Dictionnaire de théologie catholique/JUSTICE (Vertu de) III. Divisions de la justice

Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 8.2 : JOACHIM DE FLORE - LATRIEp. 301-303).

gouffre quelque chose d’injuste s’il subit une injustice contre son gré ; et cependant celui qui se rend coupable de cette injustice sans le savoir ne commettra point d’injustice au sens formel, mais seulement d’une façon matérielle, a., ’J. ad 3um.

Saint Thomas termine cette question en disant que tout péché d’injustice qui implique une lésion du droit d’autrui, ou un empiétement sur ce que sa volonté raisonnable doit naturellement vouloir, de telle sorte qu’il en résulte naturellement pour lui une opposition qui l’irrite et l’alllige, est, de soi, ou par son objet et de son espèce, un péché mortel.

En effet, le péché mortel est celui qui est contraire à la charité, d’où vient la vie de l’âme. Or, tout dommage causé à autrui répugne, de soi, à la charité, qui incite à vouloir le bien des autres. Puis donc que l’injustice consiste toujours dans un dommage eausé à autrui, il est manifeste que commettre l’injustice est, en soi, un péché mortel. Ce péché ne deviendra véniel qu’en raison de l’insullisance de la matière :, ou pour tout autre motif extrinsèque ; mais, par sa nature, il est essentiellement un péché mortel. Cum juslilia semper consistul in nocumento alterius, maaifestum est quod facere injuslum, ex génère suo est peccatum morlale, a. 4.

III. Divisions de la justice.

Nous avons déjà distingué deux espèces de justice : la justice particulière et la justice générale ou légale, c’est-à-dire la justice qui s’exerce à l’égard des particuliers et la justice qui s’exerce à l’égard du groupe. C’est, en effet, du côté de l’objet qu’on regarde pour qualifier une vertu, comme c’est du terme qu’on fait état pour spécifier un mouvement. Sum. theol., H » II » e, q. lxi, a. 1, ad 4um.

Justice commutative et justice distributive. Leur distinction.

La justice particulière se partage, à son tour, en deux espèces En effet, l’individu, dont la justice particulière a souci, peut être en relation soit avec un autre individu qui le traite ou refuse de le traiter selon son droit ; soit avec le groupe ou les représentants du groupe, qui le traitent ou refusent de le traiter selon ce qui convient à sa place dans ce groupe. Le premier rapport donne lieu à la justice des échanges ou justice commutative ; le second à la justice des répartitions, ou justice distribulive. La première est exercée par les particuliers ou par les chefs en tant cpie particuliers : la seconde est exercée par les chefs, ou par les particuliers en tant qu’ils acceptent l’action de chefs ou jouent eux-mêmes, à l’égard d’un groupe enclavé dans le premier, le rôle de chefs.

Toute justice s’occupe des rapports des hommes entre eux, soit à titre de partie à partie, soit à titre de partie au tout, soit au litre du tout aux parties. Les rapports des parties au tout forment l’objet de la justice générale ou légale. Les deux autres sortes de rapports constituent le domaine de la justice particulière, qui prendra le nom de justice commutative. quand elle règle les rapports des parties aux parties. et le nom de justice distributive. quand elle règle les rapports du tout aux parties ; En d’autres termes, la justice commutative règle I s rapports entre les personnes privées ; la justice distributive. entre la société et chacun de ses membres. Cf. Sam. theolog., II » liai, q. i.xi, a. 1.

La justice distributive consiste à maintenir le droit de chacun, à donner à chacun la position légale qui lui appartient dans L’ensemble social. Si la société est un organisme, chaque membre a droit à sa place, a la sphère d’action qui lui est marquée par la nature mime de l’ensemble, et il est aussi important pour le tout d’assurer à chacun Cette place spéciale que de sormellrc chacun a la loi et à ses décisions. H n’y a pus fie système ocial vigoureux, ivanl et durable.

là où chaque membre n’a pas sa part d’activité propre, sa liberté personnelle, là où l’ensemble ne cède pas à la partie ce dont celle-ci a besoin pour s’intéresser à son tour à l’ensemble, tout comme la liberté et le droit de chacun dépendent du respect que celui-ci observe envers la Loi et qui exclut tout caprice individuel ! La justice commutative embrasse les rapports des membres fie la société entre eux, leur commerce réciproque et les contrats qui en résultent.

Celte division doit être considérée comme nettement spécifique. Ce qu’on doit aux individus, comme individus, et ce qu’on doit aux individus comme membres fin groupe doit se distinguer comme se distinguent Us individus et le groupe. Or, pour saint Thomas, l’individu et le groupe ne se distinguent pas uniquement comme l’un et le multiple ; le groupe, comme tel, est quelque chose de nouveau, de spécifique ; donc aussi ce qui lui est dû ; donc aussi ce qui est dû à ses membres en tant qu’ils sont ses membres. Ce qu’on doit à un particulier, c’est à lui, simplement, qu’on le doit. Ce qu’on doit à un citoyen comme tel, c’est à la cité en lui que cela est dû. Dans le premier cas, on argue du bien propre ; dans le second, du bien commun. Le titre est différent, donc aussi le devoir, et, ultérieurement, la vertu qui le commande. Juslilia distributiva et commutativa non solum dislinguunliir secumtum uiuun et multa sed secundum diversam debiti rationem. Alio enim modo debetur alicui id quod est commune, et alio modo id quod est proprium, a. 1, ad 51u « .

Il s’ensuit que, dans l’un et l’autre cas, la juste mesure s’établira d’une façon spécifiquement différente : flans la justice distributive, dit saint Thomas après Aristote, il s’établit selon la proportionalité géométrique ; dans la justice commutative, selon la proportionalité arithmétique. En d’autres termes dans la justice distributive, la juste mesure ne se prend pas selon l’égalité de la chose à la chos-, mais selon la proportion des choses aux personnes : de telle sorte cpie comme une personne est au-dessus d’une autre personne, fie même aussi la chose qu’on donne à l’une dépasse celle qu’on donne à l’autre. In juslilia distributiva non accipitur médium secundum œqualitatem tei ad rem, sed secundum proporiioncm rerum ad personas, ut scilicet sicut una persona excedit aliarn, ila etiam res quie datur uni personx, excédât rem qwee datur alii, a. 2. La considération de la personne est. donc ici au premier rang ; c’est elle qui détermine, et cela à titre direct, la quotité de la dette. L’égalité de la justice, l’équité s’établit non de chose à chose, comme dans une vente, mais de chose à personne, chaque membre du corps social recevant en honneurs ou en bénéfices, comme d’ailleurs en devoirs, ce qui correspond à sa situation dans l’ensemble. C’est ce qu’Aristote a appelé une équité selon le mode géométrique, non (irilhmélique. C’est-à-dire que l’égalité requise est une égalité fie proportions, non de quantités directement comparées. Deux Citoyens inégaux eu valeur sociale reçoivent inégalement ; mais ils n’en sont pas moins traités également ; car ce que reçoit chacun est à chacun ce que la chose reçue par l’autre est à l’autre. Telle doil être L’égalité devant la loi. C’est, suivant l’exemple de saint Thomas, comme quand nous disons que trois sont à deux ce que six sont à (/autre. De part cl d’autre, en effet, se Irouve la proportion sesquial1ère, dans Laquelle la partie plus grande contient la partie moindre plus une moitié : mais il n’y a pas égalité en ce qui dépasse, car six dépassent quatre de deux unités, tandis que frais m ; dépassent deux que d’une Saint Thomas, ibid. Au contraire, dans les échanges, dont les achats et les veilles son t le cas type, la personne n’intervient qu’au second plan V proprement parler, ce qui est dû ici, est dû à cauw d’une chose, qui, appelant une autre chose, en détermine la quotité ou la nature. L’égalité se fait donc de chose à chose, non de chose à personne. Il en résulte que cette égalité sera arithmétique, non géométrique comme tout à l’heure. Si j’ai reçu dix, je rends, en équivalent, dix. Alors je suis en règle avec la justice. Sed in rommulalionibus redditur aliquid aliui singulari personæ propler rem ejus quæ accepta est, ut maxime patel in emplione et venditione quibus primo invenitur ratio commutalionis. Et ideo oportet ad ! quare rem rei, ut quanlo iste plus habet quam suum sit, de eo quod est allerius, lantumdem restituai ei cujus est. Et sic fit œqualitas secundum arilhmeticam medielalem, quæ ullenditur secundum parem quantitatis excessum. Ibid.

La différence entre la justice des échanges individuels et Injustice des répartitions sociales ne gît donc pas en ce que ces dernières n’ont égard qu’aux personnes et les autres qu’aux choses. Personnes et choses interviennent dans les deux. Mais en justice de répartition, lis personnes interviennent à titre div. et ; les choses uniquement en tant que signe, effet ou concomitance de la qualité sociale des personnes. Au contraire, en justice d’échange, ce qui intervient à titre direct, ce sont des choses, c’est-à-dire des réalités matérielles ou des actes, et les personnes ne sont engagées que comme élément déterminateur de ces choses. In actionibus et passionibus, condilio personæ facit ad quantitalem rei : major enim £st injuria si perculiatur princeps quam si percutiatur privata persona. Et ita conditio personæ in distributiva justitia atlenditur secundum se : in commutaliva autem secundum quod per hoc diversifïcatur res, a. 2, ad 3um. 2° Objet de l’une et de l’autre justice.

Que faut-il

maintenant penser de l’objet, ou, comme dit saint Thomas, de la matière de ces deux variétés de justice : est-elle la même, ou bien est-elle diverse ? Entendons que la matière est ce sur quoi porte précisément la vertu.

La justice porte sur des opérations extérieures, q l’il s’agit de distribuer ou d’échanger. Mais quoi ? Ce peuvent être des choses matérielles, des réalités touchant aux personnes, enfin du travail. Des choses matérielles : on enlève ou restitue à autrui ce qui lui appartient ; des réalités tenant à la personne : des honneurs par exemple ou. leur contraire, les injures ; du /rotwï en fin dans le sens le plus la~ge du mot, comme lorsqu’on fait à un autre ou qu’on exige de lui un ouvrage quelconque.

Pour répondre à la question posée, il faut distinguer entre la matière éloignée et la matière prochaine. Si l’on considère la matière éloignée de l’une et de l’autre justice, c’est-à-dire les choses, res, qu’on échange ou distribue, la matière est la même pour la justice dislributive et pour la justice commutative ; car les biens peuvent être distribués du commun aux particuliers, ou être échangés de l’un à l’autre : et de même aussi » il est une certaine distribution et une certaine compensation réciproque des travaux onéreux. Si accipiamus ut materiam ulriusque justitiæ ea quorum operationes sunt usus, eadem est materia distribulii>æ cl commutalivæ justitiæ ; nam et res dislribui possunt a i-ommuni in singulos, et commutari de uno in alium ; et etiam est qundam dislribulio laboriosorum operum et recompensatio, a. 3.

Mais si, considérant ce qu’on peut appeler la matière prochaine, nous envisageons, non plus les choses matérielles, les réalités personnelles, le travail, mais la manière dont tout cela est mis en œuvre, nous trouvons de part et d’autre une matière diverse. La justice distributive, en effet, dirige dans la distribution ; tandis que la justice commutative dirige dans les échanges qui peuvent être envisagés entre deux personnes. Si autem accipiamus ut materiam ulriusque justitiæ actiones ipsas principales, quibus utimur personis, reèus et operibus, sic invenitur utrobique alia materia ; nam distributiva justitia est directiua distributionum, commutaliva vero justitia est directiva commutationum, quæ attend i possunt inter duas personas. Ibid.

Justice et compensation.

La dernière question posée par saint Thomas au sujet de la justice prise en général est relative à ce que l’on peut appeler d’une manière assez impropre la compensation. Et le problème est celui-ci : quelqu’un subit cela même qu’il a fait subir à d’autres ; la justice est-elle alors satisfaite, ne l’est-elle qu’ainsi, l’est-elle toujours ainsi ? Tel est le sens de la question un peu obscure : Utrum justum sit simpliciter idem quod conlrapassum ? Pour le bien entendre il convient de remarquer que les mots subir, pâlir doivent être pris ici dans le sens très général et philosophique du latin pati, et par exemple pâli c’est d’ahord endurer une peine, mais c’est aussi simplement payer sa dette.

Ceci posé, saint Thomas fait remarquer qu’à prendre les choses en rigueur de terme, la compensation, conlrapassum, implique l’égalité absolue, entre action accomplie et passion subie. Ici seulement il y a stricte, compensation. Le cas le plus clair est celui du talion : à s’en tenir au texte de la loi mosaïque (comme d’ailleurs à celui d’autres lois anciennes) il y a égalité entre les actions injurieuses par lesquelles a été lésée la personne du prochain et ce qu’on fait souffrir ou endurer à celui qui les a commises : « Tu donneras vie pour vie, œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied, brûlure pour brûlure, blessure pour blessure, meurtrissure pour meurtrissure. » Ex., xxt, 23-2L

Mais il y a encore, dit saint Thomas, contrapassum, dans un sens secondaire quand il s’agit non plus dé dommag s personnels, mais de dommag ; s réels. : quelqu’un a porté atteinte au bien d’autrui, on portera atteinte à son bien. Il est possible enfin de pousser plus loin l’extension du mot conlrap mum.etde l’appliquer aux échanges volontaires, où chaque partie est à la fois active et passive. Qui cède à autrui une pièce de drap contre un bœuf est à la fois agent et patient : patient, puisqu’il subit un dommage en perdant son drap, agent en ce qu’il acquiert quelque chose qu’il n’avait pas. Saint Thomas fait d’ailleurs remarquer, avec beaucoup de justesse, qu’ici le mot passion est pris dans un sens assez impropre : volunlarium enim diminua de ratione passionis.

Tels sont les différents cas où l’on peut voir compensation ; or on va prouver que si, en loules circonstances, on égalisait absolument passion subie et action faite la justice commutative. pourrait en être lésée., en d’autres termes que le justum et le conlrapassum ne sont pas toujours équivalents.

Des exemples vont le montrer : Quelqu’un fait injure à une personne plus élevée que lui-même en dignité : l’action dans ce cas est plus grave que ne le serait la passion de même espèce qu’il subirait lui-même. Qui frappe un prince n’est pas seulement frappé en retour, mais puni de manière beaucoup plus grave.

De même, si quelqu’un a causé du dommage à autrui dans ses biens, contre la volonté de celui-ci, il n’y aurait pas de rapport exact entre l’action accomplie et la passion subie, si l’on se contentait d’enlever à l’auteur du dommage exactement ce qu’il s’est approprié. De la sorte en effet le. coupable ne subirait lui-même aucun dommage, ainsi la simple restitution ne saurait satisfaire la justice lésé-. Le coupable en effet n’a pas seulement porté oréjudice à une personne privée, mais encore à la société, dont, par son acte, il a contribue à ébranler la sécurité. Aussi la loi mosaïque prescrit-elle à juste titre : « Si un homme dérobe un bœuf ou une brebis… il restituera cinq bœufs pour le bœuf, et quatre brebis pour la brebis. » Ex., xx, 1.

Enfin dans nombre d’échanges volontaires, la passion ne serait pas toujours égale, si quelqu’un donnait sa ebose à lui en échange de celle d’un autre, parce qu’il pourrait arriver que celle-ci fût plus précieuse que la sienne propre. Le troc est en définitive une forme d’échangi s souvent injuste. Et voilà pourquoi il faut, suivant une mesure justement proportionnée, égaler la passion à l’action dans les échanges. C’est précisément à cette tin qu’ont été inventées les monnaies, qu’on substitue aux choses elles-mêmes dont elles payent le prix. A. 4.

Enfin quand il s’agit non plus de justice conunutative, mais de justice distributive, cette doctrine du contrapassum ne trouve même plus à s’appliquer. Ici, en effet, l’égalité ne se fait pas de chose à chose, mais de chose à personne. A la différence de ce qui se passe en justice d’échange, ce sont les personnes et non les choses qui interviennent à litre direct dans la justice de répartition. Ila-II », q. i.xi.

IV. La justice vertu cardinale.

Vertus théologales, morales, cardinales.

- Dans la justification, avec la rémission des péchés et la collation de la grâce sanctifiante, des principes d’action surnaturelle, des énergies d’ordre divin nous sont donnés ; ce sont les vertus infuses. Les unes sont dites théologales, non seulement parce qu’elles ont Dieu pour cause et que c’est à Dieu que nous en devons la connaissance, mais surtout parce que, nous ordonnant vers Dieu, elles ont Dieu lui-même pour objet et pour motif. Ce sont : la foi, l’espérance et la charité.

Les autres vertus sont dites morales, parce qu’elles ont pour objet les devoirs moraux de l’homme et que, par elles, l’homme devient moralement bon. A la différence des vertus théologales qui disposent l’homme, comme il convient, vis-à-vis de la fin dernière de la vie humaine, les vertus morales le disposent à prendre les moyens d’atteindre cette fin.

Les vertus morales sont naturelles ou acquises, surnaturelles ou infuses. Les premières disposent l’homme au bien simplement honnête : les secondes le disposent au bien surnaturel et divin. La fin de l’homme étant surnaturelle, les moyens pour l’atteindre doivent être de même nature, et les vertus qui y disposent auront le même caractère. Elles ne sauraient donc être acquises par les efforts de l’homme ; elles viennent de Dieu seul et sont infusées par lui, dans la justification, en même temps que la grâce sanctifiante et les vertus théologales.

Quatre de ces vertus portent le nom de cardinales, parce qu’elles forment l’axe de toute la vie morale. Cardinalis a cardine dicitur, in quo ostium vertitur dit saint Thomas. Kl ideo proprie virtuies cardinales dicuntur in quibus quodammodo vertitur et fiindutur vita moralis, sicut in quibusdam principiis lidis vitse ; proplrr quod et hujusmodi virtuies principales dicuntur. — Qusestiones dispulaiæ, de virtutibus cardinalibus. Q. unie, a. 1.

Ce sont :
la prudence, qui éclaire et dirige la conduite par le discernement ce ce qui est à faire ou à éviter ;
la justice, qui porte à rendre à chacun ce qui lui est dû ;
la force, qui écarte les obstacles et triomphe des difficultés dans l’accomplissement du devoir ;
la tempérance, qui modère la concupiscence et la maintient dans de justes limites.

Ces quatre vertus cardinales servent de centre autour duquel se groupent beaucoup d’autres vertus secondaires et subordonnées. Parmi toutes ces vertus, les unes se rapportent à l’intelligence et sont d’ordre intellectuel ; les autres se rapportent à la volonté. C’est dans cette dernière faculté que réside la vertu de justice.

La justice vertu cardinale.

C’est avec, raison que la justice est comptée au nombre des vertus cardinales. Cette vertu règle les rapports d’un individu à un autre, des membres de la société comme parties d’un tout, et enfin de l’homme à Dieu, en tant que certaines obligations le lient à Dieu, bien qu’il n’y ait pas de place ici pour une justice rigoureuse, à cause du défaut d’égalité. Elle se définit : une vertu infuse qui nous porte à rendre et à garder à chacun le bien qui lui est dû : définition qui s’applique également à la justice conunutative, à la justice légale et à la justice distributive. Virlus cardinalis justitiæ generice sumptu, dit Pesch, deflniri potest : habitus infusus ad reddendum et servandum unicuique bonum ipsi debitum. Justifia commutativa est virtus infusa ad reddendum et servandum omni individuo (plujsico vel morali, semper tamen rationali, ut patel) secundum perfeetam œqualitatem quidquid ipsi ex stricto jure debetur. Juslitia legalis est virtus infusa ad reddendum et servandum rcipubliciv, quidquid ipsi a partibus suis (capile et membris) debetur. Justifia distributiva est virtus, qua illi, qui habent auctoritalem publicam, bona et onera communia singulis subditis distribuunt pro eorum conditionibus, facultatibus, meritis. C. Pesch, Prælecliones dogmaticæ, Fribourg-en-B., 1911, t. ix, p. 107.

1. La sainte Écriture, en maints passages, enseigne que la justice est une vertu, et la place avec les autres vertus cardinales. Témoin ce texte du Livre de la Sagesse : « La divine Sagesse enseigne la tempérance et la prudence, la justice et la force, qui sont, ajoute l’écrivain sacré, les choses les plus utiles à l’homme dans cette vie. » Sap., viii, 7.

Nombreux sont les textes où elle recommande et prescrit les devoirs imposés par la justice conunutative, la justice légale tant à l’égard du pouvoir civil que vis-à-vis des pouvoirs spirituels, et la justice distributive. Qu’on nous permette d’en citer quelques-uns.

a) Le décalogue énonce en termes brefs l’interdiction du vol : Non furtum faciès. Ex., xx, 15 ; les divers libres bibliques, qu’il s’agisse du Deutéronoine, des prophètes, des hagiographes insistent sur les modalités diverses par lesquelles on peut violer ce précepte fondamental : SU lera dolosa abominatio est apud Dominum, et pondus œquum voluntas ejus, disent les Proverbes xx, 1, et ce texte pourrait être commenté par une multitude d’autres.

b) Pour ce qui est de la justice légale, le Sauveur en a posé le principe avec une netteté qui exclut toute discussion : « Rendez à César ce qui appartient à César. » Matth., xxii, 21. Les apôtres, avec, une insistance, qui a bien son prix au moment où ils écrivent, font la théorie de cette justice légale : qu’il sullise de rappeler deux textes classiques de saint Paul : « Que toute personne soit soumise aux autorités supérieures : car il n’y a pas d’autorité qui ne vienne de Dieu, el celles qui existent ont été instituées par Dieu… Rendez donc à tous ce qui leur est dû : le tribut à qui vous devez le tribut, l’impôt à qui vous devez. l’impôt, la crainte à qui vous « levez, la crainte, l’honneur à qui vous devez l’honneur. » Rom., xiii, 1, 7. « Nous avons tous été baptisés dans un seul Esprit, pour former un seul corps, soit juifs, soit païens, soit esclaves, soit libres Mais maintenant il y a beau coup de membres, et un seul corps. L’œil ne peut pas dire à la main : je n’ai pas besoin de ton aide : ni la tête dire aux pieds : vous ne m’êtes pas nécessaires.

Mais, au contraire, les membres du corps qui paraissent h 6 plus faibli s sont les plus nécessaires. Et si unmei ibre soutire, i « mis les membres souffrent avec lui ; ou si un membre est honoré, tous les autres s’en réjouissent avec lui. » 1 Cor., xii, 13, 20, 23, 20.