Dictionnaire de théologie catholique/CIRCUMINSESSION

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant et Eugène MangenotLetouzey et Ané (Tome 2.2 : CAJETAN - CISTERCIENSp. 609-611).

CIRCUMINSESSION (circumincession, circumcession, circttntpernieatio, permeatio, Ly.-zpv/wprpiç, irspi-/(ôp.ïi<rir, ivJTiaphz). —
I. D’après la sainte Écriture.
II. D’après la tradition primitive.
111. D’après l’intelligence théologique.
IV. Erreur à ce sujet.
V. Autre sens et portée théologique de la circuminsession.

I. D’après la sainte Écriture. —

1° Aux Juifs qui l’entouraient sous le portique de Salomon, un jour de Dédicace, Jésus dit : « Aies brebis, … nul ne les ravira de ma main ; quant à mon Père, ce qu’il m’a donné est plus grand que toutes choses et personne ne peut le ravir de la main de mon Père ; moi et mon Père, nous sommes un ; » et un peu plus loin il leur reproche de le traiter de blasphémateur, parce qu’il a dit : c Je suis le Fils de Dieu ; » et enfin, il invoque ses œuvres, qu’il appelle aussi les « œuvres de mon Père », les « œuvres excellentes » faites « par la vertu de mon Père », pour les amener à le croire quand il dit : < « Mon Père est en moi et moi dans mon Père. » Joa., x, 28-38. Ce passage constitue la source scripturaire la plus formelle de la circuminsession et de ses raisons théologiques. 2° Le Christ affirme d’abord qu’il est un avec son Père, non pas un par la simple communauté de pensentiment ou de volonté, non pas un par

la seule collaboration d’activités liées, mais par une unit/' plus fondamentale et plus intime, l’unité de nature et d’essence qui entraîne l’unité, l’identité de puissance affirmée là aussi par ce fait que personne ne peul ravir ce qui est dans la main iu Fils ou dans la main du Père. En effet, pourquoi personne ne pourra-t-il arracher les brebis de la main du fils ? Parce qu’il est un avec le Père, et que ce qui est dans la main du l’en I i i -oiinc ne le peut enlever. C’est donc bien l’unité de puissance fondée sur l’unité plus haute de nature. El les commentateurs ont raison d’affirmer qu’il v a ici une formule scripturaire de la consubstantialité du Verbe et du l'ère. Cf. Knabenbàuer, lu Joa., x, 29,

Paris, 1808, p. 341. Le Christ va plus loin. Il n’est pas

ment consubstanliel au Père, il est son Fils.

i : la filiation enseignée après la consubstantialité et

prouvée au moyen des miracles. « Vous me dites… Tu

blasphèmes, parce que j’ai dit : Je suis le Fils de hieu.

Si je ne fais pas les œuvres de mon Père, ne me croyi / point, m. lis si je hs fais, quand bien même vous ne voudriez pas me croire, croyez aux œuvres. » Aptes la filiation, il en vienl.i la circuni qui i i la con séquence nécessaire de la consubstantialité et de la filia


tion : « Mon Père est en moi et moi dans mon Père. » 3° Et cette circuminsession, il l’affirme de nouveau dans le sermon après la cène, Joa., xxiv, sous la forme interrogative et par deux fois. S’adressant â Philippe, il lui dit et lui répète : « Ne croyez-vous point que je suis dans le Père et que mon Père est en moi ? » ꝟ. 10, 11, et le contexte éclaire ce phénomène de vie divine. A cause de la circuminsession, parce que le Christ est dans le Père et que le Fère est en lui, Jésus est la voie qui mène au Père. « Personne ne vient à mon Père que par moi, » y. 6. Et en vérité, comment ne pas trouver le Père, quand on trouve le Fils qui est dans le Père et en qui est le Père. Il est la vérité et par lui on connaît le Père : « Si vous m’eussiez connu, vous auriez donc connu mon Père, » ꝟ. 7. Ils sont tellement l’un dans l’autre qu’on ne peut voir l’un sans l’autre. « Philippe, qui me voit, voit aussi mon Père, » ꝟ. 9. Aussi quand Philippe demande à Jésus de lui montrer le Père, Jésus lui répond : « Il y a si longtemps que je suis avec vous et vous ne me connaissez pas ! » ꝟ. 9. Philippe demande à voir le Père et Jésus parle de l’ostension du Fils, et il a raison, car les deux ne sont qu’un. Vous me connaissez, réplique donc justement le Christ, dès lors, « comment dis-tu, toi : Montrez-nous votre Père ? » ꝟ. 9. Enfin le Christ est la vie, la vie active, la vie qui travaille, mais qui, en travaillant, fait les œuvres du Père. De même que le Père est dans le Fils, ainsi il agit en lui et il parle en lui : « Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même. Mais mon Père qui est en moi, fait lui-même les œuvres, » ꝟ. 10. 4° Ces paroles sont pareilles à d’autres que Jésus avait déjà dites dans un fameux discours de la fête de Pâques, où il avait parlé des œuvres que le Père lui avait données à accomplir, Joa., v, 36, et où il avail attesté : « Je ne puis rien l’aire de moi-même », ꝟ. 30 ; cf. viii, 23. En effet, il n’es ! jamais seul, il est dans le Père et le Père est en lui. « Celui qui m’a envoyé est avec moi, et il ne m’a pas laissé seul, parce que moi-même je fais toujours ce qui lui plait. » Joa., viii, 29. 5° L’apôtre saint Paul fait allusion également à la circuminsession de l’Esprit-Saint quand il parle de « ce que Dieu nous a révélé par son Esprit, car l’Esprit pénètre toutes choses, même les profondeurs de Dieu. Qui des hommes sait ce quiest dans l’homme, sinon l’esprit de l’homme qui est en lui ? Ainsi ce qui est en Dieu, personne ne le connaît que l’Esprit de Dieu ». 1 Cor., ii, 10-11. Dieu donc, c’est-à-dire le Père et le Fils sont pénétrés par l’Esprit-Saint, connus de lui et révélés par lui. De même que l’esprit, c’est-à-dire l'âme humaine est unie substantiellement à l’homme el, à cause de cela, connaîl seule les secrets de l’homme, ainsi l’Esprit de Dieu, qui est consuhslanliel au l'ère et au Fils et un seul Dieu avec eux, seul connaît les mystères de Dieu. Cornély, /// / Cor., Paris, 1890, p. 65.

II. D’après la tradition primitive. — Ces différents textes, surtout ceux de saint Jean, bien qu’ils aient parfois servi aux hérétiques, par exemple à l’raxéas et aux monarehiens pour confondre les personnes divines. cf. A. d’Alés, La théologie de Tertullien, c. ii, 4, Paris, 1905, p. 77, fournirent cependant les meilleurs arguments aux Pères pour établir le fail de la présence des trois personnes divines les unes dans les autres. Certes, avant l’hérésie d’Arius et le concile île Nicée, soit parie que les mots n'étaient pas très bien déterminés, ni les notions précisées, soit parce que l’erreur n'était pas encore intervenue, la consubstantialité des trois personnes divines, et leur circuminsession ne sont pas affirmées d’une façon aus>i catégorique que plus tard par les

auteurs ecclésiastiques. Il faut pour cela se rappeler la théorie de la génération temporelle du Verbe ébauchée par saint Justin, reproduite avec des nuances diverses par Tatien et Mien. : ore et qui Irouve formule la plus clain i inl Théophile d’Antioche, par la distinction du /o’o ; £vôl « 9eTOÇ et du) ', , '.x6 ;. Ô30

Cl A. d Al. i ibid., iM Ie Verbe, le

e-t étei ni -i. i.un. hh h i, .1 i- ïXo

Verbe inti ri( m Ce Vi rbe intérii ur qui vit an in de

Dieu, i omroe i’eml i m< re, > a aussi

connu.- celui-ci une U od développi :

en quelque boi te, el i di v< ait le) . Il le devient, il naît par la création. Dieu , i. t en créant ainsi le

monde, il manifeste son Verbe. Celui-ci qui était jus i|i plement le Verbe immanent, le Verbe latent,

devient le Verbe proféré. Ce Verbe proféré n’était jusque-là, il devient dans l acte de la création, celui-ci est comme sa naissance et sa génération, mais il est identique avec le Verbe latent, le Xiyoc fv81â8eToc> En somme, au 11e siècle, les auteurs sont unanimes à professer l’éternité du X6yo « êvSiâ6efoç, son identité avec le Xtfyo ; wpoçoptxdç, la distinction de ce Verbe engendré dans le temps avec le Père. Mais quelle est au juste la condition du Verbe immanent au sein du Père ? Comment est-il dans le Père, comment le Père est-il en lui’.' En un mot, comment se représentent-ils la circuminsession ? La question est difficile à résoudre. Ils paraissent plutôt l’ignorer et n’en parlent pas explicitement. Du reste, la notion de personne n’avait pas alors la clarté qu’elle a prise depuis. Mais, implicitement, ils posent des principes qui appellent la conclusion orthodoxe de l’existence éternelle de la personnedu Verbe, de sa distinction du Père, de sa consubstantialité avec le l’en » et l’Esprit-Saint et de la cômpënétration mutuelle des trois personnes qui vivent l’une dans l’autre. « Si la génération dont ils parlent n’alïecte pas la substance même du Verbe, en d’autres termes, s’il n’y faut voir qu’une évolution accidentelle, on doit logiquement conclure que le Verbe, distinct du Père après cette génération temporelle, était distinct de lui dès le commencement. » A. d’Alès, op. cit., p. 93 ; cf. Schwane, Histoire des dogmes, Période anténicéenne, g 14, trad. Belet-Dégert, Paris, 1903, t. i, p. 106 sq. ; Petau, De Trinitate, piaf, et t. I, Venise, 1757, t. ii, p. 1, lô ; dorn Bernard Maréchal, Concordance des saints Pères, Paris, 1739 ; Newman, Histoire du développement de la doctrine chrétienne, trad. franc., Paris, 1848, c. viii, p. iOO sq. : Franzelin, De Deo trino, th. x sq., Rome, 187’p, p. 145 sq. ; Revue des sciences ecclésiastiques, art. de l’abbé Rambouillet, Les Pères apologistes et le dogme de la Trinité, 1882, t. xi.u. p. 21, 97, et de Mo r Duchesne, Les témoins anténicéens du dogme de la Trinité, ibid., p. 488. Après le concile de Nicée, la doctrine théologique est absolument fixée et sa formule est celle que saint Jean Damascène exprimait en ces quelques mots brefs et explicites : êv -xi’in x ::oci i-<, czàot :

c’.tiv. De fuie orthodoxa, 1. 1, c. VIII, P. G., t. Xi : iv,

col. 329.

III. D’APRKS L’INTELLIGENCE THÉOLOGIQUE. — Quant à

l’intelligence thé-ologïque du dogme, telle que les.mteurs l’exposent aujourd’hui, elle a été donnée, d’après le Maître des Sentences. I. 1, dist. XIX, par saint Thomas, Sum. theol., I a, q. xiiii. a. 5, en trois idées que les théologiens se bornent d’ordinaire à développer. Dans le l’ère et le Fils, dit l’ange de l’École, il faut considérer choses, l’essence, la relation et l’origine, et selon chacune <le ces trois choses, le lés est dans le Père el réciproquement. In Pâtre et Filio tria est considerare :

cet essentiam, et relationeni, et originem, et secundum qttod rum Filius est in l’aire ete con versa. Evidemment les trois mêmes preuves peinent

ii.i prouver la circuminsession par rapport au Saint-Esprit, qui est dansle Père et le Fils et réciproquement. 1° Il > a donc, en premier lieu, l’essence ou la nature, c’.st à-dire que le dogme de la sainte Trinité’envel l’unité de nature en Dieu, la trinitédes personni s. i lement distinctes entre elles, l’identité de chacune de unes avec la nature, et, pai tant, un lait de pré ilmultanéeel mutuelle d nnes, qui

trois identiques une même natun

ntli-lil le,

pent réciproquement tout en restant distinct

d. mla nature tout en étant < lions. La nature i it donc le su

sonne dune-. pi m tr<e j ne d’i Iles, elle est le

théâtre ou elles vivent a troii une même rie, onmême pulsation, une même intel

puissance. < In rencontre parfois des jumeaux qui s it. ni du sein de leur mère avec quelque membre commun. Ce Boni deux fila avant âme et personnalité distin mais la similitude de l’origine, la fraternité, la coi. guinil ! chez i ux se traduit jiar la soudure corporelle qui les fait posséder un membre en commun. La communion corporelle est incomplète, la différence des..mes totale. Mais, par l’esprit, augmentons cette communion, imaginons deux lils d’une même mère, avant m< membres inférieurs, puis confondus encore plus intimement, avant même poitrine et m plus héroïquement l’unité de ces deux fils, qu’ils aient avec même cœur et mi me cerv< au, mêmes jj. volonté- : ce que l’un fait, l’autre l’accomplit, ce que l’un pense, l’autre le comprend, ce que l’un décide l’autre

Ut ; il v a harmonie, quedis-je ? identité complète d’àme, de corps, de pensée, de vie. et cependant, par hvpothèse, ils sont deux, deux personnes, deux frères. Que si vous cherchez où e^t l’un, il est dans la nature humaine tout entière, dans ces membres, dans ce cœur, ce cerveau, cette pensée qui lui appartiennent et sont sa chose ; où est le second’.' dans la même nature, la même âme, la même activité-. Il est bien évident qu’ils s’enveloppent mutuellement, que là où est l’un, là aussi se

e l’autre, il y a circuminsession des deux ( ; qui coexistent et habitent l’un chez l’autre, l’un dans l’autre. Qui voit l’un aperçoit l’autre, qui - i l’un

est entendu de l’autre, qui obtient l’assentiment de l’un est approuvé- par l’autre. L’un est véritablement la voie qui mené à l’autre, la réalité qui le révèle. Cf. S. Athanase, Orat., iii, contra a, tan., n. 3, P. G., t. xxw, col. 527 ; s. Cyrille d’Alexandrie, Thés, assert., xii. P. G., t. i.xw. col. I78 : S. Pulgence, De /ide ad Petrum, c. i, n. i. P. L., t. i xv. cul. 071 : S. Ililaire, De Trinitate, 1. III. n. i. P. L., t. x. col. 78 ; Petau. De Trinitate, 1. IV. c. xvi ; Ruiz, De Trinitate, disp. CVII. sect. v, Lyon. lO-Ji. p. 836 ; Decretum pro javobilis, dans Deiizinger, Enchiridion, n. 596.

2° L’u, igine est l’autre fait qui exige et prouve la circuminsession. Les opérations en Dieu ont une immanence parfaite, la vie divine est même la seule dont les opérations présentent l’immanence totale. Les a vus sont toujours en quelque chose dépendantes du dehors, elles empruntent aux êtres étrang lent au dehors, ou sont conditionnées par d’autres

La vie de Pieu se déroule toute au sein i divinité. Dès lors, le Père, quand il engendre le Fils, lui donne non pas une vie distincte, une nature autre, une substance différente, il l’engendre par la communication de sa propre nature, c’est sur le théâtre de cette nature infinie que se déroule la scène inénarrabl l’enfantement du Verbe. Pieu en se parlant, en se di lui-même à lui-même, produit un Verbe qui

litre chose que sa propre nature. Le verbe né de l’esprit, reste dans l’esprit qui l’a proféré, comme prit reste en lui. Ex mente enim et m mente verbuni

iper, ideoque mens est m verbo… [Ita) Ver’nianet m mente générante et mentent generantem babet tolaliter m se, et oportet simul existere cum Pâtre Filium et cicissim Palrenx cum Filio. Cf. S. Cvrille d’Alexandrie, Dial., iii, Je Trinit., P. G., t. ixxv. col. 707 ; S. Fuis Monim., 1. 111. c. vu. P L,

t. i w. s, / IV Sent., I.I, dist. MX,

q. u. a. !. Cet aspect de la q

tout pourquoi la tradition patristique et théologique a parlé de permealio, de circumpemieatio, de circuminsessio, de’îrepiY_(opr ( <riç, c’est-à-dire d’attraction mystérieuse par laquelle les trois personnes sont portées l’une vers l’autre, vont l’une à l’autre. C’est une sorte de mouvement qui, dans la génération du Fils ou la procession du Saint-Esprit, conduit l’un à l’autre et réciproquement. Petau a fait consister plus particulièrement la circuminsession dans ce mouvement. C’était oublier la parole même de Notre-Seigneur qui n’a pas dit seulement Pater ad Filium, ou apurf Filium ni Filins ad Palrem ou apud Patron, mais Pater in me est et ego in Paire. Il y a donc une réelle présence des personnes qui résident l’une dans l’autre et celle idée est mise en relief surtout par la consubstantialité de nature, et traduite par le mot de circuminsessio.

3° Enfin, les relations elles-mêmes, tout en constituant les personnes et en les distinguant, les rapprochent et appellent la circuminsession. Le Père, parce qu’il est Père, appelle le Fils, il se l’oppose, mais il l’enveloppe, il ne peut être Père si le Fils n’est pas ; un concept entraîne donc l’autre et lui est attaché par un lien analytique essentiel. Pareillement le Fils appelle le Père et ne peut être conçu sans lui. Mais il y a plus que ce rapport logique entre les différents termes des relations. Comme les relations sont intrinsèques à la divinité et qu’elles sont constituées par des actes immanents, les personnes elles-mêmes sont inséparablement unies dans la nature indivisible qu’elles se communiquent réciproquement, lia nobis hoc dignala est ipsa Trinitas evidenter oslendcre, ut eliam in /lis nominibus quibus voluit sigillatim personas agnosci, unani sine allera non perniitlal intelligi ; nec enim Pater absque Filio cognoscitur, nec sine l’aire Filius invenitur. Belaiio q nippe ipsa vocabidi personalis j/ersonas separari vetat, (jims eliam dum non simul nominat, simul insinuât. Aemo auteni audire potest unumquemque istorum nominnm, in quo non intelligere cogatur et alterurn. XIe concile de Tolède, Donzinger, n. 227, 228.

IV. Une erreur a ce sujet, — Certains théologiens, comme Suarez, De Trinitate, t. IV, c. xvi, n. 11-13 ; Ruiz, De Trinitate, disp. CVII, sect. vii, ont pensé devoir établir la circuminsession sur L’immensité divine. Le Père est partout, le Fils est partout, le Saint-Esprit est partout, ils se rencontrent donc toujours et on ne peut citer un point de l’espace réel ou possible où ne se trouvent simultanément ou ne puissent et ne doivent se trouver les trois personnes divines. Files sont dune partout présentes l’une à l’autre, elles coexistent, elles agissent en tout de concert et d’une seule action commune et identique. Certes, il est vrai que la divinité est omniprésente, qu’elle n’est enfermée en aucun lieu et limitée par aucune frontière, que dès lors les personnes divines coexistent partout. Mais outre la confusion que cette théorie introduit entre l’immensité et l’omniprésence divines, il faut remarquer que cet aspect de la circuminsession est très secondaire et ne constitue donc pas primitivement ce concept. Ce qui fonde avant tout la circuminsession, c’est la consubstantialité des trois personnes divines. Ftant consubstantielles, elles se rencontrent et sont présentes l’une à l’autre dans cette nature. Ftant consubstantielles et présentes mutuellement, elles agissent ensemble, créent de concert le monde >(

ace, et coexistent dans 1 ii ensilé. Mais cette

coexistence suppose l’immensité, laquelle suppose l’espace et la création, el la circuminsession est un fait i’inl. antérieure toute création età toute étendue. Iiu reste, s’il fallait entendre la circuminsession a la façon de Suarez el île Ruiz, on devrait l’étendre à loul le créé : car Mien est présent i toutes éludes ; il n’en est aucune qu’il n’enveloppe ei ne pénètre, el toutes choses Boni en lui. /// ipso enim vivimus, nwvetnur et sumus, disait saint Paul à l’Aréopage. Aci.. xvii, 28, cꝟ. 24.

V. Autre sens et portée théologiqtje de la circuminsession. — Notons enfin un sens secondaire de la circuminsession ou Trîpr/uJp^Ti ;, chez les Pères : c’est la présence du Verbe dans l’humanité à laquelle il s’est uni par l’incarnation. L’union hypostalique fait assister l’humanité par le Verbe et la rend présente à celui-ci. C’est une circuminsession particulière au Verbe et nie, dans le temps, du lait de l’incarnation. Elle diffère de l’autre circuminsession par plusieurs cotés. D’abord, la première est propre aux trois personnes divines et marque leur compénétration mutuelle, la. seconde est propre au seul Verbe, à la nature divine considérée comme possédée par le seul Verbe, et marque son rapport avec la nature humaine du Christ ; la première est fondée sur l’unité de nature et accuse la multiplicité des personnes habitant une même nature unique, la seconde est fondée sur l’unité de personne et accuse la multiplicité des natures unies l’une par l’identité, l’autre par l’incarnation au Verbe divin. Enfin la compénétration des personnes, indiquée par la première, diffère grandement de la compénétration de la nature humaine par la nature divine et la personne du Verbe signifiée par la seconde. Les deux sont une arme excellente conlre l’hérésie, puisque la première, en affirmant la consubstantialité des personnes divines, détruit l’arianisme, et, en supposant la distinction des personnes, réfute le sabellianisme ; la seconde, en établissant la circuminsession des deux natures du Christ dans l’unité de la personne, combat du même coup le nestorianisme avec ses deux personnes dans le Sauveur et le monophysitisine avec sa confusion des éléments du Christ en une seule nature. Cf. Franzelin, De Deo trino, th. xvi, p. 225 sq.

Outre les auteurs cités, voir le Maître des Sentences, IV Sent., t. I, dist. MX, P. L., t. CXCII, col. 573 sq. ; S. Bonaventure, In PSent., t. I, dist. XIX, p. i, q. iv, Opéra, 1882, t. la, p. 341 sq. ; Auréolus, In I V Sent., t. I, dist. XIX, p. H, a. 1 ; fiénébrard. De Trinitate, t. II ; Vitasse, De sacrosancta Trinitate, dans le Cursus theol. complétas de Migne, t. viii, p. 602 sq. ; Suicer, Thésaurus ecclesiasticus, Amsterdam, 1728, v Tfi « ;, v, t. ii, col. 1299 sq. ; Jungmann, De Deo uno et trino, c. ii, a. 4, Ratisljonne, 1870, p. 322 ; de Ginoulhiac, Histoire du dogme catholique, t. XV, Paris, 1866, t. iii, p. 516 sq. ; Kleutgen, De ipso Deo. part. I, I. I, q. v, c. il, a. 2, Ratisbonne, 1881, p. 694 ; Pesch, l’i wlectiones dogmatiese, t. ii, De Deo trino, sect. iv, prop. LXXXVI, 1’ribourg-en-Brisgnu, 1895, p. 322 ; Th. de Régnon, Études île théologie positive sur la sainte Trinité, 3’série : Théories grecques des processions divines, Paris, 1898.

A. Chollet.