Dictionnaire de théologie catholique/DOCTEUR

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant et Eugène MangenotLetouzey et Ané (Tome 4.2 : DIEU - EMSERp. 117-121).

1. DOCTEUR (du latin docere, enseigner) signifie littéralement celui qui enseigne, ou mieux celui qui a qualité spéciale pour enseigner publiquement, et, de façon plus précise, celui qui a été promu au grade suprême d’une faculté. —
I. Définition.
II. Histoire.
III. Privilèges.
IV. Création.
V. Surnoms des docteurs les plus célèbres.

l. Définition.

Le terme « docteur », pris dans son acception la plus large, signifie une personne hautement qualifiée pour enseigner en public : peu importe d’ailleurs que cette compétence spéciale qui distingue le docteur soit ou non consacrée par un titre universitaire. C’est ainsi que nous voyons, chez les Juifs, cette dénomination appliquée à celui qui était l’interprète officiel des divines Écritures et qu’on appelait pour cela « docteur de la Loi », « docteur » ou « maître en Israël ». Matth., xxii, 35 ; Joa., iii, 10. A son tour, l’Église chrétienne honora de ce nom plusieurs de ses saints et de ses théologiens qui enseignèrent et défendirent la doctrine avec une science et une autorité extraordinaires : ce sont les « docteurs de l’Église ». Voir ce mot. Enfin certains maîtres de la scolastique se virent décerner ce titre auquel vint s’ajouter un qualificatif exprimant le caractère individuel de leur talent, de leur science, ou la méthode spéciale de leur enseignement. Voir plus loin les surnoms des plus célèbres.

Mais, dans son acception rigoureuse, le terme « docteur » désigne une personne qui occupe le rang suprême parmi les gradués d’une faculté. Ceux-ci, en effet, sont au nombre de trois : le bachelier, le licencié et le docteur. Voir Grades.

Le « docteur » est ainsi appelé parce qu’il reçoit de l’université dont il relève un témoignage public de science qui le proclame apte à « enseigner » : cette proclamation a lieu afin que le docteur puisse être consulté par tous, que son jugement soit une règle de doctrine, et que son enseignement soit accepté des auditeurs comme un enseignement revêtu d’une approbation suprême, ut ab omnibus consuli qucant, eorumque judicio fidatur, et scientise ab cis diclalæ ab audiloribus accipiantur, quasi a docentibus cum approbalione summa. Schmalzgrueber, l. V, t. v, n. 3.

Au titre de « docteur » revient celui de « maître », et ordinairement ces deux expressions sont prises l’une pour l’autre : cependant le nom de « maître », qui est d’ailleurs tombé depuis longtemps en désuétude comme grade académique sinon dans les facultés de théologie et de philosophie, apparaît plus ancien que le nom de « docteur », et autrefois il s’appliquait indistinctement à toute la corporation des professeurs.

Le titre de « docteur » pouvant être conféré dans les diverses facultés, il s’ensuit qu’il existe autant d’espèces de doctorats qu’il y a de facultés dans une université : soit le doctorat en Utéologie, le doctorat en l’un ou l’autre droit, c’est-à-dire en droit canonique ou en droit civil, le doctorat en philosophie, le doctorat en médecine, le doctorat es lettres et le doctorat es sciences.

On distingue encore un autre doctorat, dit doctorat d’université. C’est ainsi qu’en France « un décret du 21 juillet 1897 a autorisé les universités à instituer des titres d’ordre exclusivement scientifique qui ne confèrent aucun des droits attachés aux grades par les lois et règlements. Les diplômes sont délivrés au nom de l’université ; ils diffèrent des diplômes de l’F.tal en ce que les titres légaux exigés pour les obtenir peuvent être remplacés par d’autres titres de la valeur desquels l’université reste juge. L’université de Paris a institué le doctorat d’université dans ses facultés des lettres et des sciences par une délibération du 29 mars 1898. »

A ce doctorat peut être assimilé le doctorat honoris causa, que certaines grandes universités décernent parfois à des savants de premier ordre, dont la haute compétence, en la matière même où ils sont promus à cette dignité, est un fait notoire depuis longtemps établi. Telle a été la nombreuse promotion de docteurs honoris causa que l’université de Louvain promulgua, à l’occasion des fêtes de son jubilé (1909), dans ses facultés de théologie, de droit, de médecine, de philosophie et lettres, dans son institut supérieur de philosophie (École Saint-Thomas d’Aquin), et dans sa faculté des sciences.

II. Histoire. —

L’histoire du doctorat est intimement mêlée à l’histoire de l’université elle-même. Or, on sait que l’université, née d’un besoin de réglementation générale en raison de la multiplication des chaires et du nombre des élèves qui se groupaient autour, se constitua lentement et se développa graduellement à mesure que les circonstances l’exigèrent. Il en fut de même pour les divers grades académiques. Si on prend pour exemple l’université de Paris, on voit un commencement d’organisation paraître au xiie siècle, puis se compléter au xiiie grâce à la législation du roi Philippe-Auguste et à l’intervenlion du pape Grégoire IX, dont les bulles contiennent un modèle de règlement universitaire. Pour ce qui regarde la question des grades universitaires ayant rapport au doctorat, nous voyons, d’après ces bulles, que la licence était déjà en usage depuis longtemps. Or la licence, c’est-à-dire la faculté d’enseigner, fut comme la forme primitive du doctorat. Pour avoir le droit d’enseigner, deux conditions étaient requises : la science et la mission. La science était constatée par l’examen ; et la mission émanait ordinairement de l’examinateur lui

mémo, chef de l'école, sous les noms d' « écolâtre », « scolastique », « capiscol », et plus généralement ensuite, sous celle de « chancelier ». C’est ainsi qu’il appartenait aux chanceliers de Notre-Dame et de Sainte-Geneviève d’examiner les professeurs et les maîtres qui se présentaient pour enseigner dans ces écoles, et de « licencier » après leurs études ceux qui prétendaient élre « maîtres » et régents. Par les bulles de Grégoire IX nous apprenons également qu’outre la licence un grade universitaire, celui de bachelier (bacchalarii) existait à cette époque, c’est-à-dire dans la première moilié du xiiie siècle. Le doctorat, comme grade universitaire bien distinct, avait-il déjà fait son apparition ? On ne peut l'établir sans conteste. Il est vrai que dans la huile de Grégoire IX, datée de la première année de son pontificat et adressée au chancelier de l'Église de Paris, il est question des doi : lores théologie ac decrelorum ac liberalium artium : mais ce terme doit-il être pris dans le sens général de « maîtres », expression consacrée pour désigner les professeurs ? On ne saurait préciser davantage. Cf. Féret, La faculté de théologie de Paris, Paris, 1894, t. I, Introduction, p. lvi, note 1. Quoi qu’il en soit de la question des origines, voici comment, dans l’ancienne université, s'échelonnaient les grades académiques. On distinguait trois classes de bacheliers : les biblici, les sententiarii, les formati, voir Grades. Pour les bacheliers formait, commençait la préparation immédiate à la « licence ». Quatre années furent d’abord assignées à cette préparation ; puis ce laps de temps fut réduit à trois ans. Durant cet intervalle, le candidat à la licence devait être présent aux actes publics de la faculté, faire des conférences, et soutenir des argumentations. L'époque révolue, le candidat à la licence demandait à la faculté de le présenter au chancelier qui, au jour fixé, proclamait solennellement les noms des lauréats. « Par la licence on entrait dans la période des actes solennels pour la maîtrise ou le « doctorat ». Ils étaient au nombre de trois : les « vespéries », 1' « aulique », la « résompte ». Ces noms avaient leur origine dans trois mots latins : celui de « vespéries », dans vespera, soir, parce que l’acte avait lieu une après-dinée ; celui d' « aulique », dans aida, parce ; qu’il avait pour théâtre la salle de l'évêché (c’est alors qu’il y avait remise des insignes du doctorat) ; celui de « resompte » dans resumpta de resumere, parce que c'était, pour une partie, la thèse adoptée par le licencié dans ses « vespéries ». Féret, op. cit., Moyen âge, t. iii, p. 79. La collation des grades académiques pouvait s’opérer dans les diverses facultés. C’est qu’en effet la classification des connaissances avait bientôt amené dans l’ancienne université la division en facultés. Celles-ci sont nées graduellement, et, par suite, on ne saurait déterminer de façon précise leurs commencements. Le célèbre ouvrage d’un moine de Bologne, La concorde des canons discordants, connu sous le nom de Décret de Gratien, avait entraîné un partage dans la science théologique. « Jusqu’alors la discipline de l’Fglise n'était pas séparée de la théologie proprement dite : on les étudiait ensemble. Mais cette vaste collection fit sentir le besoin de cours spéciaux. On commença naturellement à Bologne, où l’on professait le droit romain. En France, Orléans d’abord, Paris ensuite, virent s'élever des chaires de droit canonique, lesquelles étaient d’ordinaire, à la fois, chaires de droil civil. La capitale du royaume pouvait déjà s’enorgueillir, dans ce nouveau professorat, avant la fin du XIIe siècle, des Gérard ou Girard la Pucelle, Mathieu d’Angers, Anselme ou Anselle de Paris. » Féret, op. cit., Introd., p. xv. Kn somme, si on doit noter que la faculté de médecine est la dernière venue, il faut reconnaître que 1rs quatre facultés sont formellement désignées dans une lettre adressée, en février 1254, par l’université, aux prélats de la chrétienté. On y parle, en effet, « de la théologie, de la jurisprudence, de la médecine, et de la philosophie rationnelle, naturelle, morale. » Du Boulay, Hist. univ. Paris., t. iii, p. 255. Dans sa bulle Quasilignum, avril 1255, le pape Alexandre IV fait mention, avec la « faculté de théologie », des autres facultés, à savoir des facultés des canonistes, des physiciens, et des artiens. Ibid., p. 285 ; Féret, op. cit., Introd., p. i.i. L’institution de la faculté et du doctorat es lettres date seulement de la fondation de l’Université de France (art. IG et 21, décretdu 17 mars 1808). « Avant 1789, les facultés de théologie, de droit et de médecine, recevaient seules les docteurs. On considérait cependant comme équivalente au doctoral la maîtrise es arts qui n'était qu’une conséquence de la licence, pour l’obtention de laquelle on soutenait un examen. Après que le candidat avait été déclaré licencié, le chancelier de Notre-Dame ou celui de Sainte-Geneviève lui plaçait sur la tête le bonnet doctoral en prononçant ces paroles : Quapropter in hujus potestatis signum liane lauream magislralem capili tuo impono. Etienne Pasquier, Recherches de la France, l. IX, c. x, etc. ; Taranne, Xotice historique sur les collèges de l’ancienne Université de Paris ; voir Journal de l’Instruction publique, 26 mars 1815, n. 23. » Les maîtres es arts exerçant étaient réputés el appelés c docteurs de la faculté des arts ». Cette dénomination qui était encore en usage au commencement du xviie siècle finit par tomber en désuétude. Elle fut renouvelée en I7(16 par l’institution du concours de l’agrégation qui conféra, avec le droil d’enseigner, le titre de « docteur agrégé ». Cf. Mourier et Deltour, Notice sur le doctorat es lettres, Paris, 1880, p. IV sq. La faculté de théologie de Paris tomba avec l’ancienne université sous les coups de la Dévolution. Bientôt, par le décret du 17 mars 1808, Napoléon I" établit un centre unique d’enseignement, l’Université de France, pour remplacer l’ancienne université de Paris et les autres universités de province. La nouvelle Université comprenait cinq facultés : lettres, sciences, droit, médecine et théologie. Toutes ces facultés pouvaient conférer le doctorat, mais d’après des règlements particuliers à chacune. Si la faculté de théologie survécut à Paris et en quelques villes de France, elle devint l'œuvre du gouvernement, sans l’assentiment du Saint-Siège ; et, n’ayant point reçu l’investiture canonique, sa nomination aux grades académiques, spécialement au doctorat, resta toujours sans effet, et son enseignement fut condamné à peu près à la stérilité. Cf. Féret, op. cit., Époque moderne, t. VI, passim.

III. Droits et privilèges.

Le droit romain et le droit des Décrétales reconnaissaient aux docteurs un certain nombre de droits et de privilèges dont plusieurs sont aujourd’hui tombés en désuétude. Ainsi :
1° Le doctorat était réputé un titre de noblesse, Jus Rom., l. II, §dernier ; I. IV, § 1, De excusât. tutor. ; en sorte que les personnes pourvues de ce grade jouissaient par le fait même, et sans autre autorisation spéciale de l’empereur, des insignes et des prérogatives accordées aux nobles. Telle fut, au moins pendant longtemps, la pratique en usage en Allemagne. Cf. Schmalzgrueber, Jus ecclesiaslicum, l. V, lit. v, §1, De gradibus et honoribus litterariis, n. 5. —
2° Les docteurs étaient en outre exemptés des impôts tant réels que personnels. Cf. Schmalzgrueber, loc. cit., n. 8. —
3° Les docteurs, s’ils s'étaient rendus coupables de quelque crime, étaient punis avec une rigueur mitigée ; et certaines peines infamantes, telles que les galères, la llagellation, leur étaient épargnées, liien plus, on ne pouvait leur inlligerla peine de mort sans qu’ils aient été auparavant l’objet d’une dégradation solennelle. Cf. Leurenius, Forum ecclesiaslicum, 1. Y. lit. v, q, cxxv. n. 1 ; Schmalzgrueber, loc. cit., n. 9. — A ces droits et pré

vilèges, d’une portée plutôt archaïque, viennent s’en ajouter d’autres d’une application possible autant que désirable. —
4° Le doctorat est réputé dans le droit une « dignité », au moins au sens large du mot, et il s’ensuit que les ecclésiastiques, en possession du titre de docteur, deviennent spécialement aptes à procédera l’exécution des lettres apostoliques ; l’existence de ce titre peut même devenir une condition sine qua non, pour la validité de l’acte, si quelque clause le requiert comme indispensable chez l’exécuteur du rescrit apostolique : ainsi autrefois la Pénitencerie avait coutume de confier l’exécution de ses rescrits discreto viro confessori magistro in theologia vel decretorum doctore ex approbalis ab ordinario per latorem præsentium ad infrascripta specialiter eligendo. Cf. Gasparri, Tractatus canonicus de matrimonio, t. i, n. 879. —
5° Le doctorat fonde chez celui qui en est investi une présomption, præsumptio juHs, de science et de prudence. Aussi bien l’interprétation d’une loi douteuse donnée par un docteur (interprétation doctrinale) doitelle être suivie, tant que l’erreur n’y paraît point. Dans les jugements, le témoignage d’un docteur est qualifié et doit être tenu en particulière considération. — Pour la collation des bénéfices et pour la réception des ordres sacrés, le docteur doit être régulièrement dispensé de l’examen canonique. Concile de Trente, sess. VII, can. 13, De reform. ; cf. Barbosa, In c. de Petro, dist. XLVII, n. 1. Il faut cependant faire exception s’il s’agit d’un bénéfice paroissial, car le concile de Trente, sess. XXIV, can. 18, et le pape Pie V, dans sa bulle Insipiente, font de cet examen une condition nécessaire. Enfin les docteurs sont, de par leur titre, spécialement désignés pour les offices, dignités et bénéfices ecclésiastiques ; et, toutes autres conditions égales par ailleurs, les docteurs doivent être préférés, autant que possible, à ceux qui ne le sont point dans la nomination aux dignités et aux bénéfices : telles sont les dispositions du droit des Décrétâtes, c. De multci ; c. Cum in cunctis de elect., et surtout du concile de Trente, sess. XXIV, c. xii. De reform. : Horlatur etiam sancta synodus ut in provinciis, ubi id commode fieri potest, dignitates omnes, et saltem dimidia pars canonicatuum, in calhedralibiis ecclesiis et collegialis insignibus conférai) tur tantum magistris vel doctorïbus, at(t etiam licentiatis in theologia vel jure canonico. En particulier, pour l’office d’archidiacre, le concile de Trente insiste pour qu’on nomme de préférence un docteur en théologie ou en droit canonique, ou au moins un licencié en droit canonique : Archidiaconi etiam gui ocidi dicuntur episcopi sint in omnibus ecclesiis, ubi fieri poterit, magistri in theologia seu doc tores aut licentiati in jure canonico. Loc. cit. Mais, c’est surtout pour le choix des évêques que le concile de Trente fait appel à ce principe, en exigeant que celui qui doit être promu à l'épiscopat soit docteur ou licencié en théologie ou en droit canonique, ou bien qu’il se soit fait délivrer une sorte de certificat d’aptitude auprès d’une académie ecclésiastique : Stientia vero ejusmodi pollcat ut muneris sibi injungendi necessitati possit satisfacere. ldeoque antea in universitates studiorum magister sive doctur, aut licentiatus in sacra theologia vel jure canonico merito sit promotus, aut publico alicujus acad émise testimonio idoneus ad alios docendos ostendatur. Sess. XXII, c. ii, De reform. Voir Évèques.

Outre ces privilèges communs à tous les docteurs, le droit mentionne encore un privilège spécial pour ceux qui sont en même temps professeurs et enseignent la théologie ou le droit canonique dans quelque académie, université, faculté, etc., savoir : s’ils sont titulaires d’un bénéfice ecclésiastique, ils en perçoivent les revenus, aussi longtemps qu’ils en sont absents à cause de leur enseignement, et cela même si leur absence vient à se prolonger pendant plusieurs années. Le point de droit est incontestable s’il s’agit des professeurs de théologie. C. Super spécula, tit. v ; concile de Trente, sess. V, ci, De reform. Mais la plupart des auteurs voient également compris dans ce privilège les professeurs de droit canonique. Fagnan, tit. cit., n. 4 ; Bockhn, Commentantes in jus canonicum universum, I. V, tit. v, n. 4 ; Leurenius, tit. cit., n. 2 ; Pirhing, tit. cil., n. 9, et Garcia, De beneficiis, part. III, c. iii, n. 54, ajoutent même que telle a élé la jurisprudence de la S. C. du Concile.

IV. Création. —

Pouvoir compétent.


Le pouvoir de créer les docteurs appartient, de droit propre et direct, au chef suprême de la société. La raison en est que seul le chef suprême de la société, peut, de luimême et par sa propre autorité, approuver et régler ce qui touche directement au bien public ; or le doctorat, en conférant le droit supérieur d’enseigner en public, intéresse directement le bien général de la société ; en outre, le doctorat implique par lui-même une sorte d’homologation suprême du pouvoir d’enseigner visà-vis de la personne qui est élevée à cette dignité et qui devientainsi hautement qualifiée, chose qui réclame l’approbation du chef de la société. De là il suit que, seul, le souverain pontife a le pouvoir de créer des docteurs en théologie et en droit canonique, comme il a, seul, le droit direct d’instituer des facultés en ces sciences qui regardent immédiatement la fin spirituelle de l'Église. D’autre part, le chef suprême de l'État a, de lui-même, le pouvoir indépendant de fonder des facultés de sciences naturelles et d’y créer des docteurs. Toutefois, dans cette sphère même, le droit social chrétien confère à l'Église un certain pouvoir d’inspection et de contrôle, afin qu’elle s’assure que rien, dans renseignement des sciences naturelles, n’entre en conflit avec la foi et les bonnes ma-urs : en vertu de ce droit, il appartiendrait à l’Eglise de faire* subir aux nouveaux docteurs, par l’organe de ses évêques, un examen sur les questions de foi et de morale, avant qu’ils pussent être admis à inaugurer leur enseignement. Tel serait, d’après l’opinion commune des théologiens, le sens des propositions 45 et 47 du Syllabus. Denzinger-Bannwart, Encliirid’wn, n. 1744, 1745.

Cependant le chef suprême de la société, ne pouvant guère exercer par lui-même son droit de nomination au doctorat, le communique à des personnes, morales ou individuelles, qui deviennent ses déléguées. C’est ainsi que le pouvoir de créer des docteurs est dévolu principalement et d’une manière permanente aux universités. De plus, le droit de nommer des docteurs peut appartenir à certaines personnes particulières, en vertu d’un privilège spécial : tels sont, par privilège du souverain pontife, les comtes palatins, les recteurs de plusieurs collèges, entre autres du collège romain, du collège germanique, du séminaire romain, etc.

Forme.


1. La première condition imposée pour l’obtention du grade de docteur est un examen rigoureux, afin qu’on puisse s’assurer de la science et de l'érudition du candidat ; quant à la procédure même de cet examen, elle est très variable et dépend des règlements de chaque université. L. Magistros, c. De profess.et medic. Cf. Schmalzgrueber, loc. cit., n. 28. — 2.Il faut en outre que la nomination au doctorat soit précédée de la profession de foi récitée par le candidat selon la bulle de Pie IV ; autrement, la collation du grade serait sans effet juridique, ainsi que l’a déclaré la S. C. du Concile, à propos du c.2, Derefurm., sess. XXV, du concile de Trente. Cf. Schmalzgrueber, loc. cit., n. 29. — i. Enfin au moment même de la promotion, les insignes du doctorat, savoir la robe, l’anneau et le bonnet canré, doivent être remis solennellement au candidat, encore que l’usage puisse apporter bien des modifications à ce cérémonial.

Le droit des Décrétâtes mentionne une dernière condition à laquelle doivent veiller ceux qui confèrent le grade de docteur, savoir la gratuité de cette collation ; telle est la portée du décret d’Alexandre III, c. ni, tit. v, l. V, qui blâme énergiquement ceux qui, en France, adoptaient une coutume contraire. (Juanto Gallican a ecclesia majorant persnnarum scientia et honestate prsefulgel et cautius nititur evitare quæ confundere videantur ecclesiasticam lionestalem, tanlo vehenientiori dignos eos esse animadversione ccnsemus qui nonien magistri seholarum et dignitatem assumunlin eeclesiis vestris, et sine eevto prelioecclesiaslieis viris docendi alios licentiam non impendunt. Cependant on ne saurait interpréter cette jurisprudence de façon trop absolue, et à ce principe de gratuité n’est point opposé l’usage d’établir sur les examens pour le doctorat, comme pour les autres grades académiques, une taxe fixe et modérée qui permette de subvenir aux frais de circonstance.

V. Surnoms des docteurs les plus célèbres. — Nous rangerons ces docteurs par ordre chronologique, d’après la date de leur mort.

I" Docteurs en théologie. —

Au xiie siècle :

S. Anselme de Cantorbéry, 1109 : marianus.
Anselme de Laon, 1117 : doclor doclorum.
Guillaume de Cbampeaux, 11 : 22 : columnadoctorum.
Gilbert de Londres, 1134 : universalis.
Ahélard, 1142 : scolas liais.
S. Bernard, 1153 : mellifluus.
Gilbert de la Porrée, 1154 : scolasticus.
Pierre Lombard, 1164 : magister Sententiarum, scolasticus.
Aelred, cistercien, 1160 : mellifluus aller.

Au XIIIe siècle :
Alain de Lille, 1202 : magnas, universalis.
Pierre de Poitiers, 1203 : scolasticus.
S. Jean de Matba, 1213 : eminens.
Haymon deFaversham, 1244 : inter aristotelicos aristotelicissimus.
Alexandre de Halès, 1245 : irrcfragabilis, fonsvitæ, monarcha theologorum.
William Ware, 1270 : fundatus.
S. Thomas d’Aquin, 1274 : communis, angelicus, cherubinus.
S. Bonaventure, 1274 : seraphicus.
Albert le Grand, 1280 : universalis.
Gilbert de Citeaux, 1280 : magnus.
HeDri de Gand, 1293 : solemnis.
Roger Bacon, 1294 : admirabilis (mirabilis).

Au xive siècle :
André de Neufchâteau, 1300 : ingeniosissimus.
William Mackelfield, 1300 : inclytus.
Jean Wallensis, 1300 : ville arbor.
Godefroy des Fontaines, I3C6 : venerandus.
Richard de Mittleton, 1307 : aulhoralus, copiosus, fundatissinins et solidus.
Jacques de Viterbe, 1307 : spécula tiens.
Adam de Marisco, 1308 : illusiris, ou illustratus.
Pierre de Relle-I’erche, 1308 : summus doclorum.
Jean Duns Scot, 1308 : maoointus, subtilis.
Walter Brinkley, 1310 : bonus.
Raymond Lulle, 1315 : illuminatus.
Gilles de Colonne, 1310 : beatus et fundatissimus.
Antoine André, 1320 : dulcifluus.
Pierre Auriol, 1322 : elegans ei facundus.
Hugues de Castro-novo, 1322 : scolasticus.
François de Mayronis, 1327 : doclor abstractionum, aculus et illuminatissimus.
Pierre de Kaiserslautern, 1330 : prseclarus.
Bertrand de la Tour, L334 : famosus.
Durand de Saint-Pourçain, 1334 : resolutUsimus.
Robert de Cownton, vers 1340 : amœnus.
Nicolas de Lyre, 1341 : planus et utilis.
Gui de Perpignan, 1342 : Parisiensis.
François d’Ascoli, 1344 : succinclns.
Jean de Bacon, 1346 : resolutus, princeps averroista, 11111.
Jean de Rassol, 1847 : ordinatissimus, ou ornalissimus.
Guillaume Occam, I317 : invincibilis et singularis.
Gérald Eudo, 1319 : moralis.
Thomas de Bradwardin, 1349 : profundus.
Jean Le Fèvre de Bordeaux, 13."10 : fundantenlalis, subtilis et perspicacissimus.
Landolf Caraccioli, 1351 : collectivus.
Grégoire de Rimini, 1358 : authenticus.
Nicolas Bonnet, 1300 : pacijicus et proficuus (profitabilis).
Jean Tauler, 1361 : illuminatus etsublimis.
Pierre d’Aquilée, 1370 : ornalissimus et sufficiens.
François de Bacon, 1372 : sublimis.
Jean de Ruysbrœk, 1381 : divinus, cestaticus.
Jean Wicliꝟ. 1384 : evangelicus.
Denys le jeune, cistercien : clams et subtilis.
François Picenus : illustrants.
Pierre Thomas : invincibilis.
Pierre de l’Ile : nolabilis.
Pierre de Mantoue : sublilissimus.

Au XVe siècle :
Urbain, 1403 : averroista et philosophiee parons.
Alexandre V, 1 510 : refulgidus.
Jean de Courtecuisse, 1423 : sublimis.
Pierre Alberti, 1420 : famosissimus.
Paul de Venise, 1428 : profundissimus.
Gerson, 1429 : venerabilis et christianissimus.
Thomas Netter ou de Yalden, 1431 iprœstanlissimus.
Nicolas de Cuse, liGi : christiartus.
Denys le Chartreux, 1 17 1 : cestaticus.
Laurent Gervais, 1483 : emporium theologix.
Sixte IV, 1484 : acutissimus.
Jean Wessel, 1489 : doctor’contradictionum.
Gabriel Biel, 1495 : profundissimus.
François de Candie : ferlilis.
Alexandre Alainannicus : illibalus.

Au XVIe siècle :
Antoine Corsetti, 1503 : excellentissimus.
Maurice O’Fiehely, 1513 : //os mundi.
Jean Tissier, vers 1504 : eximius.

Au xviie siècle :
Gabriel VasqueL, 1004 : acutus.
Jean-Alphonse Curiel, 1009 : profundissimus.
François Suarez, 1617 : eximius.
Louis tle Montesinos, 1021 : clarus.
Antoine Perez, 1649 : mirabilis.

Docteurs en droit.


Au XIIe siècle :
Bulgarus, 1 100 : os aureum.

Au xine siècle :
Innocent III, 1216 : pater juris.
Grégoire IX. 1241 : pater Decretalium.
Innocent IV, 125 i : pater et organum veritatis.
Henri de Saxe. 1207-1281 : fons juris utriusque.
Clément IV, 1208 : lumen juris.
Guillaume Durand, 1296 : speculalor.
Irnerius : lumen legum.

Au xive siècle :
Pierre de Belle-Perche, 1308 : pater peritorum.
Walter Burleigh, 1337 : planus ci perspicuus.
Jean André, L348 : fons canonuni.
Barthol de Sessoferrato, 1359 : spéculum juris.
Jean Dondus, 1380 : Aris totelis anima.

Au XVe siècle :
Baldus de Ubaldis, 1400 : lucerna juris.
Barthélémy de Saliceto, 1412 : monarcha juris.
Louis Pontanus, 1439 : memoriosissimus.
Benoit Raymond, L440 -.subtilis.
Thomas Doctius, 1441 : verus.
1509 DOCTEUR DODWELL 1510

Nicolas deTudeschi, 1445 : lucerna juris pontificii.
Philippe Corneo, 1162 : sublilis.
François d’Accoltis, 1485 : princeps subtilitatum.

Au xvi 8 siècle :
Antoine François, 1528 : doctor a doctoribus.

Pour le droit, Leurenins, Forum ecclesiasticum, Venise, 1729, l. V, tit. v, q. cxxv sq. ; Schmalzgrueber, Jus ecclesiasticum universum, Ingolstadt, 1728, l. V, tit. v ; Phïiing, Jus canonicu » i, Dilligen, 1712, l. V, tit. v ; Bockhn, Commentarium injuscanonicum universum, Venise, 1777, l. v, tit. v ; Trombetti, De juribus et privilegiis doctorum ecclesiasticorwm opusculum canonieum, Sorrente, 190, 1.

Pour l’histoire, Crevier, Histoire de l’université de Paris, t. i, p. 26 sq. ; Mourier et Deltour, Notice sur le doctorat es lettres, Paris, 1880 ; Fëret, La faculté de théologie de Paris et ses docteurs les plus célèbres, Paris, 1894, t. I.

E. V. lion.