Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/AIDER

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 175-176).
AIDANT  ►

AIDER. v. a. Secourir quelqu’un, lui prêter son aide & son assistance. Opitulari, adjuvare, opem ferre. Il régit, suivant les différences des cas, le datif & l’accusatif de la personne. Aider quelqu’un. Aider à quelqu’un. Dieu nous ordonne d’aider les pauvres, d’aider aux pauvres. Il faut pourtant mettre quelque différence entre aider quelqu’un, & aider à quelqu’un. Aider quelqu’un, c’est lui donner seulement quelque secours, & quelque assistance : au lieu qu’aider à quelqu’un, c’est partager avec lui le travail & la peine. Il y en a d’autres qui y mettent une autre différence, & qui disent que aider régit l’accusatif quand il se dit des personnes, & le datif, quand il se dit des choses. Apollon aide à la naissance des beaux esprits. Gomber. Aider à la fortune de quelqu’un. Vaug. Il faut encore remarquer sur le verbe aider, que quand il régit l’accusatif de la personne, il régit l’ablatif de la chose. Aider quelqu’un de son crédit. Ablanc. Il aidoit ses voisins de ses biens. Il faut aider ses amis de sa bourse.

Quand ce verbe est suivi immédiatement d’un autre verbe, il régit l’infinitif précédé de la particule à : & alors il signifie, être utile, servir, contribuer, participer au succès d’une chose, & s’employer pour la faire réussir. Aider quelqu’un à porter un fardeau. Elle n’avoit personne qui lui aidât à faire les funérailles de sa mere.

Aider, assister, secourir, dans une signification synonyme. On dit secourir, dans le danger. Aider, dans la peine. Assister dans le besoin. Secourir, part d’un mouvement de générosité ; aider d’un sentiment d’humanité ; & assister d’un mouvement de compassion.

☞ On va au secours dans le combat. On aide à porter un fardeau. On assiste les pauvres. Syn. Fr.

Aider, se dit aussi des choses inanimées, pour marquer l’avantage, le service qu’on en tire. Adjuvare, juvare, Adjumento esse. Les machines ont été inventées pour aider les hommes à remuer de gros fardeaux. Un peu de vin pur après le repas, aide à la digestion. On voit tous les jours des hommes avec peu de mérite, aidés du hasard, & de la fortune, acquérir de la réputation. P. Bourd. En ce sens, il se dit quelquefois pour signifier tout le contraire d’un secours, d’une utilité. La perte de ce vaisseau a beaucoup aidé à la banqueroute de ce Marchand. Sa dernière débauche n’a pas peu aidé à le faire mourir.

Aider, se dit aussi en matière spirituelle. La grâce aide un pécheur à se convertir. En vain travaillons-nous, si Dieu ne nous aide. Il faut aider la liberté de celui qui nous avertit, en recevant facilement ses avis. S. Evr. Une glose aide à faire entendre le texte.

On dit au jeu de la bête, qu’il faut aider au contre ; pour dire, tâcher de le faire perdre.

On dit au Manége, aider un cheval, lorsque l’adresse & le secours du Cavalier lui aident à travailler à propos, & à lui faire marquer ses temps avec justesse par les aides de la langue, de la main, de la jambe, du talon, de la bride, de la gaule, &c. M. Ménage dérive ce mot de l’Italien aiutare, qui est fait du latin adjutare, qui se trouve dans Ennius, dans Plaute, dans Térence, & même sur des médailles du bas Empire ; d’où les Espagnols ont fait Adjudant.

Aider, s’emploie souvent avec le pronom personnel, & signifie alors, se servir de quelque chose. Uti aliquâ re, adhibere aliquid. Un paralytique ne se peut aider de ses membres. Un gaucher ne s’aide pas si bien de sa droite que de sa gauche. Dans la nécessité on s’aide de tout ce que l’on trouve.

On dit au Palais, qu’un homme s’aide d’une pièce, quand il la produit pour en tirer quelque avantage, en faire usage. On n’est point reçu à s’inscrire en faux contre un acte qu’a produit une partie adverse, que le Juge ne lui ait fait faire une déclaration précise si elle s’en veut aider. Les présomptions sont des adminicules de preuves qui aident à la conviction d’un accusé.

On dit aussi absolument, & dans la conversation commune, qu’il faut qu’un homme s’aide ; pour dire, qu’il fasse un effort de lui même, pour profiter du secours qu’on lui veut donner. Conari, eniti. Je ne puis pas vous prêter toute la somme que vous me demandez ; il faut que vous vous aidiez, que vous cherchiez le reste ailleurs.

Ce verbe devient quelquefois réciproque, en y préposant la particule entre. Il faut que les hommes s’entraident, qu’ils s’aident l’un l’autre, & se pretent un secours mutuel. Mutuam sibi opem, operam præstare, navare.

Aider, se dit proverbialement en ces phrases : Dieu aide à trois sortes de personnes, aux fous, aux enfans & aux ivrognes. On dit aussi, aide-toi, Dieu t’aidera ; pour dire, qu’on n’obtient rien de Dieu sans travailler soi-même au succès de ses entreprises, & que les paresseux ne doivent attendre aucun secours de la Providence, suivant ce proverbe Espagnol :

 
A quien madruga, Dios le ayuda.
A qui se leve matin,
Dieu aide & prête la main.

On dit aussi, qu’il faut aider à la lettre ; pour dire, suppléer à ce qui manque, deviner à demi mot. On dit encore, aider à la lettre, lorsqu’on ajoute quelque chose du sien à une histoire, à une fable pour l’embellir & la rendre plus agréable.

Chez les Anciens, c’étoit une formule de jurement de dire, ainsi m’aide Dieu. Ità me deus adjuvet ; c’est-à-dire, qu’on prend Dieu à témoin de la sincérité de sa promesse, & qu’on fait une espèce d’imprécation sur soi-même, en cas qu’on vienne à y manquer par sa faute. Et le sens est, que Dieu m’aide, de la même manière que je promets. Ainsi que je promets cela, ainsi Dieu m’aide ; ou, ce qui revient au même, je veux n’être point aidé de Dieu, si je ne promets pas cela véritablement, & sincèrement.

Aider, faisoit autrefois à la troisième personne du présent du subjonctif aist. Et je lui dis qu’il sortît hors de mon logis, & que jamais, ainsi m’aist Dieu, il ne seroit de ma maison. Joinville. C’est-à-dire, ainsi m’aide Dieu. Sic me deus adjuvet.

AIDÉ, ÉE. part. Adjutus, nixus, fretus. Un homme aidé de la faveur de son Prince peut entreprendre beaucoup de choses.