Dictionnaire de théologie catholique/DIEU (CONNAISSANCE NATURELLE DE). I. Délimitation du sujet

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant et Eugène MangenotLetouzey et Ané (Tome 4.1 : DABILLON - DIEU philosophie modernep. 387).

l. Délimitation du sujet.

Le problème de la connaissance de Dieu, comme il est de tous les problèmes le plus important, est aussi des plus complexes. Essayer d’en écrire ici l’histoire complète serait tenter l’impossible : la seule bibliographie du sujet composerait plusieurs gros volumes. C’est qu’au fond l’histoire de l’idée de Dieu dans l’humanité serait l’histoire de toutes les religions, de toutes les civilisations, de toutes les philosophies. Il faut donc se borner à l’essentiel. D’ailleurs, pour les détails, l’ensemble de ce dictionnaire constitue déjà une mine féconde de renseignements, et il n’est pas douteux que nos collaborateurs continueront à nous donner sur ce point la pensée des auteurs qu’ils étudient.

Pour orienter le lecteur et lui donner la clef du choix auquel nous nous sommes arrêté, rappelons quelques distinctions classiques dont la suite de ce travail donnera tout le sens et fera sentir la valeur.

1° Suivant la nature et le mode d’action des moyens internes et externes qui interviennent dans la connaissance que nous pouvons ici-bas avoir de Dieu, les théologiens distinguent la connaissance naturelle, la connaissance surnaturelle et la connaissance mystique de Dieu. Ils appellent connaissance naturelle de Dieu, celle qui se produit par le moyen objectif des créatures et par les seules lumières de la raison ; la connaissance surnaturelle s’obtient par la révélation proprement dite, à l’aide de la grâce intérieure de la foi ; enfin la connaissance mystique de Dieu est donnée par l’expérience intérieure du divin. Nous ne traiterons ici directement que de la connaissance naturelle de Dieu. Voir, pour la connaissance surnaturelle et mystique, les articles Révélation, Mystère, Trinité, Foi, Vision intuitive, Mystique, Contemplation.

2° On peut poser le problème de la connaissance de Dieu soit par rapport à l’existence, soit par rapport à la nature de la divinité. De là deux questions : que savons-nous de l’existence de Dieu ; que connaissons-nous de la nature divine ? Et chacune de ces questions reçoit une solution différente suivant qu’il s’agit de la connaissance naturelle, de la connaissance surnaturelle ou de la connaissance mystique de Dieu. Nous n’avons ici en vue directement que la connaissance naturelle de l’existence de Dieu. Cependant, comme, d’une part, il est impossible d’affirmer l’existence objective d’un être, si l’on ne saisit intellectuellement rien de sa nature ; comme, d’autre part, la connaissance que nous pouvons naturellement avoir de Dieu est celle d’un Dieu personnel, les deux questions proposées sont pas adéquatement distinctes; et pour traiter de la première comme il convient, nous devrons nécessairement toucher à la seconde, sur laquelle on peut d’ailleurs consulter les articles Agnosticisme, analogie. Attributs divins, Nature de Dieu.

3° On peut étudier la connaissance naturelle que nous avons de l’existence de Dieu, soit à un point de vue purement philosophique, soit à un point de vue purement domatique. Dam ce problème, pour le philosophe, tout se réduit en dernière analyse à la critique des preuves de l’exsistence de Dieu ou à la critique de notre faculté de connaître ; pour le chrétien, tout se ramène a constater, pour y adhérer fermement, ce que la révélation nous enseigne soit sur le fait soit sur la possibilité de la connaissance naturelle de Dieu. Entre l’attitude du philosophe et celle du simple croyant s’intercalent les démarches de l’apologiste et celles du théologien. Le premier prend pour point de départs les données de la raison, ou tous au moins ce que son interlocuteur veut bien admettre pour données, S. Thomas, Sum. theol., Ia, q. i, a. 8, et il s’achemine vers la connaissance naturelle, puis vers la connaissance surnaturelle de Dieu par la foi. Le second s’appuie sur les données intégrales de la révélation et de la doctrine catholique, qui lui servent de principes ; et partant, sinon de la pleine lumière, du moins de la pleine certitude, il tend la main à la spéculation philosophique. Dans le présent article nous envisagerons surtout la face dogmatique du sujet. Dans l’article suivant, Existence de Dieu, nous essaierons de satisfaire moins indirectement aux exigences de la pensée philosophique. Cette distribution a paru nécessaire pour que ces pages fournissent au fidèle, au théologien, au philosophe et à l’apologiste la réponse aux trois questions :
1. Quel est l’objet de ma foi sur la connaissance naturelle de Dieu ?
2. Quelle est la doctrine commune de l’Église sur la connaissance de l’Absolu ?
3. Quelles sont les limites entre lesquelles peut et doit se mouvoir un apologiste catholique et hors desquelles les constructions ou concessions apologétiques cesseraient d’être conciliaires soit avec le dogme, soit avec l’enseignement autorisé dans l’Église ?