Dictionnaire de théologie catholique/ANGE. VI. chez les Syriens.

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant et Eugène MangenotLetouzey et Ané (Tome 1.1 : AARON — APOLLINAIREp. 645-648).

1 nople. Le 6 et le 29 septembre, on célèbre l’anniversaire du miracle de saint Michel à Chônes. Voir la littérature du sujet dans la Bibliolhcca hagiographica græca des bollandistes, in-8o, Bruxelles, 1895, p. 93. Saint Gabriel est spécialement fêté le 26 mars et le 13 juillet ; le Il juin, les moines de l’Athos célèbrent la synaxe du même saint Gabriel èv tô> SSeï, en mémoire d’une curieuse apparition de l’archange. Nicodème, op. cit., t. iii, p. 99101 ; Échos d’Orient, t. ii, 1899, p. 227-230. Chose curieuse, saint Raphaël n’a pas de fête spéciale, mais il figure sur les images avec les anges apocryphes Uriel et Jérémiel. Cette dernière particularité m’amène à dire un mot de l’iconographie. Le Guide de la peinture parle peu des anges en général ; mais il revient souvent sur saint Michel. L’archange peut être représenté avertissant Agar, empêchant Abraham d’immoler son fils, apparaissant à Gédéon, annonçant la naissance de Samson, apparaissant à David et tuant 70000 hommes, massacrant les soldats de Sennachérib, consolant les trois enfants, nourrissant Daniel, délivrant Constantinople des Perses, sauvant son église de Chônes. On le représente aussi avec saint Gabriel sauvant un enfant des flots, par allusion à un miracle opéré au mont Athos en faveur d’un enfant que les moines avaient jeté à la mer. Cf. Martinov, op. cit., p. 273. Le Guide de la peinture détermine avec soin les légendes dont les images peuvent être accompagnées, ’Epu.7)vgia tÔ)v ÇtdYpâcpwv, in-8o, Athènes, 1885, passim et surtout § 549, 558, 559. Sur l’iconographie particulière de saint Michel, voir Fr. Wiegand, Der Erzengel Michæl un ter Berûcksichtigung der byzantinischen, allitalischen und romanischen Kunst, in-8o, Stuttgart, 1886.

L’angélulogie grecque est encore à écrire, au moins à partir de Phutius. En dehors des ouvrages cités au cours de l’article, on pourra consulter, sur la doctrine même de Photius, Hergenrôther, Photius, Patriarch von Constantinopel, in-8o, t. iii, Ratisbonne, 1860, p. 431-430 ; ces pages pleines d’érudition forment un des meilleurs chapitres de la théologie positive ; Métrophanes de Smyrne, contemporain de Photius, Éloge des archanges Michel et Gabriel, publié dans 1’'ExxXqffian’xfi’k’i.-ffiii’t, 2’série, t. iv, 1887, p. 386-393 ; Michel Psellus, De omnifaria doctrina et De operalione dsemonum, passint, P. G., t. cxxii ; Nicétas Acominatos <xu" siècle), Éloge des archanges Michel et Gabriel, édit. Possinus, in-8% Toulouse, 1637 ; P. G., t. cxl, col. 1221-1245 ; Macaire Chrysokephalos, Discours sur les neuf chœurs des anges et sur les saints Michel et Gabriel, dans le recueil de ses quatorze discours : A6-<<n Ttavi-, Yuçmo S’, in-4° Cosmopolis (— Vienne), p. 54, 63 ; Manuel Paléologue, Dialogus de angelis et hominibus, P. G., t. clvi, col. 133-148 ; Nicodème, lu-.’/ÇaoïiT^, -, Zante, 1868, t. I, p. 241, note. Les nombreux ouvrages de Nicodème contiennent sur notre sujet une foule d’indications ; voir, par exemple, les tables alphabétiques du Kfjro ; ^afixiuv, in-4° Venise, 1819, et de 1°EoçtoiSç6 ; i.[ov, in-4o, Venise, 1836. Les prédicateurs modernes ont aussi traité le sujet dans leurs discours, mais il y a fort peu à prendre chez eux. Le métropolite de Moscou, Philarète, a pourtant deux sermons qui méritent d’être lus, Choix de sermons et discours, in-8o, t. i, Paris, 1866, p. 441-456. Signalons enfin les nombreux Catéchismes orthodoxes, en particulier celui de D. N. Bernardakis à cause de son caractère officiel, ’lejà xaTvi/_r]<ri ; , in-8° Constantinople, 1876, p. 72-75.

L. Petit.

VI. ANGÉLOLOGIE chez les syriens. — I. Noms des anges. II. Création et nature des anges. III. Opérations et fonctions des anges. IV. Hiérarchie des anges. V. Nombre des anges. VI. Erreurs sur les anges.

I. Noms des anges. — Concurremment aec l’appellation de mal’ak, malcCkà, « envoyé, » « messager, » et son synonyme izgaddd qui se substitue même à l’hébreu mal’dk, les Syriens désignent très fréquemment les anges par le nom de’ïr, « vigilant. » Emprunté à la Peshito : Dan., iv, 10-23, Septante eïp, ce mot se trouve dans la première littérature syriaque, représentée par Aphraate (345), Éphrem (376), la Doctrine d’Addai ({{rom|iv)e -{{rom|v)e siècle), les actes des martyrs de la Perse ({{rom|v)e siècle). C’est tantôt un simple synonyme de niaVâk : cf. Aphraate, Démonstration, v, 3, Patrologia syriaca, t. i, p. 188, 13, et

IV Reg, , xix, 34 ; Bar-Hébrœus, Chronic, 4, et Gen., vi, 2 ; un terme génériqne appliqué à toutes les créatures angéliques, Ephrem, Cont. Marcion., serm. liv, Opéra syr., t. il, p. 556 ; Contr. scrutât., serm. v, t. iii, p. 9 ; tantôt une désignation particulière signifiant une catégorie distincte de celle des séraphins ou des chérubins, Éphrem, Scrutât., serm. iv, t. iii, p. 8 ; ibid., II, i, t. iii, p. 166 ; ou encore, conformément à son étymologie, un être « vigilant », ^p^yopoç, Assémani, Bibliotheca orient., 1. 1, p. 100, un angetutélaire, un protecteur. On lui donne alors pour équivalent nàtûrd, « gardien. » C’est en ce sens que les écrivains ascétiques entendent "trûtâ d-mal’akê, « la vigilance des anges. » Sanclorum vitse, cod. Quatremère, 198. L’idée attachée à ce terme est développée par saint Éphrem, serm. I sur la mort du Christ, t. il, p. 400. Voir Morin, Adnot. 22 in Syrorum ordinationes, De sacris ordinationibus, Paris, 1655, p. 491-495. L’appellation syriaque a été transportée en arménien : Zôwartoun. Grégoire Thaumaturge, Homil. in Nativit., Vitra, Analecta sacra, Spicil. Solesmensi, t. iv, p. 135, 14, et 387.

Dans Jacques de Sarug, ’ïrdésigne spécialement l’ange Gabriel, 224, 11. Voir Of/icium feriale Maronitarum, Rome, 1830, p. 330, 10. Les anges sont aussi appelés rûhânê, « les spirituels ; » smaydnc, « les célestes ; » nùrânê, « les ignés. » Ce dernier terme sera expliqué ciaprès.

IL Création et nature des anges. — Ils furent créés avant les cieux, les quatre éléments et la lumière. Abdiésu, Livre de la Perle, ii, 1, Mai, Scriptorum velerum, t. x b, p. 321. Ils sont incorporels et immatériels. Éphrem, Marcion., serm. xlviii, t. il, p. 546. Leur formation n’est pas due à la matière, mais ils furent, comme les âmes, tirés du néant et créés de rien. Ibid., serm. xlviii, p. 544. La nature des anges est « le feu et l’esprit » ; celle des créatures corporelles est « la terre et l’eau ». Éphrem, Scrutât., serm. xxx, t. iii, p. 53. La liturgie nestorienne des saints apôtres dit de même : « l’Armée des esprits, ministres de feu et d’esprit. » Missale chaldaicum, Rome, 1767, p. 282, Renaudot, Liiurgise orientales, édit. 1861, t. ii, p. 584. Voir aussi la liturgie maronite des présanctifiés. Missel maronite, Beyrouth, 1888, p. 140.

Tous les anges sont de même nature : c’est pourquoi nous les appelons d’un même nom ; ainsi désignons-nous toutes les âmes ou tous les hommes par une appellation générique. Éphrem, Marcion., serm. liv, t. il, p. 556. Le lexicographe syrien Bar-Bahlul, au {{rom|x)e siècle, définit l’ange ( ?) « une [créature] raisonnable, agissant sans organes [corporels], et par là différenciée de l’âme qui agit au moyen des organes du corps ». Dans Payne-Smith, Thésaurus syriacus, 1874.

III. Opérations et fonctions des anges. — 1° Science des anges. — Les anges reçoivent la doctrine et la connaissance de ceux qui sont au-dessus d’eux. Ils la leur demandent et leurs questions restent en rapport avec leur condition. Éphrem, Scrutât., 1. I, serm. v, p. 9. Comparée à la connaissance des hommes, celle des anges, ’îrê, est comme le jour comparé au crépuscule ; mais à côté de la science de l’esprit, celle des anges n’est qu’une faible lueur. Ibid. La science des anges de l’ordre le plus élevé n’atteint pas toute la connaissance de Dieu. Ibid., serm. LI, t. iii, p. 39. Ils ne peuvent supporter l’éclat de la divinité. Scrutât., 1. II, serm. i, t. iii, p. 165 ; Aphraate, Demonstr., xvii, 35, p. 663.

2° Office des anges aupri-s de Dieu. — Leur office consiste à louer Dieu et à le servir. Suivant saint Éphrem, les « vigilants » l’adorent en silence, les séraphins le louent, les chérubins le portent. Éphrem, Scrutât. , 1. I, serm. iv, t. iii, p. 8 ; 1. II, serm. i, p. 166. Ils accomplissent leur ministère en silence. Ibid., 1. 1, serm. ni et iv, p. 5, 8. Le langage des anges spirituels, ’îrê d-rûhd, n’est pas semblable à celui des hommes ; c’est un « silence qui parle ». Ibid., l. I, serm. xi, p. 24, 25. « Dans le ciel… tous les anges s’empressent au service de Dieu : les séraphins proclament sa gloire sainte et volent de leurs ailes légères, portant des vêtements blancs et glorieux. Ils voilent leurs faces devant son éclat, et courent plus rapide que le vent. » Apliraate, Démonstr., xiv, 35, p. 663. « Des myriades et des milliers. .. acclament, sanctifient, exaltent sa grandeur ; vigilants, prêts, rapides à la course, glorieux, beaux, splendides et désirables, ils s’empressent à sanctifier et accomplir son commandement, ils montent et descendent à travers les airs, comme des foudres très rapides. » Démonstr., xviii, 4, p. 827. Je ne sais si Apliraate, converti du paganisme et de la religion des Mages, s’inspire ici d’une tradition quelconque, mais les juifs font usage dans leurs prières liturgiques de formules semblables, et comme l’enseignement des chrétiens de Perse au vie siècle emprunta beaucoup aux écoles juives de Mésopotamie, il semble qu’un rapprochement de lieu et de temps s’impose entre les passages ci-dessus et ce texte de l’office du matin : « Tous ses ministres se tiennent au lieu le plus élevé du monde ; tous d’une seule voix et avec crainte proclament les paroles du Dieu vivant et du roi du monde. Tous sont aimés, tous choisis, tous forts ; tous accomplissent avec crainte et tremblement la volonté de leur créateur. Tous ouvrent leur bouche avec sainteté et pureté ; par leur chant et leur mélodie, ils louent, célèbrent, glorifient, sanctifient et font régner le nom de Dieu, le roi grand, fort et terrible. Il est saint. Et tous reçoivent l’un de l’autre le joug du roi du ciel ; l’un donne à l’autre la puissance de sanctifier leur créateur, d’un cœur tranquille et d’une langue épurée. Tous ensemble chantent le cantique de la sanctification, disant avec crainte : Saint, saint, saint, est le Seigneur des armées ; toute la terre est pleine de sa gloire. » Thepliillim, Rœdelheim, 1875, p. 49, 50. Suivant une ancienne tradition d’origine syrienne, consignée dans les Constitutions apostoliques, l. VII, c. xxxv, le Sanclus est attribué aux séraphins et aux chérubins, et le verset d’Ézéchiel, Ht, 12 : « Bénie soit la gloire du Seigneur du lieu saint où il réside, » aux anges des autres ordres. Les auteurs postérieurs ont amplifié cette donnée. Nous la retrouvons comme il suit dans le Livre des Pères, traité nestorien des hiérarchies céleste et ecclésiastique, Bibliothèque impériale de Berlin, collection Sachau, n. 108, Catalog., p. 360, que nous attribuons à Siméon de Shankelawa, moine nestorien du xiie siècle (voir R. Duval, Littérature syriaque, Paris, 1899, appendice, p. 22, 33) : « Louanges diverses des anges. La louange des premiers, c’est-à-dire des chérubins, des séraphins et des trônes, est celle-ci : Tu es terrible, Dieu Très Haut, dans ton sanctuaire, dans les siècles des siècles. Amen. Bénie soit la gloire du Seigneur dans le lieu où il réside. — Louange des [anges] intermédiaires : Saint, saint, saint est le Seigneur, le Dieu fort. Le ciel et la terre sont pleins de ses louanges. — Louanges des [anges] inférieurs : Gloire à Dieu au plus haut du ciel, paix sur la terre et aux hommes bonne espérance. » (Luc, il, 14.) Voir Le livre des Pires, extrait de La science catholique, mai-juin 1890, p. 11.

3° Manifestations des anges et rôle de ces esprits auprès des hommes. — Beaucoupde Pères syriens admettent dans les théophanies (voir ce mot) de l’Ancien Testament la manifestation de Dieu sous une forme angélique. L’ange qui lutta avec Jacob était le Fils de Dieu. Ephrem, Comment. inGen., Opéra syriac, t.i, p. 181. L’ange qui parla au peuple d’Israël (Jud., il, 2) était peut-être un homme. Ephrem, Comment, in Jud., t. i, p. 309. Au sujet des « (ils de Dieu » qui se joignirent aux tilles des hommes, Gen., vi, 2, les syriens adoptèrent lis ImIiIcs apocr plies qui les représentent comme des anges : voir J.-B. Chabot, Chroniquede Michel leSyrien, Ii IV, Paris, 1899, t. i, p. 7 ; mais l’interprétation plus

saine qui les donne pour les fils de Seth prévaut chez les historiens. Ibid., p. 13.

Les anges sont constitués les gardiens des hommes durant leur vie et des âmes après la séparation du corps. Salomon de Bassora (xme siècle), Livre de l’Abeille, c. v, dans Assémani, Bibliotheca orientalis, t. iii, p. 311 ; cf. Aphraate, v, 22, p. 227 ; liturgie syriaque de saint Basile, Renaudot, t. ii, p. 546. Ils sont de même les gardiens des peuples et des royaumes. Aphraate, iii, 14, p. 131 ; Ephrem, Comment, in Dan., dans Assémani, Bibliotheca orientalis, t. i, p. 71 ; t. iii, p. 93. En ce sens, leprince du royaume des Perses », Dan., x, 13, qui résiste à Michel, « prince du peuple juif, » est, suivant Aphraate, un esprit de l’ordre des bons anges. Démonstr. , ni, 15, p. 134. Intermédiaires entre Dieu et les hommes, ils portent au ciel nos prières, ibid., 14, p. 130, et en font descendre la paix. Démonstr., ix, 4, p. 415. Il faut prier la nuit, à l’heure des trois vigiles canoniques, « car alors les anges visitent l’église. » Testament du Seigneur, I, xxii, Mayence, 1899, p. 31, 33. Les anges interviennent dans les révélations ou autres faveurs divines procurées aux hommes soit d’une manière corporelle et sensible, soit par le moyen des sens extérieurs. Les anges en sont les instruments, et ces sortes de visions se font par leur ministère. Livre des Pères, I, v, 4, p. 11. A la résurrection dernière, ils amèneront les hommes au jugement. Aphraate, vi, 6, 14, p. 267, 295.

IV. Hiérarchie des anges.

Les anciens auteurs syriens énumèrent, d’après l’Écriture, Coloss., 1, 16 ; Ephes., i, 20, différentes catégories d’anges. Outre les chérubins, les séraphins et les vigilants, déjà mentionnés, saint Ephrem nomme les trônes, les dominations, serm. i, De diversis, t. iii, p. 607 ; les archanges, sirmal’akê, les vertus, haxjltânwâlà, les puissances, sultane. Ibid., passim. Aphraate ne connaît que les anges, les vigilants, Démonstr., xx, 11, p. 910, les séraphins, xiv, 35, p. 663, la milice céleste ou les vertus des cieux, d’après Deut., iv, 17 ; Démonstr., xvii, 6, p. 794 ; xxi, 7, p. 951, et les princes, sallitê, préposés à la garde des peuples. Pour lui le Chérub est à part, v, 7, 9, p. 198-203. Il faut citer aussi le Testament du Seigneur, document grec, connu par sa traduction syriaque, qui nous donne, avec les anges, p. 121, 125, les archanges, les dominations, les trônes, les vertus, les chérubins, les séraphins, les phalanges célestes, p. 41, 61, 1231, et cinq autres appellations très particulières, qui ne trouveraient leur analogie que dans des apocryphes grecs : les gloires, ëubhè, les vêtements, IbûSc, les lumières, nûhârê, les joies, hadwâiâ, et les délices, bùsâmê, p. 41, 55. En ajoutant ici les princes, risdnê, p. 123, nous obtenons une nomenclature de treize termes, où manquent les vigilants,’ire, parce que le document n’est pas d’origine syrienne.

A la suite de la tradition juive mentionnée plus haut, les syriens insèrent parfois dans les énumérations angéliques les roues, les yeux et les animaux symboliques d’Ézéchiel, i, 5, 15 ; et ces diverses données, moins peut-être celles du Testament du Seigneur, ont aussi leur place dans les prières et les hymnes liturgiques. Remarquons que les auteurs anciens n’instituent nulle part une énumération hiérarchique complète, et le fait que celle-ci manque en particulier dans les liturgies nestorienncs, aussi bien que dans le canon éthiopien, constitue pour ces documents une note d’antiquité à joindre à celles qu’on relève par ailleurs.

Les écrivains ascétiques postérieurs donnèrent la division des esprits angéliques en neuf ordres et trois hiérarchies, subordonnées l’une à l’autre. L’ordonnance hiérarchique la plus commune chez les syriens, consignée dans le Testament d’Adam, Journal asiatique, 1853, n. 17, Salomon de Bassora, Livre de l’Abeille, c. v, dans Assémani, Bibliotheca orientalis, t. in a, p. 31 1, et le Livre des Pires, I, I, fol. 150 b, p. 8 : chérubins, séraphins, trônes ; dominations, vertus, puissances ; principautés, archanges, anges, est, sauf la transposition des deux premiers ordres des chérubins et des séraphins, l’arrangement de la hiérarchie aréopagitique, De cœlest. hierarch., c. vii, viii, ix, et de saint Jean Damascène, De fuie ortliodoxa, ii, 3. Abdiésu s’en éloigne plus dans l’ordonnance de la seconde hiérarchie, qu’il constitue ainsi : vertus, puissances, dominations. Perle, m, 8, Mai, Vet. script., t. x b, p. 329, 355. De même plusieurs liturgies syriennes : celle de Dioscore, Renaudot, Lilurgise orientales, t. il, p. 491, 192, celle de saint Jacques, Missale syriacum, Rome, 1843, p. 105 ; Missel maronite, Beyrouth, 1888, p. 67, 68, celle dite de Marc, ibid., p. 94, 95. Dans les fragments syriaques des commentaires sur Ézéchiel, attribués à saint Hippolyte et édités jadis sous le nom de saint Éphrem, cette disposition est intervertie, et nous avons : trônes, séraphins, chérubins ; vertus, puissances, dominations ; anges, archanges, principautés. Pitra, Analecla sacra, Spicil. Solesrn., t. iv, p. 42, 311.

Jean de Dara, évêque nestorien du IXe siècle, commentateur de l’Aréopagite, fournit des énumérations variées. On trouve en particulier les trônes placés entre les chérubins et les séraphins. Voir le reste dans Morin. De sacra ordinalione, Paris, 1655, p. 494.

Ces diverses ordonnances des hiérarchies célestes dépendent sans doute des traités aréopagitiques, produits en 533 par les monophysites, traduits du grec en syriaque par Serge de Reshayna, prêtre monophysite (536), et répandus dans la Syrie, où ils furent lus, commentés et défendus. En somme, toute la doctrine aréopagitique se lit dans les auteurs syriens, et l’inlluence s’en manifeste jusque dans certaines explications liturgiques. Ainsi il est dit, dans le rituel de l’ordination syrienne, que le diacre ne fléchit qu’un genou parce qu’il ne possède que le ministère de la purification, mais que le prêtre iléchit les deux genoux parce qu’il purifie et illumine. C’est la doctrine dionysienne, Deeccles. hierar., c. v, alors que le même rite chez les nestoriens est expliqué par l’idée que le prêtre reçoit deux talents et le diacre un seul. Jésuyab, dans Abdiésu, Epitome canonum, VI, i. Mai, Vet. script., t. x a, p. 105. Toutefois, les syriens eux-mêmes se tiennent souvent dans une grande indépendance des données pseudo-dionysiennes et les livres rituels spécialement présentent de la hiérarchie céleste les ordonnances les plus différentes, voire même des énumérations rétrogrades plaçant l’ordre des anges au sommet de la hiérarchie, et celui des séraphins, le plus élevé dans la conception occidentale, au degré inférieur. C’est ainsi que l’ordinal syrien, dans une comparaison du sacerdoce ecclésiastique et des degrés angéliques, comparaison antérieure, vraisemblablement, à celle de Jésuyab, loc. cit., p. 106, et à la traduction des écrits aréopagitiques, présente par deux fois les anges comme les premiers en dignité, les séraphins comme un ordre intermédiaire et les vigilants au dernier rang (ordination du lecteur et du sous-diacre ; voir Morin, op. cit., p. 390, 395) ; et deux fois encore les anges au premier degré, les vigilants au second et les séraphins au troisième seulement (ordination du prêtre et de l’archiprêtre, p. 407, 411). L’assimilation des prêtres et des ascètes aux anges, dont ils imitent la vie ou exercent le ministère, est courante dans la littérature syriaque. Aphraate, vi, 1-6 ; xxii, p. 250, 270, 1026 ; Jacques de Sarug, Actamart., t. il, p. 237, 238 ; Pair, vit., p. 350. Les écrivains l’ont exagérée jusqu’à mettre le prêtre au-dessus de l’ange. L’ordinal nestorien s’exprime dans ce sens. Voir Morin, De sacr. ordin., p. 453.

Les explications très variées fournies par les auteurs sur les fonctions angéliques reposent sur les étymologies <les désignations syriaques des anges. C’est pourquoi, dans la distribution des fonctions et la détermination des

caractères spéciaux à chacun des ordres angéliques, l’enseignement des Orientaux s’éloigne souvent de celui des auteurs grecs. Le Livre des Pères concorde, dans la plupart des détails, avec le Testament d’Adam, et emploie parfois les mêmes termes, par exemple dans la description des deux derniers ordres. La principale différence à signaler est l’attribution faite par le livre gnostique aux dominations de l’office assigné par l’auteur nestorien aux vertus, et réciproquement. « Le chérubin, nous disent ces auteurs, est une intelligence Zaw’d, o mouvement, faculté, » revêtue de lumière qui contemple, Gstopù, ou inspecte tout ce qui fut ou sera, et porte le trône de la divinité. » Ezech., x, 14 ; Dan., ni, 55 ; Ps. lxxix, 2. Cette conception a motivé peut-être le déplacement des deux premiers ordres dans les nomenclatures syriennes. « Cet ordre des chérubins est à la tête de toutes les autres intelligences ; il contemple perpétuellement les ordres placés au-dessous de lui, et il est constitué médiateur entre Dieu et la création. Leur prince est Gabriel, placé sans intermédiaire au-dessous du créateur. » Livre des Pères, I, VI, fol. 155 a, p. 12 ; Salomon de Bassora, Abeille, I, v, dans Assémani, Bibliolheca orienlalis, t. ni a, p. 311. « Le séraphin est une intelligence ignée, qui enflamme du feu de l’amour divin les intelligences inférieures. Ces intelligences de feu ont le pouvoir d’aller et venir dans la fournaise où toutes choses sont façonnées. Ces esprits volent six par six, ainsi que le dit le prophète. (Isaïe, vi, 2 ; Apoc, iv, 8, disent que ces anges ont six ailes, et non qu’ils volent six par six.) Ils se font connaître les uns aux autres les révélations qu’ils reçoivent du créateur et les transmettent aux hommes. — Les trônes, intelligences fermes et immobiles, président, croit-on, aux mouvements de toutes choses dans le ciel et sur la terre et supportent sans fléchir l’effort des tentations qui les assaillent. — Les dominations sont des intelligences royales, préposées au trésor pour distribuer le salaire aux ordres inférieurs. Leur fonction est aussi de contenir l’ordre des démons et d’empêcher que, dans leur malice, ils ne nuisent aux créatures. — Les vertus, intelligences fortes et agiles à la fois, manifestent et inculquent la science à toute créature visible, selon son désir. Ces intelligences sontles ministres des volontés du Seigneur ; elles secourent les empires et les royaumes et procurent les victoires et les défaites suivant la volonté de Dieu. — Les puissances sont de nobles intelligences… elles gouvernent le soleil, la lune et les étoiles. — Les principautés sont préposées au soin des créatures corporelles ; elles en pénètrent à fond les mystères et connaissent la force cachée en elles. Ces intelligences ont le gouvernement de l’élher supérieur, des nuages, des pluies, des vents, des tonnerres et des éclairs. — Les archanges, intelligences agiles et actives, observent ce qui est au-dessous d’eux et font subsister les créatures inférieures, animaux, oiseaux et tout être vivant, excepté l’homme.

— Les anges connaissent de science spirituelle tout ce qui existe au ciel et sur terre. Un ange de cet ordre est commis au soin de chaque homme depuis l’heure de sa création jusqu’à son dernier soupir. » Livre des Pères, loc. cit., fol. 155 a, 156 a, p. 12-13.

V. Nombre des anges.

Les mêmes auteurs déclarent que le nombre des anges de chacun de ces neuf ordres égale le nombre de tous les hommes qui auront existé depuis Adam jusqu’à la résurrection. Salomon de Bassora, Abeille, I, v, dans Assémani, Bibliolheca orientatis, t. m a, p. 311 ; Livre des Pères, fol. 156 b, p. 13. Sévère Bar-Shakako, évëque jacobite du XIIIe siècle, rapporte la création de cent ordres d’anges et les fables de Sataniel. On mentionne aussi chez les syriens, comme chez les coptes, Uriel ou Suriel, avec plusieurs autres noms empruntés aux livres apocryphes et dont la recherche pour le présent ne serait d’aucune utilité. Il est plus intéressant de constater que, dans l’Église copte, saint Michel, fêté le 12 mars, est le protecteur des crues du lleuve. Nilles, Kalendarium manuale, Inspruck, 1898, t. i, p. 697, note 3. Les syriens, comme les grecs célèbrent la commémoration des anges le 8 novembre. Les arméniens la célèbrent aussi à la même époque de 1 année, c’est-à-dire le samedi après le VIIIe dimanche de l’Exaltation de la Croix. Ibid., t. i, p. 463 ; t II, p. 619. Les nestoriens, qui mentionnent fréquemment les anges dans leurs offices, ne leur ont pas dédié, semble-t-il, de fête particulière.

VI. Erreurs sur les anges.

L’erreur commune des nestoriens est que les anges ne jouissent pas de la vue de Dieu, et que la béatitude, pour eux connue pour les hommes, ne doit consister que dans la contemplation de l’humanité du Christ. « L’incessant désir des êtres raisonnables est d’approcher du créateur ; mais ni dans ce inonde ni dans l’autre il n’est donné à la créature de voirson auteur qui habite dans la lumière, et toutefois reste invisible aux anges de lumière eux-mêmes. Mais dès qu’ils en sont jugés dignes, les saints anges et les hommes purs et justes dès ce monde contemplent Notre-Seigneurà visage ouvert ; ils jouiront de son amour dans le siècle futur, lorsque toutes les créatures, raisonnables, corporelles et incorporelles, y seront réunies dans la perfection. » Livre des Pères, I, v, 3, fol. 152, p. 10. Voir Assémani, Disscrlalio de Syris Nestorianis, dans Bibliot/teca orienlalis, t. m b, p. ccxxxii, ccxxxiv. Voir aussi les fragments arméniens de Grégoire le Thaumaturge : Louange de la Mère de Dieu, dans Pitra, Analecta sacra, Spicil. Solesm., t. iv, p. 159, 406.

Les écrivains nestoriens expriment un autre sentiment, en corrélation avec l’idée de la privation de la vision divine ; c’est que les anges d’ordres inférieurs ne jouissent pas continuellement de la vue des chérubins, qui sont les plus élevés. Livre des Pères, I, vi, fol. 156 b, p. 13. J. Parisot.

VII. ANGÉLOLOGIE dans l’Église arménienne. —

1° Saint Grégoire Illuminaient-, apôtre de l’Arménie ({ 332), dans sa Doctrine conservée par Agathange, auteur contemporain, dans son Histoire, Venise, 1862, dit des anges : 1° « Dieu créa de la terre les corps terrestres, et de la lumière les anges, en les ornant d’une lumière splendide, » c. xxxvi ; 2° « Ils habitent dans les airs supérieurs, au-dessus du firmament des eaux, » c. xxiv ; 3° « Ce sont des êtres doués d’intelligence et de raison : et par l’office de leur ministère, ils sont chargés de transmettre aux hommes les ordres de la majesté de Dieu, » c. xxxi. — Voir aussi Garabed Toumaian, Agalltangelos et la doctrine de V Église arménienne au v siècle, Lausanne, 1879, p. 118-129.

2° Eznïg de Golp, évéque de Pakrévante, auteur classique de la première moitié du Ve siècle, a composé un immortel écrit philosophique sur la Réfutation des sectes. Il y explique ainsi la nature des anges (nous reproduisons avec des retouches la traduction de Le Vaillant de Elorival, Paris, 1853) : 1. « Il faut savoir que les anges… sont incorporels, car il est dit d’eux : Il a fuit scs anges esprits, et ses ministres des flammes de feu. Ilebr., i, 7. Or l’Écriture les appelle esprits, à cause de leur vélocité : comme si elle disait qu’ils sont plus légers que les vents ; car pour dire esprit et vent, on emploie le même mot en hébreu, en grec, en syriaque et aussi en arménien. Ils sont appelés encore des êtres enflammés, à cause de leur impétuosité : aussi est-il écrit d’eux, qu’ils sont puissa71ts et remplis de force pour faire sa volonté. Ps. en, 20. Ce n’est pas toutefois qu’ils soient de la nature du vent et du (eu ; car s’ils étaient de celle nature, ils seraient conséquemment appelés corporels et non pas incorporels… Leur nature est donc au-dessus du vent et du feu, plus déliée el plus véloce que l’intelligence. » L. I, c.xxin. — 2. E/nig de Golp en tire ensuite celle conséquence : « Puisque

les anges… sont incorporels, par cela même ils sont sans générations ni lignée. » Ibid., c. xxiv. « Les anges… ne reçoivent ni accroissement par naissance, ni diminution par mort ; mais comme ils ont été créés et institués, de même aussi ils restent en même nombre sans accroissement et sans diminution. » Ibid., c. xxv. — 3. En parlant des apparitions des anges aux patriarches, il dit : « Le Fils de Dieu, venant près d’Abraham avec deux anges, daignait manger dans sa tente. » Ibid., c. XXIII.

— 4. La doctrine des anges gardiens est clairement exposée. « Nous savons, dit Eznig, d’après les saintes Écritures, que les anges sont des serviteurs (arpangag) qui viennent au secours des hommes, des nations et des royaumes, selon ces paroles, Deut., xxxii, 8 : lia marqué les limites des peuples selon le nombre des anges de Dieu (la version arménienne faite sur les Septante porte : selon le nombre des enfants de Dieu ; tandis que la Vulgate lit ici : fdiorum Israël). De même aussi Jésus-Christ dit dans l’Évangile : JVe méprisez pas un des petits, car leurs anges voient toujours la face de mon Père qui est dans les deux. Matth., xviii, 10. Il parait donc qu’à chaque homme en particulier est attaché un ange gardien ; quoique d’autres aient cru, que ces paroles ont été dites par Notre-Seigneur au sujet de la prière : comme si les prières des hommes qui remontent sans cesse devant Dieu, étaient appelées anges. » Ibid., c. xxvi. — 5. En parlant de la vie que possèdent les anges, il dit : « C’est de la plus grande impiété de regarder la vie de l’essence de Dieu comme appartenant à tous les êtres spirituels… et de n’admettre point plutôt une vie créée dans les anges. » L. III, c. vi.

— 6, Il compare les vierges de la sainte Église aux esprits célestes, car « elles renoncent aux bonnes créatures de Dieu, pour aimer davantage le Seigneur : afin que, en ressemblant aux anges de Dieu, chez qui il n’y a ni mâle ni femelle, elles montrent aussi sur la terre la même vertu ». L. IV, c. xill. — 7. Il dit relativement aux astres lumineux, que « quelques-uns ont supposé que les anges les dirigent ». L. III, c. vu.

3 » Saint Nersès le Gracieux, patriarche de l’Arménie (1102-1173), dans le sermon prononcé le jour de son élection parle ainsi des anges : « Les esprits incorporels ayant hérité l’état béatifique, l’immortalité et l’impassibilité, ont gardé immuablement, depuis leur origine, la possession de la gloire et l’honneur ; car les dominations, les puissances, les principautés et les autres ordres hiérarchiques n’ont point permuté les uns avec les autres, en s’élevant plus haut d’un grade inférieur ; ils ne subiront jamais de changement dans ce qu’ils possèdent : mais toujours, durant toute l’éternité, ils conservent ce qu’ils ont reçu du créateur au commencement de leur existence. » Voir Sancti Nersetis Clajensis opéra, Venise, 1833, t. ii, p. 198.

Inutile d’ajouter, enfin, que l’Église arménienne, tant dans la liturgie de la messe que dans le bréviaire, invoque, les saints anges. J. Miskgian.

VIII. ANGÉLOLOGIE parmi les averroïstes latins.

— I. Doctrine d’Averroès sur les intelligences séparées. IL Angélologie des averroïstes latins au xine siècle. III. Angélologie des averroïstes latins au xive siècle.

I. Doctrine d’Averroès sur les intelligences séparées. — Les doctrines d’Averroès avaient déjà pénétré dans le monde latin dès la première moitié du XIIIe siècle, avec ses commentaires sur Aristote. Averroès affirmait la communauté d’un même intellect agent pour tous les hommes, à qui il refusait par suite l’immortalité personnelle et la liberté. Il admettait aussi l’éternité du monde et niait que la providence de Dieu s’y exerçât autrement que par des lois fatales et des intelligences intermédiaires agissant sans liberté. Ces intelligences séparées de la matière répondent dans son système aux anges des théologiens. Elles forment entre elles une échelle