Dictionnaire de théologie catholique/JUSTIFICATION : Doctrine depuis le concile de Trente II. Théologie catholique

Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 8.2 : JOACHIM DE FLORE - LATRIEp. 399-409).

II. Théologie catholique. —

Si le concile de Trente avait fixé tout l’essentiel de la doctrine catholique, par le soin même qu’il avait mis à se tenir au-dessus des controverses d’école il laissait aux théologiens bien des points à éclaircir ou du moins à explorer. Il fallait aussi défendre le dogme contre les attaques de la science protestante dont on a vu l’acharnement en cette matière. Aussi, depuis le xvi° siècle, la théologie catholique a-t-elle déployé autour du problême de la justification un effort sans précédent.

I. DÉveloppehext histoiuqve.

Cette littérature est en double connexion avec les vicissitudes de la controverse protestante et avec les progrès accomplis au sein de l’école dans la systématisation de l’enseignement relatif à la grâce.

Enseignements de l’Église.

Au décret du concile

de Trente à peine quelques actes nouveaux du magistère se sont-ils ajoutés.

1. Contre les erreurs de Bains.

Par ses tendances générales, Baïus était conduit à se rapprocher le plus possible des conceptions protestantes. Ainsi semblait-il ne pas admettre de justice infuse, établir entre la justification et la rémission des péchés une distinction suspecte, ou encore dissocier celle-ci de la charité parfaite. D’où la condamnation portée contre ses propositions 31-33, 42-44, 63-64, 69-70. Elles sont citées et commentées à l’art. Baïus, t. ii, col. 100-104. Il est facile de voir qu’elles allaient contre la lettre ou, tout au moins, contre l’esprit du concile de Trente et de la tradition qu’il définit.

2. Projet de nouvelles définitions au concile du Vatican. — Une méfiance excessive à l’égard des catégories scolastiques, jointe au désir de rendre la foi assimilable aux intelligences modernes, détermina en Allemagne, dans le premier tiers du xix° siècle, ce mouvement de théologie rationalisante dont Hermès fut le principal fauteur. Sous la poussée d’un nominalisme aigu, il ne concevait plus la justification comme une réalité immanente à l’âme, mais bien comme la disposition où Dieu se trouve d’accorder à l’homme les grâces actuelles qui lui sont nécessaires. Voir Hermès, t. vi, col. 2299-2300. Cette erreur n’est pas nommément signalée dans le bref de Grégoire XVI en date du 25 septembre 1835 : mais elle fut aperçue et réfutée par les théologiens catholiques. Voir J. Kleutgen, Die Théologie der Vorzcit, .Munster, 1854, t. ii, p. 274-291. Le souvenir en était encore assez vivant en 1870 pour que le concile du Vatican ait projeté de lui opposer une plus ferme déclaration de la foi catholique. « Parce que de nos jours quelques-uns ont perverti toute la doctrine de la grâce sanctifiante, celle-là surtout qui en fait un don inhérent (à l’âme), il paraît nécessaire de l’enseigner distinctement et de l’inculquer à nouveau. » Ainsi s’exprime le rapport justificatif qui accompagne le premier Schéma de doclrina catholica, note 42, dans Collectio Lacensis, t. vu. col, 551. C’est pourquoi le chapitre xvin du projet porte sur la grâce. Sancti/icans graliu, y est-il dit, neque in favore Dei tantummodo, neque in prwtereunlibus actibus conslituitur ; sed est [jermanens supernaturate doniim a Deo anima in/usum atque initierais, lu canon dirigé contre Hennés aurait condamné ceux qui disaient sanctificantem graliam nihil aliud esse quam eondonationem peccalorum dut fuvorem divinum quo Deus hominem lanquam graluni acceptet paratusque ait ad concedenda ei auxilia gratis actualis. Ibid., col. 517-518.

On retrouve le même texte dans le projet soumis aux Pères de la Députât ion de la foi. col. 1635 et 1638, sauf que les canons y sont rejetés à la fin et que le

deuxième vise plus nettement la justification : Si quis dixerit justifleationem non esse nisi remissioncm peccalorum, etc. Les Pères en discutèrent le 20 mars, col. 1667-1668, et plusieurs proposèrent quelques précisions encore plus poussées sur la remissio peccalorum. Mais le Schéma reformatum conserva le même libellé. Voir c. v, 2, col. 562, et can. 2-3, col. 566. Le rapport officiel expliquait qu’on avait voulu renouveler plus clairement la définition du concile de Trente, mais en évitant comme lui les termes techniques d’habitus ou de qualilas. Ibid., col. 562, n. 2.

Si elle avait abouti, la définition projetée par le concile du Vatican aurait, en somme, laissé le problème en l’état. Mais le concile fut prorogé avant qu’elle pût être mise en délibération.

3. Erreurs de Rosmini.

Parmi les 40 propositions de Rosmini condamnées par le Saint-Office le 14 décembre 1887, la trente-cinquième est relative à la justification. Denzinger-Bannwart, n. 1925.

Quomagis attenditurordo Plus on prend garde à

justificationis in homine, eo l’ordre de la justification

aptior apparet modus dicendans l’homme, plus apparaît

di scripturalis quod Deus juste le langage de l’Écri

peccata quredam tegit aut

non imputât.

ture d’après lequel Dieu

couvre ou n’impute pas cer tains péchés. « D’après le Psalmiste, xxxi, 1, continue le texte, il y a une différence entre les iniquités qui sont remises et les péchés qui sont couverts. Celles-là, semble-t-il, sont les fautes actuelles et libres, ceux-ci les péchés non libres de ceux qui appartiennent au peuple de Dieu et qui n’en reçoivent de ce chef aucun dommage. » Opinion singulière qui vise plutôt la responsabilité morale du chrétien ; mais l’Église n’a pas voulu laisser s’accréditer un langage qui rappelle celui du protestantisme en matière de rémission des péchés.

Production théologique.

A défaut de controverse

nouvelle, les problèmes soulevés par la Réforme et périodiquement repris par ses docteurs ont largement suffi à défrayer l’activité des défenseurs de l’Église.

1. Théologiens du concile de Trente.

Il faut faire un rang à part aux théologiens qui, après avoir participé aux délibérations du concile de Trente, consacrèrent leurs talents à en exposer et défendre les doctrines.

Déjà le P. Grisar a édité le texte intégral d’un votuni très important du jésuite Lainez, Dispulationes Tridentinse, Inspruck, 1886, t. ii, p. 153-192. Un volume spécial est annoncé par la Gôrresgesellschafl, pour la publication des traités relatifs à la justification que provoqua l’assemblée conciliaire. En dehors de ces textes que réveille l’érudition moderne, d’autres furent publiés dès l’époque par leurs auteurs, dont quelques-uns eurent un particulier retentissement.

Le premier en date est le traité du dominicain Dominique Soto, De natura et gratin libri III ad synodum Tridentinam, Venise, 1547, qui se présente comme un commentaire des décrets de la v c et de la vi c session. Sa manière de concevoir l’incertitude de la grâce fut contestée par son confrère Ambroise Catharin, qui publia contre lui une Dejensio catholicorum pro possibili cerliludinc gratite, Venise, 1547. Il s’ensuivit une vive polémique entre les deux théologiens sur ce point précis. Voir H. Ilurter, Nomenclaior litlcrurius, 3’édil., t. ii, col. 1371-1375.

Plus importante encore est la contribution du franciscain André de Véga, ibid., col. 1390-1391. Avant même que le concile abordât le problème de la justification, celui-ci avait mis à profit ses loisirs pour écrire un Optisculum non soltim de justifications, sed etiam de gralia, fide, operibus et merilis egregie tracions quastiones quindecim, Venise, 1546. Peu après Soto,

il écrivit à son tour un commentaire très étendu sur le décret de la vi c session : Tridenlini decretî de juslificatione expositio et defensio libris quindecim distincta tolam doctrinam justificationis compleclentibus, Venise, 1548. Ce dernier ouvrage valut à son auteur les éloges du cardinal Cervino, Hefner, op. cit., appendice, p. 101, et connut dans la suite de nombreuses éditions. Les deux furent réédités en un seul volume par Pierre Canisius, Cologne, 1572. Véga s’y préoccupe de répondre à l’Antidotum de Calvin et fournit beaucoup de détails précieux sur les délibérations conciliaires auxquelles il avait pris une part active.

En dehors du dogme qui les unit, ces deux œuvres reflètent des tendances théologiques assez différentes pour que Petau, en rendant hommage à leur grande valeur, les puisse appeler duo inter se pugnanles libri. De Trid. conc. et S. Augustini doclrina, c. xv, dans Dogmala theologica, édit. Vives, Paris, 1866, t. iv, p. 688. Soto est, en effet, un adhérent de l’école thomiste, tandis que Véga se rattache, d’une manière d’ailleurs plutôt indépendante, aux doctrines franciscaines.

Dans cette catégorie on peut encore mentionner l’œuvre plus tardive du jésuite portugais Andrada de Païva, voir ici t. i, col. 1179, qui prit la défense du concile de Trente contre les attaques de Chemnitz et dont celui-ci tient compte dans son Examen concilii Tridenlini.

2. Controversisles des XVIe et XVIIe siècles. — Il était difficile d’exposer la doctrine du concile de Trente sans prendre parti contre les protestants. Mais d’autres s’adonnèrent à la tâche spéciale de critiquer ex professo leurs positions ou de rétorquer leurs arguments. Dans cette abondante littérature de controverse, la justification occupe naturellement un rang de choix.

En abordant à son tour ce problème, Bellarmin énumère les principaux de ses précédesseurs. -De ; tis/<L, i, 3, Opéra omnia, Paris, 1873, t. vi, p. 152. Il y remonte jusqu’aux polémistes des premiers jours de la Réforme : Driedo, Latomus, Pighius, John Fisher, Y Enchiridion de Cologne. Puis il mentionne les auteurs qui écrivirent immédiatement avant ou après le concile de Trente : Dominique Soto, Pierre Soto, Pierre de Castro, André Véga, Catharin, Cajétan, Andrada. Enfin il signale les controversistes postérieurs : Hosius, ConI. pol., 61-75, Jean de Louvain, De fide speciali, François Turrianus, Henri Helmésius, Nicolas Sander, tous trois auteurs d’un traité De justifieatione, Josse Tiletanus, Apolegia pro conc. Tridentino, Ruard Tapper, Explic. articulorum Lovaniensium, et termine par le nom illustre de Thomas Stapleton, Universa justi/icationis doclrina. Tout cela, ajoute-t-il modestement, prœler alios multos qui mihi noli non sunt .

Cette énumération, en tout cas, suffit à montrer que les attaques des protestants n’étaient pas restées sans réponse du côté catholique. Mais, pour méritoire qu’elle soit, l’œuvre de ces divers controversistes a été éclipsée par celle de Bellarmin lui-même, dont les cinq livres De justifieatione, 1593, ibid., p. 145-386, restent le modèle du genre. Résumé dans J. de la Servière, La théologie de Bellarmin, Paris, 1908, p. 666-704. Son importance est attestée par les multiples réfutations qui en furent tentées par les protestants. Voir Sommervogel, Bibliothèque de la Compagnie de Jésus, t. i, col. 1175.

Au xviie siècle, la controverse dure encore, mais tend, en général, à se faire plus irénique. Bossuet s’y est livré dans ce sens, à plusieurs reprises, au cours de sa longue carrière, voir ici t. ii, col. 1054-1055, 10581060, 1080-1081. La justification est déjà traitée dans la Réjulalion du catéchisme du sieur Paul Ferry, 1655, 2e section, Œuvres complètes, édit. Vives, t. xui, p. 393-432. Elle est touchée plus brièvement dans

l’Exposition de la doctrine catholique sur les matières de controverse, 1671, c. vi-vn, ibid., p. 62-67, et reprise enfin, en vue de dissiper les équivoques dont cette matière commençait tout juste à se dégager, dans sa pacifique discussion avec l’abbé luthérien Molanus. Pour les positions de Molanus, voir Cogitaliones privatæ, dans Œuvres complètes, t. xvii, p. 402-403, et, pour celles de Bossuet, Episc. Meld. sententia, ioid., p. 473-475, 478-479 ; Declar. fldei orthodoxas, c. i, p. 500-510 : Réflexions, c. i, p. 549-562. Voir également Histoire des variations, t. III, c. xxxiii-xli, t. xiv, p. 116-123.

3. Théologiens scolasliques.

Pendant ces assauts de la dialectique ou de l’érudition, l’École poursuivait en paix la systématisation de la foi catholique en matière de grâce. Non pas d’ailleurs qu’on y perde entièrement de vue la controverse protestante ; mais cette dernière est subordonnée aux problèmes d’ordre proprement théologique, qui prennent ici le premier pas avec tout le cortège de discussions et de précisions qu’ils ne manquent pas d’entraîner.

Les monuments les plus imposants de cette scolastique furent élevés par Suarez, De gralia, et Ripalda, De ente supernaturali. Chez l’un et l’autre, les questions diverses que pose la doctrine de la justification tiennent une large place. Voir Suarez, De gratia, 1. VU-XI, dans Opéra omnia, édit. Vives, t. ix, p. 90686, et Ripalda, De ente supernaturali, t. IV, disp. lxxxvi-lxxxviii, et t. VI, disp. cxxxii, édit. Palmé, t. ii, p. 165-193 et 694-785. A la suite de ces maîtres, tous les traités de la grâce consacrent à la justification des exposés plus ou moins étudiés, dont les détails sont naturellement influencés par l’école théologique à laquelle ils se rattachent.

Chez les initiateurs de la théologie positive au xviie siècle, c’est surtout la grâce actuelle qui estau l’ordre du jour. A propos des missions divines, Petau est amené’cependant à traiter de la grâce sanctifiante, qu’il veut identifier, d’après les Pères grecs et spécialement d’après saint Cyrille d’Alexandrie, avec la substance même du Saint-Esprit présent dans l’âme régénérée. De Trinitate, t. VIII, c. iv-v, dans Dogmala theol., édit. Vives, t. iii, p. 453-481. En établissant le Consensus scholæ de gratia, Thomassin rapporte et discute quelques opinions des théologiens anciens ou récents sur la justification, celle, par exemple, de Contarini. Voir Dogm. theol., édit. Vives, t. vi, p. 209212 ; cf. p. 219-220, 324, 349.

Dans l’ensemble, les aspects historiques du problème de la justification sont abandonnés aux controversistes, tandis que les théologiens s’en réservent les côtés spéculatifs.

4. Théologie et controverse au XIXe siècle. — Jamais entièrement assoupie, la controverse a repris une nouvc’e activité, dans les pays de religion mixte, au coura i du xixe siècle.

Le premier signal en fut donné en Allemagne par ! célèbre Symbolique d’Adam Môhler, Mayence, IKïl où l’auteur s’applique à montrer les oppositions dogmatiques des catholiques et des protestants d’après leurs symboles officiels. Nécessairement l’article d la justification y tient une très grande place et Môhler est conduit à mettre en relief, à la lumière des textes, les particularités un peu estompées depuis lors du protestantisme primitif. Voir dans la dernière édition, Mayence, 1872, p. 99-253, et le résumé de G. (joyau, Mwhler, Paris, 1905, p. 175-257. L’ouvrage eut un succès retentissant en Allemagne et dans les autres pays catholiques. A leur façon les protestants en nnrquèrent la valeur par de nombreuses et vives ripostes. Il y eut notamment une intervention de Christian Baur, Der Gcgensalz des Kalholicismus und ProlesUmlismus, Tubingue, 1833. Môhler se défendit contre lui

dans s ( s Neue l’ntersuchungen der I.ehrengeijensâlze zwischen den Kaiholiken und Proiesianiea, Mayence, 1834. Baur répliqua, cependant que Marheræcke et

C. J. Nitsch entraient en lice de leur côté pour la défense du protestantisme. Sur la Symbolique et la controverse qui s’ensuivit, voir A. Vermeil, Jeanvdam Mo Mer et V école catholique de Tubingue, Paris, 1913. p. 190-21Ï et 249-260.

Sans avoir le même retentissement, les publications de Dôllingi r sur la Réforme, surtout son volume Kirehe und Kirclien, Munich., 1861, voir ici t. iv. col. 1521, ne passèrent pas inaperçues et le Dr J. E. Osiander prit la peine de défendre contre lui la tradition protestante en matière de justification. liemerkungen ùber die evangelische Rechtfertigungslehre und ihre GeschicHe, dans Jahr bûcher fur deutsche Théologie, 1863, t. vin. p. 691-715.

Récemment encore la bataille s’est rallumée autour du Luther und Lulhertum du P. Dcnifle, dont la juslilication forme le centre, et que l’auteur a complété par un volume documentaire sur la Justitia Dei dans l’ancienne exégèse en Occident. Voir ci-dessus, col. 21 07 et 21 1 1. D’innombrables articles ou brochures ont tendu à venger la mémoire de Luther contre les conclusions du premier ouvrage, v. gr. L. Ihmels, dans Neue kirchliche Zeilschrifl, 1904, p. G18-648, tandis que le Di K. i l’ill s’appliquait à réduire la portée du second, dans Fcstgabc… A. von Harnack… dargebrachl, Tubingue, 1921, p. 73-92. A la même intention polémique sont dues les diverses publications de l’ancien dominicain Alpli. Victor Mùller, col. 2129, que l’on a pu nommer un « Anti-Denifle ». Grisar, Luther, t. iii, p. 1012.

Ces controverses avaient au moins l’avantage de ramener périodiquement au grand jour les éléments essentiels de la question. Les théologiens s’en sont plus ou moins largement inspirés dans les traités de la grâce qui se sont multipliés pour les besoins de l’exposition ou de l’enseignement. Voir Grâce, t. vi, col. 16861687. De cette collaboration entre les principes de l'École et les faits de l’histoire est appelée à sortir la systématisation intégrale de la doctrine catholique sur l’article de la justification, soit pris en lui-même, soit dans son opposition essentielle au système protestant.

II. EXPOSÉ SYSTÉMATIQUE.

Peu d’idées sont plus complexes que celle de justification. Sans l'élargir indûment, on peut y faire entrer, et on l’a fait quelquefois, toute la théologie de la grâce. Quelle que soit la raison d'être de cette synthèse, on peut aussi s’en tenir à la stricte analyse et l’on comprend alors sous le tenue de justification, conformément à son élymoJogie et à son acception dans la langue de l'École, le passage de l'état de péché à l'état de justice ou l'établissement de la grâce dans l’ame. Ainsi entendue, la justification répond à un problème précis et qui reste. même et surtout après cette restriction, le nœud vital ou s’entre-croisent, tant au point de vue de la spéculation que de la psychologie, tous les fils de la trame surnaturelle.

1° Conditions de la justification. - - Si elle se traduit, en dernière analyse, par un acte de la huile puissance divine qui institue ou restitue la vie de la grâce dans l'âme pécheresse, la justification est, en réalité, le tenue d’un long processus qui l’a rendue possible. Il y a donc lieu d’en étudier tOUt d’abord la genèse, en vue de marquer les agents qui contribuent à la produire et de préciser le rôle de chacun.

l. Part, de Dieu ou rôle de la grâce, -Avant tout, la Justification est un acte essentiellement surnaturel el qui, è oe titre, demeure tout entier suspendu à l’action de la grâce divine. Nous sommes justifiés gratuite ment par sa grâce, l Rom., in. 24. Quelle que soit la

pari qu’il convienne de faire à l’action de l’homme, ce

travail humain s’entend toujours sous réserve de ce principe primordial. Il importe d’autant plus de le mettre en relief que les protestants nous accusent plus obstinément de l’oublier ou de le violer.

Cette grâce elle-même est tout d’abord, si l’on peut ainsi dire, d’ordre lointain et objectif, o…Justifiés gratuitement par sa grâce ». c’est-a-dire. comme continue l’Apôtre, par le moyen de la rédemption qui est dans le Christ-Jésus. 1 toctrine qui vient au terme d’un long développement dogmatique où saint Paul a établi l’insuffisance de droit et de fait, soit de la loi naturelle, soit de la révélation judaïque, pour conclure : < Tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu… Mais la justice de Dieu s’est manifestée sans la loi…, justice de Dieu par la foi de Jésus-Christ dans et sur tous ceux qui croient en lui. » Rom., iii, 21-23. « Car l'Écriture a renfermé toutes choses sous le péché pour que la promesse qui vient de la foi de Jésus-Christ fût donnée aux croyants. » Gal., iii, 22.

Le concile de Trente a consigné expressément en quelques lignes didactiques les principaux traits de cette philosophie religieuse de l’histoire que saint Paul se plaisait à dessiner. En tête du décret sur la justification, il est rappelé que, par la faute d’Adam, tous les hommes avaient perdu la justice originelle et étaient devenus à ce point esclaves du péché que « non seulement les païens ne pouvaient en sortir et s’en libérer par les forces de la nature, mais pas davantage les juifs eux-mêmes par la lettre de la Loi mosaïque. » Aussi Dieu le Père, quand fut venue la plénitude des temps, a-t-il envoyé son Fils « pour racheter les juifs qui étaient sous la Loi et pour que les païens, qui ne connaissaient pas la justice, en eussent communication, Rom., ix, 30, et que tous ainsi reçussent l’adoption des enfants. » Sess. vi, c. i et ii, Denzinger-lianiiwart, n. 793-794, et Cavallera, n. S7 :  ; 874. Doctrine reprise sous l’orme d’anathème aux canons 1-2, Denz.. n. 811-812, et Cav., n. 892. Toute l'économie de la justification se trouve ainsi conditionnée par une première grâce, savoir la grâce même de la Rédemption.

De là découlent les secours divins destinés à procurer aux hommes l’application de ce bienfait initial. Contre les pélagieiis, l'Église avait déjà défini en général la nécessité de la grâce pour le salut. Conc. Miter.. can. 3-4, Denz., n. 103-101. et Cav., n. S 13. A la suite des controverses semipélagiennes, le concile d’Orange avait précisé que cette nécessité s’applique même à l’inilium fidei et à ce t sentiment de confiance par lequel nous croyons en celui qui justifie l’impie et parvenons à la régénération baptismale. > Can. 5, Denz., n. 178, et Cav., n. 853. Voir également les canons 6-16 et 21-22. En conformité avec ces principes, le concile de Treille < enseigne que, chez les adultes, le commencement même de la justification doit être cherché dans la grâce prévenante de Dieu par le Christ Jésus » et que c’est cette grâce qui excite et aide les pécheurs à leur conversion, de telle sorte que, sans la grâce de Dieu, ils ne peuvent pas se mettre en mouvement devant lui vers la justice. » Aussi tous les actes de l’homme qui sont décrits dans la suite s’entendent-ils connue accomplis sous l’action de cette double grâce excitante et adjuvante. Sess. vi, c. v-vi, DenL., n. 797-79X, et Cav.. n. 677-878, Cf. ibid.. can. 3, Denz.. n. 813, et Cav., n. 892. I.a raison en est que la préparation à la justification est un acte surnaturel et qui ne saurait, dès lors, se faire sans une mol ion spéciale de l >ieu. S. Thomas, Sum. theol., [ I [ », q enc, a. 0. Voir Grâce, t. i. col. l">7.'i 1578.

2. l’art tic l’homme : Principe. lue lois assurée de i.i sorte l’initiative divine, il faut affirmer avec la même

énergie la possibilité el la nécessite de la coopération humaine'

C’est ce qu’enseigne le concile de Trente en rappelant que la liberté de l’homme doit donner à la grâce son assentiment et sa collaboration : eidem gratiae libère assenliendo et eooperando disponuntur. Denz., n. 797, et Cav., n. 877. Où l’on peut observer que les deux termes employés par le texte conciliaire sont intentionnellement progressifs pour mieux marquer l’étendue de notre concours, lequel ne consiste pas seulement à recevoir la grâce (assenliendo). mais à la faire efficacement fructifier (eooperando). Sous l’action de Dieu, c’est donc toute une vie morale qui peut et doit se développer dans le pécheur en vue de le disposer à la giâce de la justification.

Rien de plus conforme aux données de la révélation qu’une préparation humaine ainsi conçue. A titre d’indication, le concile rappelle que, s’il est des textes scripturaires, comme I.ament., v, 21, qui soulignent l’action prévenante de la grâce, il en est d’autres qui professent non moins nettement notre liberté. « Convertissez-vous vers moi et je me convertirai vers vous, » dit Jahvé, dans Zacli., i, 3. D’une manière générale, la prédication des Prophètes, comme d’ailleurs celle du Christ et des Apôtres, ne se résume-t-elle pas dans l’appel à la pénitence, c’est-à-dire au redressement effectif des sentiments et de la conduite ? S’il promet la régénération par la vie dans le Christ, le christianisme aussi, par un cercle qui n’a rien de vicieux, la suppose déjà commencée dans l’âme qui en doit recevoir le bienfait. Il s’agit de pleurer ses fautes comme la pécheresse, de réparer ses torts comme le publicain, de se retourner vers Dieu comme le prodigue ; pour tous, en un mot, de t faire la volonté du Père. » Matth., vii, 21. Quiconque est animé de ces dispositions n’est « pas loin du royaume de Dieu. » Marc, xii, 34.

De cette pédagogie élémentaire le principe rationnel est bien dégagé par saint Thomas. « La justification de l’impie s’accomplit par le fait que Dieu meut l’homme à la justice… Mais Dieu meut toutes choses selon la nature de chacune… Or l’homme a dans sa nature d’être libre. C’est pourquoi, dans un être doué de libre arbitre, la motion divine vers la justice n’a pas lieu sans une impulsion donnée à son libre arbitre. Dieu donc infuse de telle façon le don de la grâce justifiante qu’il imprime en même temps dans le libre arbitre un mouvement pour l’accepter. » Sum. theol., la Hæ q. cxiii, a. 3. Et s’il en est ainsi pour recevoir le don de la grâce, à plus forte raison pour s’y disposer. Ibid., q. exii, a. 2. On s’explique par là l’accueil différent fait à la prédication de l’Évangile. Suarez, .Z)e gratia, t. VIII, c. vi, 9, Opéra, t. ix. p. 336.

Chaque fois qu’on parle de cette préparation humaine, les protestants affectent de redouter qu’on ne fasse tort aux mérites souverains du Christ. Mais il était dans l’ordre que la grâce de la rédemption nous fût appliquée moyennant notre part de libre concours. « Par sa passion, explique saint Thomas, le Christ nous a délivrés de nos péchés par manière de cause… Car la passion du Christ précède comme une sorte de cause universelle de notre pardon ; mais il est nécessaire qu’elle soit appliquée à chacun pour la rémission de ses péchés personnels. » Sam. Iheol., Illa, q. xlix, a. 1, ad 2ume t 3uiu. Et cette application demande que nous soyons configurés à sa passion. assimilés à son corps mystique, en un mot pénétrés de son esprit. Ibid., a. 3, ad 2um et 3um.

Tout cela suppose que le péché laisse intactes les forces vives de notre âme. L’Eglise a toujours professé ce minimum d’optimisme spirituel et le concile de Trente en défend le principe contre le pessimisme radical de la Réforme. Dès lors, si nous sommes capables de quelque bien, il est normal que nous soyons invités à le fournir et il y a une vue psychologique des plus

profondes, en même temps que des plus salutaires, dans cette idée de l’homme travaillant sous l’action de la grâce à sa propre régénération. Le surnaturel selon la pensée de l’Église comporte une exaltation et, par conséquent, une utilisation de la nature. Toute autre conception n’est pas seulement une diminution spéculative de la dignité humaine, mais une atteinte grave portée à la valeur morale du christianisme.

3. Part de l’homme : Application. — De ce principe l’application est une simple affaire de psychologie religieuse qui ne saurait guère offrir de difficultés.

a) Rôle de la foi. — La première de ces dispositions est évidemment la foi.

Tout ce que les protestants ont dit de son importance et des textes scripturaires qui l’exigent peut et doit être retenu comme un élément positif de la révélation divine. Voir Foi, t. vi, col. 512-514. La foi est, d’après le concile de Trente, humanæ salutis initium. fundamentum et radix omnis juslificationis. Sess., vi, c. viii, Denz., n. 801, et Cav., n. 881. La raison en est, comme l’expose saint Thomas, qu’elle est logiquement et réellement le premier mouvement de l’âme vers Dieu. « Il faut pour la justification de l’impie un mouvement du libre arbitre, en tant que l’âme de l’homme est mue par Dieu. Or Dieu meut notre âme en la tournant vers lui-même…, et c’est pourquoi il faut pour la justification de l’impie un mouvement de l’âme en vue de se tourner vers Dieu. Or ce premier mouvement se fait par la foi, selon ce mot de l’épître aux Hébreux, xi, 6 : « Quand on s’approche de Dieu, il faut d’abord croire qu’il est. » Sum. theoi, D II », q. cxiii, a. 4. Voir Infidèles, t. vii, col. 1758-1827.

Par cette foi il faut entendre, non pas un sentiment personnel de la miséricorde de Dieu, mais l’adhésion au message divin de la révélation. Assurément cet acte ne peut aller sans des dispositions du cœur où la confiance a sa part : l’Église et la théologie lui maintiennent néanmoins un caractère essentiellement intellectuel. Voir Foi, t. vi, col. 56-84. La foi qui sauve est éminemment théocentrique et signifie la soumission de notre raison créée à la suprême autorité divine. Conc. Vatic., Const. Dei Filins, c. ni, Denz., n. 1789, et Cav., n. 145-147. Sinon on aboutit au fidéisme moderne où la foi n’est plus qu’un vague sentiment religieux sans aucun élément de croyance proprement chrétienne.

Néanmoins, parmi les vérités révélées et les promesses divines que nous devons croire, se trouve « surtout, celle-ci : que Dieu justifie le pécheur par sa grâce. » Principe général qui est évidemment susceptible d’une application personnelle. Aussi y a-t-il place pour un acte subjectif où le pécheur s’élève à « la confiance que Dieu lui sera favorable à cause du Christ. » Conc. Trid., sess. vi, c. vi, Denz., n. 798, et Cav., n. 878.

b) Rôle des œuvres. — Mais la foi ne saurait aller sans les œuvres. « Il est facile de se rendre compte que la foi tend nécessairement à devenir pratique… Comment, en effet, quelqu’un pourait-il croire que le Fils de Dieu fait homme est mort pour expier nos péchés sans être en même temps pénétré d’un très vif sentiment de contrition, et comment un tel désir pourrait-il être sincère s’il ne conduisait pas à l’aire des actes de pénitence ? … Enfin comment croire à l’incarnation et a la rédemption du Christ sans être pénétré pour lui d’un sentiment d’amour’?… La foi conduit donc d’elle-même à l’action, c’est-à-dire à la pénitence, à l’espérance, à l’aniouret à toutes les œuvres intérieures et extérieures que dictent de telles dispositions… Une foi qui ne contiendrait pas en elle-même tout au moins l’exigence de l’action ne serait pas la vraie foi. » Voila pourquoi « le chemin qui mène à la justification, c’est la foi et la charité jointes ensemble, réunies comme

dans une seule et même disposition. La foi en est le commencement, l’espérance en marque le développement, le début de la charité est le point de départ de son épanouissement. » L. Labauche, Leçons de théologie dogmatique, t. n : L’homme, Paris, 4e édit., 1921, p. 268-269.

Quelle que soit l’évidence de cette psychologie et la rigueur de cette logique, c’est ici le point qui a toujours le plus profondément choqué la Réforme. Il est Mai que plus d’une fois nos adversaires l’ont étrangement déformé. Sous le nom d’oeuvres, ils reprochent souvent à l’Église de ne compter qu’avec les actes extérieurs : ce qui réduirait le salut à une question d’observances matérielles. C’est pourquoi il importe de souligner que les actes externes ne sauraient avoir de valeur que par les sentiments qui les inspirent et que l’Église demande avant tout ceux-ci, encore que ceux-là doivent en être normalement la suite. Les œuvres justifiantes ne peuvent être que celles qui présentent un caractère moral et qui procèdent de l’esprit de loi vivant dans le cœur. Dans ce sens, l’École explique que seule la charité ou la contrition parfaite a le caractère de disposilio proxima, les autres œuvres n’étant qu’une disposilio remolu. Suarez, t. VIII, c. vi, n. 11-14, p. 337-339.

Plus subtilement on argue que ce n’en est pas moins mettre l’homme à la place de Dieu. Ce reproche de semipélagianisme s’évanouit lui-même si l’on tient compte qu’il s’agit d’oeuvres faites avec le secours de la grâce et qui, par conséquent, ne sont-elles-mêmes, en dernière analyse, qu’un don divin. Ainsi entendues, les œuvres de l’homme entrent comme condition indispensable dans le plan normal de sa justification.

On ne conteste pas que, soit d’après l’Évangile, Matth., xvi, 27, et xxv, soit d’après saint Paul, Rom., n, 6, c’est d’après elles que nous devons être jugés au dernier jour. Voir Jugement, col. 1754 sq. S’ilenest ainsi de la dernière justification, il est assez logique d’induire qu’il en va de même pour la première, sous peine de se heurter à ce que A. Grétillat est bien obligé de reconnaître comme « une des antinomies les plus aiguës de l’enseignement scriptnraire. » Op. cil., p. 417. N’estce pas déjà un avantage de la conception catholique que cette antinomie s’y résolve aisément en harmonie ?

D’autant qu’il n’est dit nulle part que la première justification se fera par la foi seule. Pour en donner l’apparence, les protestants doivent, non seulement isoler saint Paul des autres écrits du Nouveau Testanu 1. 1. mais donner à ses aphorismes une portée exclusivè que les textes n’autorisent pas. La réprobation de l’É] itre de saint Jacques et l’addition systématique de la particule sola là où saint Paul enseigne que nous sen nies justifiés « par la foi » sont les indices d’une position désespérée que seul le parti pris confessionnel a peimis de maintenir. Au contraire, en professant la solidarité et la continuité des témoignages successifs où nous apparaît la révélation néo testamentaire, l’Église se place dans les meilleures conditions pour en interprète]- exactement les divers aspects.

On voit, en effet, que partout Jésus lait appel à la bonne volonté, à l’effort moral des pécheurs qu’il invite à se convertir ; que saint Paul, quand il oppose !  ; t lui aux œuvres, n’expose pas précisément en moraliste les conditions pratiques du salut, mais développe en théologien le plan divin de la Rédemption, dans ! ( qu( I lée onemie de la loi chrétienne annule les observances d’une loi désoimais périmée ; que, pour lui-même, la foi justifiante est celle c|iù « opère par la charité -. Gai, v, 5 ; <in « - saint Jacques piée-isequ’il n’y

i | : is ele lui vivante sinon celle qui se’traduit e’H actes.

Avec des nuances qui tiennent au but OU au tempe i : in iil ele chacun, il y a parlait aee oiel, chez ces divers

témoins du christianisme primitif, pour rattacher le

salut à l’union étroite de l’élément religieux et de l’élément moral, à la profession de la foi et à la pratique des œuvres qui en sont la conséquence. La doctrine de l’Église est tout entière établie sur cette synthèse. Si cette position avait besoin d’être confirmée, elle le serait par l’exemple de la Réforme, qui. pour l’avoir quittée, n’a jamais su trouver qu’un équilibre précaire et se voit, en fin de compte, obligée d’y revenir.

c) X’ature des œuvres justifiantes. — Quant au détail des œuvres appelées par le processus de la justification du pécheur, il relève du moraliste et ne laisse pas de place à de sérieuses contestations.

Saint Thomas les ramène au moins liberi arbitrii in peccatum, c’est-à-dire à la pénitence, I » Ilæ, q. cxiii, a. 5. Le concile de Trente est plus explicite, sess. vi, c. vi et xiv. et dessine tout un schéma de la conversion, où figurent comme deux éléments connexes les actes personnels que l’action de la grâce provoque dans l’âme du pénitent et le recours à la médiation de l’Église par la réception des sacrements. Voir le commentaire qu’en donne Suarez, t. VIII, c. xv-xx, p. 392-417. Telle est, en effet, la grande direction, compatible d’ailleurs avec bien des itinéraires individuels, suivant laquelle doit s’accomplir tout retour sincère d’une âme vers son Dieu.

Il va sans dire que cette préparation s’entend de la conversion normale, sans préjudice pour ces cas exceptionnels, nécessairement rares, où, comme pour saint Paul, la grâce divine subjugue le pécheur sans aucune collaboration visible de sa part et réalise en un instant les conditions qui sont d’ordinaire le fruit d’un long effort. Suarez, ibid., c. xxiii, n. 3-4, p. 441-442.

4. Valeur de la préparation humaine.

On peut enfin se demander quelle est, d’un point de vue spéculatif, la portée qui revient à cette œuvre de l’homme dans l’économie totale de la justification.

Contre les protestants, toujours prompts à parler de pélagianisme, le concile de Trente marque expressément que notre justification reste absolument gratuite et que nos œuvres antérieures, même faites avec le secours de la grâce, ne méritent pas, à proprement parler, la grâce de la justification. Sess. vi, c. viii, Denz., n. 801 et Cav., n. 881. La raison en est que le mérite suppose l’état de grâce, qui, dans l’espèce, est, par hypothèse, encore à venir. Voir Mérite.

Néanmoins nos œuvres préparatoires ne sont pas seulement une condition sine qua non : elles jouent le rôle de disposition, comme s’exprime le concile de’Trente. Ce qu’il faut entendre tout au moins dans le sens d’une disposition morale, qui d’une certaine façon incline Die’U à nous accorder la grâce et comporte une véritable causalité. Il est vrai que l’Écriture ne parle jamais proprement de nos actes que comme d’une condition préalable au pardon divin..Mais ici, comme le dit Suarez, condition signifie logiquement cause : In materia promissiva, ut sic dicam, oplime in/ertur (causalitas) quando condilio requisita est aliquod obsequium libcrum e.rhibendum ab co cui talis j>romissio sub lali conditione fil et inluitu cujus aliquid promitlitur, et hoc est esse causant moralem. Suarez, De gratin, t. VIII, e. ix, n. 16, p. 354. Ce qui le confirme, c’est que plus loin, c. vii, Denz.. n. 789, et Cav., n. 879, le e-e>ne’ile précise que la gràev est infusée secundum propriam cu.ju.sque dispositionem et cooperationem.

Allant plus loin, d’aucuns ont parlé ele disposition physique, en ce se-ns que par elle L’essence de l’âme serait rendue apte à l’infusion ele la grâce. Contre Alvarez et d’autres, Suarez écarte cette opinion parce

que cette disposition physique devrait être surnaturelle, c’est-à-dire qu’elle supposerait une autre grâce, et sic in infuiitum. Op. cil., t. VIII, c. îv. n. 15, et c v n. 4. p. 327 et 330.

On est donc suffisamment’fidèle à la pensée de l’Église en restant dans l’ordre des réalités morales. Dans ce sens on peut tout au plus accorder aux œuvres de l’homme un mérite de congruo. Cette position de l’ancienne école franciscaine est aujourd’hui adoptée par les théologiens de la Compagnie de Jésus. Voir Chr. Pesch, Prælect. dogmat., Fribourg-en-B., 1897, t. v, p. 197 et Hurter, Theol. dogm. compendium, 10e édit., 1900, t. iii, p. 134. Mais les écoles thomistes et augustinienne s’en tiennent généralement à la doctrine de saint Thomas, Ia-IIæ, q. cxiv, a. 5, qui n’admet pas de mérite à l’égard de la première grâce. Voir Bartmann, Lehrbuch der Dogmulik, Fribourg-en-B. , 1911, p. 486.

Diverses questions ont encore été soulevées dans l’École sur les rapports de l’acte de contrition et de l’acte de charité, c’est-à-dire exactement sur le point de savoir si la dernière préparation à la grâce relève déjà de la grâce habituelle ou d’un secours divin spécial. Saint Thomas se rattache à la première conception, tandis que Suarez défend la seconde. La controverse est exposée à l’art. Grâce, t. vi, col. 1630-1633, ainsi que les raisons qui militent pour l’opinion de saint Thomas.

Ces discussions subtiles auxquelles se complaisait le génie de l’École supposent acquise cette vérité fondamentale qu’il dépend de l’homme de se disposer à la justification par une préparation effective. Préparation, on ne saurait trop le redire, qui s’accomplit sous l’action de la grâce actuelle, mais qui associe l’homme à Dieu en vue d’aboutir à la grâce sanctifiante qui est le terme normal de cette collaboration.

Nature de la justification.

Ainsi préparée, la

justification ne peut être logiquement qu’une grâce de régénération intérieure. C’est, en effet, le point par où la doctrine catholique se distingue le plus fondamentalement de la Béforme.

1. Notion générale de la justification.

On s’est donné autrefois beaucoup de peine chez les protestants pour établir que, d’après l’Ancien Testament, la justification est une métaphore empruntée à l’ordre judiciaire et dont, par conséquent, l’application à l’ordre spirituel ne comporterait pas une modification réelle de l’âme qui en est l’objet. Toute la question, dès lors, semblait être de savoir si saint Paul avait ou non conservé ce sensus jorensis. Ces préoccupations peuvent se comprendre dans une théologie où la lettre de la Bible était censée dire le dernier mot de tous les problèmes : elles s’évanouissent dans une vue intégrale de l’économie de la divine révélation telle que l’Église l’a toujours professée.

Il est clair, en effet, que, d’une manière générale, l’Ancien Testament ne donne des mystères divins qu’une idée encore imparfaite et n’est, dès lors, pas qualifié pour fournir la clé du christianisme. Bartmann, op. cit., p. 475. On tiendra compte également que les images de l’ordre humain sont à la fois nécessaires et inadéquates pour traduire les réalités divines : ce n’est donc pas, en bonne méthode, celles-ci qu’il faut ramener à celles-là, mais inversement celles-là qu’il faut interpréter à la lumière de celles-ci. Si l’on se place sur ce large terrain, n’est-il pas incontestable que, même dans l’Ancien Testament, les justes apparaissent comme l’objet des complaisances de Dieu ? A plus forte raison en est-il ainsi dans le Nouveau Testament, où une mystique solidarité assimile les croyants à la personne et à la vie même du Christ. Et l’on sait que ce mysticisme n’a pas eu d’interprète plus éloquent que saint Paul. Or ces données religieuses ne se comprendraient pas si elles ne correspondaient à une réalité. Toute autre conception est Inacceptable tant du côté de Dieu que du côté de’homme.

S’il est vrai que la justification consiste en ce que Dieu prononce qu’une âme est juste, comment imaginer qu’il soit dupe d’une fiction ? Non seulement il y a là un anthropomorphisme enfantin, mais, dès lors qu’il s’agit du Tout-Puissant devant qui tous les cœurs sont ouverts, une véritable absurdité. Aussi les protestants sont-ils amenés à concevoir que le jugement divin ne peut qu’être secundum veritatem.

On a vu également que, pour être acquise à une âme, la grâce divine doit normalement être préparée par un effort de sa part. Comment échapper à l’évidence que cette préparation indispensable est déjà un commencement de la justification qui en est le tenuet que celle-ci couronne et consacre l’œuvre spirituelle esquissée par celle-là ? La conclusion est particulièrement rigoureuse dans la conception catholique, où la préparation humaine signifie un exercice complet de toutes nos puissances de vie morale. Mais elle ne s’impose pas moins dans la conception protestante, où la foi requise s’entend d’une foi vivifiée par le repentir et l’amour. L’imputation pouvait avoir un sens dans le mysticisme radical de Luther, où la foi n’était qu’un simple sentiment de confiance en Dieu. Ce qui lui permettait d’aboutir à ce paradoxe que nous sommes a la fois justes et pécheurs. En reculant devant cette extrémité, ses disciples ne peuvent pas échapper à cette conséquence qu’au moment où Dieu nous déclare justes cette justification est déjà nécessairement réalisée en nous.

Quant à distinguer avec l’orthodoxie protestante moderne deux moments théoriques : l’un qui serait la justification, acte purement déclaratif et judiciaire, l’autre la sanctification proprement dite, ce n’est plus qu’un artifice pour sauver les apparences d’un système dont on abandonne toute la réalité. « L’Église catholique, dit avec raison Bossuet, ne comprend pas cette subtilité superflue. Elle procède plus simplement : elle recherche les Écritures avec les anciens docteurs orthodoxes et elle n’y remarque aucune raison sur laquelle cette distinction puisse être fondée. » Rêfu’ation du catéchisme de Ferry, Ve partie, sect. ii, c. m. Œuvres, t. xiii, p. 399 ; cf. Réflexions sur l’écrit di Molanus, t. xvii, p. 560.

Voilà pourquoi la logique et la mystique sont d’accord pour définir la justification comme une modification réelle de notre état spirituel : Translalio abe i statu in quo homo nascitur filius primi Adx in statum gratin 1 et adoptionis filiorum Dei per secundum Ad i n Jesum Christian s : di>alorem nostrum, ainsi que s’exprime le concile de Trente, sess. vi, c. iv, Denz., n. 796, et Cav., n. 876. Formule qui, prise au sens actif, exprime l’acte divin qui nous justifie et, au sens passif, la réalité spirituelle qui en est le résultat. Elle répond à celle de saint Thomas, Ia-IIæ, q. cxiti, a. 1 : Transmutatio quædam de statu injustitiie ad statum jusliliie, et tout de même à celle de saint Augustin, De spiritu et litlera, xxvi, 45, P. L., t. xiiv, col. 228 : Quid est enim aliud justificali quam justi facli abe > scilicel qui justi ficat impium (Rom., iv, 5), ut ex impiu fiât jus tus ? Ce réalisme ainsi affirmé à travers les âges est l’expression même du sens chrétien tel qu’il s’impose à tout esprit que les systèmes préconçus ou les passions confessionnelles ne font pas dévier.

2. Effets de la justification.

Sur la base de cette donnée fondamentale, la justification se décompose en deux actes distincts au moins en théorie : rémission du péché et infusion de la grâce, dont le commun résultat est une transformation réelle de notre état spirituel.

a) Rémission du péché. — Puisqu’on suppose, par hypothèse, le péché comme point de départ, le premier effet de la justification doit être de le faire disparaître.

Quelques textes exclusivement retenus et tendan

cieusement interprétés, tels que Ps. xxxi, 2, repris

dans Rom.) IV, 6-8, ont servi aux protestants pour appuyer leur théorie, d’après laquelle la justification consisterait en ce que le péché n’est pas imputé bien qu’il subsiste toujours. En réalité, leur système se fonde sur une considération pessimiste de la concupiscence, qui serait par elle-même un péché. Du moment qu’avec l'Église et la saine psychologie on écarte cette erreur, voir Concupiscence, t. iii, col. 809-812, il s’ensuit que le péché peut être remis, et tout demande qu’il le soit.

Bien que l’Ancien Testament s’en tienne souvent à des images tout extérieures, il est certain que la rémission des péchés y est offerte aux pénitents sincères, qu’elle est surtout promise comme le grand bienfait de l'ère messianique, et les termes employés ne peuvent s’entendre que d’une rémission réelle. Voir par exemple Is., xuv, 22 ; Ez., xxxvi, 25 ; Ps. l, 12, et en, 12. Cette promesse, le Nouveau Testament la donne comme devenue effective. Dans le Christ l'âme chrétienne se sent lavée, I Cor., vi, 11, et Apoc, i, 5 ; illuminée, Eph., v, 8 ; ressuscitée, Eph., ii, 5. Toutes expressions qui correspondent à ce que l'Évangile nous montre en acte, dans le cas des pécheurs ou des pécheress< s que l’appel du Maître éveille à une nouvelle vie.

Lu point de vue rationnel, dire que le péché n’est plus imputé par Dieu c’est être esclave d’une métaphore : comme si quelque chose pouvait en dissimuler le désordre à ses yeux 1 C’est aboutir à cette conséquence que, devant la souveraine vérité, le péché est tout à la fois et n’est pas. Il n’y a pas moyen de concevoir que le péché soit remis sans être réellement effacé. Non pas que rien puisse annuler la réalité historique du fait accompli, mais, par suite de la conversion qui redresse la volonté et la ramène dans l’ordre, ses méfaits antérieurs sont supprimés et anéantis dans leur portée morale. Si Dieu s’abstient de les punir, c’est parce que, en toute vérité, le désordre qu’ils constituaient n’existe plus. Ainsi l’exige, en regard de la raison, la notion de la sainteté divine et surtout, au regard de la foi, la plénitude do l’oeuvre rédemptrice. Du moment que la faute d’Adam nous a constitués vraiment pécheurs, le mérite du second Adam doit se traduire par le résultat inverse. « Sinon, fait observer saint Thomas, la malice de l’homme serait plus puissante en éloignant la grâce divine par le péché que la bonté de Dieu en éloignant le péché par le don de grâce. » Compend. theol., 145, Opéra omnia, t. xxvii, p. 58. Cf. Leclerc de Heauberon, De gratin, TV, 1, 2, dans aligne, Theologiæ cursus, t. x, col. 1089. En même temps que le péché, est détruite la peine éternelle qui lui est due, Rom., viii, 1, mais non les peines temporelles qui en sont la suite. L'âme chrétienne peut ainsi unir au sentiment de sa dignité retrouvée, qui permet la confiance et inspire l’action, celui d’une salutaire humilité et d’une pénitence dont le pardon même qu’elle a reçu lui fait davantage sentir le besoin.

b) Infusion de la grâce. — Ce1 aspect négatif de la justification est logiquement et réellement inséparable de son aspect posii il : savoir la régénération effective de l'âme par la grâce.

lin eilel, d’api es l « ssence même des choses, la nuit n’est expulsée que par l’entrée du jour et le mal que par l’action du bien. Aussi doit-on duc avec saint Thomas, Sum. ///< « L, U II », q. cxiii, a. o, ad 2°" » : Grattée infusio et remissio culpse… secundum subslan tiam aclus… idem smd ; cmlcrn l’iiim ni lu Drus et tnrgitnr

gràtiam et remitlit culpam. Entre ces deux faits qui constituent la Justification il ne saurait y avoir qu’une différence formelle. " On peut, si Ton veut, distinguer la Justification de la sanctification, mais a condition de signifier par ces deux mots les deux faces d’un seul

et même acte. » Labauche, <>i>. cit., >. 285.

Même dans l’Ancien Testament, le pardon divin ne va pas sans la communication d’un esprit nouveau, Ps. i.. 12 ; Jer.. xxxi. : il sep : Ez., xxxvi, 26. I. 'Évangile en apporte la réalité, Matth., v, 20 ; xiii, 23 et 33 ; Joa.. m. 5 : XV, 1-7 ; xvii, 21, et les apôtres en décrivent â l’eiivi le magnifique épanouissement. Tit., iii, 5 ; I Petr., i. 3, 15-10 ; ii, 1-11. Saint Paul est loin de faire exception. Car, pour lui, la justification n’est pas seulement future, mais déjà réalisée dans le présent. Rom., iii, 24 et v, 1. Et si elle s’enveloppe volontiers de formes judiciaires, elle est toujours effective et réelle au fond. Rom., v, 19 ; II Cor., v, 17 ; Gal., vi, 15 ; Eph., iv, 24. L’ensemble du Nouveau Testament suggère en traits multiples et variés une même mystique, qui faisait alors plus que jamais tout le fond du christianisme et se ramène à ces deux termes connexes : la vie du croyant dans le Christ ou la vie du Christ dans le croyant. Est-il besoin d’ajouter que cette création de l’homme nouveau coïncide avec la destruction du vieil homme de péché, c’est-à-dire avec l’acte même qui nous unit à la grâce du Christ, sans que rien autorise â pratiquer une dissociation chimérique entre ces deux réalités indissolubles que sont la justification et la sanctification ?

Plus récemement on a imaginé, dans quelques écoles protestantes, que cette sanctification initiale serait une simple anticipation de ce qui sera plus tard une réalité. Voir Grétillat, op. cit., p. 4JJ8. Et il est vrai que cette première grâce est appelée à se développer ; mais encore faut-il, pour qu’il y ait anticipation véritable, que le germe en existe dès le début. Si elle n’est pas une simple formule verbale, cette « théorie proleptique » signifie un retour déguisé, et par là-même insullisant, à la réalité de la grâce telle que l’a toujours enseignée l'Église.

On ne voit d’ailleurs pas comment une imputation purement extrinsèque peut avoir un sens devant Dieu, comment surtout elle est psychologiquement compatible avec cette vie nouvelle que les protestants euxmêmes demandent au chrétien. Non sans raison le cardinal Billot évoque à ce propos l’image évangélique du sépulcre blanchi. De gratia Christi, Rome, 1920, p. 212-213 Au contraire, puisque la loi du bien est de se répandre, il convient que Dieu communique à l'âme qui retrouve sa grâce une partie de son infinie sainteté, et, si l’on fait intervenir l’ordre chrétien, que la rédemption se traduise par une restauration de notre nature. L’homme ne gagne pas seulement à ce réalisme surnaturel un sentiment plus haut de sa grandeur, mais une puissance efficace d’action Il n’y a d’ailleurs pas lieu de craindre l’orgueil ; car cette grâce de vie nouvelle reste un don de Dieu et une source de plus grandes responsabilités.

c) Question d'école. — Une fois la justification ainsi comprise, on peut discuter le rapport théorique de ses deux éléments constitutifs.

I. école scotiste a toujours admis que le lien entre l’expulsion du péché et l’infusion de la grâce est ddrdre accidentel et extrinsèque. En toute rigueur, on pourrait concevoir que le péché fût remis sans que lui infusée la grâce et réciproquement. Tout en combattant cette conception. De gratia, t. VII, c. xix, p. 24 1-252, Suarez s’en rapproche par la thèse suivante, qu’il affirme et démontre aussitôt après, c. xx, p. 252-265 : Sou dubito quin possit liabilus charitatis iujuudi sine habilu gratinpeccatori et consequenter possit habitua carilatis u gratia separalus de absolula Dei potentia conseruari vel infundi homini existtnti m statu peccati mortalis et permanenti in Mo. Sur les rapports formels de la grâce et du péché, voir ibid., c. Mi-xviii, p. 182-241, ou l’auteur soutient notamment, c, xii, n. 12, p. 186 : l’cr justitinrn inluvrcntem et informantem animam non expellitur peccatum sine

peculiari voluntate quasi cooperaliva Dei ad remissionem peccaii. — Contre ces diverses nuances du nominalisræ l'école thomiste soutient que l’opposition entre le péché et la grâce est l’ondée sur la nature même des choses et que, dès lors, la justification a pour terme nécessaire une véritable rémission des péchés. Voir Billot, op. cit., th. xv, p. 214-224. En plus des autorités qui l’appuient, cette conception théologique a l’avantage de s’opposer plus nettement au protestantisme et de mieux correspondre à nos manières actuelles de penser.

Quoi qu’il en soit de ces discussions spéculatives, ce qu’il importe de retenir en tout cas, c’est que, dans le plan actuel de la Providence surnaturelle, la justification du pécheur signifie la communication d’une réelle sainteté. Par où le dogme catholique, en plus de ses attaches traditionnelles incontestables, s’enracine au plus profond de la vie chrétienne.

3. Essence de la justification.

Mais encore de cette sanctification peut-on se demander quelle est l’essence intime ou, en termes d'école, le principe formel.

Du moment que la grâce est une réalité d’ordre surnaturel, il est certain que c’est en Dieu qu’il en taut chercher la source. Étant une participation à la vie divine, voir Grâce, t. vi, col. 1612-1615, elle ne peut qu'être en elle-même un bien d’ordre essentiellement divin. Voilà pourquoi le concile de Trente enseigne que la « cause formelle unique de notre justification est la justice même de Dieu. » Non pas évidemment cette justice qui est l’attribut personnel et la propriété immanente de l'être divin, mais celle qui de lui découle sur sa créature : Justifia Dei, non qua ipse justus est, sed qua nos justos jucil. Mais, comme cette vie surnaturelle nous vient dans et par le Verbe incarné, on peut et doit dire avec saint Paul, I Cor., i, 30, que le Christ est « notre justice » ou, avec le concile de Trente, sess. vi, can. 10, que notre justice est celle du Christ. Les deux principes ainsi hiérarchisés n’en font, en réalité, qu’un seul : d’après le langage de l’Apôtre, II Cor., v, 21, « dans le Christ nous sommes laits justice de Dieu. >

Cependant il ne peut en être ainsi que si cette justice devient véritablement nôtre, c’est-à-dire se réalise et s’actualise en nous. Voilà pourquoi le concile de Trente précise qu’elle nous est accordée, qua ab eo donati, que nous la recevons en nous, justiliam in nobis recipienles, que la grâce est répandue dans nos cœurs et leur devient inhérente, c. vu et can. 11. Par où il condamne la conception des protestants qui ne voulaient admettre qu’une justice imputée, c’est-à-dire n’emportant aucune modification de notre être intérieur, et concevaient tout au plus la grâce simplement comme une dénomination extérieure pour exprimer la « faveur de Dieu » à notre égard. Mais, par là-même, il semble bien écarter aussi la conception de Pierre Lombard et de quelques autres anciens scolastiques, qui n’admettaient qu’une grâce incréée. Voir Katschthaler, De gratia, Ratisbonne, 1880, p. 282-283.

Il s’ensuit donc qu’il laut considérer la grâce comme un effet créé, qui a son principe en Dieu assurément, mais qui en est distinct et se réalise mystérieusement en notre âme pour l’assimiler à Dieu. Dans ces termes généraux, Suarez estime que cette doctrine est de foi définie depuis le concile de Trente, op. cit., t. VI, c. iii, p. 12-20. Elle exprime, en tout cas, la pensée la plus cei taine de l'Église et de la théologie catholique. Le concile du Vatican se proposait de la fixer encore une fois en définissant la grâce comme un donum supernaturale permanens et in anima inhserens. Cependant, puisque l'Église s’est soigneusement abstenue d’imposer les concepts scolastiques de qualitas ou d’habitus, il s’ensuit qu’elle n’excl it pas absolument l’opinion ancienne, reprise par Petau, qui explique la grâce

par l’habitation du Saint-Esprit, à condition d’entendre que ce principe se traduit par une réalité spirituelle et permanente en nous.

C’est à la théologie de la grâce qu’il appartient de développer cette notion, voir t. vi, col. 1609"-1612. Il sullit d’en retenir ici le principe qui caractérise exactement le concept catholique de la justification et que l’on ne saurait mieux résumer que dans les termes si pleins du concile de Trente, c. xvi, Denz., n. 809, et Cav., n. 889 : « Ainsi notre propre justice n’est pas déclarée propre comme si elle venait de nous, et l’on n’ignore ni ne repousse la justice de Dieu, Rom., x, 3. Car la même justice qui est dite nôtre parce qu’elle nous est inhérente et que par elle nous sommes justifiés est aussi la justice de Dieu pane qu’elle nous est infusée par Dieu au nom des mérites du Christ. »

On s’explique par là que la justice nous soit étrangère par son origine et que saint Paul puisse la comparer à un habit dont nous sommes revêtus, Eph., iv, 24, et Gal., iii, 27, mais aussi qu’elle soit réellement devenue notre propre bien depuis que la charité de Dieu est répandue en nous. Rom., v, 5. Dans ce sens, Bellarmiii, Z)e/'(is//y., ii, 7, Opéra, t. vi, p. 227, et d’autres après lui, Katschlhaler, op. cit., p. 261-205, ont admis qu’on puisse d’une certaine façon parler d’imputation. Non pas d’une imputation tout extérieure qui ferait de la justice du Christ le principe formel de notre justification — justificari sola imputatione justilue Christi, suivant la nuance très précise du concile de Trente, can. Il — mais, si l’on peut dire, d’une imputation active qui nous communique réellement la vie surnaturelle dont le Christ est en nous l’auteur et l’agent.

Propriétés de la justification.

-Cette conception

catholique de la justification commande celle de ses caractères. Quelques mots nous suffiront, la question ayant été largement traitév à l’art. Grâce, t. vi, col. 1616-1630, dont la justification est ici particulièrement inséparable.

1. Incertitude de la justification.

En vertu de leur conception anthropocentrique, les protestants étaient obligés de dire que la justification peut et doit être connue d’une manière certaine, sous peine d'être pratiquement comme si elle n'était pas. Le drame de conscience dont le péché est la cause ne peut se dénouer que par une assurance subjective, quand la foi en est le terme, ou, sinon, par le désespoir.

Au contraire, la doctrine catholique, parce qu’elle fait consister la foi dans la soumission à Dieu et dans l’effort moral qui en est la suite logique, est bien placée pour reconnaître ce fait d’expérience indéniable que nos dispositions sont toujours imparfaites et fort au-dessous de ce que Dieu était en droit d’attendre de notre collaboration. Quelles que soient donc les garanties objectives de notre salut, il reste un aléa dans leur application subjective. Ainsi voit-on dans l'Écriture que les meilleures âmes témoignent de cette humble défiance à laquelle personne ne saurait sans une funeste illusion échapper ici-bas. Eccl., ix, 1 ; Job, ix, 20 ; Prov., xxix, 9 ; Eccli., v, 5 ; I Cor., iv, 4 ; Phil., ir, 12. La raison théologique de son côté montre que la grâce n’est pas affaire d’expérience. Billot, op. cit., p. 207-208. Il n’y a aucun moyen d’excepter de cette règle la première grâce ou le fait même de la justification. C’est pourquoi il faut dire que la justification ne peut pas être connue d’une manière absolument certaine, bien qu’on la puisse conjecturer par des indices suffisants pour nous en donner une certitude morale. Voir Grâce, t. vi. col. 1616-1626. Ainsi se concilie la souveraine sainteté de Dieu, qui doit toujours nous inspirer une crainte salutaire, avec le besoin de confiance qui est une loi de notre vie.

2. Inégalité de la justification. '- Dans le système protestant, où la grâce de Dieu n’esl qu’une faveur

extrinsèque et où tout se ramène â la non-imputation

du péché, il ne saurait être question de degrés dans la justification. Ou elle n’existe pas, ou elle est un nonlieu égal pour tous les pécheurs. Une mesure d’amnistie peut couvrir des fautes plus ou moins nombreuses et graves : en elle-même elle ne comporte pas d’inégalité. Il en va autrement dans la conception catholique, où la justification se traduit par une réalité intérieure, par une sanctification effective de l’âme qui la reçoit. Dès lors, l’inégalité est non seulement possible, mais nécessaire et normale. « Nous recevons en nous la justice, enseigne le concile de Trente, chacun selon sa mesure. » Deux causes la font varier, savoir < le Saint-Esprit qui distribue à chacun ses dons comme il le veut, 1 Cor., xii, 11, puis notre propre disposition et coopération. » Sess. vi, c. vii, Denz.. n. 789. et Cav., n. 879. Ces principes valent éminemment pour le cas de la contrition parfaite, mais aussi pour le cas des sacrements, dont l’efficacité ex opère operato se diversifie suivant les dispositions personnelles du sujet. Voir Sacrement.

3. Développement de la justification. - — En conséquence de cette inégalité initiale et sous l’action des mêmes causes, la grâce de la justification peut et doit se développer. Mais il importe ici d’en bien distinguer l’origine et le processus ultérieur.

Bien qu’elle soit l’objet d’une préparation qui dans beaucoup de cas peut être lente et progressive, la justification en elle-même, sous peine de perdre son caractère surnaturel, doit être considérée comme un acte divin qui se produit instantanément. C’est la doctrine foimelle de saint Thomas, D Ilæ, q. r.xiii, art. 7, et des théologiens modernes. Voir Grâce, t. vi, toi. 1631, et Katschthaler, op. cit., p. 271-275. Mais cette première grâce est destinée à s’accroître et dans ce sens la justification est progressive. Voir Grâce, l. vi, col. 162(5-1028. Ce progrès est souvent marqué dans l’Écriture, Prov., iv, 18 ; Eccli., xviii, 22 ; Il Cor., iv, 10 ; Apec, xxii, 11 ; II Petr.. iii, 18, et expressément enseigné au concile de Trente, c. x, Denz., n. 803, et Cav., n. 873. Est-il besoin d’ajouter qu’il n’est pas de loi plus conforme aux conditions générales de notre vie intérieure ici-bas et plus capable, en même temps qie de grandir l’homme à ses propres yeux, de stimuler ses ell’orts dans la voie du bien ?

Ce développement de la justification est dû pour une large paît aux initiatives incontrôlables et aux poussées mystérieuses de la grâce divine. Mais il dépend aussi et en même temps de notre action personnelle. Parce qu’elle a reçu une grâce de régénération et de vie, l’âme justifiée peut et doit devenir l’ouvrière de son propre perfectionnement. Obligés à faire une place aux œuvres, les protestants ne les voulaient admettre que comme signes de la justilical tion. Contre eux le concile de’fiente en marque expressément la valeur réelle : de même qu’elles préparent l’avènement de la grâce sanctifiante dans nos âmes, elles sont la cause de son développement, eau. 21, Denz.. n. 834, et « ’.av., n. 892. Voir MÉRITE.

Nulle part n’apparaît mieux l’économie du surnaturel selon l’Église catholique, qui associe l’homme à l’action de Dieu et lui accorde l’honneur, en même . temps qu’elle lui impose le devoir, d’y collaborer. Conçue dans son principe comme une grâce de régénération spirituelle, la justification devient ensuite le moyen de la réaliser par des actes effectifs. N’est-il pas écrit que le bon arbre porte "le bons fruits et que, s’il vient a être stérile, il sera coupé el jeté au feu’.'

4. Amissibililé de lu justification. Comme tout le capital spirituel de l’homme ici-bas. la grâce de la justification peut se perdre. Plus encore que la raison, l’expérience atteste la versatilité du libre arbitre. Aussi l’Écriture multiplie-t-elle les appels à la vigilance

devant le danger toujours menaçant. Et cette instabilité, en même temps qu’elle est une condition inévitable de l’épreuve présente, devient une source d’effort moral.

Il faut pour échapper à ces évidences céder à un pharisaïsme naïf comme celui de Jovinien, voir col. 1577, ou tomber dans le prédestinatianisme absolu qui fut l’erreur de Calvin. Voir Calvinisme, t. ii, col. 1405-1406. Aussi le concile de Trente se contentet-il de quelques mots pour déclarer qu’< une fois justifié l’homme peut pécher encore et perdre la grâce, » can. 23, Denz., n. 833, et Cav., n. 892. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne fut pas véritablement justifié, mais qu’il a cessé d’en remplir les conditions.

Parmi ces conditions le protestantisme ne demande que la foi. Aussi le paradoxe passionné de son mysticisme et son mépris des œuvres conduisaient-ils Luther à déclarer la grâce de la justification compatible avec les pires désordres, tant que la foi restait sincère et vivace. La doctrine catholique, au contraire, fait dépendre de nos œuvres la durée tout comme l’origine de notre justification. Ce n’est pas seulement l’infidélité, mais tout péché grave qui peut la détruire. Voir Grâce, t. vi, col. 1628-1630. En quoi l’Église manifeste une fois de plus son intention de ne pas séparer, dans l’économie pratique de notre salut, l’élément religieux de l’élément moral, et de solidariser ou, mieux encore, de fondre dans la plus intime union la grâce de Dieu et le concours de notre volonté.

Conclusion générale. — Ainsi la doctrine catholique bien comprise se présente avec un caractère de plénitude propre à satisfaire tout â la fois le philosophe et le théologien. Tandis que celui-là y peut découvrir une conception harmonieusement équilibrée de l’ordre surnaturel, celui-ci constate sans peine, par de la les déviations tendancieuses du protestantisme, les multiples attaches qui la mettent en continuité avec la révélation scripturaire et la tradition patristique. Le rapport est ici tellement direct entre la foi définie au concile de Trente et les sources du christianisme primitif, si l’on prend celui-ci dans toute sa teneur, qu’on peut â peine parler de développement, sinon au sens tout extérieur d’un progrès dans la précision des analyses et l’ampleur de la systématisation.

Sans le trouble jeté par la Réforme dans les intelligences et les âmes, l’Église n’aurait peut-être jamais eu à intervenir en matière de justification et il n’est sans doute pas de définition dogmatique qui se tienne plus près du donné traditionnel, lai plus de son auto rite surnaturelle qui fixe le croyant, la raison, l’histoire et l’expérience s’unissent pour reconnaître dans ses formules discrètes le juste milieu propre à consolider, entre les prétentions inverses d’un rationalisme areligieux et d’un mysticisme amoral, le plus précieux de l’héritage chrétien.

Bibliographie. — Sans revenir sur les sources qui ont été signalées aux endroits respectifs de cet article, ou se contentera de grouper ici les principales publications modernes qui les ont exploitées et qui peuvent, à des titres divers, permettre encore d’en tirer parti. Cette question est naturellement le Bel des protestants et e’est assez dire quelles réserves s’imposent, en ce qui concerne la doctrine catholique, à l’égard de travaux toujours plus ou moins inspirés par les préjugés confessionnels.

I. Histoire de la doctrine : fin ois <i m h mi Une.doctrine aussi complexe que celle de la justification n’est guère susceptible d’être traitée sous forme de monographie. Mais elle tient une grande place :

1° Dans les histoires, surtout protestantes, du dogme de lu Rédemption. La plus complète a cet égard est Albert Rltschl, Die christliche Lettre von der Rechlfertigung und

Versôhnung, lîonn. Il’édit., 1889, I. i. On trouve aussi de

précieux renseignements, pour l’Allemagne, dans Chr. Baux, 222 :

JUSTIFICATION

2226

Die christliche Lehre von der Versôhnung, Tubingue, 1838, et, pour l’Angleterre, dans L. W. Grensted, A short hislory o/ the doctrine o/ the Atonement, Manchester, 1920. Éléments partiels dans W. Liese, Der heilsnolwendige Glaube, Fiibourg-en-B., 1902.

Dans les histoires générales du dogme.

1. Du côté

protestant. — Les plus riches en données positives sont, parmi les anciennes, G. Thomasius, Die christliche Dogmengeschichte, Erlangen, 1874-1876 ; parmi les modernes : F. Loofs, Leilfaden zum Sludium der Dogmengeschichte, .2e édit., Halle, 1906 ; R. Seeberg, Lelirbuch der Dogmengeschichte, Leipzig, 1908-1917. — 2. Du côté catholique. — J. Schwane, Histoire des dogmes, traduct. française par A. Degert, Paris, 1909-1915, et, pour la période patristique, J. Tixeront, Histoire des dogmes, Paris, 19091915.

3° Matériaux dans les œuvres des vieux controversistes. — Les plus importants sont : 1. Du côté protestant : Hermann Hamelmann, Unanimis omnium Patrum ex apostolica Ecclesia, ex Media JElate et quipostremis vixerunt seculis consensus de vera j usti ficatione hominis coram Deo, Ursel, 1562 ; Martin Chemnitz, Loci communes, Francfort, 1591, et Examen concilii Tridentini, Francfort, 1596, étudié par R.Mumm, Die Polemik des Martin Chemnitz gegen das Konzil von Trient, Leipzig, 1905 ; J.Gerhard, Loci theologici, édit. Cotta, Tubingue, 1762 sq., et Confessio catholica, Francfort, 1670.

— 2. Du côté catholique : Th. Stapleton, Universa justificationis doctrina hodie controversa, Paris, 1581 ; R. Bellarmin, Décimas quortæ controversiæ generalis de reparatione graliæ controversia secunda principalis : De justificatione impii et bonis operibus generalim, dans Opéra omnia, édit. Vives, t. vi, Paris, 1873, p. 145-386.

II. Histoire de la doctrine : Études spéciales. — 1° Période antérieure à la Ré/orme. — 1. Chez les Pères. — Ad. Harnack, Geschichte der Lehre von der Seligkeit allein durch den Glauben in der allen Kirche, dans Zeitschrift fur Théologie und Kirche, 1891, t. i, p. 82-178 ; J. Kôrber, Sanctus Irenxus de gratia sanctificante, Wurzbourg, 1866 ; J. B. Aufhauser, Die Heihlehre des hl. Gregor von Nyssa, Munich, 1910 ; E. SchoU, Die Lehre des hl. Basilius von der Gnade, Fribourg-en-B., 1881 ; Kohlhofer, Sanctus Cyrillus Alexandrinus de sanctificatione, Wurzbourg, 1866 ; E. Weigl, Die Heilslehre des hl. Cyrill von Alexandrien, Mayence, 1905 ; J. Mahé, La sanctification d’après saint Cyrille d’Alexandrie, dans Revue d’histoire ecclésiastique (de Louvain), 1909, t. x, p. 30-40 et 479-492 ; J. Mausbach, Die Elhik des heiligen Augustinus, Fribourg-en-B., 1909.

2. Moyen Age.

H. Denifle, Die abendlàndischen

Schriftausleger bis Luther iiber Justitia Dei (Rom., I, 17) und Justificatio, Mayence, 1905 ; critiqué par K. Holl, Die Justitia Dei in der vorlutherischen Bibelauslegung des Abendlandes, dans Festgabe von Fachgenossen und Freunden A. von Harnack… dargebracht, Tubingue, 1921, p. 73-92 ; Albert Ritschl, Lesefrùchte aus dem hl. Bernhard, dans Theologische Studien und Kritiken, 1879, t. Ln, p. 317-334 ; J. Gottschick, Studien zur Versôhnungslehre des Mittelullers, dans Zeitschrift fiir Kirchengeschichte, t. xxi-xxiv, 1901, p. 378-438 ; 1902, p. 35-67, 191-222, 321-375 ; 1903, p. 15-45 et 198-231 ; K. Heim, Das Wesen der Gnade bei Alexander Halesius, Leipzig, 1907 ; J. Stufler, Die entfernte Vorbereitung auf die Rechtfertigung nach dem hl. Thomas, dans Zeitschrift fur katholische Théologie, 1923, t. xlvii, p. 1-24, 171-184 ; F. Biehler, Die Rechtferligungslehrc des Thomas von Aquino mit Hinblick auf die Tridentinische Beschliisse, dans Zeitschrift fiir die kirchliche Wissemehaft und kirchliches Leben, 1886, t. vii, p. 417-434 ; P. Minges, Die Gnadenlehre des Duns Scotus, Munster, 1906 ; Alphonse Victor Millier, Luthers theologische Quellen, (liessen, 1912 ; Luther und Tauler, Berne, 1918 ; Ag. Favaroni e la teologia di Lutero, dans Bilychnis, 1914, p. 373387 ; O. Scheel, Aus der Geschichte der mittelallerlichen Rechtfertigungslehre, dans Theologische Rundschau, 1913, t. xvi, p. 58-75 et 95-111 ; J. Paquier, Luther et l’augustinisme, dans Revue de philosophie, 1923, t. xxiii, p. 197-208 ; du même, Un essai de théologie platonicienne à la Renaissance : le commentaire de Gilles de Viterbe sur le I" livre des Sentences, dans Recherches de science religieuse, 1923, p. 293-313 et 419-437 ; G. Ficker, Das uusgehende Mittelultcr und sein Verhàltniss zur Reformation, Leipzig, 1903 ; C. Stange, Ueber Luthers Beziehungen zur Théologie seines Oiiens, dans Neue kirchliche Zeitschrift, 1900, t. XI, p. 574585 ; Luther iiber Gregor von Rimini, ibid., 1902, t. xiii, p. 721-727 ; O. Scheel, Taulers Myslik und Luthers reformer. DE THÉOL. CATHOL.

matorische Entdeckung, dans Festgabe fiir D’Julius Kaftan, Tubingue, 1920, p. 248-318.

Période de la Réforme.

1. Études d’ensemble. —

J. A. Mohler, Symbolik, 1e édit., Mayence, 1832 ; 8e édit. définitive, Mayence, 1872, et Neue Unlersuchungen der Lehrengegensatze zwischen den Katholiken und Protestanten, Mayence, 1834, édit. définitive, Ratisbonne, 1872 ; critiqué par Chr. Baur, Der Gegensatz des Katholicismu.-. und Protestantismus nach den Principien und Hauptdogmen der beiden Lehrbegriffe, Tubingue, 1833, et C. J. Nitsch, Fine protestantische Beantwortung der Symbolik Môhlers, 1835 ; I. Dôllinger, Die Reformation, Ratisbonne, 18461848 ; Kirche und Kirchen, Munich, 1861 ; critiqué par J. E. Osiander, Bemerkungen iiber die evangelische Rechtfertigungslehre und ihre Geschichte, dans Jahrbucher fin deulsche Théologie, 1863, t. vrn, p. 691-715 ; F. Loofs, Der articulus slanlis et cadenlis Ecclesiæ, Gotha, 1917 (extrait des Theologische Studien und Kritiken, t. xc, p. 323-420) ; K. Holl, Die Rechtfertigungslehre im Licht der Geschichk des Protestantismus, 2e édit., Tubingue, 1922 ; Mathia : -Schneckenburger, Ycrgleichende Darstellung des lutherisclien und reformierten Lehrbegriffs, édit. posthume par Ed. Gûder Stuttgart, 1855 ; W. Gass, Geschichte der protestantischeu Dogmalik, Berlin, 1854-1867 ; K. Krogh-Tonning, Dit Gnadenlehre und die stille Reformation, Christiania, 1894.

2. Monographies.

K. Holl, Die Rechtfertigungslehn in Luthers Vorlesung ùber den Rômerbrief, dans Zeitschrifl fur Théologie und Kirche, 1910, t. xx, p. 245-291 ; A. Hering, Die Mystik Luthers im Zusammenhang seiner Théologie, Leipzig, 1879 ; K. Thieme, Die sittliche Triebkra/I des Glaubens. Eine Untersuchung zu Luthers Théologie, Leipzig, 1895 ; A. W. Dieckhoff, Luthers Lehre in ihrer erster Gestalt, Rostock, 1887 ; Th. Harnack, Luthers Théologie, Erlangen, 1862 ; J. Kôstlin, Luthers Theologie, 2’édit.. Stuttgart, 1901 ; H. Mandel, Die scholastische Rechtferti gungslehre. Ihre Bedeutung fiir Luthers Entwickelung Greifswald, 1906 ; F. Loofs, Justitia Dei passiva i Luthers Anfdngen, dans Theologische Studien und Kril ken, 1911, t. lxxxiv, p. 461-473 ; critiqué par O. Sche.e Die Justitia Dei passiva in Luthers reformatoriscli* Rechtfertigungslehre, dans Aus Deutschlands kirchlicht r Vergangenheil, Festschrifl zu… Th. Brieger, Leipzig, 191 p. 93-115 ; Em. Hirsch, Initium theologiæ Lulheri, da Festgabe fiir Dr. Julius Kaftan, Tubingue, 1920, p. 150-1 (i A. Jundt, Le développement de la pensée religieuse de Luth jusqu’en 1517, Paris, 1905 ; H. Denifle, Luther und Luliie, tum, 2e édit., Mayence, 1904-1906 ; traduction française p J. Paquier, Luther et le luthéranisme, Paris, 1913-10 H. Balavoine, La définition de la justification selon Cah> Strasbourg, 1864 ; A. Bôgner, Quid Joannes Calvinus fide senserit, Strasbourg, 1876 ; J. Haussleiter, Melanchtli loci prsecipui und Thesen iiber die Rechtfertigung, da Abhandlungen Alexander von Ottingen gewidmet, Erlangci 1890, p. 250-257 ; F. Loofs, Die Bedeutung der Rechtfei gungslehre der Apologie fiir die Symbolik der lutherispi Kirchen, dans Theologische Studien und Kritiken, IN t. Lvn, p. 613-688 ; critiqué par A. Eichhorn.Di’e Recht) tigungslehre der Apologie, même périodique, 1887, t. p. 415-491 ; E. von Frank, Rechtfertigung und Wiedergebi dans Neue kirchliche Zeitschrift, 1892, t. nr, p. 846 C. Stange, Uber eine Stelle in der Apologie. Ein Beitrag zu Rechtfertigungslehre der Apologie, même périodique, IN t. x, p. 169-190 ; Zum Sprachgebrauch der Reehtferligune, lehre in der Apologie in ihrem geschichllichen Gegenst zur mittelalterlichen und glcichzeitigen katholischen Theob ; dans Theologische Studien und Kritiken, 1906, t. lx^ p. 86-132 et 200-236 ; K. Thieme, Zur Rechtferti gungsl der Apologie, ibid., t. lxxx, p. 363-389 ; Otto Ritschl, l doppelte Rechtfertigungsbegriff in der Apologie der Ai burgischen Confession, dans Zeitschrift fiir Theologir, Kirche, 1910, t. xx, p. 292-338 ; J. Gottschick, Die Heil wissheit des evangelischen Christen im Anschluss an Lui même périodique, 1903, t. xrn, p. 349-435 ; J. Kunze, Rechtfertigungslehre in der Apologie, Giitersloh, 19 G. Kawerau, Johann Agricola, Berlin, 1881 ; du raï Beitràge sur Reformationsgeschichle, Gotha, 1896 ; W. 1’ger, Mathias Flacius Illyricus, Erlangen, 1859 ; Ail Ritschl, Die Rechtfertigungslehre des Andréas Osian dans J<ihrbiicher fiir deulsche Théologie, 1857, t. ii, p. 7 829 ; W. Moller, Andréas Osiander, Èlberfcld, 1870, C. von Kugelgen, Die Rechtfertigungslehre des Joh. Br< Leipzig, 1899 ; A. Grétillat, Bcck et sa doctrine de la ji fication, dans Revue de théologie et de philosophie, 18

VIII. — 71 222"

.JUSTIFICATION

JUSTIN, VIE

2228

t. wii. p. 5-80 et 144-181 ; Ebrard, Sola. Wissenschaftliche Beleuchtung von Beck’s Rechtfertigungslehre, 1871 ; critiqué par Sturhahn, Die Rechtfertigungslehre von Deck, Leipzig, 1890 ; E. T. Gestrin, Die Rcciit/crtigungslehre der Professoral der Théologie J. T. Beck, (). F. Mgrberg inul A. W. lngmarm, Berlin, 1891.

Concile île Tri nie.

1. Le milieu théologique. —

H. Laminer, Die nortridentiniseh-kutholiselw Théologie, Berlin, 18.">S ; Linsenmann, Alberlus Pighius und sein theologischer Standpunkt, dans Theologische Quartalschrift, 1866, t. XLvra, p. 571-644 ; Th. Brieger, Die Rechtfertigungslehre des Cardinal Contarini, dans Theologische Studien und Kritiken, 1872, t. xlv, p. 87-150 ; Et. Ehses, Johannes Groppers Rechtfertigungslehre auf dent Konzil von Trient, dans Rômische Quartalschrift, 1900, t. xx, section d’histoire, p. 175-188 ; Y. Braun, Gasparo Contarini oder der - Reformkatholizismus unserer Tage im Lichte der Geschichte, Leipzig, 1903.

2. Doctrine conciliaire.

Concilium Tridentinum, t. : Aclorum pars altéra, édit. Et, Ehses, Fribourg-en-B., 1911 ; IL Seeberg, Beilràge zut Entstehungsgeschichte der I.chrdecrete des Konzils von Trient, dans Zeitsehrift fur kirehliche Wissenschafi und kirchliches Leben, 1889, t. x, p. 546-559 ; 604-G16 et 613-700 ; W. Maurenbrechci, Tridentincr Conzil. Die Lehre von der Erbsiinde und der Reehtferligung, dans Historisches Taschenbuch, 1890, VI « série, t.rx, , p. 237-330 ; J. llelner, Die Entstehuhgsgeschichte des Trienter Rechtfertigungsdekreles, Paderborn, 1909 ; A. Pruntbs, Die Stellung des Trienter Conzils zu der T’rage nacli déni Wesen der heiligmachenden Giw.de, Paderborn, 1909.

III. Exposé systématique de la doctrine.

1° Chez les protestants. — Toutes les dogmatiques protestantes traitent plus ou moins copieusement de la justification. On se contentera designaler ici quelques ouvrages propres à orienter sur les tendances actuelles de la Réforme. — l.Du eaté libéral. — Albert Btitsohl, Die ehristliche Lehre von der Reehtferligung und 'ersohnung, 3 édit., Bonn, 1889, t. m ; résumé et critique du point de vue orthodoxe par Ern. Bertrand, Une conception nouvelle de la Rédemption, Paris, 1891 ; Aug. Sabalier, Les religions de l’autorité et la religion de l’esprit, Paris, 1904 ; Eug. Ménégoz, Publications diverses sur le fidéisme, Paris, 1909-1921. — 2. Du côté orthodoxe. — G. Thomasius, Christi Persan und Wcrk, 3e édit., par F. J. Wûrtar, Erlangen, 1888, t. ii, p. 370-392 ; Ed. Boni, Von der Reehtferligung durch Glauben, Leipzig, 1890 ; L. Ihmels, Die Rechtfertigung allein durch den Glauben muser f ester Grand Romgegenùber, -ùtws Neue-kirohliche Zeitsehrifl, 1904, t. xv, p. 618-648 ; du même, Allein durcli tien Glauben, Leipzig, 1918 ; K. lloll, Was hut die Rechtfirligungslehre dem modernen Menschen zu sagen '.' 1907 ;.lellinghaus, 1j>as volligi iftige Jleil durch (Jiristus,

5e édit., 1903 ; E. Rietschel, Lulherische Iteeht/ertigungslehre oder moderne Meilrgungslehre, 1909 ; G. S. l’abci, The primitive doctrine <>/ justification, 1839 ; J. Puchanan, 'The doctrine tif justification. 1867 ; IL W. Mensell, llie religion of Rédemption, édition populaire, Londres, 1901 ; IL C. Moberly, Atonement and Personaliiy, Londres, 1907 ;.1. Denney, The Christian doctrine of réconciliation, Londres et New-York, 1918 ; P. L. Snowden, The atonement ami ourselves, Londres, 1919 : A. Grétillat, Exposé de théologie systématique, Paris, 1890, t. iv, p. 369-428 ;.1. Hoon, Dogmatique chrétienne, Lausanne, 1896, t. il, p. 228294.

Résumés par A. Matler, ait. Justification, dans Lichteni, Encyclopédie des sciences religieuses, Paris, 3880, I. vii, p. ">(>. r)-576 ; L. Ihmels, art. Reohtfertigung, dans Realencyolop&die, 3 édit., 1905, t. xi, p. 482-515.

Chez les catholiques.

Moins dé eloppée que chez

les protestants, cette doctrine tient une place plus ou moins étendue dans t"us les traités de la grâce. Les plus utiles sont J. Koteohthaler, ©e gratta, Ratlsbonne, 1860 ; Mazzella, De gratta Christi, Rome, 1892 ; card. L. liiliot, Dr gratta Christi, 5 édit., Home, 1920 ;  !.. Labaucbe, Lepon de théologie dogmatique, t. n : L’homme. - édit., 1921 : rleinrich-Gutberlet, Dogmatische Théologie, Mayence, 1897, t. viii, p. 477-550 ; J. van der Meorsdh,

TractatM de dimno gratin, Bruges, 2 édition, 1924.

Monographies par J. il. Newman, Lectures on the iruir of justification, Londres, 6e édit., 1892 ; L. Nussbanm, Ole i.élire der hathoUschen Kirche ûber Rechtfertigung, M 1 8 "" J. il. Oswald, Die Lehre non der Helligung,

Paderborn, 1885.

J. Hiviëhe.