Dictionnaire de l’administration française/ARMES

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ARMES. 1. Toute machine, tout instrument ou ustensile tranchant, perçant ou contondant. (C. P., art. 101).

Force des États contre l’étranger, sûreté des individus contre les malfaiteurs, moyen de guerre civile, instrument de crimes et délits, les armes ont donné lieu à une législation compliquée, dont nous allons présenter un résumé.

sommaire.

chap. i. armes de guerre.
CSect. 1. Définition, 2.
CSect. 2. Fabrication, 3 à 16.
CSect. 3. Détention, 17 à 20.
chap. ii. armes de commerce.
CSect. 1. Armes de commerce en général, 21 à 28.
CSect. 2. Armes de traite, 29 à 31.
chap. iii. armes secrètes ou prohibées, 32 à 35.
chap.iv. port d’armes, 36 à 41.
chap.v. armes d’honneur, 42 à 46.
chap.vi. armes livrées au domaine, 47 à 49.
Administration comparée.


CHAP. I. — ARMES DE GUERRE.
Sect. 1. — Définition.

2. L’ordonnance du 24 juillet 1816 comprenait, sous la dénomination d’armes de guerre, toutes les armes à feu ou blanches à l’usage des troupes françaises, telles que fusils, mousquetons, carabines, pistolets de calibre, sabres et baïonnettes.

On entend par calibre des armes à feu l’ouverture du canon, non compris son épaisseur, ou, ce qui est la même chose, le diamètre de la balle que cette ouverture peut recevoir.

Le calibre de guerre est de 0,m0177 (7 lignes 9 points).

La loi du 25 mai 1834 ne définit pas les armes de guerre : « Votre commission, dit le rapporteur à la Chambre des députés, a essayé en vain de donner une définition légale des armes de guerre ; toute définition est trop générale ou trop exclusive ; nous n’en avons trouvé aucune, en effet, assez précise pour qu’elle ne laissât pas en dehors de la prohibition légale de véritables armes de guerre, ou assez étendue pour qu’elle n’y comprît pas des armes de luxe ou de défense personnelle. »

Toutefois, l’article 2 de la loi du 14 juillet 1860 n’a pas observé la même réserve. « Les armes de guerre, dit cet article, sont celles qui servent ou qui ont servi à armer les troupes françaises ou étrangères. Peut être réputée arme de guerre, toute arme qui serait reconnue propre au service de guerre et qui serait une imitation réduite ou amplifiée d’une arme de guerre. Les armes dites de bord ou de troque sont considérées comme armes de guerre et soumises aux mêmes règles. »

On trouvera peut-être que cette définition vague n’enlève rien à la force des observations présentées par la commission de 1834.

Sect. 2. — Fabrication.

3. Aux termes de l’article 1er de la loi du 14 juillet 1860, toute personne peut se livrer à la fabrication ou au commerce des armes ou des pièces d’armes de guerre, en vertu d’une autorisation donnée par le ministre de la guerre, et sous les conditions déterminées par la loi ou par les règlements d’administration publique.

Les armes ou les pièces d’armes de guerre fabriquées dans les établissements autorisés, ne peuvent être destinées qu’à l’exportation, sauf le cas de commandes faites par le ministre de la guerre pour le service de l’État.

Tous les canons des armes de guerre destinées au commerce extérieur sont soumis à des épreuves constatées par l’application d’un poinçon. Ces canons reçoivent, en outre, une marque dite d’exportation.

Un décret du 19 juin 1865, portant règlement d’administration publique, a déterminé la nature des épreuves que doivent subir les canons des armes de guerre fabriquées par l’industrie privée.

Le titre II de la loi précitée du 14 juillet 1860 a fixé les règles pour l’importation, l’exportation et le transit des armes ou des pièces d’armes de guerre. Des pénalités graduées sont édictées contre les contraventions à ces règles.

4. Malgré les dispositions ci-dessus de la loi du 14 juillet 1860, la fabrication des armes de guerre n’en constitue pas moins un monopole en faveur de l’État, qui dispose, à cet effet, de trois grandes manufactures : Saint-Étienne et Tulle, consacrées exclusivement à la fabrication des armes à feu, et Châtellerault, qui produit à la fois des armes à feu et des armes blanches.

Ces établissements sont exploités par des entrepreneurs qui traitent avec le ministre de la guerre pour les clauses et conditions de l’entreprise. Ils approvisionnent la fabrique de matières premières ; paient les ouvriers au taux fixé pour la main-d’œuvre, et touchent, de l’État, le prix de leurs fournitures d’armes sur des procès-verbaux de réception dûment certifiés et visés.

5. Un règlement du 10 décembre 1844 a déterminé la part de l’administration dans l’organisation et le service général des manufactures d’armes.

Ce règlement attribue au corps des officiers de l’artillerie la direction et la surveillance des travaux de ces établissements.

6. Un colonel est chargé, sous le titre d’Inspecteur des manufactures nationales d’armes, de la centralisation du service.

Un officier supérieur est placé à la tête de chaque manufacture, en qualité de directeur. Il a sous ses ordres un capitaine en premier, sous-directeur, et le nombre de capitaines en second et d’employés nécessaires.

7. Les capitaines employés aux manufactures doivent être successivement attachés à chacune des parties de la fabrication, de manière à acquérir, en un temps donné, des connaissances complètes sur l’ensemble des travaux.

Ils assistent à des conférences tenues au moins deux fais par mois, sous la présidence du directeur ou du sous-directeur, et dans lesquelles sont traitées toutes les questions concernant le service des manufactures.

8. Il a été créé, dans chaque établissement, des contrôleurs et des réviseurs, qui sont responsables, chacun dans sa partie, de la bonne qualité des matières employées, de l’exactitude des formes et des dimensions des pièces, et des défauts qui rendent les armes susceptibles d’être rebutées.

Ils sont chargés de surveiller et d’instruire les ouvriers.

Les premiers contrôleurs sont choisis parmi ceux de 2e classe, et ceux de 2e classe parmi les réviseurs.

9. Les ouvriers sont divisés en trois catégories :

Ceux qui ont souscrit un engagement volontaire, dont la durée est de six ans ;

Les ouvriers militaires détachés de leur corps ;

Les ouvriers libres qui ne sont admis qu’autant qu’ils s’obligent à prévenir trois mois d’avance lorsqu’ils veulent quitter la manufacture.

Les ouvriers des deux premières catégories sont exempts du logement des gens de guerre et ils ont droit, après trente ans de travail dans la manufacture, à une pension de retraite.

10. Le personnel des ateliers se compose de compagnons et de maîtres-ouvriers.

Nul ouvrier n’est admis comme compagnon sans avoir travaillé en présence d’un officier et d’un contrôleur ou réviseur, qui s’assurent s’il est capable de bien faire le travail dont il devra être chargé.

Nul ouvrier n’est admis comme maître s’il n’a fait son chef-d’œuvre, c’est-à-dire s’il n’a fait, sur quelques pièces d’armes, le travail de sa profession d’une manière plus soignée que pour la fabrication courante.

Des prix de 20 à 25 francs sont distribués chaque année aux ouvriers qui ont le plus perfectionné leur fabrication ou qui ont eu le moins de rebut comparativement à l’année précédente.

11. L’administration choisit, parmi les ouvriers les plus habiles, des élèves, au nombre de 20, pour les manufactures d’armes à feu, dont les frais d’apprentissage et d’entretien sont faits par l’État.

Ils sont instruits par les maîtres-ouvriers dans les ateliers mêmes des fabriques.

Ces élèves, qui souscrivent un engagement dans l’armée, sont destinés à devenir, quand leur instruction est terminée et qu’ils ont fait les chefs-d’œuvre indiqués au programme, des maîtres-armuriers pour les corps, des contrôleurs pour les directions d’artillerie.

Ils concourent, en outre, avec les maîtres-ouvriers les plus intelligents et les plus habiles, pour les emplois de réviseur.

Ils ne peuvent avoir moins de 18 ans ni plus de 25.

12. Le directeur arrête, dans les derniers jours de chaque mois, les commandes du mois suivant ; les capitaines placés à la tête des différents services font la répartition du travail entre les ouvriers.

Les maîtres-ouvriers sont tenus d’exécuter par eux-mêmes ou par leurs compagnons l’ouvrage qu’ils ont eu en distribution.

Chaque ouvrier marque son ouvrage d’un poinçon particulier.

13. Chaque, manufacture est toujours approvisionnée pour trois mois de travail, et toutes les matières employées à la fabrication des armes doivent être de première qualité.

Les matières premières sont essayées à leur arrivée à la manufacture, et acceptées ou rebutées selon le résultat des essais.

Celles qui sont mises au rebut prennent place dans un magasin particulier fermé de deux clefs, dont l’une est gardée par le directeur ; l’entrepreneur ne peut disposer de ces matières sans en prévenir le directeur.

Il est défendu d’acheter, des ouvriers des manufactures nationales, aucune matière propre à la fabrication des armes.

14. Chaque ouvrier reçoit un modèle des pièces ou parties de l’arme qu’il doit fabriquer, ainsi que les calibres, mandrins, pointes et mesures nécessaires ; ces instruments sont vérifiés à l’avance par un contrôleur en présence d’un officier.

Les modèles sortent des ateliers de précision établis, à Paris, au dépôt central de l’artillerie.

15. Les contrôleurs et réviseurs procèdent à la réception des armes, en présence du directeur ; ils mettent leur poinçon d’acceptation sur les pièces qui leur paraissent de bon service.

Les différentes armes et pièces d’armes sont séparément soumises à de minutieuses vérifications et à des épreuves multipliées. L’adoption du fusil modèle 1866 a dû apporter de sérieuses modifications au système d’épreuves des armes à feu. Ces épreuves sont déterminées par un règlement ministériel du 29 juin 1869. Il est dressé procès-verbal des résultats de toutes les épreuves.

16. Un garde d’artillerie, attaché à chaque manufacture, est chargé de l’emmagasinement, de l’entretien et de l’encaissement des armes reçues pour le compte de l’État.

Il est, en outre, chargé du magasin à poudre, ainsi que des immeubles, de la bibliothèque et de la collection de plans, cartes, dessins et modèles, que les règlements prescrivent de former dans chaque manufacture.

Sect. 3. — Détention.

17. Les armes de guerre ne pouvant être fabriquées, à moins d’autorisation spéciale, que dans les manufactures nationales, et les produits de ces établissements étant uniquement réservés à l’armée, il a été érigé en principe que l’État pouvait seul être légitime propriétaire de ces armes, et des dispositions ont été prises pour lui en assurer la possession exclusive.

18. Un arrêté du 8 ventôse an IV (23 février 1796) a défendu la vente et l’achat des armes de guerre.

Un autre arrêté du 20 du même mois a enjoint aux détenteurs d’armes ou d’objets d’équipements militaires d’en faire la remise aux autorités, sous peine d’être poursuivis judiciairement comme fauteurs de dilapidations et vols faits à la République.

Ces prescriptions furent renouvelées en 1815 ; mais le décret annonçait que le prix des armes serait remboursé à ceux qui en feraient la remise.

L’ordonnance du 24 juillet 1816 interdit aux particuliers la vente et l’achat des armes des modèles de guerre français ou étrangers, fait défense d’acheter ou prendre en gage les armes d’un soldat, et ordonne de rapporter aux magasins de l’État les armes abandonnées par des militaires.

La loi du 24 mai 1834 punit d’un emprisonnement et d’une amende : 1° tout individu qui, sans y être légalement autorisé, aura fabriqué ou confectionné, débité ou distribué des armes de guerre ; 2° tout détenteur desdites armes.

Est également punissable tout armurier qui détient, sans autorisation, des armes de guerre.

19. Ces dispositions ne sont pas applicables aux citoyens faisant partie de l’armée territoriale et aux compagnies de sapeurs-pompiers, aux préposés de l’administration des douanes, non plus qu’aux gardes champêtres et forestiers qui peuvent conserver un fusil de guerre lorsqu’ils y sont autorisés par les sous-préfets.

20. Des décrets peuvent prohiber la sortie et la réexportation d’entrepôt des armes de guerre de toute sorte. Des mesures de cette nature sont généralement inspirées par la politique et ne sont que temporaires.

CHAP. II. — ARMES DE COMMERCE.
Sect. 1. — Armes de commerce en général.

21. On considère comme arme de commerce toute arme apparente et non prohibée, n’ayant pas le calibre de guerre.

22. La fabrication de ces armes est permise à tous les citoyens ; il n’est pas dérogé, pour la profession d’armurier et de fabricant d’armes, au grand principe de la liberté de l’industrie ; seulement les lois et règlements en soumettent l’exercice à certaines obligations dont nous allons indiquer les principales.

23. Tout armurier ou fabricant d’armes doit être muni d’un registre parafé par le maire, sur lequel sont inscrites l’espèce et la quantité d’armes qu’il fabrique ou achète, ainsi que l’espèce et la quantité de celles qu’il vend, avec les noms et domiciles des vendeurs et acquéreurs.

Les maires, par eux ou par les commissaires de police, arrêtent ces registres tous les mois.

Il est, en outre, expressément enjoint aux commissaires de police, maires, sous-préfets et préfets, d’exercer une surveillance active sur les fabriques et ateliers d’armes qui se trouvent dans leurs arrondissements.

Les fabriques d’armes, dans les villes où il y a une manufacture nationale, doivent aussi être surveillées par l’inspecteur de ladite manufacture.

Les armes de commerce, ainsi qu’on l’a dit, ne doivent jamais avoir le calibre de guerre, et peuvent être regardées comme appartenant au Gouvernement et saisies par lui si leur calibre n’est pas au moins à 2 millimètres au-dessus ou au-dessous du calibre de guerre.

24. Les armes à feu sont assujetties à des épreuves proportionnées à leur calibre.

La charge d’épreuve varie, pour les fusils de chasse, de 13 à 20 grammes de poudre, et pour les pistolets de 4 à 13.

Les canons jugés bons sont marqués d’un poinçon d’acceptation portant une empreinte particulière pour chaque ville de fabrication.

Les fabricants, marchands et ouvriers canonniers ne peuvent vendre aucun canon sans qu’il ait été éprouvé et marqué de ce poinçon.

25. Le préfet nomme, dans chacune des villes où l’on fabrique des armes de commerce, un éprouveur dont la commission est enregistrée à la mairie.

L’éprouveur se pourvoit à ses frais d’un local commode, uniquement destiné aux épreuves ; il se pourvoit, également à ses frais, des mesures vérifiées et poinçonnées, analogues à chacun des calibres, et fournit la poudre et les balles.

Il reçoit pour chaque charge une indemnité fixée en raison du calibre.

26. Nous ne parlerons pas des mesures de rigueur, éminemment transitoires et de circonstance, que les divers pouvoirs qui se sont succédé depuis 1789 ont prises dans les moments de guerre civile ou de guerre étrangère.

Nous rappellerons seulement qu’un décret de 1793 avait défendu, sous peine de dix ans de fers et de confiscation des armes, à tout fabricant, fourbisseur ou marchand d’armes, d’en vendre, délivrer ou envoyer, sans en avoir préalablement fait la déclaration à la municipalité du lieu de sa résidence.

Un décret de l’année précédente avait déclaré infâme, traître à la patrie et digne de la peine de mort, les personnes qui refuseraient de remettre leurs armes.

27. La loi du 24 mai 1834 défend, en ces termes, les dépôts d’armes de commerce : « Art. 3. Tout individu qui, sans y être légalement autorisé, sera détenteur… d’un dépôt d’armes quelconque, sera puni d’un emprisonnement d’un mois à 2 ans et d’une amende de 16 fr. à 1,000 fr. »

28. Les armes de commerce peuvent être exportées sans autorisation spéciale ; mais il faut qu’elles soient accompagnées de certificats constatant qu’il ne s’agit pas d’armes de guerre. Ces certificats sont délivrés par les commandants d’artillerie des villes de Paris, Toulon, Marseille, Bayonne, Bordeaux, La Rochelle, Nantes, Brest, Le Havre, Lille, Bourges, Besançon et Perpignan.

Sect. 2. — Armes de traite.

29. Les armes dites de traite, c’est-à-dire destinées au commerce de la troque avec certaines contrées d’Afrique, sont considérées comme armes de commerce ; elles peuvent néanmoins avoir le calibre de guerre et sortir des ateliers et arsenaux de l’État.

D’après une lettre du ministre de la guerre, du 31 mai 1832, elles se distinguent des armes de guerre en ce qu’elles sont d’une fabrication très-inférieure.

30. Il doit être donné connaissance des dépôts d’armes dites de traite, et qui sont du calibre de guerre français, par des propriétaires, aux commissaires de police des villes où sont situés ces dépôts.

Un registre tenu par ces commissaires indique l’entrée, la sortie et la destination de ces armes. Les maires et sous-préfets sont informés de ces mouvements.

31. En 1853, le Gouvernement, afin d’étendre et de faciliter le commerce de la troque, a mis à la disposition de nos armateurs les fusils à silex rentrés en magasin après avoir été remplacés dans l’armée par les fusils à percussion.

L’armateur, en demandant au ministre de la guerre l’autorisation de prendre livraison des armes qu’il aura choisies et de les exporter, doit désigner le port de sortie et le lieu de destination.

CHAP. III. — ARMES SECRÈTES OU PROHIBÉES.

32. Une déclaration du roi du 23 mars 1728, dont l’exécution a été de nouveau prescrite par décret du 12 mars 1816, contient les dispositions suivantes :

« Ordonnons qu’à l’avenir toute fabrique, commerce, vente, débit, achat, port et usage des poignards, couteaux en forme de poignards, soit de poche, soit de fusil, des baïonnettes, pistolets de poche, épées en bâtons, bâtons en ferrements, autres que ceux qui sont ferrés par le bout, et autres armes offensives, cachées ou secrètes, soient et demeurent pour toujours généralement abolis et défendus, enjoignant à tous couteliers, fourbisseurs, armuriers et marchands de les rompre et briser incessamment après l’enregistrement des présentes. »

Le décret du 2 nivôse an XIV (23 décembre 1805) a ajouté à cette nomenclature les fusils et pistolets à vent, et l’art. 314 du Code pénal a prohibé les stylets et tromblons.

33. Le décret du 14 décembre 1810, en rangeant les pistolets de poche au nombre des armes assujetties à des épreuves avant la mise en vente, avait rendu douteux le maintien de la disposition de 1728 relative auxdits pistolets de poche : une ordonnance du 25 février 1837 a fait cesser toute incertitude à cet égard en rétablissant la prohibition dont ils avaient été l’objet.

34. La Cour de cassation, dans un arrêt du 6 août 1824, a expliqué les motifs qui ont déterminé le législateur à proscrire les armes secrètes : « Il faut distinguer, dit la Cour suprême, entre les armes apparentes et défensives, qui ne deviennent offensives que par accident, et les armes cachées, secrètes, offensives par la présomption légale, et dont le port illicite favoriserait les attentats des malfaiteurs, au grand détriment de la chose publique, de la sûreté des propriétés et des personnes des citoyens paisibles[1]. »

35. Est punie d’un emprisonnement d’un mois à un an et d’une amende de 16 fr. à 500 fr. la fabrication, le débit ou la distribution des armes prohibées par la loi ou par des règlements d’administration publique.

CHAP. IV. — PORT D’ARMES.

36. Les Français des premiers temps de la monarchie ne se montraient jamais sans leurs armes. À partir du ixe siècle, tous les souverains s’appliquèrent à détruire cette coutume que les Germains et les Francs avaient introduite dans les Gaules. Charlemagne fit défense de porter des armes offensives et défensives, et d’en expédier hors de l’empire.

Une ordonnance du 25 novembre 1487 interdit à tous, de quelque état et condition qu’ils soient, le port d’armes, arbalètes, hallebardes, piques, vougues, épées, dagues et autres bâtons invasifs, sous peine de prison et de forfaiture desdits bâtons, et d’être grièvement puni. Il y a exception en faveur des officiers, gens nobles du roi, et de ceux qui portent les armes pour la défense du pays.

Une autre exception fut admise pour les voyageurs, autorisés à se munir d’armes pour leur sûreté.

37. Après l’invention de la poudre, quand l’usage des armes à feu, en se répandant, rendit plus grands les dangers résultant du port d’armes, il fallut recourir à des mesures spéciales et plus sévères. François Ier défendit, en 1546, à toutes personnes, même aux gentilshommes, de porter des armes à feu, sous peine d’être saisis au corps et pendus sur place, sans procès. Il enjoignit en même temps à tout détenteur d’armes de les déposer aux hôtels et châteaux des villes.

Henri IV, tout en maintenant à peu près les mêmes défenses et les mêmes pénalités, permit aux seigneurs, gentilshommes et hauts justiciers d’avoir des arquebuses pour la chasse. Une ordonnance de 1661 défendit le port des armes à feu, dans les rues de Paris, le jour et la nuit. En 1716, les gentilshommes, les gens vivant noblement, les officiers de justice obtinrent le privilége exclusif de porter des armes à feu.

38. Aujourd’hui, le droit de porter des armes, sauf celles qui sont prohibées, appartient à quiconque n’en a point été privé, soit par une condamnation à des peines afflictives ou infamantes, soit par simple jugement d’un tribunal correctionnel. (C. P., art. 28 et 42.)

39. Cette règle subit toutefois quelque exception réclamée par l’intérêt général : ainsi, il est interdit de porter des armes dans les églises, foires, marchés et autres lieux de rassemblement, et dans les assemblées électorales. De même, l’usage de la vendetta avait fait interdire (L. 10 juin 1853 et 23 mai 1863) temporairement les ports d’armes en Corse. (Voy. aussi le Moniteur universel du 26 juin 1868, p. 927 et 928.)

40. Jusqu’en 1834, le fait de descendre en armes dans la rue au milieu d’un mouvement insurrectionnel n’était pas punissable en lui-même ; il fallait prouver l’existence antérieure d’un complot auquel l’inculpé aurait pris part et d’où serait sortie l’attaque à main armée contre le Gouvernement. D’après la loi du 24 mai de cette même année, le simple port d’armes apparentes ou cachées, dans un mouvement insurrectionnel, est réputé crime, et comme tel, puni de la détention ; l’usage des armes entraîne peine de mort.

41. La loi pénale fait une distinction entre les mouvements insurrectionnels proprement dits et les actes isolés de rébellion contre certains agents de l’autorité publique. L’emploi des armes dans la perpétration de ces derniers crimes est toujours considéré comme une circonstance aggravante ; ainsi, toute attaque, toute résistance envers les officiers ministériels, les gardes champêtres ou forestiers, la force publique, les préposés à la perception des taxes et des contributions, les porteurs de contrainte, les préposés des douanes, les officiers ou agents de la police administrative ou judiciaire, dans l’exercice de leurs fonctions, est punie des travaux forcés à temps, si elle a été commise par plus de 20 personnes armées; s’il n’y a pas eu port d’armes, les coupables sont punis de la réclusion.

Si la rébellion a été commise par une seule personne avec armes, elle est punie d’un emprisonnement de six mois à deux ans ; et si elle a eu lieu sans armes, d’un emprisonnement de six jours à six mois.

Le Code pénal répute armes les couteaux et ciseaux de poche, les cannes simples dont il aurait été fait usage pour tuer, blesser ou frapper.

N’oublions pas de dire que pendant longtemps l’expression de port d’arme a été pris dans le sens de permis de chasse.

CHAP. V. — ARMES D’HONNEUR.

42. Les armes ont servi, pendant quelques années, de récompense nationale. Un arrêté du 4 nivôse an VIII (25 décembre 1799), rendu en exécution de l’art. 87 de la constitution de la même année, en indiquant les actions d’éclat réputées dignes d’une récompense nationale, détermine le mode de distribution des fusils, carabines, mousquetons, grenades, trompettes, baguettes de tambour et sabres d’honneur, ainsi que les ornements et inscriptions qu’ils doivent recevoir.

43. Le sabre constituait la plus haute de ces récompenses ; elle était la seule qui fût accordée aux officiers.

44. Le militaire qui recevait un sabre d’honneur jouissait d’une double solde ; les autres distinctions donnaient droit à une haute-paie de 5 centimes par jour.

45. La loi du 29 floréal an X, qui institue la Légion d’honneur, a déclaré membres de l’ordre tous les militaires à qui des armes d’honneur ont été décernées.

46. Les armes d’honneur sont la propriété de ceux qui les ont reçues ; elles reviennent à leurs héritiers ; elles peuvent être l’objet de dispositions testamentaires. Elles sont insaisissables.

CHAP. VI. — ARMES LIVRÉES AU DOMAINE.

47. D’après un arrêté du 6 mars 1852, concerté entre les ministres des finances, de la guerre et de l’intérieur, dans le but de prévenir les dangers que peut présenter la mise dans le commerce des armes dont l’administration des domaines se trouve avoir la disposition à quelque titre que ce soit, il a été décidé ce qui suit :

Lorsque les armes existant dans le greffe d’une cour ou d’un tribunal seront dans le cas d’être remises à l’administration des domaines, le préposé de cette administration chargé d’en prendre livraison devra adresser au préfet ou au sous-préfet une demande tendant à ce qu’il soit procédé à l’inventaire des armes, et à ce qu’un fonctionnaire public soit délégué pour assister aux opérations.

48. Après l’inventaire, les armes seront divisées en trois catégories comprenant :

1° Les armes de guerre de fabrique française ou étrangère ;

2° Les armes de chasse appartenant à l’État par suite de confiscation ou à tout autre titre ;

3° Les armes de chasse simplement saisies, qui n’ont pas été réclamées.

49. Les armes de guerre seront remises à la mairie pour être réintégrées dans les arsenaux.

Les armes de la 2e catégorie seront brisées et les débris en seront vendus. Toutefois, si parmi ces armes il s’en trouve quelques-unes de luxe et qu’il serait regrettable de détruire, elles pourront être vendues intactes, mais ne pourront être adjugées au-dessous du prix d’estimation par expert.

Les armes de la 3e catégorie seront estimées par un expert : celles qui n’auront qu’une valeur de 50 fr. et au-dessous seront brisées et les débris en seront vendus ; celles dont la valeur excédera 50 fr. pourront être vendues intactes, jamais au-dessous de 50 fr., et adjugées à des personnes connues et établies.

Les personnes qui auront concouru à l’une quelconque des opérations qui précèdent la vente, ne pourront être déclarées adjudicataires.

administration comparée.

La fabrication et le commerce des armes sont libres en Angleterre, mais le port d’armes à feu est sujet à une permission (licence) qui est distincte du permis de chasse. Ce dernier acte emporte le droit de porter un fusil. La licence pour le port d’un fusil a été réglementée par la loi du 9 août 1870 (33-34 Vict. c. 57). Ce droit est de 10 sh. (12 fr. 50 c.) par an, payables à l’administration des contributions intérieures. Comme l’exhibition de la licence peut être demandée par tout constable et tout agent des contributions, on doit l’avoir sur soi en portant un fusil. Sont exempts de la licence, les militaires, les agents de police, les ouvriers des fabricants d’armes et tous ceux qui portent le fusil par profession. On peut, sans licence, avoir une arme à feu dans sa maison et dans les dépendances entourées d’une clôture. Dans les émeutes, etc., etc., les armes sont une circonstance aggravante.

En Autriche, la patente impériale du 24 octobre 1852 interdit la fabrication, la possession et le port, sans une autorisation spéciale, des armes secrètes (canne à épée, petit pistolet, etc.). Quant aux armes apparentes, toutes personnes autres que les militaires et quelques autres catégories d’individus en possession du même droit en vertu d’une ancienne coutume, doivent demander une passe à armes (Waffenpass). Cette passe est valable pendant trois ans et coûte 1 florin (2 fr. 50 c.) et le timbre. Elle indique la personne autorisée, la nature de l’arme, et doit être visée par l’autorité compétente (Bezirkshauptmann, Règl. du 29 janvier 1853), lorsque le titulaire change de circonscription. Les étrangers de passage en sont dispensés. Le titulaire doit être porteur du permis quand il sort avec son arme. Le transport d’armes doit être accompagné d’une passe. La fabrication des armes est énumérée, dans la loi du 20 décembre 1859, parmi les industries concessionnées exigeant une autorisation.

La législation prussienne distingue également entre les armes apparentes, dont le port n’est interdit par aucune loi (voy. Rœnne, Droit public prussien, t. Il, 2e partie, p. 206), et les armes secrètes dont le port est défendu (Code pénal allemand, § ou art. 369). Il n’est pas permis non plus d’en faire le commerce. Le même code, qui s’applique à l’Allemagne entière, interdit, art. 360, d’accumuler des armes ou des munitions. Il n’est pas permis de se réunir ou de délibérer en armes. La fabrication des armes est libre. Le gouvernement fait quelquefois fabriquer des armes dans des établissements particuliers, mais alors il nomme une commission de surveillance qui met les armes à l’épreuve avant de les accepter. Les armes du commerce ne sont pas soumises à l’approbation, mais il y a des règlements de police pour empêcher les accidents causés par la négligence. Le permis de chasse (voy. Chasse) ne doit pas être confondu avec le port d’arme.

La loi italienne du 20 mars 1865 dispose, art. 31, que le port d’arme est soumis à une autorisation de l’autorité politique de la circonscription (sous-préfet). On peut posséder une arme sans autorisation spéciale, mais non en réunir plusieurs. Une fabrique d’armes ne peut être ouverte sans une déclaration adressée au préfet. Le Code pénal, amendé par la loi du 6 juillet 1871, interdit, par l’art. 464, le port d’arme aux vagabonds, etc., etc. Le seul fait, pour un homme sans domicile, d’avoir été trouvé sur la grande route muni d’une arme, le rend passible de 3 années de prison.

  1. Nous nous permettront une observation : il nous semble que celui qui se propose de commettre un crime, se munira d’une arme prohibée, malgré la loi ; le bon citoyen seul obéit à la loi, or la loi le désarme vis-à-vis du malfaiteur. Il est vrai qu’on peut obtenir une permission de porter des armes cachées, en s’adressant au commissaire de police, mais il faudra justifier d’un besoin spécial. M. B.