent la fécondation, » et, avec une vigueur qui n’a fait que croître, en 1876 : Annie Besant et Ch. Bradlaugh en étaient alors les apôtres. P. Leroy-Beaulieu, op. cit., p. 295-319.

L’argument initial des néo-malthusiens est d’ordre économique et social : il s’agit de limiter la misère en limitant le nombre des naissances, d’enseigner aux époux les moyens d'éviter la procréation d'êtres dont ils ne pourraient assurer la subsistance. Mais le principe libertaire n’a point tardé à élargir le programme primitif : non seulement, il est nécessaire d'éviter la surpopulation, mais il est loisible à tout homme de ne point engendrer, à toute femme de ne point enfanter. Les pratiques anti-conceptionnelles dont le but avait été d’abord la défense sociale servent, désormais, à défendre l’individu contre les anciennes règles sociales, à lui procurer un plaisir égoïste et sans fruit.

b. L’eugénique. — La recherche d’une conciliation de l’intérêt individuel et de l’intérêt social fit éclore, vers le milieu du xixe siècle, une science nouvelle, qui renforçait les positions des néo-malthusiens. A côté d’eux, d’accord avec eux sur bien des points, malgré les conflits de principe et la rivalité de secte, les eugénistes commencèrent leur propagande. On considère comme leur fondateur l’anthropologiste F. Galton (1822-1912), qui fut au moins l’inventeur du mot eugénique et qui, dans plusieurs traités, exposa les conditions du progrès physiologique de la race humaine. Béduire le taux de la natalité parmi les individus inaptes à une saine procréation, favoriser la reproduction des plus aptes : tel est le programme qu’il propose. « L’eugénique, écrit Mme Benée David, refuse le droit à la procréation à tout être susceptible d’engendrer un malade ou un criminel, un malheureux : elle lui dénie le droit de perpétuer la souffrance. Elle condamne à la stérilité les tuberculeux, les syphilitiques, les alcooliques, les épileptiques, les criminels, tous ceux qui peuplent les hôpitaux, les asiles, les prisons, tous les refuges de la misère humaine, physiologique ou morale : l’eugénique refuse aussi le

droit de donner la vie à tous ceux qui n’ont pas les ressources matérielles suffisantes pour assurer à leur postérité le bien-être, l’hygiène nécessaires au développement normal d’un enfant sain. - Art. de ParisSoir, cité dans Le l’r’trc et la Famille, bulletin de l’A. M. ('.. (Association du mariage chrétien », 1926, p. 251. En somme, le néo-malthusianisme s’occupe surtout de la quantité de la population, tandis que l’eugénisme ne s’intéresse qu'à la qualité de ses éléments. In laboratoire, une société savante, un périodique ont été créés par Galton pour l’avancement de l’eugénique. Quant à l’action sur le public, elle a été assurée principalement par l’extraordinaire initiative de la doctoresse Marie Stopes qui a fondé, en 1921, une société pour l'éducation sexuelle et la diffusion des saines méthodes physiologiques de contrôle >-, birth control, et la Clinique des mères où, sur les 5000 premières femmes qui se sont présentées, 4834, dont 599 n’avaient jamais eu d’enfants, voulaient être renseignées sur la pratique anti-conceptionnelle, 166 sur les moyens d’avoir des enfants. Manuel Devaldès, Le malthusianisme et l’eugénisme en Grande-Bretagne, dans Mercure de France, " mars 1926, p. 257-279.

La rencontre des diverses inspirations que nous avons énumérées devait assurer à la nouvelle morale sexuelle un immense succès. Beaucoup d’hommes détachés de la foi traditionnelle, beaucoup d' « avancés » — encore que la Ligue malthusienne ait gardé jusqu'à ces derniers temps, en Angleterre un caractère antisocialiste — lui ont donné leur adhésion. La crise économique qui, depuis 1920, sévit en Angleterre impressionne beaucoup de philanthropes. Cf. A. Andréadès, professeur à l’Université d’Athènes, La population anglaise avant, pendant et après la Grande Guerre, Ferrare, 1922, p. 64-77. L’eugénisme y a rallié de grands bourgeois conservateurs et inquiets, des ministres et jusqu'à de hauts dignitaires anglicans, dont le plus ardent semble être l'évêque de Birmingham, le Bev. D r Barnes et le plus éminent le doyen Inge. M. Keynes, l’auteur des Conséquences de la Paix, est un malthusien et un eugéniste convaincu, et M. Lloyd George, quand il était premier ministre, encourageait les malthusiens à préparer une opinion favorable au gouvernement, pour ! e cas où il viendrait à soutenir leur propagande par des mesures légales. Au Congrès du Labour Party, en septembre 1925, une motion favorable au néo-malthusianisme ne fut repoussée que par 1.824.000 voix contre 1.530.000. La Chambre des Lords montra moins de scrupules quand, le 29 avril 1920, malgré l’opposition du Gouvernement, elle adopta par 57 voix contre 44 une résolution aux termes de laquelle les Comités d’assistance sociale établis sur les divers points du territoire, sont autorisés à donner aux femmes mariées toutes indications nécessaires sur les meilleurs moyens de limiter le nombre de leurs enfants. Dans tous les pays, des Ligues se sont fondées pour faire connaître et justifier les pratiques anti-conceptionnelles : l’Union pour l’Harmonie sociale en Allemagne (1889), la ligue de la Bégénération humaine du D r Bobin (1896), etc.

Quant aux résultats de la propagande, ils ont été partiellement étudiés en divers pays. En France, le chiffre des naissances à diminué d’environ 1/3 dans les villes du Nord contaminées par le néo-malthusianisme. Et le nombre des avortements était, avant la guerre, si considérable, que les statistiques les plus optimistes les évaluaient à 100.000 par an pour la France, tandis que certain médecins proposaient : 500.000. Cf P. Leroy-Beaulieu, op. cit., p. 320-338. La baisse de la natalité en Angleterre est beaucoup plus rapide encore qu’en France. « C’est un chapitre de la décadence peut-être irrémédiable de l’Angleterre qui est en train de s'écrire sous nos yeux, » déclare M V'.l

OPPOSITIONS SCIENTIFIQl ES A LA DOCTRINE

231

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' v n » s qui ont défendu avec le plus de courage et ïéda la morale chrétienne. Une idée dangereuse n-ep fausse pour autant, et le malthusianisme est vr écrit E. Jordan, professeur à la Sorbonne, dïn le ! igtn et natalité, Revue du clergé guprt. fanv ml P. W du tirage a part. Il es. très vrai que, Eune société où la procréation serait réglée parle ÏuTinstinc sans aucune intervention de la volonté. e surpeuplement tendrait vite a devenir un fléau auquel o’n finit de remède que dans ; d’autres fléaux la famine la pote ou la guerre. Ibid., note 1. Les refuu n. faitedu malthu ianisme ne portent pas et no animent celle de M. Leroy-Beaullea dans sa LZSoTde la population.. La loi malthusien » du SllentdLapopuh.tion parpenododevin cinq années est Justifiée et même dépôts* et cette

Ce, Studees t sin/anifes, equenenep r i, ere, n 1 ;.en

doute par aucun esprit, : e, , ( - ; m ^^

ihut d us D’autre part, l’individu peut avoir de

l)(llim J raisons personnelles de limiter le nombre de

ses enfants Le désir de ménager la santé de la femme. , a crante d’assumer des charges supérieures aux ressources du ménage son ! des motifs sérieux dont II Z légitime de tenuempte. E. Jordan. Contre ta dépopulation. Le point de vue cathode. Rapport présenté à la Journée diocésaine des Œuvres. Paris, . M —, , 18 II x a donc un problème de l'équilibre de la population et des su ! el pour les -eus

mariés des problèmes d'équilibre entre les ressources et les désirs, l’activité économique et l’activité morale,

le devoir et l’Instinct.

! a solution de Malthu-, l’ajournement « les maria „, s’es, not, ..renient insuffisante. A celle des néo

ma thuslens. les objections très graves sont opposées Une question que d’abord on ne peut se tenli d poser aux différentes écoles malthusiennes est la su, vante lue fois les mesures préventives général ée. comment arrêterez-vous la baisse de » population ? Vndréadès, op. cit., [>. 74. Or, si la société a besoin d'être Droténée contre une prollflclté excessive, elle a

a, beson d'ét réassurée d’une lecomhle sultan, e.

P Bureau, L’indiseipline p. 465. Cette préoccupation des sociologues est aussi la préoccupai. on de -, , , s hommes attachés à leurs pays : un grand nombre d’auteurs se son. places a ce point de vue national. Voir par exemple pour la France, .. B « tiUon /, , dépopulation de la Fronce, Paris, 1911, et notamment la quatrième Patrie : Propagande en minèlle. p. 210-246 ; pour l’Angleterre, Rev..âmes Merchant. Population and Empire. Londres, 1917, pour la Belgique, H. P. Vermeersch, Le problème de la natalité en Belgique. Bruxelles. 1910.

I 'argument décisif est d’ordre moral : Le mode de Détection à employer contre l’excessive prohtéraffne devra certainement.pas être tel qu’il ruine pa son principe même toute l'économie des autres d sa i sexuelles, dont cette fécondité « est après tout que le terme et le but. « P. Bureau, L’indiscipline…, p 465 La solidarité des règles morales est telle que le relâchement sur un point, et sur un point essentiel, entraîne l’effondrement de tout le système Ibid,

t —, 71. Faire passer avant tout la satisfaction de

instinct, ce serait, tacitement peut-être, autoriser 'aduUère, l’avortement, l’infanticide. La logique conduit à cette conclusion et la pratique n’y peut résister lonatemps. Toute délicatesse, enfin, est banni, d’un regWfondé sur la fraude et la brutalité Tels sont les arguments des sociologues catholiques a l U , ., no tion du vice et du péché. Faillir est le fait ci, homme : mais ne point reconnaître dans les pratiques anticonceptionnelles des défaillances graves, c est nier les fondements de la morale catholique.

La morale catholique n’admet qu’une solution Manifestement la continence des époux est le s, ul , nov en de corriger l’excessive fécondité el en dehors ïect moyen toute précaution et toute mesureanticonceptionneUes doivent être condamnées. ' Hlir, : u ' ïSscipline…, p- 163. Solution dure dans léta actue de nos mœurs. Pour la rendre plus aisémen

.pl.cable. les moralistes catholiques J™^ toute une série de réformes urgentes d abord que

K, ; 1 t reprime lacanipagneneo-n.althu.ennee „ ele les citovens à l’abri des exe.tations de la littérature

d sce ê qu’il favorise les familles nombreuses : que ieTméd, , ans instruise* encore plus effl ~™£ » 7 Cientèle des périls de l’immoralité. Cf. Desplats, De la dépopulation par V infécondité voulue, Louvata.

, !, ; Boule, La responsabilité du médecndamla

prophylaxie anticonceptionnelle e, ^"orUment IM rapeulique, dans Nouvelle re„, r théologique, l’Jll,

p. 591 sq ; surtout que les enfantfl et jeunes ^ens reçoivent une éducation qui les prépare aux charges, aux obligations, aux sacrifices <lu mariage. E. Jordan, Religion et natalité, p. 10-67 ; P. Bureau, L’Indiscipline p. 171-170. L’objet de l’Association du mariage chrétien est d’insister sur la nécessité de cette préparation et de la diriger. De nombreux ouvrages de direction .spirituelle ont été publiés sur ce sujet au cours de ces dernières années. Voir notamment ceux de l’onssagrives, Knoch, Fôrster, plus récemment :.1. Viollet, Éducation de la pureté et du sentiment, Paris, 1925, et les divers livres périodiques, comptes rendus de Congrès publiés par l’A. M. C. (HO, rue de Gergovie, Paris).

On le voit, le catholicisme admet et permet la conciliai ion de l'économie et de la morale. Les vues de Malthus, bien loin de menacer ses prescriptions et ses conseils, en vérifient la bienfaisance. II a ton jouis considéré comme état supérieur la virginité et, en fait, il a facilité ainsi l'équilibre des familles pendant de longs siècles. En imposant pour but primordial aux époux la procréation, il y ajoute l’obligation très stricte d'éduquer les enfants, leur fixant ainsi une limite, celle des forces et des ressources rigoureusement indispensables pour cette fin. « Pas de nombre obligatoire, car pas plus que le célibat, la continence entre époux n’est en elle-même condamnable, pourvu qu’elle résulte du consentement exprès ou tacite, peu importe, mais mutuel et libre des deux intéressés. Elle vaut ce que valent les motifs qui l’inspirent. Elle pourra être, selon les cas, obligatoire, louable, légitime, plus ou moins critiquable. » E. Jordan, Contre la dépopulation, p. 18. Ce que l'Église condamne, c’est l'égoïsme et ce sont les licences contraires à la dignité individuelle et au bien social. « Il ne faudrait pas que la prévoyance devînt du calcul, ni les espérances une spéculation basse ou usurière. » Cardinal Mercier, op. cit., p. 15.

La même considération des fins du mariage dicte aux catholiques leur attitude en face de l’eugénisme. La société peut-elle condamner à une existence. contre nature, en leur infligeant un traitement incompatible avec les droits de la personne humaine, les êtres moins vigoureux dont il n’est d’ailleurs point sûr qu’ils ne procréeront pas des enfants sains ? Ici encore, c’est l'éducation morale qui pourrait et devrait inciter les faibles à observer la continence. Le Prêtre et la Famille, septembre-octobre 1926, p. 252 sq.

La doctrine très élevée de l'Église est donc défendue avec force. Mais il serait injuste et imprudent de méeonnaître la qualité et les rapides progrès de ses adversaires et l’extrême gravité d’un conflit où l’avenir de la famille, des sociétés, des idées morales est en jeu.

Conclusion. — Comment les théologiens ont approfondi les paroles divines, peu à peu reconnu tous les aspects du mariage, nous avons essayé d’en rendre compte. Depuis les origines du christianisme jusqu'à nos jours, la croyance fondamentale n’a point changé : le mariage est un sacrement institué par Dieu pour procurer à la famille les grâces nécessaires. Puisque l’on a montré chez les premières générations chrétiennes cette croyance, il n’est point permis d’y voir un fruit de la spéculation théologique.

Ce qui a occupé, souvent divisé les théologiens, c’est l’explication de ces vérités. Le goût des raisonnements infinis et des analyses subtiles a, pendant de longues périodes, conduit et maintenu les docteurs en des voies obscures : la dialectique leur a caché des vérités élémentaires. Au xue siècle, on ne parle guère de la grâce, et l’idée pessimiste de la concupiscence retient de classer le mariage au rang de l’eucharistie ou du baptême dans rénumération septénaire des sacre ments. Le même abus des analyses compliquera au

xiiie siècle et pour longtemps la théorie du signe, de la matière et de la forme, du ministre, de l’institution divine, des rapports entre le sacrement et le contrat. D’où les controverses, dont nous avons montré la portée pratique, l’intérêt historique, et dont le cycle est achevé. L'ère des grands débats de la théologie dogmatique semble close. La définition très pré du contrat-sacrement ne laisse plus qu’un champ étroit aux conflits d’opinions.

Le temps des divergences et des querelles intestines est passé, la tâche des théologiens n’est plus tant d’expliquer le signe ou la « race que de maintenir et défendre les principes du mariage chrétien que le monde moderne s’efforce de ruiner. Du domaine surnaturel ou ils se cantonnaient jadis, les révolutions religieuses les mil ramenés au terrain de la lutte engagée entre les nouvelles morales et l'Église, et qui met en présence non plus des écoles de commentateurs, mais deux conceptions de la vie. L’union des sexes a-t-elle pour fin principale, et certains disent exclusive. le bonheur de l’individu, ou bien le sacrifice des égoïsmes au profit de la société, l’apaisement de la concupiscence ? Exaltation de l’individualisme ou soumission de l’individu à des lois divines ? Le problème présent pourrait être posé dans ces termes généraux, et toute la doctrine catholique du mariage, aussi bien la doctrine du signe et de la grâce que celle des caractères et des buts du mariage, implique et exalte le renoncement des époux à l'égoïsme, à la liberté absolue qui est le dogme des plus résolus adversaires de l'Église. Les temps nouveaux assignent donc aux moralistes et aux sociologues la place éminente qui, naguère, appartenait aux scolastiques. Le dogme est défini dans des formules précises. Peut-être la grande affaire, aujourd’hui, est-elle d’en montrer aux chrétiens toute la richesse morale et aux incroyants la bienfaisance, la haute dignité.

1. On trouvera au début des principales subdivisions une bibliographie méthodique. Pour permettre au lecteur de traduire rapidement l’abréviation : op. cit., nous donnons ci-dessous la table de ces bibliographies. — Ouvrages généraux (Esmein, Freisen, etc.) : col. 2123, 2127 sq. — Sources littéraires de l'époque classique (et notamment, œuvres des scolastiques entre 1180 et 1500) : col. 2163 sq. — Théologiens de la première moitié du xvr siècle : col. 2229 sq. — Théologiens et canonistes depuis le concile de Trente jusqu’au pontificat de Pie VI (15631775) : col. 224 !) sq. — Théologiens du xixe siècle : col. 2284 sq. — Traités canoniques du mariage parus depuis le Code : col. 22n4.

2. Ouelques ouvrages sont cités à diverses reprises, qui n’ont pu trouver place dans ces bibliographies. Ainsi, G. Basdevant, dont le titrt » complet est indiqué col. 2261 ; J. Brys, col. 2162 ; Détrez, col. 2183 ; Falk, col. 2181 ; Gillmann, col. 2177 ; l.emaire, col. 2274 ; Martêne, col. 2170 ; Schmoll, col. 2168.

3. Pendant que cet article était sous presse, a paru la première partie de l’ouvrage, annoncé col. 2166, de J. Koch, Durandus de S. Porciano, O. P. Forschungen zuni Strcit uni Thomas von Aquin ru Bcginn des 14. Jahrhunderls. I. Teil. Literargeschichiliche Grundlegung, dans Beilràge ziir Geschichte der Philosophie des Miltelaliers, t. xxvi, Munster, 1927. Les conclusions des études du Rev. G. Lacombe, de Mlle Daguillon.de M. Maylan, mentionnées col. 21 65 et 2166, que nous connaissions par d’aimables communications du P. Chenu, du P. Théry et des auteurs eux-mêmes, ont été publiées dans les Positions des Thèses de l'École Nationale des Chartes, p. 59-66, 31-36, 89-94. L’ouvrage du Rev. Lacomhe sur Prévostin doit paraître bientôt dans la Bibliothèque thomiste du Saulchoir. Et aussi les deux études sur Llrich de Strasbourg et sur Philippe le Chancelier.

4. Voici quelques études toutes récentes : C. Michalski, Les courants critiques et sceptiques dans la philosophie du XIVe siècle, Cracovie, 1927 (cf. col. 2166) ; F. Degni, Del' matrimonio, Turin, 1926, t. i (compte rendu par Cappello, dans Gregorianum, 1927, p. 124 sq.) ; J. Blouet, Le Xéomalthusiunisme des catholiques, 1926 (dans les éditions Spes, que nous aurions pu mentionner vol. 2315).

M. Wendel doit soutenir prochainement une thèse sur Le mariage à Strasbourg à l’époque de la Réforme. Un cours sera fait À l’institut de Droit canonique de Strasbourg en 1927-28 sur la compétence des juridictions ecclésiastiques en matière matrimoniale au Moyen Age, et plus spécialement sur le plein exercice, à partir du XIe siècle, des droits que l’Eglise a toujours été fondée à se réserver sans limitation sur le sacrement de mariage : les conclusions en seront publiées.

5. À la bibliographie, qui, pour être complète, devrait tenir un fascicule, on ajoutera : sur les anciennes collections canoniques (col. 2130 sq.), P. Fournier, De quelques infiltrations byzantines dans le droit canonique… (Mél. Schulmberger, 1924) : sur le mariage de la sainte Vierge, art. de Girerd dans la Nouvelle Revue Théologique. 1923, p. 119-163 (cf. col. 2187 et 2296) : sur le mariage mixte (question surtout canonique, dont nous n’avons guère eu à nous occuper) : Eichmann, Das kathobische Miseheherecht nach dem Codex fjuris canonici, Paderborn 1921, et l’intéressant opuscule de Stutz, Zum neuesten, Stund des kathol. Mischeherechts un Deutschen Reiche, Stuttgart, 1918 ; Sur la doctrine classique du contrat, Thaner, Die Per : lichkeit in der Eheschliessung, Gratz, 1900 et Error qualitalis redun dans in personam, dans Acad. Vienne, 1900 : sur la doctrine générale du mariage : Brevilæqua. Trattatu dommatico-giuridicoe morale sur matrimonis cristiane, Rome, 1918 ; Biz, Die Ehe un Lichte der kath. Glaubenslehre, Fribourgen-B., 1920 ; Rive-Umberg. Die Ehe un dogmaltischer, moralischer und soziale Beziechung. Rome, 1921°. :

G. Le Bras.

IV. MARIAGE DANS L’ÉQLISE GRÉCO-RUSSE.

Le mariage chrétien pouvant être étudié au triple point de vue dogmatique, liturgique et canonique, c’est avant tout au point de vue dogmatique que nous entendons l’examiner dans les diverses Eglises dissidentes d’Orient, et tout d’abord dans la principale de toutes, l’Église gréco-russe. Mais nous ne pourrons négliger complètement les deux autres points de vue, à cause du rapport étroit qu’ils ont avec la doctrine.

Chez les Orientaux, le mariage se présente d’abord comme un rite sacré à deux actes : la cérémonie des fiançailles et celle du mariage proprement dit ou couronnement. Ce rite est beaucoup plus développé que celui du rituel latin, et il a par le fait, beaucoup plus impressionné les théologiens orientaux, auxquels parfois il a fait perdre de vue la vraie nature du sacrement de mariage. Par ailleurs, au milieu des multiples règles canoniques qui, dans toutes les Églises, concernent le contrat matrimonial, il en est quelques-unes (particulièrement celles qui regardent la séparation des époux et la rupture du lien conjugal), qui ont une portée d’ordre dogmatique, et que nous ne pourrons négliger. Ceci posé, voici comment nous divisons notre étude du sacrement de mariage dans l’Église gréco-russe :
I. Origine du mariage considéré comme contrat naturel.
II. Le caractère sacramentel du mariage chrétien (col. 2317).
III. Le double rite liturgique des fiançailles et du couronnement et la manifestation publique du consentement des époux (col. 2318).
IV. De l’essence et du ministre du sacrement de mariage (col. 2319).
V. De l’indissolubilité du lien matrimonial et des causes de divorce (col. 2323).
VI. Du sujet du sacrement de mariage (col. 2328).
VII. Du droit de légiférer sur le mariage ce de connaître des causes matrimoniales (col. 2329).

Qu’on ne s’étonne pas de ce long sommaire. Sur tous les points indiqués, la théologie gréco-russe présente des divergences avec la théologie catholique, bien que Grecs et Latins, aux époques des grandes controverses, aient gardé, sur la question du mariage, un silence à peu près complet, alors qu’ils bataillaient sur des sujets de bien moindre importance.

t. Origine du mariage considéré comme contrat naturel.

Les théologiens gréco-russes enseignent, tout comme les catholiques, que c’est Dieu lui-même qui institua le mariage, à l’origine de l’humanité : mais plusieurs d’entre eux adoptent la conception étrange de certains anciens Pères grecs touchant la création hypothétique de la femme. D’après cette conception, que saint Jean Damascène fait sienne dans la Foi orthodoxe, I, II, c. xxx, I, IV, c, xxiv, P. G. t, xciv, col. 976, 1208, si homme n’avait pas péché, la propagation de l’espèce humaine se serait faite par une autre voie que par l’union des sexes. C’est pourquoi la femme ne fut pas créée en même temps qu’Adam, mais tirée de lui un peu après. Tant que dura l’état d’innocence, l’homme jouit d’une parfaite incorruptibilité et impassibilité : il était comme il sera après la résurrection. À ce bienheureux état primitif le psalmiste faisait allusion, lorsqu’il s’écriait : Homo, cum in honore esse, non intellexit : comparatus est jumentis (par la génétation), et semilis factus est illis. Ps. xlviii, 12. Telle est la doctrine que développe longuement Michel Glykas dans son VIIIe chapitre théologique, en se référant à saint Grégoire de Nysse, à saint Jean Chrysostome, au Pseudo-Athanase (Réponses & Antiochus), à saint Maxime, à Anastase le Sinaire, à saint Jean Damascène. Il conclut même de là que la distinction des sexes ne subsistera pas après la résurrection. Michel Glykas, Εἰς τὰς ἀπορίας τῆς θείας γραφῆς κεφάλαια, éd. Eustratiadès, t. 1, Athènes, 1906, p. 89-115 ; cf. c. xcii, t, ii, Alexandrie. 1912, p. 418-135. On trouve des traces de la même théorie dans Siméon de Thessalonique, De sacramentis, c. xxxviii ; Dialogus contra hæreses. c. cclxxv, P. G., t. clv, col. 180, 504 ; dans le Traité des sacrements de Gabriel Sévère, Chrysanthe de Jérusalem. Συντααγμάτιον, Tergovist, 1715, p. ριθʹ : dans la Première réponse, c. vii, de Jérémie II aux protestants. Ainsi la question posée par saint Thomas. IA, q. XCVIII, a. 2, n’était pas, on le voit, de simple curiosité.

II. Le caractère sacramentel du mariage chrétien.

Dès le XIIIe siècle au moins, nous voyons les Gréco-Russes accepter sans difficulté le dogme du septénaire sacramentel. Michel Paléologue y souscrit au concile de Lyon, en 1274, puis en 1277. Le mariage fait toujours partie de ce septenaire. Au XVIIe siècle, lorsque les protestants l’attaquent, au XVIIe, lorsque Cyrille Lucar fait passer leurs négations dans sa Confession de foi, Grecs et Russes s’entendent pour repousser l’hérésie en plusieurs conciles et dans leurs deux principales confessions de foi celle de Pierre Moghila, dite Confession orthodoxe de l’Église orientale, et celle de Dosithée, rédigée au concile de Jérusalem, en 1672. La même doctrine continue à être enseignée de nos jours dans les manuels de théologie et les catéchismes. Cependant qui le croirait ? —— en 1903 paraissait à Pétersbourg une brochure d’un hiéromoine nommé Taraise, brochure dûment approuvée par la censure synodale et publiée au nom de la Rédaction de la Revue des missions, Missionerskoe obozrënie, dans laquelle le septenaire sacramentel est ouvertement attaqué comme une importation latine et scolastique acceptée trop facilement par les théologiens de la Petite-Russie, aux xvie et xviie siècles. Le mariage, en particulier, y est traité de manifestation étrangère à la religion et se trouvant dans des sociétés fermées aux préoccupations religieuses. La cérémonie des funérailles ou celle de la prise d’habit monastique mériteraient, bien plus que le mariage, d’être rangées au nombre des sacrements. Il est vrai que saint Paul appelle le mariage un sacrement : mais il parle de n’importe quel mariage et non pas seulement du mariage chrétien : La théologie des Grands-Russiens et des Petits-Russiens aux xvie-xviie siècles, Saint-Pétersbourg, 1903, p. 119

125. La liberté avec laquelle le hiéromoine eu question a parlé du septénaire sacramentel en général, et du sacrement de mariage, en particulier, prouve que dans l’orthodoxie orientale toute doctrine qui n’a pas été explicitement définie par les sept premiers conciles œcuméniques, n’a acquis qu’un droit de cité précaire dans la dogmatique de l'Église grécorusse.

IU. Le double rite liturgique des fiançailles

ET DV COURONNEMENT, ET I.A MANIFESTATION PUBLIQUE DU CONSENTEMENT DES ÉPOUX, ].'cuihohif/ir

du mariage dans le rite byzantin est, nous l’avons dit, beaucoup plus développée que dans le rite latin. Celte euchologie remonte au moins au viiie siècle, et certains éléments en sont plus anciens. Elle est constituée par une double cérémonie ou office, celle des fiançailles, àxoXouOîa èm |i.v7 ; a-rpoi< ; ïjyouv toû àppoc6â>voç, et celle du couronnement. àxouXooOla toû aTs^avcôfxaToç (ou <jTe9âvcoaiç). Cf. Goar, EùyoXôy'.ov siue rituule Grœcorum, éd. de Venise, 1730, p. 310-325 ; EùyoXôyi.ov tô p : Éyot, édition de la Propagande, Rome, 1873, p. 102-180. Anciennement, suivant la coutume des Églises, l’une et l’autre cérémonie avaient lieu soit avant, soit pendant, soit après la messe, et les époux communiaient, preuve que le mariage était considéré comme un sacrement des vivants. C’est du reste ce que déclare positivement Siméon de Thessalonique : « Il faut que ceux qui se marient soient dignes de la communion. » Dialogus contra hæreses, c. cclxxxii, /'. G., t. clv, col. 512. Tout en étant recommandées aux fidèles par l'Église, ces cérémonies ne paraissent pas avoir été regardées par elle comme absolument nécessaires pour la validité du contrat, avant la fin du ixe siècle, c’est-à-dire avant que Léon le Sage, par les novelles lxxiv et lxxxix (vers 895), les eût rendues obligatoires devant l’autorité civile. Alexis Comnène, par deux autres novelles portées en 1084 et en 1092, confirma, en les étendant au mariage des esclaves et des rerfs, les prescriptions de Léon le Sage. A partir de cette époque, la bénédiction de l'Église, aussi bien pour les fiançailles que pour le mariage proprement dit, est considérée comme une condition de validité à la fois par l'Église et par l'État, et la clandestinité devient un empêchement dirimant.

Consacrées par un rite religieux, les fiançailles, assimilées déjà au mariage par le concile in Trullo (canon 98), acquièrent devant la loi civile et la discipline ecclésiastique la même solidité que le mariage lui-même. Les mêmes prescriptions, les mêmes empêchements régissent l’un et l’autre contrat ; ou plutôt, il n’y a, aux yeux de l'Église, qu’un seul contrat considéré à deux moments différents ; de sorte que, si l’un des fiancés meurt avant la cérémonie du couronnement, l’autre est considéré comme bigame, lorsqu’il contracte une nouvelle union. Cette législation devait amener la fusion et la simultanéité des deux rites. C’est ce qui s’est établi un peu partout, ici par la force de la coutume, là par les prescriptions positives de l'Église ou de l'État. En Russie, après une tentative de Pierre le Grand d’enlever aux fiançailles la valeur canonique qu’elles possédaient jusque-là dans l'Église russe comme dans les autres Églises du groupe byzantin, l’union des deux cérémonies fut ordonnée par un décret synodal daté de 1775. Lue décision analogue fut prise par le synode de Grèce, en 1834 : si bien qu’en ces derniers temps, la séparation de la cérémonie des fiançailles de celle du couronnement n’existait que pour les mariages princiers.

Il est intéressant d’examiner comment se manifeste le consentement des époux dans les deux cas. L’euchologe édité par la Propagande pour les Grecs unis porte, en tête de Yacolouthie des fiançailles, une rubrique où il est dit, entre autres choses, que le prêtre demande

aux fiancés si c’est bien volontairement qu’ils désirent s’unir, et iv. 9eXJj|xaTOç kùtûv (îoûXovTai auvocçOrjvai. Cette rubrique se rencontre bien dans quelques euchologes manuscrits des xv « et xvr siècles, cf. Dmitrievskii, Ivjyo’Lôy '.-L, Kiev, 1901, p. 188, 033, etc., mais elle est absente de la plupart des euchologes manuscrit, nu imprimés. Cf. Goar, op. et loc. cit. Conformément au Trebnik ou rituel de Pierre Moghila, édité à Kiev, en 1646, l'Église russe a introduit en 1077, dans la cérémonie du couronnement, une interrogation directe aux époux semblable à celle de notre rituel latin. Cette interrogation vient avant le couronnement des deux conjoints par le prêtre. Les euchologes grecs sont restés conformes aux ancl exemplaires..Mais il n’y a pas à se demander si la manifestation du consentement mutuel est suffisante dans ces textes ; car aussi bien dans le rite des fiançailles que dans celui du couronnement, il y a abondance d’actes et de signes symboliques de ce consentement. Aux fiançailles, on trouve la remise et l'échange des anneaux, et aussi le baiser mutuel que se donnent les fiancés, d’après certains euchologes. Au couronnement, le célébrant couronne d’abord les conjoints ; puis il les livre l’un à l’autre en joignant leur main droite, y.py.-^a-xç -rf, ç Ss^-Ç yt'.pbç aÙTÛv, Z’xp’xS'.Sz^ àXX^Xoiç ; enfin, il les fait boire par trois fois à la coupe commune, tô y.oivôv rcoTrjplov. D’autres gestes et cérémonies se rencontrent dans certains manuscrits. Cf. Dmitrievskii, op. cit., passim. D’ailleurs, antérieurement à la cérémonie religieuse.il y a eu le contrat passé le plus souvent devant les représentants de l'Église et signé par les conjoints. Cf. Siméon de Thessalonique, op. cit., col. 505.

IV. Essence et ministre du sacrement de mariage.

On sait, d’après ce qui précède, col. 2293 sq.. où en est la question de l’essence du sacrement de mariage dans la théologie catholique moderne. La doctrine qui, de nos jours, est enseignée comme une certitude par l’ensemble de nos théologiens (inséparabilité du contrat et du sacrement, et par suite, matière et forme du sacrement placées dans le consentement mutuel des époux, qui sont les vrais ministres du sacrement), fut communément professée par les théologiens gréco-russes jusqu’au début du xix » siècle.

Siméon de Thessalonique, chez qui on ne rencontre pas encore la terminologie sacramentelle des scolastiques, laisse clairement entendre que le rite du couronnement n’appartient pas à l’essence du sacrement : « Rénir le mariage, dit-il, appartient à l'évêque : mais un simple prêtre peut le faire, parce qu’il s’agit d’un simple rite sans relation aver la communication de lagrâce, ôti teXety ; x6vr t, xal où -rc, jj.£TaSoTiXT)ç xipiTOÇ, op. cit., c. cclxxxi, col. 509 D. — Au xvp siècle, Gabriel Sévère, dans son court Traité des sacrements, souvent cité non seulement par les Grecs postérieurs mais aussi par nos théologiens du xvii 9 siècle dans leur polémique avec les protestants, voit la matière du mariage dans la promesse mutuelle que se font les époux, et la forme, dans la déclaration suivante faite par chacun d’eux, devant témoins : « Me veuxtu ? — Je te veux. » Chrysanthe de Jérusalem, op. cit., p. px-pxa'. — Le Petit-Russien Laurent Zizanii, dans son Grand catéchisme, imprimé à Moscou en 1027, après avoir subi les corrections des théologiens moscovites, enseigne également que la bénédiction rituelle est quelque chose d’accessoire à l’essence du sacrement, et que les époux s’administrent mutuellement celui-ci par leur consentement réciproque : i Dans ce contrat, chacun des contractants est à la fois le vendeur, la marchandise et l’acheteur. » Grand catéchisme, feuille 391. Cf. Th. Ilinskii, Le grand catéchisme de Laurent /izanii, dans les Trudij de l’AcaMARI VG1 D VNS II Gl IS1 GRÉC0-R1 SS1

de Al ». 1898, t. m. p. 28 - Même ido< trnu le r/y^ufe ou Hifnri île Lierre Mogh.la. édite v la malien, c’est l’homme et la remme con tractant librement et suivant les règles canoniques ; la forme ou le complément, ce sont les paroles par lesquelles les époux manifestent leur consentement Intérieur devant le euro. Quand ce consentement est donné, le mariage est parfait, et rien n empêche de procéder à la cérémonie du couronnement. Trebnik, j..-v ; i. La ( onfession dite de Pierre ila ôl moins claire sur ce point, parce qu’elle rrections du Crée Mélccc Syrigos. On cependant que le mariage est constitué tout d’abord, - par le consentement mutuel.tes

époux consentement qui est ensuit, - confirmé, -x :. et béni par le piètre. Confessio orthopart. I. q. 11.V - ! i doctrine catholique n’est pas exprimée il une manière suffisamment explicite dans la Confession orthodoxe, elle a du moins passe dan. la collection , ique officielle de l'Église russe, la hormtchala Kniga, publiée d’abord par le patriarche Joseph. en 1650 puis par son successeur, Nicon, en 1653. le chapitre u « de la première édition et le chapitre ide la seconde reproduisent en effet l’Introduction au sacrement de mariage du Trebnik de Pierre la, que nous avons citée plus haut. théologiens russe, du xviir siècle et du début du iv demeurent, dans leur ensemble, lideles a la ption de leurs devanciers. Théophylacte Gorskii dans son manuel de théologie à l’usage des séminaires dition, Pétersbourg. 1783 ; 5' éd., Moscou. 1831), donne du mariage la définition suivante : Conjugium, - ciriltm et mutuum contractum, est etiam signum externum religionis, cui est adnexa gratite promtssio, idque ex dioina institutione… Son est solum signum rnagni mysterii, hoc est. nnionis Christi et Ecclesim sed etiam médium per quod eonfertur gratin sanctificans orthodoxæ orientais Ecclesim dogmata, Moscou 1831 p. 21 Ivestre Lebedinskii, Compendiu’m theologiæ ctassicum, 2 « éd., Moscou. 1805, n : >33 53-1. enseigne, au fond, la même doctrine ; Lien qu’il fasse rentrer dans la (orme du sacrement avec le consentement des époux, les prières de se et bien qu’il qualifie le prêtre de cause ministérielle du mariage, il range expressément la bénédiction de l'Église parmi les adjuncta matrimonii, et dit qu elle B pour but de ratifier et d’affermir l’union conjugale : i.reces et solemncm benedictionem ritu consueto a tote collatam rata et fixa redditur. On peut faire valoir encore en faveur de la même doctrine : 1° la pratique ancienne de l’Eglise grecque de ne pas bénir les secondes et troisièmes noces, bien qu’elles fussent considérées comme un vrai mariage ; fait qu’avant les SoveUes de Léon le Sage et d’Mexis Comnène rendant obligatoire la cérémonie …use. souvent le mariage des personnes libres et toujours le mariage des esclaves et des serfs se célébraient sans le rite du couronnement. En Russie, pendant longtemps, seul le mari, de des boiars et des nobles était couronné. Le peuple négligeait le rite religieux. Ce fait est attesté par des documents canoniques, allant de la fin du xr siècle jusqu'à la fin du xvii « dit le canoniste russe Pavlov. Cours de droit canonique. Moscou. 1902, p. 366 sq. ; 3* Les époux infidèles, quand ils se convertissaient au christianisme. n'étaient pas soumis a la cérémonie du couronnement. omission ne s, - comprendrait pas. si l’on avait regardé le rite en question comme constituant le ment, ou tout au moins comme appartenant a « on essence.

En dépit de ces autorités et de ces témoignages, une autre conception du sacrement a prévalu de nos jours,

D1CT. nr THlOL. CAT1IOL.

d’après laquelle le rite du couronnement OU constitue

le sacrement même en tant que distinct du contrat, ou

du moins, appartient a son essence, de telle sorte qu il

ne saurait avoir véritable sacrement sans la béné diction sacerdotale, et que le prêtre (ou l'évêque) en est le vrai ministre, au même titre qu’il l’es ! des autres

sacrements. Avant le IQX 1 Siècle, très peu de théolo

qu’ils ont patronné cette théorie, i île esi en germe dans le Traité des sept sacrements du moine Job le Jaslte (tin du xiiie siècle), qui dit positivement que le ministre de tous les sacrements est le lepeoç (prêtre ou cvcquci : cf. eod, l’ans. grsec., 64, toi. 250 a, el

., hI. Ottob. gTStC. US. toi. 198 O. u XVTJt" Siècle, Nicolas

Bulgaris, dans son Catéchisme, Venise, 1681, p. ii, i i. place la matière du mariage dans les époux eux mêmes

et leur mutuel consentement, et la forme dans les prières et la bénédiction du prêtre, sui anl les pies

criptions de l’Euchologe, Au même siècle, Mélèce Syrigos, 'Avrtpp’na’iç.xaTàx^aXaUiW KuptXXou, Bucarest, 1690, fol. 880-89a, et au xviii 1, Platon Levkhine,

métropolite de Moscou, Théologie chrétienne abrégée, part. ii, C xxxviii. laissent clairement entendre que le prêtre est le ministre de ce sacrement. Mais c’est à partir de 1836 que cette théorie devient classique en Russie. Certains théologiens, comme l’hilarète, dans son Grand Catéchisme. Macaire. Théologie dogmatique orthodoxe, t. n. I « édit., Pétersbourg, 1883, p. 178, 479 ; Antoine Aniphitealrov. Théologie de l'Église catholique orthodoxe, édit. grecque de Vallianos, Athènes. 1858, p. 361, ne voient dans le consentement des époux qu’une partie de ce que nous appelons la matière du sacrement. La vraie forme, c’est la bénédiction solennelle de l'Église, dont le rite principal est le couronnement avec la triple bénédiction du prêtre et la prière qui suit : Seigneur, notre Dieu. etc. Au demeurant, il n’y a pas entente parfaite entre les théologiens de cette école, lorsqu’ils veulent déterminer d’une manière précise ce qui, dans les divers rites et les diverses formules de l’Euchologie, joue le rôle de matière et celui de forme. Ils ont seulement cela de commun que d’après eux le consentement des époux entre comme partie essentielle dans la constitution du signe sacramentel. Le ministre est le prêtre, et lui seul : et c’est au rite qu’il accomplit qu’est attachée la communication de la grâce divine. Voici, du reste, a titre d’exemple, la définition du sacrement par Macaire : Le mariage est un rite sacré dans lequel aux époux se promettant fidélité réciproque devant l'Église la grâce divine est conférée parla bénédiction du ministre de l'Église, qui sanctifie leur union, donne a celle-ci la dignité de représenter l’union spirituelle du Christ el de l'Église, et les aide a obtenir pieusement toutes les fins du mariage. D’autres théologiens russes séparent d’une manière plus radicale le contrai matrimonial du sacrement lui-même. Celui-ci est uniquement constitué par le rite religieux, qui est proclamé d’institution divine. Des paroles et des actions du Christ, disent-ils, on peut conclure qu’il a institue un rite de ce genre. Le consentement mutuel des époux, s’il reste seul, ne peut leur conférer la grâce divine. La conception des latins n'établit aucune différence entre le mariage chrétien et le mariage civil, ou le mariage des protestants et des infidèles. Par ailleurs, les époux ne sauraient être les ministres du sacrement. Cf. Malinovskii, Résumé de théologie dogmatique orthodoxe, Serghiei Possad, 1908, t. a, p. 134 143.

Les théologiens grecs contemporains, soit dans leurs manuels de théologie, soit dans leurs nombreux catéchismes, s’accordent généralement avec les Russes

Macaire et Antoine. Pour eux. le consent ement des époux n’est qu’une partie du signe sacramentel, et la bénédiction sacerdotale en est l'élément le plus essentiel. Les manuels serbes et roumains répètent la m

IX. — 74 rsr.

MARIAGE DANS L'ÉGLISE GRÉCO-RUSSE

2324

chose Cf. Firmilian, Dogmatitehko Bogoslovie, Carlo vitz, 1900, i. h. ». 127, 128 ; Michalcescu, Manual de teologie dogmaiica, 2e édit., Bucarest, 1020, p. 249,

250 ; Olariu. Manuel de ieolagia dogmatica ortodoxa,

Caransebes, 1917, p. 312, 313. Seul, le célèbre canonisic gerbe N. Milasch reprend l’ancienne doctrine, ei déclare » nue le consentement des conjoints manifesté extérieurement constitue l’essence du mariage ». Droit ecclésiastique de l'Église orthodoxe, $ 180-182, p. 832, 839, de l'édition grecque, Athènes, 1906.

Le succès actuel de la théorie anticatholique s’explique par plusieurs raisons. Tout d’abord, les

théologiens dissidents ne sont plus familiarisés avec [es distinctions de notre scolastique, que connaissaient

bien leurs devanciers. Du l’ait que, depuis Léon le Sage, la bénédiction de l'Église a été requise pour la validité du contrat matrimonial, on a conclu que ce rite faisait corps avec le sacrement, et en était inséparable. La condition sine qua non a été confondue avec la cause formelle. Par ailleurs, l’analogie avec les autres sacrements conduit naturellement à cette conception. Plusieurs théologiens catholiques, comme Melchior Cano, Drouin, Tournély (voir plus haut, col. 2255 sq.), s’y sont laissés prendre. La nature particulière du sacrement de mariage ne se découvre qu'à la réflexion théologique tenant compte de faits historiques. — Mais la principale raison qui a poussé les théologiens russes en particulier à adopter cette opinion est d’ordre polémique. Pour mieux réfuter les partisans des vieux rites ou rascolniks, en particulier les sectaires connus sous le nom de bezpopovtsy (= les sans-pré.tres), ils ont donné leur faveur à une théorie qui permet de dire aux rascolniks : « Vous ne pouvez avoir chez vous le sacrement de mariage, parce que vous manquez de prêtres pour l’administrer. » Un groupe important de bezpopovtsy a donné dans les filets de cette argumentation et l’on a eu la secte des bezbratchniki, c’est-à-dire des adversaires du mariage, qui a proclamé le célibat obligatoire pour tous. D’autres, plus avisés, se sont mis à fouiller les vieux livres, c’est-à-dire ceux qui sont antérieurs à la réforme de Nicon ; et ils ont opposé aux théologiens de l'Église officielle les témoignages favorables à la conception du contrat-sacrement que nous avons cités plus haut. Nicon lui-même, avec son édition de la Kormtchaia Kniga, a déposé en leur faveur. Cette manœuvre inattendue a déconcerté les Niconiens, qui n’ont fourni que des explications embarrassées ou sophistiques. Cf. Plotnikov, Manuel pour la réfutation du rascol russe, 4e édit., Pétersbourg, 1897, p. 233-237 ; C. K. Smirnov, De la bénédiction ecclésiastique et du couronnement du mariage, dans les Suppléments aux œuvres des saints Pères, 1808, t. xvii, p. 204-282. Au demeurant, les mêmes théologiens ont dénié le caractère sacramentel au mariage des Starovicres, dits popovtsij (—qui ont des pn-tres), mais pour une raison différente : ils enseignent que, par la volonté de l'Église, les prêtres et les évêques excommuniés ou hérétiques perdent le pouvoir d’administrer validement les sacrements.

V. L’indissolubilité du lien matrimonial et les causes de divorce. — Au sujet de l’indissolubilité du mariage, un grave désaccord a toujours existé entre l'Église catholique et l'Église gréco-russe, depuis la séparation.

Alors que l’Eglise catholique enseigne que le mariage entre chrétiens, une fois consommé, ralum et consummatum, ne peut être rompu que par la mort de l’un des conjoints, l'Église orientale admet, au moins depuis la fin du ix 6 siècle, plusieurs autres causes de divorce proprement dit. Ce désaccord paraît avoir été longtemps ignoré en Occident ; et jusqu'à ces derniers temps son étendue n'était qu’imparfaitement connue. Le théologien latin Hughes Éthérien, qui passa quel que temps en Orient et lisait couramment le grec, est le premier a signaler la facilité avec laquelle les Byzantins rompent le lien matrimonial. Viri et rnulierei sacramentum conjugii pro futili reputanl. am quoties aller allai displicet, vel altéra alleri…, sine contradictione viri uxores, et matières viras pro libitu accipiunt. Greecorum malæ consueludines, /'. *, ., t. cxl, col. 517. On ne parla pas du divorce, au second concile de Lyon (1271). La Confession de foi dite de Michel Paléologue se contente d’affirmer « qu’une fois le mariage légitime rompu par la mort de l’un dis époux, les deuxièmes et les troisièmes noces sont permises. « Au concile de Florence, la question ne se posa qu’après la signature du décret d’union. On demande aux Grecs : quare conjugia dirimant, dicenle Domina : Quos Deus conjunxit, homo non separet. Ils n’arrivent pas a donner de réponse satisfaisante, et leur empereur leur défend d’entamer là-dessus une controverse. Le pape ne peut qu’esquisser une timide protestation et déclarer qu’il y a là un abus à corriger, idque correctione indiget. Voir le récit de Dorothéi Mitylène dans les collections des conciles et dans l'édition spéciale : Sanctum Florenlinum universæ Eccl< concilium edilum a monacho benedictino, Rome, 1 p. 270-272. Au concile de Trente, les Pères ont l’air de croire que les Grecs ne dissolvent le mariage qu’en cas d’adultère ; et à la requête des légats vénitiens, ils formulent leur canon 7, de manière à ne pas faire tomber directement l’anathème sur les Orientaux dissidents, lui fait, ces derniers sont aussi atteints indirectement par le canon 5, ainsi conçu : Si quis dixerit propter hæresim aut molestam cohabitationem aut affectatam absentiam a conjuge dissolvi posse matrimonii vinculum, anathema sil. Denzinger-B., n. 975. De nos jours, du reste, plusieurs théologiens grécorusses, imitant les protestants du xvie siècle, accusent l'Église catholique d’erreur, parce que, contrairement au précepte du Seigneur, elle ne permet pas le divorce en cas d’adultère. Au xviie siècle, Georges Coressjos range déjà cette prohibition parmi les erreurs latines : SuvTcfiîa tcôv îtocX'-xcôv à ; ji.xpTr l y.â7wv, édit. Simonidès, Londres, 1858, p. 108. Philarète Gumilevskii, dans son Manuel de théologie, t. ii, p. 219 en note, parle de l’imprudente définition du concile de Trente sur le divorce. Le Grec Dyovouniotis, Ta p.uo"nf)pia t ? ; ôpOoSôÇou 'ExxÀTjmaç, Athènes, 1913, p. 180, déclare fausse la doctrine de l'Église occidentale sur l’absolue indissolubilité du mariage ; et Bernardakis, dans son Catéchisme, Constantinople, 1872, p. 183, accuse l'Église romaine de mal interpréter le précepte du Seigneur Par ailleurs, dans le programme de théologie polémique tracé par le Synode russe pour les académies ecclésiastiques et les séminaires, la doctrine catholique de l’absolue indissolubilité du lien matrimonial était portée au nombre des erreurs à réfuter. Cf. Perov, Théologie polémique, 6e édit., Toula, 1905, p. 100, 101 ; Trouskovskii, Théologie polémique. 2e édit.. Moghilev, 1889, p. 85, 86.

Nos manuels de théologie catholique sont excusables de ne signaler généralement que l’adultère comme cause de divorce admise par les Gréco-Russes. Il est curieux, en effet, de constater que la plupart des théologies dogmatiques et des catéchismes publiés par les dissidents ne font mention que de l’adultère, et passent sous silence les autres nombreuses causes de divorce, que nous allons énumérer tout à l’heure : Causa justi divortii, dit Sylvestre Lébédinskii, op. cit.. p. 537, est unica ac sola fornicatio, sive adulterium. Même affirmation chez Macaire Bulgakov, op. cit.. t. ii, p. 189. 490 ; chez Métrophane Critopoulos, Confessio fidei, c. xii. édit. Kimmel, t. ii, p. 149 ; Antoine Amphitéatrov. op. cit., p. 362 ; Dyovouniotis, op. cit., p. 179. Quelques-uns cependant avec plus de sincérité M i ; l c, i » SS L ÉGLISE GR É( O-RI SS1

.m qui' l’Kglise orientale dissout le mariage pour Malinnv -.Km.. </ ». cil.. I. n. p. I 13 ; -. r. 1 1 partie, t. n. p. ;  ;.">1. Ko ! Vthènes, 1906. p. 182. nous son ! révélées par les manuels Ml eaiion grecs, russes, serbes et roumain-.. Elles a nombreuses et m circonstanciées, que la pro 'nhililt. attribuée par les dogmatlstes triage chrétien, n’apparaît plus qu’une vaine éti quelle Kl il ne s’agit pas ici d’une pratique récem ment introduite. IVs la fin ilu iv siècle, les causes de ree marquées dans la novelle r.xvii de.lustinien

article.li’siiMKN, t. vin. col. 2288) sont

dans le numocamin de l’Kglise byzantine, restent pas lettre morte. Plusieurs canonlstes

louent.lustinien de cette saije législation. Cf. Démétruis Chomaténus, c. xxii, Dr divortio, dans Pitra.

.7d sacra et classica spicilegio Solesmensi parafa,

1. t. vin. ; lilasch eerit de la novelle

en question : Les prescriptions qu’elle contient sont

devenues la règle officielle suivie par l'Église orientale

pour toutes les causes relatives au divorce. Les autres

v de dissolution introduites dans la suite soil dans le droit byzantin, soil dans la pratique ecclésiastique, dérivent d’une interprétation plus large de cette

Ile et de son adaptation a des cas particuliers. Milasch. op. cit., édit. grecque, p t qu’en effet.lustinien fut dépassé en cette

re par la législation postérieure. Aux cas déjà

m nombreux (6 ou ; '. suivant la manière de compter,

tsociant ou en unissant les cas similaires) énu

mérés par cet empereur, vinrent successivement

iter entre la fin du i siècle et 1 153, les causes que voici : 1 La défloraison de l'épouse antérieure au mariage et manifestée par le mari, aussitôt qu’il s’en ipercu. 'J La sodomie du mari : cause acceptée par Démétrius Chomaténus, bien qu’elle ne soil pas portée dans le droit '. La haine de la femme a l'égard de son mari, pour injures graves ou mauvais traitements ; la haine du mari pour sa femme, à cause de défauts physiques qu’elle a caches a dessein avant le mariage : une haine réciproque implacable, provoquée par des soupeons d’infidélité ou d’autres motifs, et rendant la cohabitation intolérable et dangereuse :

reconnus suffisants par plusieurs décisions des patriarches de Constantinople du xrv siècle, l L’avortement provoqué par la femme en haine de son mari :

itroduit par I éon le Sage et insère dans VHexabibles d’Harménopoulos. 5 L’absence de l’un des conjoints pendant cinq ans, sans qu’il donne de sis nouvelles ; décret du patriarche de Constantinople, Manuel II (1244-1255). 6 « L’entrée en religion de l’un

onjoints, même après que le mariage a été consommé : relui des époux qui reste dans le siècle peut contracter un nouveau mariage, après le temps Qxé pour la probatton de celui qui revêt l’habit monastique. Ce cas, on le voit, diffère de celui qui était prévu par la novelle cxvii de lustinien feutrée en religion Feux époux) et du cas admis par la théologie catholique (dissolution du mariage non consommé par la profession solennelle). 7 La folie du mari persistant pendant trois ans. et la folie de la femme pendant < Inq ans : cause introduite par Léon le Sage et retenue par Harmenopoulos. malgré la réponse contraire (la

de Timothée d’Alexandrie, et le nomocanon, lit. xui. c. 30. 8 « L’apostasie de l’un des conjoints, "u s, , n |. une série hérétique (Novelle exii

le 1 éon le Sage ; décrets des patriarches Théodote et Matthieu : répons, - <i, . Démétrius Chomaténus). 9 parenté spirituelle provenant de la tenue de sou propre enfant sur les fonts baptismaux : ras qui joua rarement des mesures prises pour empêcher cet abus. Chacune des causes Indiquées jusqu’ici est lon guement étudierpar le caiioiiiste russe I SokolOV,

dans une dissertation présentée au Saint Synode dirigeanl en février 1909, et publiée dans la Lecture chrétienne, d’octobre 1909 a décembre 1910, sous le titre : Les causes de divorce à Byzance du tx* au siècle. Voir la liste des 26 causes signalées par l’auteur. « Luis le t. m rh- 1910, p. 1496-1501. Nous .ioiis passe celles qui peuvent être assimilées a un simple empêchement dirlmant, comme l’impuissance antéci dente, etc.

A partir du wr siècle, non seulement les causes de divorce déjà énumérées furent acceptées dans la pra tique du pal i ianat de Constantinople ; mais encore de

nouveaux mol ils de dissolut ion furent admis, a savoir :

t Toute maladie grave rhl'âme et du corps survenant à l’un des conjoints, par exemple la paralysie, la cécité, l’o/ènc. l’impuissance de la femme à s’acquitter de ses devoirs de mère ou d'épouse, surtout si le mari consent au divorce. 2' Une grave Incompatibilité d’humeur, tô àouu.6M5aoTov roû xtxpaxTÎjpoç. '. L’abandon de l’un des conjoints par l’autre, pendant imis ans el moins, r l ii crime commis par l’un des conjoints, et sa condamnation à une peine Infamante. 5° On trouve même des cas de divorce par consentement mutuel accordés par le patriarcat œcuménique, pour ries raisons dont il se déclare le seul juge. Cl. Théotocas, L</ législation du patriarcat œcuménique, NofxoXoyta toG olxouu.evixoû iraTpuxpxelou, Constantinople, 1897, p. 249-295, ou l’on trouvera des décisions du synode patriarcal de Constantinople portées entre les années 1800-1896 sur chacun des cas Indiqués.

Vvanl Pierre le Grand, le divorce se pratiquait dans l'Église russe suivant les règles byzantines. On j trouvait cependant quelques particularités, qui méritent d'être notées, c’est ainsi qu’on admettait comme motif suffisant de dissolution du lien matrimonial : la dilapidation de la fortune de la femme par le mari. le crime de bestialité, la stérilité de la femme ; mais on rejetait le divorce pour cause de maladie survenant après la conclusion du mariage. Par ailleurs, le très grave abus suivanl s'était introduit en Moscovie : tout prêtre avait le droit de délivrer aux époux une lettre de divorce, un libellas repudti à la mode juive ; et tout higoumène pouvait couper les cheveux à l’un rh-, deux conjoints pour l’agréger a la vie monastique, si l’autre, en signe de consentement, présentait les ciseaux pour l’opération. Le plus souvent, c'était le mari qui 1rs présentait, pour se débarrasser d’une épouse qui avait cessé de plaire r-t qui protestait inutilement. A la même époque, dans la Russie méri dionale, le divorce par consentement mutuel était entouré de certaines formalités juridiques. Cf. Pavlov, dp. <ii. p. 385 ; Souvorov, op. cit., p. 388, 389. Pierre le Grand s’employa ; i faire cesser ces abus, Le nombre des causes de di voire portées « laits la Kormtchata Knlga fut considérablement réduit. Avant la dernière guerre, l'Église russe reconnaissait trois causes de divorce proprement dit : 1° L’adultère de l’un « 1rs conjoints prouvé juridiquement ; 2° Une absence de cinq ans sans aucune nouvelle : 3° Le bannissement en Sibérie, dont la loi distinguai ! trois espèces : condamnation aux travaux forcés, colons, exilés pour la vie. Le banni et son conjoint pouvaient, chacun de son côté, faire une Instance en divorce, suivant les prescriptions spéciales établies pour chaque cas. Dans ces derniers temps, dii Souvorov, <>/>. cit., p. 390, le Saint-Synode, à cause des nécessités pratiques, était amené à prononcer le divorce pour d’autres motifs que ceux Indiqués par la loi. I> « - plus, la coutume exista toujours en Russie de demander le divorce par voie extraordinaire, c’est-à dire par supplique adressée au tsar, auquel les juristes byzantins et allemands mit reconnu le droit de dissoudre les mariages en vertu de 2327

M M [AGE DANS L'ÉGLISE GRÉCO-R USSE

son pouvoir souverain, En fait, le motif de divorce qui intervenail le plus fréquemment en Russie, avant la guerre, étail « ! n i de l’absence sans nouvelles. Chaque semaine, les Tserkovnyia Viédomosti y organe du SaintSynode, publiaient dans leurs pages d’annonces une trentaine de demandes de divorce appuyées sur ce seul motif. Celui-ci est aussi le plus fréquemment mis en avant par les Russes exilés, comme on le voit par les annonces « le la revue du Synode russe établi à Carlovitz, revue qui porte le même nom que l’ancien organe synodal. Mais i ! y a cette différence que la durée de l’absence sans nouvelles est limitée à trois ans au lieu de cinq. De plus, les Russes de la dispersion obtiennent le divorce pour abandon malintentionné, deux mois après que cet abandon a été notifié a la partie coupable par ladite revue.

La pratique des Églises bulgare, serbe et roumaine en cette matière se modèle sur celle du patriarcat œcuménique. Chez les Bulgares, d’après la loi du 21 mars 1897, on admet, entre autres causes de divorce, les suivantes : l’absence sans nouvelles du mari pendant quatre ans ; l’ivrognerie amenant la dilapidation des biens de la famille ; le refus obstiné et non motivé de la femme de réintégrer le domicile conjugal, après trois ans de séparation. Cf. Revue catholique des Églises, 1908, t. v, p. 177-179.

Pendant longtemps, au conjoint qui donnait lieu au divorce par sa faute, spécialement en cas d’adultère, le droit ecclésiastique interdisait absolument de contracter un nouveau mariage. Mais peu à peu, on s’est relâché, en plusieurs endroits, de cette rigueur. C’est ainsi qu’en ces derniers temps, en Russie, en Bulgarie, au Monténégro, la partie coupable pouvait se remarier, si, après avoir accompli la pénitence canonique imposée, elle donnait des signes d’amendement. Cf. Milasch, op. cit., p. 912 ; J. Zhishman, Das Eherecht der orientalischen Kirche, Vienne, 1864, p. 800-803.

Comment les canonistes gréco-russes expliquent-ils cette facilité de leur Église à rompre le lien matrimonial, contre la défense formelle de Jésus-Christ dans l'Évangile : Quod Deus conjunxit, homo non separet ? Tout d’abord, ils prétendent que Notre-Seigneur a permis le divorce en cas d’adultère ; et c’est dans ce sens qu’ils interprètent les mots de l'évangile de saint Matthieu : excepta fornicationis causa (v, 32 ; xix, 9) ; cf. art. Adultère, t. i, col. 471 sq. Ils ajoutent ensuite que les paroles de la sainte Ecriture enseignant la rupture du lien matrimonial par la mort naturelle ou par l’adultère ne doivent pas être prises en un sens trop littéral, mais plutôt comme des indications générales, qu’il est permis d'étendre à des cas analogues. Or, en dehors de la mort naturelle, il y a la mort civile par la condamnation à une peine infamante ; la mort religieuse par l’apostasie. Une absence prolongée, un abandon obstiné équivalent à la mort physique. En plus de l’adultère qualifié, il y a l’adultère présumé, qui peut revêtir diverses formes. Cf. Milasch, op. cit., p. 897 ; M. Sakellonopoulos, 'Exx.~kr l aia.aT.Y.b) Sbtouov, Athènes, 1898, p. 540 ; I. Hadschits, De causis matrimonium dissociantibus juxta disciplinam orthodoxe Ecclesise Christi Orientalis, Budapest, 1826, p. 9-19. Évidemment, avec une pareille exégèse, une large voie est ouverte au divorce ; mais comment établir que cette exégèse rend la pensée du Christ et des Apôtres ? La pratique de l'Église primitive lui est absolument opposée, comme le reconnaît le canoniste russe Souvorov : « L'Église romano-catholique, écrit-il, s’en est tenue à la règle sévère de la discipline des premiers siècles : la société conjugale n’est dissoute que par la mort de l’un des conjoints. » Op. cit., p. 382, 385. Au demeurant, plusieurs documents insérés dans le nomocanon de l'Église byzantine favorisent ouvertement la thèse catholique. Voir, en particulier, le

canon IK des Apôtres et le canon 115 de la collection des canons dits de Carthage.

VI. DO SU JE ! DU SACREMEN I DE UAKIAGI- :. - Si

nous traitions du mariage au point de vue canonique, il y aurait ici beaucoup a dire ; car les divergences et les particularités ne manquent pas entre les deux disciplines grecque et latine relativement aux empêchements, à la célébration du mariage, etc.Même au sein dis Eglises autocéphales. l’uniformité n’est pas parfaite sur tous ces points. Mais ces questions n’ont qu’un rapport très éloigné avec le dogme, et reviennent de droit au Dictionnaire de droit canonique. Nous nous contenterons de dire un mot de la polygamie successive et spécialement des quatrièmes noces ou tetragamie, qui donna lieu, au début du xe siècle, à une vive controverse entre Grecs et Latins, et entn Grecs eux-mêmes, et renouvela pour quelques années le schisme photien à peine éteint.

On sait que certains Pères orientaux ont eu des mots très durs pour les deuxièmes et les troisièmes noces. Saint Basile va jusqu'à assimiler la trigamie à une fornication. Voir, plus haut, col. 2097. L'Église byzantine toléra cependant les deuxièmes et les troisièmes noces ; mais elle refusa longtemps de les bénir, et elle imposa une pénitence aux bigames et aux trigames. Quant à la tetragamie, elle fut absolument prohibée, à partir du synode dit de l’union, convoqué à Constantinople en 920 pour mettre fin au schisme occasionné par le quatrième mariage de Léon le Sage. Ce n’est pas ici le lieu de raconter en détail les diverses phases de ce schisme, qui ne fut complètement éteint qu’en 996, lorsque les derniers partisans du patriarche Éuthyme (907-912), qui. d’accord avec Rome, avait reconnu la licéité des quatrièmes noces, firent leur soumission et acceptèrent les décisions du synode de 920. Voir Lé*on VI f.e Sage, ci-dessus, col. 365-379. Ce qu’il y a à signaler, à propos de la tetragamie, c’est la tentative du patriarche de Constantinople. Nicolas le Mystique, d’en faire une question dogmatique, en déclarant que les quatrièmes noces étaient interdites en vertu du droit divin. Toute cette controverse fut visiblement inspirée, du côté de Nicolas, par l’esprit de contention. Lui qui voulait d’abord, de sa propre autorité, accorder à Léon le Sage la dispense pour son quatrième mariage, se mit ensuite à contester la possibilité de cette dispense et écrivit à ce sujet plusieurs lettres arrogantes à Rome, sans obtenir de réponse. Il finit cependant par céder, au moins tacitement, puisque le décret d’union de 920, ô t6u.o ; tt, ç évcûaecoç, tout en défendant absolument les quatrièmes noces, s’abstient de blâmer la dispense accordée à Léon le Sage. Pour le bien de la paix, le pape adhéra, en 923, à ce décret d’union. C’est sans doute parce que les réserves probables faites par le pape Jean N ne furent pas suffisamment proclamées à Byzance, qu’un groupe important deuthymiens continua la résistance contre Nicolas et ses partisans. Cf. Hergenrother. Photius von Constanlinopcl. t. m. p. 655-694.

Au demeurant, malgré la défense si formelle du tome de l’union, les cas de tetragamie n’ont pas été rares dans l'Église gréco-russe, spécialement en Russie. Au xvie siècle, on vit dans ce pays, à propos du quatrième mariage d’Ivan IV le Terrible, une répétition de ce qui s'était produit à Byzance, au xe siècle, à l’occasion de la tetragamie de Léon VI. On conserve, en effet, une lettre du métropolite de Moscou imposant à Ivan IV une pénitence canonique pour ses quatrièmes noces et analhématisant en même temps ceux qui oseraient imiter le tsar. Cf. Pavlov. op. rit., p. 353. Bien que prohibée en Russie par la loi civile, à partir de 1649, la tetragamie était encore pratiquée au xvine siècle, et, en 1767. le Saint-Synode avait encore à s’occuper d’une série de cas de ce genre MARIAGE DANS I ÉGLISE GRECO-RUSSI

v ; m

kintitulé : Examen des règle : ttiques

friutnt le mariage, publié dans le Pravoslaonyi S èciediiik. IS5 1. ». t. ni. p 1 l '> Il fut question de la licéiti île la polygamie succès .. ncral et de la tétragamie en particulier, à casino de l’union avec les tirées au concile de i, tu UT I On lit. en ellet. dans le texte lutin de mfession tic foi de Michel Laléolotfue, que sous I cet empereur en 1271. et encore en 1277, le pas suivant : Solula lege matrimonii per mortem allerutrius con/uyiim. sfciuutiis et ter/tus et deitxde nuptias tticit. si impedimeidum canonicum insu nliti non obsistat. Ainsi est conçu le texte <lc mfession public par A Ihciner et 1°. Miklosich, dans Monumentti speelantia ad unionem Ecclesiarum rw et ronuuuv. Vienne 1872, p. 10. Il est curieux de constater que, dans le texte latin donne par les collections conciliaires, ainsi que dans la version grecque île la confc-si, .n. l’allusion a la tétragamie n’apparaît pas : nu s’arrête aux troisièmes noces : Ssut xaù - -' -ïu.'/j ; xi : i SiaSoxV BepuTOÙç

la même différence se constate entre le texte latin de la confes.'ion de foi souscrite en 1369 par Jean V Palëologue et sa version grecque. Le texte latin mentionne les quatrièmes noces : le texte grec les passe sous silence. Cf. A. Thciiicr et F. Miklosich,

!., p. 39. Il semble que l’omission de la tétragamie

dans les documents grecs ait été faite à dessein pour ne pas donner occasion aux adversaires de l’union de criera la violation de la discipline orientale.

VII. IH IMtoir lu LÉGIFÉRER SUR Il MARIAGE ET ONNMTRI ims > Usl s MATRIMONIALES. Oïl

lierait vainement chez les théologiens et les canoi-o-russes la délimitation précise que la théocatholique établit entre les droits de l'Église et ceux de l’Etat relativement à la législation matrimoniale. Voir Empêchements pi mariage, t. iv. . I I"' sq. On trouve peu de chose chez eux sur cette ion. Leur enseignement se réduit a ceci : 1° , ise et l'État ont également le droit de légiférer sur le mariage et de connaître des causes matrimos’occupe du sacrement. l'État upe du contrat. Les empêchements que pose la première dans son domaine doivent être reconnus ml. et vice versa : l'Église accepte la législation civile pour ce qui est de son ressort. En cas de lit, il faut recourir à l’entente amiable : 3° L'Étal n’a pas le droit de considérer comme invalide un mariage que l'Église a ratifié : I Les causes de divorce sont defenes au tribunal de l'Église ; tout ce qui de la fortune des conjoints est réservé aux tribunaux civils. Tels sont a l’heure actuelle, dit Milasch, rï., p. 830. « S31, les rapports entre les deux pouvoirs, pour ce qui regarde les questions matrimoniales, là, du moins, ou ces rapports sont normaux.

si maintenant nous interrogeons l’histoire, nous '.dons que la part de l'État dans la législation matrimoniale a été prépondérante pendant toute la de byzantine. Nous avons déjà dit plus haut que l’Eglise orientale avait accepte les décisions de Justlnien sur le divorce. Léon le Sage et Alexis C.omnène rendent obligatoire la bénédiction de l'Église pour la validité îles liane ailles et du mariage, et s’ils abandonnent a l'Église les causes matrimoniales, ce n’est « erver le droit d’intervenir en dernier ressort et d’accorder des dispenses, même a rencontre lésiastiques. Cf. la novelle ai de Léon USjuc. Ce pouvoir suprême de l’empereur, Il

onnatt pratiquement et quelquefois même expres

it. Cf. Khallis et Potlls, EovTOtyujX Kfltvévwv, 1. 1,

33 ; t v. p.."..s. Dans leurs nombreuses décisions

synodales tombant les causes matrimoniales, les

patn Constant inople s’appuient tant sur les

lois civiles que sur les fanon-, ecclésiastiques I.i loi

mule suivante leur est familière : Après avoir par couru les lois civiles fi canoniques, nous en liions la réponse que voici, l « s canonlstes fonl de môme. Voir, par exemple, les Réponses de Démétrlus Chôma ténus, edii l’itra. op. i /L. passim.

lin Kussie. |usqu’a Pierre U 1 Grand, c’est l'Église

cille qui s’occupe des causes matrimoniales. Les -on

veralns mo covites n’interviennent guère que pour

faire plier les lois canoniques a leurs caprices conju gaux. Mais a partir de Pierre le Grand, l'Étal prend l’initiative de graves réformes, u légifère a rencontre « lu droit nomocanonique byzantin, accepté Jusque la. Le nombre des empêchements dlrimants et des causes de divorce est diminué. En 1721, un oukaseautorise les mariages mixtes, que le concile in Trullo réprouve par son 72e canon : et. sur l’ordre du tsar, le docile Théophane Procopovitch rédige sa brochure sur les mariages mixtes pour établir que ceux-ci ne sont pas contraires à la foi orthodoxe. Toutes ces Innovations, le Saint-Synode dirigeant les ratifie, ou, pour parler plus exactement, la volonté souveraine du tsar s’exerce en cette matière, comme dans les autres

affaires religieuses, par ['intermédiaire du Synode, qui

est devenu un des organes « lu pouvoir autocratique. Avant la dernière guerre, était du ressort du Synode tout ce qui regardait l’observation des lois civiles cl religieuses dans la célébrai ion du mariage, ainsi que les causes du divorce. La juridiction civile connaissait du reste.

Remarquons, en terminant, que certains canonlstes grecs ont essayé de revendiquer pour le patriarche de Constantinople une sorte de juridiction suprême sur toutes les causes mal rimoniales. analogue au pouvoir que la théologie catholique reconnaît au pape. I. Kutaxias enseignait, il n’y a pas longtemps, que le synode patriarcal de Constantinople a porté sur le mariage de nombreux décrets, parce qu’il possède proprement et exclusivement le droit de statuer sur les causes matrimoniales, xaOo xexT7)(iévrj xupîoiç L?.'. &7roxveumx&ç, rà Sixadcofjtvx toû SixàÇeiv rcepi. ypon. Cf. Staphylas et l’et rounakis, 'ExXATjauccmxOV SlxaiOV av/7a/01 : v i-l rjj fi&oei toù x<x& » )YY]toO 'I. 'EùraÇlou, Athènes. 1900, p. 20, 21. Il s’en faut que cette singulière opinion ait quelque chance de s’imposer dans les diverses Églises autocéphales.

Les principales sources ont été indiquées au cours de l’article. Voici quelques compléments : 1'. Arcudius, De concordia Ecclesise occidenlalis et orientait ! in septem sacramentorum administralione libri VII, Paris, 1619, p. 553562. <)n trouvera, dans cet ouvrage, peu de renseignements

sur ce qui fait l’objel de notre étude. I. 'auteur s’attache

surtout a prouver l’indissolubilité du lien matrimonial contre les Grecs dissidents ; Goar, I JjroXoYeov slve Hituale Greecoriim, 2e édit., Venise, lT.'io, p. 310-331, 00. l’on trouvera <li savantes notes expliquant le symbolisme des cérémonies liturgiques ; Siméon de Thessalonique, De sacramentis, /'. G., t. ( i.v, col. 503-616 ; Alexis Dmitrievskii, Description des manuscrits liturgiques conservés dans les bibliothèques de l’Orunt orthodoxe n-n russe), t. il, .. y ', '/ :. y, passim, Kiev, 1901 ; J. Zhishman, Dos Eherecht der orientallschen Kirche, Vienne, 1864 ; Is. Silbernagel, Cas Eherecht nach den Gesetzen <lcr griechtschen Kirche, Munich, 1862 ; Klein de S/ad, Dissertaiia canonica de matrimonio juxta disciplinant greecet orlentalis Ecclesise, Vienne, I7si ; Th. Mandiez, Dissertaiio <le cousis matrimonium dissociantlbus jujeta disciplinam orthodoxes Ecclesise Christi orlentalis et legi s impériales bgzantinas, Leipzig, 1849 ; E. Raditch, Des cousis de divorce dons l'Église ortimiio.ee (en serbe), Nensatz, 188 I ; X. Doucbiteb, Le mariage chrétien (en serbe), Belgrade, 1898 ; Mélèce Sakellaropoulos, I xxXr^iao Sfyjiov -.i : àvaro) : / i :  ;  :, '., rjj ' I /// m-.-j. :. Athènes, IH'.is. p. 150-549 ; J.-S. Berdnikov, .Sur o question ' s causes de divorce, Saint-Pétersbourg, 1909 ; v s. Souvorov, Remarques sur le projet de règlement des causes de di rédigé par /" Commission iiu Salnl-Synode, Moscou, 1908 ; N. A. Zaozerskii, Sur quoi est fondée la juridiction ecclésiastique dans les affaires matrimoniales, Serghief Possad, 1902 ; du même, L’abandon coupable par l’un des conjoints, comme cause de dissolution du mariage, ibid., 1904 ; du même, Ce qu’est le mariage rascolnik, dans Bogoslovskii Viestnik, 1895, t. 1, p. 261-278, 404-121 ; 1896, t. 1, p. 125-137, 336-319 ; A. Zagorovskii, Le divorce d’après le droit russe, Kharkov, 1884 ; L. N. Zagourskii, Le divorce, Kharkov, 1903 ; N. Seronios, Ἐπιτομη τοῦ ἐν τοῖς ἐκκλησιαστικοῖς δικαστηρίοις τοῦ οἰκουμενικοῦ θρόνου ἐν ἰσχύϊ ῥωμαϊκοῦ καὶ βυσαντινοῦ νομου, Constantinople, 1886 ; Théotocas, Νουολογία τοῦ οἰκουμενικοῦ πατριαρχείου, Constantinople, 1897.

M. Jugie.

V. MARIAGE DANS L’ÉGLISE NESTORIENNE ET LES ÉGLISES MONOPHYSITES.

Sur le mariage dans l’Église nestorienne et dans les Églises monophysites il y a peu de chose à dire au point de vue dogmatique. Ces chrétientés, depuis si longtemps séparées du centre de l’unité, n’ont subi que très peu l’influence de la théologie catholique, et leur doctrine des sacrements est restée assez rudimentaire, à en juger par les écrits théologiques publiés jusqu’ici. Dans ces Églises, du reste, comme dans les autres, il y a eu évolution aussi bien dans les doctrines que dans les rites et la discipline. Il y a eu des emprunts réciproques entre les Églises dans tous les domaines ; et rien n’est moins solide qu’un certain argument de prescription qu’on trouve développé dans certains manuels de théologie, dont tout le fondement est l’immobilité supposée des Églises séparées, depuis le temps de leur séparation.

I. Chez les nestoriens

Les nestoriens avaient primitivement un rite très simple du mariage. Le contrat se faisait dans la maison du père de la fiancée, en présence de témoins et du prêtre, devant la croix. Les fiancés, ou plutôt leurs procureurs, manifestaient en leur nom leur consentement mutuel, en répondant aux interrogations du prêtre. Celui-ci joignait leurs mains en forme de croix, et les bénissait en récitant une courte prière. Après cette bénédiction, le mariage était considéré comme conclu, ratum ;  : mais la cohabitation des époux ne commençait qu’après un temps plus ou moins long, pouvant varier de plusieurs mois à plusieurs années. L’épouse était conduite à la maison de son époux, à l’époque convenue, sans aucune cérémonie religieuse, « Il est nécessaire et très utile, dit le canon 13 du synode de Mar Georges Ier (676), que le contrat des fiancés et des fiancées se fasse en présence de l’instrument de notre vie et de la cause de notre salut. En même temps, ils commenceront chrétiennement avec la bénédiction sacerdotale. S’ils transgressent ces choses, qu’ils soient excommuniés. » J.-B. Chabot. Synodicum orientale ou recueil de synodes nestoriens, Paris, 1902, p. 487, 488. Ce rite primitif s’est conservé dans ses traits essentiels dans l’Ordo desponsationis, publié par G. Percy Badger : The Nestorians and their rituals, Londres, 1852, t. ii, p. 244 sq., et par H. Denzinger, Ritus Orientalium, Wurzbourg, 1864, t. ii, p. 420-122. Mais un Ordo benedictionis long et compliqué a été ajoute plus tard pour consacrer l’entrée de l’époux dans la maison de l’épouse. On y trouve des oraisons spéciales pour la bénédiction de la coupe à laquelle boivent les deux conjoints, la bénédiction de l’anneau, de la croix, de l’eau bénite appelée Hanana, des vêtements et spécialement de la robe coloriée de l’épouse, un long office du couronnement, et enfin une bénédiction de la chambre nuptiale. Cf. Denzinger, op. cit, p. 423-150.

Toutes ces cérémonies indiquent bien le caractère religieux du mariage. Mais les théologiens nestoriens l’ont-ils considéré expressément comme un sacrement au sens où nous l’entendons ? Il est difficile de répondre d’une manière précise. Parlant des sept sacrements dans le quatrième traité de son livre intitulé : Liber d Margaritæ, Ebed Jesu († 1318) ne fait pas rentrer le mariage dans le septenaire, où trouvent place le sacréferment et le signe de la croix. Il consacre cependant le dernier chapitre de ce traité au mariage et à la virginité, et il dit du mariage : Sanctum prorsus matrimonium est mundusque ejus thalamus, præsertim quid Paulus idipsum esse sacramentum eorum, quæ supra mundum eminent. declarat. Liber Margaritæ, tract. iv, c. viii, dans Maï, Scriptorum veterum nova collectio, t. x D, p. 360.

Les deux propriétés essentielles du mariage chrétien : l’unité et l’indissolubilité sont proclamées par les premiers synodes nestoriens. Dans sa troisième encyclique synodale, le catholicos Mar Aba Ier (544) condamne la bigamie et la polyandrie, indique les empêchements provenant de la consanguinité, et proscrit le mariage des chrétiens avec les païens. Chabot, op. cit., p. 336. Le synode du catholicos Mar Jesuyahh Ier (585) renouvelle les mêmes prescriptions, défend, en plus, les mariages mixtes avec les hérétiques, et parle de la seule cause de divorce alors reconnue par l’Église nestorienne, à savoir l’adultère ; et encore, il n’est pas dit expressément que la partie innocente peut contracter un nouveau mariage : « Un homme ne peut canoniquement renvoyer sa femme légitime, si ce n’est en pas d’adultère, ni s’unir à une autre, soit comme un impudique privé d’intelligence, à cause de la beauté extérieure et périssable, soit comme un avare insatiable pour posséder de l’argent. » Chabot, op. cit., p. 410 : cf. p. 116, 418. Le canon 20 du même synode dit expressément que la stérilité de la femme n’est pas une cause de divorce. Ibid., p. 448, 449.

Cependant, cette sévérité de l’Église nestorienne à l’égard du divorce ne dura pas longtemps. Ses casuistes ajoutèrent successivement à l’adultère plusieurs autres causes de dissolution. Déjà au viii°-ix° siècle, le catholicos Timothée Ier (778-823) signale : 1° la fornication de l’âme, c’est-à-dire le crime d’apostasie et de magie ; 2° l’entrée des deux conjoints dans la vie religieuse (ce qui ne donne pas lieu à un divorce proprement dit) ; 3° l’abandon de la femme par le mari, qui, sommé de reprendre son épouse, refuse absolument : la femme abandonnée est libre de se remarier ; 4° une absence de trois ans sans nouvelles ; 5° une grave maladie antérieure à la consommation du mariage et cachée sciemment au moment de la ratification du mariage (= cas de dissolution du mariage simpliciter ratum). Cf. J. Labourt. De Timotheo I Nestorianorum patriarcha (778-823), Paris. 1904, p. 61. 63, 64, 65-70. Au xiv° siècle, le nombre des causes de divorce s’accroît encore dans la Collection des canons d’Ebed Jesu. On y trouve comme causes nouvelles : 1° l’homicide : 2° le cas de querelles domestiques continuelles, après dix ans, et s’il n’y a pas d’enfants ; 3° le cas de captivité de l’un des conjoints : chacun des deux peut se remarier, même sans attendre trois ans ; 4° le mariage simplement ratum peut être rompu, après dix ans d’attente. Maï. op. cit. t. x a, p. 46-52. La discipline nestorienne maintient cependant le principe que le conjoint qui a donné occasion au divorce par sa faute ne peut se remarier.

II. Chez les monophysites

Plus que l’Église nestorienne, les diverses Églises monophysites ont subi l’influence de la théologie byzantine, et même celle de la théologie catholique latine, à partir des croisades. Elles ont accepté le septénaire sacramentel, mais leurs théologiens ont parfois erré dans l’énumération. L’Arménien Vardan, au xii° siècle, signale le mariage comme le cinquième sacrement. Bien avant lui, Jean d’Ozni, au début du vii° siècle, avait insisté sur le caractère religieux du mariage, et l’avait appelé un sacrement : Magnum nobilis connubii mysterium. loannis philosophi Ozniensia opéra. Venise, 1834 Oratio synodalis, p. 27-29.

Dans chacune des trois grandes Églises mono phy&ltes (copte-éthiopienne, jacobite-sj rien ne et arménlenne-grégoricnne). il y.1 un double rite pour la ration du m. ni. i-c II est foncièrement le même que le double rite de la iitur^ngrecque, bien que l’eurholoiic de chaque Église présente des particularit >ires. nir ces riles dans Denzinger,

v. t. ii, p. MM us. 1..Il h. : Le mariage proprement « lit est conclu, ratifié, à 1’oflice des fiançailles, mine chez Un nestoriens. I.’oflice du nullement, que les Syriens appellent le banquet inum. symposium i, n’a lieu qu’après un temps ou moins long, au moment où commence la ibitation des époux. C’est du moins ce qui se pratiquait autrefois chez les Syriens jacobites et les Arméniens. I >e nos jours, et depuis longtemps, les deux rites sont généralement unis. La même coutume, nous l’avons vii, a prévalu également chez les Gréco.1. 2319).

le rite religieux accompli par le piètre ou l’évéque equis par les canonistes monophysites pour la validité du contrat matrimonial : mais x aurait tort

d’en conclure, comme l’a tait Renaudot. La perpétuité dise catholique sur 1rs sacrements, prouut t par le consentement des Églises orientales. t. VI, c. iv, edit. Migne, t. iii, col. 990-994, que (OUS les Orientaux font consister le sacrement de mariage dans la cérémonie religieuse. Nous avons vu combien cela était faux pour ce qui regarde les Gréco-Russes. Les autres dissidents orientaux n’ont mure agité la question de ir en quoi consiste l’essence du sacrement de mariage. Plusieurs, cependant, insistent sur la nécessité du consentement mutuel, et paraissent y voir tout ntiel du mariage. Ainsi Grégoire de Dattev, dans son I.irre des interrogations. IncipU matrimonium per conficitur » er consensum verbis exprèssum : tluarum enim ooluntatum consensus conficU matrimonium ; perpeitur autem et eonsummatur per benrdictionem sacerdotis et copulam corporalem. Galano, irmentecum Romana, Rome, 1661,

t. m. p. 712. Ce qui est sur. c’est que, dans tontes ces s. la clandestinité est un empêchement dirimant du mariage, et que la bénédiction sacerdotale donnée en présence de témoins est exigée pour sa validité.

unie dans les collections canoniques byzantines. on trouve dans les collections canoniques des monophysites. spécialement chez les Coptes, qui ont tout le recueil des canons africains, des documents favoà l’absolue indissolubilité du lien matrimonial. lin fait, cependant, dans toutes ces Églises, le divorce est pratique non seulement en cas d’adultère, mais aussi pour plusieurs autres motifs. Malgré la haine qu’ils profi ssaient pour Byzance et i es empereurs, les monophysites ont accepté sur bien des points la l< lation byzantine. La collection de ces lois impériale ! qu’ils ont appelé les conOJU impériaux. Les canonistes coptes donnent comme causes de divorce : 1 « l’adultère de la femme et le concubinage du mari : 2 une grave maladie réputée incurable survenant après le mariage, comme la folie, la lèpre. l’épilepsie, i née sans nouvelles de l’un des

conjoints emmené en captivité, après cinq ans d’attente : 1° l’attentat a la vie de l’un des conjoints par l’autre : 5 les mauvais traitements réciproques rendant la cohabil ion intolérable ; 6° le refus de la femme de réintégrer le domicile conjugal, qu’elle a quitté sans motif plausible ; 7° la défloraison de l’épouse antérieure au mariage et manifestée par le mari aussitôt qu’il s’en aperçoit. Il est difficile, du reste, de dresser une liste complète dl de divorce chez

pies, par le fait que cette liste diffère suivant les

canonistes. On peut allumer d’une manière générale

qu’ils oui accepté sur ce point la pratique byzantine. Le nomoeanon de Bar Hebreus, publie par Mal, Seriptorum retenait nova colleciio, i. x. b, ’sq. nous renseigne sur la pratique des Syriens facobitea, bien que les affirmations de cel auteur soient parfois assez embrouillées et frisent la contradiction. ous y trou oiis les causes suivantes de divorce : i l’adultère de la femme, mais non la Faute u mari, qui ne mérite

qu’une pénitence ; 2° l’entrée en religion île l’un des

conjoints, du couse ntement de l’autre ; celui qui reste

dans le siècle peut se reniai ici’:  ; i le crime de ma

Magi autem sunt, dit Bar Hebrœus, qui (aciunt divi nattones ; et Mi qui connut et voeiferantur et ululant

ex terra, et e.v ventre, et e.v latere ; et Mi qui COTTUmpunt oultus ; et riri qui ruineront sinus suos ; et maliens, quit aperiunt sinus suos, et incantanl ; et illi qui ligani viros a mulieribus suis : et illi qui divlnant in vitris plenis

uqua et speculis et miinuniii palmis, et in spatulis opium.

et in ossieulis (ructuum et tn granit leguminum, el m placentis hordeorum. M aï. op. cit., p. 77. On voll corn

bien ce cas est curieux, el avec quelle facilité un conjoint pourrai ! se débarrasser de l’autre en se

livrant a la magie ;  ! une maladie incurable, comme la lèpre, la gale, l’haleine tel ide. la pollution passive

habituelle, etc. ; 5° l’abandon de l’orthodoxie pour passer à l’hérésie, au paganisme, au judaïsme ou au

mahométisme : 8° l’absence sans nouvelles du mari.

qui est parti pour une région lointaine, autorise la

femme a se remarier, après un espace de temps qui est plus ou moins Long, suivant que le mari a laisse a sa femme de quoi vivre, ou s’il l’a abandonnée sans pourvoir à sa subsistance.

Le canoniste arménien Mkbilar Gocb (-’< 1207) cniimère treize causes de divorce : I l’adultère de l’un des conjoints, Mkbilar a soin de nous avertir qu’autrefois l’adultère de la femme, et non celui du mari, rompait le mariage ; 2 " l’ose ta âge de l’un des conjoints après sept ans. d’après le synode de Ton in (552) ; .’<" l’absence affectée et l’abandon coupable se prolongeant au delà de sept ans :  ! " la sodomie et autres actes contre nature commis par le mari : 5° l’attentat à la vie du conjoint : 6 « les mauvais traitements et les injures graves ; 7 « la folie (OU maladie démoniaque) survenant après le mariage, après sept ans : 8° une maladie contagieuse postérieure au mariage ne le rompt pas ; mais le conjoint malade peut autoriser l’autre a contracter un nouveau mariage ; 9° la stérilité de la femme, après sepl ans. autorise le divorce, si la femme y consent : le synode de Chahapivan avail dit sans restriction que la stérilité était une cause de divorce ; 10" la défloraison de l’épouse antérieure au mariage ; il" une aversion insurmontable ; l’ile passage à une autre religion ; 13* ta magie. Cf. Agop Megavorian, Élude ethnographique et juridique sur la famille ri le mariage arménien, Lausanne. 1894, p, 113-124.

Nous ne parlerons pas du mariage et du divorce chez les Abyssins et Éthiopiens, qui oui théoriquement la même discipline que les Captes. Le nécessaire a été dit à l’article Ethiopie (Église à"), t. v, col.’» I7.

Les deuxièmes noces sont permises dans I ouïes les Églises monophysites, mais la bénédiction solennelle et le couronnement leur sont refusés. Le prêtre se contente de réciter sur les bigames quelques oraisons. Chez, les Copies, si l’un des conjoints est bigame el l’autre non. celui-ci est seul couronné-. Les Copies el les Syriens tolèrent les troisièmes noces, mais Impotent une pénitence aux conjoints. Pendant longtemps les Arméniens rejetèrent la trigamle ; elle étail tolérée

en ces derniers temps, au moins dans l’Arménie russe.

Cf. Agop Megarovian, op. cit., p. 105. Quant à la tétragamie, elle a toujours été interdite sauf chez lei Éthiopiens, qui excommunient le tétragame, après la mort de sa quatrième épouse, s’il n’entre pas dans un monastère. Denzinger, Ritus, t. i, p. 181.

Les principales sources ont été citées au cours de l’article. L’étude de Renaudot, La perpétuité de la foi de l’Église catholique sur les sacrements, I. VI, dans le t. iii de l’édition de la Perpetuité de la foi catholique, col. 965-1026, renferme d’utiles renseignements, surtout au point de vue liturgique. Le chapitre sur le divorce est tout à fait incomplet. L’introduction de Denzinger sur le mariage, Ritus Orientaliam, t. i, p. 150-183, est beaucoup plus satisfaisante. Pour les Coptes, la brochure d’Emin bey, Studii storico-dommatici sulla Chiesa giacobita-cofta, Rome, 1890, donne quelques détails malheureusement trop succincts.

M. Jugie.

MARIALES Xantes, dominicain, né à Venise. vers 1580, de la famille noble des Pinardi. Dès l’époque de sa formation théologique, en Espagne, où l’étude des sciences sacrées était alors en pleine efflorescence. il se signala par la vivacité et l’acuité de son esprit. Rentré en Italie, il remplit diverses charges d’enseignement, en particulier celle de régent des études à Padoue, jusque vers 1621, date à laquelle il publia le premier de ses volumineux ouvrages, les Controversiæ, Venise, 1624 ; le long titre en décrit très précisément le caractère, ainsi que les tendances, soit vis-à-vis de l’école scotiste, soit vis-à-vis des neoterici, les théologiens de la Compagnie de Jésus : Controversiæ ad universam Summam theologiæ S. Thomæ Aquinatis Ecclesia doctoris, nec non ad IV libros Magistri sententiarum. in quibus primum doctoris utriusque sententia novis speculutionibus illustratur, plurima eorum abdita sensa aperiuntur, innumeraque loca, quæ inter se pugnare videntur, ad concordium revocantur. Objectis deinde quibuscunque, quæ ad haut usque diem adversus aut D. Thomæ doctrinam aut Cajetani commentaria, aut rationes quibus thomistica sententia adnititur, aut responsa anliquis impugnatoribus allata a quoquam evulgala sunt : um vero præcipue ab his qui novissime seripserunt, quibus adhuc a nemine responsum est, profunde, lucide, copiose, pleneque occurritur. Postremo scolistarum persilustris schola cum thomistica quoad fieri potest conciliatur : Scoti doctrina ubi ab Aquinate non dissidet, mira facilitate explicatur atque defenditur, vindicaturque a calumniis, quæ a minus affectis immerito ei inuruntur, etc.

Cinq volumes étaient projetés : un seul parut. Mais, poursuivant ses travaux en dehors de l’enseignement, Mariales produisit un ouvrage de non moindre envergure, qui ne devait être publié en fait, malgré l’inscription d’une date antérieure sur son titre, qu’en 1660 : Bibliotheca interpretum ad universam Summam théologiæ Div. Thomæ Aquinatis Ecclesiæ Doctoris, hoc est solers examen universorum, quæ a scriploribus quibuscunque tum antiquis, tum recentibus ad scholasticam theologiam hactenus evulgata sunt : cum primis vero uberrime exagitantur nostrorum temporum curiositales, circa quas novitosa modernitas adversus sapientissimam antiquitatem tantopere discutiari videtur, Venise. 1638. C’est, en quatre in-folio, une compilation de dissertations polémiques, autour du texte de la Somme, de la q. i à la q. xxvi, où sont éclaircies les difficultés soulevées au cours de quatre siècles contre la doctrine de saint Thomas. En tête du premier volume, était publiée une controverse préliminaire contre les écrits du P. Jean-Baptiste Poza. S. J. et du P. Vazquez de Padilla, S. J. Excessive de toute manière, et dans sa véhémence contre ses adversaires, et dans son exaltation de la doctrine de saint Thomas, infaillible, prétend-il, de par une assistance spéciale du Saint-Esprit, cette préface fut inscrite au catalogue de l’Index le 20 juin 1662. Les œuvres de Poza. d’ailleurs, avaient été elles aussi condamnées, dès 1628 et 1632, pour les motifs que donne le manifeste du théologien Fr. Roales, publié par Mariales dans sa controverse préliminaire et à la fin de son quatrième volume En outre, H. Fabri, S. J., qui avait attaqué Mariale :, dans sa Justa expostulatio de p. m. Xantes Mariales authore bibliothecæ interpresum, publiée sous le pseudonyme de L. Carterius, Vauctuse, s. d., fut lui aussi mis à l’Index. Ajoutons, pour donner tout le dossier de cette escarmouche théologique, que le P. Vincent. Baron, O. P., vint défendre la mémoire de son confrère, dans ses Libri quinque apologetier pro religione, utraque theologia, moribus ac juribus ordents prædicatorum, adversus… exposlulationes Carterii, etc., Paris, 1666.

Un troisième ouvrage de même ampleur fut entrepris dans la suite par Mariales : un commentaire, relativement bref, des Questions disputées de saint Thomas, dont deux volumes seulement ont été publiés, sur les Quæstiones de potentia et le De malo : Amplissimum arlium scienliarumque omnium Amphitheatrum, hoc est de rebus universis celeberrimæ quæstiones disputatæ ab orbis oraculo D. Thoma Aquinate.. ad hano usque diem a nemine expositæ, etc., Bologne, 1658. C’est le premier commentaire qui ait été fait sur les Questions disputées de saint Thomas, et l’on peut, après expérience, confirmer le témoignage que donne Mariales de l’intérêt doctrinal de cet ouvrage du Docteur angélique : Ego octuagenarius sum, et ab ineunte ætate in studiis consumptus, fateor sincere his tribus vel quatuor annis quos in edendis his commentarriis consumpsi, me longe plus profecisse quam toto decursu prioris vilæ meæ.

Mariales est enfin l’auteur d’une série de libelles, publiés en langue italienne sous le nom de P. P. Torelli. Ils viennent prendre place dans l’abondante littérature anti-gallicane du xviie siècle : leurs titres manifestent suffisamment leur contexte historique : Quali presagimenti possono haversi delle présenti sconvolte dell’Austriae della Spagna,e da i progressi de gl' Ereticie de’Francesi, Cologne, 1643, contre l’ouvrage intitulé : Il Zimbello, overo l’Italia schernita, 1641 ; Stravaganze nuovamente seguile nel cristianissimo regno di Francia, overo, Eccessi del Politicismo.… modernamente impugnate dall’asserto parlamento di Parigi, nel libro instrolato, DELLA SOYRANA GIURISDIZZIONE DE’RÈ SOPRA LA POLITIA DELLA CHIESA, Cologne, 1646 : enfin, sous le nom de Sigismond Campeggi, Enormità inaudite nuovamente uscite in luce nel cristianissimo regno di Francia, contra il decoro della Secte apostolica romana in due libri instrolati, l’uno DELL’ARROGANTE POTESTA DE’PAPI IN DIFESA DELLA CHIESA GALLICANA : l’altro, DEL. DIRITTO DELLA REGALIA, CHE TIENE IL RE CRISTIANISSIMO JURE CORONÆ INDEPENDENTEMENTE DA SOMMI PONTIFICI…, Francfort, 1649. La violence de ton de ces ouvrages très antifrançais, valut à l’auteur d’être exilé deux fois par le sénat de Venise. Il se réfugia à Ferrare, puis à Bologne ; vers la fin de sa vie, il put cependant rentrer à Venise, où il mourut, en 1660, avec la réputation d’un grand orateur et d’un maître théologien.

Quétif-Echard, Scriptores ordines prædicatorum, t. ii, Paris, 1721, p. 600-601 ; Nicéron, Mémoires pour servir à l’histoire des hommes illustres, Paris, 1734, t, xliii, P.290-295. M.-D.Chenu


MARIANA Jean de la Compagnie de Jésus (1536-1621). — Né à Talavera (diocèse de Tolède), il commença ses études à Alcala et entra dans la Compagnie le 1° janvier 1554. A peine a-t-il terminé sa théologie, qu’il est appelé à Rome, en 1651, pour enseigner cette discipline. Quatre ans plus tard il fut envoyé en Sicile, puis, en 1569, au Collège de Clermont, à Paris, où il professa en même temps que Maldonat et avec un égal succès. On sait comment la jalousie de l’Université interrompit l’enseignement du premier ; au même moment, 1574, Mariana, sous prétexte d’un