Dictionnaire de la Bible/Encyclique de Léon XIII "Providentissimus Deus" sur l'étude de la Sainte Ecriture

Dictionnaire de la Bible
Letouzey et Ané (Volume Ip. vii-xxxvi).
SANCTISSIMI DOMINI NOSTRI LEONIS DIVINA PROVIDENTIA PAPÆ XIII

LITTERÆ ENCYCLICÆ

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DE STUDIIS SCRIPTURÆ SACRÆ[1]

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VENERABILIBUS FRATRIBUS

PATRIARCHIS, PRIMATIBUS, ARCHIEPISCOPIS ET EPISCOPIS UNIVERSIS CATHOLICI ORBIS

GRATIAM ET COMMUNIONEM CUM APOSTOLICA SEDE HABENTIBUS

LEO PP. XIII

VENERABILES FRATRES

SALUTEM ET APOSTOLICAM BENEDICTIONEM

Providentissimus Deus, qui humanum genus, admirabili caritatis consilio, ad consortium naturæ divinæ principio evexit, dein a communi labe exitioque eductum, in pristinam dignitatem restituit, hoc eidem propterea contulit singulare præsidium,

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LETTRE ENCYCLIQUE

DE NOTRE TRÈS SAINT PÈRE LÉON XIII PAPE PAR LA DIVINE PROVIDENCE

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DE L’ÉTUDE DE LA SAINTE ÉCRITURE

à tous nos vénérables frères

les patriarches, primats, archevêques, évêques du monde catholique

en grâce et communion avec le siège apostolique

LÉON XIII, PAPE

VÉNÉRABLES FRÈRES

SALUT ET BÉNÉDICTION APOSTOLIQUE

Dieu, qui dans sa Providence a, par un admirable dessein d’amour, élevé dès le commencement le genre humain à la participation de la nature divine , et qui , le délivrant ensuite de la tâche commune et l’arrachant à sa perte, l’a rétabli dans sa première dignité, lui a donné à cette fin un précieux secours, en lui ut arcana divinitatis, sapientiæ misericordiæ suæ supernaturali via patefaceret. Licet enim in divina revelatione res quoque comprehendantur quæ humanæ rationi inaccessæ non sunt, ideo hominibus revelatæ, ut ab omnibus expedite, firma certitudine et nullo admixto errore cognosci possint, non hac tamen de causa revelatio absolute necessaria dicenda est, sed quia Deus ex infinita bonitate sua ordinavit hominem ad finem supernaturalem[2]. Quæ supernaturalis revelatio, secundum universalis Ecclesiæ fidem, continetur tum in sine scripto traditionïbus, tum etiam in libris scriptis, qui appellantur sacri et canonici, eo quod Spiritu Sancto inspirante conscripti, Deum habent auctorem, atque ut tales ipsi Ecclesiæ traditi sunt[3]. Hoc sane de utriusque Testamenti Libris perpetuo tenuit palamque professa est Ecclesia : eaque cognita sunt gravissima veterum documenta, quibus enuntiatur, Deum, prius per prophetas, deinde per seipsum, postea per apostolos locutum, etiam Scripturam condidisse, quæ canonica nominatur[4], eamdemque esse oracula et eloquia divina[5], litteras esse, humano generi longe a patria peregrinanti a Pâtre cælesti datas et per auctores sacros transmissas[6]. Jam, tanta quum sit præstantia et dignitas Scripturarum, ut Deo ipso auctore confectæ altissima ejusdem mysteria, consilia, opera complectantur, illud consequitur, eam quoque partem sacræ theologiæ quæ in eisdem divinis Libris tuendis interpretandisque versatur, excellentiæ et utilitatis esse quam maximæ.

Nos igitur, quemadmodum alia quædam disciplinarum genera, quippe quæ ad incrementa divinæ gloriæ humanæque salutis valere plurimum posse viderentur, crebris epistolis et cohortationibus provehenda, non sine fructu, Deo adjutore, curavimus, ita nobilissimum hoc sacrarum Litterarum studium excitare et commendare,


découvrant, par une voie surnaturelle, les secrets de sa divinité, de sa sagesse et de sa miséricorde. Car, bien que la divine révélation comprenne aussi des vérités qui ne sont pas inaccessibles à la raison humaine et qui ont été révélées aux hommes, afin qu’elles pussent être connues de tous facilement, en toute certitude et sans aucun mélange d’erreur, ce n’est pourtant pas de ce chef que la révélation doit être dite absolument nécessaire, mais parce que Dieu, dans son infinie bonté, a destiné l’homme à une fin surnaturelle. Cette révélation surnaturelle, selon la foi de l’Église universelle, est contenue, soit dans les traditions non écrites, soit aussi dans les livres écrits que l’on appelle saints et canoniques, parce qu’écrits sous l’inspiration de l’Esprit-Saint, ils ont Dieu pour auteur et ont été transmis comme tels à l’Église elle-même.

Telle est la doctrine que l’Église n’a cessé de tenir et de professer publiquement au sujet des livres des deux Testaments ; et c’est l’enseignement bien connu de l’antiquité chrétienne que Dieu, ayant parlé par les prophètes d’abord, ensuite par lui-même, enfin par les apôtres, nous a donné aussi l’Écriture qu’on, appelle canonique, et que, dans cette Écriture, il nous faut voir des oracles et des discours divins, une lettre adressée par le Père céleste et transmise par les auteurs sacrés au genre humain voyageant loin de la patrie.

Si telle est l’excellence et la dignité des Écritures, qu’ayant pour auteur Dieu lui-même, elles contiennent ses mystères, ses desseins, ses œuvres les plus augustes, il s’ensuit que la partie aussi de la théologie sacrée qui a pour objet la défense ou l’interprétation des mêmes divins Livres, est d’une excellence et d’une utilité souveraines.

Aussi, après Nous être appliqué, avec le secours de Dieu et non sans succès, à favoriser, par de nombreuses lettres et allocutions, le progrès de diverses sciences qui nous paraissaient intéresser davantage la gloire divine et le salut des hommes, voilà déjà longtemps que Nous songions à faire de cette noble étude des Saintes Lettres l’objet de Nos exhortations et de Nos encouragements, en lui donnant, en même temps, atque etiam ad temporum nécessitates congruentius dirigere jamdiu apud Nos cogitamus. Movemur nempe ac prope impellimur sollicitudine Apostolici muneris, non modo ut hunc præclarum catholicæ revelationis fontem tutius atque uberius ad utilitatem dominici gregis patere velimus, verum etiam ut eumdem ne patiamur ulla in parte violari, ab iis qui in Scripturam sanctam, sive impio ausu invehuntur aperte, sive nova quædam fallaciter imprudenterve moliuntur.

Non sumus equidem nescii, Venerabiles Fratres, haud paucos esse e catholicis, viros ingenio doctrinisque abundantes, qui ferantur alacres ad divinorum Librorum vel defensionem agendam vel cognitionem et intelligentiam parandam ampliorem. At vero, qui eorum operam atque fructus merito collaudamus, facere tamen non possumus quin ceteros etiam, quorum sollertia et doctrina et pietas optime hac in re pollicentur, ad eamdem sancti propositi laudem vehementer hortemur. Optamus nimirum et cupimus, ut plures patrocinium divinarum Litterarum rite suscipiant teneantque constanter ; utque illi potissime, quos divina gratia in sacrum ordinem vocavit, majorem in dies diligentiam industriamque iisdem legendis, meditandis, explanandis, quod aequissimum est, impendant.

Hoc enimvero studium cur tantopere commendandum videatur, præter ipsius præstantiam atque obsequium verbo Dei debitum, præcipua causa inest in multiplici utilitatum génère, quas inde novimus manaturas, sponsore certissimo Spiritu Sancto : Omnis Scriptura divinitus inspirata, utilis est ad docendum, ad arguendum, ad corripiendum, ad erudiendum in justitia, ut perfectus sit homo Dei, ad omne opus bonum instructus[7]. Tali sane consilio Scripturas a Deo esse datas hominibus, exempla ostendunt Christi Domini et Apostolorum. Ipse enim qui « miraculis conciliavit auctoritatem, auctoritate meruit fidem, fide contraxit multitudinem[8] », ad


une direction mieux appropriée aux nécessités des temps. Nous sentons, en effet, la sollicitude de Notre charge apostolique qui Nous engage, et en quelque sorte Nous pousse, non seulement à vouloir que cette précieuse source de révélation catholique s’ouvre plus sûrement et plus largement pour l’utilité du troupeau du Seigneur, mais encore à ne pas souffrir qu’elle soit altérée en aucune de ses parties, soit par ceux dont l’audace impie s’attaque ouvertement à la Sainte Écriture, soit par ceux qui introduisent dans son étude des nouveautés erronées ou imprudentes.

Certes, nous n’ignorons pas, Vénérables Frères, qu’il y a beaucoup de catholiques, éminents par l’esprit et le savoir, qui se consacrent avec ardeur, soit à défendre les Livres Saints, soit à en développer la connaissance et l’intelligence. Mais, tout en louant à bon droit leurs travaux et les résultats qu’ils obtiennent, Nous ne pouvons pourtant Nous dispenser d’adresser à tous ceux aussi dont le talent, la doctrine et la piété donneraient à cet égard de si belles espérances, l’exhortation pressante de s’appliquer à une si glorieuse tâche. Oui, c’est Notre vœu et Notre désir, de voir s’augmenter le nombre de ceux qui entreprennent comme il convient et soutiennent avec constance la cause des Saintes Lettres ; mais ce sont particulièrement ceux que la grâce divine a appelés dans les ordres sacrés que Nous voudrions voir apporter, comme il est bien naturel, à la lecture, à la méditation et à l’explication de ces Livres, un soin et un zèle de jour en jour plus grands.

Ce qui rend cette étude digne à ce point de recommandation, c’est principalement, outre son excellence et le respect dû à la parole de Dieu, la multiplicité des avantages qui en découlent et dont nous avons pour gage assuré le témoignage de l’Esprit-Saint : Toute l'Écriture, divinement inspirée, est utile pour instruire, pour convaincre, pour reprendre, pour façonner à la justice, afin que l’homme de Dieu soit parfait, armé pour toute bonne œuvre. C’est dans ce dessein que Dieu a donné aux hommes les Écritures ; les exemples de Notre-Seigneur Jésus-Christ et des Apôtres le montrent. Celui-là même, en effet, qui, « par sacras Litteras, in divinæ suæ legationis munere, appellare consuevit : nam per occasionem ex ipsis etiam sese a Deo missum Deumque déclarat ; ex ipsis argumenta petit ad discipulos erudiendos, ad doctrinam confirmandam suam ; earumdem testimonia et a calumniis vindicat obtrectantium, et Sadducæis ac Pharisæis ad coarguendum opponit, in ipsumque Satanam, impudentius sollicitantem, retorquet ; easdemque sub ipsum vitæ exitum usurpavit, explanavitque discipulis redivivus, usque dum ad Patris gloriam ascendit.

Ejus autem voce præceptisque Apostoli conformati, tametsi dabat ipse signa et prodigia fieri per manus eorum[9], magnam tamen efficacitatem ex divinis traxerunt Libris, ut christianam sapientiam late gentibus persuadèrent, ut Judæorum pervicaciam frangèrent, ut hæreses comprimerent erumpentes. Id apertum ex ipsorum concionibus, in primis Beati Petri, quas, in argumentum firmissimum præscriptionis novæ dictis Veteris Testamenti fere contexuerunt ; idque ipsum patet ex Matthæi et Joannis Evangeliis atque ex Catholicis, quae vocantur, epistolis ; luculentissime vero ex ejus testimonio qui « ad pedes Gamalielis Legem Moysi et Prophetas se didicisse gloriatur, ut armatus spiritualibus telis postea diceret confidenter : Arma militias nostræ non carnalia sunt, sed potentia Deo[10] ».

Per exempla igitur Christi Domini et Apostolorum omnes intelligant, tirones præsertim militiae sacræ quanti faciendae sint divinae Litteræ et quo ipsi studio, qua religione ad idem veluti armamentarium accedere debeant. Nam catholicaa veritatis doctrinam qui habeant apud doctos vel indoctos tractandam, nulla uspiam de Deo, suramo et perfectissimo bono, deque operibus gloriam caritatemque ipsius prodentibus, suppetet eis vel cumulatior copia vel amplior prædicatio. De Servatore autem humani generis nihil uberius expressiusve quam ea, quae in universo habentur Biblio


ses miracles acquit l’autorité, par l’autorité mérita la foi et par la foi gagna la multitude », avait coutume, dans l’exercice de sa mission divine, d’en appeler aux Saintes Ecritures : c’est par elles qu’il montre, à l’occasion, qu’il est envoyé de Dieu et Dieu lui-même ; c’est à elles qu’il emprunte des arguments pour instruire ses disciples et appuyer sa doctrine ; c’est leur témoignage qu’il invoque contré les calomnies de ses adversaires, qu’il oppose en réponse aux Sadducéens et aux Pharisiens, et qu’il retourne contre Satan lui-même et contre l’impudence de ses sollicitations ; c’est encore à elles qu’il recourt à la fin de sa vie, les expliquant à ses disciples après sa résurrection, jusqu’au jour où il monte dans la gloire de son Père.

Les Apôtres se sont conformés à la parole et aux préceptes du Maître, et quoiqu’il leur eût donné le pouvoir de faire des prodiges et des miracles par leurs mains, ils ont tiré des Livres divins un puissant moyen d’action pour répandre au loin parmi les nations la sagesse chrétienne, pour briser l’obstination des Juifs, et pour étouffer les hérésies naissantes. C’est ce qui ressort de leurs discours et, en première ligne, de ceux de saint Pierre, discours composés presque entièrement des paroles de l’Ancien Testament comme étant l’appui le plus ferme de la loi nouvelle ; c’est ce qui ressort aussi des Évangiles de saint Matthieu et de saint Jean, et des Épîtres appelées Catholiques, et plus évidemment encore du témoignage de celui qui « se glorifie d’avoir appris aux pieds de Gamaliel la loi de Moïse et les prophètes, et de s’y être muni des armes spirituelles qui lui donnaient ensuite la confiance de dire : Les armes de notre milice ne sont pas des armes charnelles, mais elles tiennent leur puissance de Dieu ».

Par ces exemples de Notre-Seigneur Jésus-Christ et des Apôtres, que tous, mais surtout les jeunes soldats de la milice sacrée, comprennent bien quelle estime ils doivent avoir pour les Livres Saints, avec quel amour et quelle religion ils doivent y recourir comme à un arsenal. Nulle part, en effet, ceux qui ont à exposer, aux savants comme aux ignorants, la doctrine de la vérité catholique, ne trouveront, sur Dieu, le bien suprême et souverainement parfait, et sur les œuvres qui nous révèlent sa gloire et sa bonté, une matière plus riche et de plus amples enseignements. Quant au Sauveur du genre humain, quoi de plus rum contextu : recteque affirmavit Hieronymus, « ignorationem Scripturarum esse ignorationem Christi[11] » : ab illis nimirum exstat, veluti viva et spirans, imago ejus, ex qua levatio malorum, cohortatio virtutum, amoris divini invitatio mirifice prorsus diffunditur. Ad Ecclesiam vero quod attinet, institutio, natura, munera, chàrismata ejus tam crebra ibidem mentione occurrunt, tam multa pro ea tamque firma prompta sunt argumenta, idem ut Hieronymus verissime edixerit : « Qui sacrarum Scripturarum testimoniis roboratus est, is est propugnaculum Ecclesiæ[12]. » Quod si de vitæ morumque conformatione et disciplina quæratur, larga indidem et optima subsidia habituri sunt viri apostolici : plena sanctitatis præscripta, suavitate et vi condita hortamenta, exempla in omni virtutum genere insignia ; gravissima accedit, ipsius Dei nomine et verbis, præmiorum in æternitatem promissio, denunciatio pœnarum.

Atque hæc propria et singularis Scripturarum virtus, a divino afflatu Spiritus Sancti profecta, ea est quæ oratori sacro auctoritatem addit, apostolicam præbet dicendi libertatem, nervosam victricemque tribuit eloquentiam. Quisquis enim divini verbi spiritum et robur eloquendo refert, ille non loquitur in sermone tantum, sed et in virtute et in Spiritu Sancto et in plenitudine multa[13]. Quamobrem ii dicendi sunt præpostere improvideque facere, qui ita conciones de religione habent et præcepta divina enuntiant, nihil ut fere afferant nisi humanae scientiae et prudentiae verba, suis magis argumentis quam divinis innixi. Istorum scilicet orationem, quantumvis nitentem luminibus, languescere et frigere necesse est, utpote quæ igne careat sermonis Dei[14], eamdemque longe abesse ab illa, qua divinus sermo pollet virtute : Vivus est enim sermo Dei et efficax et penetrabilior omni gladio ancipiti, et pertingens usque ad divisionem animæ ac spiritus[15]. Quamquam, hoc etiam prudentioribus


fécond et de plus expressif que ce que nous présente le tissu de la Bible entière, et n’est-ce pas à bon droit que saint Jérôme a pu dire que « ignorer les Ecritures, c'était ignorer le Christ » ? C’est de ces Ecritures, en effet, que nous voyons ressortir son image, vivante en quelque sorte et animée, et dont le rayonnement porte au loin d’une façon merveilleuse le soulagement dans le malheur, l’exhortation aux vertus et les invitations de l’amour divin. En ce qui concerne l’Église, si fréquente s’y voit la mention de son institution, de sa nature, de sa mission, de ses dons ; si nombreux et si forts s’y produisent les arguments en sa faveur, que le même saint Jérôme a pu dire en toute vérité : « Quiconque a été fortifié par les témoignages des Écritures, celui-là est le rempart de l'Église. » Que si l’on cherche des règles pour la formation de la vie et des mœurs, c’est encore là que les hommes apostoliques trouveront les secours les plus abondants et les plus puissants : prescriptions pleines de sainteté, exhortations empreintes à la fois de douceur et de force, exemples remarquables de toutes sortes de vertus ; et à tout cela se joignant, au nom de Dieu lui-même et sur sa propre parole, la promesse des récompenses et la menace des peines éternelles.

C’est cette vertu propre et singulière des Écritures, provenant du souffle divin du Saint-Esprit, c’est elle qui donne l’autorité à l’orateur sacré, inspire la liberté apostolique de sa parole et communique à son éloquence le nerf de l’efficacité. Celui, en effet, qui porte dans son discours l’esprit et la force de la parole divine, celui-là ne parle pas seulement en discours, mais en puissance, et par l’Esprit-Saint, en toute plénitude. Aussi doivent-ils être regardés comme bien inconsidérés et mal inspirés, les prédicateurs qui, ayant à parler de la religion et des préceptes divins, n’apportent presque rien que les paroles de la science et de la prudence humaine et s’appuient sur leurs propres arguments plus que sur les arguments divins. En effet, quelque brillante que soit l'éloquence de tels orateurs, elle est nécessairement languissante et froide, étant privée du feu de la parole de Dieu, et elle est bien loin de cette puissance que possède la parole divine : car la parole de Dieu est vivante, elle est efficace et pénétrante plus qu’aucun glaive à deux tranchants, pénétrant jusqu'à la division de l'âme et de l’esprit. D’ailleurs, et les plus habiles assentiendum est, inesse in sacris Litteris mire variam et uberem magnisque dignam rebus eloquentiam : id quod Augustinus pervidit diserteque arguit[16], atque res ipsa confirmat præstantissimorum in oratoribus sacris, qui nomen suum assidua ? Bibliorum consuetudini piæque meditationi se præcipue debere, grati Deo affirmarunt.

Quae omnia SS. Patres cognitione et usu quum exploratissima haberent, nunquam cessarunt in divinis Litteris earumque friictibus collaudandis. Eas enimvero crebris locis appellant vel thesaurum locupletissimum doctrinarum cælestium[17], vel perennes fontes salutis[18], vel ita proponunt quasi prata fertjlia et amœnissimos hortos, in quibus grex dominicus admirabili modo reliciatur et delectetur[19]. Apte cadunt illa S. Hieronymi ad Nepotianum clericum : « Divinas Scripturas sæpius lege, imo nunquam de manibus tuis sacra lectio deponatur ; disce quod doceas : … sermo presbyteri Scripturarum lectione conditus sit[20] ; » convenitque sententia S. Gregorii Magni, quo nemo sapientius pastorum Ecclesiae descripsit munera : « Necesse est, inquit, ut qui ad officium praédicationis excubant, a sacrai lectionis studio non recedant[21]. »

Hic tamen libet Augustinum admonentem inducere, « Verbi Dei inanem esse forinsecus prædicatorem, qui non sit intus auditor[22], » eumque ipsum Gregorium sacris concionatoribus præcipientem, « ut in divinis sermonibus, priusquam aliis eos proférant, semetipsos requirant, ne insequentes aliorum facta se deserant[23]. » Sed hoc jam, ab exemplo et documente Christi, qui cœpit facere et docere, vox apostolica late præmonuerat, non unum allocuta Timotheum, sed omnem clericorum ordinem,


eux-mêmes doivent en convenir, il existe dans les Saintes Lettres une éloquence admirablement variée, riche et en rapport avec la grandeur du sujet : c’est ce que saint Augustin a compris et parfaitement prouvé, et c’est aussi ce que confirme l’expérience des orateurs sacrés les plus célèbres qui, avec un sentiment de reconnaissance envers Dieu, ont proclamé qu’ils devaient principalement leur gloire à la fréquentation assidue et à la pieuse méditation de la Bible.

Convaincus de tout cela et par la théorie et par l’expérience, les Saints Pères n’ont jamais cessé de célébrer les divines Ecritures et les fruits qu’on en peut tirer. Dans maint passage de leurs œuvres, ils les appellent le très riche trésor des doctrines célestes, les fontaines intarissables du salut ; ils les comparent à des prairies fertiles, à de délicieux jardins dans lesquels le troupeau du Seigneur trouve, d’une façon merveilleuse, l’aliment qui le nourrit et l’attrait qui le charme. N’est-ce pas le cas de rappeler ces paroles de saint Jérôme au clerc Népotien : « Lis souvent les Saintes Ecritures, ou, plutôt, que jamais ce livre sacré ne sorte de tes mains ; apprends ce que tu devras enseigner : … que la parole du prêtre soit toujours nourrie de la lecture des Ecritures. » Pareil aussi est le jugement de saint Grégoire le Grand, qui a défini plus sagement que personne les devoirs des pasteurs de l’Eglise : « Il est nécessaire, dit-il, que ceux qui s’appliquent au ministère de la prédication ne cessent jamais d'étudier les Saints Livres. »

Mais il Nous plaît de citer saint Augustin, nous avertissant que « celui-là tentera vainement de manifester au dehors la parole de Dieu, qui ne l’aura pas écoutée au dedans de lui-même, » et le même saint Grégoire prescrivant aux orateurs sacrés d'être fidèles « à se chercher eux-mêmes dans les divins oracles, avant de les porter devant les autres, de peur qu’en poursuivant les actes d’autrui, ils ne s’abandonnent eux-mêmes ». Déjà, d’ailleurs, suivant l’exemple et l’enseignement du Christ, qui commença par agir pour enseigner ensuite, la voix de l’Apôtre avait porté au loin cet avertissement, quand s’adressant, non pas au seul Timothée, mais à l’ordre entier des clercs, il lui prescrivait : Veille sur toi et sur la doctrine, et eo mandater : Attende tibi et doctrinæ, insta in illis ; hoc enim faciem, et teipsum salvum facies, et eos qui te audiunt[24]. Salutis profecto perfectionisque et propriæ et aliénæ eximia in sacris Litteris præsto sunt adjumenta, copiosius in Psalmis celebrata ; iis tamen, qui ad divina eloquia, non solum mentem afferant docilem atque attentam, sed integræ quoque piæque habitum voluntatis. Neque enim eorum ratio librorum similis atque communium putanda est ; sed, quoniam sunt ab ipso Spiritu Sancto dictati, resque gravissimas continent multisque partibus reconditas et difficiliores, ad illas propterea intelligendas exponendasque semper ejusdem Spiritus « indigemus adventu[25] », hoc est lumine et gratia ejus : quæ sane, ut divini Psaltæ fréquenter instat auctoritas, humili sunt precatione imploranda, sanctimonia vitæ custodienda.

Præclare igitur ex his providentia excellit Ecclesiæ quæ ne cælestis Me sacrorum Librorum thesaurus, quem Spiritus Sanctus summa liberalitate hominibus tradidit, neglectus jaceret[26], optimis semper et institutis et legibus cavit. Ipsa enim constitua, non solum magnam eorum partem ab omnibus suis ministris in quotidiano sacræ psalmodiæ officio legendam esse et mente pia considerandam, sed eorumdem expositionem et interpretationem in ecclesiis cathedralibus, in monasteriis, in conventibus aliorum regularium, in quibus studia commode vigere possint, per idoneos viros esse tradendam ; diebus autem saltem dominicis et festis solemnibus fideles salutaribus Evangelii verbis pasci, restricte jussit[27]. Item prudentiæ debetur diligentiæque Ecclesiæ cultus ille Scripturæ Sacræ per ætatem omnem vividus et plurimæ ferax utilitatis.

In quo, etiam ad firmanda documenta hortationesque Nostras, juvat commemorare quemadmodum a religionis christianae initiis, quotquot sanctitate vitæ rerumque


fais-le avec insistance ; car, en agissant ainsi, tu te sauveras toi-même avec ceux qui t' écouteront. Nous trouvons, en effet, dans les Saintes Lettres et surtout dans les Psaumes, soit pour notre salut et notre perfection, soit pour le bien des autres, des secours toujours prêts ; mais pour cela, il faut apporter aux divins oracles non seulement un esprit docile et attentif, mais la disposition d’une volonté pieuse et parfaite. Car il ne faudrait pas assimiler ces livres aux livres ordinaires. Dictés par l’Esprit-Saint lui-même, ils contiennent des vérités de la plus haute importance, et, par beaucoup de côtés, obscures et difficiles : ce qui fait que, pour les comprendre et les exposer, nous avons toujours « besoin de l’assistance » de ce même Esprit, c’est-à-dire de sa lumière et de sa grâce, qui, suivant la recommandation pressante que nous en a fait si souvent le divin Psalmiste, doivent être implorées par l’humilité de la prière et conservées par la sainteté de la vie.

Et c’est en ceci qu’apparaît merveilleusement la prévoyance de l’Église, qui, pour empêcher que ce céleste trésor des Livres Saints, que la souveraine libéralité de l’Esprit-Saint a livré aux hommes, restât négligé, a multiplié par ses institutions et ses lois les plus sages précautions. Elle ne s’est pas contentée d'établir qu’une grande partie en serait lue et pieusement méditée par tous les ministres dans l’office quotidien de la sainte psalmodie ; mais elle a voulu que l’exposition et l’interprétation en fût faite par des hommes compétents dans les églises cathédrales, dans les monastères, dans les couvents des autres réguliers, où les études peuvent aisément fleurir ; d’autre part, elle a rigoureusement prescrit qu’au moins les dimanches et les jours de fêtes solennelles tous les fidèles fussent nourris des paroles salutaires de l'Évangile. Ainsi, grâce à la sagesse et à la vigilance de l'Église, ce culte de la Sainte Écriture s’est maintenu vivant à travers les âges et fécond en multiples bienfaits.

Et, pour confirmer sur ce point Notre enseignement et Nos exhortations, il Nous plaît de rappeler comment, dès les premiers jours du christianisme, tous les hommes qui brillèrent par la sainteté de leur divinarum scientia floruerunt, ii sacris in Litteris multi semper assiduique fuerint. Proximos Apostolorum discipulos, in quibus Clementem Romanum, Ignatium Antiochenum, Polycarpum, tum Apologetas, nominatim Justinum et Irenæum, videmus epistolis et libris suis, sive ad tutelam sive ad commendationem pertinerent catholicorum dogmatum, e divinis maxime Litteris fidem, robur, gratiam omnem pietatis arcessere. Scholis autem catecheticis ac theologicis in multis sedibus episcoporum exortis, Alexandrina et Antiochena celeberrimis, quæ in eis habebatur institutio, non alia prope re, nisi lectione, explicatione, defensione divini verbi scripti continebatur. Inde plerique prodierunt Patres et scriptores, quorum operosis studiis egregiisque libris consecuta tria circiter sæcula ita abundarunt, ut ætas biblicæ exegeseos aurea jure ea sit appellata.

Inter orientales principem locum tenet Origenes, celeritate ingenii et laborum constantia admirabilis, cujus ex plurimis scriptis et immenso Hexaplorum opère deinceps fere omnes hauserunt. Adnumerandi plures, qui hujus disciplinæ fines amplificarunt : ita, inter excellentiores tulit Alexandria Clementem, Cyrillum ; Palæstina Eusebium, Cyrillum alterum ; Cappadocia Basilium Magnum, utrumque Gregorium, Nazianzenum et Nyssenum ; Antiochia Joannem illum Chrysostomum, in quo hujus peritia doctrinæ cum summa eloquentia certavit. Neque id præclare minus apud occidentales. In multis qui se admodum probavere, clara Tertulliani et Cyprianinomina, Hilarii et Ambrosii, Leonis et Gregorii Magnorum ; clarissima Augustini et Hieronymi : quorum alter mire acutus exstitit in perspicienda divini verbi sententia, uberrimusque in ea deducenda ad auxilia catholicæ veritatis, alter a singulari Bibliorum scientia magnisque ad eorum usum laboribus, nomine Doctoris maximi præconio Ecclesiæ est honestatus.

Ex eo tempore ad undecimum usque sseculum, quamquam hujusmodi contentio


vie et la science des choses divines se sont toujours montrés fervents et assidus dans la fréquentation des Saints Livres. Si les plus proches disciples des Apôtres, et parmi eux Clément de Rome, Ignace d’Antioche, Polycarpe, si les Apologistes ensuite, et nommément Justin et Irénée, ont entrepris, dans leurs lettres ou dans leurs livres, soit la défense, soit la propagation des dogmes catholiques, c’est surtout dans les divines Lettres qu’ils puisent et la foi, et la force, et toute la grâce de leur piété. Et quand surgirent, en beaucoup de sièges épiscopaux, ces écoles catéchétiques et théologiques, notamment celles si fréquentées d’Alexandrie et d’Antioche, leur programme ne contenait guère autre chose que la lecture, l’explication et la défense de la parole divine écrite. C’est de là que sortirent la plupart des Pères et des écrivains dont les savantes études et les remarquables ouvrages se succédèrent pendant environ trois siècles, si nombreux que cette période fut à juste titre appelée l'âge d’or de l’exégèse biblique.

Parmi ceux d’Orient, la première place revient à Origène, cet homme si merveilleux par la vivacité de son esprit et la constance de son labeur, et c’est dans ses nombreux écrits et dans son immense ouvrage des Hexaples que presque tous sont allés puiser. Il faut en ajouter plusieurs qui ont reculé les frontières de cette science : ainsi, parmi les meilleurs, Alexandrie a produit Clément, Cyrille ; la Palestine, Eusèbe et l’autre Cyrille ; la Cappadoce, Basile le Grand, les deux Grégoire, celui de Nazianze et celui de Nysse ; Antioche enfin, ce Jean Chrysostome, en qui la connaissance de cette science le disputa à la plus haute éloquence. Et cela n’est pas moins merveilleusement vrai pour l’Occident. Dans la foule de ceux qui se firent particulièrement remarquer, célèbres sont les noms de Tertullien et de Cyprien, d’Hilaire et d’Ambroise, de Léon et de Grégoire, tous deux Grands ; illustres surtout sont ceux d’Augustin et de Jérôme, dont l’un montra tant de pénétration pour découvrir le sens de la parole divine, et tant de fécondité pour la faire servir au secours de la vérité catholique ; dont l’autre, pour sa science extraordinaire de la Bible et pour les grands travaux accomplis afin d’en rendre l’usage plus facile, a été honoré par l’acclamation de l'Église du titre de Docteur très grand.

Depuis cette époque jusqu’au xie siècle, bien que cette sorte d'étude n’ait pas été cultivée avec autant studiorum non pari atque antea ardore ac fructu viguit, viguit tamen, operā præsertim hominum sacri ordinis. Curaverunt enim, aut quæ veteres in hac re fructuosiora reliquissent deligere, eaque apte digesta de suisque aucta pervulgare, ut ab Isidoro Hispalensi, Beda, Alcuino factum est in primis ; aut sacros codices illustrare glossis, ut Valafridus Strabo et Anselmus Laudunensis, aut eorumdem integritati novis curis consulere, ut Petrus Damianus et Lanfrancus fecerunt.

Sæculo autem duodecimo allegoricam Scripturæ enarrationem bona cum laude plerique tractarunt : in eo genere S. Bernardus ceteris facile antecessit, cujus etiam sermones nihil prope nisi divinas Litteras sapiunt.

Sed nova et lætiora incrementa ex disciplina accessere Scholasticorum. Qui, etsi in germanam versionis latinæ lectionem studuerunt inquirere, confectaque ab ipsis Correctoria biblica id plane testantur, plus tamen studii industriæque in interpretatione et explanatione collocaverunt. Composite enim dilucideque, nihil ut melius antea, sacrorum verborum sensus varii distincti ; cujusque pondus in re theologica perpensum ; definitæ librorum partes, argumenta partium ; investigata scriptorum proposita ; explicata sententiarum inter ipsas necessitudo et connexio : quibus ex rebus nemo unus non videt quantum sit luminis obscurioribus locis admotum. Ipsorum præterea de Scripturis lectam doctrinæ copiam admodum produnt, tum de theologia libri, tum in easdem commentaria ; quo etiam nomine Thomas Aquinas inter eos habuit palmam.

Postquam vero Clemens V decessor Noster Athenæum in Urbe et celeberrimas quasque studiorum Universitates litterarum orientalium magisteriis auxit, exquisitius homines nostri in nativo Bibliorum codice et in exemplari latino elaborare cœperunt. Revecta deinde ad nos eruditione Græcorum, multoque magis arte nova libraria féliciter inventa, cultus Scripturæ Sanctæ latissime accrevit. Mirandum est enim quam


d’ardeur et de fruit qu’auparavant, elle l’a été néanmoins, grâce surtout au zèle du clergé. Que de soins, en effet, soit pour recueillir ce que les anciens avaient laissé de plus profitable sur ce sujet et pour le répandre convenablement classé et accru de leurs propres études, comme ont fait surtout Isidore de Séville, Bède et Alcuin ; soit pour munir de gloses les textes sacrés, comme ont fait Walafrid Strabon et Anselme de Laon ; soit pour conserver leur intégrité avec un soin nouveau, comme l’ont fait Pierre Damien et Lanfranc!

Au xiie siècle, la plupart entreprirent d’une manière digne d’éloges l’interprétation allégorique de l’Écriture : dans ce genre, saint Bernard dépassa de beaucoup tous les autres, et ses sermons empruntent presque toute leur saveur aux divines Écritures.

Mais de nouveaux et plus heureux progrès furent faits grâce à la méthode des Scholastiques. Ils s’appliquèrent à l’établissement du véritable texte de la version latine : les Correctoria biblica qu’ils firent paraître l’attestent assez ; néanmoins ils consacrèrent encore plus de soin et d’activité à l’interprétation et à l’explication. Avec une méthode et une clarté qu’on avait à peine atteinte avant eux, ils distinguèrent les divers sens des textes sacrés, apprécièrent la valeur de chacun au point de vue théologique, établirent la division des livres et le sujet de chaque partie ; et, en recherchant la pensée des auteurs, ils expliquèrent le lien et la connexité des pensées contre elles : et de tout cela il est facile de voir quelle lumière fut projetée sur les points les plus obscurs. D’ailleurs l’abondance de doctrine puisée par eux dans l’Écriture se manifeste pleinement, soit dans leurs livres de théologie, soit dans leurs commentaires exégétiques, et à ce titre aussi Thomas d’Aquin a obtenu parmi eux la palme.

Mais après que Clément V, Notre prédécesseur, eut créé, à l’Athénée de Rome et dans les plus fameuses Universités, des chaires de langues orientales, on commença à étudier avec plus de soin le texte original de la Bible et la traduction latine. Bientôt la renaissance de l’érudition hellénique en Occident et surtout l’invention merveilleuse de l’imprimerie donnèrent à la culture biblique un immense développement. Il faut admirer en effet combien se multiplièrent en peu de temps les exemplaires du texte sacré, brevi ætatis spatio multiplicata prælo sacra exemplaria, Vulgata præcipue, catholicum orbem quasi compleverint : adeo per id ipsum tempus, contra quam Ecclesiæ hostes calumniantur, in honore et amore erant divina volumina.

Neque prætereundum est, quantus doctorum virorum numerus, maxime ex religiosis familiis, a Viennensi Concilio ad Tridentinum, in rei biblicæ bonum provenerit : qui et novis usi subsidiis et variæ eruditionis ingeniique sui segetem conferentes, non modo auxerunt contestas majorum opes, sed quasi munierunt viam ad prœstantiam subsecuti sæculi, quod ab eodem Tridentino effluxit, quum nobilissima Patrum ætas propemodum rediisse visa est. Nec enim quisquam ignorat, Nobisque est memoratu jucundum, decessores Nostros, a Pio IV ad Clementem VIII, auctoros fuisse ut insignes illæ editiones adornarentur versionum veterum, Vulgatæ et Alexandrinæ ; quæ deinde, Sixti V ejusdemque Clementis jussu et auctoritate, emissæ, in communi usu versantur. Per eadem autem tempora, notum est, quum versiones alias Bibliorum antiquas, tum polyglottas Antuerpiensem et Parisiensem, diligentissime esse editas, sinceræ investigandæ sententiæ peraptas : nec ullum esse utriusque Testamenti librum, qui non plus uno nactus sit bonum explanatorem, neque graviorem ullam de iisdem rebus quæstionem, quæ non multorum ingenia fecundissime exercuerit : quos inter non pauci, iique studiosiores SS. Patrum, nomen sibi fecere eximium. Neque, ex illa demum ætate, desiderata est nostrorum sollertia ; quum clari subinde viri de iisdem studiis bene sint meriti, sacrasque Litteras contra rationalismi commenta, ex philologia et finitimis disciplinis detorta, simili argumentorum enere vindicarint.

Hæc omnia qui probe ut oportet considerent, dabunt profecto, Ecclesiam, nec ullo unquam providentiæ modo defuisse, quo divinæ Scripturæ fontes in filios suos salutariter derivaret, atque illud præsidium, in quo divinitus ad ejusdem tutelam


principalement ceux de la Vulgate. Ils remplirent en quelque sorte le monde catholique, tellement, même à cette époque, en dépit des allégations calomnieuses des ennemis de l’Église, les Livres divins étaient honorés et aimés!

Comment ne pas rappeler le grand nombre de savants qui, du concile de Vienne au concile de Trente, et principalement dans les ordres religieux, ont servi la cause des études bibliques? Ils mirent en œuvre des ressources nouvelles, et par la contribution de leur talent et de leur vaste savoir, non seulement ils accrurent les richesses accumulées par leurs prédécesseurs, mais encore ils préparèrent la brillante époque qui suivit le concile de Trente et qui sembla faire revivre la gloire de l'âge patristique.

Et, en effet, personne ne l’ignore et Nous aimons à le rappeler, Nos prédécesseurs, de Pie IV à Clément VIII, firent préparer ces remarquables éditions des anciennes versions, la Vulgate et les Septante. Publiées ensuite par l’ordre et par l’autorité de Sixte-Quint et du même Clément VIII, ces éditions sont entrées dans l’usage commun. À la même époque, on le sait, d’autres versions anciennes des Livres Saints, et les Polyglottes d’Anvers et de Paris, furent éditées avec le plus grand soin et disposées de manière à faciliter la détermination du vrai sens : pas un livre de l’Ancien et du Nouveau Testament qui n’ait trouvé plus d’un habile commentateur ; pas une question d’importance relative à la Bible qui n’ait exercé avec beaucoup de profit la pénétration de nombreux critiques ; parmi eux un bon nombre, et c'étaient les plus pénétrés de l'étude des Saints Pères, se sont fait un nom illustre. Et il ne faut pas croire qu'à partir de cette époque le concours habile de nos exégètes ait fait défaut : il s’est toujours trouvé des hommes de mérite pour servir la cause' des études bibliques, et les Saintes Lettres, que le rationalisme attaquait par des arguments tires de la philologie et des études qui y confinent, n’ont pas cessé d'être victorieusement défendues par des arguments du même ordre.

Il ressort de tout cela, pour quiconque est de bonne foi, que l’Église n’a jamais et en aucune façon manqué de prévoyance : toujours elle a fait dériver utilement sur ses fils les sources de la divine Écriture ; placée par Dieu même dans une citadelle qu’elle avait mission de défendre et d’embellir, elle n’a point failli decusque locata est, retinuisse perpetuo omnique studiorum ope exornasse, ut nullis externorum hominum incitamentis eguerit, egeat.

Jam postulat a Nobis instituti consilii ratio, ut quæ his de studiis recte ordinandis videantur optima, ea vobiscum communicemus, Venerabiles Fratres. Sed principio quale adversetur et instet hominum genus, quibus vel artibus vel armis confidant, interest utique hoc loco recognoscere.

Scilicet, ut antea cum iis præcipue res fuit qui privato judicio freti, divinis traditionibus et magisterio Ecclesiae repudiatis, Scripturam statuerant unicum revelationis fontem supremumque judicem fidei ; ita nunc est cum rationalistis, qui eorum quasi filii et heredes, item sententia innixi sua, vel has ipsas a patribus acceptas christianæ fidei reliquias prorsus abjecerunt. Divinam enim vel revelationem vel inspirationem vel Scripturam Sacram, omnino ullam negant, neque alia prorsus ea esse dictitant, nisi hominum artificia et commenta : illas nimirum, non veras gestarum rerum narrationes, sed aut ineptas fabulas aut historias mendaces ; ea, non vaticinia et oracula, sed aut confictas post eventus prædictiones aut ex naturali vi præsensiones ; ea, non veri nominis miracula virtutisque divinae ostenta, sed admirabilia quædam, nequaquam naturæ viribus majora, aut præstigias et mythos quosdam : evangelia et scripta apostolica aliis plane auctoribus tribuenda.

Hujusmodi portenta errorum, quibus sacrosanctam divinorum Librorum veritatem putant convelli, tanquam decretoria pronuntiata nova ? cujusdam scientiæ lïberæ, obtrudunt : quæ tamen adeo incerta ipsimet habent, ut eisdem in rebus crebrius immutent et suppleant. Quum vero tam impie de Deo, de Christo, de Evangelio et reliqua Scriptura sentiant et prædicent, non desunt ex iis qui theologi et christiani et


à ce double devoir, elle y a fait concourir tous les genres de travaux, sans avoir jamais eu, sans avoir besoin aujourd’hui qu’on vienne l’y exciter du dehors.

Maintenant le développement de notre sujet Nous amène à vous entretenir, vénérables Frères, des meilleures méthodes à employer pour l’organisation de ces études. Mais d’abord, quel genre d’adversaires nous pressent, sur quels artifices, sur quelles armes ils comptent pour nous vaincre, voilà ce qu’il faut, déterminer avant tout.

En effet, autrefois la lutte était entre nous et ces hommes qui, confiants dans leur sens privé, et répudiant les traditions divines et le magistère de l’Église, avaient soutenu que l’Ecriture est l’unique source de la révélation et le juge suprême de la foi ; aujourd’hui c’est aux rationalistes que nous avons affaire. Fils, pour ainsi dire, et héritiers des premiers, appuyés de même sur leur propre jugement, ils ont rejeté jusqu'à ces restes de foi chrétienne qu’ils avaient reçus de leurs pères. En effet, pour eux, rien n’est divin, ni la révélation, ni l’inspiration, ni l’Ecriture ; il n’y a en tout cela que des œuvres humaines, des inventions humaines. On n’y trouve pas le récit véridique d'événements réels, mais ou bien des fables ineptes, ou bien des histoires mensongères ; ailleurs ce ne sont ni des prophéties, ni des oracles, mais tantôt des prédictions arrangées après l'événement, tantôt des divinations dues aux énergies naturelles ; ou encore ce ne sont ni des miracles proprement dits, ni des manifestations de la puissance divine, mais des prodiges qui ne dépassent nullement les forces de la nature, ou même des hallucinations et des mythes ; enfin les Évangiles et les écrits des Apôtres doivent être attribués à d’autres auteurs.

Ces erreurs monstrueuses, qui renversent, croientils, l’inviolable vérité des divines Écritures, ils les imposent comme les décrets infaillibles d’une certaine science nouvelle, la science libre ; et pourtant ils les tiennent eux-mêmes pour si incertaines, que sur un même point ils les modifient assez souvent et les complètent. Cependant, avec des sentiments et des pensées aussi impies sur Dieu, sur le Christ, sur l'Évangile et le reste des Écritures, bon nombre parmi eux veulent passer pour théologiens, pour chrétiens et amis de l'Évangile, et couvrir d’un nom très honorable la témérité d’un esprit impertinent evangelici haberi velint, et honestissimo nomme obtendant insolentis ingenii temeritatem. His addunt sese consiliorum participes adjutoresque e ceteris disciplinis non pauci, quos eadem revelatarum rerum intolerantia ad oppugnationem Bibliorum similiter trahit. Satis autem deplorare non possumus, quam latius in dies acriusque hæc oppugnatio geratur. Geritur in eruditos et graves homines, quamquam illi non ita difficulter sibi possunt cavere ; at maxime contra indoctorum vulgus omni consilio et arte infensi hostes nituntur. Libris, libellis, diariis exitiale virus infundunt ; id concionibus, id sermonibus insinuant ; omnia jain pervasere, et multas tenent, abstractâs ab Ecclesiae tutela, adolescentium scholas, ubi crédulas mollesque mentes ad contemptionem Scripturæ per ludibrium etiam et scurriles jocos, dépravant misère.

Ista sunt, Venerabiles Fratres, quae commune pastorale studium permoveant, incendant ; ita ut huic novæ falsi nominis scientiæ[28] an tiqua illa et vera opponatur, quam a Christo per Apostolos accepit Ecclesia, atque in dimicatione tanta idonei defensores Scripturae Sacrae exurgant.

Itaque ea prima sit cura, ut in sacris Seminariis vel Academiis sic omnino tradantur divinse Litteræ quemadmodum et ipsius gravitas disciplinæ et temporum necessitas admonent. Cujus rei causa, nihil profecto débet esse antiquius magistrorum delectione prudenti : ad hoc enim munus non homines quidem de multis, sed tales assumi oportet, quos magnus amor et diuturna consuetudo Bibliorum, atque opportunus doctrinæ ornatus commendabiles faciat, pares officio. Neque minus prospiciendum mature est, horum postea locum qui sint excepturi. Juverit idcirco, ubi commodum sit, ex alumnis optimæ spei, theologiæ spatium laudate emensis, nonnullos divinis Libris totos addici, facta eisdem plenioris cujusdam studii aliquandiu facul-


Ces faux chrétiens trouvent des complices et des alliés nombreux parmi les adeptes des autres sciences qu’une même répugnance pour la révélation entraîne avec eux à l’assaut de la Bible. Nous ne saurions assez déplorer ces attaques chaque jour plus vives et plus multipliées. Elles sont dirigées conte les hommes instruits et éclairés qui peuvent, il est vrai, s’en défendre sans trop de peine, mais aussi et surtout contre la multitude ignorante ; c’est sur elle que des adversaires acharnés concentrent tous leurs moyens de séduction. Les livres, les revues, les journaux leur servent à verser le poison mortel ; ils le distillent dans les discours, dans les conversations. Déjà ils ont tout envahi dans la société ; ils ont dans la main un grand nombre d'écoles, soustraites à la tutelle de l'Église, où ils ne craignent pas d’employer jusqu'à la moquerie et aux plus grossières plaisanteries pour dépraver l’esprit de la jeunesse toujours facile à recevoir les préjugés et les impressions et pour lui inspirer le mépris de l'Écriture.

Voilà, vénérables Frères, de quoi émouvoir et enflammer le zèle de tous les pasteurs. Il faut qu'à cette nouvelle science, qui usurpe son nom, nous opposions cette vraie science que le Christ a transmise par les Apôtres de l'Église ; il faut que, dans ce combat acharné, l'Écriture sacrée voie se lever des champions bien armés pour sa défense.

En conséquence, notre premier soin doit être de faire en sorte que dans les séminaires ou les universités l’enseignement des Saintes Lettres réponde et à l’importance du sujet et aux besoins des temps. Pour y parvenir, rien n’est plus important que de bien choisir les maîtres ; il faut appeler à cette charge, non certes l’es premiers venus, mais des hommes qu’un grand amour et une longue fréquentation des Saintes Écritures, en même temps qu’une science assez étendue, recommandent et désignent pour s’en acquitter dignement. Il convient aussi de prévoir de bonne heure à qui l’on pourra un jour confier leur succession ; il sera donc expédient, partout où ce sera possible, d’appliquer exclusivement quelques sujets de grande espérance, lorsqu’ils auront parcouru honorablement la carrière des études théologiques, à l'étude des Saints Livres, en leur procurant le moyen d’en faire pendant quelque temps une étude particulière plus approfondie. Quand les maîtres auront çté ainsi et choisis et formés, ils pourront aborder avec confiance tate. Ita delecti institutique doctores, commissum munus adeant fidenter : in quo ut versentur optime et consentaneos fructus educant, aliqua ipsis documenta paulo explicatius impertire placet.

Ergo ingeniis tironum in ipso studii limine sic prospiciant, ut judicium in eis, aptum pariter Libris divinis tuendis atque arripiendae ex ipsis sententiæ conforment sedulo et excolant. Hue pertinet tractatus de introductione, ut loquuntur, biblica, ex quo alumnus commodam habet opem ad integritatem auctoritatemque Bibliorum convincendam, ad legitimum in illis sensum investigandum et assequendum, ad occupanda captiosa et radicitus evellenda. Quae quanti momenti sit disposite scienterque, comité et adjutrice theologia, esse initio disputata, vix attinet dicere, quum tota continenter tractatio Scripturæ reliqua hisce vel fundamentis nitatur vel luminibus clarescat.

Exinde in fructuosiorem hujus doctrinae partem, quae de interpretatione est, per studiose incumbet praaceptoris opéra ; unde sit auditoribus, quo dein modo divini verbi divitias in profectum religionis et pietatis convertant. Intelligimus equidem, enarrari in scholis Scripturas omnes, nec per amplitudinem rei, nec per tempus licere. Verum tamen, quoniam certa opus est via interpretationis utiliter expediendæ utrumque magister prudens devitet incommodum, vel eorum qui de singulis libris cursim delibandum præbent, vel eorum qui in certa unius parte immoderatius consistunt. Si enim in plerisque scholis adeo non poterit obtineri, quod in Academiis majoribus, ut unus aut alter liber continuatione quadam et ubertate exponatur, at magnopere efficiendum est, ut librorum partes ad interpretandum selectæ tractationem habeant convenienter plenam : quo veluti specimine allecti discipuli et edocti, cetera ipsi perlegant adamentque in omni vita. Is porro, retinens instituta majorum, exemplar in hoc sumet versionem vulgatam ; quam Concilium Tridentinum in publicis lectionibus,


leur tâche. Pour qu’ils puissent l’accomplir heureusement et y recueillir les fruits espérés, Nous croyons utile de leur donner ici quelques avis plus étendus.

Les maîtres donc devront se proposer, au seuil même de leur enseignement, de former et de développer dans l’esprit de leurs élèves un jugement qui les rende capables de défendre un jour les Saints Livres et d’y puiser la vraie doctrine. C’est à quoi tend le traité appelé Introduction Biblique, où l'élève apprend à établir l’intégrité et l’autorité de la Bible, et à en rechercher et à en découvrir le vrai sens, à démasquer et à confondre les objections captieuses. Est-il besoin de dire à quel degré il importe que ces questions soient traitées dès le début avec science et méthode, sous les auspices et avec le secours de la théologie, puisque toute la suite des études scripturaires ou bien s’appuie sur ce fondement ou bien s'éclaire de ces vérités ?

Partant de là, le maître abordera la partie la plus féconde de son enseignement, qui est l’exégèse des textes : il y mettra tous ses soins, afin « l’apprendre à ses auditeurs à faire servir au bien de la religion et de la piété les richesses de la parole divine. Il est impossible, Nous le comprenons facilement, d’expliquer en détail, dans les écoles, la Sainte Écriture tout entière : l'étendue de la matière et le temps ne le permettent pas. Mais comme il faut suivre une voie sûre dans l’interprétation, un maître prudent aura à éviter deux défauts dont l’un consiste à effleurer chaque livre à la hâte, l’autre à s’attarder outre mesure sur quelque passage d’un seul livre.

Il est vrai qu’on ne peut pas faire dans toutes les écoles ce qu’on fait dans les universités, c’est-à-dire présenter une exposition large et continue de tel ou tel livre sacré. Mais partout du moins il faut faire en sorte que les morceaux désignés comme objet des leçons soient traités avec une ampleur suffisante. L’explication de ces passages choisis, en instruisant les élèves, leur donnera le goût et l’amour de la Sainte Ecriture, avec le désir de la lire pendant toute leur vie.

Pour cela, fidèle aux préceptes des anciens, on adoptera comme texte principal celui de la Vulgate, que le saint concile de Trente ; a déclaré authentique pour les leçons publiques, les discussions., la prédidisputationibus, prsedicationibus et expositionibus pro authentica habendam decrevit[29], atque etiam commendat quotidiana Ecclesiæ consuetudo. Neque tamen non sua habenda erit ratio reliquarum versionum, quas christiana laudavit usurpavitqueantiquitas, maxime codicum primigeniorum. Quamvis enim, ad summam rei quod spectat, ex dictionibus Vulgatæ hebræa et græca bene eluceat sententia, attamen si quid ambigue, si quid minus accurate inibi elatum sit, « inspectio præcedentis linguæ, » suasore Augustino, proficiet[30]. Jamvero per se liquet, quam multum navitatis ad hæc adhiberi oporteat, quum demum sit « commentatoris officium, non quid ipse velit, sed quid sentiat ille quem interpretetur, exponere[31] ».

Post expensam, ubi opus sit, omni industria lectionem, tum locus erit scrutandæ et proponendæ sententiæ. Primum autem consilium est, ut probata communiter interpretandi præscripta tanto experrectiore observentur cura quanto morosior ab adversariis urget contentio. Propterea cum studio perpendendi quid ipsa verba valeant, quid consecutio rerum velit, quid locorum similitudo aut talia cetera, externa quoque appositæ eruditionis illustratio societur : cauto tamen, ne istiusmodi quæstionibus plus temporis tribuatur et operæ quam pernoscendis divinis Libris, neve corrogata multiplex rerum cognitio mentibus juvenum plus incommodi afferat quam adjumenti.

Ex hoc, tutus erit gradus ad usum divinæ Scripturæ in re theologica. Quo in genere animadvertisse oportet, ad ceteras difficultatis causas, quæ in quibusvis antiquorum libris intelligences fere occurrunt, proprias aliquas in Libris sacris accedere. Eorum enim verbis, auctore Spiritu Sancto, res multæ subjiciuntur quæ humanæ vim aciemque rationis longissime vincunt, divina scilicet mysteria et quæ cum illis continentur alia multa ; idque nonnunquam ampliore quadam et reconditiore sententia,


cation, l’exposition de la doctrine sacrée, et que recommande aussi la pratique journalière de l’Église. Ce ne sera pas une raison pour ne pas tenir compte des autres versions que l’antiquité chrétienne a estimées et employées, en particulier des plus anciens manuscrits. Quant à l’ensemble, il est vrai, les leçons de la Vulgate reproduisent fidèlement la pensée exprimée dans l’hébreu et dans le grec ; toutefois, si le latin offre quelque part un sens équivoque, une expression moins correcte, il sera utile, selon le conseil de saint Augustin, « de recourir à la langue originale. » Il est clair d’ailleurs qu’il faut user en cela de beaucoup de réserve, parce que le devoir du commentateur « est non pas d’exprimer une opinion personnelle, mais de rendre la pensée de l’auteur qu’il interprète ».

Quand on a mis tous ses soins, là où il est nécessaire, à éclaircir le texte, on peut rechercher et expliquer la pensée qui s’y cache. Un premier conseil à suivre, c’est d’observer avec un soin d’autant plus vigilant les règles d’interprétation communément approuvées, que l’attaque des adversaires est plus pressante et plus exigeante. C’est pour cela qu’à l’analyse du sens des mots, du contexte, des passages parallèles, etc., il est bon d’ajouter les lumières que peut fournir l’érudition. On évitera pourtant d’accorder plus de temps ou d’application à ces questions qu’à l’étude des Saints Livres eux-mêmes, de peur que la trop grande abondance de connaissances qu’on leur donne ne soit plus nuisible qu’utile à l’esprit des jeunes gens.

Cela fait ; on pourra en toute sécurité se servir de la Sainte Écriture dans les matières théologiques. Dans ce genre d’études, il est bon de remarquer qu’aux difficultés déjà nombreuses que présente d’ordinaire l’intelligence des livres anciens s’ajoutent des difficultés spéciales aux Livres Sacrés. Là, en effet, les paroles dont l’Esprit-Saint est l’auteur recouvrent une foule d’objets qui dépassent de beaucoup la portée de la raison, humaine, à savoir, les mystères divins et tout ce qui s’y rattache ; souvent la pensée est si haute ou si mystérieuse, que ni le sens littéral ne suffit à l’exprimer, ni les lois ordinaires de l’herméneutique à la découvrir. Aussi le sens littéral appelle-t- il à son secours d’autres sens qui servent soit à éclairer la doctrine, soit à fortifier les préceptes moraux. quam exprimere littera et hermeneuticæ leges indicare videantur : alios præterea sensus, vel ad dogmata illustranda vel ad commendanda præcepta vitæ ipse litteralis sensus profecto adsciscit. Quamobrem diffitendum non est religiosa quadam obscuritate Sacros Libros involvi, ut ad eos, nisi aliquo viæ duce, nemo ingredi possit[32] : Deo quidem sic providente (quae vulgata est opinio SS. Patrum), ut homines majore cum desiderio et studio illos perscrutarentur, resque inde operose perceptas mentibus animisque altius infigerent ; intelligerentque præcipue Scripturas Deum tradidisse Ecclesiæ qua scilicet duce et magistra in legendis tractandisque eloquiis suis certissima uterentur. Ubi enim charismata Domini posita sint, ibi discendam esse veritatem, atque ab illis, apud quos sit successio apostolica, Scripturas nullo cum periculo exponi, jam sanctus docuit Irenæus[33] : cujus quidem ceterorumque Patrum doctrinam Synodus Vaticana amplexa est, quando Tridentinum decretum de divini verbi scripti interpretatione renovans, hanc illius mentem esse declaravit, ut in rebus fidei et morum, ad aedificationem doctrinæ christianæ pertinentium, is pro vera sensu Sacræ Scripturæ habendus sit, quem tenuit ac tenet sancta Mater Ecclesia, cujus est judicare de vero sensu et interpretatione Scripturarum Sanctarum ; atque ideo nemini licere contra hune sensum aut etiam contra unanimem consensum Patrum ipsam Scripturam Sacram interpretari [34].

Qua plena sapientiæ lege nequaquam Ecclesia pervestigationem scientiæ biblicæ retardat aut coercet ; sed eam potius ab errore integram præstat, plurimumque ad veram adjuvat progressionem. Nam privato cuique doctori magnus patet campus, in quo, tutis vestigiis, sua interpretandi industria præclare certet Ecclesiæque utiliter. In locis quidem divinæ Scripturæ qui expositionem certain et definitam adhuc desiderant, effici ita potest, ex suavi Dei providentis consilio, ut, quasi præparato studio,


Aussi faut-il reconnaître qu’il règne dans les Saints Livres une sorte d’obscurité mystérieuse, et qu’on ne peut s’y engager sans guide. Dieu a voulu ainsi (c’est une pensée fréquente des Saints Pères) nous les faire approfondir avec plus de goût et d’ardeur et, grâce à ces efforts, en graver plus profondément les enseignements dans nos esprits et dans nos cœurs. Il a voulu surtout nous faire comprendre qu’il a remis les Écritures aux mains de l'Église, et que nous recevrions d’elle, pour la lecture et l’interprétation de la parole divine, une direction et un enseignement infaillibles. Où sont les dons et les promesses de Dieu, là est la source où il faut puiser la vérité : si l’on veut une exposition sûre des Écritures, il faut la demander à ceux en qui se perpétue la succession apostolique ; telle était déjà la doctrine de saint Irénée, telle est celle de tous les autres Pères. Le concile du Vatican l’a sanctionnée, quand, renouvelant le décret du concile de Trente sur l’interprétation de la parole divine écrite, il déclara que sa volonté était que dans les choses de la foi et des mœurs, se rapportant à l'édification de la doctrine chrétienne, on tint pour le vrai sens de la Sainte Écriture celui qui a tenu et que tient notre sainte mère l'Église, à qui il appartient de juger du vrai sens et de l’interprétation des Écritures ; et que par conséquent il n’est permis à personne d’interpréter l'Écriture sainte contrairement à ce sens ou au sentiment unanime des Pères.

Cette loi pleine de sagesse, loin de retarder ou d’empêcher les recherches de la science biblique, la préserve plutôt de l’erreur, et l’aide beaucoup à faire de vrais progrès. Car tout docteur privé a devant lui un vaste champ où, s’avançant en toute sûreté, il peut se distinguer et servir l'Église par son talent d’interprète. Le sens de plusieurs passages des divines Écritures n’est pas encore certain et défini : il se peut que, par un dessein miséricordieux de la Providence, les recherches des savants fassent mûrir les questions que tranchera plus tard le jugement de l'Église. Quant aux passages déjà définis, le docteur privé peut encore se rendre utile, en rendant plus claire l’exposition qui s’en fait au commun des fidèles, plus profonde celle que judicium Ecclesiæ maturetur ; in locis vero jam definitis potest privatus doctor æque prodesse, si eos vel enucleatius apud fidelium plebem et ingeniosius apud doctos edisserat, vel insignius evincat ab adversariis. Quapropter præcipuum sanctumque sit catholico interpreti, ut illa Scripturæ testimonia, quorum sensus authentice declaratus est, aut per sacros auctores, Spiritu Sancto afflante, uti multis in locis Novi Testamenti, aut per Ecclesiam, eodem Sancto adsistente Spiritu, sive solemni judicio, sive ordinario et universalim magisterio [35], eadem ipse ratione interpretetur ; atque ex adjumentis disciplina ? suæ convincat, eam solam interpretatiônem, ad sanae hermeneuticæ leges, posse recte probari. In ceteris analogia fidei sequenda est, et doctrina catholica, qualis ex auctoritate Ecclesiæ accepta, tamquam summa norma est adhibenda : nanti, quum et Sacrorum Librorum et doctrinæ apud Ecclesiam depositæ idem sit auctor Deus, profecto fieri nequit, ut sensus ex illis, qui ab hac quoquo modo discrepet, legitima interpretatione eruatur. Ex quo apparet, eam interpretationem ut ineptam et falsam rejiciendam, quæ vel inspiratos auctores inter se quodammodo pugnantes faciat, vel doctrinæ Ecclesiæ adversetur.

Hujus igitur disciplinas magister hac etiam laude floreat oportet, ut omnem theologiam egregie teneat, atque in commentariis versatus sit SS. Patrum Doctorumque et interpretum optimorum. Id sane inculcat Hieronymus[36], multumque Augustinus, qui, justa cum querela, « Si unaqueeque disciplina, inquit, quamquam vilis et facilis, ut percipi possit, doctorem aut magistrum requirit, quid temerariae superbiae plenius, quam divinorum sacramentorum libros ab interpretibus suis nolle cognoscere[37] !  » Id ipsum sensere et exemplo confirmavere ceteri Patres, qui « divinarum Scripturarum intelligentiam, non ex propria præsumptione, sed ex majorum scriptis et auctoritate


réclament les érudits, plus décisive l’apologie qui doit les venger des attaques de l’impiété. Que l’interprète catholique regarde donc comme un devoir sacré et qu’il ait à cœur de se conformer à l’interprétation traditionnelle des textes, dont le sens authentique a été défini par les écrivains sacrés, sous l’inspiration de l’Esprit-Saint, comme on le voit en plusieurs endroits du Nouveau Testament, ou par l'Église avec l’assistance du même Esprit, tantôt sous Ici forme d’un jugement solennel, tantôt par son enseignement ordinaire et universel, et qu’il se serve des ressources de son érudition pour montrer que cette interprétation traditionnelle est la seule qu’autorisent les lois d’une saine herméneutique.

Dans les autres endroits, il faut suivre les analogies de la foi, et employer comme règle suprême la doctrine catholique, telle qu’on la tient de l’autorité de l'Église. En effet, Dieu étant à la fois l’auteur des Livres Saints et de la doctrine déposée dans l'Église, il est tout à fait impossible de tirer de ceux-là, par une interprétation légitime, un sens qui soit en quelque manière en opposition avec celle-ci. Il s’ensuit que l’on doit rejeter, comme fausse et non avenue, toute interprétation qui impliquerait quelque contradiction entre les auteurs inspirés, ou qui serait en opposition avec la doctrine de l'Église.

C’est pourquoi celui qui enseigne cette science doit avoir aussi le mérite de posséder à fond l’ensemble de la théologie ; et les commentaires des Saints Pères, des docteurs et des meilleurs interprètes doivent lui être familiers. C’est ce que nous répète souvent saint Jérôme, ce sur quoi insiste particulièrement saint Augustin, qui se plaint, à juste titre, dans les termes suivants : « Si toutes les sciences, et jusqu'à celles qui ont le moins de valeur et offrent le moins de difficultés, ont besoin, pour être bien saisies, d’un professeur ou d’un maître, peut-on imaginer une conduite plus téméraire et plus orgueilleuse que de vouloir comprendre, en dehors de leurs interprètes, les livres qui traitent des divins mystères ! » Tels furent aussi les sentiments et la pratique des autres Pères, qui, « pour arriver à l’intelligence des divines Écritures, s’en rapportèrent non à leur propre manière de voir, mais aux écrits et à l’autorité de leurs prédécesseurs dans la foi, qui eux-mêmes tenaient très certainement de la tradition apostolique leur règle d’interprétation. » sequebantur, quos et ipsos ex apostolica successione intelligendi regulam suscepisse constabat[38] ».

Jamvero SS. Patrum, quibus « post Apostolos, sancta Ecclesia plantatoribus, rigatoribus, aedificatoribus, pastoribus, nutritoribus crevit[39] », summa auctoritas est, quotiescumque testimonium aliquod biblicum, ut ad fidei pertinens morumve doctrinam, uno eodemque modo explicant omnes : nam ex ipsa eorum consensione, ita ab Apostolis secundum catholicam fldem traditum esse nitide eminet. Eorumdem vero Patrum sententia tune etiam magni aestimanda est, quum hisce de rébus munere doctorum quasi privatim funguntur ; quippe quos, non modo scientia revelatæ doctrinæ et multarum notitia rerum, ad apostolicos libros cognoscendos utilium, valde commendet, verum Deus ipse, viros sanctimonia vitæ et veritatis studio insignes, amplioribus luminis sui præsidiis adjuverit. Quare interpres suum esse noverit, eorum et vestigia reverenter persequi et laboribus frui intelligenti delectu.

Neque ideo tamen viam sibi putet obstructam, quo minus, ubi justa causa adfuerit, inquirendo et exponendo vel ultra procedat, modo præceptioni illi, ab Augustino sapienter propositse, religiose obsequatur, videlicet a litterali et veluti obvio sensu minime discedendum, nisi qua eum vel ratio tenere prohibeat vel necessitas cogat dimittere[40] : quæ præceptio eo tenenda est firmius, quo magis, in tanta novitatum cupidine et opinionum licentia, periculum imminet aberrandi. Caveat idem ne illa negligat quæ ab eisdem Patribus ad allegoricam similemve sententiam translata sunt, maxime quum ex litterali descendant et multorum auctoritate fulciantur. Talem enim interpretandi rationem ab Apostolis Ecclesia accepit, suoque ipsa exemplo, ut re patet liturgica, comprobavit ; non quod Patres ex ea contenderent dogmata fidei per se demonstrare, sed quia bene frugiferam virtuti et pietati alendæ nossent experti.


Et maintenant tous les saints Pères, qui, « après les Apôtres, ont planté, arrosé, bâti, gardé, nourri et fait croître la sainte Église, » jouissent d’une autorité souveraine, chaque fois qu’ils s’accordenttous à expliquer de la même manière quelque passage biblique, comme se rapportant à la doctrine sur la foi ou les mœurs : en effet, de leur consentement unanime, il résulte clairement que ce point a été enseigné par les Apôtres selon la foi catholique. Mais il faut encore faire grand cas de l’opinion des Pères, alors même que, sur ces matières, ils parlent comme des docteurs privés. Et en effet, non seulement ils sont recommandables par leur science de la doctrine révélée et par la connaissance d’une foule de choses très utiles à l’intelligence des livres apostoliques ; mais encore Dieu a donné abondamment l’assistance de sa lumière à ces hommes non moins remarquables par la sainteté de leur vie que par leur amour de la vérité. Aussi, l’interprète reconnaîtra qu’il doit marcher respectueusement sur leurs traces et profiter de leurs travaux avec un choix intelligent.

Qu’il ne pense pas cependant qu’il lui est interdit de pousser plus loin, selon le besoin, ses recherches et ses explications, pourvu qu’il se conforme religieusement à cette règle si sage de saint Augustin, à savoir : qu’on ne doit s'éloigner du sens littéral, et qui se présente naturellement à l’esprit, qu’autant que la raison empêche de le conserver, ou que la nécessité oblige de l’abandonner. Ce précepte, il faut s’y tenir d’autant plus fermement qu'à une époque où régnent à un tel point la passion des nouveautés et la licence des opinions, on court de plus grands risques de faire fausse route. L’interprète se gardera bien aussi de négliger les applications allégoriques ou autres semblables que les Pères ont faites de l'Écriture, surtout lorsque ces interprétations découlent du sens littéral, et qu’elles s’appuient sur de nombreuses autorités. Car c’est là un mode d’interprétation que l'Église a reçu des Apôtres et qu’elle-même encourage par son exemple, notamment dans sa liturgie ; non pas que la pensée des Pères ait été de chercher là une démonstration directe et suffisante des dogmes de la foi ; mais l’expérience leur avait appris que cette méthode était admirablement propre à nourrir la piété et à fortifier la vertu. Ceterorum interpretum catholicorum est minor quidem auctoritas, attamen, quoniam Bibliorum studia continuum quemdam progressum in Ecclesia habuerunt, istorum pariter commentariis suus tribuendus est honor, ex quibus multa opportune peti liceat ad refellenda contraria, ad difficiliora enodanda. At vero id nimium dedecet, ut quis, egregiis operibus, quæ nostri abunde reliquerunt, ignoratis aut despectis, heterodoxorum libros præoptet, ab eisque cum præsenti sanæ doctrinæ periculo et non raro cum detrimento fidei, explicationem locorum quærat, in quibus catholici ingenia et labores suos jamdudum optimeque collocarint. Licet enim heterodoxorum studiis, prudenter adhibitis, juvari interdum possit interpres catholicus, meminerit tamen, ex crebris quoque veterum documentis[41], incorruptum sacrarum Litterarum sensum extra Ecclesiam neutiquam reperiri, neque ab eis tradi posse, qui, verse fidei expertes, Scripturæ non medullam attingunt, sed corticem rodunt[42].

Illud autem maxime optabile est et necessarium, ut ejusdem divinæ Scripturae usus in.universam theologiae influat disciplinam ejusque prope sit anima : ita nimirum omni setate Patres atque præclarissimi quique theologi professi sunt et re præstiterunt. Nam quæ objectum sunt fidei vel ab eo consequuntur, ex divinis potissime Litteris studuerunt asserere et stabilire ; atque ex ipsis, sicut pariter ex divina traditione, nova hæreticorum commenta refutare, catholicorum dogmatum rationem, intelligentiam, vincula exquirere. Neque id cuiquam fuerit mirum qui reputet, tam insignem locum inter revelationis fontes divinis Libris deberi, ut, nisi eorum studio usuque assiduo, nequeat theologia rite et pro dignitate tractari. Tametsi enim rectum est juvenes in Academiis et scholis ita prsecipue exerceri ut intellectum et scientiam dog-


Les autres interprètes catholiques ont sans doute moins d’autorité ; toutefois comme les études bibliques ont fait dans l'Église des progrès continus, il faut aussi rendre l’honneur qui leur est dû aux commentateurs à qui l’on peut emprunter dans l’occasion plus d’un argument pour réfuter les adversaires et résoudre les difficultés. Mais c’est un excès blâmable d’ignorer ou de mépriser les remarquables travaux que nos interprètes nous ont laissés en grand nombre, de leur préférer les livres des hétérodoxes, pour leur demander, au grand péril de la saine doctrine et souvent au détriment de la foi, l’explication des passages sur lesquels les catholiques ont depuis longtemps et avec tant de fruit exercé leur génie et leurs forces. Il est vrai, les travaux des hétérodoxes, mis à profit avec prudence, peuvent parfois venir au secours de l’interprète catholique ; toutefois celui-ci ne doit point oublier ce que nous attestent si souvent les anciens, à savoir que le vrai sens des Lettres sacrées ne se trouve nulle part en dehors de l'Église et que ceux-là ne peuvent le transmettre qui, privés de la vraie foi, ne vont pas jusqu'à la moelle de l'Écriture, mais se bornent à en ronger l'écorce.

Ce qui est surtout désirable et nécessaire, c’est que ce commerce des divines Ecritures fasse sentir son influence sur toutes les études théologiques et devienne l'âme de la science sacrée. C’est sans doute ce que de tout temps les Pères et les plus illustres théologiens ont enseigné et pratiqué. Car, s’il s’agit des vérités qui sont l’objet de la foi ou qui en découlent, c’est par les divines Écritures surtout qu’ils les ont prouvées ou établies ; et c’est encore à la Bible en même temps qu'à la tradition divine qu’ils ont demandé la réfutation des nouveaux hérétiques, la vraie notion, l’intelligence et le lien des dogmes catholiques. Et ceci ne paraîtra extraordinaire à personne, si l’on considère que parmi les sources de la révélation une place si éminente est due aux Livres divins, qu'à moins de les étudier et de les manier sans cesse, la science théologique ne pourra pas être traitée d’une façon convenable et digne d’elle.

Sans doute c’est avec raison qu’on exerce la jeunesse des académies et des écoles à acquérir l’intelligence et la science du dogme en déduisant des vérités de foi d’autres vérités qui y sont contenues et à y employer matum assequantur, ab articulis fidei argumentatione instituta ad alia ex illis, secundum normas probatæ solidæque philosophiæ concludenda ; gravi tamen eruditoque theologo minime negligenda est ipsa demonstratio dogmatum ex Bibliorum auctoritatibus ducta : « Non enim accipit (theologia) sua principia ab aliis scientiis, sed immediate a Deo per revelationem. Et ideo non accipit ab aliis scientiis, tamquam a superioribus, sed utitur eis tamquam inferioribus et ancillis. » Quæ sacræ doctrinæ tradendæ ratio præceptorem commendatoremque habet theologorum principem, Aquinatem[43] : qui præterea, ex hac bene perspecta christianæ theologiæ indole, docuit quemadmodum possit theologus sua ipsa principia, si qui ea forte impugnent, tueri : « Argumentando quidem, si adversarius aliquid concédât eorum, quae per divinam revelationem habentur ; sicut per auctoritates Sacra ? Scripturæ disputamus contra hæreticos, et per unum articulum contra negantes alium. Si vero adversarius nihil credat eorum quae divinitus revelantur, non remanet ampbus via ad probandum articulos fidei per rationes, sed ad solvendum rationes, si quas inducit contra fidem[44]. »

Providendum igitur, ut ad studia biblica convenienter instructi munitique aggre diantur juvenes ; ne justam frustrentur spem, neu, quod deterius est, erroris discrimen incaute subeant, Rationalistarum capti fallaciis apparatæque specie eruditionis.

Erunt autem optime comparati, si, quâ Nosmetipsi monstravimus et prsescripsimus via, philosophiæ et theologiæ institutionem, eodem S. Thoma duce, religiose coluerint penitusque perceperint. Ita recte incedent, quum in re biblica, tum in ea theologiæ parte quam positivam nominant, in utraque lætissime progressuri.

Doctrinam catholicam légitima et sollerti sacrorum Bibliorum interpretatione probasse, exposuisse, illustrasse, multum id quidem est : altéra tamen, eaque tam gravis


La force du raisonnement suivant les règles d’une bonne et saine philosophie ; cependant un grave et savant théologien ne doit nullement laisser de côté les démonstrations dogmatiques tirées de l’autorité de la Bible : « Elle ne reçoit pas, en effet (la théologie), ses principes des autres sciences, mais de Dieu, d’une façon immédiate, par la révélation. Et pour cette raison les autres sciences ne lui sont pas supérieures, mais inférieures ; elle reçoit leurs services comme d’autant de servantes. » Cette façon d’enseigner la science sacrée a pour maître et pour garant le plus grand des théologiens, saint Thomas d’Aquin ; celui-ci, en outre, a su tirer de ce caractère bien établi de la théologie chrétienne l’indication de la méthode qui peut servir au théologien pour défendre ses principes quand on les attaque. « Si, dans la discussion, l’adversaire admet quelque point établi par la révélation divine, nous partirons de là pour argumenter. C’est ainsi que nous nous appuyons sur les Écritures pour combattre les hérétiques et sur un dogme accepté pour confondre ceux qui en nient un autre. Mais si l’adversaire refuse d’admettre toute révélation, il ne reste aucun moyen de lui démontrer par des raisonnements les articles de foi, il faut alors se borner à résoudre les objections qu’il soulève. »

Il est donc nécessaire de veiller à ce que lee jeunes gens qui abordent les études bibliques y soient bien préparés, afin qu’ils ne trompent pas les espérances légitimes fondées sur eux, et, ce qui serait plus mauvais encore, qu’ils ne tombent pas dans l’erreur, séduits par les sophismes et l’apparente érudition des rationalistes. Or ils seront parfaitement armés, si, comme Nous l’avons indiqué et recommandé, ils ont étudié soigneusement la philosophie et la théologie, en prenant saint Thomas pour guide. Ils s’avanceront ainsi d’un pas sûr et dans la science biblique et dans la théologie qu’on appelle positive, et y feront d’heureux progrès.

Lorsque, par une interprétation saine et habile des Livres Saints, on a démontré, développé et éclairci la doctrine catholique, on a fait beaucoup ; il est un autre travail pourtant, et non moins important que momenti quam operis laboriosi, pars remanet, ut ipsorum auctoritas integra quam validissime asseratur. Quod quidem nullo alio pacto plene licebit universeque assequi, nisi ex vivo et proprio magisterio Ecclesiæ ; quæ per se ipsa, ob suam nempe admirabilem propagationem, eximiam sanctitatem et inexhaustam in omnibus bonis fecunditatem, ob catholicam unitatem, invictamque stabilitatem, magnum quoddam et perpetuum est molivum credibilitatis et divinæ suæ legationis testimonium irrefragabile[45]. Quoniam vero divinum et infallibile magisterium Ecclesiæ in auctoritate etiam Sacra ? Scripturæ consistit, hujus propterea fides saltem humana asserenda in primis vindicandaque est : quibus ex libris, tamquam ex antiquitatis probatissimis testibus, Christi Domini divinitas et legatio, Ecclesiæ hierarchicæ institutio, primatus Petro et successoribus ejus collatus, in tuto apertoque collocentur. Ad hoc plurimum sane conducet, si plures sint e sacro ordine paratiores, qui hac etiam in parte pro fide dimicent et impetus hostiles propulsent, induti prœcipue armatura Dei, quam suadet Apostolus [46], neque vero ad nova hostium arma et prœlia insueti. Quod pulchre in sacerdotum officiis sic recenset Chrysostomus : « Ingens adhibendum est studium ut Christi verbum habitet in nobis abundanter[47] : neque enim ad unum pugnæ genus parati esse debemus, sed multiplex est bellum et varii sunt hostes ; neque iisdem omnes utuntur armis, neque uno tantum modo nobiscum congredi moliuntur. Quare opus est, ut is qui cum omnibus congressurus est, omnium machinas artesque cognitas habeat, ut idem sit sagittarius et funditor, tribunus et manipuli ductor, dux et miles, pedes et eques, navalis ac muralis pugnæ peritus : nisi enim omnes dimicandi artes noverit, novit diabolus per unam partem, si sola negligatur, prædonibus suis immissis, oves diripere[48]. » Fallacias hostium artesque in


difficile, c’est d'établir solidement l’autorité de ces Livres eux-mêmes. Ce résultat ne pourra être assuré dans sa plénitude et son universalité que par l’enseignement vivant et infaillible de l'Église ; c’est l'Église, en effet, qui par elle-même, à cause de sa miraculeuse propagation, de son éminente sainteté, de son inépuisable fécondité en tous biens, de son unité, de son indestructible stabilité, présente un perpétuel motif de crédibilité et une preuve irréfutable de sa mission divine. Mais parce que l’autorité divine et infaillible de l'Église repose elle-même sur l'Écriture sainte, il faut avant tout établir la valeur historique de celle-ci. Par ces livres, témoins très sûrs de l’antiquité, on pourra ainsi mettre hors de doute la divinité du Christ, sa mission, l’institution de la hiérarchie dans l'Église, et la primauté conférée à Pierre et à ses successeurs. Il sera très utile, pour y réussir, qu’un nombre assez grand d’ouvriers appartenant à la hiérarchie sacrée abordent ensemble cette tâche avec une préparation spéciale ; on les verra alors repousser sur ce point particulier les attaques de l’ennemi ; ils revêtiront avant tout pour ce combat l’armure divine que recommande l’Apôtre, mais les nouvelles armes et la nouvelle tactique de l’ennemi ne les surprendront pas. Saint Jean Chrysostome en fait un devoir aux prêtres : « Nous devons apporter un très grand zèle pour que la parole du Christ habite en nous abondamment : nous devons être aptes, en effet, à soutenir des combats de plus d’un genre ; la lutte change, et les adversaires attaquent sur tous les points : ils ne se servent pas tous des mêmes armes, et ne nous combattent pas d’une seule manière. Aussi est-il nécessaire que celui qui doit lutter avec tous connaisse les stratagèmes et les artifices de tous, qu’il se serve également de la flèche et de la fronde, qu’il soit à la fois tribun et centurion, général et simple soldat, cavalier et fantassin, qu’il connaisse la tactique navale aussi bien que la guerre de siège : car s’il est étranger à quelque partie de l’art militaire, s’il se néglige sur un point, ce sera par ce côté que le diable fera entrer ses suppôts dans la bergerie, afin de la dévaster. » Nombreux sont les artifices et les ruses de l’ennemi sur cette partie hac re ad impugnandum multiplices supra adumbravimus : jam, quibus præsidiis ad defensionem nitendum, commoneamus.

Est primum in studio linguarum veterum orientalium simulque in arte quam vocant criticam. Utriusque rei scientia quum hodie in magno sit pretio et laude, eà clerus, plus minusve pro locis et hominibus exquisita, ornatus, melius poterit decus et munus sustinere suum ; nam ipse omnia omnibus[49] fieri debet, paratus semper ad satisfactionem omni poscenti rationem de ea quæ in ipso est spe[50]. Ergo Sacræ Scripturæ magistris necesse est atque theologos addecet, eas linguas cognitas habere quibus libri canonici sunt primitus ab hagiographis exarati, easdemque optimum factu erit si colant alumni Ecclesiæ qui præsertim ad academicos theologiæ gradus aspirant. Atque etiam curandum ut omnibus in Academiis, quod jam in multis receptum laudabiliter est, de ceteris item antiquis linguis, maxime semiticis, deque congruente cum illis eruditione, sint magisteria, eorum in primis usui qui ad Sacras Litteras profitendas designantur.

Hos autem ipsos, ejusdem rei gratiâ, doctiores esse oportet atque exercitatiores in vera artis criticæ disciplina : perperam enim et cum religionis damno inductum est artificium, nomine honestatum criticæ sublimions, quo, ex solis internis, uti loquuntur, rationibus, cujuspiam libri origo, integritas, auctoritas dijudicata emergant. Contra perspicuum est, in quæstionibus rei historicæ, cujusmodi origo et conservatio librorum, historiæ testimonia valere præ ceteris, eaque esse quam studiosissime et conquirenda et excutienda : illas vero rationes internas plerumque non esse tanti, ut in causam, nisi ad quamdam confirmationem, possint advocari. Secus si fiat, magna profecto consequentur incommoda. Nam hostibus religionis plus confidentiæ futurum


du champ de bataille, Nous l’avons dit en passant, plus haut. Quels sont les moyens de défense ? Nous allons maintenant les indiquer.

Le premier consiste dans l'étude des anciennes langues orientales et aussi dans ce qu’on appelle la critique. Cette double connaissance, qu’aujourd’hui on estime si fort, le clergé doit la posséder, à un degré plus ou moins élevé, selon les lieux et les personnes. De cette manière, il pourra mieux soutenir son honneur et remplir son ministère ; car il doit se faire tout à tous, et être toujours prêt à répondre à tous ceux qui lui demandent compte des espérances qui sont en lui. Aussi pour les professeurs d'Écriture Sainte c’est une nécessité, et pour les théologiens une convenance, de posséder les langues dans lesquelles les hagiographes ont primitivement écrit les livres canoniques. Il serait aussi à désirer qu’elles fussent cultivées par les élèves ecclésiastiques, en particulier par ceux qui dans les académies aspirent aux grades théologiques. De plus, il faut tâcher que dans toutes les Universités, ce qui heureusement s’est déjà fait dans plusieurs, on établisse des chaires pour les autres idiomes antiques, en particulier pour les langues sémitiques et pour les connaissances qui s’y rattachent, dans l’intérêt de ceux qui se destinent à professer les Saintes Lettres.

Pour la même raison, ces hommes doivent être plus savants et plus exercés que les autres dans l’art de la vraie critique. Car c’est au détriment de la vérité et de la religion qu’on a inventé une méthode qu’on décore du nom de critique supérieure. D’après cette méthode, pour juger de l’origine, de l’intégrité et de l’autorité de n’importe quel livre, on doit avoir recours uniquement aux preuves intrinsèques, comme on les appelle. Au contraire, il est clair que dans les questions historiques, telles que l’origine et la conservation des livres, les preuves fournies par l’histoire ont plus de force que toutes les autres : aussi doit-on les rechercher et les examiner avec le plus grand soin. Les preuves intrinsèques, le plus souvent, n’ont pas assez de poids pour qu’on puisse les invoquer, si ce n’est comme une confirmation de la thèse. En agissant autrement, on rencontrerait de graves inconvénients. Ce serait encourager les ennemis est ut sacrorum authenticitatem Librorum impetant et discerpant : illud ipsum quod extollunt genus criticæ sublimioris, eo demum recidet, ut suum quisque studium præjudicatamque opinionem interpretando sectentur : inde neque Scripturis quæsitum lumen accedet, neque ulla doctrinæ oritura utilitas est, sed certa illa patebit erroris nota, quæ est varietas et dissimilitudo sentiendi, ut jam ipsi sunt documente hujusce novæ principes disciplinæ : inde etiam, quia plerique infecti sunt vanæ philosophiæ et rationalismi placitis, ideo prophetias, miracula, cetera quæcumque naturæ ordinem superent, ex Sacris Libris dimovere non verebuntur.

Congrediendum secundo loco cum iis, qui suâ physicorum scientia abusi, Sacros Libros omnibus vestigiis indagant, unde auctoribus inscitiam rerum talium opponant, scripta ipsa vituperent. Quæ quidem insimulationes quum res attingant sensibus objectas, eo periculosiores accidunt, manantes in vulgus, maxime in deditam litteris juventutem ; quæ semel reverentiam divinae revelationis in uno aliquo capite exuerit, facile in omnibus omnem ejus fidem est dimissura. Nimium sane constat, de natura doctrinam, quantum ad percipiendam summi Artificis gloriam in procreatis rebus impressam aptissima est, modo sit convenienter proposita, tantum posse ad elementa sanae philosophiae evellenda corrumpendosque mores, teneris animis perverse infusam. Quapropter Scripturae Sacrae doctori cognitio naturalium rerum bono erit subsidio, quo hujus quoque modi captiones in divinos Libros instructas facilius detegat et refellat.

Nulla quidem theologum inter et physicum vera dissensio intercesserit, dum suis uterque finibus se contineant, id caventes, secundum S. Augustini monitum, « ne aliquid temere et incognitum pro cognito asserant[51]. » Sin tamen dissenserint, quemadmodum se gerat theologus, summatim est regula ab eodem oblata : « Quidquid,


de la religion à attaquer et à détruire l’authenticité de nos Saints Livres. Car ce genre tant prôné de critique supérieure aboutit à ceci : que chacun, dans ses interprétations, en viendrait à suivre son propre goût et ses opinions faites d’avance. De cette manière la lumière désirée ne se fera pas sur les Écritures, la vraie science ne gagnera rien ; mais l’erreur se trahira par cet effet qui la caractérise : la diversité des opinions et les contradictions incessantes dont les chefs de cette méthode nouvelle nous offrent déjà le spectacle. Et parce que ceux-ci sont la plupart imbus des principes d’une fausse philosophie et de l’esprit rationaliste, ils ne craindront pas d'élaguer des Saints Livres les prophéties, les miracles et tout ce qui dépasse l’ordre naturel.

En second lieu il faut combattre ceux qui, abusant de la connaissance qu’ils ont des sciences naturelles, s’attachent à tous les pas des auteurs sacrés pour montrer leur ignorance sur ces matières et dénigrer les Écritures elles-mêmes. Ces accusations, ayant pour objet des choses sensibles, deviennent surtout dangereuses lorsqu’elles arrivent à la connaissance du vulgaire et surtout de la jeunesse qui s’adonne à l'étude des lettres. Celle-ci, en effet, une fois qu’elle aura perdu le respect de la révélation divine sur un point, refusera facilement de lui prêter foi sur tous les autres. Or il est bien certain que, si les sciences naturelles peuvent servir à manifester la gloire du Créateur, empreinte dans la création, pourvu qu’elles soient convenablement expliquées, elles peuvent tout aussi bien détruire les principes de la saine philosophie et corrompre les mœurs, si elles sont présentées d’une façon perfide aux jeunes intelligences. C’est pourquoi' la connaissance des sciences naturelles sera pour le professeur d'Écriture sainte d’un puissant secours. Par là il pourra plus facilement découvrir et combattre les attaques qui de ce côté aussi sont dirigées contre les Saints Livres.

Il ne saurait assurément exister de désaccord entre théologiens et savants si les uns et les autres se ' renfermaient dans leurs limites respectives, si, suivant le conseil de saint Augustin, « ils n’avançaient rien sans preuve et ne donnaient pas pour certain ce qui ne l’est pas. » Toutefois, s’il arrive un conflit, voici, d’après le même docteur, la règle générale que doit suivre le théologien : « Toutes les fois que les savants inquit, ipsi de natura rerum veracibus documentis demonstrare potuerint, ostendamus nostris Litteris non esse contrarium ; quidquid autem de quibuslibet suis voluminibus his nostris Litteris, id est catholicæ fidei, contrarium protulerint, aut aliqua etiam facultate ostendamus, aut nulla dubitatione credamus esse falsissimum[52]. » De cujus æquitate regulæ in consideratione sit primum, scriptores sacros, seu verius « Spiritum Dei, qui per ipsos loquebatur, noluisse ista (videlicet intimam adspectabilium rerum constitutionem) docere homines, nulli saluti profutura[53] » ; quare eos, potius quam explorationem naturæ recta persequantur, res ipsas aliquando describere et tractare aut quodam translationis modo, aut sicut communis sermo per ea ferebat tempora, hodieque de multis fert rebus in quotidiana vita, ipsos inter homines scientissimos. Vulgari autem sermone quum ea primo proprieque efferantur quæ cadant sub sensus, non dissimiliter scriptor sacer (monuitque et Doctor angelicus) « ea secutus est, quæ sensibiliter apparent[54] », seu quæ Deus ipse, homines alloquens, ad eorum captum significavit humano more.

Quod vero defensio Scripturæ Sanctæ agenda strenue est, non ex eo omnes seque sententiæ tuendæ sunt, quas singuli Patres aut qui deinceps interpretes in eadem declaranda ediderint : qui, prout erant opiniones ætatis, in locis edisserendis ubi physica aguntur, fortasse non ita semper judicaverunt ex veritate, ut quædam posuerint, quæ nunc minus probentur. Quocirca studiose dignoscendum in illorum interpretationibus, quænam reapse tradant tamquam spectantia ad fidem aut cum ea maxime copulata, quænam unanimi tradant consensu ; namque « in his que de necessitate fidei non sunt, licuit Sanctis diversimode opinari, sicut et nobis », ut est S. Thomæ sententia[55]. Qui et alio loco prudentissime habet : « Mihi videtur tutius esse, hujusmodi, quæ philosophi communiter senserunt, et nostræ fidei non repugnant, nec sic


ont appuyé de preuves solides leurs assertions relatives aux sciences de la nature, montrons qu’elles ne sont pas en contradiction avec nos Saints livres ; mais lorsque, dans leurs ouvrages, ils avancent des choses contraires à nos Saints Livres, c’est-à-dire à la foi catholique, montrons-leur, si nous le pouvons, ou du moins n’hésitons pas à croire, qu’ils se trompent. » Cette règle est très juste. En effet, il faut d’abord considérer que les écrivains sacrés ou plutôt « l’Esprit-Saint parlant par leur bouche n’ont pas voulu nous révéler la nature du monde visible, dont la connaissance ne sert de rien pour le salut » ; c’est pourquoi ces écrivains ne se proposent pas d'étudier directement les phénomènes naturels ; mais, lorsqu’ils en parlent, ils les décrivent d’une manière métaphorique ou en se servant du langage communément usité de leur temps, langage dont les plus grands savants se servent encore de nos jours dans la vie ordinaire. Or dans la conversation on désigne les choses comme elles apparaissent aux sens ; de même les écrivains sacrés « s’en sont rapportés aux apparences » ; c’est le Docteur angélique qui nous en avertit. Dieu, parlant aux hommes, s’est conformé, pour se faire comprendre, à leur manière d’exprimer les choses.

D’ailleurs, si l’on doit défendre énergiquement l'Écriture Sainte, il ne s’ensuit pas qu’il faille soutenir toutes les opinions émises par chacun des Pères et des exégètes postérieurs. Ces hommes ont subi l’influence des opinions qui avaient cours de leur temps : en expliquant les passages des Saintes Écritures qui font allusion aux choses naturelles, ils ont pu mêler à la vérité des jugements qu’on n’accepterait pas aujourd’hui. Aussi faut-il soigneusement mettre à part dans leurs interprétations les points qu’ils donnent réellement comme touchant à la foi ou comme étroitement unis à elle, ainsi que les vérités qu’ils présentent d’un consentement unanime ; car, « surtout ce qui n’appartient pas au domaine de la foi, les Saints ont eu le droit, comme nous l’avons, d'émettre différents avis. » C’est la pensée de saint Thomas, qui fait ailleurs cette si sage réflexion : « Je crois plus prudent, à l'égard des doctrines qui sont communément admises par les philosophes et ne sont pas contraires à nos croyances, d'éviter tout ensemble et de les affirmer comme esse asserenda ut dogmata fidei, etsi aliquando sub nomine philosophorum introducantur, nec sic esse neganda tamquam fidei contraria, ne sapientibus hujus mundi occasio contemnendi doctrinam fidei præbeatur[56]. » Sane, quamquam ea, quæ speculatores natura ? certis argumentis certa jam esse affirmarint, interpres ostendere débet nihil Scripturis recte explicatis obsistere, ipsum tamen ne fugiat, factum quandoque esse, ut certa quædam ab illis tradita, postea in dubitationem adducta sint et repudiata. Quod si physicorum scriptores terminas disciplinæ suæ transgressi, in provinciam philosophorum perversitate opinionum invadant, eas interpres theologus philosophis mittat refutandas.

Hæc ipsa deínde ad cognatas disciplinas, ad historiam præsertim, juvabit transferri. Dolendum enim, multos esse qui antiquitatis monumenta, gentium mores et instituta, similiumque rerum testimonia magnis ii quidem laboribus perscrutentur et proferant, sed eo sæpius consilio, ut erroris labes in Sacris Libris deprehendant, ex quo illorum auctoritas usquequaque infirmetur et nutet. Idque nonnulli et nimis infesto animo faciunt nec satis æquo judicio ; qui sic fidunt profanis libris et documentis memoriæ priscæ, perinde ut nulla eis ne suspicio quidem erroris possit subesse, libris vero Scripturæ Sacræ, ex opinata tantum erroris specie, neque eā probe discussa, vel parem abnuunt fidem. Fieri quidem potest, ut quædam librariis in codicibus describendis minus recte exciderint ; quod considerate judicandum est, nec facile admittendum, nisi quibus locis rite sit demonstratum : fieri etiam potest, ut germana alicujus loci sententia permaneat anceps ; cui enodandæ multum afferent optimæ interpretandi regulæ : at nefas omnino fuerit, aut inspirationem ad aliquas tantum Sacræ Scripturæ partes coangustare, aut concedere sacrum ipsum errasse auctorem.


des dogmes de foi (bien que ceux-ci quelquefois soient présentés sous le patronage des philosophes) et de ne pas les rejeter comme étant en contradiction avec la foi, pour ne pas fournir aux savants l’occasion de mépriser la doctrine. » Aussi, quoique l’interprète doive montrer que les faits établis sur des preuves solides par les observateurs de la nature ne sont pas en opposition avec l'Écriture bien comprise, il doit cependant se garder d’oublier que d’autres faits, d’abord présentés comme certains, ont été ensuite mis en doute et rejetés. Que si les auteurs des traités de physique franchissent les limites de leur science et font invasion dans le domaine de la philosophie avec de fausses données, le théologien exégète doit renvoyer au philosophe le soin de les réfuter.

On pourra aussi appliquer ces principes aux sciences voisines, surtout à l’histoire : car il faut déplorer que nombre de ceux qui, au prix de grandes fatigues, interrogent les monuments de l’antiquité, les mœurs et les institutions des peuples et autres documents de même espèce et qui les publient, aient trop souvent le parti pris de surprendre l'Écriture en flagrant délit d’erreur, pour en venir à ébranler de toutes parts et à infirmer son autorité.

C’est aussi la manière d’agir de quelques auteurs, dont l’esprit pèche par prévention et par défaut d’impartialité : ils accordent un tel crédit aux ouvrages profanes et aux monuments de l’histoire ancienne, qu’ils n’admettent même pas le soupçon d’erreur ; au contraire, lorsqu’il s’agit des Livres sacrés, il leur suffit d’y apercevoir une prétendue apparence d’erreur, — sur laquelle ils ne discutent même pas, — pour se décider, sans y regarder de plus près, à refuser à nos Saints Livres une confiance au moins égale. Certes il a pu échapper aux copistes des inexactitudes dans la transcription des manuscrits ; mais il ne faut admettre cette conclusion qu’après mûr examen et seulement pour les passages à l'égard desquels l’erreur est prouvée. Il peut se faire aussi que le véritable sens d’un passage reste douteux. C’est alors que, pour l'élucider, les règles les plus sûres de l’interprétation seront d’un grand secours ; mais il ne sera jamais permis ou de restreindre l’inspiration à certaines parties seulement de la Sainte Écriture ou d’accorder que l'écrivain sacré ait pu se tromper. Nec enim toleranda est eorum ratio, qui ex istis difficultatibus sese expediunt, id nimirum dare non dubitantes, inspirationem divinam ad res fidei morumque, nihil præterea, pertinere, eo quod falso arbitrentur, de veritate sententiarum quum agitur, non adeo exquirendum quænam dixerit Deus, ut non magis perpendatur quam ob causam ea dixerit. Etenim libri omnes atque integri, quos Ecclesia tamquam sacros et canonicos recipit, cum omnibus suis partibus, Spiritu Sancto dictante, conscripti sunt ; tantum vero abest ut divinæ inspirationi error ullus subesse possit, ut ea per se ipsa, non modo errorem excludat omnem, sed tam necessario excludat et respuat, quam necessarium est, Deum, summam Veritatem, nullius omnino erroris auctorem esse.

Hæc est antiqua et constans fides Ecclesiæ solemni etiam sententia in Conciliis definita Florentino et Tridentino ; confirmata denique atque expressius declarata in Concilio Vaticano, a quo absolute edictum : Veteris et Novi Testamenti libri integri cum omnibus suis partibus, prout in ejusdem Concilii (Tridentini) decreto recensentur, et in veteri vulgata latina editione habentur, prô sacris et canonicis suscipiendi sunt. Eos vero Ecclesia pro sacris et canonicis habet, non ideo quod sola humana industria concinnati, sua deinde auctoritate sint approbati ; nec ideo dumtaxat, quod revelationem sine errore contineant ; sed propterea quod Spiritu Sancto inspirante conscripti, Deum habent auctorem[57]. Quare nihil admodum refert, Spiritum Sanctum assumpsisse homines tanquam instrumenta ad scribendum, quasi, non quidem primario auctori, sed scriptoribus inspiratis quidpiam falsi elabi potuerit. Nam supernaturali ipse virtute ita eos ad scribendum excitavit et movit, ita scribentibus adstitit, ut ea omnia eaque sola quse ipse juberet, et recte mente conciperent, et fideliter conscribere vellent, et apte infallibili veritate exprimerent : secus, non ipse esset auctor Sacræ Scripturæ universæ. Hoc ratum semper habuere SS. Patres :


On ne peut pas non plus tolérer l’opinion de ceux qui se tirent de ces difficultés en n’hésitant pas à supposer que l’inspiration divine s’étend uniquement à ce qui touche la foi et les mœurs, parce que, pensent-ils faussement, la vérité du sens doit être cherchée bien moins dans ce que Dieu a dit que dans le motif pour lequel il l’a dit. Car tous ces livres et ces livres tout entiers que l’Église regarde comme sacrés et canoniques ont été écrits avec toutes leurs parties sous l’inspiration du Saint-Esprit. Or, loin d’admettre la coexistence de l’erreur, l’inspiration divine par elle-même exclut toute erreur ; et cela aussi nécessairement qu’il est nécessaire que Dieu, Vérité suprême, soit incapable d’enseigner l’erreur.

C’est là la croyance ancienne et constante de l’Église, croyance définie dans les conciles de Florence et de Trente, confirmée et plus expressément déclarée dans le concile du Vatican, qui affirme d’une manière absolue que les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament avec toutes leurs parties, tels qu’ils ont été reconnus par le concile de Trente, et qui font partie de l’ancienne Vulgate latine, doivent être regardés comme sacrés et canoniques. Et l’Église les reçoit comme sacrés et canoniques, non pas en ce sens que, composés par le génie humain, ils ont ensuite reçu son approbation : ni même seulement parce qu’ils contiennent la révélation sans aucune erreur ; mais parce qu’ils ont été écrits sous l’inspiration du Saint-Esprit et ont ainsi Dieu même pour auteur.

Aussi ne sert-il de rien de dire que le Saint-Esprit s’est servi des hommes comme d’instruments pour écrire et que quelque erreur a pu échapper, non à l’auteur principal, mais aux écrivains inspirés. Car l’Esprit-Saint a tellement poussé et excité ces hommes à écrire, il les a de telle sorte assistés d’une grâce surnaturelle quand ils écrivaient, qu’ils ont dû et concevoir exactement, et exposer fidèlement, et exprimer avec une infaillible justesse ce que Dieu voulait leur faire dire et seulement ce qu’il voulait. Sans quoi, il ne serait pas lui-même l’auteur de toute l’Écriture. Telle est la doctrine que les Pères ont toujours tenue pour certaine : « C’est pourquoi, dit saint Augustin, on ne peut dire que le Saint-Esprit n’a pas écrit lui-même « Itaque, ait Augustinus, quum illi scripserunt quæ ille ostendit et dixit, nequaquam dicendum est, quod ipse non scripserit : quandoquidem membra ejus id operata sunt, quod dictante capite cognoverunt[58] : » pronuntiatque S. Gregorius M. : « Quis hæc scripserit, valde supervacanæ quæritur, quum tamen auctor libri Spiritus Sanctus fideliter credatur. Ipse igitur hæc scripsit, qui scribenda dictavit : ipse scripsit qui et in illius opere inspirator exstitit[59]. » Consequitur, ut qui in locis authenticis Librorum Sacrorum quidpiam falsi contineri posse existiment, ii profecto aut catholicam divinæ inspirationis notionis pervertant, aut Deum ipsum erroris faciant auctorem. Atque adeo Patribus omnibus et Doctoribus persuasissimum fuit, divinas Litteras, quales ab hagiographis editæ sunt, ab omni omnino errore esse immunes, ut propterea non pauca illa, quæ contrarii aliquid vel dissimile viderentur afferre (eademque fere sunt quæ nomine novæ scientiæ nunc objiciunt), non subtiliter minus quam religiose componere inter se et conciliare studuerint ; professi unanimes, Libros eos et integros et per partes a divino æque esse afflatu, Deumque ipsum per sacros auctores elocutum nihil admodum a veritate alienum ponere potuisse. Ea valeant universe quæ idem Augustinus ad Hieronymum scripsit : « Ego enim fateor caritati tuæ solis eis Scripturarum libris qui jam canonici appellantur, didici hune timorem honoremque déferre, ut nullum eorum auctorum scribendo aliquid errasse firmissime credam. Ac si aliquid in eis offendero litteris quod videatur contrarium veritati, nihil aliud quam vel mendosum esse codicem, vel interpretem non assecutum esse quod dictum est, vel me minime intellexisse non ambigam[60]. »

At vero omni graviorum artium instrumente pro sanctitate Bibliorum plene perfecteque contendere, multo id majus est, quam ut a sola interpretum et theologorum


quand ceux-là écrivirent ce qu’il leur a montré et suggéré. Les membres écrivaient ce que la tête leur dictait. » Saint Grégoire le Grand dit également : « Il est bien inutile de chercher qui a écrit ces livres, puisque nous devons croire que le Saint-Esprit en est l’auteur. Celui-là donc a écrit qui a dicté ce qu’il fallait écrire. Celui-là a écrit qui fut l’inspirateur de l'œuvre. »

Il s’ensuit que ceux qui pensent que dans les endroits authentiques des Livres Saints se trouve quelque chose de faux, ceux-là ou bien altèrent la notion catholique de l’inspiration divine, ou font Dieu lui-même auteur de l’erreur. Aussi tous les saints Pères et les docteurs ont-ils été tellement persuadés que les Saintes Lettres, telles qu’elles sont présentées par les auteurs sacrés, sont absolument exemptes de toute erreur, qu’en présence des nombreux passages (les mêmes ou à peu près qu’on nous objecte aujourd’hui au nom de la science moderne), où semble se rencontrer quelque contradiction ou quelque divergence, ils ont multiplié leurs efforts avec autant de sagacité que de piété pour les mettre d’accord et les concilier entre eux. Ils professaient ainsi avec unanimité que les Saints Livres, dans leur ensemble et dans chacune de leurs parties, sont également l'œuvre de l’inspiration divine, et que Dieu lui-même, parlant par la bouche des auteurs inspirés, n’a pu absolument rien énoncer qui s'écartât de la vérité.

Telle doit être la portée universelle de ces paroles que saint Augustin écrit à saint Jérôme : « Je dois, en effet, l’avouer à votre affection ; entre tous les livres, j’ai voué à ceux-là seuls qui font partie de l'Écriture et sont appelés canoniques un tel respect, une telle vénération, que c’est pour moi une ferme croyance qu’aucun de leurs auteurs n’a pu se tromper en quoi que ce soit. Et si par hasard je rencontrais dans les Saintes Lettres quelque chose qui parût contraire à la vérité, je n’hésiterais pas à conclure, ou bien que le texte est défectueux, ou bien que le traducteur n’a pas saisi le sens, ou enfin que moi-même je n’ai nullement compris. »

Mais l’application pleine et parfaite de toutes ces sciences difficiles à la défense de la sainteté de la Bible est une œuvre qui dépasse de beaucoup ce que l’on peut raisonnablement attendre de l’activité exclusive des commentateurs et des théologiens. Il est bien à désirer que vers ce but conspirent aussi tous les sollertia sequum sit expectari. Eodem optandum est conspirent et connitantur illi etiam ex catholicis viris, qui ab externis doctrinis aliquam sint nominis auctoritatem adepti. Horum sane ingeniorum ornatus, si nunquam antea, ne nunc quidem, Dei beneficio, Ecclesiæ deest ; atque utinam eo amplius in fidei subsidium augescat. Nihil enim magis oportere ducimus, quam ut plures validioresque nanciscatur veritas propugnatores, quam sentiat adversarios ; neque res ulla est quse magis persuadera vulgo possit obsequium veritatis, quam si eam liberrime profiteantur qui in laudata aliqua præstent facultate. Quin facile etiam cessura est obtrectatorum invidia, aut certe non ita petulanter jam traducere illi audebunt inimicam scientiæ fidem, quum viderint a viris scientiæ laude nobilibus summum fidei honorem reverentiamque adhiberi.

Quoniam igitur tantum ii possunt religioni importare commodi, quibus cum catholicæ professionis gratia felicem indolem ingenii benignum Numen impertiit, ideo in hac acenima agitatione studiorum quae Scripturas quoquo modo attingunt, aptum sibi quisque eligant studii genus, in quo aliquando excellentes, objecta in illas improbæ scientiæ tela, non sine gloria, repellant.

Quo loco gratum est illud pro merito comprobare nonnullorum catholicorum consilium, qui ut viris doctioribus suppetere possit unde hujusmodi studia omni adjumentorum copia pertractent et provehant, coactis societatibus, largiter pecunias solent conferre. Optima sane et peropportuna temporibus pecuniae collocandae ratio. Quo enim catholicis minus præsidii in sua studia sperare licet publice, eo promptiorem effusioremque patere decet privatorum liberalitatem ; ut quibus a Deo aucti sunt divitiis, eas ad tutandum revelatæ ipsius doctrinæ thesaurum velint convertere.

Tales autem labores ut ad rem biblicam vere proficiant, insistant eruditi in iis tamquam principiis, quæ supra a Nobis præfinita sunt ; fideliterque teneant, Deum,


efforts des catholiques dont le nom a acquis quelque autorité dans les sciences profanes. Certes, pas plus de nos jours qu'à aucune époque du passé, cet ornement de leur génie ne fait, grâce à Dieu, défaut à l'Église : plaise au Ciel de l’accroître encore pour mieux défendre notre foi ! Rien, en effet, ne Nous semble plus nécessaire : il faut que la vérité voie ses défenseurs l’emporter en nombre et en valeur sur ses adversaires ; et rien au monde n’est mieux de nature à inspirer au vulgaire le respect de la vérité, que de la voir professer hardiment par ceux qui excellent dans quelque branche illustre des sciences. Bien plus, la haine même de nos ennemis cédera facilement, ou, du moins leur insolence n’osera pas représenter la foi comme ennemie de la science quand ils verront des hommes illustrés par toutes les gloires scientifiques apporter à cette foi l’hommage souverain de leur respect.

Puisque tels sont les avantages que peuvent apporter à la religion ceux à qui la divine bonté a accordé, avec la grâce de la foi catholique, les dons heureux de l’esprit, que chacun, dans ce mouvement si ardent des sciences touchant de quelque façon aux Écritures, se choisisse un genre d'études qui lui convienne et dans lequel, une fois passé maître, il puisse, non sans gloire, repousser les traits que la science ennemie dirige contre elles.

Et ici il Nous est doux de louer, comme il le mérite, le dessein de certains catholiques, qui, pour fournir aux savants les moyens de poursuivre et de faire avancer, avec tous les secours qu’elles réclament, ce genre d'études, s’unissent en sociétés pour appliquer à cette fin leurs libéralités pécuniaires. On ne saurait, certes, trouver pour la richesse un emploi meilleur et plus en rapport avec les circonstances. Moins, en effet, les catholiques peuvent compter, pour leurs études, sur les secours officiels, plus il convient que la générosité privée se montre prompte et abondante ; c’est ainsi que ceux qui ont reçu de Dieu les biens de la fortune pourront les faire servir à protéger le trésor de la révélation même.

Mais pour que ces travaux profitent véritablement aux études bibliques, que les savants s’appuient, en les considérant comme des principes, sur les doctrines que Nous avons exposées plus haut ; qu’ils soient fidèles à tenir que Dieu, qui a créé et qui gouverne toutes choses, est aussi l’auteur des Écritures, et, conditorem rectoremque rerum omnium, eumdem esse Scripturarum auctorem : nihil propterea ex rerum natura, nihil ex historiæ monumentis colligi posse quod cum Scripturis rêvera pugnet. Si quid ergo tale videatur, id sedulo submovendum, tum adhibito prudenti theologorum et interpretum judicio, quidnam verius verisimiliusve habeat Scripturæ locus, de quo disceptetur, tum diligentius expensa argumentorum vi, quæ contra adducantur. Neque ideo cessandum, si qua in contrarium species etiam tum resideat ; nam, quoniam verum vero adversari haudquaquam potest, certum sit aut in sacrorum interpretationem verborum, aut in alteram disputationis partem errorem incurrisse : neutrum vero si necdum satis appareat, cunctandum interea de sententia. Permulta enim ex omni doctrinarum genere sunt diu multumque contra Scripturam jactata, quae nunc, utpote inania, penitus obsolevere : item non pauca de quibusdam Scripturæ locis (non proprie ad fidei morumque pertinentibus regulam) sunt quondam interpretando proposita, in quibus rectius postea vidit acrior quædam investigatio. Nempe opinionum commenta delet dies : sed « veritas manet et invalescit in æternum[61] ». Quare, sicut nemo sibi arrogaverit ut omnem recte intelligat Scripturam, in qua se ipse plura nescire quam scire fassus est Augustinus[62], ita, si quid inciderit difficilius quam explicari possit, quisque eam sumet cautionem temperationemque ejusdem Doctoris : « Melius est vel premi incognitos sed utilibus signis, quam inutiliter ea interpretando, a jugo servitutis eductam cervicem laqueis erroris inserere[63]. »

Consilia et jussa Nostra si probe verecundeque erunt secuti qui subsidiaria hæc studia profitentur, si et scribendo et docendo studiorum fructus dirigant ad hostes veritatis redarguendos, ad fidei damna in juventute præcavenda, tum demum lætari


partant, que rien, ni dans la nature, ni dans les monuments de l’histoire, ne peut vraiment contredire les Écritures. Que si quelque contradiction de ce genre nous semble apparaître, écartons-la avec soin, soit en demandant au sage jugement des théologiens et des interprètes le sens plus vrai ou plus vraisemblable du passage en question, soit en soumettant à un examen plus attentif la valeur des arguments qu’on oppose à l’encontre. Et il ne faudrait pas s’arrêter, lors même que les contradictions apparentes persisteraient : comme le vrai ne peut jamais être opposé au vrai, que l’on tienne pour certain que l’erreur a dû s’introduire, soit dans l’interprétation du texte sacré, soit dans quelque autre partie de la discussion : et si, ni d’un côté ni de l’autre, cela ne peut encore assez se constater, il faut, en attendant, suspendre son jugement.

Combien d’objections, en effet, dont les divers ordres de sciences ont fait longtemps grand bruit contre les Écritures, et qui, reconnues sans valeur, sont aujourd’hui tombées dans l’oubli ! De même, au sujet de certains passages des Écritures (qui ne touchaient pas directement, il est vrai, à la règle de la foi et des mœurs), combien d’interprétations que l’on proposait, et qu’un examen plus attentif a dû réformer dans la suite ! Le temps, en effet, emporte les erreurs de l’opinion ; mais « la vérité demeure et se fortifie éternellement ». Personne ne peut avoir la prétention de comprendre parfaitement un livre, dans lequel saint Augustin lui-même avoue qu’il ignorait beaucoup plus de choses qu’il n’en savait ; c’est pourquoi s’il se présente des difficultés que l’on ne peut résoudre, que chacun s’approprie le sage procédé du même docteur : « Mieux vaut se courber sous des signes, utiles toujours lors même qu’on les ignore, que de s’exposer, par des interprétations inutiles, à embarrasser dans les filets de l’erreur une tête affranchie du joug de la servitude. »

Qu’ils suivent avec respect et droiture Nos conseils et Nos recommandations, ceux qui s’occupent de ces sciences subsidiaires ; qu’ils s’efforcent, dans leurs écrits et leur enseignement, d’employer les résultats de leurs études à réfuter les ennemis de la vérité et à empêcher chez les jeunes gens la perte de la foi : ils pourront alors se féliciter d’avoir dignement mis leur travail au service des Saintes Lettres et d’avoir poterunt digna se opera Sacris Litteris inservire, eamque rei catholicæ opem afferre, qualem de filiorum pietate et doctrinis jure sibi Ecclesia pollicetur.

Hæc sunt, Venerabiles Fratres, quae de studiis Scripturæ Sacræ pro opportunitate monenda et præcipienda, aspirante Deo, censuimus. Jam sit vestrum curare, ut qua par est religione custodiantur et observentur : sic ut debita Deo gratia, de communicatis humano generi eloquiis sapientiæ suæ testatius eniteat, optatæque utilitates redundent, maxime ad sacræ juventutis institutionem, quæ tanta est cura Nostra et spes Ecclesiæ. Auctoritate nimirum et hortatione date alacres operam, ut in Seminariis, atque in Academiis qua ? parent ditioni vestræ hæc studia justo in honore consistant vigeantque. Integre feliciterque vigeant, moderatrice Ecclesia, secundum saluberrima documenta et exempla SS. Patrum laudatamque majorum consuetudinem : atque talia ex temporum cursu incrementa accipiant quæ vere sint in præsidium et gloriam catholicæ veritatis, natæ divinitus ad perennem populorum salutem.

Omnes denique alumnos et administras Ecclesiæ paterna caritate admonemus, ut ad Sacras Litteras adeant summo semper affectu reverentiæ et pietatis : nequaquam enim ipsarum intelligeritia salutariter ut opus est patere potest, nisi remota scientiæ terrenæ arrogantia, studioque sancte excitato ejus quæ desursum est sapientiæ. Cujus in disciplinam semel admissa mens, atque inde illustrata et roborata, mire valebit ut etiam humanæ scientiæ quæ sunt fraudes dignoscat et vitet, qui sunt solidi fructus percipiat et ad æterna referat ; inde potissime exardescens animus, ad emolumenta virtutis et divini amoris spiritu vehementiore contendet : Beati qui scrutantur testimonia ejus, in toto corde exquirunt eum[64].


apporté à la religion catholique le secours que l'Église est en droit d’attendre de la piété et de la science de ses enfants.

Tels sont, vénérables Frères, les avis et les règles que Nous avons cru devoir, selon les besoins du moment, vous donner, avec l’aide de Dieu, sur l'étude de l'Écriture Sainte. À vous maintenant de veiller à ce qu’elles soient gardées et observées avec le respect qui leur est dû : ce sera le moyen de faire briller avec plus d'éclat la reconnaissance que nous devons à Dieu pour cette communication faite au genre humain des oracles de sa sagesse ; le moyen aussi d’en retirer plus abondamment les avantages tant souhaités, surtout pour la formation de cette jeunesse lévitique, qui est l’objet si cher de Notre sollicitude et l’espérance de l'Église. Remplis d’un zèle empressé, employez votre autorité et vos exhortations à ce que, dans les séminaires et dans les académies soumises à votre juridiction, ces études se maintiennent justement en honneur et soient toujours florissantes. Qu’elles se développent dans une heureuse intégrité, sous la direction de l'Église, et en se conformant aux salutaires leçons et aux exemples des saints Pères comme aux louables pratiques des anciens ; et qu’enfin le cours des temps leur donne des développements qui serviront véritablement à la défense et à la gloire de la vérité catholique, établie de Dieu pour perpétuer le salut des peuples.

Quant aux élèves et aux ministres de l'Église, Nous les avertissons tous, dans Notre affection paternelle, de n’aborder jamais les Saintes Lettres qu’avec un sentiment profond de respect et de piété ; car il est absolument impossible que l’intelligence s’en révèle à eux d’une façon salutaire, comme il en est besoin, s’ils ne sont fidèles à écarter l’arrogance de la sagesse terrestre et à exciter saintement en eux l’amour de la sagesse qui vient d’en haut. Une fois que, se mettant à son école, l'âme en a reçu la lumière et la force, elle en acquiert une merveilleuse faculté pour discerner et éviter les artifices de la science humaine, pour recueillir les fruits qui sont vraiment solides et les rapporter à l'éternité. C’est par là surtout que l'âme enflammée d’ardeur tendra d’un élan plus vigoureux vers les richesses de la vertu et de l’amour divin : Bienheureux ceux qui scrutent ses témoignages et de tout leur cœur vont à sa recherche. Jam divini auxilii spe freti et pastorali studio vestro confisi, Apostolicam benedictionem, cælestium munerum auspicem Nostræque singularis benevolentiae testem, vobis omnibus, universoque Clero et populo singulis concredito, peramanter in Domino impertimus.

Datum Romæ apud S. Petrum die XVIII Novembris anno MDCCCXCIII, Pontificatus Nostri sextodecimo

LEO PP. XIII.

Et maintenant Nous Nous appuyons sur l’espérance du secours d’en haut, et, pleins de confiance en votre zèle pastoral, c’est avec toute Notre affection que, comme gage des récompenses célestes et comme témoignage de Notre particulière bienveillance, Nous vous accordons, dans le Seigneur, à vous tous, et à tout le clergé comme à tout le peuple confiés à chacun de vous, la bénédiction apostolique.

Donné à Rome, près Saint-Pierre, le 18 novembre de l’année MDCCCXCIII, de Notre Pontificat la seizième. - '

LÉON XIII. PAPE.

  1. La première place, au frontispice de ce Dictionnaire, appartient de droit à ce document pontifical, qui expose avec une pleine autorité et une parfaite clarté la doctrine de l’Église sur les Saintes Écritures. Il doit être la règle de tous ; il sera toujours notre guide. F. V.
  2. Conc. Vat., sess. III, cap. ii, De revel.
  3. Ibid.
  4. S. Aug., De Civ. Dei, xi, 3.
  5. S. Clem. Rom., 1 ad Cor., 45 ; S. Polycarp., Ad Phil., 7 ; S. Iren., Contra hær., ii, 28, 2.
  6. S. Chrys., In Gen. hom. ii, 2 ; S. Aug., In Ps. xxx, serm, ii, 1 ; S. Greg. M., Ad Theod. ep. iv, 31.
  7. II Tim., iii, 16-17.
  8. S. Aug., De util. cred., xiv, 32.
  9. Act., xiv, 3.
  10. S. Hier., De studio Script., ad Paulin, ep. liii, 3.
  11. In Is., Prol.
  12. In Is., liv, .12.
  13. I Thess., i, 5.
  14. Jer., xxiii, 29.
  15. Hebr., iy, 12.
  16. De doct. chr., ii, 6, 7.
  17. S. Chrys., In Gen. hom. xxi, 2 ; hom. lx, 3 ; S. Aug., De discipl. chr., 2.
  18. S. Athan., Ep. fest. 39.
  19. S. Aug., Serm. xxvi, 21 ; S. Ambr., In Ps. cxviii, serm. xrx, 2.
  20. S. Hier., De vit. cleric. ad Nepot.
  21. S. Greg. M., Regul. past., ii, M (al. 22) ; Moral., xviii, 26 (al. ii).
  22. S. Aug., Serm. clxxix, 1.
  23. S. Greg. M., Regul. pont., iii, 24 (al. 48).
  24. I Tim., iv, 16.
  25. S. Hier., In Mich., i, 10.
  26. Conc. Trid., sess. V, Décret. de reform., 1.
  27. Ibid., 1-2.
  28. I. Tim, vi 20
  29. Sess. IV, Decr. de edit. et usu sacr. libror.
  30. De doct. chr., iii, 4.
  31. S. Hier., Ad Pammach.
  32. S. Hier., Ad Paulin., de studio Script., ep. un, 4.
  33. Contra hær., iv, 26 5.
  34. Sess. III, cap. n. De revél. ; et Conc Trid., sess. IV, Decret, de edit. et um sacr. libror.
  35. Conc. Vat., sess. III, cap. iii, De fide.
  36. Ibid., 6, 7.
  37. Ad Honorat., De utilit. cred., xvii, 35.
  38. (1) Rufin, Hist. eccles., ii, 9
  39. S. Aug., Contra Julian., ii, 10, 37.
  40. De Gen. ad litt., I viii, c. 7, 13.
  41. Cf. Gem. Alex., Strom., vii, 16 ; Orig., De princ., iv, 8 ; In Levit. hom. iv, 8 ; Tertull., De præscr., 15, seqq. ; S. Hilar. Pict., In Matth., xiii, 1.
  42. S. Greg. M., Moral., xx, 9 (al. 11).
  43. Summ. theol., p. I, q. I, a 5. ad 2.
  44. Ibid., a. 8.
  45. Conc. Vat. sess. III, cap. iii, De fide.
  46. Eph., vi, 13, seqq.
  47. Cf. Col., iii, 16.
  48. De sacerd., iv, 4.
  49. 1 Cor., a, 22.
  50. I Petr., iii, 15.
  51. In Gen. op. imperf., ix, 30.
  52. S. Aug., De Gen. ad litt., i, 21, 41.
  53. S. Aug., ibid. ii, 9, 20.
  54. Summa theol., p. I, q. lxx, a. 1 ad 3.
  55. In Sent., II, dist. II, q. i, a. 3.
  56. Opusc. x.
  57. Sess. III, cap. ii, De revel.
  58. De consensu Evangel., 1. i, c. 35.
  59. Præf. in Job, n. 2.
  60. Ep. lxxxii, 1, et crebrius alibi.
  61. III Esdr., iv, 38.
  62. Ad Januar. ep. lv, 21.
  63. De doct. chr. iii, 9, 13.
  64. Ps. xviii, 2.