Dictionnaire apologétique de la foi catholique/Moïse et Josué (I. Sources)

Dictionnaire apologétique de la foi catholique

MOÏSE ET JOSUÉ. — 1. — Le nom de Moïse est inséparable de celui de Josué. — En premier lieu, le fondateur de la nation juive a, pendant une partie notable de sa carrière, compté le (ils de Nun parmi ses auxiliaires les plus dévoués ; il l’a constamment trouvé docile à ses ordres et à la voix de Yahweli. — Mais, en deuxième lieu, c'était Josué qui devait compléter et mener à bonne fin l'œuvre de Moïse. Celui-ci avait, sans doute, tenu un rôle admirable et d’une incomparable importance. Il avait tiré les enfants d’Israël de la maison de servitude ; il les avait fait sortir de l’Egypte, où les pharaons les opprimaient. Au Sinai, il avait créé, en même temps que le lien qui devait unir Israël à Yahweli, celui qui enserrerait en un tout organique les divers éléments constitutifs du peuple de Dieu. Puis, comme à toute nation il faut une patrie, il avait conduit les Uls de Jacob vers la demeure que le Seigneur avait promis aux patriarches de donner à leur postérité. Il ne devait pas toutefois introduire Israël en Canaan ; il s’arrêterait au pays de Moab, en vue de la terre où coulaient le lait et le miel. A Josué de passer le Jourdain et, par les victoires magniliques de Jéricho, de Ilaï, de Gabaon, des eaux de Mérom, d’assurer aux émigranis un séjour délinitif ; à Josué, en un mot, d’acliever l'œuvre de Moïse. — En troisième lieu, entin, les livres qui nous reUacent les missions de ces hommes de Dieu présentent entre eux les plus étroites allinités. On a toujours remarqué les points de contact par lesquels ces deux œuvres se rattachent l’une à l’autre, un peu comme les deux parties d’un même tout. La critique moderne a encore accentué ces traits de parenté. Elle unit, sous le nom A’IIerateuque, le livre de Josué et les cinq livres de la Loi ; elle prétend qu’ils sont réductibles aux mêmes documents, que ceux-ci, à une exception près, poursuivaient leurs récits depuis l’origine du monde, ou au moins depuis l’origine du peuple de Dieu, jusqu'à l’entrée des Israélites en la Terre Promise ; elle soutient que l’histoire de ces livres a connu les mêmes vicissitudes. Bref il est devenu pratiquement impossible de suivre les controverses récentes sans adopter, au moins provisoirement, cet usage et cette terminologie.

Pour toutes ces raisons, pour la seconde en particulier, nous traiterons en cet article et de Moïse et de Josué. — Une première partie sera consacrée aux sources d’information. — La seconde aura pour objet l'œuvre même de ces hommes de Dieu.

Première Partie

SOURCES D’INFORMATION

2. — La principale, à beaucoup près, est constituée Tpave Pentateuque et le livre de Josué : aussi est-ce à ces documents que nous réserverons très principalement notre attention. Une seconde section toutefois aura pour objet les sources extrabibliques.

Premiers Section

Le Pentateuque. — Le livre de Josué

3. — Notre but, en parlant de ces ouvrages, n’est pas de traiter les diverses questions qui s’y rattachent ; on en trouve l’exposé dans toutes les Inlroducliunsi’i iJncien Testament. Le problème que nous

avons à résoudre est celui-ci : Quelle confiance pouvons-nous donner au Pentateuque et k Josué pour la reconstitution de l’iiistoire des deux premiers chefs du peuple de Dieu ? Ce problème trouve sa raison d'être dans les controverses qui ont défrayé les études bibliques au cours du xix' siècle et qni, anjourd’liui encore, s’imposent à l’attention des exégètes ; sa solution dépend de l’attitude que l’on adoptera en présence des systèmes qui font l’objet de la discussion. Ici encore, force nous est de procéder à des éliminations. Il ne s’agit pas de faire un exposé tant soit peu compréhensii' du débat, de son liistoire, de ses phases diverses. Cette œuvre a été, maintes fois déjà, réalisée dans les Encycloi)édies et Dictionnaires qni, d’une manière ou d’une autre, s’intéressent à la Bible ; en France en parliculier, nous pouvons consulter avec grand prolit l’ouvrage de M. M.^ngenot, /.utlienticité mosaïque du Pentateuque (1907). Le point de vue spécial ilu Dictionnaire auquel notre article est destiné nous indique la marche à suivre en notre exposé. Ce qu’il nous faut avant tout préciser, c’est la situation actuellement faite à l’apologétique catholique dans les débats relatifs à l’authenticité et à la valeur historique du Pentateuque. La question sans doute est pratiquement résolue par la décision que la Commission Jliblique a promulguée le 27 juin igo6. Aussi ne manquerons-nous point d’accorder à ce décret toute l’attention désirable. Il faut toutefois le reconnaître : l’inlelligçnce de la décision ne peut qu'être singulièrement facilitée par une esquisse historique dont le but principal sera de mettre en relief l’attitude qu’au cours des siècles, l’Eglise a gardée en ce domaine. De là le sous-titre et les divisions qui suivent :

Aperçu historique de la queslon du Pentateuque au sein de l’Eglise catholique.

I. Chez les Pères.

II. Au A’VI' siècle.

III. Au AVIf' siècle.

IV. Au XVIIl' siècle.

V. Au -V/.V siècle.

VI. Hypothèse grafienne.

VII. Exposé de la théorie documentaire.

VIII. La théorie documentaire et les exégètes catholiques,

IX. Art décision de la Commission biblique.

X. Après la décision de la Commission biblique.

XL Conclusions.

Historique de la question du Pentateuque au sein de l’Eglise catholique
I. Chez les Pères

4. — ^ i'>)On peut, sans exagération aucune, parler de l’unanimité complète des Pères de l’Eglise au sujet de l’authenticité mosaïque du Pentateuque. Toutefois un texte de l’apocryphe IV Esdras exerça une grande influence sur les sentiments de plusieurs d’entre eux touchant la composition du Pentateuque actuel. D’après le récit de sa septième vision (/F Esdr., XIV, 18-47), Esdras, ayant reçu de Dieu la mission d’instruire et de réprimander le peuple au déclin des temps, lui répond que le livre delà Loi a été brûlé (sans doute pendant l’exil), qu’en conséquence personne ne sait ce qui est arrivé ni ce qui doit advenir. Il le prie donc de lui envoyer l’Esprit-Saint pour qu’il puisse écrire tout ce qui s’est passé depuis l’origine et qui se trouvait dans la Loi. Dieu dit alors à Esdras d’annoncer au peuple que, quarante jours durant, il sera soustrait aux regards ; il l’invite à prendre avec lui cinq scribes très rapides et lui promet ses lumières. Après avoir exécuté l’ordre divin, 697

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Esdras vient dans la plaine. Dieu lui ordonne d’ouvrir la boucbe et de boire ce qui va lui être présenté : c’est une coupe d’eau couleur de feu. A mesure qu’il l’absorbe, Esdras sent la sagesse croître en son cœur ; en même temps, les scribes sont remplis d’intelligence. Quarante jours et ipiarante nuits durant, sans s’interromjire durant la nuit sinon pour leur repas, ils écrivent sous la dictée d’Esdras. Le travail aboutit à la reconstitution de quatre-vingt-quatorze livres, dont vingt-quatre représentent les écrits canoniques, accessibles aux dig^nes et aux indignes, dont les soixante-dix autres doivent être réservés aux sages. U’après cette légende, Esdras aurait été favorisé d’un véritable don d’inspiration pour rétablir les anciennes Ecritures.

S. — 2") Le crédit dont l’apocryphe a joui dans l’antiquité elirélienne a fait prendre ce récit en considération par plusieurs Pères de l’Eglise.

Parlant de l’inspiration des Septante et voulant prévenir l'élonnemenl de ses lecteurs, saint Irénée allègue ce qui se passa au temps d’Arlaxerxès. Les Ecritures avaient été détruites durant l’exil ; mais, | quand les Juifs furent revenus dans leur pays, Dieu | inspira à Esdras, prêtre de la tribu de Lévi, de rappeler toutes les paroles des prophètes anciens et de rétablir pour le i>euple la Lui qui avait été donnée par Moise'. Chîment D’Ai-KXAKnniE parle à peu près dans les mêmes termes^. Dans son commentaire sur les Psaumes, Origène déclarait qu’Esdras les avait rappelésaveclesaulresEerilures'.Apropos des Lieux Saints, saint Basile mentionne la plaine où, sur l’ordre de Dieu, Esdras rétablit toutes les Ecritures inspirées^. Saint Jean Chkysostomk voit dans cette inspiration d’Esdras pour le rétalilissement des Ecritures brûlées pendant l’exil, une des preuves de la bienveillance et de la bonté divines ; on remarquera d’ailleurs que, d’après ce grand Docteur, Esdras se i servit pour son œuvre de ce qui restait (à-i /ci'^kvwv) des livres anciens'. Plus tard le souvenir nous apparaît un peu déformé dans le Pskui>o-Athanasr : Par suite de la négligence du peuple et de la longue durée de l’exil, les Ecritures avaient été perdues ; mais

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Hærrsi’s. tih. Ill, cap. xxi, 2 ; P. G.. VU, ' 948, 949).

2. Où ùTi ^évcv è~i—-jocv. 0£cû, TsO T/iy 7 : /35pr, Ts£'av OsSwzfjTOï, X « ( Tf^y £p^r, v£tav, oicvs’i 'E//.ï ; viz/.v 7T/05j^v ; t£(Vv, tjep-/£c'7$y.i' ÈTTli xvy Tô ^v.fioùyrjOOJOJOp (/.lyil.vj, tt)>s(a. ^tu. : ^d « p£t.fjCiv T&jv r^ « ^î » v, y.v.rv Tc’ji 'Aprv.^ép^ou^ TOJ IÏe/îîûv /3aai/£w ; , ypsyfj’jÇj tTlcKv&ui "K7§py.i à Aetx’iïjç, è (£p£Ù ; , ysyd/j.svo^, T.diau.^ rà^ 7ri<va(à ; vjjQi^ c/.'jv.'JEOÛfj^'jo^ "KoosfrlTZuve Fûccaç (Siromaium lib. I, cnp. xxii ; P. G., Vlli, 8'.l3|.

3. "Htoi 'E^Spv. x « £ zv-ùzv. ixlT’y. TÛv vXj.Oi'> Vpv.'^orj v.TTOy.-jyi^cyrJiavTo ; [Selecta in Psalmos, Ex Commeniarlls in P$almos : P. G.. XI ! , 1075).

4. 'E>Tv.ûOv. z6 TlîSi’Zv h Ut v.'jv.yr^prtiv. ; , 'E^S/jaç, TTaya ; t « 5 $zir.vvJ7zojt ^i^^j^j-j^ r/507TK'///aTt Oizù ilr, p£u^yTo (Epistolarum Classis I, Epistola Lit, ^, Ad Cliilonem discipulum auum : P. C, WXII, 3571.

5. Ky.t èp&.Ts i/.-jtii^vj^ î-jy, p.d9r, 'rï t5û 0£OÛ t/ : v y.^y.To-j fùyyOpoiTt’y.v' 'Evirvf’jffe tw fxow.y.pi'ù} MûjUTsf, t « ? tt/kzk ; È/.d^.X’i'E, xv~17yev v.ùtôj T£77y.pK/, ovry, r, p-épy.i irri toO op’jUi, y.y.i "nccMV TOff « JTaç iTépy.^^ S17TS ^'i’j-JVA ri/'j 'jô^o-j. Mfrà 5e TK’jra 7ïp5pï ; 'T « 4 ETtsy.'yE ^'jpiv. -ny.do’vTyi Stt’jy.. 'Etï-^/Se TTo'/E/y.îi, kviï/ov ttkvtkç, xariyoiy.v, iveTzp/)76-rt7y.v y.i /3£'/3/C£. 'Eté^w 7Ta/£y £i : v5^£ 6y.ufiK77ôj £véTry£u7£v, oJ7T£ aÙT « ; kxO=70y.t^ zù "E75py. /r/ûJ, y.y.l kt.ô /££, ia>&]v 7jVT£0f, vvA éT : oir, ie [In Epislolnm ad Ucbræos, cap. v,

! lomil. VIII, 4 ; P. G., LXIII, 74).

Esdras les avait soigneusement gardées avec lui (xy.S’iy.tjzrn) et il put les rendre au peuide'. Autre déformation chez LÉONCE DE Byzance : Quand Esdras revint à Jérusalem il constata que tous les livres avaient été brûlés pendant l’exil, mais on rapporte qu’il les récrivit de ménioiie-.

6. — Parmi les Latins, Turtulmkn parle de la restauration des documents de la littérature juive par Esdras^. Le témoignage de saint Jékùme est particulièrement intéressant. C’est à jirojios d’une de ces formules (( jusqu'à ce jour » qui reviennent à plusieurs reprises dans le fentuiciiqae, notamment Veut., XXXIV, G. Le « jour)> en question doit être entendu du jour où l’histoire a été rédigée ; mais peu importe qu’on applique ce terme à l'éiioque de Moïse, auteur du l’eiitateuque, ou à celle d’Esdras, le restaurateur de cet ouvrage. Comme on le voit, le solitaire de Bethléem ne se refuse pas à admettre qu’Esdras ail introduit dans le Penlateuque, en le rétablissant, quelques modilications de détail '. Enfin saint Isidore de Skville parle d’Esdras comme du rénovateur et du second promulgateur (aller lator) de la Loi brûlée par les nations^.

7. — ij) li est intéressant de mettre en relief les principales idées qui se dégagent de ces textes. — n) On notera d’abord que ces’Pères ont émis leurs théories sans aucune préoccupation d’apologétique et de polémique ; on ne peut donc, en aucune manière, parler de concessions faites à des systèmes et à des opinions adverses. — h) Aucun d’eux ne songe à nier que le Penlateiif/ue soit l'œuvre de Moïse. — c) Ils admettent toutefois que, sous sa forme actuelle, le Pentateuque ne vient pas directement de lui. L’ouvrage du fondateur de la nation Israélite a subi de nombreuses vicissitudes au cours des siècles ; comme le reste des Ecritures, il a été détruit, brûlé durant l’exil. Pendant plus de cent ans, la tradition littéraire des cinq volumes a été purement et

1. 'IiTO/iEfrcf ôir.vÀ Toùzc Ttspi Tou "E78py., ÔTf, « nsio/j.ivav TùJ ^£/5/£'wv £^ £y./ji£/££V, ç Tûv Ày.fjiVy xKi Qlv. Tfi’J Tloïuypovtov y.lyjj.u. ytiisiav, aûri ; E^o^y^, j. £>>ox(/j.o ; w xy.l £Ùj ; uï ; ç, xài àvayws-ïjs, £'j ?ù/K5£ TTayrK y.y.6 ' ky.UTÔ-j, y.y.i /5£77Ôy Tzp-^rivîyy.e, xy.i Tzy.aiv éySéSotx£j y.vÀ 5Ùt&j^ Oiv.7fj]ÇzryA tv. (it^Mv. [Synopsis Scripturae Sarræ Liber XII^ Esdræ primas ci srcundus : P.G.jXXVIII, .'Î32). — A propos des Psaumes : yoûv 'EiÔ^k ; , 7u-jy.yy.yùv TOÙTOl/ç 7r « yra ; TOÙ ; T<y, p 'ïy.y.7z’jU z'. yr, p.éyo’Ji tpulfAO^JZ^ eti /m’v.v ajy£? » iK£ ^ij3).ov.{Lib. XIII, Psalteriùm Danidit ; P.G., X.VVIII, 332).

2. '0 51 'K78py.i 7-j-JZypy : py.ro zh-j 1-ny.JOÙov ySjz&iv' y.y.i é).Oùv e/i ZK ^lip070%p.v., xy.l ziip'^-j on Txy.yzoc zv. ^ijiM’y. ^o-eyy y.y.uôivzy., hvcyy. r, yjj.y.}/j)z17Ô/^7yjy y.Trè p.vviy.r, i 'jéyezy.i 7W/ypKéy.7dy.i zv. y.ji' jit^).iy.[Ue Sectis, Actio secundo, viii ; P. G., LXXXVI, 1212.)

3. Qui’madmodum et Hierosolyinis Babylonia expugnatione deletis, omne instrumentum judaicæ litteialuræ per Esdrani constat re.stauraium [De cultii foeminaj uni Lib. I, cap. III ; P. L. 1, 1308).

4. Item ill fine Deuteronomii : Et defuncliis est Mnyses servus IJi>iiiini in terra Moab per verbiim Domini, et sepelioriuit euoi in Gcth, prope (îomum Phe^or, et nemo scit sepiilcrum ejus nsque in dicm istum [Dent., xxxiv, Ti, sec. LXX). Certe liodierniis die s illius temporis aesti mandas est, quo liistoria ipsa contesta est. sive Moysen dicere volueris auctorem Penlaleticlii, sive Ezram ejusdem inslauratorf*m operis, non recuso [De perpétua virginitaie Deatæ MJiriæ advenus Uetvidium liber^ 7 ; P. L., XXIII, 190).

5. Artaxcrxes, an. Xt. Esdras incensam legem rénovai [Etymoloiiiarum lib. V, De legibus et temporibu.i, cap. XXXIX, De discretione tcmporuni, quinla ne Las : P.L., LXXXll, 22ti). — Esdras sacerdos Dji, qui a plei-isque Malachias, id est angélus Dei viicatur. Ilic sacræ scriptor extitit liistoriae, atque aller lator legis post Moysem, namque posl captivîtatem legem incensam ex gentibus renovavit (De orlu et obitu Patrum, cap. lx ; P. L., LXXXIII, 146). 699

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simplemenl interrompue ; saint Jean Ghrysostome, il est vrai, sait qu’il en demeurait des fragments dont on a pu faire usage dans la suite. — d) Notre fentaieuque actuel remonte à Esdras et à l'époque d’Artaxerxès. Le prétre-scribe, au dire de saint Irénée, de Clément d’Alexandrie, de saint Jean CUrysostome, rétablit l'œuvre de Moïse sous l’influence de la même inspiration divine qui avait présidé à son élaboration première. Les autres Pères, qui ne mentionnent pas explicitement cette inspiration, ne doivent pas être censés la méconnaître ; les données de IV Esdras ne permettaient pas de se méprendre. La seule réserve à faire concernerait le Pseudo-Athanase, au regard dmiuel Esdras aurait eu en sa possession un exemplaire de la Loi. C’est l'œuvre d’Esdras qui est venue jusqu'à nous. — d) Aucun de ces Pères ne précise le degré de conformité de l'édition du prêlre-scribe avec celle de Moïse. Il va de soi qu’ils admettent plus qu’une conformité substantielle. Mais, si un exégote tel que saint Jérôme pai-ait disposé à reconnaître de légères modilications, rien n’indique la mesure que l’ensemble de ces docteurs prétendait garder '.

8. — 4°) On trouve facilement dans la tradition juive uu écho de la légende de / F Esdras. Qu’on en juge par ces deux textes du Talmud : « La Tliorah était oubliée des Israélites jusqu'à ce qu’Esdras vint de Bal>yl<)ne et la restaura : elle était oubliée jusqu'à ce qu’Hillel, le Babylonien, vint et la restaura » {Soiiklia. 20"). « Quoique la Thorali n’ait pas été donnée par lui [Esdras), l'écriture a cependant été écrite par lui. » (Sanhédrin, io^)

IL Au XVI' siècle

9. — I*) Pendant le moyen-âge, les catholiques se désintéressent de ces questions ; mais les Juifs font quelques remarques utiles. Déjà, tout en admettant l’authenticité mosaïque du Pentatcuque, les JurFS TALMUDisTEs faisaient exception pour les huit derniers versets du Deutéroiiome (xxxiv, 5-12 ; récit de la mort de Moïse)qu’ils attribuaientà josué (Cf. Baba Batlira, fol. 14-15'). Au xi' siècle, un rabbin espagnol, IsAAC BEN Jasus (ySz-i oS^), avait remarqué que, dans Geii., xxxvi, 31, Ie titre de la liste des rois d’Edom « Voici les rois qui ont ré^né dans le pays d’Edom avant qu’un roi râsinàt sur les enfants d’Israël » ne pouvait avoir été écrit qu’au temps de la royauté Israélite ; il assignait ce chapitie ensaforme actuelle au règne de Josaphat. Cette opinion ne nous est connue que par Aben Ezha (io8y-u6j), qui la

I. Dès ces époques loînt » iiies toutefois, on tronve des auteurs qiii s’en prennent à l’authenticité même du Pcnlateuque. Tout en distinguant, parmi les lois juives, celles qui venaient de Dieu, celles que Moïse avait promulguées de sa propre autorité, celles qu’avaient promulguées les anciens, ProLÉMiîE, disciple de Valenlin (Lettre à Flora, citée par saint Epiphane, // «  « /es., xxxiii, n" 3-7). ne paraît pas avoir nié que la rédaction définitive ne soit l'œuvre de Moïse. A en croire saint Ëpiphane [Ilæret., xviii, n » 1) et suint Jean Damascène (Hærcs.. six), la secte judéocUiétienne des Nazaréens professait une opinion beaucoup plus radicale : la loi donnée aux Juifs par Moïse didévait de celle que contient le l’enialeur/ue, et ce livre n'était pas de lui. Mais c’est dans les Homkliks Gléme.nTINES, écrit gnostique du troisième siècle, qu’on trouve les données les plus précises. D’une part, saint Pierre déclare que la Loi donnée par Dieu à Moïse et confiée oralement aux anciens n’a été mise par écrit qu après la mort du grand prophète ; d’ailleurs, successivement perdue et retrouvée, elle a été brûlée au temps de Nabucho(lonosor. Cette assertion ne va pas sans preuTes, et l’on s’appuie sur le récit de la mort de Moïse que ce dernier ne peut avoir écrit (llomil. iii, n » kl). D’autre part, des réserves sont faites (Homil. ii, u » 52) sur la vérité du contenu de cette première section de la Bible.

réfute. En revanche, d’après R. Simon', ce célèbre docteur juif fait des réserves sur six passages du Pentaleuque ; d’ailleurs, afin de laisser à la critiifue le moins de prise possible, il s’exprime en termes assez équivoques. D’après lui, la formule « Le Cananéen était alors dans le pays », Gen., xii, 6, a été nécessairement écrite après l’expulsion des terribles adversaires des Israélites, donc longtemps après Moïse. De même, Gen., xxii, 14, la remarque « d’où l’on dit aujourd’hui : « Sur la montagne de Yahieh il sera vu », n’est pas seulement de beaucoup postérieure au sacrifice d’Isaac ; elle ne peut se placer qu'à iin âge où l’on portait un intérêt spécial au mont Moriah, c’est-à-dire après Salomon etla construction du Temple. Demême, Z/e » /., i, i, les mots h de l’autre coté du Jourdain » n’ont pu être écrits que par quelqu’un qiti vivait en Cisjordane, non par Moïse qui est mort dans les plaines de Moab. Dans Dent., iii, 1 1, la reuiarque relative au lit de fer de Og, roi de Basan, ne se comprend pas dans le livre d’un contemporain de ce roi. Dent., xxxi, g, 1 emploi de la 3= pers., Moïse écrivit, suppose que le récit est, non de Moïse, mais d’un tiers. Enfin Aben Ezra parait avoir fait les mêmes remarques que les talmudistes sur Deut., xxxiv, 5-12. Comme on le voit, ces remarques aboutissaient, non à contester l’origine mosaïque du Pentaleuque, mais à relever des additions de dates diverses.

10. — 2°) Ce furent les assertions des premiers propagateurs (le la Réforme qui ramenèrent l’attention sur ces difiiciles problèmes. Dans un essai ^ publié à Wittemberg (1620), Carlstadt fut le premier à se servir de l’argument du style. Constatant que Deut., XXXIV, 5-12, qui ne pouvait être de Moïse, ne trahissait pas une autre main que ce qui précède, il en conclut à la légitimité de l’assertion que le Pentaleuque n’avait pas été écrit par le grand législateur. Toutefois la mention de l’activité littéraire de Moïse et de Josué (Deut., xxxi, g ; Jos., xxiv, 26), le récit de la découverte de la Loi sous Josias (II Iteg., xxii), l’empêchaient de descendre jusqu'à Esdras. L’auteur demeurait inconnu. — De son côté, Luther, qui avait remarqué la difficulté de Gen., xxxvi, 31, se deuiandait quel inconvénient il y aurait à ce que Moïse n’eiit pas lui-même écrit le Pentaleuque.

11. — 3°) Le premier auteur catholique qni envisagea le problème avec quelque précision fut André Mars ; son ouvrage^ (1574) fut mis à l’index donec corrigalur (ibç)6). Il rapprochait le Pentateuque des

1. Cf. Richard Simon, Histoire Critique du Vieux Testament, Livre premier, chap. vu (édit. de 1685, p. 4'i sv.). C’est nous qui, sauf une exception ou deux, soulii^nons les raisons qui militent contre l’authenticité mosaïque de ces versets. D’ordinaire Aben Ezra emploie des formules évasives ; a C’est un mystère : que ceux qui le comprennent ne divulguent pas ! » Ou encore : « Vous en comprendrez le véritable sens si vous concevez le secret des douze (sans doute de douze passages qui font difficulté, ou encore de Deut, xxxiv, 1-12) ».

2. De Canonicis Scripturis libellus, Wittemberg, 1520.

3. Josuæ imperalons histuria iliustrala, Anvers, 1574, præf., p. 2. Cf. Migke, Cursus conip’ettts Scripturæ iacrae. VII [fn Jnsitarn Masli Præfutio), col. 853 : « Mlhi certe ea est opinio, ut putem Esdram, sive solum, sive nna cum aequalibus, insigni pietate et eruditione viris, coelesti spii-itu alilatum, non solum hune Josuae, verum etinm Judicum, Regum, alios, quos in sacris, ut vocaut, Bibliis legimus libros, ex diversis annalibus apud Ecclesiam Dei conservatis compilasse, in eumqvie ordinem, qui jnm olîm habetur, redegisse atque disposuisse. Quin ipsum eliam Mosis opus, quod vocant TTivrâr^j/^v, longo post Mosen lempore, interjectis saltem hic, illic, verboruni, et sententiarum clausulis, veluti sarcitum, atque omnino explicatius reriditum esse, conjecturée bonæ aiTerri Facile poa « uiit. Nam ut unam, exempti causa, dicam, Cariath-Arbe 701

MOÏSE ET JOSUE

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écrits qui le suivent (/os., Jtid., Sam., He^.), rédigés, d’après lui, |) ; ir Jes hommes de piété, tels qu’Esdras, à l’aide de iiialéi-iaux préexistants et sous la direction du Saint Esprit ; de ces sources il relevait la trace dans la mention du livre du ïa.iar(Jos., x, 13). Quant au Pi : /italeii/jue, il y signalait des traits, selon lui évidents, d’une réduction ou de remaniements postériouis à Moïse, celui-ci en particulier : fréquemment la Genèse (xiii, i « ; xxiii, 2, ig ; xxxv, 27 ; xxxvii, i/|) parle d'îlébron, alors que, d’après Jos., XIV, 1/1 (cf. Vos., XV, l'ô, i ! i, Jnd., I, 10), cette ville porta jusqu'à la conquête le nom de Cariath-Aibé. — Le jésuite BenoIt Pekeira (15g4) entrait dans le même courant d’idées'.

III. Au XVir siècle

13. — 1°) Le problème prend une importance croissante. Le jésuite Bonfrèrb(1625)- admet que de légères additions ont pu être faites au i’eniateuque par des écrivains sacrés ; puis, s’appuyant sur Jos., XXIV, 26, il déclare que Josué a pu faire des additions à la Loi, spécialement au DeiUéionome. Le P. TiBiN (106g) devait tenir un langage analogue^.

saope illic Hebron norainatur el tameii lioc illi ui-bi nouieu a Galebi lilio Hebr<me iuipositum esse graves aucloi’t^s tratluierunt. Quapropter uecpic divus llieronymus, iti actione contra Helvidiuni, aliter de Pentateuchi scriptore sentire videtur. Cæleruia priscit » temporibus apud Ecclesium fuisse diiiriu et annaleo, in quibus res gestos, ut quueque notatu dîgtiissimae, ad doctrinae sacrai propagatioiieni utilissimæ videbuntur, continuata série inscribebant ii qui quoquo tempore elegariti eruditione, pietateque præstantes in populo Dei vivebant, satis docent, cuui aliæ quæ sæpe laudaatur, quamvis jaoi intei’ciderint, Regum liistoriue, tuui liljer bellorniu Domini, et liber Hecli, in quo et Josnac nostri, et Samueiis, Saiilisque geala fuisse inscripta certum est ».

î. Prior Tumus Coninientat luruni et disputationum in Genesini, Lyon, 5 « éd. 1597, t. I, p. 13-14 : « Ego, ut credani uiaximam Penlateucbi parteni esse Mosls, udducor, tum couseulietite omnium auctoritate, lum eliam quod in sacris libris Ex., xva et xxiv, et Deut., xxxi niulta in scriptis Mosen relit[u18se comi)erio… Placet etiam mibi eorum seutentia, qui existiiuaiil hoc Pentateucbum longo post Mosen tempore inlerjectis mnltifariam, verborum et sententiarum clausulis, veluti sarcitani et explieutius reddilum, et ad contiauandatn liistoriæ seriem meJius esse dispositum ». Dans le dévoloppemeot de ce thème, Pereira suit Mæs de très près.

2. Petilateuchus, Anvers, 1625, p. y.3-94 ; Ayant allégué certains des passages qui font difficulté sous le calame de Moï^e [Gfn., xiii, IS ; xiv, 14 ; Num, , xii, 3 ; xxi, 14, 15 ; etc.) il dit : c< Sed nibil vetat dicere hæc et alias id genus paucuUis sententias postea ab Uagiographis Scriptoribus locis suis additas fuisse, a Moyse toiuiu horum librorum corpus, exceptisbis pauculîs, quæ poslea accessere, esse formatum)ï. — Josue, Judlces et liutfi, Paris, 1()31, p. I.S.'i (à propos de Jos., xxiv, 26) : « Scripsit qnoqne arnnia verba /lacc m voLuniine legls Domini. liitelli^ril, ut recle Masius et Serarius, de admonitionibus et stipulationibus, quos Josue in præcedentibus fecerat, ac populi deinde i’e.<-pon810nibus, publicaque reiigionis suae, quam fecerat, pi-ofessione ; uno verbo, scripsit Josue verba rcnovati foederis aeu quæ in eo dicta factave essent. Sed quodnam illiul volumen ? Respondoo volume » istud intellîgî, inquo.Moyses Deuterononiuni consci’ipserat…, equo verisiuiiliter Iticta suiit et proposita illa præcepta et judicia, de quibus agit versus praccedens ».

3, Conunentarius in Sacrant Scripturain, edit. novîssima, Lyon, 1702, t. I. p. 74. A propos de Deut., xxxiv, 6 : « Et quibus eliain vcrbis patet, boeo non a Moyse, sed ab alio quopiam buic libi-o inserta fuisse, et verisimilius a.ïosue successore ilîius, et rerum post morlem ejus gestarum

« ccurato scriplore, ut patebit ex Hbro sequenti. Quin imo

totum hoc caput. et plura quoque alia loca ab eodem Josue hînc inde in Peiitateucho, maxime ubi Moyses effuse laudatur, inserta fuisse, ]^lurimorum est opinio, qui.>d censeant, viruni tam modestumiii laudes proprias numquam ta m ample excursurum ». On lira aussi avec intérêt ce

On insistait sur Gen., xiii, 18 (yid. supy. 11) ; A’uni., XII, 3, éloge que Moïse n’avait pu écrire à son propre sujet ;.Vu ; », , xxi, 14, 15, mention el extrait du Li^'re des Guerres de ïahu’eh ; / eu<., xxxiv, 5-ia, récit de la mort de Moïse.

13. — 2°) La question était étudiée avec beaucoup plus d’indépendance chez les reformés. Le Hollandais Eriscoi’ius (1650)', le pliilosophe anglais Hobbks (1651)-, le calviniste Isaai ; i>b la PiiVRisnE (1655)3, faisaient des constatations et émettaient des théories dont plusieurs ont été retenues. Toulefois c’est avec B.vnucu Spinoza (1650) que l’on voit s’esquisser un sj’stème proprement dit de critique littéraire et historique.

a) Le Pentateuque actuel ne saurait être de Moïse ; la manière dont on parie de lui à la 6" pers., les éloges qu’on lui décerne supposent que la rédaction est l'œuvre d’un tiers ; les passages tant de fois allégués nous reportent à des dates bien postérieures au grand [)rophète. — / ;) Ce n’est pas à dire que le Pcnlateaqiie ne renferme pas de traces de cette activité littéraire que des textes explicites attriliuent à Moïse. On ferait volontiers remonter jusqu'à lui le Livre des Guerres de Yaluveh. Spinoza met aussi à part le Code de l alliance (Ex., xx, 22-xxiii) et l’idenlilie avec « les paroles de Yahweh et ses jugements », dont il est question £x., xxiv, 3, /|. Mais cette activité est impossible à préciser par delà les retouches

qui en ont atteint les résultats c) L'œuvre actuelle

vient d’Esdras et a été réalisée eu deux étapes. La loi promulguée par le prêtre-scribe (A’e., viii-x) n’est autre que noire Deuiéronorue, qui forme un tout à part, dont la connaissance était particulièrement indispensable au peuple. Après l’avoir publié, Esdras l’inséra, à la place qui lui revenait, dans un récit comprenant toute l’histoire du peuple juif depuis la création jusqu'à la ruine de JtTusalem. Le Pentateuque se trouve ainsi constituer une sorte d’Introduction aux autres livres historiques du Canon. — d) Pour réaliser son œuvre, Esilras s’est servi de documents anciens. Mais, d’une part, il a retouché les sections législatives pour les mettre en harmonie avec les besoins de ses contemporains ; d’autre part, il n’a pas coordonné selon une méthode précise les extraits historiques. De là les répétitions et les incohérrncfs que l’on peut facilement relever ; Spinoza s’attache de préférence à celles qui ont trait à la chronologie.

14. — 3") C’est pour lui répondre que Richard SiMox composa son Histoire critique du Vieux Testament (1685). — fl) D’après le célèbre oratorien,

iu ;  ; emout de Cornélius a Lapide [Commentaria in Pentateuciium Mitsin..-ir^umentunt. édil. Vives, Paris, 1806, t. I, p. 27) : « Ubi adverte Mosen Pentateuchum simpliciter coDscripaisse per modum diarii vel annalium ; Josue tamen, vel quein simitem eosdcui bos.Ylosis annales in ordiiiem digessisse, distinxisse, et sent « ntias nonnullas addidisse et întexuissen.

Noter que Tirin ne parle que d’additions fuites par Josué.

1. Opéra theotntiica, Amsterdam, 1650. I Insîitntiones theologtcæ in quatuor libros distinctac, lib. II, De Revelaiione Mosl fada, seciio l. De leîfe iTosis in génère, p.49-G0, mais surtout sectio v, De libris Veterii Tesiamenti, p. 217. — Œuvre posthume ; Epi.-tcopius était mort en 1643.

2. LevlatUan or the niatter, forme and power of a Cornmonwealtit ecclesiasticat and civil : Londres, 1651. Part III, cap. xxxni, Of the Nu/nber,.-i ntit/uity, Scope, Aûihoriiy and l nterpreters of the Books of ïfoty Scripture, p. 200.

^i. Præadamïtæ sive Exercitatio r^uper i^eraihus 12, 13, î'i capitis t Epistolæ D. Patili ad Romanos, 1655 ; Pars I, lib. IV, cap. i el II, p. 16'. » -185.

4. Tractaius tlieoloi^ico-poUticus, 1670 ; cap. viii-ix ; édit. Tauchnilz, t. III, p. 125 « v. ; Irad. Appuhn, Paris, 1913, l. II, p. 180-190. 703

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les histoires et généalogies de la Ce/ièse se présentent comme si Moïse les avait prises dans quelques livres authentiques ou empruntées à une tradition constante. Ces documents dilféraient les uns des autres quant à leur style et leur contenu, même lorsqu’ils se rapportaient à un même sujet. De là les confusions que l’on peut relever, par exemple, dans Gen., i, ii, ou encore dans le récit du déluge (Gen., vi, i-ix, 17) D’ailleurs on peut aussi penser à des déplacements des feuillets ou rouleaux sur lesquels les livres étaient écrits. — l) Dans Ex.-Deut., les législations ont clé divinement inspirées à Moïse lui-même. — c) On noiera avec un intérêt spécial la place que Richard Simon fait aux scribes de Moïse. Le grand législateur n’avait pas besoin que Dieu lui dictât le récit des événements qui se passaient de son temps. Il avait sous lui des scribes qu’il avait établis et qui n’étaient pas sans analogie avec les scribes publics des âges postérieurs. Ce sont eus qui ont rédigé pour la postérité les récits des faits dont ils étaient les témoins. Ils ont ensuite fait des recueils, juxtaposant plusieurs de ces récits sans se préoccuper de les harmoniser parfaitement. Ce sont ces recueils que le Penluteiique nous a conservés ; ils ont une autorité divine parce que ces divers scribes étaient inspirés ; on peut en une certaine manière les attribuer à Moïse puisqu’ils avaient été faits sous ses ordres’.

IV. Au XVIII’siècle

13. — L’œuvre du xviii’siècle fut de poursuivre d’une façon méthodique les résultats précédemment obtenus.

I") Les premiers pas furent faits en ce sens par un médecin catholique français, Jean Asinuc, de Montpellier. Il développa ses idées dans un livre qu’il publia en 1 yôii à Biuxelles sous le voile de l’anonyme : Conjectures sur les méintiires originaux dont il /jaraii que, 1/ovse s’est servi pour composer le livre de la Genèse. D’après le titre même de l’ouvrajje, Aslruc limite son examen à la Genèse, à laquelle il adjoint toutefois Ex., 1, 11.

a) Il part d’un fait que l’on avait sans doute remarqué auparavant, mais sans lui donner l’attention qu’il réclamait : c’est que, dans certaines portions du premier li re du l’entatcuque. Dieu est désigné par le nom propre Yalnveh, tandis que, dans les autres, on retient le nom commun Elohini. — h) De plus, alors que ses prédécesseurs avaient surtout insisté sur l’unité d’ensemble de la Genèse, Astruc met en relief les confusions que l’on remarque en maints endroits. — <’)Il est d’abord amené à distinguer deux grands documents dont il suit la trace depuis Gen., I jusqu’à E.v., 11. Us sont antérieurs à Moïse, à l’exception de la partie renfermée E.r., i, 11, qui est attribuée à Amram, père du législateur (Er., vi, 20) ; ils alimentent le courant principal de Ihisloire patriarcale. L’un deux, A, est élohisle ; l’autre, li, est

1. R. Simon fut attaqué par l’arminien Jean Lccleuc dans l’ouvrage nnoliyme intitule Sentiments de quelques th^olvi^ieiis de Hollande sur Vilistoire critique du Vieux Testament (Amsteidam, 1685, surtout p. 107-130). A la base du Pentateuque sont des documents de caractère privé, dont plusieurs peuvent cire antérieurs ù Jloïse. Faite on pays chaldéen, l’œuvre de fusion serait due au prêtre qui fut envoyé de l’exil enseigner aux habitants de l’ancien royaume de Samarie comment honorer Ynliweh (cf. Il Reg^., xvii, ?, 4-28). La partie essentielle de l’œuvre serait constituée par la Loi découverte au Temple sous Josias (cf. II Reff., xxii). Richard Simon réfuta ces assertions dans Défense des sentiments de quelques théologiens de Hollande (.Amsterdam, 1686), surtout lettre Yll, p. 166-168. Leclerc atténua plus tard ses opinions.

yaliwiste’. — d) A côté de ces documents fondamentaux, Astruc en distinguait neuf autres, CM, qui se rapportaient à des sujets plus accessoires et qui avaient pris naissance dans les divers milieux avec lesquels Moïse avait été en relation. Ces nouveaux documents se réduisent parfois à des fragments de minime étendue. — e) Le médecin de Montpellier attribuait à Moïse la première coordination de ces documents, qu’il avait disposés en quatre colonnes parallèles. Mais, dans la suite, tout avaitété maladroitement ramené à une colonne et à un récit, et c’est ce qui explique les confusions que l’on est obligé de constater.

16. — 2") Astruc avait été un précurseur :

a) Vite trentaine d’années plus tard, Joiîann Gotti-iuKD Eionnonx (Einleitung in das Aile Testament, Leipzig, 1780-1 783) arrivait à des résultats analogues par des investigations personnelles, à propos desquelles il employait pour la première fois le nom de Haute Critique. — k) Comme Astruc, il distinguait dans la Genèse un document élohiste et un document yahwisle, auxquels il en ajoutait trois autres, sinon cinq (v. gr., Gen., xiv et encore Gen., xux, 1-27). Le récit du déluge lui donnait l’occasion de préciser le caractère littéraire de chaque écrit et, par exemple, de noter la méthode chronologique de l’élohiste. Eiclihorn poursuivait, lui aussi, l’application de son système jusqu’à Ex., 11. — /5 ; Il ne se faisait pas fort de déterminer l’origine des documents. Il pensa d’abord que Moïse les avait utilisés dans la rédaction de Gen. cl d’Ex., i, 11 ; ensuite ses allirmations furent jilus imprécises. — /) A la différence d’As-Iruc, Eichhorn s’occupait du reste de l’E.iude et du I.évitiqne ; mais il n’y voyait qu’une collection de documents séparés, souvent incomplets et fragmentaires, remontant aux temps mosaïques ; il ne cherchait pas à établir des connexions entre ces pièces.

— h) Karl Davii> Ilgek poussera plus loin encore l’analyse de la Genèse et, au lieu d’un élohiste, en distinguera deux, qui, comme le yahwiste, formaient chacun un tout indépendant, avec des caractères })ropres (Die Vrkunden des jerusalemischen Tempelarchivs in ihrer Urgestalt, I, 1798).

3") C’est ainsi que l’effort criticjue du xviii* siècle aboutissait à l’exposé d’une Première forme de l’hypothèse documentaire.

V. Au SIX’siècle

17. — 1°) Le xix’siècle devait voir se poursuivre l’étude du l’cnlateuque en deux manières. D’abord on allait appliquer aux cinq livres qui le composent l’œuvre de critique jusque-là à peu près exclusivement limitée à la Genèse. Ensuite on allait coordonner en systèmes les résultats obtenus.

2") Malheureusement on commença par s’engager dans des hypothèses fantaisistes ; leur élaboration ne fut pas, il est vrai, sans entraîner la constatation d’un certain nombre de faits qui furent retenus dans la suite. Uhypolhèse des fragments- ne fut guère au-Irechose qu’unerégressionpure et simple. Mais, avec Vliypothèse des compléments", on s’achemine vers la

1. Astruc dit : jcho^iste.’2. D’une manière générale, Vhypoihèse des fragments substitue aux documents continus un grand nombre de njorceaux, plus ou moins étendus, réunis et mis en un ordre tout relatif par un i-édacteur. Les principaux partisans sont : A. Geddès (17y2), Vatku (18ùi-lS05), de Wette (1805-1807), Beuthold (1813), Hartmann (183t), etc.

3. Dans Vhypothèse des compléments, on met à la base du Pentateuque un noyau primitif ou écrit fondamental (Grundschrifi) formant une histoire complète et suivie, autour de laquelle ont été rattachés des suppléments de toute sorte et de toute étendue. Ses principaux partisans 705

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Nouvelle Hypothèse des Documents, à laquelle l’avenir appartient. Elle consiste, comme l’ancienne, à réduire le Pentuleuque ou, ainsi que l’on commence à dire, ’Hexateuque en une série de documents suivis.

18. — a) Inutile de nous arrêter aux essais de GuAMnERG (l.ibri Gene.-^eos seciincUuii fontes rite digriDscendos adumbrat’w noi’a, 1828), de Stahelin (h’rilisclie L’ntersuchung iiber die Genesis, 1830), de Blrek (avant son adhésion à l’hypothèse des compléments, Beitràge zii den Forschungen l’iher den Pentateucli dans Studien und Kritiken, 1831), de Knobel {Kommentare zur Genesis, iSSa et 1860 ; su Exudiis und I.e^’iticiif, 1867 ; zu Numeri, Denteronumium und Josiia, 1861). Il y a même assez peu de résultats détiuilifs à recueillir dans la théorie proposée par EwALD (Gescliickte des Volkes Israël bis Christus, 1843), revenu de l’hypothèse des compléments. — b) C’est surtout d’HKRMANN Hupfeld (J>ie Quellen der Genesis und die Art Huer Zusammensetzung, 1853) que la critique moderne tient sa première orientation. La Genèse renferme, d’après lui, trois documents : 1e Gr « / ! (/st/ui/’((EcritfondamentaI)ouPre7n/e ; -Elohiste, dont le récit commence avec la création et se poursuit, en dehors de la Genèse, jusqu’à l’entrée des Israélites en Canaan ; le Yalwiste, qui commence, lui aussi, avec la création ; un second Elohiste, qui s’occupe surtout des patriarches et présente beaucoup d’affinités avec le i’ahn iste. La Genèse est due à une fusion de ces documents, dans laquelle le Yahtfiste et le second Elohiste ont été plus étroitement amalgamés. Généralement reproduits mot pour mot, les documents ont assez souvent subi des corrections et des modilications en vue d’une plus parfaite harmonie. — c) Theodor Nôldekk (Untersuchungen zur Kritik des AUen Testaments, 1869) appliqua cette théorie à V Hexateuque tout entier et insista, plus qu’on ne l’avait fait jusque-là, sur la question de dépendance et de chronologie. D’après lui, le second Elohiste est plus ancien que le Yahivisle, qui lui fait des emprunts. D’autre part, il doute de la légitimité de l’hypothèse d’après laquelle le Grundschrift était généralement considéré comme antérieur aux deux documents précédents. D’ailleurs l’origine de ces trois écrits se place aux x-ix* siècles ; ils ont été réunis par un rédacteur qui a poussé son œuvre jusqu’à Josué. Le Deutéronome, qui a été introduit ensuite dans ce recueil, est de peu de temps antérieur à la réforme de Josias (622). Le Pentateuque a pris sa forme définitive sous Esdras, qui l’a promulgué et fait accepter du peuple.

19. — dy En résumé, les critiques dont nous venons de parler reconnaissent les quatre documents auxquels on réduit aujourd’hui la Loi et Josué, Ils admettent un travail progressif de fusion, à beaucoup d’égards analogue à celui qu’aujourd’hui encore on aime à décrire. IVlais ce qui, en cette première phase, est le plus caractéristique de la Nouvelle hypothèse des documents, ce sont les dates respectivement attribuées aux sources. Si l’on adopte les sigles actuellement en vigueur (J =^ le Yahwiste ; E = le [second] Elohiste : P ^ [du mot allemand Priesterkodex] le Premier Elohiste, aujourd’hui nommé Code sacerdotal : D ^ le Deutéronomiste), on exprimera l’ordre de succession des documents le plus généralement admis par la formule PEJD.

— e) C’est en ee domaine de la chronologie que les changements les plus profonds allaient être introduits par Vhypotlièse grafienne, désormais la plus universellement reçue.

furent : Kelle (1812], H. Ewald (1823), F. Bleek (à partir de 1836|, E. TucH (1838), de Wette (à partir de 1840), etc.

Tome III.

VI. Hypothèse graflenne

20. — 1°) Elle est encore appelée : théorie ne//hausienne, à cause de celui qui davantage a contribué à sa précision et à sa diffusion ; liollandaise ou allemande, à raison de l’origine de ses premiers tenants ; théorie du développement, à cause des principes qui sont à sa base.

21. — 2°) K. H. Graf avait eu des précurseurs. Surtout en la personne d’En. Reuss, professeur à l’Université de Strasbourg et son maître (cours en 1833 ; article Judenthum, dans Jllgemeine Encyklopddie de Ersch et Gruber, 1869 ; cf. La Bible, Ancien Testament ; troisième partie, L’Histoire Sainte et la Loi [Pentateuque et Josué], t. I, Introduction, 1879), qui appliquait plus strictement qu’on ne l’avait fait jusque-là le principe du développement religieux à la critique littéraire de Vllexateuque. Sans parler de Vatkb (Die Religion des Alten Testaments nach den kanonischen Biichern entivickeli, t. I, 1835), J. F. L. George (/>/e âlteren judischen Feste mit ciner Kritik der Gesetzgebung des Pentateuchs, 183ô),

23. — 3") K. H. Graf (Die geschichtlichen Bûcher des Allen Testaments, 1866) renchérissait encore sur le principe du développement posé par son maître.

— a) La première conclusion qu’il en tirait était que le code lévitique n’avait pas été en usage, ou même n’avait pas existé, depuis l’entrée des Hébreux en Canaan jusqu’à la prise de Jérusalem par Nabuchodonosor (586) ; il constatait d’ailleurs que ce code n’était pas homogène. — h) Le document le plus ancien e=t VElohisIe, c’est-à-dire, non seulement le second Elohiste de Hupfeld, mais la partie historique du Grundschriftou premier Elohiste (surtout dans la Genèse). — c) Le Yahis’iste de la Genèse n’est qu’un simple reviseur de VElohiste, auquel il ajoute des compléments ; il serait du temps d’Achaz et il faudrait lui attribuer Ex., xiii, xx-xxni, xxxiv. — d) C’est Deut., iv, ^o-xxviii, 68 qui a été découvert en 622 ; mais les chap. xxi-xxv sont de date plus ancienne et pourraient avoir d’abord formé un supplément à l’Exode ; Jérémie serait peut-être le Deutéronomiste, — e) En tout cas, c’est Ezéchiel qui est l’auteur de Zei., xvii-xxvi (loi de Sainteté, V^ des modernes) et d’Ei., xxxi, 12-17 (’°i’^" sabbat). D’autre part, une portion notable du code lévitique n’est guère antérieure à Esdras, si elle n’est pas, au moins partiellement, son œuvre : Ex., xii, 1-28, /IS-ôi ; /.et’., i-xvi (xi renfermerait vme loi plus ancienne ) ; ixiv, 10-16 ; Num., I, 48-x, 28 ; xv-xix ; xxviiixxxi ; XXXV, 16-XXXVI, 13. — f) C’est avec Esdras que le Pentateuque aurait reçu sa forme définitive. On y aurait encore ajouté dans la suite Lev., xxvii et quelques éléments d’importance secondaire. — g) Cédant aux critiques de Kuenen et autres. Graf renonça bientôt à séparer les parties historiques du Grundschrift de ses éléments législatifs et acheva ainsi de donner à la théorie la forme que, pour ses grandes lignes, elle garderait à jamais. A la formule P EJ D on substituerait E J D P.

23. — à") Dix années durant, les idées de Graf ne trouvèrent que peu d’écho. Mais, en 1876, elles reçurent une adhésion qui allait assurer leur succès et leur diffusion : celle de JuLius W’ellhausen. — a) Les principales de ses œuvres relatives à ce sujet sont : Dié Composition des Ilexaieuchs, d’aiboTd dans Jahrbiicher fiir deutsche Théologie (iS’^è, 1877), puis dans Skizzen und Vorarbeiten (1885), enfin à part (188g) ; article Pentateuch and Joshua, dans Encyclopnedia Britannica (1885) ; Geschichte Isræls (1878, 1883 et sv.) ; Isrælitische und jiidische Geschichte (1894 ; 5’éd., 190^) ; article Ilexateuch (revision de Pentateuch and Joshua par l’auteur lui-même), dans

23 707

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Encydopædia Biblica (1901). C’est surtout des deux derniers travaux que nous nous inspirons. — h) Wellliausen retient la distinction déjà classique de trois couches dans VHe.xateuque : le.léhuviste (JE ; le mol est formé par l’adaptation des voyelles du mot Z^/o/i /m aux consonnes du mot Yah^veh : Yeliowih) ou document prophétique, formé lui-même par la fusion de VElohiste (E)el du Yahwiste (J) ; le Deuiéro7 ! ome(D) ; le Code sacerdotal (P). — c) La méthode à adopter pour (îxer l’ordre de ces éléments présente deux aspects. Il faut d’abord comparer entre elles ces trois conciles. Il faut ensuite chercher à les placer dans leurs relations propres at’cc les dii’erses pliases de l’histoire d’fsræl, telles que d’autres données indiscutables nous permettent de la reconstituer ; ce tiavail ne va pas sans que l’on introduise des modifications nombreuses dans les idées traditionnelles touchant la composition et la date des autres livres bibliques. — d) Le procédé est abrégé si l’on regarde comme acquis que la date du Deutéronome nous est fournie par II Iteg., xxii (récit de la découverte du

« livre de la Loi » sous Josias) ; on a alors un point

fixe autour duquel les autres peuvent se mouvoir. — e) Cette méthode doit également s’appliquer aux parties historiques et aux parties légales de VHe.rateiiqtie. D’une part, en effet, JE renferme des législations (Ex., xx-xxiii ; xxxiv), tandis que le Deutéronome et le Code sacerdotal contiennent des sections historiques ; d’autre part, on constate dans chaque couche une influence réciproque du point de vue légal et du point de vue historique. Wellhausen toutefois insiste surtout sur la comparaison des lois, notamment des ordonnances rituelles (lieux de culte, sacerdoce, taxes sacrées) avec les données des livres historiques et prophétiques. — /) Voici quelles sont ses conclusions touchant l’ordre et la date des documents. Non sans avoir changé d’avis, il regarde le Yalniste comme le plus ancien et en place la composition en Juda, au cours du neuvième siècle ; VElohiste, qui est Israélite, serait du huitième. Il faut d’ailleurs remarquer qu’il s’agit de la rédaction principale de chacun de ces documents ; ceux-ci, en elVet, renferment des éléments antérieurs. Leur fusion en un récit par le rédacteur jéhoviste aurait pris place avant le Deutéronome. Or on ne saurait avoir de doutes sur la date approximative de ce dernier écrit ; il a été composé fort peu de temps avant sa découverte par Helcias, en 622. C’est pendant l’exil, ou aussitôt après, qu’il a été réuni avec l’histoire jéhoviste. Quant au Code sacerdotal, dont plusieurs éléments, notamment la Loi de Sainteté, remontent au temps de l’exil, il est allé se développant pendant la première période de la restauration nationale. Il était achevé et déjà combiné avec les autres documents avant la promulgation de la Loi par Esdras (Wellhausen adopte pour cet événement la date de 440 ;  ! se peut d’ailleurs qu’Esdras ait eu une part danscette combinaison définitive.Aussi bien, au moment de la promulgation, le Pentateuque était détaché du livre de Josué, et c’est lui seul qui a été publié. Quelques suppléments sont postérieurs à Esdras.

84. — 5') L’hypothèse de Wellhausen a eu une immense diffusion. — a) On peut dire qu’elle est aujourd’hui classique dans le monde des critiques. Les Einleitung in das Aile Testament de C. H. CoRNiLL, H. HoLziNGER (^i>(/e(/Kno' in den Ilexateuch), de D. C. Stkukrnagel, etc. ; les Geschichte der Volkes Israël de B. Staue et autres, l’ont vulgarisée en Allemagne ; elle l’a été en Angleterre par l’Introduction io the I.iterature of the Old Testament de S. R. Driver, en France par l’Introduction à l’Ancien Testament de L. Gaiïtier. L’accord, ainsi que le remarque

ce dernier auteur, s’est fait sur le nombre des sources, leur nature, leurs caractères, sur la façon de répartir entre elles le contenu des cinq livres. — b) On signale, il est vrai, quelques dissidences partielles, concernant les dates à assigner aux documents.

A. DiLLMANN, R. KiTTKL, W. W. BaUDISSIN, C. BrUS Tos ont persisté et persistent encore à soutenir que le Code sacerdotal n’est pas aussi récent que le prétendent Graf et Wellhausen. D’après Kiltel (6'eschichte der Ilebrâer, i" éd. 1888 ; d’après la traduction anglaise A Ilistory ofthe Ilebreas by R. Kittel, Ordinary Professor of Theology in the University of Breslau, translatedby John Tayloh, D.Lit., M.A. : I, p. 2^-1 34), les plus anciens éléments de D remonteraient aux dixième et neuvième siècles et le Code Sacerdotal aurait été achevé vers l'époque de Jérémie ; on trouverait même dans ce prophète des traces d’opposition à ce travail des scribes. Dans sa seconde édition (1912), Kittel atténue sa thèse pour ce qui regarde la rédaclion finale du recueil. — c) En dehors des exégètes catholiques, les partisans de l’authenticité mosaïque du Pentateuque sont en nombre très restreint. Au xix' siècle, Franz Delitzscu, après avoir soutenu cette thèse, se rattacha à la théorie documentaire ; Hengstenbiïhg (18021869), Keil (18071888) et Havernick (181 : -1845) sont deiueurés jusqu’au bout les représentants de l’opinion traditionnelle en Allemagne. A notre époque, l’Anglais Haroi-u-E. Wiener s’est fait le défenseur acharné de l’origine mosaïque. Il a beaucoup insisté sur l’impossibilité de fonder sur les noms divins la distinction des documents ; il s’est pareillement appliqué à battre en brèche les autres arguments des critiques ; mais, il faut le reconnaître, ses discussions, peu courtoises et très tranchantes, ne lui ont pas gagné d’adeptes. D’autres exégètes, Orr, Eerdmanns, Klostermann, Moller, Halévy, ont, pour des raisons diverses, rejeté un nombre plus ou moins considérable des conclusions des critiques, mais sans pour cela revenir aux opinions traditionnelles'.

VII. Exposé de la théorie documentaire

SS- — Telle est l’importanco de la théorie des critiques que nous ne pouvons nous dispenser d’en faire un exposé succinct.

1° Ses fondements

Elle se ramène aux points suivants : — A. Le Pentateuque, sous sa forme actuelle, a été rédigé longtemps après Moïse. — B. // se compose de documents de dates fort

1. Pour cet exposé de l’histoire des systèmes, nous avons surtout consulté et utilisé ; E. Mangenot, L’au~ tlienticité mosaiçue du Pentateuque, Paris, 1907 ; J. EsTLIN Carpenteh et G. Hakfohd-Batteksby, The Uexaieuch according to the Hevised Version arranged in lis constituent documents by memhers ofthe Society of Historical Theology, Osford, cdited iyith Introduction, Notes,.Marginal Références and Synoptical Tables ; tomo I, 1000. — Nous nous sommes pareillement servi d’un ouvrage plus ancien, mais utile ù lire : Edouard Reuss, L’Histoire Sainte et la Loi (Pentateuque et Josué), dans La Bible, traduction nouvelle avec Introduction et Commentaires, Ancien Testament, troisième partie, 1879. — Nous avons encore consulté les nombreux exposés qui figurent dans les diverses Introductions à l’Ancien Testament (surtout Driver, G.vrTinR, Steuernagel) et dans les divers Dictionnaires et Encyclopédies bibliques. Impuissante contrôler toujours les systèmes des auteurs dont nous ne faisons que l’apporter les noms, nous nous sommes appliqué à n’analyser aucune opinion que d’après les ouvrages mêmes de ceux qui l’avaient proposée ; en quelques cas seulement, les circonstances nous ont contraint de nous en remettre à des résumés antérieurs. 709

MOÏSE ET JOSUE

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diverses. — Or de nombreux indices permettent de regarder ces deux positions comme solides.

A. Le PliNTATKUQUE A KTÊ Hl^DIGi : LONGTEMPS APltKS

Moïse. Ou peut à ce sujet recueillir des indices négatifs et des données positives.

S6. — ai Indices négatifs. — Nulle part le Pettiateuquc ne se présente lui-même comme l’œuvre de Moise ; bien plus, nombre de textes tendraient à faire penser qu il tient sa forme actuelle d’un auteur distinct du grand K’-gislateur.

k) Dans Ex.-Nuni, , les récits parlent constamment de Moïse a la 3’personne. Si l’on en juge d’après nos procédés de composition, rhypolhèsela plus naturelle est qu’on se trouve en présence d’un narrateur qui nous retrace la carrière de Moïse. Bien n’invite k penser qu’à la date où Moïse écrivait et dans son milieu, le stj’le indirect fut la teneur reçue d’un mémoire personnel ; la Bible elle-même nous fournit des indications en sens contraire. —, ^) D’autres indications contribuent à afl’erniir ces impressions : Notices dans lesquelles l’intervention d’une tierce personne apparaît plus sensible : " Tels Aaron et Moïse, auxquels Yahweh a dit : Faites sortir les fils dlsræl du pays d’Egypte, selon leurs troupes. Ce sont eux qui ont parlé à Pharaon, roi d Egypte, pour faire sortir les fils d’isracl de l’Egypte ; tels Moïse et Aaron » [Ex. ^ vi, 26, 27 ; cl. aussi Aum., xv, 22, 23). Epithètes et formules de louanges qui eussent été étranges sous la plume de Moïse lui-même : « Et Yahweh donna grâce au peujile aux yeux de 1 Egypte et l’homme Moïse fut très grand au pays d’Egypte, aux yeux des serviteurs de Pharaon et aux yeux du peuple » (AV., xi, 3) ;

« Et l’homme Moïse était tout à fait doux, plus que tout

homme qui est sur la face de la terre » (iVum, , xii, 3 ; cf. Deut., xxxiv, 10-12). — y) Si certains textes d’Ex.-Num. , témoignent de l’activité littéraire de Moise, celle-ci est toujours limitée à une péricope précise, facile à déterminer. Ainsi on lit, Ex., xvii, 14 : " Yahweh dit à Moïse : Ecris ceci en souvenir dans [le] livre et place-/e dans les oreilles de Josué, car j’effacerai sûrement le souvenir d’Amaleq de dessous les cieux. » La seconde partie du verset montre clairement que l’ordre donné par Dieu ne vise que le récit de la défaite d’Amaleq. Il est vrai qu’on parle du livre, et l’on pourrait songer à un ouvrage d’une ampleur plus considérable, à une sorte de mémoire, par exemple, sur lequel on eût relaté, à mesure qu’ils se produisaient, les événements les plus importants. En fùt-il ainsi, qu’on no serait pas autorisé pour autant à identifier cet ouvrage avec le t*entateuque. On ne saurait même s’appuyer, pour soutenir cette identification, sur ce fait que les massoretes semblent l’avoir consacrée. D’une part, en eiïet, si l’existence

« du livre était démontrée, il serait tout aussi naturel

de le regarder comme l’une des sources utilisées par l’auteur de notre Penlateuque. D’autre part, la lecture avec l’article déterminé repose uniquement sur la ponctuation massorétique (basstp^’ér). Or une tradition plus ancienne, représentée parles Septante (et’ ; /3( ;  ; /<’ov [var. èv / ?( ; ï/t’w, AK], dans un livre, b*sêp^’èr), ignore cet article déterminé ; on ne saurait donc en faire le point de départ d’une argumentation trop rigoureuse. Ex.^ xxiv, 4, à son tour, vise le Code de l alliance [Ex., xx-xxiii) qui précède ; Ex., xxxiv, 2^, 28 se rapporte à la petite législation des vers 10-28 ; Num.^ xxxiii, 1, a ne concerne que la liste qui suit. — o) Le cas du Deutérononie diffère notablement des précédents. Les chap. i-xxx ne sont qu’une série de discours dans lesquels Moïse s’adresse directement au peuple et parle de lui-même à la i’^ personne. Des textes ex[ilicites attribuent à Moïse la rédaction do ce grand coàQ : Deut., xxvii, 2. 3 (cf. vers. 8 et /os., vni, 30-35 ; on pent se demander s’il s’agit seulement de la se- ; tion législative [xii-xxvi], ou s’il faut penser aussi aux discours de i-xi) ; Deui, , xxviii, 58, 61 et xxix, 19 (Vulg. 20), 20 (31), 26 (27), 28 {2(jl, où l’on parle du livre renfermant la Loi, les menaces de maladie et de fléaux, etc.) ; Deut., xxxi, 9, 10-1 3, 24-27, où cette loi apparaît écrite par Moïse (les vers. 16-22, 28-80 se rapportent au cantique du chap. xxiini. D’après ces indices, on est amené à conclure que Moïse a écrit un livre de lois substantiellement identique à notre Deuièronome actuel, que ce dernier en renferme des extraits littéraux plus ou moins considérables. Toutefois en parlant de Moïse h la 3* personne iDenf., I, 1-5 ; iv, /ii-43 ; iv, 44-^’. M xxvii, 1, Ç). Il ; xXTiir, fig [Vulg. XXIX, il ; xxxi-ixxiv), le rédacteur final semble avoir pris soin de se distinguer du grand personnage dont il reproduit les paroles.

S7. — b) Indices positifs. — Les critiques modernes

ont repris les remarques qui avaient amené nombre d’anciens à recunnailre dans le Pcnlateuque des interpolations* postérieures à lépoque de Moïse et ils en ont allongé notablement la liste :

Gcn., xii, 6 ; « Le Cananéen était alors dans le pays (à Sichem ; cf. xui, 7), ce qui n’a pu être écrit qu’aprus l’expulsion des Cananéens par les Israélites.

Gen.. xni, iS (cf. xxui, 2, 19 ; xxxv, 2 ; j ; xxxvii, 14) : mejition d’Hebron, alors qu’au temps de Moïse, la ville s’appelait Qiryath-’Arba’(Jos., xiv, 15 ; cf. xv, 13, 14 ; Jud.^ », » o ;.

Gen., XIV, 14 : mention de la ville de Dan, alors qu’au temps de Moïse, elle s’appelait Lésèm (Jos., xix, 4 ? ; cf. Jud, ^ xvii, xvui).

Gcn.^ xxxvi. 31 ; « Et voici les rois qui ont régné au pays d’Edom avant qu’un roi ne régnât sur les fils d Israël », n’a pu être écrit qu’après rétablissement de la royauté.

Gen.^ XL, 15. où Joseph parle du « pays dos Hébreux », terme inexplicable avant l’exode.

Gen.^ L, 10 : « L aire d’Atad au delà du Jourdain », locution qui ne peut provenirque d’un écrivain établi en Canaan et, par conséquent postérieur à Moïse (cf. Dent., 1. 1, 5 ; m, 8 ; IV, 41. 46, 49 [eu revanche Deut., ni, 20, 25, dans un discours de Moïse, la locution désigne très logiquement Canaan] ; ium., xxii, i : [xxxn, 19^^ il s’agit de Canaan] ; xxxii, 19^, 3a ; xxxiv, 15 ; xxxv, 14).

Ex., XV, 19, qui semble supposer que Jérusalem est conquise et le Temple bali.

Ex., XVI, 35, qui n a pu être écrit qu’après la cessation de la manne, par conséquent pas avant Josué (cf. Jos., v, 12).

Ex.^ XX, 10, où l’on parle de « l’étranger qui est dans tes portes)), ce qui ne convient pas au séjour du désert (cf. Deut., v.14).

Ex.j XXVI, 18, 22, où le Midi est désigné par néff^bàh^ fers le néi^éb, et l’ouest par yammâh^ vers la mer., deux exprès-’sions qui n’ont de sens que pour un auteur établi en Canaan.

Num., XXI, 14. où Ion parle du Livre des Guerres de Yahiveh, sûrement postérieur à Moïse (il doit avoir contenu les « guerres de iabweii » de I Sam., xviii, l’j ; xxv, 28).

Num.. XXIV, 7, où Balaam annonce la victoire sur Agag, roi d’Amalec et contemporain de Saul (cf. I Sam., xv, 8, 9 sv.).

Deui., iii, 1 1 : La présence du lit d’Og, roi de Basan, à Rabbath et la description qu’où eu donne s’expliquent mal au lendemain delà défaite de ce roi par Moïse.

Deut.^ iii, 14’Ayant conquis le pays d’Argob, Jaïr « les [villages de Basan] appela selon son nom Hawwoth-Yà’ir jusqu’à ce jour. » Celte expression ne se comprend pas sous le calame de Moïse à propos d’une dénomination qui a été donnée de son vivant.

Jos., X, 12, 13 renferme un extrait du livre du îâïâr. Or cet extrait ne peut avoir été fait du temps de Josué. Le livre du Yasar, qui renfermait entre autres éléments l’élégie sur la mort de Saiil et de Jonathas (cf. II Sam., i, 18), est d’une date bien postérieure à celle du grand conquérant.

Sans doute, remarque-t-on, il est telle de ces remarques qui n’est pas à l’abri de tout conteste. Mais les critiques estiment qu’en les considérant dans leur ensemble, on ne peut s’empêcher de conclure, non seulement que V IJexateuque a reçu des additions de détail, mais encore que sa rédaction est de beaucoup postérieure à l’époque de Moïse et de Josué.

58. — B. Le Pentateuque est composé d’i’léments DR DATES FOWT DiVEKPES, — Pour mettre en relief cette proposition, Wellhausen insiste ; a) sur le développement de la législation relii^ieuse : i’i sur les différences dans la présentation des mêmes faits historiques.

59. — a) Développement de la législation relii^ieuse.

— On s’attache surtout aux lois qui concernent les lieux de culte, e sacerdoce, les redevances sacrées. Nous ne développerons à cet endroit que la première de ces considérations.

Lieux de culte. — Nous avons sur ce sujet trois séries de textes. — a) £’ ; r., xx, 22-26 1. D’après ce texte, Yahweh

1. Des critiques regardent les vers 2’}^, 23, où l’on parle aux enfants d’Israël à la 2’pers. plur., comme étrangers à la rédaction primitive du précepte. D’autre part, un certain nombre d’auteurs doutent de l’unité primitive des vers 2’i-26. Il en est même qui, à raison de la place occupée par toute cette ordonnance avant le titre d’Ex, , xxi, 1, se demandent si elle n’était pas étrangère à la teneur originelle du Code de l’alliance. 711

MOÏSE ET JOSUÉ

712

est prêt à venir vers les siens pour les bénir et. sans doute, pourl-eoevûir leurs homiudges, dans lousles l.eux qui seront consacrés par ses interventions et son souvenir. C est, on le voit, l’allinnation de la légiliniite des sanctuaires mullit, les. Dans ces lieux de culte on olèvera, pour y oûiir les holocaustes et les s ;.criliLes paciliques do menu et gros bétail, des autels laits de terre ou de pierres non dégrossies ; ils ne comporteront pas do degrés. -..=) Ueut, xii,.-14. L idée principale de ce passage est que les Israélites ne devront avoir Tiuun seul lieu de culte, que ahweU prendra soin de déterminer là, et là seulement, pourrout s’accomplu- les actes spéc liqueinent rituels. Une diUérence est établie entre le te’iips où la loi est formulée, pendant lequel chacun suit uniquement les directions de sa conscience, et la période à laquelle le sanctuaire sera édiùr au lieu choisi par ahweh. Le précepte est fondaaienUl dans la législation deuteronomique et on y revient en une série d’ordonnances de détail : XII 17-19. 26-28 ; XIV, 22-27 ; ^*">’-8. 9-’^i 13-15, iG-17 ; ivi’i, S-13 ; xviii, G-8 ; xxvi, i-ii. — -/) Lorsque après leur entrée en Terre Sainte, les Israélites concentreront leurs adorations autour du seul lieu de coite, ils ne feront autre chose, selon une autre s. ; rie de documents, que continuer ou reproduire ce qui existait déjà au désert. Au cours des migrations en effet, les liturgies ne se développaient qu’autour du tabernacle ou sanctuaire portatif et de l’arche qu’il renfermait. Ejc., xxiv, 15’-xxxj, 1 1 et xxxv-xi, contiennent les prescriptions relatives à la construction de ce lieu de culte et le récit de leur exécution ; ic Li-iiti ; ue est presque tout entier consacré a la régleinentalion dos rites qui s’y doivent accomplir (cf. aussi. "/M., 1, 48-53 ; 11, i-x, 10 ; xvi-xix [xvi seuiemenl en partie] ; xivi, ô^-Ca ; xxviii-ixx, une série de législations complémentaires au sujet de ce même tabernacle). ô) Si, appliquant la théorie du développement,

on compare entre elles les législations A’E.r.. xx, 22-26 et de Driti., xii, on ne peut manquer de conclure à la priorité clironologique de la première. Le précepte deutéronomique est un précepte de stricte observance, de rigoureuse orthodoxie ; il est d’ailleurs on ne peut plus favorable a la sauvegarde de la pureté du culte, à la vigilance et au contrôle qui sont si utiles pour, maintenir les liturgies à 1 abri de toute intrusion de paganisme. On n’aurait jamais abandonné ce précepte, dans les milieux d’observance, pour lui en substituer un qui, l’histoire le prouve, devait être, en Juda {Jcr., II, 20-25 ». 25 ! >-28 ; m. 2. « i. 9, 13, 21, aS, 24 ; vii, 17, ij>, 30-34 ; xiii, 27 ; etc.) aussi bien qa en Israél [Am., iv, 4, 5 ; v, 4, 5 ; vu. 9 ; viii, 14 ; ix, i ; Os., iv, isiy ; v, 1-7 : vi, C-10 ; VIII, 1-7 ; etc.). fécond en toutes sortes d’abus. Au cmtraire, on envisagerait facilement l’ordonnance concernant l’unité de sanclu ; iiie à la façon d’une réaction contre les inconvénients qui, à certaines époques surtout, étaient la conséquence de la loi trop libérale du C’.de de l’alliance. — e^ Or l’uistoire vient confirmer point par point cette remarque. Nieme après la construction du temple salonioiiieu et longtemps encore, les chefs d’lsrai-1 agissent comme si le précepte d’£.r., XX, 22-n6 était seul on vigueur. Des rois pieux, dont quelques-uns très zélés pour la réforme des abus (I Heff., XV, 12. 13 ; xxii, 47). no songent en aucune manière à détruire les hauts lieux que les Israélites ont élevés en l’iionneur de Yahweh (I Hes ;., xv, 14 : xxii, 44 : Il H’-g-. xii, 3, 4 ; xiv, 3, 4 ; XV, 3, 4. et 34, 33). Si, d’autre port. Jéroboam 1 « - etses successeurs complètent le schisme politique par un schisme religieux, ce n’est pas du seul fait qu’ils favorisent les sanctuaires de Béthel et do Dan ; c’est, d une façon très précise, parce qu’ils s’efl’orcent de détacher les Israélites du grand sanctuaire national de Jérusalem (1 Reg, xii, 26-30j. Des prophètes d’ailleurs, et des plus illustres, un Elle par exemple li Re£^, , xviii, 30-33), vont jusqu’à rétablir les sanctuaires de Yahweh que leurs adversaires ont abattus. Aussi bien, les fils d’Israël se croyaient autorisés à ces pratiques par des exemples venus de très haut ; quand ils écrivaient l’histoire de leurs ancêtres, ils aimaient à raoutrer les patriarches consacrant les sanctuaires en honneur par leur dévotion, ou même à leur en attribuer l’ofigine (Gen., xii, 7, 8 ; xni, 4^ ^xi, 33 ; xxii, 9 ; xxvi, 25 [cf. XLvi, i] ; xxviii. 10-22 [cf. xxxi, 13] ; xxxi, 46-54 ; xxxiii, 20 ; XXXV, 7, 14)- — Çi II en fut ainsi jusqu’au déclin du vin" siècle. Encore la réforme réalisée par Ézéchias (Il Re^, xviii, 4’n’eut-elle p.is d’effet durable. L’œuvre ne fut reprise que la dix-liuiiième année de Josias( 622) après que l’on eut découvert au Temple ce « livre de l’alliance » (Il Re< ;., sxii) que tous les critiques identifient avec ie Deiiteronome. Tous les hauts lieux furent abolis, tous les objets de culte communs aux Israélites et aux Cananéens

furent détruits (cf. Deul., xii, 2-4) ; Josias étendit sou action reformatrice partout où il put faire recoiinaitre son autorité (Il Ueg., xxiii, 1-241. C’est ainsi que, par cette découverte et j>ar cette réforme, prenaient lin les désordre^ quo, depuis deux siècles, les prophètes Jenonçiiient comme coalaiiiinant la vie religieuse de Juda aussi bien que d’Israël. Il va de soi qu’au sentiment des critiques, la première entrée eu vigueur du Deutcrouonic coïncide avec la réforme de Josias et que sa découverte n’est que de très peu de temps postérieure a sa composition. — ï ; 1 La nouvelle loi se réclamait d une origine divine et du nom de.Moïse ; son existence était ainsi reportée aux débuts mêmes de la nation. Dans la troisième série de te.vtes que nous avons rapportée [vid. supr, y), on a plus loin. Cette loi apparaif en vigueur même pendant les migrations du désert. A cette date, le tabernacle tient la même place que le temple de Jéiusalem occupera plus tard. De la sorte, le culte des hauts lieux a beau paraître appuyé par les exemples des patriarches ; il est opposé, non seulement à la loi divine, mais à la pratique des temps de la plus grande ferveur yvm., v, 25 : Os., xi, i, 3, t^ Jer, , 11, 3, 3. Toutefois on remarquera que, dans les ordonnances relatives au tabernacle portatif, la loi de lunité de sanctuaire n’est pas l’objet d’une prescription explicite ; elle est plutôt tenue pour acquise, présupposée ^cf. Lei-., xvii, 1-9). ^Vellhau5en en conclut que le Code sacerdotal suj)pose déjà réalisée la fin poursuivie par le Deutéronome, qu’il veut encourager la fidélité à une pratique déjà en vigueur, montrer jusqu’à quel point elle s harmonise avec les usages suivis aux temps nù la volonté divine était la mieux observée. Comme c’est seulement après l’exil que la loi de lunité de sanctuaire fut appliquée sans défaillance, c’est jusqu’à cette période qu’il faut reparler la composition du manuel liturgique suivi au désert.

30- — b) Dt/j’èrent es dans la présentation des mêmes faits historiques. — Wellhausen s’étend beaucoup moins sur ce sujet, dans l’article de V Encyclopædia Bihlica, que sur celui de la législation. — « ) L’étude et la comparaison des sources aboutit à constater la parfaite correspondance qu’elles présentent entre elles, quant à l’arrangement de la matière historique qu’elles renferment et quanta de nombreux détails ; c est précisément à cause de cette parité des récits qu’il a été possible de les unir si étroitement dans un livre. La reaUté est que ces documents apparaissent comme des reprises successies de la tradition historique, en manifestant le développement graduel. — ; 3) Or ce que l’on constate, c’est qu’en reprenant les mêmes événements, chaque documeat a sa manière propre et très nettement caractérisée de les raconter. Il est inutile de développer cette considération sur laquelle nous aurons immédiatement à revenir.

a° Documents et travail rédactionnel

SI. — Les principes que nous venons d’exposer ont ëlè retenus par les disci[des de W’clihausen, c’est-a-dire par la très grande majorité des représentants de la Haute Critique. C’est sur ces principes qu’est l’ondée la distinction des documents généralement admise ; Elohiste, Yaliwistc, Ecrit deuteronomii /ue. Ecrit sacerdotal. Assez nombreuses l<.)utefois sont les divergences de détail ; on comprend sans peine que nous les négligions pour nous en tenir à une vue d’ensemble. En celle-ci nous nous inspirerons volontiers du dernier travail un peu compréhensif qui ait paru sur le sujet : Lehrbuch der Einleitung in das.itte Testament de Cari Stelerxagel, professeur à l’Université de Halle ; des notes signaleront à l’occasion les divergences un peu notables des autres critiques.

33. — A. Avant les documents. — a’Aucun de nos documeuts ne remonte jusqu’à l’époque des événements qu’il raconte, même quand il s’agit des faits do la période mosaïque. Tous reposent sur des traditions orales. — b) Ces tradi-~ lions étaient d’origine populaire. Ayant pris naissance autour d’un souvenir local, s inctuaire. source, etc., ou encore d’une institution particulière, elles avaient un caractère épisodique et fragmentaire. Remontant à des dates dilTéreutes, elles portent lempreinledu milieu intellectuel, moral, religieux de ces diverses époques. De là ; tant de différences de f rme (simples lisles généalogiques, avec ou sans notices intercalées ; petits récits : anecdotes plus développées, mais encore très sobres ; histoires riches en détails ; etc) ; les niveaux divers des eonceplions théologiques (anthropomorpbismes naifs de certaines ajiparitions ; anthropomorpbismes plus relevés ; Dieu restant inisible et transcendant, tout en se’servant d’intermédiaires pour apparaître aux hommes ; etc.) ;

les variantes proprement dil6s (même incident attribué, ici à

Abraham, là à Isaac ; même anecdote localisée, ici à Géraro, là en Egypte). — c) Ces trailitioiis avaient pour la plupart un car.ictère sacré ; elles tendaient : i signaler une action très spéciale de Dieu dans l’histoire des anc^-tres d’Israël, dans la fondation même du peuple et d^ns son établissement en Canaan. — d Ces traditions ont, en outre, un caractère esscntifllement légendaire. Elles ont trait, en eflet, à des faits do plusieurs siècles antérieurs à l’organisation de la nationalité israélite par l’institution de la royauté, c’est-àdire à des faits dont on n’a pu garder le souvenir exact ; elles donnent souvent un reliel cgal à des événoiuents considérables et à des incidents sans importance ; elles multiplient les miracles, les interventions divines et angéliques. Bref elles sont pareilles aux traditions qui existent chez tant de peuples touchant leurs origines, pareilles à toutes les traditions orales et populaires. — e) Ces traditions et légendes sont de diverses sortes. Laissons de côté les mythea^ dont on parle à propos des périodes antérieures à l'àgo mosaïque et même à l'époque patriarcale. — a) Il y a d abord les légendes que l’on pourrait nommer historiques. Elles conservent la substance du fait. Mais elles en modernisent l’aspect, en projetant sur ce fait les particularités des milieux dans lesquels elles sont nées ; les liens assez lâches, par exemple, qui unissaient les tribus à l’origine seront représentés sous une forme qui évoquera l’idée de l’unité nationale réalisée au temps de Salojnon. Elles en idéalisent le contenu, en transformant en miracles les grands événements dans lesquels l’action providentielle était la plus facile à diï^cerner. — /3) Dans les légendes que l’on peut appeler semi-historiques, la substance même du fait est atteinte ; c’est ce qui arrive, par exemple, quand on met au compte d’un héros éponyme les traditions qui concernent les tribus. — y On distingue encore : les légendes étiologiques [y.ixi’x, cause), qui donnent la raison d’un nom, d’une expression populaire, d’une institution, d’un usage ; d’ordinaire elles se rattachent à des légendes plus étendues, appartenant à l’une des catégories précédentes. — 5) Certaines légendes servent de revêtement à une idée reli odieuse : l'épisode du sacrifice d’Isaac (Gen., xxii, i-14 ; E) souligne la substitution des animaux aux premiers-nés de l’homme dans les sacrifices. — e) L’histoire do Joseph enfin nous montre comment certaines légendes finissent par revêtir la forme d’un véritable roman historique'.

33. — B-Le Yahwiste. — a) De nombreux indices marquent que ces traditions ont, en co qui concerne leurs éléments les plus nombreux et les principaux, pris leur furme à l'époque de la royauté indivise, au temps de David et de Salomon. Comme elles revêtent nettement les caractères de traditions orales, leur transmission de bouche en bouche a nécessairement dépassé la date du schisme ; c’est après 9135 '933 j qu’elles auront été fixées par écrit. — b) On s’imagine facilemontque les deux royaumes s intéressèrent à ces traditions d’une origine commune. De fait, chacun d’eux en vit naitre une rédaction. L’histoire, qui tient la place principale en ces deux documents, a le même objet : histoire d Israël et de ses aïeux depuis la création jusqu'à la mort de Moïse (de Josué). Si les premiers extraits de VEÎohiste ne remontent pas au delà de la période patriarcale, ce n’est pas une raison de croire qu’il no renfermait pas primitiv^-ment une section consacrée aux commencements du monde et de l’humanité. — r) Dans les deux documents, cette histoire est envisagée au même point de vue : souligner l’action de Dieu conduisant les événements d’après des plans très précis, formulés dès l’origine eu des prédictions ; triomphant, pour les réaliser, de toutes sortes de difficultés ; faisant ainsi éclater sa puissance, sa souveraineté, sa sainteté. Le plan peut ainsi s’exprimer : Abraham choisi du milieu de l’humanité pour devenir le père d’une nation que Dieu traitera comme son peuple et à laquelle il donnera en héritage la terre de C ; uiaan. Les difficultés à vaincre sont, entre autres, la stérilité de Sara, la migration des patriarches hors de la Terre Promise, l’oppression égyptienne et. d’un autre cuté, les multiples infidélités d’Israël. — d) Dans les deux docu 1. D’une manière générale, M. Lucien Gautier se montre plus réservé dans le jugement qu’il porte sur la crédibilité des traditions qui sont à la base des documents ; il nianifestc).orticulit’rement cette réserve quand il s’agit du yahi’iste et de V Eiohisie, plus spécialement encore à prq)Os des récits concernant la période mosaïque (cf. IrUrt.duclion…, 2e édit., t. I, p. Î4't st.}. — R. DrivëR ne traite pas ex professa cette question.

menta, l’histoire demeure épisodique, faite de sections indépendantes comme les traditions. D’ailleurs, bien quelle résulte de l’idée dominante du document beaucoup plus que de la rédaction elle-même, la connexion générale est, en certains cycles surtout, admirablement réalisée. — e) On notera enfin que les deux documents présupposent déjà des sources écrites. VEL’hisle moniionne explicitement le Z-fcre du y’a^ar (Jos., x, 12 sv.) et le Livre des Guerres de Yahivek [Num., XXI, 14 sv). Il serait possible de relever, soit dans le Yafi^visle, soit dans l'^'/oZ/tpe. d’autres extraits, de caractère surtout poétique, qui remonteraient ou bien aux recueils que nous venons de citer ou à d’autres écrits similaires.

34. — f) C’est dans le royaume du Sud ', en Juda, que parut le premier de ces documents, le y’ahiviste (J). Seul, on efi’et, il renferme les traditions propres à cette fraction du peuple de Dieu, celles notamment qui concernent le sanctuaire dllébron. C’est de même aux institutions religieuses du royaume du Sud qu’il porte le plus vif intérêt : la fête du printemps est pour lui la solennité judéenne de la Pâque. Toutefois, en tant que judéen, il n’admet pas la légitimité du schisme. En conséquence, il peut à l’occasion s’intéresser à ce qui concerne le peuple tout entier. — i^) Postérieur au schisme, le }a/itvi> ; c est, comme d ailleurs l’i'/o/d’s/c, certainement antérieur au Dentcronome, ou au moins à sa découverte (G22). On n’y relève, en elTet, aucune influence des lois spécifiquement deutéronomiques, notamment de la loi de l’unité de sanctuaire ; aucune trace non plus de certains épisodes caractéristiques conservés dans le dernier livre du Peutateuqiie (v. g, conquête du nord de la Transjordane par Moïse, son attribution à Manassé), ni du style de ce document. Bien plus, on n’y découvre aucune des idées caractéristiques du prophélisme inauguré en Juda par Isaïe. C’est donc au ix^e siècle que le Yakwisic aura vu lo jour. On notera que Jos., XV, 03 etJud.^ i, 21, qui appartiennent à co document, n’ont pu être écrits qu'à un moment où il y avait encore des Jébuséens à Jérusalem, c’est-à-dire, d’une part, après la prise do lavi’lepar David, mais, d’autre prrt, avant que cet élément étranger n’eût été expulsé ou absorbé par Israi’l : celle remarque paraît bien nous reporter dans la première moitié du ixe siècle 2. — h) En exploitant les sources traditionnelles, le Vafnvisie a fait son choix, il a des épisodes qui lui sont propres, souvenirs auxquels peutêtre on attachait plus de prix dans le royaume du Sud : seul il raconte l’attaque de iMoïse par Yahweh (Eu, iv, 24-aG ;, la longue résistance du prophète à la parole divine. Il a sa manière de présenter les événements qui lui sont communs avec VElohiste. On s’en aperpoit surtout dans les récits relatifs à l’entrée en Canaan [Num, ^ [éléments de xiii, i-xiv, 45] ; XXI. 1-3 ; /O.S., xni, 13 ; xv, 13-19, 63 ; xvi, 9^ [?], 10 ; XVII, ii-13, [14-18] ; XIX, 47 ; Jud.^ i) : au lieu d’une conquête en masse réalisée par lEst sous la conduite de Josué, il nous présente une conquête progressive, commencée par le Sud, due à l’elTort isolé de chaque tribu ou, en certains cas, : "i l’effort combiné d’un groupe de tribus. — i' Ce n’est pas tout. On perçoit dans l’utilisation des traditions l’influence de certaines préoccupations théologiques et morales. Le Yakivisie laisse subsister des anthropomorphisme* encore naïfs (cf. Gen., m. 8, ai, 22). Mais déjà pourtant Yahweh apparaît à Moïse dans une flamme de feu (£'.t., m 2) ; il apparaît en songe (Gen., xxvi, 24 ;, il intervient par le ministère de son ange (Gen.^ xvi, 7 sv !  ; cf. £'x., iii, 2). Dans le culte populaire, on critique déjà les idoles de métal fondu( ; /'a.ssc/ : rt/i.' iV., XXXIV, 17) ; on réagit déjà coiitre les idées morales par trop primitives. — /) A noter encore les préoccupations d'érudition en certaines retouches des récits tra<litionnels [Gen., Il, 10 sv., les fleuves du paradis ; Gen., x. divers éléments dt la table ethnographique ; etc.). — A^ Ces dernières retouches ne sont peut-être pas à rattacher aux éléments les plus anciens du Yahwiste (Ji). On distingue, en effet, dans

1. L’unanimité n’est pas complète touchant la provenance du Yahyviste : des critiques renommés, tels que SiiiiBADER, Reuss et KuKNTN le raltacheut au royaume du Nord (cf, Cari H. Cohmll, Einleitung in dus Alte Testament, § 11, 5). Mais l’autre opinion est sûrement prépondérante.

2 II y a pareillement des diverofences touchant les dates respectives du Yahwiste et de VElohiste. Des critiques qui jouissent d’une hau’e autorité sont favorables ù l’antériorité de VElohiste : Dillmann (E, 900-S50 ; J, 750^ KiTTEL (E, 900-850 ; J, 830-SOO). RiruM (E, 'JOO-SoO ; J, vers 850). Wei.i.hausen, Kurnpn, Stade, placent le Yahivisle vers 850-800, VElohiste vers 750. MOÏSE ET JOSUÉ

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1-.„„„nflalrp9 oui d’oiUeurs sont de ce document des ^°^'Yl.^.lZ^, 'Z, ^^sïocle.u milieu du dates assez diverses et ^^'^S^'^'^^^^ 1^ „ison collective J^ v„. (avant C2.) ; on les S ; °"P « /Jf.£, „^, et les Nombres, Nous n’y insistons Pf "" ^J^', "' and rôle dans la Genè.r, ces éléments, qui jouent »  » ^f f" j^^e

-i’S-^-V UE^Va -7- : l : V : aume du Nord devait

^^, ~ „i ses œuvres littéraires consignant par écrit

avoir, lui » "ssi ses œu^ ; „ ; Qn les reconnaîtrait parti '^lT"'^'rt"l’impor^^^^^^

culièrement a 'mp°r ^ ^^^^_^^ ^^^^^^

pays 5'^)=™""^^ if : ^ XX J) en rapport avec l’usage de temps, loi ="'^^"'^'i.ia„f, ée’M'arche ; etc. D’autre part, s. Sichem ; "^ on ^nt^on de anctuaires de l’extrême Sud. ces ^"'"^p"' ; , °"et^ c.ers à toutes les tribus, elles pardent f’T « nce’surTeU ; u du culte spécifiquement judéen d’Hebron_ le ^. « "^^ « ^"^'^'^Xin quelles emploient, ces œuvres sont

  • "'T. LZX nom général d'£/ovi, « - (E). - b) De la

groupées ! » " « "', , "/37ei) les fragments se laissent surtout première d entre f^^^J^^l concernant l’exode (£x. et Num.). reconnaître "^"^, f^„7".„rporé les prophéties de Balaam, C’est elle qui ad « , '^7 '"^^', P°fie rèLe et les victoires de oracles « -" oui lès entou7e elt nofablement plus récent David. ^^^ ; }ZTXodeoù Moab s'étendait au Nord , 1 nous '""^P°7j, ^j'^ > ; Tu bien aux temps antérieurs à la ^^ ' Yîe d’Omrfters S80) ou plus probablement aux temps

les exploits do Jéroboam il l^verb v>"' t^. q

feraZZe E a fait son choix dans l’exploitation des ta S.vrri"Kr. ; ™ : x'5rr=

Consiste en un enRagement basé sur la loi [Ex., xxi", a ?.'EpTacè la promulg^^atfon de la loi « près le rite q"' do, unir nieu et le peuple'. On notera encore, dune part, que J' eônsifne lis cycles parallèles d’Abraham et d’isaac sous eur form prSitive Isaac), tandis que, E^, (-™™ « ^ '^^ ranporte sous leur forme secondaire (Abrahaml- - e) Ve meTe que le Va/nriste, VElo/Uste laisse transparaître dans Tut^^ isal"on dos traditions, ses idées théologiques e' morales et elles sont plus élevées que celles dnral..,.e. La colonne de eu par exemple, le symbole de larche. les nuages qui voilent ï) eu Tl’Ho^eb, les songes, sont autant de moyens l’u^uer les « nthropomorphismes.D’autre par. auteu

témoigne d’une plus çrande ant.palh.e P » " ; , ^^^^^^^''^^'^é. lions du culte populaire, teraphim, dieux étrangers, repré sentitionde Dieu sous la forme d’un taureau sacrifices huntai^s "es sïèles (masscb^'âl, ) ne sont le plus souvent que Ses svmbole commémoratifs. Enfin E'^ éprouve le besoin d’atténuer l’impression causée par certains actes qui, mis au passif des patriarches, lui paraissent en desaccord avec son idéal moral déjà très élevé (cf. G «., xx, 12 ; xxxi, 4-iJ). V) Les préoccupations d'érudition sont, à leur tour, plus fréîlientesVue chez le Valn.iste : noms des personnages secondaires des léeendes iGen., xv, 2 ; xxxv. b ; Air., 1, lO), f^uci de la couleur locale dans le récit des événements qui se sont déroulés en Egypte [Ge, ,., xxxvn 36 ; xl. 41, 4&, Ex I 11- etc). indications de sources littéraires (A « m., xx/'il' ni de 'chronologie (Ge «., xT. 13) ; etc. —g) A no’e^uss quelques particularités de langage : //o « i au heu de5, ' «  « , Amnrrheen au lieu de Cananéen :  ! ffer on Ut ro au lieu de 1Ifibâb fih de R'-ui-l. pour désigner le beaupère de Merise ; sans parler des noms divins. Il y aurait

1. C’est au moins ce qui ressortirait A’Ex., xxiv, 12 (ES Cl), qui vient après le récit de la rénovation de 1 aj. liance (F..-., xxiv, 3-8). D’après E (cf. Ex., xx.x, 12), ^ les lois auraient été données, non pour être la base d une alliance, mais comme point de départ d’enseignements et de décisions destinés au peuple (cf. Ex., xviil, -li, surtout vers. 15, 16).

encore à signaler des formes spéciales au point de vue de a grammaire^ du lexique, du style. - M De même que le ^Yaln^iste. Elohiste [^^) a reçu des compléments suc essifs (E-'). Les premiers sont de peu postérieurs a ' » rédaction principale et ont pris place dans le royaume du Nord. Mais S^rTs, 22, E--' fut admis en Juda, ainsi que les -"ts Prophétiques avec lesquels il présentait tant d’affinités. On verra dans la suite qi’il y fut entouré de toutes sortes d eS « d=Les derniers éléments de E3, sûrement antérieurs a Ca., ont pu éti^ ajoutés dans le royaume du Sud, et il n’y aurait pas a être surpris d’y reconnaître l’influence de certaines idées ludéennes..,., ,

36. — D. Code de l’alliance. - « ) Le } « A.v< » (e et l-£?o/, » (. étaient avant tout des récits. Ils ren erma.ent néanmoins des éléments législatifs Celait, pour le J. « '-'" « ^ ; / auil y a de plus fondamental dans le petit code d^x xxnv, T.J. Il est plus difficile de dire quelles étaient les lois primitiv ; ment renfermées dans VEloln.te. Qu il « " contint on en a la preuve dans Ex, xxxi, 18*1. xxxii, 10, b ( E, ), xxxîv 1 4 28 (m ; XXIV,. 2 (m. - b) Ce n’est pas le Decal^lueiFx À -.7)..<> Deutéronome (v, 19 [Yulg. 22] ; i 1 "d’entïfie bien a4c le contenu des deux tablese pierre^ Mais cette identification était encore inconnue du rédaceur (Rie) qui a combiné le Yah.vistc et Elohi’te, si ' on tient eornote d'£r xxx.v, si l’on rapproche Ex., xxxiv, 2-, 28 dTx xxxiv".', ; on arrive à conclure que le contenu des preISes tables était pareil a celui des deuxièmes lequel est renfermé dans Jïx., xxxiv, 1 1-26 (cf. vers. 28). D autre pan, emo if donné a l’observance sabbatique £x., NX, 1 1 ; cf. G^^^^^^ , 2 31 prouve que le D, ! calogue n’a été inséré dans 1 Exode q^'a’pr -savoir slbi linflyence du Code --"- -J » ^, ^ n"est%asle Code de Vailiance (Ex., xx. ^^ -^YjvVuhisU fonne-ictuelle^ Si, en effet, Re l’avait trouve dans 1 £/ovis<e, U ruraîrïas songé à idemifier ' « contenu des première tables avec celui des deuxièmes. Mais on peut al er clier^ chei dans £x., xx. 22-xx,.i, 33 les paroles qui, d après E(F3 étaient gravées sur les tables de pierre. Ce seront elles qùef dehors des retombes destinées à accentuer la ressemblance, se rapprochent davantage du contenu d Ex^ xxxtv. -26 ; ckles que d’au.res indices encore peuvent Sr à ratta< ; her au récit élohisto : Ex., xx, ^i ; d-ms E' XX 2> 23 2/, (dans E'-) ; xx, 2, 5, 26 et xxni, io-16 (+ peut , onèé à élaborer un droit civil et criminel. —, ' 1.", '^, *^^ uaifs' d’ordre linguistique invitent à ^iter cette égislation comme originaire du royaume du Nord ; elle « st donc ante rieure à 722. - f) On ne saurait dire au juste à queue

5^S' ;.râ* :  !  : 'rfUrr.'.'r’Js ; z

nu-ri’or fine tous les commandements se présentaient comme de simples énoncés de préceptes sans aucune auTgation de motifs en faveur de leur observation le,

COHMLL [au moins dan a 4 ea a^Mchte],

r£?cA » ^u serait antérieur et remonterait aux pre^ mfèrerpériodes de la royauté, sinon aux premiers temps de l’e^tablissement en Canaan KiTXHL).^ ces ordonnances nour ?aîtp ov^nir desTo" ! de SicLm dont il est question ? : ". « iv^, 25 : "6. On rapproche £x. xx 25 de ce qui est dit de l’autel de Sichem, /oj., viii, i^i. 717

MOÏSE ET JOSUÉ

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Sériode de la royauté elle remonte ; la question est même autant plus complexe que le recueil est composite. Nul indice ne nous ramène à la période mosaïque ; divers traits nous conduisent, en revanclie, à la vie sédentaire et agriculluralo. Que si l’on place la rédaction au ix’siècle ou au vin*, il faudra admettre que cette législation a incorporé, tantôt sous leur forme primitive, tantôt sous une forme adaptée aux besoins nouveaux, nombre de décisions juridiques depuis longtemps en vigueur. — g) Les rapports très réels avec le code de Hammurapi ne peuvent s’expliquer par un emprunt direct de document à document. Il faut plutôt penser à un béritage commun des vieux temps. De très bonne boure. Babylone a été en rapport avec le pays de Canaan et lui a fait subir linfluence de sa civilisation. Les Cananéens ont pu prendre aux Baljyloniens diverses décisions juridiques que les Israélites leur auront empruntées dans la suite.

37. — E. Fusion de l’Elohiste et du Yahwiste (Rje).

— a) Quand l’Elohiste fut reçu dans le royaume du Sud, on ne fut pas longtemps sans remarquer, d’une part, les nombreux points de contact qu’il présentait avec le Yaliwisic, de l’autre, les compléments qu’il apportait aux souvenirs judéens des origines. L’idée devait assez naturellement venir de combiner ces deux récits pour obtenir un monument plus complet de Ibistoire du passé. — b) Cette idée fut réalisée avant 622. Sans doute les sections bistoriques des discours deutéronomiques n’utilisent que E, jamais JE ; mais rien n’oblige à penser qu’après la fusion des documents, les exemplaires qui les renfermaient a l’état isolé aient été tout d’un coup supprimés. D’autre part, si Rje s’était mis à l’œuvre après 622, il lui aurait fallu tenir compte du Dt’uiéronome et mettre la nouvelle loi mosaïque parmi les promulgations du Sina’ï. Or, à ses yeux, les tables de pierre ne contiennent encore que les seules paroles de J et de E3.

— c) L’attitude de Rje i)ar rapport à ses sources a été très variable. Tantôt, comme dans la premiore partie de la Genèsr, il n’utilise guère que J ; tantôt, comme dans le récit de l’entrée en Canaan, il le laisse entièrement de côté ; ailleurs, c’est une question de simple prédominance en faveur de l’un ou de l’autre document ; parfois ils sont employés dans des proportions à peu près égales. — d) D’une manière générale, le rédacteur a respect le teste des sources. II en a reproduit le langage, le style, les particularités, les divergences : c’est ainsi, par exemple, que l’on voit encore le nom d’Elobim prendre dans E’la place de Yahweh après la vision de l’IIorob (E.i, m), tandis que E’- adopte avec décision le deuxième de ces noms. Ce respect ne l’a pas d’ailleurs empéclié de fusionner si étroitement les divers éléinents de son récitqu’en une foule de cas il est i peu près impossible de les séparer. — e) Le sigle Rje désigne avant tout le rédacteur auquel nous devons le fond do l’histoire jéhoviste JE ; mais il englobe aussi les auteurs auxquels il faut attribuer les retoucTies et surcharges successives, qui sont assez faciles à discerner. Certaines de ces retouches sont très secondaires. Les plus importantes sont celles qui ont pour but d’harmoniser ces données divergentes des récits que le premier rédacteur avait respectées. On en trouve un spécimen dans Gf/ï,. XVI, 8 sv. D’après J, Agar s’est enfuie avant la naissance d’Ismaèl (Gen., xvi, 1-6) ; d’après E, elle a été chassée après la naissance d’Isaac (Gcn., xxi, 9-1A). L’n reviseur a établi la conciliation en faisant revenir Agar après son premier départ (Gen., xvi, 9).

38. — F. Le Deutéronome. — a) On distingue à première vue, dans notre Deutéronome^ un corps de lois [Dent., xiixxvi ) et des discours qui les encadrent (Deut.j i-xi et xxvii-XXX ; cette dernière section est mêlée d’éléments étrangers, v. g. chap. xxvii, et suivie d’un appendice composite, xxxixxx ; v). — A) Après en avoir éliminé les surcharges, M. Steuernagel ramène les lois à six groupes : ï. Lois de centralisation du culte : xii, 13-28 ; xiv, 22-29 (auquel se rattachent les fragments liturgiques de xxvt, i-ii, 12-15) ; xv, 1923 ; XVI, i-i^ ; II. Lois des /", ifc. « , réglant les questions de justice et concernant les juges de profession : xvi, 18-20 ; XVII, 8-13 ; XIX, 15-21 ; III. Lois de la guerre : xx, 1-20 lo-i^ ; IV. Lois d’/iumanité

; ïxi, 

xv, 1-18 ; xxii, 1-4, 6-8 ; xxiii,

21 (20), 25 (a’i), 26 (zS) : xxiv.

10 (Vulg. 1.5), 17 (16), 20 (19 ;

6, 10-22 : XXV. 1-4 ; V. Lois des anciens^ attribuant des fonctions judiciaires aux anciens de la cité : xii, i-13 ; xxi, 1-9 l5-21 ; XXII, 13-29 ; XXIV, 1-5 ; xxv, 5- ! o ; VI. Lois d’aboniinatinn ^ prohibitions motivées par la formule « car c’est une abomination à Yahweh » : xvi, 21-xvii, i ; xviii, 9-12 ; xxii, 5 ; xxiii, 19 (Vulg. 18j ; XXV, 13-16 ; [xxn, g.12]. — c)’C’est en 622 que le Deutéronome paraît pour la première fois dans l’his toire. G est du Deuli ! ronome, en effet, qu’il s’agitdans ce récit de la découverte, de la promulgation et de l’application du

« Livre de la Loi » qui figure Il Iteg., xxu-xxiii et dont les

éléments fondamentaux’.xiii, 3, 4", S^, 8-14, 15 »…, 18aba, 19a » /, aoaab ; xxiii, i-4a ».’, 6-8 », 11-12 », 13, 14I’, 15, ai-23)et ctrtalnséléments secondaires (v. g. xxiii, 5, S*", 10, 12’», 14 ») sont absolument dignes de foi. Tous les critiques et la plupart des autres cxégètos sont d’accord sur l’identificaton foncière du « livre de la Loi » avec le cinquième tome de notre Pcntatcutiue. — d)Mas, au regard de M. Steuernagel, l’identilication ne porte que sur les parties les plus fondamentales de la législation (Urdeuteronoutiuiu). c’est-à-dire sur les groupes I, V, V’I. Encore une distinctiim s’inipose-telle. Ce qui, à beaucoup près, était le plus caractéristique, c était la loi de centralisation du culte ou de l’unité de sanctuaire. Elle-même n’apparaissait pas comme entièrement nouvelle ; on la pouvait traiter comme une reprise et une codification de l’essai do réforme du pieux roi Ezëchias. (Juant aux lois des anciens (V) et aux lois d’abominations fvi), elles étaient loin d’être totalement ignorées auparavant. L’Urdcuteronomium (Di) se ramènerait ainsi à : Deut., xii, 13-28 ; XIV, 32-29 : XV, 19-23 ; XVI, 1-17, 21, 22 ; xvii, 1, 2-7(.’) ; xviii, 9-12 ; XIX, i-13, 14 ( ?) ; XXI, 1-9, 15-21, 22-23 (.’) ; xxii, 5, 9-29 ; XXIII, i-15(.’Vulg. XXII, 30-xxiii, 14), 18 (1 1-)] 19 (18), 22-24 ( ? 21-23) ; XXIV, 1-5 ; xxv, 5-io, 13-16 ; xxvi, i- j5 J]. C’est ce document qui aurait été promulgué en 622’,

— e) Mais à quelle date en remonte la composition ? L’auteur auquel nous nous attachons rejette l’hypothèse d’une pieuse fraude, chère jadis à un trop grand nombre de critiques. La prohibition des’ «.ii-rim et des efféminés (û «  « (., XVI, 21 ; xxiii, 18[17l I9[18]) nous ramène en deçà ^ 900 (cf., I Ileg., XV, 12, 13, la réforme attribuée à Asa) ; la prohibition du culte de Moloch (Dent., xviii, 10) nous fait descendre jusqu’au temps d’Achaz (cf. II Lteg., xvi, 3) ou deManassé (cf. II rieg., x-xi, (i). Avec l’interdiction du culte des astres (Deut., xvii, 2-7) nous serrons de plus près encore la date de ce dernier roi (cf. II Reff., xxi, 5) ; c’est là de nouveau que nous ramène la comparaison de la loi de lunitéde sanctuaire avec la réforme d’Ezéchias. h’Urdeuteronvmium aurait donc été composé au début du règne de Manassé, vers 697. — f] Il est probable que, des l’origine, cette loi se présentait comme mosaïque. C’était par une de ces fictions littéraires dont l’antiquité ne se faisait aucun scrupule. On entendait dire parla que la nouvelle loi n’était qu’une simple application à des besoins nouveaux des principes posés par le fondateur et le premier législateur de la nation’. Ici la fiction souffrait d’autant moins d’objections que l’œuvre était aussi peu personnelle que possible. Il n’y avait, en réalité, de personnel que le groupement des lois. Celui-ci fut fait pour un but très précis. La réaction de Manassé contre les réformes religieuses d’Ezéchias, la faveur accordée au syncrétisme, aux désordres moraux auparavant censurés dans Mi., vi. vu : autant de maux qui appelaient une protestation. L’auteur de D’recueillit dans le legs du passé les lois les plus aptes à constituer un véritable programme de réforme. Mais les temps devenaient si mauvais qu’il n’csa pas publier son œuvre ; en attendant de.s jours meilleurs, il la déposa au Temple. C’est là qu’IIelcias la trouverait en (>22. — g) On notera qu’au regard de M, Steuernagel et contrairement à l’opinion de beaucoup de critiques, D’n’a aucunes relations de dépendance avec le Code de C alliance : les lois communes, dont la présence ne s’explique pas par des remaniements conciliateurs, proviendraient d’une même source perdue.

39-’— h) Devenu loi d’Etat, D’jouit aussitôt de la plus haute estime parmi les partisans du culte orthodoxe de Yahweh ; ceux qui avaient quelque influence la mirent en œuvre pour accréditer ces ordonnances. De là les discours dans lesquels on encadra la législation. Le premier est D-b, dont il ne nous reste que le prologue qu’il faut chercher dans Deut., IV, 45 ; v, i-4, =0-28 (Vulg. 23-31) ; ix, g-xi, 28. Il est rédigé à la 2" pers. plur. ; le texte législatif qu’il encadrait était celui de D’, avec déjà ses premiers suppléments. —

1. En recueillant et en codifiant les lois des groupes I, V, VI, le rédacteur auquel on doit V Urdeuleronomium avait déjà, selon toute probabilité, ajouté des remarquas destinées à mettre ces ordonnances en rapport avec la situation qu’il envisageait. De très bonne lieure, de nouvelles additions fournirent des précisions nouvelles. Parmi ces additions, il faudrait mettre en première ligne les péricopes munies d’un point d’interrogation ; mais les autres elles-mêmes n’ont pas été exemptes de retouches. 719

MOÏSE ET JOSUE

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i) La deuxième édition est celle de D’à. Il en reste un long prologue I, I », 5-iv, 2 [3, 4 sont additionnels]), en grande partie historique (1, 5-iii, 29, mais aboutissant (iv, 1, 2) à une exliortalion. C’est après cette osliortation que venait le texte législatif (xii, 8-12 paraît en provenir). Il était suivi d’un épilogue, dont les éléments hoinilétiquos sont conservés Deul., iv, °ô-S, dont divers éléments historiques sont renfermés dans Dent., ïxxi-mxiv. La seconde édition était, comme la première, à la 2’pers. du plur. C’est entre ces deux éditions qu’il faudrait distribuer ce qui, dans la section législative no’.is a été conservé des rédactions à la 2’pers. plur. — /) En revanche, la troisième édition (D-c) était à la 2’pers. du sing. et avait un caractère surtout homilétique. Sans parler do quelques versets de X et xi, les éléments du prologue sont à cheicher dans Dfid., vi, 4->x, 7, ceux de 1 épilogue, dans Deiit., xxviii-xxx. Comme la plus grande partie de la législation actuelle est rédigée à la a » pers. sing. on doit penser que le texte nous en est parvenu surtout sous la forme qu il revêtait dans D’-c. Cette édition renlermail beaucoup d’ordonnances qui ne figuraient pas dans les précédentes, notamment les lois d’huiiianilé, les lois de la guerre, les lois des ju^es, empruntées à d’autres codes qui ne nous ont pas été conservées. Par ces additions, par d’autres plus secondaires, on rendait la loi de plus en plus apte à gouverner les détails de la vie civile et religieuse. — Aj Dans les sections historiques, les divers éditeurs suivent constamment le récit élohiste, qu’ils devaient encore posséder à 1 état isolé. D autre part, les péricopes homilétiques qui remontent sûrement à ces éditions ne font pas d’allusion à l’exil. On est ainsi amené à penser que D-b, D-a, D-c ont suivi d’assez près la promulgatiorvdo D’ ; ces éditions sont vraisemblablement antérieures à 600, voire à 605’. Tant qu’elles ont subsisté à l’état indépendant, ces éditions ont reçu, en leurs diverses parties, de nombreux compléments. Le travail de fusion s’est fait sans doute pendant 1 exil ; il a d abord abouti à l’union de D’-b -- D-’c ; 1 addition de D’-a est un peu postérieure. C’est le texte législatif de D’c qui l’a emporté ; dans les prologues et épilogues, l’œuvre de combinaison a entraîné des suppressions dans chacune des éditions. L’œuvre composite ainsi réalisée a, à son tour, reçu nombre d’additions, d’éléments secondaires. Il faut spécialement noter le grand Contique {Dent., xxxi, ilj-22 ; XXXI, 28-XXXI1, 47)*- —’) La littérature deutéronomique se présente avec des traits nettement caractéristiques. Elle a son style i> elle, aisé à reconnaître, et dont les particularités sont décrites dans toutes les Introductions. Elle a son allure générale, à la fois inclinée vers le légalisme et encore très pénétrée d’esprit prophétique. Elle se fait remarquer par ses hautes idées théologiques et morales (cf. Juif [Peuple], dans Dictionnaire ApoloL ; étique… (t. I’, col, iS^^-iSSo). — m) Le Deutéronome, en ses codes et en ses homélies, ne traçait pas seulement des règles de vie. Il posait des principes qui permettaient une appréciation de l’histoire : sa lecture n’avait-elle pas éveillé dans l’âme de Josias le sentiment de la culpabilité de la nation, depuis tant de siècles infidèle à ces volontés divines ? Le nouveau document fournissait ainsi des bases de jugement très solides ù ceux qui, écrivant I histoire du peuple choisi, se préoccupaient d’y reconnaître l’action de Dieu. De fait, tous les livres historiques furent soumis à un travail de

1, Dans les parties des homélies qui sont exemptes de retouches, on ne trouve, en effet, aucune allusion précise à l’exil et aux diverses catastrophes politiques qui, depuis 607, éprouvèrent le malheureux pavs de Juda.

2. On peut dire que, dans l’état actuel de la critique, il y a tendance à affirmer le caractère composite de la section légale du Deuiêronome et à faire une histoire compliquée du travail de fusion qui l’a unie aux homélies qni l’encadrent. La tendance est fréquente chez les exégètee allemands ; M. Lucien Gautikr semble vouloir l’acclimater chez nous. Mais nulle part la solution du problème n’est poussée avec autant do détail ni yjeut-étre d’une façon aussi systéuialique que chez M. Steuernagel. En revanche, S. R. Driver maintient l’unité substantielle de la partie légale (Dent., xii-xivi) et y rattache étroitement les éléments parénétiques de Deut., vxi et xxviii. Il se montre même disposé à y rattacher les éléments fondamentaux de Deut., i, i-iv. 40 et xxviii, 69, ’VuIg. xxix, 1)ixx, 20. En dehors du chap. xxvii, dont la structure est étudiée à part par la grande majorité des critiques. Driver ne reconnaît l’intervention d’un auteur secondaire ou d’ui ! rédacteur que dun. » : Deut., iii, 1417 ; iv, 29-31, 41-43, 44-49 ; xxix, fl-ÎS (Vulg. 10-29) ; xxx, MO.

révision dominé par les idées deutéronomiques. Cette activité se reconnaît tout particulièrement au livre de Josué. Du principal reviseur, 1 œuvre est à peu près complètement conservée dans 70s., i-xii : mais on n’en retrouve plus ensuite que quelques fragments. Malgré un certain nombre de particularités très saillantes, le récit demeure fidèle à la tradition de V Elohiste : il se rattache à D- et remonte, en conséquence, aux environs de Goo. Pendant le siècle et demi qu’il a existé à l’état séparé, ce documenta naturellement reçu des additions de natures fort diverses.

40. — G. RÉDACTION DEUTÉno.NOMiQUE (Rd). — a] Dès que l’on vit dans D’une nouvelle loi mosaïque, il fut tout naturel de lui donner une place dans l’histoire du fondateur do la nation. A un moment où.1 et E existaient encore à côté de JE, on pouvait hésiter sur le document dans lequel on l’intercalerait ; on choisit JE. — A) Quand se fit l’insertion, D’avait reçu tous ses compléments et encadrements. Or, tandis que les premiers cadres plaçaient la promulgation de D’très peu de temps après le départ de l’Horeb, le dernier faisait de D une loi publiée au pays de Moab, en face de la Terre Promise. C’est pourquoi la partie principale du Deutéronome fut introduite entre le récit de l’attribution de la Transjordane à Ru !  ; en et à Cad {.

m., xxxti) et celui de

lintronisation de Josué (Dent., xxxi, 14 sv.). Il ne peut être question de combinaison proprement dite et de fusion de D et de JE que dans la péricope des derniers jours de Moïse [Deut., xxxi-xxxiv). Si l’on doit regarder comme certain que l’œuvre de Rd n’est pas antérieure à l’exil, on ne peut en fixer la date précise ; elle se fit durant la captivité ou de bonne heure après le retour. — c) En plus du rédacteur principal, le sigle Rd désigne tous ceux qui ont travaillé au nouveau recueil (JEDi avant la période oii 1 influence passa à l’écrit sacerdotal. A ces rédacteurs secondaires appartient d’abord l’insertion de quelques éléments importants : Cantique de Mo’ise après le pas : >age de la Mer Roufie (E.V., xv, 1-18), Bénédictions de Moïse [Dent., xxxiii), surtout Code de l’alliance (f.T., XX, 22-xxin, 33), placé au milieu dos « paroles de l’Horeb » de VElohiste et fusionné avec elles. Il faut ensuite mentionner, dans JE et dans D, une foule de retouches de détail, tendant à atténuer des divergences trop sensibles ; on reconnaît un assez grand nombre de ces remaniements dans le Cotle de l’tillianee. — d) Le résultat le plus important de la fusion de JE avec D fut l’extension à JE d’une part au moitié du prestige dont jouissait D en tant que livre officiel de la Loi.

41. — H. Ecrit sacerdotal (P, du mot allemand Priesterhodex). — a] D’une manière générale, M. Steuernagel place la composition de toutes les grandes sections du Code sacerdotal dans les i<ériodes exilienne ou postexilienne. Il s’appuie, comme le faisait déjà Wellhausen, sur deux considérations. D’abord sur ce que les prophètes du viir siècle et du vil*, ceux-là mêmes qui, comme Jérémie, ét.’ùent d’origine sacerdotale, n’ont point eu connaissance d’une organisation cultuelle aux temps du désert [A/n., v, 21-25 ; Os^, i. G ; Is., I, 10-17 ; ' ?’*' 6-S ; Jer., vii, 21-23). Ensuite sur ce que les principales sections de P présupposent l’existence du Deu-’téronome. Il faut d’ailleurs le noter : plusieurs des éléments qui ont pris place en ces sections peuvent remonter à des dates bien antérieures, peut-être à la pratique primitive. — b) La section la plus ancienne est la Loi de sainteté (Ph ; h = /feili^/ieitsorsetz) : elle est renfermée dans Ztff., x^^-xxvI. Texte légal, embrassant la morale, le droit civil et criminel, en même temps que le culte, ce document est une collection dont les éléments, d’origines diverses, se sont groupés par étapes successives. La main du dernier collectionneur se, reconnaît dans l’homélie finale iLer., xxvi), puis dans les formules d’introduction et de conclusion, dont la principale est

« Soyez saints, car moi, Yahvveh, votre Dieu, je suis saint » 

(ice.", XIX, a ; XX, 7, 26 ; xxi. 6, 8) ; c’est d’après elle que la loi a reçu son nom’. Par son contenu même, cette loi se rattache à la révélation sinaitique ; mais comme le Code de Vaillance et le Deutéronome, elle vise la période de l’établissement en Canaan. Elle suppose acquise l’unité de sanctuaire et commence, notamment en ce qui regarde les

1. Les critiques admettent d’ordinaii-e que cette Loi de sainteté n’a pas été conservée dans son intégrité, mais a subi dr*s mutilations, des interversions, des bouleversements. Il se pourrait même que divers éléments de ce code fussent dispersés en d’autres sections de l’écrit sacerdotal (E.r., xixi, 13, 1 'i> ; Ler., xi, 43, 45 ; jVum., XV, 37-41, etc.). 721

moïse et josue

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sacrifices (Aec, xvn), à tirer les conséquences delà concentration (lu culte en un seul lieu. Les prescriptions d’ordre moral, les censures des cultes étrangers, en attestant leurs rapports étroits avec le code de G22, invitent à traiter comme antérieures à l’exil les plus anciennes sources de Pli et leurs premiers groupements. Kn revanche, l’importance attribuée aux sabbats, notamment dans l’homélie finale (Aec., xsvi) indiquent que le dernier coUectionnement a été fait au cours de l’exil ; l’insistance sur les régies de pureté témoigne d’un milieu sacerdotal. Si aujourd liui 1 on renonce à bon droit à attribuer cette œuvre à Ezechiel, il faut maintenir qu’elle s’est réalisée en des cercles soumis à son influence ; on peut des lors songer aux abords de.'> ;  ! o'.

48. — c) L'élément fondamental de P (Pg ; g=^^rùrtdlich) est un grand récit bistoriquo s'étendanl, h la façon de ceux de J et de E, depuis la création jusqu'à rentrée en Terre Promise. Mais, dans cette histoire. Pg se place à un point de vue tout à fait spécial ; ce qui l’intéresse avant tout, c’est le culte et ce <[ui concerne les origines des institutions religieuses. Aussi s’attache-t il surtout a la période m osaïque. aux directions cultuelles que Dieu donne à MoVse, insistant, tantôt sur la perpétuité des ordonnances, tantôt sur lo caractère idéal des pratiques du désert, qui devaient être remplacées dans la suite. Pour les périodes antérieures, sauf quand les origines liturgiques sont on jeu, Pg se contente de généalogies, de séries chronologiques, de maigres narrations. Bref, sous le revêtement d’un récit historique, il donne avant tout une instruction sur le culte.

— d) Non seulement Pg fait son choix dans les matériaux qui sont à sa disposition, mais, lui aussi, a sa matiière de les utiliser. Il a ses principes, celui-ci, en particulier, que iMoVse a du régler et en partie faire pratiquer les ordonnances qui seules lui paraissent légitimes. Il a ses cadres, qui lui font ramener l’histoire à deux périodes : celle do la préparation (avec ses trois étapes : I. avant toute alliance ; il alliance noachique [que no connaissaient pas J ctE] ; 111. alliance patriarcale) ; celle des réalisations, ou période mosaïque. — e) Il a ses conceptions théologiques, notamment son idée de la transcendance divine, qui l’amène à supprimer des anciens récits une multitude d anthropomorphismes. Il a ses idées morales, spécialement ses préoccupations de purification, se traduisant par une multitude de rites expiatoires qui donnent limpression de perpétuelle culpabilité dans la communauté ; on notera d’ailleurs qu’il ne s’agit pas seulement d’infractions rituelles, mais souvent aussi de transgressions d’une plus haute portée.

— f) Ces inlluences diverses contribuent à éloigner de plus en plus l’auteur de l’exactitude historique. Sans doute il a utilisé des sources. C’est, avant tout..1 et E, soit encore isolés, soit déjà combinés dans JE. Certaines divergences supposent l’existence d’une autre source ; c’est elle qui lui a imposé, par exemple, la création en huit actes, qu’il a fait entrer violemment dans son cadre des six jours. Mais, même quand il utilise VElo.'iiste (les traces de.1 sont plus rares ; on ne suisit aucune trace do D-), les libertés qu’il prend aboutissent à créer de sérieuses divergences ; c’est ainsi qu’il supprii.ie toute trace de culte avant Moïse, qu’il crée de toutes pièces certains épisodes Geii.. ix. i-i^ ; xvii'). Aussi ne doit-on pas se laisser impressionner parles traits d'érudition qu’on rencontre en son œuvre ; cadres généalogiques ou chrotiologiques. détails techniques, dates des événements notables, etc. Toute cotte exactitude n’est qu’apparente ; qui peut croire, par e.xeraple, à l’exactitude delà chronologie des patriarches antédiluviens, ou admettre que 2.600, 000 hommes, sans parler des animaux, aient pu vivre dans la péninsule du Sinaï? — j^) Pg est certainement postérieur au Dcuteroiiome. îl ne s’explique que comme une conséquence de la grande réforme de 62a. Il l’encbérit sur les prescriptions alors mises en vigueur, loi de l’unité de sanctuaire, système Iiiérarcliique, système sacrilieiel. etc. L’importance attribuée à la technique liturpique conduit à la même conclusion : en consacrant d’une façon si solennelle et si exclusive les

1. S’il est probable que la mi.jorîté des critiques regraido actuellement la Loi de saintrté comme postérieure à E/.écbiel, il y a néanmoins quelques dissonances. Aux yeux de plusieurs e.vég'ètes de même école, non seulement divers éléments du code, lïiuis ea rédaction elleméniô avec 1 liomélie iinule (iec, xxvi) seraient antérieurs au jfrnnd prophète de la captivité et pourraient remonter aux dernières années de la monarcliie (cf. S. R. Dhiver, Intr, >duciion…, 9* éd., p. 145-152 ; Driver est lui-même de cet avis).

usages du temple hiérosolymitain, on nous transporte à une date où ils sont les seuls légitimes dans le seul sanctuaire légitime. Autant déconsidérations, sans parler de beaucoup d’autres, qui nous amènent après l’exil. D’autre part, le terminus ad qui-ni nous est fourni par le récit de : Ve/ ;., vui-x. Il faut, en elTet, admettre qu’entre autres éléments, la loi promulguée par Esdras renfermait les couches jjrofondes de Pg. Or. M. bleuernagel place la grande assemblée en 444^C’est do Babylonio, que le pretre-scribe apportait cette loi en 48 [Esdr ^), mais il n’en était pas l’auteur ; trop grandes sont les différences entre le style de ses Mémoires et celui du document qui nous occupe. On peut penser que, vers 500, le rétablissement du culte à Jérusalem suggéra à un prêtre juif de Chaldée l’idée de proposer la pratique (idéale) des temps mosaïques comme le modèle à suivre. Ce qui fut l'œuvre d Esdras et ce qui lui valut le titre de scribe dans le lirman d’Artaxerxès [Esdr.^ vii, 1 1 [cf. vii, 6]), ce fui sans doute la fusion de Pg et do Ph ; la comparaison de AV//., viii, 14 sv. avecZ.i ?t'., xxui, 34-43 sv. ne permet pasde douter en tout cas que cette combinaison fut opérée lors de la grande assemblée'-'. — h) Au point de vue du style, Pg a ses procédés caractéristiques. Il a le goùl du schéma, du tableau synoptique, dos divisions et des subdivisions. L’histoire prémosaïque, par exemple, est divisée en dix sections ayant [lour litres : « Voici les générations de (^ô/'t/'^oï)… « Quand la ioléd^'âh ne concerne qu un seul personnage, elle ne commence qu’après la mort de son père ; son histoire antérieure fait partie de la tùléd^'àh qui précède (cf. Gen., xxxvii, 2, pour Ihistoire de Jacob). Si qs iôU-d^'ôi^' se rapportentà plusieurs personnages (Esaû et Jacob" ! , celle du principal d’entre eux ne vient qu’en second lieu. Sur les autres particularités de style et sur celles, elles aussi très saillantes, du vocabulaire, cf. les Introduciions,

43. — i) La fusion de Pg avec Ph entraîna dans l’un et dans l’autre diverses retouches Mais Ph ne fut pas !e seul complément que reçut Pg ; Il lui en vint bien d’autres. Ce sont d’abord des sections légales nettement tranchées et elles-mêmes composites : la loi des sacrifices (Po ; o = Opfergesetz ; Lcu.^ ï-^^O » 'î^^ sépare deux sections historiques étroitement unies par leur, contenu (É'x., xxxv-xl et Lcf'., vni) ; la loi de pureté (Pr ; r = : Reinheiisi^esetz ; Let'.^ xi-xv) qui rompt la connexion entre Lev., x etZ, et'., XVI. Viennent ensuite les innombrables fragments de toutes sortes groupés sous les sigles Ps (s= secundares) et Rp (= Rédacteur [final] du Peniateuqne)^. Dans le domaine des législations, qui presque toutes ont trait au culte, ces additions, relatives à l’organisatioïi du sanctuaire, à la sainteté du personnel, au calendrier des fêtes, aux sacrifices, ont pour but de mettre sans cesse à jour le programme de Pg, en le précisant, le complétant, parfois aussi le modifiant ; elles tendent à une codificalion de plus en plus parfaite des manifestations extérieures du cuite, auxquelles elles attachent une importance sans cesse croissante. Il est facile de les répartir en couches successives, mais leurs auteurs appartiennent tous à la même école et aux mêmes milieux sacerdotaux. Pans les récits, les compléments sont d’espèces très variées, d'étendues très diverses ; mais il est rare qu’ils ajoutent quelque chose de substantiel à l’histoiro. — /) Quelles que soient les dates des éléments qu’elles consacrent, aucune de ces additions ne peut être antérieure à la constitution de Pg (vers 500). Plusieurs d’entre elles ont pu être faites par Esdras lui-même. Toutefois divers traits du récit de.VeA., VIII, des engagements rapportés par AV/i., x, 29 sv. (Vulg. 28 sv.), montrent que nombre de ces suppléments sont postérieurs à la promulgation de la Loi (444). Ils se sont

1. Cette date n’est pas à l’abri de tout conteste. « L’an 7 d’Artaxerxès y) (Esdr, , vii, 7) pourrait se rapporter au règne d’Artaxerxès II (398), et il n’est pas inadmissible que telle soit la date de la première venue d’Esdras à Jérusnlcm (cf. J. Touzahd, Les Juifs au temps de la période persane, p. 5^-77).

2. Noua avons noté plus baut qu’un groupe de critiques continuait à placer le Code Sacerdotal avant l’exil. En dehors de ce groupe, on adopte assez généralement, abstraction faite de ce que nous avons dît de la Loi de sainteté, une datation voisine de celle de M. Steuernagel. Rares parmi les critiques sont ceux qui attribueraient à Esdra.'5, comme le faisait Wellbausen, la promulgation d’un Pentateuque substantiellement complet (JEDP).

3. Beaucoup de critiques sont plus sobres de distinctions que M. Steuernagel et ne multiplient pas nu même degré les couches et additions secondaires.

multipliés surtout dans le premier siècle qui suivit la Grande Assemblée. Ils étaient achevés au moment où la communauté samaritaine se sépara délinitiveinent de l’orlhodoxie hicrosolymitaine, en emportant le l’enlatcutjue (vers 330, d’après M. Steuernagel) '. — -A) Dans Josiii le récit sacerdotal n est conservé que pour la deuxième partie (xui--xiv). Comme dans les cinq livres, il se conforme aux données générales de la tradition élohislique. Il renferme toutefois des particularités qui permettent, ici comme plus haut, de songer à des sources indépendantes.

44. — I-RÉDACTION SACERDOTALE (RpK — a).Après la publication de l'écrit sacerdotal, on eut deux représentations parallèles et également autorisées de l’histoire îles origines et de l'époque mosaïque. On devait être tenté de les combiner, comme on avait fait pour J et E. — b) La fusion eut lieu de bonne heure, sans doute avant 400, à une date en tout cas où tous les éléments de Ps n’existaient pas encore. — c) Le rédacteur sacerdotal a autant que possible respecté ses sources, mais en donnant ses préférences h P. Quand il avait le choix, c’est toujours P qu’il a adopté, supprimant d’importantes sections de JEDqui auraient formé des doublets ou introduit des contradictions, n’empruntant aux anciens documents que des fragments complémentaires : dans Gert., X, par exemple, la table etiinogr.iphique est avant tout celle de P, bien que J soit représenté par des extraits assez importants. Rarement Bp se livre à une combinaison proprement dite des sources, comme dans le récit du déluge ; il préfère, surtout dans les épisodes les plus importants, juxtaposer les récits parallèles. — d) Comme celle de D et do JK, la combinaison de P avec.lED a été l’occasion et le point de départ de nombreuses modifications dans les parties constituantes, surtout dans P : retranchements, additions, déplacements, etc. Toutefois les limites ne sont pas toujours faciles à préciser entre ce qui provient de Ps et ce qu’il faut attribuer à Rp. D’ordinaire on saisit la raison de ces changements. Parfois elle échappe, comme pour le déplacement à'E.v, , XV, 22-xviTi, 2 ;  ;, dont une bonne part devait se trouer primitivement après la grantie péricope du Sinaï.

— e] Vers 330, non seulement lo développement progressif du Pcniateiiquc est achevé, mais l’ouvrage est déjà considéré comme canonique. Dans la suite, il y aura encore des cliangemenis. Les moindres, qui relèvent surtout de la critique textuelle, trouveront accès dans los exemplaires officiels. Los plus importants seront rejetés par la communauté juive ; ils ne seront reçus que dans le PeiiiateiKjue samaritain et surtout dans les Septante. — f] L’ouvrage ainsi réalisé était si considérable que l’on eut besoin de plusieurs rouleaux pour le transcrire. D’où la répartition en livres. F^es limites de la Genèse et du Deulérononie sont déterminées par la nature même des choses. Pareille considération aurait amené à faire les autres sectionnements après ir.r., xix, 2 et.Vani., X, 10. Mais les parties ainsi obtenues auraient été par trop disproportioni.ées. On a adopté un compromis en constituant un livre purement légal, le Lefitiçue, entre deux autres qui unissent à peu près dans la même proportion des récits et des législations.

45. — J. RÉDACTION DE JosuÉ. — a) Le récit du livre de Josué est le complément indispensable de celui du Pentateuque et nombreux sont les liens par lesquels il s’y rattache. On sait d’ailleurs que los sources du Pentateuque, J, E, P. ont leur continuation dans lo livre qui vient ensuite ; D luimême y est représenté par la suite des récits de D-a qui entrent dans la constitution de la finale du Deutéronome.

— b). beaucoup de signes néanmoins, on reconnaît que la rédaction du Pentaieuque et de Josue n’a pas été réalisée en même temps ni d’un seul trait. Xu moment de la séparation des Juifs et des Samaritains, Josué formait un livre distinct du Penlatew/ue qui, à lui seul, constituait le Canon. D’autre part, la combinaison des documents n’est pas la même dans les deux livres. — c| Nulle part dsns Josué, on ne trouve de traces de cet écrit composite JE qui tient une si grande place dans Gen.-JVum.-^Dcut., xixi-xxxiv. Deux documents sont à la base du sixième livre de Yllexateuijue : P, d’une part, et, de l’autre, la continuation historique de D-a, déjà enrichie à la vérité de nombreuses additions et retouches (Rd^. Le travail de fusion, qui s’opéra peu après iH. ne fui pas l'œuvre du même rédacteur (Rp) que dans le Pentaieuque. Dans Josué, en effet, c’est D'-a qui a la préférence.

1. La date de la constitution définitive du schisme samaritain ne nous paraît pas devoir être reportée il une date si tardive (et. J. TouzvitD, op. cit., p. 50-53).

Dans les chap. i-xii, on ne rencontre que quelques fragments de P : si, dans les chap. xin-xxiv, le récit est surtout

de P, les cadres (xiii, 1*, ^' ; xvni, 3-10* ; etc.) sont de D'-a. Il a de soi que le travail de combinaison n’a pas été réalisé sans quelques retouches des éléments constitutils. — d) Au moment où D'-a et P furent réunis, J et E existaient encore à l'état séparé. Bien que D'-a eût surtout exploité E, celui-ci renfermait des détails qui ne figuraient pas dans le récit deuteronomique ; on en inséra quelques-uns (Jos., 11 ; v, 2 sy., 13 sv. ; vii, a sv. ; etc.). On introduisit pareillement des extraits de J (xv, iS-ig, C3 ; xvi, 10 : xvii, ii-13* ; etc. !. Sans parler des retouches à grouper sous le sigle Ps, on notera que, dans Josué. J est plus pur que E, qui a été remanié dans l’esprit do D. — e).Même une fois constitué, le livre de Josué subit des modifications et reçut des additions qui ne figurent pas encore dans les Septante.

VIII. La théorie documentaire 6t les exégètes catholiques

1'^ Fin de non-i’ecevoir et réfutations

46. — Ces théories nouvelles ne pouvaient manquer d’avoir leur répercussion dans l’Eglise ; on peut menie être surpris de constater que les exégètes catholiques ne s’en soient guère préoccupés avant le dernier quart du dix-neuvième siècle. A cette date, ces opinions sont le plus souvent traitées comme absolument incompatibles avec le catholicisme. Elles sont l’une de ces formes multiples que revêt la lutte de l’hétérodoxie et du rationalisme contre la vraie foi ; d’autre part, elles constituent un péril redoutable pour les croyants qui, sans une préparation suflisante, auraient la témérité de se familiariser avec elles. Bref, on reste sous l’impression des sentiments hostiles, tantôt à l’orthodoxie et à la foi romaines, tantôt à toute idée de surnaturel et de miracle, qui tenaient une trop grande place dans les premières manifestations de la Haute Critique. C’est pourquoi exégèles et apologistes se préoccupent avant tout de repousser en bloc des thèses qu’ils qualifient purement et simplement de rationalistes et de leur fermer l’accès de la science ecclésiastique. Ainsi se constitue une sorte de Code ou Manuel de ContieCritique, synthétisant l’ensemble des principes et des remarques de faits que l’on opposera aux théories et aux assertions de la Haute Critique littéraire, historique et doctrinale. Sans parler de M. Paulin Martin, dont l’ouvrage (Introduction à la Critique Générale de l’Ancien Testament : De l’Origine du Pentateuque : Leçons professées à l’Ecole Supérieure de Théolo-^ie de Paris, 1886-1887, 1889-1888, 1888-1889 ; 3 vol. in-4°) est demeuré polycopié et dont les voies spéciales ne sont pas toujours les plus sûres, les deux noms qu’il convient de prononcer en ce contexte sont ceux de M. Vigouhoux, S. S. (dans le Manuel Biblique, t. I, V éd. en 187g, et dans les Livres Saints et la Critique rationaliste, i° éd. commencée en 1884 [la thèse de l’aulhenticilé du Pentateuque est surtout traitée dans le tome IH, ) et du R. P. CouNELY (Iniroductio Specialis in llistorieos Veieris J’estamenti Libros, vol. II, i Ael’JListorica et Criiica Introductio in U. T. Libros Sacros [Cursus Scripturæ Sacræ auctoribus R. Cornkly, 1. K>'ABENBAUER, Fr. DE HuMMF.LAUBR aliisque Soc. lesu presbyteris], 1887). L'œuvre apologétique devait se poursuivre sur un double terrain : preuves de l’authenticité mosaïque du Pentaieuque, réfutation des objections adverses. Il nous semble inutile de reproduire in extenso ce qu’on peut lire dans des traités facilement abordables et ce que l’on trouve monnayé dans une foule de publications secondaires. Nous nous bornerons en conséquence à tracer un rapide aperçu de la thèse de rauthenlieilé mosaïque du Pentaieuque, telle qu’on la trouve en ces divers ouvrages. 725

MOÏSE ET JOSUÉ

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47. — A. Position de la thèse dh l’authenticité

— Il) Au regard des dilïérents auteurs que nous venons de nommer, la thèse de l’authenticilé mosaïque du Pentatciiqiie n’implique nullement que Moïse ait tiré de son propre fonds ou reçu par révélation divine tous les éléments qu’il a mis en œuvre. On peut fort bien admettre que, dans la Genèse en particulier, il a utilisé d’anciens documents, qu’en certains cas il s’est borné à l’insertion pure et simple de tel ou tel d’entre eux. Pour qu’un écrivain mérite d’être regardé comme l’auteur du livre qui porte son nom, il faut et il sufBtqu’il en ait conçu le dessein elle but, qu’il ail rédigé intégralement les parties principales de l’bistoire qu’il retrace, qu’il ait accommodé à son but et à son dessein, au point de les faire vraiment siens, les éléments qu’il a pris ailleurs. — b) D’autre part, l’authenticité mosaïque du Pentaieuque n’implique pas que tout ce qui figure dans l’ouvrage actuel remonte à Moïse. Son œuvre a pu, comme toutes les œuvres de l’antiquité, souffrir, en nombre de détails, de la négligence et des hésitations des copistes. Il a pu arriver pareillement que des termes plus récents, plus facilement intelligibles, aient remplacé des mots devenus obsolètes. Des gloses ont pu être insérées en vue d’expliquer des vocables anciens ou des passages difficiles à comprendre. Même, à l’œuvre achevée par Moïse, des écrivains inspirés ont pu ajouter des compléments : par exemple, le récit de la mort du grand fondateur de la nation Israélite. — c) Bref, M. Vigouroux n’hésite pas à dire : i< Nous n’avons donc à défendre l’authenticité du Pentaieuque que dans sa substance, sans nous occuper des menus détails que la critique peut suspecter d’interpolation ou de modification. » (Livres Saints…, S’éd.,

IH, p. 7)

48. — B. Arguments extrinsèques. — n) L’un des traits qui séparent le plus profondément l’argumentation traditionnelle des procédés critiques, c’est l’importance relative attachée aux divers genres de preuves. Tandis que les tenants de la Haute Critique insistent plus volontiers sur l’étude interne des textes, les représentants de la tradition attachent une bien plus grande importance aux preuves extrinsèques, aux témoignages.

49. — h) Or celui qu’ils invoquent en premier lieu, c’est le témoignage de Notre-Seigneur. Ils alignent les nombreux endroits dans lesquels Jésus parle du livre de Moïse (Marc., xii, 26), de la Loi de Moïse (Luc., xxiv, 415), déclare que Moïse a ordonné (Mail., viii, 4 [Marc, , i, 44 ; Luc, v, 14])telle démarche, permis (Mattli., iiK, 8) tel adoucissement, dit (Marc, vii, 10), donné (.Varc., x, 5 ; cf. Pleut., sxiv, i-/| ; de même Joan., vii, a2) tel précepte ou même (Joan., vii, ig) la Loi tout entière. Ils soulignent des i)assages (Joan., v, 45-47) dans lesquels il est évident que Jésus a voulu, non seulement se conformer au langage de son temps, mais exprimer sa pensée personnelle. — c) Le langage des Apôtres et des disciples ne peut manquer d’être pareil à celui du Maître (Pue., 11, 22 ; xxiv, 27 ; Joan., I, 17, 45 ; -4c<., iii, 22 ; xv, 21 ; xxviii, 28 ; Rom., V, 13, 14 ; IX, 15 ; X, 5, ig ; I Cor, , ix, g ; II Cur., III, 7-15 ; Hehr., vii, 14 ; ix, ig ; Apoc, xv, 3) ; leur manière de parler ne permet pas de douter qu’ils attribuassent le Pcntateuque tout entier à Moïse.

50. — à) Nous avons vu, au début même de cet article, que la tradition chrétienne est unanime à témoigner dans le même sens. — e) La tradition juive est tout aussi explicite. Elle est universelle au temps de Noire-Seigneur, commune à toutes les sectes : Pharisiens (cf..Maltli., xix, 7 ; Joan., viii, 5 ; Ad., XV, 5) ; Sadducéens (cf. Matth., xxii, 24 [Marc, XII, ig]) ; Samaritains (cf. JosÈPHE, Antiq., Xlll, iii,

4) ; Esséniens (cf. Josèpiie, Guerre, II, viii, g) ; Hellénistes (cf. Philon, Vie de Moïse, lib. Il ; Josèpiie’, Antiq., I^V, viii, 3, 48 ; Contre Appion, l, 8). — /) Cette tradition s’est maintenue avec toute ça rigidité dans le Judaïsme orthodoxe, comme le prouvent divers textes du Talmud (ISaba Batiira, b^, etc.) et autres (Pirké Abût/i, 1, 1).

SI. — g) Cette tradition n’est aussi ferme que parce qu’elle est très ancienne et qu’elle plonge ses racines jusque dans les temps les plus lointains de l’Ancien Testament. On allègue d’abord des lej-tcs dans lesquels il est explicitement parlé de la loi de Moïse, du livre de la loi de Moïse : Jos., i, 7 ; VIII, 31, 35 ; xxir, 5 ; xxiii, 6 ; I lieg., 11, 3 ; II Ileg., XIV, 6 ; xxiii, 25 ; II Chron., xxiii, 18 ; xxv, 4 ; xxxv, 12 ; Esdr., III, 2 ; VI, 18 ; vii, 6 ; Neh., vui, i, 14 ; x, 30 (Vulg. 2g) ; XIII, 1. Parmi les prophètes : P)an., ix, 1 1 ; Mal., III, 22 (Vulg. iv, 4). Parmi les Jeutérocanoniques : Tob., vi, 13 (Septante) ; vii, 11, 12, 13 (Septante ; II et 13 seulement dansSinaïl.) ; II Macli., i, 2g ; II, II ; vii, 6, 30 ; Dan., xiii, 3, 62 ; Bar., i, 20 ; II, a, 28 ; Eccli., XXIV, 22 ; xLv, i-5.

S3. — /’) D’autres textes prouvent que, depuis Moïse, ?e Pcntateuque a toujours été connu des Juifs.

— v) C’est, pour Pépoque de Josué et dans le livre qui porte son nom, un ensemble de textes si imposant que les critiques regardent ce volume comme un complément du l’entateuque et une partie intégrante de l’//e.ra<e ; ((71(e. Références directes : cf. Jos., IV, 12 (Num., xxxii, 28 sv.) ; xi, 12 (Nuni., xxxiii, 62 sv.) ; XIV, I (Num., xx, 25 sv.) ; xiv, 2 (Num., xxxiii, 54 ; XXXIV, 16-2g) ; xxi, i sv. (Num., xxxv, 2-8) ; XXI, 4-42 (A’khi., III, 17-37 ; cf. XXVI, 57 sv.) ; cf. aussi Jos., I, 3, 13 ; IX, 24 ; xi, 15, 23, etc. Allusions qui ne trouvent leur explication que dans le Pentaieuque : cf. Jos., XXIV, 2-10 (Gen., xi, 31 ; xii, i-5 ; xxi, i-3 ; xxv, 1-4, ig-26 ; xxxvi, 6-8 ; xxxvii, i-xlvii, 12 ; etc.) ; xxiv, 32 (Ex., XIII, 19). — /3) Pour l’époque des Juges, le livre de ce nom fournit peu de rapprochements aussi précis ; mais on y trouve de telles préoccupations concernant l’observation de la Loi et de plusieurs observances de détail, qu’aucun doute n’est possible sur leur portée : cf. Jud., 11, 1 1 ; iii, 7, 12 ; IV, I ; VI, i ; VIII, 23 ; xvii, 7-18 ; xx, 18, 23, etc. Cf. aussi Jud., i, i sv. (Ex., xxiii, 23, 82 sv. ; xxxiv, 15, 16) ; III, 5 et 6, xiv, 3 (Ex., xxxiv, 16 ; Dent., vii, 3) ; XIII, 4-l4 (’V » hi., VI, 1-2 1). De même, pour les allusions historiques : cf. Jud., I, 16 et iv, 11 (Num., x, 29-82) ; I, 20 (Num., XIV, 24) ; II, I (Ex., III, 8-10, 16, 17, etc.) ; VI, 13(£’.r., vii, 8-13 ; vii, 14-x, 29 ; xii, 2g, 30 ; xrii, 21, 22 ; xiv ; etc.). A remarquer aussi les ressemblances de style : cf. Jud., 11, i-’i(E.r., xxui, 82 sv. ; XXXIV, 12, l’i ; Deut., ii, b) ; vi, 8 (Cr., xx, 2) ; vi, 16 (Ex., iii, 12) ; VI, 89 (Gen., xviii, 82) ; etc.

33. — v) Les temps de Samuel et de Saûl nous sont connus pari Samuel. On signale des rapprochements étroits : cf. I Sam., viii, 5 (Deut., xvii, 14) ; xii, 3 (.um., XVI, 15 ; Deut., xvi, ig) ; xv, 29 (Num., xxiii, 19) ; des allusions historiques précises : cf. I Sam., XII, 8 » (Gen., XLVi. 5-7) ; iv, 8 (/ï.r., vii, 14-XII, 30) ; XII, 6, 8b(Ex., ii, 23-iv, 31) ; xv, 2 (Ex., xvii, 8). — ô)LeI Chroniques ajoute ses témoignages, et ils sont des plus explicites, à ceux de 1 et II Samuel, à propos de David ; c’est pour nous montrer C|u’à cette époque la vie sociale et religieuse du peuple est tout entière pénétrée par l’inlluence des législations et directions du Pentateuque ; cf. II Sam., r, 21 (Lev.. VII, 14 [t’rùmâli]) ; II Sam., vi, 13, 17 et xxiv, 25 [I Chron., xv, 26 ; xxix, 21] (l.ev., i, m) ; II Sam., VII, 22-24 (Deut., IV, 7 ; X, 21) ; I Ileg., 11, 3 [I Cliron.,

1. On n’oubliera ] as que JosèpLe était un Juif helléniste. 727

MOÏSE ET JOSUÉ

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XXII, la ; Vulg. 13] (Deui., xvii, 14-20) ; I Chron., xiii,

2 (Num., XXXV, 1-8) ; I Chron., xv, 4-15, xxin(7VHm., m ; n- ; xviii) ; I Chron., xvi, 40 OVHm., xxviii, 3-8) ; I Chron., xxiii,. 29 » (iei'., xxix, 6-9) ; I Chron., xxiii, 31 (£. »., xxviii, 9, II, 19-215, 27-30 ; XXIX, 2-5, 8-1 I, etc.' ; I Chron., xxviii, 4 (Gen., xlix, 8-12) ; etc.

£) Constatations analogues au sujet du règne de

Salomon (I Jleg., i-xi ; II Chron., i-ix). D’abord relation si étroite entre le Temple (I lieg., vi ; H Chron.,

III, iv) et le tabernacle (Ex., xxv, i-xxxi, 1 1) que les critiques regardent la description du tabernacle coninie faite d’après celle du Temple. Ensuite, nombreux points de contact entre le discours de Salomon au jour de la Dédicace et les livres mosaïques : cf. I iîe^., viii, 29 (/>ei(/., xii, 11) ; viii, 31, 32 (iei., v,

I ; Dent., xxv, 1) ; vni, 33, 3/| (Lev., xxvi, 17) ; viii, 35, 36 (2. ei'., XXVI, 19) ; viii, 37-40 (/.ci'., xxvi, 23 sv.) ; viii, 46-50(iei'., XXVI, 33).

54. — Ç) Après le schisme, tout devait contribuer à détaclier le royaume du Nord de Jérusalem et de ses usages. Or, malgré tout, les écrits mosaïques sont reçus et jouissent d’une grande influence dans la région scliismatique. On en a une preuve dans l’histoire d’Elie et d’Elisée : cf. I /^e^., xviii, 33, 38, etc. (iei'., I, 6-8 ; ix, 24 ; Deut., xviii, 5, 20) ; I Beg., xxi,

3 (iei'., xxv, 23 ; Num., xxxvi, 8) ; xxi, 10' (Deut., xvii, 6, 7 ; XIX, 15) ; XXI, io'> (l.ev., xxiv, 15, 16 ; £'.<., XXII, 27, Vulg. 28) ; II Heg., IV, I (iei'., xxv, Sg) ; iv, 16(6'e ; i., xviii, 10) ; vii, 3 (Lev., xni, 46). Mais les références abondent surtout dans les écrits des prophètes, et non seulement jiour le Yahuisie eil’Elohistf, mais encore pour le Veiitéronome. On 3' trouve mention : de la prévarication d’Adam (0*., vi, 7), de la destruction des villes coupables (Os., xi, 8 ; Am.,

IV, 1 1), de divers épisodes de la vie de Jacob (Os., xii, 5, 13 [Vulg. 4, 12] ; Am., I, II), de la sortie d’Egvpte {Os., Il, 16, 17, 20" [Vulg. 14, 15, 18=1] ; VII, 16 ; IX, 10 ; XI, 1 ; xii, 10 [Vulg. 9], 14 [13] ; xiii, 4, 5 ; ^m., 11, 10 ; III, i ; V, 25 ; IX, 7), des châtiments réservés à la désobéissance à la Loi (Os., iv, 6 ; Am.. ii, 4), de préceptes particuliers, parfois d’importance secondaire, concernant les fêtes (Os., 11, 13 [Vulg. i i] ; xii, 10 [Vulg. 9] ; Am., v, 21 ; VIII, 5, 10), les sacrifices (Os., IV, 8, 9 ; V, 6 ; VI, 6 ; ix, 4 ; Am., iv, 4, 5 ; v, 22), la distinction des aliments (Os., ix, 3), le nazaréat (Am., II, II, 12), la reddition des gages (Am., 11, 8), la fixité des bornes (Os., v, 10 ; cf. Deut., xxvii, 17), le respect des prêtres (Os., iv, 4 ; cf. Dent., xvii, 12). En tenant ce langage, les prophètes ne font pas seulement allusion à des données traditionnelles ; ils connaissent des lois écrites (Os., viii, 12) et diverses aflinilés de style sont caractéristiques : cf. Os., 11, 10 [Vulg. 8] (Deut., va, 13) ; ii, 19 [17] (Ex-., xxiii, 13) ; IX, 10 (Deut., xxxii, 10) ; xi, i (^.r., iv, 22) ; xii, 6 [Vulg. 5] (E.r., iii, 15) ; Am., ni, a(/>c » ^, xiv, 2) ; iv, &^, 8, g^, 10 (Deut., IV, 30 sv.) ; v, 11 (Dent., xxviii, 30). — n) On s’attend bien à ce que les références soient plus nombreuses dans les livres d’origine judéeune. On les trouve dans les écrits historiques :

II Chron., xvii, 7-9 ; xxiii, 11 [II ïteg., xi, I2] ; xxxiv, 14-32 [II Beg., XXII, 8-xxin, 3]. Mais elles sont plus fréquentes dans les livres prophétiques. On peut s’en rendre compte à propos d’y*., i ; cf. i, 2(Deut., xxxii, 1-6) ; I, 2^ (Gen., XII, 2 ; Ex., iv, 22 ; Deut., xxvi, 19 ; xxxn, 20) ; I, 3, 4 (Gen, xxxii, 28 sv. [Vulg. 27 sv.] ; Ex., XIX, 5, 6 ; Deut., i, 8 ; xiv, i ; xxvi. 18) ; i, 5-7 (iei'., xxvi, 33 ; Deut., xxviii, 33, 35, 50, 5î) ; i. 7'-, 9 {Gen., XIX, 1-29 [noter le terme consacré du vers. 7I' qui se retrouve fle » r, xxix, 22, Vulg. 21 ; Aju., rv, 11 ; Jer., L, 40]) ; i, ii-15 (Ex., xxxiv, 28 ; Deut., xxsi, II) ; I, 16, 17 (Ex., xxii, 21, 22 [Vulg. 22, 23j) ; i, 19 (Z ?eu/., xxviii, 3 ; xxx, 15, 19). Les allusions sont aussi nombreuses dans la suite du livre d’Isaïe. On en

pourrait relever de semblables dans les écrits de Jérémie, d’Ezéchiel, des prophètes du retour (Aggée, Zacharie, Malachie) et rejoindre ainsi la période à laquelle les critiques placent la rédaction définitive et la diffusion du Pentateuque. Mais il est d’autant plus inutile d’insister que ces critiques eux-mêmes admettent des affinités entre Jérémie et le Deutéronome, entre Ezéchiel et les parties les plus fondamentales du Code sacerdotal. — 6) On peut donc conclure avecFr. Delitzsch (Z)/e Genesis, 2' éd., 1853) que « les livres historiques, prophétiques [didactiques et poétiques[ d’Israël ont leur fondement et leurs racines dans la Loi de Moïse » (cité dans F.Vigouhoux, Les Lii-res Saints…, III, p. 14).

55. — G. Arguments intrinsèques. — Ils sont tirés du contenu même des documents. — à) C’est une série de textes témoignant de Vactnité littéraire de Moïse. D’abord E.r.. xvii, 14 ; xxiv, 4 ; xxxiv, 27 ; Num., xxxiir, 2, qui ne se rapportent qu'à des sections nettement déterminées. Quant à Deut., 1, 5, il annonce Vexplication (hfi’er) d’une loi qui, nécessairement antérieure, ne peut être que la partie légale à'Ex.-Num. On a encore Dent., xxviii, 58-61 ; xxxi, g-13, que certains exégètes, il est vrai, entendent du ^e Deiitéronome, mais que d’autres interprètes, soit l)ar des arguments directs, soit à l’aide de déductions, appliquent à tout le Pentateuque. — b) C’est ensuite Vanité du litre, sensible dans le plan d’ensemble et dans une multitude de détails ; elle est telle qu’elle ne peut s’expliquer que par l’unité d’auteur. On sait que les critiques en mettent la réalisation au compte du rédacteur sacerdotal (Rp). — c) C’est en troisième lieu le but poursuivi dans le livre, but si précis qu’il nous permet d’en indiquer la date et, par voie indirecte, d’en nommer l’auteur. On a manifestement en vue dans la Genèse, en rappelant les promesses divines, en énumérant les litres acquis à la possession du pays de Canaan, de décider le peuple à quitter la fertile Egypte pour les aventures d’une conquête laborieuse. Les récits de l’E.rode et des .ombres tendent, en rappelant encore les promesses, en consignant le souvenir des interventions du Très-Haut, à calmer le peuple irrité par les souffrances du désert, à entretenir sa persévérance, à vaincre ses résistances. Ces données nous ramènent à l'époque de Moïse, elles nous ramènent à lui. Un auteur de date tardive n’aurait pas recueilli tant d’anecdotes défavorables aux ancêtres. De même, la disposition des législations, dans lesquelles, par le mélange des ordonnances cultuelles avec les prescriptions morales ou sociales, on s’applique à mettre en relief le caractère unique de la constitution politico-religieuse d’Israël, invite à les regarder comme remontant aux origines mêmes de la nation. — d) On insiste enfin sur des faits spéciaux, inexplicables en dehors de l’hypothèse de l’authenticité mosaïque : caractère progressif et lacunes dos législations, inexplicables si ces législations avaient vu le jour dans une société déjà constituée ; traits nombreux qui reportent le lecteur au temps de Moïse, au désert, avant l’entrée en Canaan, peu après la sortie d’Egypte ; certains archaïsmes de langage, parmi lesquels l’usage du pron. de la 3* pers. sing. masc. (hù ') pour les deux genres. — e) Tous ces arguments, qu’on les étudie chacun en particulier ou qu’on en examine la force cumulative, aboutissent à établir victorieusement la thèse de l’authenticité mosaïque substantielle du Pentateuque.

2" Prise en considération de certaines données de la thèse des critiques

56. — A. Au Congrès de Fribourg. — a) II était facile de constater, et ou l’avait fait, que plusieurs 729

MOÏSE ET JOSUÉ

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de ces argumentations des exégètes conservateurs, davantage encore leurs réponses aux objections de la critique, n'étaient pas de tout point concluantes. Il était assez naturel dès lors qu’on en vint à considérer lestlicses adverses sous un nouveau jour et à se demander si tout en devait être rejeté. Des essais timides furent d’abord réalisés dans diverses ^^cikm. Mais c’est surtout au Congrès internalionul des Catholiques, tenu à Fribourg (Suisse) en août 1B97, que le problème fut envisagé avec quel<|ue ampleur. Deux travaux retinrent l’attention : celui du baron von HiiQEL, La Méthode Historique en son apjilication à l'étude des documents de l’JIexateuque' ; celui du R. P. Lagrange, Les Sources du J’entuteuque'^.

57. —, ' ;) Le baron von HiioEL n'était pas un spécialiste de l’Ancien Testament ; mais les « six ans d'études fort minutieuses » qu’il avait consaciés au problème de VlJexaleiique lui permettaient de faire œuvre de vulgarisation. Son mémoire fut, avant tout, un exposé de la théorie de Wellbausen sur la séparation des quatre documents, des adhésions qu’elle avait reçues chaque jour plus nombreuses, des principes sur lesquelles elle s’appuyait ; à ce dernier point de vue, l’auteur insistait surtout sur l'évolution des législations. Deux séries de remarques lui étaient plus personnelles. Il soulignait que la question de la sé[iaration des quatre documents était distincte de celle de leur âge absolu ou relatif ; de celle du degré auquel leurs divergences aiiparentes (il suffit qu’elles soient apparentes pour autoriser la séparation des sources) en matières chronologiques, géographiques, historiques, morales, lhéologiques, sont seulement apparentes ou bien réelles ; de celle du degré auquel ces documents sont fondés sur une tradition authentique ou même sur des documents antérieurs. D’autre part, il s’appliquait, pour prévenir certaines déliances des exégètes catholiques, à expliquer comment une loi de date relativement récente Ijouvait être dite mosaïque, soit parce que tel de ses éléments remontait jusqu'à Moïse, soit parce qu’elle se bornait à appliquer à des circonstances nouvelles les principes posés par le fondateur de la nation juive ; il s’attachait, pour cette fin, au Deuléronome et à la loi de l’unité de sanctuaire. En même temps il montrait comment la distribution du Pentateuque en documents réduisait à néant l’accusation d’incohérence, tant de fois formulée contre les ré-îlls et les législations. Enlin, contre l’objection d’invraisemblance, parfois exprimée à propos des théories des critiques, il alléguait le Dialessaron de Tatien.

58. — c)Beaucoup plus important était le mémoire dans lequel le P. Laguanqk émettait son avis sur les rapports du problème des sources du Pentateuque avec la théologie traditionnelle. Parmi les remarques préliminaires, il en est une qu’il faut souligner : réminent professeur do l’Ecole Biblique de Jérusalem établit dès l’abord une distinction très nette et d’une importance capitale entre les données de la critique littéraire et les systèmes de critique historique en faveur desquels on veut les utiliser. Il ramène ensuite son travail à l'étude de cinq questions préjudicielles qui jusqu'à présent ont empêché les catholiques d’aborder l’examen des sources du Pentateuque.

39. — d) La première est celle do la rédaction des Litres Saints. Ceux-ci ont été composés en Orient. Or, en Orient, les principes et modes de composition sont très différents des nôtres. Le livre est, là-bas, perpétuellement in fieri et sa rédaction va sans cesse se poursuivant. Il jouit d’une autorité immense, mais il vaut surtout par lui-même et l’on ne se

1. Publié séparément, Paris, Picard.

2. Publié dans la Revue Biblique, jaayioT 1898, p. 10-32.

préoccupe guère de connaître son auteur. Il devient la chose de tout le monde ; on le copie avec soin, mais sans scrupule, et on ne se fait pas faute, si l’on est auteur à son tour, de lui emprunter des extraits même importants. La Bible n’a pas échappé à ces procédés et ou peut les voir fréquemment en exercice : dans Gen., xlvii, 1-7, par exemple, les Septante nous montrent encoie simplement juxtaposés des éléments qui sont beaucoup plus étroitement fusionnés dans le texte massorétique. On ne saurait dire que le dogme de l’inspiration rende suspectes de telles constatations. Si ce dogme exige que le dernier rédacteur soit inspiré, il n’est pas nécessaire d’admettre rins|>iration des documents qu’il emploie. Mais, dCit-oa l’admettre, qu’il faudrait simplement conclure à une plus grande diftusion de ce don surnaturel.

60. — e) Deuxième question : l'évolution législative. Hormis la seule loi naturelle, dont les principes premiers sont absolus, toute loi doit tenir compte des circonstances dans lesquelles se trouvent ceux auxquels elle s’adresse et, quand ces circonstances viennent à changer, elle doit évoluer avec elles ; cette considération s’applique, sinon à son fond même, du moins aux détails de la loi divine positive. Quand il s’agit de la loi mosaïque, l’inconvénient d’une telle constatation est d’autant moindre que cette loi constitue une discipline essentiellement transitoire. D’autre part, les avantages sont immenses. Si l’on admet, dans l'évolution du code mosaïque, des étapes successives et sullisamment distantes, on justifiera sans peine les prétendues contradictions signalées jiar les critiques hostiles à la révélation entre les diverses sections du Pentateuque : on se trouvera simplement en présence d’abrogations ou de modifications, répondant aux variations des circonstances auxquelles la Loi doits’adapter. Beaucoup de ces lois, il est vrai, sont précédées de la formule Dieu dit à.Moïse. On ne l’entend pas d’ordinaire d’une révélation proprement dite ; la loi ancienne n’est pas une création, elle est avant tout le résultat d’un choix fait entre des usages antérieurement existants. Ce choix a été fait par l’auteur humain avec l’assistance et l’approbation de Dieu. Or, d’après Dent., XVII, II, les prêtres de Jérusalem avaient compétence, non seulement pour résoudre les questions de fait, mais encore pour fixer des points de droit. Que si les unes ou les autres de ces décisions, dans lesquelles les prêtres devaient strictement s’inspirer des Ijrincipes antérieurement en vigueur, venaient à obtenir force de loi, ne pouvait-on pas dire que, médiatement sans doute, mais tout de même d’une façon très réelle, ces législations nouvelles étaient divines et juosaïques ?

ei. — O Troisième question : le témoignage de la Bible. Aucun « des textes qui attribuent à Moïse une activité littéraire quelconque ne le présente comme auteur de tout le Pentateuque. De certains d’entre eux(£.r., XVII, 14" ; XXIV, (J ; XXXIV, 27 ; Nuni., xxxiii, 2) on peut soutenir que la portée est limitée à la péricope à laquelle ils sont directement annexés. Les plus importants sont ceux du Deutéronome. A les prendre à la lettre, ils s’appliquent à l’ensemble, sinon à tous les détails, du cinquième livre. Mais il en est de la formule Moïse a écrit comme de Dieu dit à Moise ; des livres canoniques, telle la Sagesse de Saloinon, ne sont-ils pas nettement pseudépigraphes ? Le Deutéronome se présente comme une seconde loi ; c’est une revision législative qui prend pour base le Code de l’alliance (Ex., xx-xxiii). Si, dans cette revision, on est demeuré fidèle au droit mosaïque, aux prémisses antérieurement posées, ne peut-on pas la traiter elle-même comme mosaïque ? Ces considérations 731

MOÏSE ET JOSUE

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permettent de comprendre comment, dans le Nouveau Testament, Notre-Seigneur et les Apôtres ont pu en toute vérité, d’une part, indiquer Moïse comme auteur de la Loi prise dans son ensemble, de l’autre, quand leur langage est clair et explicite en ce sens, lui attribuer d’une manière concrète telle ou telle ordonnance.

63. g) Quatrième question : la tradition. Dans

l’Eglise, la tradition est, en importance, parallèle à l’Ecriture. Mais c’est évidemment quand elle touche à la foi- en tout autre domaine, le consentement même unanime des Pères ne suffit pas à rendre certaine une donnée traditionnelle. De nombreux exemples montrent, en particulier, qu’en matière d’attribution littéraire, les sentiments les plus universels des Pères ne sont pas une garantie. Pour la question qui nous occupe, une distinction s’impose entre ce qui ressortit à la critique littéraire et ce qui ressortit à la critique historique. La tradition historique aura pour formule : Moïse est le législateur d’israol, le niosaïsme est à la base de toute l’histoire du peuple de Dieu. Parfaitement unanime et claire, cette tradition a tous les caractères d’une tradition qui oblige ; la Bible, en effet, ne serait plus l’histoire du salut et la foi serait gravement menacée, si les plus grands faits du royaume de Dieu devenaient incertains. De la tradition littéraire la formule sera : Moïse a rédigé le Penlaieuque que nous possédons. D’une part, l’unanimité n’est plus si complète, ni chez les Juifs, ni chez les chrétiens. Le rôle attribué à Esdras par certains rabbins et plusieurs Pères de l’Eglise en est une preuve. On remarquera que, dans cette hypothèse, la tradition littéraire du Pentateuque a été interrompue pendant plus de cent ans après l’incendie de Jérusalem et que toute son autorité rei>ose sur Esdras inspiré ; et qui sait si, dans cette tradition, il ne faut pas voir le dernier écho du 30uvenir d’une refonte générale de la Loi par le prètre-scribe ? D’autre part, il est de toute évidence que la question littéraire est d’une portée tout autre que la question historique. On dira sans doute que le Concile de Trente parle du Pentateuque de Moïse. C’est vrai ; mais il faut noter qu’en se prononçant sur la question de canonicité, il a évité de trancher celle d’authenticité. Que si l’on voyait dans sa manière de parler une direction disciplinaire, au moins ne faudrait-il pas en tirer des conclusions plus strictes qu'à propos de VEpitre aux Hébreux ; le Pentateuque sera toujours le Pentateuque de Moïse si ce grand homme a jeté les fondements de sa législation.

63. — h) Cinquième question : la valeur liistorique. L’apologétique catholique recourt volontiers à des principes aussi absolus que celui-ci : « Tout le monde admet que le récit de Moïse est vrai, s’il est réellement de lui, tandis qu’on peut prétendre qu’il est indigne de foi et n’est qu’un tissu de mythes, s’il a été écrit à une date postérieure » (F. ViGounoux, Manuel Inbliqne, y éd., 1, p. ^oo). Sur quoi il est aisé de faire plusieurs remarques : — k) D’abord que la date de rédaction d’une histoire, surtout quand le rédacteur a simplement reproduit et juxtaposé ses sources, importe beaucoup moins que celle des documents eux-mêmes. Il faut môme noter qu'à ce dernier point de vue, un mouvement heureux se dessine parmi les exégètes indépendants. — 5) Que d’après les critiques, les documents anciens (J et E) ont été utilisés dans ceux qui les ont suivis (P), même que F n’avait d’autres sources que J, E et D. Dès lors il ne peut être question de contradictions fondamentales entre ces documents ; et c’est ce qui explique qu’on ail songé à les fondre en un seul récit. — /) On dit, il est vrai, que P a une allure très particulière, qu’il a altéré la vérité de pai-ti pris, qu’il a généralisé,

idéalisé, systématisé l’histoire. Rappelons qu’il ne se peut agir que de détails. Que si nous nous plaçons au point de vue de l’histoire du règne de Dieu, ils sont sans importance. Que si nous nous plaçons au point de vue des conséquences de l’inspiration, il conviendra de se poser la question du genre littéraire adopté par P, de ses règles, de ses méthodes ; il conviendra de se demander si Dieu a voulu nous enseigner ces détails ou s’en servir comme de véhicules pour un enseignement plus haut ; n’en serait-il pas de ces détails du récit de P comme de nombreux détails des oracles messianiques ? D’autre part, interdirons-nous à un législateur de se servir de cas de conscience pour rendre plus claire telle décision ? (v. g. A’um., XXVI, 33 ; xxvii, i-i i ; xxxvi, i-ia). — S) D’ailleurs on sera, en toute hypothèse, dans l’impossibilité de savoir à quoi s’en tenir par rapport à certaines circonsliinces secondaires des récits. Qu'à propos de la chronologie, par exemple, on rejette l’idée d’un thème systématique, on se heurtera aux variations des manuscrits, puis à l’impossibilité de faire concorder avec les diverses histoires anciennes des chilTres qu’on finira par déclarer altérés. — s) Enlin, à l’encontre des affirmations de certains critiques, il devient de plus en plus évident que P avait ses sources propres ; il devient donc impossible de le convaincre de mensonge s’il se borne à les reproduire.

64. — B. Autour du Conguès, — Il faut regretter que le P. Lagrange n’ait pu aller au delà de l’exposé de ces questions préjudicielles, A en juger par ce qu’il a écrit en passant soit en divers travaux et comptes rendus de la Revue Biblique, soit dans La Mélliode histurique surtout à propos de VAncieii Testament (igo3), on entrevoit que la partie positive et constructive de son système eût été des plus, caractéristiques et des plus intéressantes. Malheureusement, des controverses s'élevèrent qui, surtout en certaines publications secondaires, allèrent s’envenimant de plus en plus. Notre but n’est pas de les exposer. Nous voulons seulement signaler quelques vues particulières, de nature à éclairer les décisions qui vont suivre et les attitudes qui en résulteront.

65. — a) Dans les séances mêmes du Congrès de Fribourg, le P. Bruckkr avait déclaré « ne pouvoir accepter toutes les conclusions du U. P. Lagiange ». Il lui semblait que, dans le Mémoire du doete Dominicain, « la tradition ne recevait pas le rôle prépondé- i rant qui lui appartient » (cf. Joseph Bbuckbr, S. J., dais Etudes, t.LXXVIll, 1899, p. 671-67^). Quelque dix et onze ans auparavant, le P. Bruclcer s'était expliqué sur le sujet qui nous occupe dans une série de quatre articles dont les trois derniers se rapportaient directement à la question du Pentateuque : Questions actuelles d’exégèse et d’apologie biblique,

I. Principes, dans Etudes, t. XLIII, 1888, p. 71-90 ;

II. L’authenticité des livres de Moïse, ibid., p. 82 1- ^ 340 ; III. Les objections contre l’origine mosaïque du Pentateuque, ibid., t. XLIV, 1888, p. S ; - ; ^, 382-3y6. ' Nous n’insistons pas sur les réponses aux objections, bien qu’on y trouve des points de vue spéciaux qui 1 manquent aux travaux similaires. Il est ])lus inté- | ressant de relever ce que le savant Jésuite déclare au sujet de la rédaction du Pentateuque par Moïse. Que celui-ci soit, dans un vrai sens, l’auteur des cinq livres, « c’est une vérité de foi divine, en tant qu’il s’agit de certaines parties déterminées de ces livres, pour lesquelles l’origine mosaïque est directement affirmée par la Bible. C’est au moins une vérité certaine (theologice certum), quant à l’ensemble du l’entateuque, pris dans sa substance ; parce que c’est une conséquence qui se déduit nécessairement des textes dont nous avons indiqué la longue série. » (Etudes, XLIII, 1888, p. 827). Mais il faut préciser ce 733

MOÏSE ET JOSUÉ

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rôle d’auteur : a Il resterait vrai de dire que Moïse est l’auteur des cinq livres qui iiortenl sou nom, même s’il s’était borné à les faire rédiger sous sa direction et sa responsabilité, c’est-à-dire s’il s’était contenté d’en fournir les matériaux et les idées, en chargeant un ou plusieurs secrétaires d’y mettre la forme, l’arrangeuient et le stjle. L’œuvre ainsi composée, puis revue et adoptée par lui à la lumière de l’inspiration divine, aurait pu, en toute vérité, être appelée son œuvre. » (Ibid., p. 3-27 sv.) Comme on le voit, le P. Brucker rajeunit la théorie des « scribes de Moïse », chère à Richard Simon. Il s’explique aussi à propos des documents : « Moïse a-t-il utilisé des documents antérieurs ?^ priori, cela est possible et n’a rien d’incompatible avec l’inspiration, ni avec la vraie notion du rôle d’auteur qui appartient à Moïse ; tous les théologiens et exégètes catholiques le reconnaissent… Supposé que, [pour expliquer divers faits], on ait un réel besoin de cette hypotlièse de plusieurs documents antérieurs, insérés plus ou moins complètement par Moïse dans son œuvre, rien, du côté de l’enseignement catholique, n’empêcherait de la mettre à prolit. Remarquons seulement qu’elle ne peut être un vrai secours que dans la Genèse. Dans les livres suivants, où Moïse ne rapporte guère que ce qu’il a vu ou entendu, dit ou fait lui-même, on peut difficilement parler de documents préexistants qu’il aurait utilisés, — à moins qu’il ne s’agisse de documents préparés sous sa direction par ses secrétaires, comme on la vu dans la réponse à la première question. » (/bid., p. 330 sv.)

66. — i>) Plus explicite que la simple note du P. Brucker était, à propos du Mémoire du P. Lagrange, l’article du R P. Méchineau, La thèse de l’origine mosaïque du Pentaleuque, sa place dans l’apologétique, son degré de certitude (Etudes, t. LXXVU, 1898, p. 289- 3 11). Ce que l’on veut surtout mettre en relief, c’est que, sous le prétexte qu’ « ilsullità la démonstration comme à la défense de la foi par les Ecritures de sauvegarder la canonicité et l’inspiration des Livres Saints »…, il n’est pas permis de traiter les questions d’authenticité avec tant de désinvolture que l’on aille « droit à essayer de renverser l’une des bases sur lesquelles repose l’apologétique, tant juive que chrétienne »… C’est qu’on ne peut, sans une grave erreur, rejeter une thèse « affirmée par trois autorités irrécusables : la tradition juiiaïque consignée au.x Livres Saints ; l’enseignement formel de Jésus-Christ et des apôtres ; enfin la tradition chrétienne et l’enseignement de l’Eglise » (cf. Etudes, LXXVU, p. 291, 300, 304). Le même auteur devait

-.consacrer, l’année suivante, toute une étude à montrer que c’était un concessionisme dangereux que de sacrifier trop facilement la valeur humaine des Ecritures et par conséquent leur authenticité (L’Autorité humaine des Litres Saints et le « Concessionisme », dans Eludes, LXXX, 1899, p. 433-448, 765-780).

67. — c) Cependant le P. Phat publiait deux articles sur /, « Loi de Moïse ; l’un était consacré à Ses Origines (Etudes, LXXVI, 1898, p. 87-114), l’autre à Ses Progrès, Conséquences pour ta question du Pentaleuque (ibid., LXXVII, 1898, p. 29-.%). Dans ce deuxième travail, le seul qui se rapporte à la question présente, l’auteur commence par admettre que la Loi a pu recevoir des compléments du vivant de Moïse. Mais il admet aussi qu’elle en a reçu après la mort du législateur, que telles ou telles consultations prophétiques ou sacerdotales, que tel commentaire plus ou moins autorisé de la Loi ont pu passer dans le texte actuel du Pentaleuque. Et il ajoute : « Nous ne songeons pas à restreindre l’authenticité du I^entateuque. Nous sommes cependant persuadé que la thèse catholique gagnerait en clarté et en force

probante, si l’on distinguait toujours bien soigneusement entre l’auteur de la Loi et l’auteur du l’entateuque. .. Ainsi nous ne croyons pas que le Pentaleuque se donne lui-même pour l’œuvre de Moïse, Les passages cités à l’appui ont trait seulement au iJeutérononie et à quatre fragments particuliers, le Code de l’alliance, le Décalogue, les haltes des Hébreux dans le désert et la défaite des Anialécites, passages que Moïse écrit par ordre exprès de Dieu. Nous ne croyons pas non plus que cette appellation, assez fréquente dans les livres sacrés, la Laide il/oi.seoule Livre de la Loi de Moïse prouve que l’ouvrage entier, où cette loi est consignée ait Moïse pour auteur… Une fois il est question du Livre de Moïse ; mais, justement, il s’agit de savoir si le livre de Moïse veut dire nécessairement le livre écrit ou composé par Moïse… Pourquoi le livre de Moïse ne pourrait-il pas signifier : le livre où Moïse joue le principal rôle, ou bien, le livre qui renferme la législation mosaïque ? Il y a cependant un texte de saint Jean qu’on ne peut, sans lui faire violence, empêcher de témoigner en faveur de l’authenticité, au moins substantielle, du Pentaleuque. Et il reste toujours l’argument de tradition, le meilleur, dont la force probante est égale, et pour le croyant, et pour le véritable historien. » (Etudes, LXXVU, 1898, p. 48 sv.)

68. — d) On ne lira pas non plus sans intérêt ces lignes du P. Dur.a.nd (L’état présent des Etudes /iibliques en France, 2’art., dans Etudes, XC, 1902, p. 330-358) : « Une conclusion s’impose au nom de la logique, c’est que, sans s’écarter des habitudes de l’école la plus strictement conservatrice, on peut attribuer à un autre que Moïse tous les passages du l’entateuque qu’on prouvera ne pas pouvoir être de

lui Dans cet alliage, reconnu de tous, quelle part

faut-il faire au Législateur ? Sur ce point l’accord cesse ; mais les deux opinions ne dilTèrent entre elles que comme le plus du moins… Par le fait, il n’est pas nécessaire de résoudre le problème avec tant de précision. Au point de vue religieux, le principal est assurément que ce livre reste, en son entier, écrit sous l’inspiration d’un même Esprit ; à part peut-être quelques gloses qui seraient là, comme dans le reste l’Ecriture, d’origine purement humaine… L’affirmation traditionnelle qui attribue en bloc le Pentaleuque à Moïse est quand même à conserver, parce qu’elle reste vraie ; non plus au sens rigoureux qu’on a pu lui donner et que beaucoup lui gardent encore ; ni en ce sens purement conventionnel qui nous fait parler couramment du Code Aiipoléon, à propos d’un livre où l’empereur n’a peut-être personnellement rien écrit ; mais néanmoins en un sens suffisamment objectif. Le Pentaleuque contient nombre de documents vraiment rédigés par Moïse, et il est en son entier l’expression autorisée de sa Loi » (p. 351 sv.).

69. — e) Enfin nous ne saurions passer sous silence le seul commentaire un peu complet du Pentaleuque qui ait paru chez les catholiques depuis que se discutent les problèmes qui nous occupent ; c’est celui du P. DE HuMMELAUEn, dans le Cursus des Jésuites allemands. C’est surtout dans l’Introduction au Deutéronome (jgoi) que l’auteur s’exprime sur la question du jour. Voici ses propositions principales. Partant du cinquième livredu Pentaleuque, il soutient d’abord que Moïse écrivit une thorah (cf. Deut, , xx.xi, 9) qu’il identifie avec Deut., v-xi -|- xxviii, 1-69 [Vulg. XXIX, 1]. Dans cette thorah, Samuel inséra son

« jugement de la royauté » (cf. I Sam., x, 25) renfermé

dans Deut., xii, i-xxvi, 15’. Déjà Josué y avait inséré

1. Il n’est pas sans intérêt de noter que, de ce chef, soiie chapitres du Deutéronome sont enlevés à Moïse. 735

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ses paroles (cf. Jos., xxiv, 26), dont un fragment semble représenté par Deut., xxvi, 16-xxvii, 26'. C’est cette tkorah, augmentée de l'écrU de Samuel, qui fut retrouvée par Helcias sous Josias. Non seulement cette thorah, mais tous les écrits de l'âge mosaïque étaient, à l'époque d’Esdras, réunis en un seul Pentaîeuqiie, qui prit souvent dans la suite le nom de Tkorah. Le PerUaieuque n’est pas sorti tel que nous l’avons du calame de Moïse, mais il est dû à la fusion de plusieurs écrits mosaïques. Ces écrits n'étaient pas parvenus à ceux qui les combinèrent dans un état d’intégrité parfaite ; ils étaient plus ou moins détigurcs, mutilés et restaurés. Notre texte du Peniateuque est un texte rétabli au prix d’un labeur considérable et très ardu. Ce travail a été accompli ou par Ksdras, ou par les Juifs exilés en Babylonie, ou même avant la destruction de Jérusalem. Se plaçant ensuite en présence des documents chers aux critiques (P, J, E), l’auteur fait les remarques suivantes. Il est légitime de distinguer dans Ex., i, i-IJeut., i, 3 + XXXI, 14-xxxiv, 12 (ce que le R. P. appelle le /W^er hipariitus) une source P, avant tout législative. Les lois auraient été écrites ou dictées au jour le jour par Moise, puis réunies en un corps ; rien d’aillem-s n’empêche que des lois nouvelles aient été ajoutées dans la suite, qui, fidèles à l’esprit des institutions primitives, pouvaient être couvertes par la formule Dieu dit â.Voise. Quant aux péricopes historiques de P, dont le P. de Hummelauer semble réduire le nombre, elles auraient pu être composées plus à loisir après les événements. Le Deutéronome mosaïque (D ; vid supr.) présuppose le document légal P ; il présup[)Ose pareillement les récits d'£ : x.-Aum., que la critique attribue à JE. Si, d’autre part, on admet que Moïse a eu recours, pour la rédaction des sections historiques, à des secrétaires, rien n’empêche de reconnaître l’existence des deux documents J et E, fondus ensuite dans l’unité composite JE. Bref, le P. de Hummelauer se rallie au thème JEPD des anciens critiques. Mais, à ses yeux, les documents historiques J, E (parties de P) remontent à Moïse. Il en est de même des éléments fondamentaux des législations (P et D) ; mais celles-ci ont pu recevoir, au cours des siècles, de notables accroissements (cf. p. 61, 9^, 107, 145-152).

IX. La décision de la Commission Biblique

70. — Ces hypothèses et controverses ne pouvaient manquer d’attirer l’attention des autorités ecclésiastiques et de provoquer leurs décisions. Fondée en 1902, la Commission Biblique publia un décret sur la question, le 37 juin 1906. Nous en donnons le texte avec la traduction de M. Mangenot (V Authenticité mosaïque du Pentateuque, p. 5 sv.).

Propositis sequentîbus dubiis Consilium Pontificium pro studiis de re biblica provehendis respondendum censuit prout sequilur :

I. Utrum argumenta a criticis congesta ad inipugnandam nutkentiam Mosaicam Bacrorum Lîbroruni, qui PentateucLi nomine designantur, tanti sinlponderis ut, posthabitis quampluribus testimoniis utriusque Testamenti col La Commission Pontificale, chargée de promouvoir les études bibliques, a pensé deroir répondre comme il suit aux doutes suivants qui lui étaient proposés :

ï. Les arguments accumulés par les critiques pour attuquerrauthenticité mosaïque des Livres saints désignés sous le nom de Pentateuque, ont-ils tant de poids que, sans teuir compte des très nombreux témoignages des deux Testa 1. Le p. de Hummelauer attribue aussi à Moïse le premier discours Deui.j i, i-iv, 13) ainsi que Deut., ïxix, l

(Vulg. 2)-xxxi, 13.

lective sumptis, perpétua consensione populiJudaici, Ecclesiæ quoque constanti traditione nec non indiciïs internis quæ ex ipso texlu eruuntur, jus tribuant alBrmandi hos libros non Moysen habere auctorêm, sed ex foDtibus maxima ex parte aetate Mosaica posterioribus esse confectos ? Resp. Négative.

II. Utrum Mosaica authentia Pentateuchi talem necessario postulet redactionem totius operis, ut prorsus tenendum sil Moysen omnia et singula manu siia scripsisse vel amanuensibus dictasse ; an etiam eorum hypothesis permitti possit qui existimant eum opus ipsum a se sub divinæ inspira tioni s a fil a tu coneeptum alteri vel pluribus scribendum commisisse, ita tamen ut sensa sua tideliter redderent, nihil contra suam volunlatem scriberent, nihil omitterent ; ac tandem opus hac ratione conlectum, ab eodem Moyse principe inspiratoque auctore probatum, ipsiusmet nomine vulgaretur ?

Resp. Négative ad prima m partem, alHrmative ad secundam.

III. Utrum absquepræjudicio Mosaicæ authentiae Pentateuchi concedi possit Moysen ad suum conticiendum opus fontes adhi buisse, scripta videlicet documenta vel orales traditiones, ex quibus, secundum peculiarem scopum sibi propositum et sub divinæ inspirationis afflatu, nonnulla iiauserit eaque ad verbum vel quoad sententiam, contracta vel amplificata, ipsi operi inseruerit ?

Kesp. Aflirmative.

IV. Utrum, salvasubstantialiler Mosaica authentia et inlegrilate Pentateuchi, admitti possit tam longo sæculorum decursu nonnullas ei modificationes obvenisse, uti : additamenta post Moysi mortem e ab auctore Inspiiitta apposita, vel glossas et explicaliones textui interjectas. vocabula quædam et formas seruione antiquato in sermonem recentiorem translatas ; mendosas demum lectiones vilio amanupnsium adscribendas, de quibus fas sit ad normas artis criticæ disquirere et judicare ?

Resp. Affirmative, salvo Ecclesiæ judicio.

ments pris collectivement, du sentiment perpétuel du peuple juif^ de la tradition constante de l’Eglise et des indices internes qui sont tirés du texte luimême, ils donnent le droit d’atlirmer que ces livres n’ont pas Moïse pour auteur, mais qu ils ont été formés de documents pour la plus grande partie postérieurs à l'âge mosaïque. Rép. Non.

II. L’authenticité mosaïque du Pentateuque exiget-elle nécessairement la rédaction de l’ouvrage entier telle qu’ii faille tenir que Moïse a écrit de sa main ou dicté à des copistes tous et chacun des détails ; ou bien peut-on permettre l’hypothèse de ceux qui estiment qu’il a confié à un ou plusieurs secrétaires le soin d'écrire l'œuvre ellemême, conçue par lui sous le souffle de l’inspiration divine, de façon toutefois que ces secrétaires rendent fidèlement ses pensées, n'écrivent et n’omettent rien contrairement à sa volonté, et qu’enfin l’ouvrage ainsi composé, approuvé par Moïse son principal auteur inspiré, soit publié sous son propre nom ?

Rép. Non à la première partie, oui à la seconde.

lU. Peut-on, sans préjudicepour raulhenticité mosaïque du Pentateuque, concéder que Moïse, pour composer son œuvre, s’est servi de sources, documents écrits eu traditions orales, desquelles, conformément au but particulier qu il se l>roposait, et sous le souffle de l’inspiration divine, il a tiré plusieurs parties qu’il a insérées dans son œuvre propre, mot à mot ou quant au sens, résumées ou amplifiées ?

Rép. Oui.

IV, L’authenticité mosaïque et l’intégrité du Pentateuque étant sauvegardées quant à la substance, peuton admettre que dans un si long cours des siècles quelques modifications s’y soientproduites, comme par exemple des additions faites après la mort de Moïse mais par un auteurinspfré, ou des gloses et des explications insérées dans le texte ; certains mots et des formes de discours traduits d’un style veilli en un style plus moderne ; enfin des leçons fautives, dues à la maladresse des copistes, qu’il soit permis de lechercher et de fixer d’après les règles de la critique ?

Rép, Oui, sauf le jugement de l’Eglise. 737

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Die autem 27 junii an. 1O06, in Audienlia Rmis Gonsultoriijus ab Actis Lenijjne concessa Sanctissimus prædicta Responsa adprobavit ac publioi juris fieri luanJavit.

FULCRANCS G. VlGOUROUX,

p. s. s. Laurentius Jansskns

O. s. H

ConsuUores ah Actis.

Le 27 juin 1906, à l’audience bietiveillaniment accordée aux CûnsuUeui-8 se* ciéluiri’s, le Saint-Père a approuvé les Réponses susdites et a oï'donné de les publier.

FULCKAN G. ViCOUROU.V,

p. s. s. Lauhemt Janssens,

o. s. B.

Consulteurs secrétaires.

Il nous semble d’abord à propos de tenter l’exégèse littérale et méthodique d’un texte appelé à être la norme de l’enseignement des Ecoles catholiques touchant la grave question du Pentuteuque.

i" Moïse auteur du Pentateuque

71. — a) Les premières question et réponse mettent d’abord en conflit deux séries d’arguments. D’une part, ceux que les critiques ont entassés pour attaquer l’authenticité mosaïque des Livres Saints connus sous le nom de Pentuteiiijue. Ces arguments ne sont pas autrement détermines, ni quant à leur détail, ni quant aux groupes auxquels on pourrait les ramener. Mais il n’y a pas à s y tromper. Il s’agit des considérations auxquelles, depuis les origines du mouvement critique, les adversaires de l’authenticité mosaïque du Penlateitqiie ont fait appel. On peut penser, d’une manière particulière, aux théories de l'école wellhausienne, puisque ce sont celles-là précisément qui ont davantage troublé les consciences catholiques. Naturellement, arguments et théories sont envisagés tels qu’on les présentait en igoS-igoô. — h) D’autre part, les preuves traditionnelles, en tête desquelles tigurent celles que fournissent les témoignages très nombreux des deux Testaments. On remarquera que ces témoignages sont envisagés colleclivenicut, collective suniptis, comme si la Commission évitait de se prononcer sur la valeur dirimante et délinitive que certains représentants de l’orthodoxie attribuent à tel texte en particulier, aux |iaroles de Notre-Seigneur par exenn)le. Aux données de l’Ecriture se joignent celles qui attestent et le consentement perpétuel du peuple juif et la constante tradition de l’Eglise. Enlin si, à rencontre de la méthode des critiques, mais en conformité avec les procédés de la défense catholique, la Commission donne la première place aux preuves externes, ce n’est pas qu’elle oublie les indices tirés du texte luimême ; à ces remarques basées sur le texte et que nous avons signalées plus haut, elle attache une très grande importance. — c) En présence de ce conflit le décret prend une position très nette. Il donne sans hésiter la préférence aux considérants de la thèse traditionnelle ; il déclare que les arguments des critiques ne sont pas décisifs'. On peut se demander d’oii provient l’inellicacitè de ces arguments ? Elle tient, sans aucun doute, à leur valeur intrinsèque ; si cette valeur s’imposait, rien ne pourrait prévaloir contre elle. Mais il semble que la Commission veuille nous dire autre chose. Il ne paraît pas qu’elle entende condamner ni la recherche ni la méthode des cri tiques, et il demeure permis de soutenir que, considérés en eux-mêmes, ces procédés sont légitimes et peuvent aboutir à de précieux résultats dans la question qui nous occupe. La Coonnission signale un danger, une lacune de cette métliode, telle que les critiqvies

1. Il paraît juste de remarquer que. tout en étant très nets, les termes du décret sont très modérés ; les arguments des critiques ne donnent pas le druil d’affirmer, c’esl-i-dire, sans doute, de présenter comme certain…

Tome III.

étrangers à l’Eglise en font usage, et c’est sans doute ce <iui explique que leurs conclusions ne soient pas décisives. Elle leur reproche leur unilatéralisme, elle les blàuie de ne pas tenir compte des données diverses du témoignage ou au moins de les rejeter à rarrière-plan, / ; os(/( « ( ; (/i.s, - elle les blàræ de ne prendre en considération que certaines catégories d’indices internes.

73. — (/) Le grand excès, la grande erreur des criticiues étran gers au catholicisme, dans l’importaii te question qui nous occupe, ont été d’arriver à cette conclusion que le Pentateuque n’a pas Moïse pour auteur. Le sens que le mot auteur doit prendre en ce contexte n’est pas précisé ; il n’est nullement indiqué qu’on doive lui attribuer la signification très stricte que ce mot reçoit chez nous ; il n’est nullement interdit de songer au sens notablement plus large que ce terme aurait en Orient. La suite des questions et réponses à venir indique sullisamment que nous pouvons rester à distance de son acception la plus étroite. Une chose est certaine. De même qu’on doit regarder Moïse comme i>renant une place prépondérante au début des institutions sociales et religieuses d’Israël, de même faut-il le regarder comme ayant eu un rôle prépondérant à l’origine de l'œuvre littéraire que représente le Pentateuque. — e) L’erreur des critiques ne nous est pas seulement présentée sous sa forme négative Ils sont encore bliimés de prétendre que le Pentateuque a été composé de sources en très grande partie postérieures à l'époque mosaïque. Ce reproche est avant tout la contre-partie du précédent, mais il en éclaire la portée. Les expressions sont modérées ; on les dirait à dessein un peu vagues. Il semblerait, à première vue, qu’en ce qui regarde l’origine du Pentateuque, la Commission tienne à l'époque de Moïse avant même détenir à sa personne. Et cela se comprend sans peine, puisque au fond, ce qu’elle veut surtout garantir, c’est la valeur historique des premiers livres de la Bible. Mais, de plus, ne semble-t-il pas qu’elle censure l’hypothèse critique surtout parce que celle-ci situe la plupart des sources du Pentateuque, sinon toutes, à des époques postérieures à l'âge mosaïque ? Ne semble-t-il pas, en conséquence, que, si on attribuait à Moïse une part assez grande dans la composition du Pentateuque pour qu’en un sens réel, mais large, il piit en être proclamé l’auteur, on aurait le droit de reconnaître, en cet immense ouvrage, telle source d’une date notablement postérieure ? Admettons, en employant le langage de la critique, que les documents yahwiste et élohiste remontent nettement à Moïse : serait-il permis, strictement parlant, de soutenir que, dans le C(jde sacerdotal, 1res vaste et d’apparence nettement composite, telle ou telle section assez notable, v. g. la Loi de sainteté(l.ev., xvii-xxvi) provient d’une source plus récente que l'époque mosaïque ? Ce problème est évidemment délicat et il se peut que, pour le moment, les éléments fassent défaut qui permettent de le solutionner. Il faut toutefois se souvenir que les réponses canoniques doivent être interprétées dans leur sens le plus littéral.

2" Les scribes de Mo’ise

73. — La plupart des cléments du Pentateuque remontent à Moïse ; mais en quelle manière ? C’est ce que va préciser la seconde partie du décret. Nous le constaterons de nouveau : si les argumentations des critiiques ne prouvent pas tout ce qu’ils avancent, la Commission n’estiuie pas pour cela qu’elles soient complètement à dédaigner. Sans condamner les opinions plus rigides, chères à plusieurs apologistes, elle envisage la possibilité de certains terrains d’entente.

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MOÏSE ET JOSUE

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— à) En premier lieu, on n’est pas forcé d’admettre une telle rédaction de l’ouvrage entier qu’il faille dire que Moïse a écrit ou dicté à des copistes tous et chacun des détails. En d’aulres termes, nous ne sommes pas tenus de souscrire à la thèse de l’unité absolue d’auteur, même pour les parties qui remontent à l'époque mosaïque. — b) On peut admettre des documents. Moïse a pu recourir, en effet, au ministère d’un ou plusieurs secrétaires. Leur activité est ainsi déterminée : Ce n’est pas à eux qu’il faut attribuer le projet, la pensée, le plan de l'œuvre ; celle-ci a été conçue par Moïse lui-même, sous le souflle de l’inspiration divine. Les secrétaires ont eu mission de l'écrire et de l’exécuter, de façon toutefois à rendre (idèlement les pensées de Moïse, sans rien écrire ni omettre contrairement à sa volonté. Ainsi composée, l'œuvre a été approuvée par Moïse, que l’on doit considérer comme son principal auteur inspiré, elle a été publiée sous son propre nom.

74. — c) Il est intéressant d’euvisayer ces décisions dans leurs rapports avec les assertions des critiques. On remarquera qu’il s’agit d’un ou de plusieurs secrétaires ; le nombre n’en est pas limité. Hien n’est dit non plus touchant la part de travail qui leur fut assignée. Rien n’indique, par exemple, qu’il s’agit de secrétaires successifs, dont l’un aurait été au service de Moïse depuis la sortie d’Egypte jusqu’au Sinaï, un autre à Cadcs, un autre dans les plaines de Moab. On n’est pas davantage invité à penser que chacun de ces secrétaires n’a eu à s’occuper que d’une partie de l'œuvre mosaïque, que l’un ait été chargé de la Genèse, un autre de l’histoire du séjour en Egypte et des premières migrations jusqu’au Sinaï, un troisième d’un groupe de législations, et ainsi du reste. On peut fort liien comprendre que les secrétaires, ou au moins plusieurs d’entre eux, aient eu mission de traiter le même sujet : une histoire des origines du monde, des origines du peuple de Dieu, de sa fondation, de sa première organisation. La remarque a son importance. Les memlires de la Coiitmission connaissaient les théories des critiques pour lesquels plusieurs des documents, le YalHiste, VEloliisle, le Code nacerdotal sont des œuvres en grande partie parallèles ; ils savaient que l’hypothèse de plusieurs secrétaires serait facilement et naturellement invoquée comme constituant une explication plus orthodoxe de la thèse des sources. Il leur était facile d’exclure cette interprétation, s’ils avaient voulu le faire.

— d) La Commissionse garde de confondre ces secrétaires avec les simples copistes dont elle parlait dans la première partie de cette deuxième réponse. Les secrétaires ont une mission d'écrire, de composer. Par le fait qu’on présente Moïse comme un auteur principal, on qualiiie les secrétaires d’auteurs, secondaires sans doute, mais d’auteurs véritables.

73. — e) Aussi bien les précisions ne manquentelles pas. De Moïse, qui l’a conçu sous l’inspiration du Saint-Esprit, les secrétaires reçoivent le plan de leur travail : conception générale sans doute, mais avec assez de lignes distinctes pour qu’ils se rendent un compte exact de ce qu’ils ont à faire. On peut même entrevoir ici la raison pour laquelle on suppose ou on admet plusieurs secrétaires. Les critiques ont signalé entre plusieurs des documents, entre le Yaluriste par exemple et le Code sacerdotal, des différences caractéristiques. L’explication en peut être assez simple. Tout en donnant à ses secrétaires le même sujet à traiter, le même plan de travail, les mêmes idées d’ensemble. Moïse a pu suggérer à chacun d’eux des points de vue particuliers. L’un aura été invité à s’en tenir principalement aux récits et aux lois d’une i^orlée plus générale, en un mot à

ce qui intéressera l’ensemble du peuple ; un autre aura eu mission de faire une œuvre idutôt litui’gique, à l’usage du personnel du sanctuaire, dont le point central serait constitué par l’exposé des lois cultuelles, dont le cadre serait fourni par les récits plus spécialement en rapport avec les origines et le développement des institutions religieuses. — f) Une autre explication est sans doute possible. Auteurs secondaires, les secrétaires sont de véritables auteurs et il semble, de ce fait, que les différences dont nous venons de parler puissent être mises à leur compte. L’un d’eux, par exemple, aura pris goût à une histoire populaire ; il aura parlé le langage du peuple, saisi les faits les plus susceptibles d’intéresser le peuple, les racontant de la façon pittoresque et avec les expressions et métaphores qui ont davantage prise sur le peuple. Un autre secrétaire, un liturgiste je suppose, avide de législations cultuelles, de rubriques minutieuses et précises, érudit par ailleurs et aimant à rechercher les origines des usages consacrés par Moïse, réalisera son œuvre d’une tout autre manière. Il fera sa spécialité de tous les règlements qui, d’une manière ou d’une autre, se rattachent au service de l’autel ; dans l’histoire, il s’intéressera à tout ce qui concerne les origines des rites les plus en honneur, il aimera à les voir en vigueur ou au moins en (igure dans le passé, il saisira avec empressement ce qui peut s’y rapporter soit dans les récits concernant les origines, soit dans l’histoire patriarcale, soit dans les événements du désert. — g) Mais des uns et des autres l'œuvre devra demeurer conforme aux intentions de Moïse. Comme garantie de cette conformité, il faut admettre, sans parler d’une surveillance générale, une approbation de l’ouvrage par Moise, ai^probation telle et si complète que l’ouvrage puisse être publié sous son nom, qu’il doive lui être attribué comme à l’auteur principal et inspiré La teneur dvi texte ne permet pas de douter que l’approbation portera, en cette hypothèse, sur l'œuvre de chaque secrétaire, que, par conséquent, l'œuvre de chaque secrétaire devra être attribuée à Moïse et traitée comme inspirée'. Et l’on voit par là quel’inspiration des divers documents est compatible avec les divergences secondaires qu’y peuvent présenter les narrations parallèles des mêmes faits ; ces divergences de détail n’atteignent pas ces traits caractéristiques du fait lui-même qui seuls constituent la matière de l’enseignement de Dieu inspirateur et de Moïse son principal intermédiaire et instrument.

76. — II) Dans toutes ces considérations, nous avons évité de parler du Deutéroiiome. Il ne nous paraît pas, en effet, assimilable aux autres documents. Nous sommes ici en présence d’une œuvre à part et, si Moïse en a confié la rédaction à un secrétaire, celuici ne se trouvait pas dans les mêmes conditions que les précédents ; son œuvre n’est pas parallèle à la leur, mais lui sert de complément. — i) Il y a toutefois une ressemblance entre le Deutéronome et les autres documents. Il faut, en effet, le remarquer :.si le décret parle de l'œuvre de chacun des secrétaires, il ne dit rien, ni explicitement, ni implicitement, du travail rédactionnel qui a abouti à fusionner ensemble ces travaux séparéselàconstituer le Pentaleiique tel que nous l’avons aujourd’hui ; il n’y a pas un mot pour attribuer directement ou indirectement cette activité rédactionnelle à Moïse. Il semble donc qu’ici encore la Coniinissiuti n’ait pas voulu opposer

1. Il va de soi que ce n’est pas l’approbation de Moïse qui crée ou constitue l’inspiration des œuvres composées par ses secrétaires ; elle ne fuit que la reconnaître et la constater. 741

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une Un de non-recevoir aux arguments que les critiques mettent en avant pour repousser à une date bien postérieure à l’âge mosaïque la rédaction déûnilive de la Tluiruli. On peut donc admettre, semblet-il, qu’aucun travail de fusion n’a été t’ait du temps de Moïse ; que les documents, y compris le IJeutéionome, ont continué d’exister à part longtemps après la mort du grand législateur ; aucune donnée n’est fournie sur la date à latiuelle aurait pris Un cette existence séparée. Gomme, d’autre part, aucune indication n’existe sur la manière dont la fusion se serait opérée, il semble tout aussi loisible de retenir un travail progressif de fusion, analogue à celui dont parlent les critiques (J + E ; JE + D ; JED -- P), qu’une combinaison réalisée en un acte unique, v. g. par Esdras. L’exégète catholique pourrait suivre les opinions qui, du point de vue d’une critique sage et sensée, apparaîtraient les plus fondées. — y) Deux conditions toutefois semblent nécessaires. La première c’est que l’œuvre mosaïque ne reçoive aucune altération qui, en modiliant les données indépendantes des Mémoires émanes des secrétaires, compromettrait les intentions de l’auteur principal. Cette remarque est utile. On le conçoit, en effet, cl les criti(]ues sont là pour nous le dire : le travail rédactionnel entraînera des suppressions dans les passages parallèles des documents ; ailleurs il faudra introduire quelques formules de liaison entre des péricopes empruntées à deux Mémoires distincts ; parfois encore, la juxtaposition de sections venant d’auteurs différents pourra avoir pour résultat de nuancer les récits ou les prescriptions d’une manière un peu nouvelle. Tout cela est possible, tout cela est inévitable ; mais l’œuvre mosaïque doit être demeurée et venue à nous telle que l’auteur principal l’a conçue, telle qu’il l’a voulue en présidant à sa réalisation et en lui donnant son approbation. — k) En second lieu, il semble absolument nécessaire que l’œuvre linale de rédaction soit couverte par l’autorité d’un écrivain inspiré. Cette œuvre linale, en effet, aboutit à notre Peiiialeuque, et c’est notre Pentaieuque qui figure dans la liste des Ecritures sacrées et canoniques du Concile de Trente.

3° Les sources

77. — a) S’il faut soutenir que, au moins dans es principaux documents qui le composent, notre’^entati’uqite actuel remonte à Moïse, seul ou aidé de >es secrétaires, on n’est pas obligé d’admettre qu’ils .’aient construit de toutes pièces ; on peut soutenir ju’ils ont eu recours à des sources. Celles-ci peuvent ître ou écrites ou orales. — h) Ces dernières participeront évidemment aux caractères de toutes les tralitions orales, même les plus Udèles. Tandis qu’un frand nombre de traditions dénaturent le fonds uème et la substance des faits, les plus Udèles, celles |ue l’on peut rencontrer de préférence en ces milieux >rientaux où les dires des anciens se transmettent l’âge en âge avec une réelle Uxité, gardent, il est frai, la substance du fait, mais sans qu’on puisse ivoir en les consultant la garantie d’une exactitude ainutieuse des détails. On y constatera souvent, par ixemple, la tendance à projeter dans le passé quelque cljose du présent, à revêtir de couleurs contem)oraines les faits et usages des temps anciens ; onreuarqucra pareillement que les traditions relatives au uème événement présentent, dans les divers milieux >ù on les recueille, de nombreuses variations d’ex)osé. Telles étaient les traditions orales auxquelles )ouvaienl recourir les auteurs principaux et seconlaires du Pentateuque. — c) Ils pouvaient aussi avoir à eur disposition des documents écrits. Rien n’indique [ue ceux-ci fussent inspirés. A considérer les choses

in ahstracto, indépendamment de la consécration et des garanties spéciales qu’ils reçoivent du fait de leur insertion dans un livre sacré (i/rf. infr. Ii, /, 79), la valeur de ces documents sera proportionnée à leur caractère strictement historique ou plus ou moins légendaire (iniJrascUique, comme on dira plus tard), à la distance chronologique qui sépare l’époque de leur rédaction de celle où se seront passés les faits qu ils consignent, à la place plus ou moins grande qu’ils font aux traditions orales et à la manière dont ils les critiquent et les consignent, etc.

78. — ii)Dans l’hypothèse rigide de Moïse seul auteur du Pentateuque tel que nous le possédons, il ne peut guère être question de sources qu’à propos de la Genèse ; il est permis de jjcnser que traditions orales et textes correspondent à ces documents que les critiques ont dès l’abord discernés dans le premier livre de notre Bible. — e) Dans la théorie de Moïse auteur principal et des scribes auteurs secondaires, les sources interviendraient encore d’une manière prépondérante pour la composition de la Genèse.’Toutefois, si la grande période d’activité littéraire était fixée aux dernières années du séjour à Cadès, on pourrait penser à l’utilisation de rédactions partielles préliminaires, concernant les faits les plus importants de l’exode, consignant les législations fondamentales ; elles seraient de préférence identifiées avec ces écrits dont il est question Ex., xvii, 14 ; XXIV, 4 ; XXXIV, 27 ; A’um., xxxiii, 2. Il serait évidemment plus difficile de supposer que, pendant une période de trente-huit ans et du vivant de la génération qui avait été témoin des événements, des traditions orales parallèles aient pu se former avec des variantes de détail tant soit peu notables. — /) La question des sources peut encore s’entendre en un autre sens quand il s’agit des sections législatives du Pentateuque. Ni les lois sociales d’Israël, ni ses lois religieuses ne sont des créations e.r nihilo. Sans doute, le texte biblique déclare à maintes reprises que Moïse les tient de Dieu : Dieu (Yali » elt) dit à .Uoise. Mais, dùlon prendre ces paroles en leur sens le plus strict, que la constatation précédente n’en serait pas atteinte. Dieu, en effet, ne révèle pas nécessairement des choses jusque-là inconnues ; il peut tout aussi bien suggérer au prophète un choix parmi les choses existantes. De fait, l’étude des lois sociales d’Israël montre qu’elles présentent beaucoup de points de contact avec diverses législations anciennes, surtout avec des usages et législations sémitiques. De même les pratiques cultuelles décrites dans les livres du milieu (Exode-Nombres) offrent plus d’une ressemblance avec les rites des autres Sémites et des Cananéens. D’autre part, on ne saurait douter que l’ordre nouveau fondé au Sinaï ait consacré nombre d’usages auparavant en vigueur dans la famille de Jacob, ou dans telle ou telle des tribus. On peut donc admettre qu’en ce domaine et pour cette partie de leur œuvre, Moïse et ses scribes se trouvaient en présence de nombreuses traditions orales et peut-être aussi de plusieurs documents écrits.

79. — g) Quel usage fit-on de ces traditions et documents ? Il semble que, dans la théorie des scribes, c’est à ces derniers qu’il faut attribuer la manipulation de ces textes sous le contrôle et l’action de Moïse. Ce contrôle et cette action étaient dominés par le but même que l’homme de Dieu poursuivait, ils étaient guidés par l’influence de l’Esprit inspirateur. C’est dans ces circonstances que, soit par lui même, soit par ses scribes, Moïse a tiré de ces traditions et documents des éléments divers pour les insérer dans son œuvre propre, tantôt les reproduisant mot pour mot, tantôt en exprimant le sens. 743

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Il est dit ensuite qu’il a pu les résumer, mais il est prévu aussi qu’il a pu les amplilier, contracta lei amplificata : ne peut-on pas penser, à titre d’exemple, aux développements que le secrétaire pour le Code sacerdotal aurait introduits en vue de signaler les rapports de tels ou tels épisodes du passé avec les origines et l’histoire des institutions religieuses ? — II) Une autre question se présente naturellement à propos de l’utilisation de ces sources par Moïse : Quelle garantie leur insertion dans, le Pentateuque assuré-telle aux données empruntées à telle tradition orale, à tel document écrit ? Une chose est évidente : si la source était d’origine profane et même païenne, la sélection opérée par Moïse aurait eu pour but d'écarter, soit des récils, soit des codes, tous les éléments indignes du yahvvisme le plus pur. Si, par exemple, il s’agissait d’expliquer par une source commune, orale ou écrite, les ressemblances qui existent entre le poème assyrobabylonien du déluge et le récit delà Genèse, on pourrait, en comparant ces derniers, se rendre compte de l’importance des éliminations et des changements opérés par l’auteur inspiré. Mais le problème a une autre face : quelle valeur historique leur insertion dans le Pentateuque confore-t-elle, v. g., à tels récits concernant les patriarches, que l’on prendrait toute liberté de discuter si on les lisait dans les sources primitives ou si on les recevait directement de la tradition orale ? La réponse la plus simple et la plus naturelle paraîtrait être qu’en faisant un choix et un triage, l’auteur inspiré a voulu précisément éliminer les éléments qui ne pouvaient être l’objet de l’enseignement divin, parce qu’ils n'étaient pas conformes à la vérité. La conclusion serait alors qu’abstraction faite de minuties indifférentes à l’enseignement, l’insertion dans le Pentateuque des emprunts faits aux traditions et aux documents est une garantie de leur crédibilité. — i) Toutefois il paraît opportun de mentionner en ce contexte une décision antérieure de la Commission biblique (13 février 1906), relative aux citations implicites. Tout en se souvenant que de tels principes ne doivent pas être facilement invoqués et qu’il faut réserver soigneusement le jugement de l’Eglise, on pourrait songer à traiter ces textes comme des citations implicites, dont sans doute l’auteur sacré prend la responsabilité quand il s’agit des grandes lignes et des faits principaux, mais sans se prononcer pour tous les détails. Ce serait un nuire moyen de résoudre un certain nombre de difficultés, sérieuses à la vérité, mais se rattachante des sujets relativement secondaires sur lesquels l’Eglise ne s’est pas prononcée. Je citerais, à titre de spécimen, les listes relatives à la succession et à la longévité des premiers patriarches, ou encore le récit du déluge ; dans ce dernier cas, il ne s’agirait pas de nier le fait, cela va sans dire, mais de rendre plus aisée l’interprétation du récit (cf. A. Durand, Inerrance biblique, dans Dictionnaire Apologétique…, II, col. jSa sv., surtout 776-784).

4" L’intégrité du Pentateuque

80. — Une question délicate est celle des modifications que le Pentateuque a subies au cours des siècles. — a) Remarquons que la Commission parle d’authenticité et d’intégrité substantielles à sauvegarder. Tous nos lecteurs connaissent le sens de ces termes. L’authenticité concerne l’origine même du livre ; elle se dit avant tout d’un ouvrage qui est réellement de l’auteur dont il porte le nom. L’intégrité concerne l’histoire du texte ; elle se dit d’un écrit qui nous est arrivé tel qu’il est sorti des mains de son auteur. On peut concevoir une intégrité absolue, v. g.,

quand un texte, livré à l’imprimerie après que l’auteur a donné le bon à tirer, est délinitivement fixé par le clichage. Ce n’est ni d’une telle intégrité, ni d’une telle authenticité qu’il est ici question. La Commission n’exige que le maintien de l’intégrité substantielle ; elle laisse par conséquent déjà entrevoir des modifications qui peuvent être plus ou moins nombreuses, mais qui pourtant ne sauraient être telles, par leur multitude et leur importance, que ce qui constitue la substance du livre en soit altéré. Inutile d’ailleurs de remarquer que ce terme de substance est un peu indécis, que des variations pourront exister touchant l’interprétation qui en sera donnée. De môme qu’il parle d’intégrité substantielle, le décret parle d’aulhenticilé substantielle. Il est évident que les altérations qui porteraient atteinte à l’intégrité substantielle finiraient aisément par compromettre l’authenticité substantielle elle-même ; un livre pourrait être à ce point altéré qu’il ne représenterait plus du tout l'œuvre de l’auteur auquel il est attribué, et ne devrait plus être dit authentique. — i) On peut admettre que, dans un si long cours de siècles, des modifications se soient produites, ; ioh/(h// « s ei modificationes obvenisse. Le mol nonnutli est souvent et dans beaucoup de contextes classiques traduit par quelques : il semble toutefois qu’au point de vue de l'étymologie et eu égard au langage ecclésiastique, il serait exactement rendu par un ternie moins restrictif : des, diverses, plusieurs. La décision ne vise nullement la question du nombre et, au point de vue de la sauvegarde de l’intégrité substantielle, il faudrait sans doute attacher beaucoup plus d’importance à la nature des modifications qu'à leur quantité. Aussi bien les auteurs du décret n’ignoraient pas les multitudes d’altérations de détail que la critique textuelle révèle dans la plupart des écrits bibliques.

81. — <) ha. Commission prend soin de signaler quelques exemples de ces diverses modifications. Il sullit de mentionner ici les leçons fautives dues à la maladresse des copistes et qu’il est permis de rechercher et de fixer d’après les règles de la critique. On sait de reste que de telles altérations sont très nombreuses. Personne n’ignore non plus qu’elles remontent pour la plupart aux temps antérieurs à l'ère chrétienne, que, depuis le début de notre ère, depuis le deuxième siècle surtout, le texte hébreu canonique a été fixé ne yarietur : auparavant d’ailleurs, le texte de la Loi était déjà copié avec une sollicitude toute particulière. — d) Il n’y a pas davantage à insister longuement sur les mots et formes de discours traduits d’un style vieilli en un style plus moderne. Notons d’abord que le cas n’a rien de chimérique. Sans doute les manuscrits que nous possédons du texte massorétique sont trop restreints pour que nous puissions nous livrer à des comparaisons propres à éclairer le sujet. Mais, parmi les fragments hébreux de l’Ecclésiastique découverts depuis 1896, nombre de feuillets se rattachent à un manuscrit(B) très soigné et pourvu de notes marginales. Or plusieurs de ces notes invitent précisément à substituer à des termes classiques des mots plus récents. II est question, au sujet du Pentateuque, non seulement de mots, mais de formes de discours, et c’est tout aussi facile à concevoir. Une remarque ne sera pas inutile concernant la période durant laquelle les documents auraient existé à l'état séparé. L'œuvre de rajeunissement peut être envisagée comme se poursuivant d’une manière progressive, et alors il y aura des termes et locutions remontant à toutes les périodes ' de l’histoire de la langue hébraïque. Mais il est permis de penser à un travail de revision s’exerçant à un moment donné sur tel ou tel document et

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contribuant dès lors à lui assurer une physionomie nouvelle et très caractérisée. On peut songer par exemple à une revision du Code sacerdotal exécuti’e durant l’exil, par ces prêtres lévitiques qui, sous l’intluence d’Ezéchiel, se préoccupaient de préparer la restauration du culte et de garantir l’observation aussi parfaite que possible des anciennes règles liturgiques. L’un des moyens les plus ellicaces pour atteindre cette dernière lin était de procurer de ces lois une rédaction aussi claire que possible, aussi adaptée que possible aux exigences du temps. Gela voudra dire d’abord qu’on remplacera les mots et formes d’une allure trop ancienne et d’une intelligence trop diflîcile par des éléments du langage actuellement parlé : cela voudra dire encore et, par voie de conséquence, qu’on uniûera la langue des divers codes et spécialement la terminologie technique des rubriques. De ce travail de revision, le Code sacerdotal sortira avec une forme très caractérisée, avec un style à lui, une langue à lui. A propos de ces transformations, le décret ne parle pas d’auteurs inspirés ; il faut du moins supposer, pour quiconque opère des retouches susceptibles, par leur nombre BU leur nature, d’altérer notablement l’œuvre mosaï[jue.un secours surnaturel qui le prémunisse contre

:e danger. — e) Jusqu’ici il n’a été question que

i’allérations accidentelles ou de substitutions d’éléments secondaires. La Commission envisage aussi l’hypothèse d’additions proprement dites. Elle en distingue d’abord un groupe qui, lui non plus, ne parait pas réclamer l’intervention d’auteurs inspirés ; elle parle de gloses et explications insérées dans le texte. II y a une réelle ailinité entre cette catégorie et la précédente ; c’est ainsi que le travail de revision dont nous parlions à propos du Code sacerdotal s’imagine dillicilement sans qu’il soit question d’annotations introduites pour expliquer des rubriques et des usages anciens. Mais le sujet est envisagé ici avec plus d’ampleur. Il ne s’agit plus seulement de jloses destinées à élucider et à mettre à jour les textes législatifs. Mais on peut encore penser à ces notices, archéologiques, historiques, géographiques, ethnographiques, etc., qui avaient déjà attiré l’attention des rabbins et auxquelles les premiers adversaires de l’authenticité mosaïque attachèrent tant l’importance.

82. — f) L’étendue de ces gloses et annotations sera nécessairement restreinte ; elles ne constitueront pas ce que l’on pourrait appeler des « parties » ie l’Ecritiire. Autrement elles rentreraient dans le domaine des additions qui réclament, en conformité ivec la doctrine de Trente, l’intervention d’un auteur inspiré. Le décret admet, en effet, l’hypothèse de telles « additions faites, après la mort de Moïse, mais par un auteur inspiré ». L’exemple typique sera pré31sément le récit de la mort de Moïse, au dernier chapitre du Deuléronnme : il y a longtemps qu’il a attiré l’attention des exégctes. Il ne saurait toutefois être regardé comme une sorte de norme, indicatrice des proportions et de l’importance que peuvent avoir de telles additions. La seule réserve imposée, ici comme précédemment, est la sauvegarde de l’intégrité substantielle du Peniateaqiie.

83. — ^) Au sujet des lois sociales et religieuses, la question est assez simple. Il se peut agir d’une loi ou d’un complément de loi qu’on rédige exprès pour l’introduire dans le code à côté d’une ordonnance similaire ; tels pourraient être divers règlements de la fête des Tabernacles, destinés à préciser, pour une époque tardive, des usages antérieurs. En d’autres cas, une loi déjà existante, transmise par tradition ou même rédigée par écrit, aura été insérée après coup dans le grand recueil sacerdotal. S’il était

prouvé que les sacrifices pour le péché et pour le délit ne remontent pas aux origines de la théocratie, les règlements qui se rapportent à ces sujets fourniraient d’excellents exemples de telles additions ; ni elles n’altéreraient l’intégrité substantielle, ni elles ne seraient contraires à l’esprit de l’œuvre mosaïque.

84. — /i)Le problème est plus complexe quand on envisage les additions faites aux récits. Il n’y a pas à supposer que celui qui les a introduites les ait tirées de son propre fonds. Il faut plutôt admettre qu’à l’ouvrage déjà constitué, il a ajouté des compléments empruntés aux documents qui auraient encore subsisté à l’état isolé ; semblables additions ne semblent devoir créer aucune dilliculté.

85. — Mais, en un certain nombre de cas, ne faut-il pas aussi penser à des sources non inspirées, écrites ou orales ? Le problème se complique alors à raison des valeurs fort diverses que peuvent avoir ces sources. On sait de reste que, surtout après l’exil, les récits des origines du peiiple de Dieu ont été fré quemment repris et souvent surchargés d’abondantes amplifications. Les exemples sont nombreux dans la littérature apocryphe, en des recueils tels que le Livre des Jubilés, l’Assomption de Moïse, les Testaments des Douze patriarches, etc., sans parler des écrits de Josèphe et de Philon. Mais il est plus intéressant de voir à l’œuvre des auteurs de livres canoniques. Négligeant certains psaumes déjà instructifs à cet égard (f 5., lxxviii [lxxvii |, cr [civ], cvi [cv], etc.), allons directement au livre grec de la Sagesse de Salomon. La troisième partie de cet ouvrage a pour objet les manifestations de la Sagesse divine dans l’histoire. L’un des thèmes le plus longuement développés est le contraste entre la manière dont Dieu traite les païens idolâtres et les faveurs qu’il réserve au peuple fidèle. C’est dans ce cadre que prennent place de nombreux souvenirs de l’exode. Or il est rare qu’en les rapportant, l’hagiographe n’ajoute pas aux données fournies par le Pentateuque. Malgré tout l’intérêt qu’il y aurait à entrer en quelques développements, bornons-nous à emprunter un exemple au récit des plaies d’Egypte. La plaie des lénèlires est sommairement décrite dans l’Exode : « Et Yah weh dit à Moïse : « Etends ta main sur le ciel et qu’il

« y ait ténèbres sur la terre d’Egypte et qu’on sente
« (touche) les ténèbres ! » Kt Moïse étendit sa main

sur le ciel et il y eut ténèbres obscures sur toute la terre d’Egypte pendant trois jours. L’on ne se voj’ait pas l’un l’autre et personne ne se leva de sa place pendant trois jours ; mais pour tous les enfants d’Israël, il y eut lumière dans leurs séjours. » {£x., x, 21-23.) La Sagesse ajoute beaucoup de détails (^Sap., XVII, i-xviii, II). La plaie surprend les Egyptiens au milieu de leurs projets d’oppression ; ils se trouvent subitement enchaînés par les ténèbres et restent sur leurs couches, enfermés dans leurs maisons (xvii, 2), séparés les uns des autres (xvii, 3) et d’autant plus accessibles à la crainte (xvii, 4). De fait, des bruits effrayants (xvii, 4), des fantômes (xvii, 3), des spectres aux visages lugubres (xvii, 4) l^s obsèdent. D’ailleurs, pas n’est besoin de phénomènes extraordinaires : le passage de petits animaux, le sifflement des serpents suffît à les effrayer (xvii, g ; cf. vers. 17, 18). Un sort commun enveloppe ceux qui sont dans les maisons, petits et grands, pauvres et seigneurs (xvii, 13-15) ; ceux que leurs occupations ont conduits aux champs sont pareillement retenus par la puissance des ténèbres (xvii, 16). Celles-ci sont à ce point épaisses que ni feu, ni astre ne peut éclairer la nuit profonde (xvii, 5) ; de temps en temps pourtant, la vision de masses de feu (des éclairs ?) ajoute d’autant plus à l’effroi qu’on n’en reconnaît pas la cause (xvii, 6). Bref la terreur est 747

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telle qu’on ferme les yeux pour ne pas voir (xvii.g). Alin de rendre plus sensible l’intervention divine, l'écrivain sacré note que, pendant ce temps, le vent continue de souffler, l’oiseau de faire entendre des chants mélodieux, l’eau de couler, la pierre de rouler, l’animal de courir et de gambader, le fauve de rugir, l'écho de répercuter tous ces sons(xvii, 17, 18). La paix règne, d’autre part, dans le reste du monde (xvii, 19) tandis que les Egyptiens ont devant eux l’image de l’obscurité qui les attend au i » 'o7(xvu, 20). Quant aux Israélites, ils sont en pleine lumière partout où ils résident, — on dirait au milieu des Egyptiens eux-mêmes, — si bien que ceux-ci doivent reconnaître la main du Seigneur (xviii, i-^). Notons encore une curieuse addition touchant la manne : elle procurait toute jouissance et s’appropriait à tous les goûts ; s’accommodant au désir de celui qui la mangeait, elle se changeait en ce qu’il voulait (Sap., XVI, 20, 21). Cette donnée cadre difficilement avec ce que les yombres disent et de la saveur du pain céleste et du dégoût que les Israélites finirent par en éprouver (.um., xi, 6, 8). — /) Toutes ces données sont fort intéressantes ; mais où donc l’auteur de la Sagesse les a-t-il puisées ? Certains de ses développements pourraient n'être que des commentaires des textes anciens, dont on devrait lui attribuer la responsabilité. Il faudrait quand même se demander si ces détails présentent les mêmes garanties de vérité historique que ce qui est emprunté à ' Exode ; plus d’un exégète catholique estimerait peut-être que de telles particularités, au caractère très secondaire, ne sont objet d’enseignement proprement dit, ni pour l’auteur, ni pour l’Esprit inspirateur. Mais cette solution ne peut rendre raison de tous les cas. Plusieurs des additions de l’hagiographe correspondent étroitement à ce qu’on peut lire dans Josèphe, dans les rabbins et surtout dans Philon. Il faut évidemment songer à des traditions conservées, oralement ou par écrit, et que ces auteurs ont exploitées. Un critique catholique allemand, M. Heinisch', a prononcé le nom de midras. On sait qu’un m’idras est un développement plus ou moins artificiel des récits bibliques, en vue de rendre plus sensible l’action de Dieu dans la vie de son peuple ; ces ampliUcations procèdent souvent par manière de grossissement, surtout quand il s’agit de miracles. Mais si l’auteur de la Sagesse a fait des emprunts au midras, leur at-il conféré une autorité historique qu’ils n’avaient pas auparavant, une autorité que personne ne songe à attribuer à ces sortes de productions ? Ne penserat-on pas qu’en insérant ces détails, il a voulu édifier sans prétendre ajouter à l’enseignement de la Loi elle-même ? N’est-ce pas le cas de signaler encore les principes de solution prévus par les décisions de la Commission biblique relativement aux genres littéraires et aux citations implicites et de rappeler que la nature spéciale du livre de la Sagesse peut suggérer le recours à ces principes ?

86. — A) Mais, on le sait, le genre midras n’a pas pris naissance seulement aux dernières années de l'ère ancienne. L’auteur des Chroniques connaissait déjà ces sortes de produits littéraires ; il en a inséré des extraits dans son œuvre (II Cliron., xiii, 22 ; xxiv, 27). Tout porte à croire que, dès l’origine, à ce que les Livres Saints racontaient des ancêtres d’Israël et de la formation du peuple de Dieu, les traditions populaires ajoutaient d’autres détails, analogues à ceux dont les midràsim devaient plus tard s enrichir. Peut-on penser que telles ou telles de ces

1. Cf. D' Paul Heinisch, Das Buch der Weisheii ûbersetzt und erkldrt (dans Exegetisches Handbuch zum Allen Testament du D' Johannes NiKEL, p. -127).

traditions aient pris place, sous forme d’additions, dans l’un ou l’autre document du Pentateuque, un peu comme dans les dissertations de la Sagesse ? Peut-on penser que le lait de leur insertion n’a pas changé leur caractère d’amplifications, dont tous les détails n’auraient pas la même valeur que le contenu des récits authentiques ? Peut-on penser, par exemple, que l’on trouverait en cette hypothèse la solution de certaines difficultés spéciales aux récits du document sacerdotal, telles que le grand nombre des Israélites mis en mouvement dans le désert du Sinaï, le caractère en apparence artificiel de certaines particularités des marches et des campements, les différences que l’on relève entre les récits parallèles du Code sacerdotal et des autres documents, etc.? La question vaut la peine d'être posée, alors même que l’on n’oserait prendre la responsabilité de formuler une solution. J’en dirai autant des problèmes qui vont suivre. 87. — II reste, en effet, à se demander quelle peut être l’importance des additions. Nous l’avons déjà dit. La Commission ne se prononce ni sur leur nombre ni sur leur étendue ; elle se borne à exiger la sauvegarde de l’intégrité substantielle du Pentateuque. Dès lors, une certaine latitude est laissée à l’appréciation des exégètes catholiques. Mais jusqu’où peut-on aller sans mettre en péril l’intégrité substantielle ? La question ne laisse pas d'être difficile à résoudre. — m) S’il s’agit des parties législatives, il est à prévoir que les exégètes catholiques ne feront pas difficulté de reconnaître que l’on ait introduit un certain nombre de lois nouvelles dans les codes anciens. Mais peut-on aller plus loin et admettre, à une date éloignée de Moïse, la revision d’un code, non pas seulement limitée à un renouvellement de la forme extérieure, comme nous l’avons supposé à propos de la loi sacerdotale, mais s’altaquant au fond luimême ? L’exemple typique serait fourni par la section législative du Deutérunomc. Nous avons précédemment remarqué qu’il se présentait comme une sorte de récapitulation de la loi sinaïtique, faite par Moïse dans les plaines de Moab, en vue de la Terre Promise. Nul doute qu’il ne faille retenir cette donnée. Mais ne pourrait-on pas la restreindre à un noyau du livre actuel, à un code analogue, par l'étendue et par le contenu, au Code de l’alliance ? L'œuvre actuelle se présenterait comme un travail de revision dans lequel les modifications et les additions auraient eu pour but d’adapter le code primitif aux besoins de la société judéenne, au début du septième siècle. Réalisé à la fin du règne d’Ezéchias en vue d’une application immédiate, le lésultat de ce travail de revision aurait été déposé au Temple pendant la persécution de Manassé, puis retrouvé par Helcias en 622. Que penser de ces théories et dans quelle mesure seraient-elles compatibles avec une interprétation sincère du décret de la Commission biblique ? Ce sont encore des questions pour lesquelles nous n’oserions pas formuler de réponses. — n) Il en est de même de celles qui ont trait aux sections historiques du Pentateuque. Nous avons pratiquement admis plus haut que le fond des parties narratives du Yahwiste, de VElohiste, du Code sacerdotal remonlail à Moïse et à ses secrétaires, que c'était à ces derniers que les documents devaient leurs caractères distinctifs. Il est évident que cette interprétation demeure la plus sûre. Mais est-il impossible d’envisager une autre solution ? Les critiques ont unanimement signalé les nombreux points de contact de toutes sortes qui existent entre le document élohiste, dont ils placent l’origine dans le royaume du Nord, et le document yahwiste, qui aurait vu le jour en Juda ; on sait aussi qu’ils en séparent la composition par un siècle de distance au plus. Serait-il

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légitime de ne faire remonter à Moïse que le prototype de ces documents', d’expliquer les particularités qui caractérisent chacun d’eux par un double travail de revision, opéré sur ce prototype et avec des préoccupations sensiblement dilTérentes, dans les milieux prophétiques d’Israël et de Juda ? Une hypolluse analogue pourrait elle cire invoquée pour rendre compte de l’allure assez spéciale du Code sacerdotal : ' Laquestion peut se poser^, mais il nous semble que la solution allirmative ne serait pas selon l’esprit de la Coinniisfiou : c’est par l’hypollièse des secrétaires qu’elle paraît vouloir expliquer toutes ces différences. o) La réponse de la Commissinn suggère de

réserver le jugement de l Eglise quand on émet des opinions touchant les additions que le Pcntateuque a pu recevoir. Cette réserve nous paraît s’imposer avec non moins de force à propos des questions que nous ne faisons que proposer ; elles sont assez graves pour que l'énoncé lui-même en soit timide et modeste.

X. Après le décret de la Commission biblique

88. — Le décret de la Commission allait devenir, cela va sans dire, la règle de l’enseignement catholique. Il est intéressant, par conséquent, de voir com ment on allait l’interpréter. — o) Le premier travail un peu im[i()rtant qui en ait suivi la promulgation me paraît être l’article Peutateuqiie de M. Mangbnot, dans le Dictionnaire de la Bible, article bientôt suivi du volume VAulhenlicité mosaïque du Pentaieuque (1907). Entre autres questions, l’auteur y traite de la note qui' convient à la thèse traditionnelle. L’origine mosaïque de certains éléments du Pentateuque, de ceux notamment que l’Ecriture attribue directement au prophète, s’impose comme une vérité de foi divine. Pour l’ensemble de l’ouvrage, le fait même que la Commission s’en est occupée prouve que le problème n’est pas purement littéraire, mais que c’est une question religieuse, doctrinale même en quelque façon, et qui n’est pas libre dans l’Eglise catholique. D’autre part, comme la Commission n’articule aucune note particulière, on jouit d’une grande liberté d’appréciation dès que l’on regarde comme ne pouvant être soutenue sans témérité théologique la thèse opposée à l’origine mosaïque. L’authenticité s’impose-t-elle au nom de la foi divine ? Il ne semble pas qu’on puisse le dire avec certitude. Est-elle théologiquement certaine ? On peut le dire, bien que la Commission ne l’ait pas déclaré. Au moins faut-il reconnaître que c’est une opinion commune ; c’est la note la plus inférieure qui soit attachée à une thèse appartenant en quelque chose à la révélation. Quant à la nature et aux limites de l’authenticité mosaïqiie substantielle, aux modifications et additions, M. Mangenot croit admissibles, entre autres théories, celles des PP. Brucker et de Hummelauer.

89. — /') L’année 1907 vit encore paraître L’Eglise

1. Dans son introduction au Deuirronomc (p. 153), antérieure au décret de la Commission biblique, le P. de Hummelauer, envisageant l’hypollièse des documents J et E, expliquait leurs différences pur la théorie des sot-rétaîres de Moïse. Toutefois, prenant en considération l’opinion d’après laquelle l’un de ces documents serait plus ancien que l’autre, il ajoutait : « In liiic hypothe « i unica illa primigenia narratio facilius Mojsi concedelur Quctori, sed magnum dillicultatem patitur illa narrationis diiBssio ac postmodum restitutio. »

2. Dans cette hypothèse, il resterait encore place pour la plurnlîlé des scribes. Mais les objets de leur activité seraient différents, les uns se partageant les diverses périodes de l’histoire inclue dans le Pentateuque, les autres travaillant aux diverses collections législatives.

et la Critique biblique (Ancien Testament), ouvrage important dans leciuel le P. Brucker, reprenant plusieurs des théories qu’il avait jadis émises, les comparait avec les décisions récentes. — v) Les trois conditions indiquées par la Commission dans l’hypothèse des secrétaires, — conception du travail par Moïse, contrôle sur l’exécution, approbation, — sont présentées comme suffisantes, non comme nécessaires. En réalité, pour être qualifié en toute justice du titi’c d’auleur, deux conditions sont nécessaires et suffisantes : avoir procuré eihcacemenl la composition d’un livre, soit par son propre travail, soit par mandat accompagné de suggestion des idées (professeur chargeant un de ses élèves de reproduire ce qu’il lui entend improviser), soit par mandat seul (pape demandant à un de ses secrétaires de rédiger une bulle sur un sujet donné) ; avoir approuvé le livre de manière à manifester clairement qu’on en |)rend la responsabilité. S’il s’agit des auteurs bibliques, il faut en plus l’inspiration divine. — /?) L’hypothèse des secrétaires, complétée par celle des sources, permet de rendre compte d’un certain nombre de différences de fond, secondaires à la vérité mais réelles, que les critiques signalent entre leurs documents ; surtout elle explique les divergences de langue, de style, de procédés d’exposition dont il est impossible d'éluder l'évidence. Cette hypothèse pourrait, de ce chef, donner satisfaction à ceux qui, tout en reconnaissantles quatre documents, s’efforcent d’en sauvegarder l’inspiration et la vérité historique ; il suffirait d’admettre que les quatre documents doivent à Moïse lui-même ou à ses secrétaires leur être, au moins quant à l’essentiel. — /) Il se peut que les trois ou quatre écrits aient longtemps existé séparément et il n’est pas interdit de retarder le moment de leur fusion complète et définitive jusqti'à l’exil ou jusqu'à l'époque d’Esdras. Aucun témoignage de l’Ecriture ne les signale comme réunis avant cette date. — S) Une si longue histoire n’a pas manqué d'être mouvementée et le travail de fusion ne s’est pas fait sans des manipulations et des modifications dans les éléments. L’essentiel est que ces vicissitudes n’aient pas porté atteinte à la substance du dépôt sacré. L’intégrité substantielle est avant tout l’intégrité doctrinale ; il faut exclure toute corruption de la doctrine inspirée. Quant aux interpolations qui, sans l’altérer, porteraient sur la doctrine, elles sont de la catégorie pour laquelle il convient de faire intervenir un auteur inspiré. En revanche, d’une manière générale et sauf des exceptions faciles à justifier, l’intégrité substantielle ne paraît pas intéressée à la forme même des livres. On peut admettre, pour des écrits d’un usage constant, un travail de rajeunissement successif du langage qui, sans avoir fait disparaître toutes les traces d’archaïsme, ait modifié la forme extérieure du texte et abouti à lui donner le revêtement d’un style récent ; il convient de rappeler que, malgré leur respect pour les Livres Saints, les copistes d’avant notre ère ont procédé avec beaucoup plus de liberté que ceux de la période rabbinique. Aussi bien ces modifications n’ont pas atteint au même degré tous les documents ; les textes légaux ont eu besoin d'être plus constamment mis à jour que les autres et cela peut expliquer qu'à part quelques restes d’antiquité, le Code sacerdotal se présente avec la teinte de l'époque des derniers prophè'es et du temps de l’exil. — e) Rien n’empêche non plus d’admettre, réserve faite de ce qui touche à la substance, des modifications dans le fond, soit de la doctrine et de la législation, soit de l’histoire. 90. — c) Dans l’article Genèse qu’il a publié dans le Dictionnaire de Théologie cntlioUque(<)i ! ^, iomeVl, col. I185-ia21), M. Mangenot nous paraît traiter et 751

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résoudre le problème dans le même sens que le docte Jésuite (cf. surtout col. 1 1 96, 1 1 96). — rf) On peut dire que telles ont été les principales manifestations de l’opinion catholique, louchant la question qui nous occupe, pendant la période qui a suivi le décret. Elle n’a pas été féconde en travaux sur le Pentaleiirjiie. M. HoBERG, dans la 2" éd. de Die Genesis nacli dem lileralsinn erkliirt (igo8), continue d’admettre que le Penlateuque actuel n'émane pas de Moïse selon tout son contenu et reconnaît des additions de morceaux historiques et de lois ; d’autre part, il consent à ce que Moïse se soit servi de sources écrites. En revanche, il rejette l’hypothèse de sources réunies par un rédacteur ; un rédacteur est pour lui presque nécessairement un faussaire. Au regard de M. Engelkempkk (Heitiglum iind Opferstùtien in den Gesetzen des Pentateucli, 1908), il serait, en certains cas surtout (v. g. à propos des lieux de culte), moins important de soutenir que Moïse a rédigé le l’cntaleuque tel que nous le lisons, que de prouver qu’il a vraiment édicté les lois qui s’y trouvent. Encore peut-on admettre que quelques lois ont été ajoutées dans le cours des siècles. Il parle de lois insérées vers la fin de la période des Juges, d’une nouvelle rédaction du Deiiléronome peu avanll’exil, etc. Dans une tout autre direction d’idées, M.Arthur Allgkier [i’ber Doppelberichte in der Genésis, 1911) soutient que les prétendus récits en double de la Genèse n’existent pas et qu’ils seraient incompatibles avec la notion d’inspiration.

XI. Conclusions

91. — Au terme de cet exposé, il nous parait utile de formuler avec précision nos conclusions. Nous nous placerons nettement sur le terrain apologétique. Ce que nous avons dit jusqu’ici met sudisammenl en relief, ce nous semble, les directions proposées aux savants etexégètes catholiques lorsqu’ils traitent entre eux des graves problèmes du Pentateuqiie. Mais il est intéressant de déterminer en quels points d’une spéciale fermeté il faut placer les postes avancés de la défense catholique, en quels points aussi on a le plus de chances de rencontrer, en des entrevues paciliques, ceux qui, lassés des aventures d’une critique échevelée mais n'étant pas disposés à recevoir les directions de l’Eglise Romaine, cherchent néanmoins un terrain sûr et reposant. Nous ne ferons qu'énoncer ces conclusions. La seconde partie de notre travail en sera le plus souvent le développement et la mise en œuvre.

93. — 1° Non seulement on peut et on doit mettre Moïse au point de départ de la grande œuvre religieuse, morale, sociale, législative, nationale, que notre Penlateuque lui attribue, mais encore on peut et on doit le mettre au point de départ de l'œuvre littéraire que représentent les cinq premiers livres de notre Canon, on peut et on doit lui attribuer une part dans leur composition. Le temps est passé où, sans exciter de surprise, d’aucuns se demandaient si, après avoir séjourné en Egypte pendant de si longues années, cet esprit éminent était capable d'écriture et de production littéraire. Le temps est passé où ils pouvaient à ce point méconnaître l’importance de son intervention qu’ils consentissent à admettre qu’il ne s'était pas préoccupé de fixer en un texte les bases de la constitution qu’il voulait donner à son peuple.

93. — 2" Sous le bénéfice de cette première remarque, il est légitime et il est à propos d’envisager la théorie documentaire de la composition du Pentateuque. Inutile de méconnaître que les arguments mis en avant par les critiques sont impressionnants. En une multitude de détails, sans doute, leur distinction

des sources prête le flanc à des objections nombreuses et graves ; mais, pour ce qui est des grandes lignes, et c’est ce qui importe, l)eaucoup d’esprits calmes et impartiaux jugent que le point de départ de leur sj’stème est fondé.

94. — 'i" L’activité littéraire de Moïse s’est d’abord exercée dans le domaine de l’histoire. Il est deux documents dont les critiques admettent volontiers l’antiquité relative : VEluhisle et le Yaiuviste, Mais l’antiquité qu’ils leur attribuent est trop récente. Ce n’est pas au viii" siècle ou au va" seulement que l’on peut et que l’on doit remonter, c’est au temps de Moïse. Les critiques trouvent souvent les preuves d une date plus récente dans le niveau élevé des idées religieuses qui se font jour en ces beaux récits. Ce faisant, ils nous semljlent méconnaître la haute pensée religieuse et sociale de celui qui mit le Yahwisme moral à la base de la constitution même de son peuple. Sans doute il serait peut-être dillîcile de prouver invinciblement que VElohiste et le Yalixiste remontent tous deux à Moïse et de réfuter une o|>inion d’après laquelle ils représenteraient comme deux versions, deux interprétations, d’un seul document mosaïque. Peut-être qu'à la rigueur l’apologétique se pourrait contenter de cette opinion. Peut-être serait-ce à l’avantage de VElohiste (au moins de E') qui, à raison de son caractère plus complètement dégagé des attaches locales, aurait chance de représenter plus fidèlement le document primitif. On aurait toutefois le droit et le devoir de remarquer qu'à prendre les clioses en elles-mêmes, rien ne s’oppose à ce que les deux sources aient pour point de départ deux relations de l'époque du grand fondateur.

93. — !)" Nous sommes déjà bien loin, il est aisé de le reconnaître, de l’opinion de M. Steuernagel et des critiques d’extrême gauche. Nous nous en écarterons davantage encore dans la position que nous prendrons au sujet de la valeur historique de ces documents. Laissons de côté ce qui concerne les patriarches, dont nous n’avons pas à nous occuper ici, mais dont nous tenons l’histoire pour très objective. Pour ce qui regarde l'époque mosaïque, on peut et on doit traiter ces documents comme dignes de toute confiance. Loin d'être un tissu de données légendaires, parmi lesquelles il serait dillicile de discerner un fonds historique plus ou moins appréciable, on peut et on doit admettre qu’ils nous fournissent une représentation, partielle sans doute, fragmentaire, incomplète, mais exacte, de l'œuvre et de la carrière de Moïse.

96. — 5° Cette constatation ne doit pas nous faire perdre de vue un autre fait. Les critiques, on le sait, signalent d’assez nombreuses divergences de stj’le et de fond entre les documents. D’une part de' ces difîérences la Commission fournit l’explication en permettant d’admettre, à la base du Penlateuque, l’intervention de plusieurs secrétaires de Moïse ; elle fournit le moyen d’en expliquer une autre part en reconnaissant la possibilité de modifications et d’additions survenues aiirès coup dans les œuvres de ces scribes. Dans l’un et l’autre cas, les différences ne doivent pas porter atteinte à la substance même des faits. C’est la seule limite qui soit tracée d’avance aux constatations que peut faire une critique sage et judicieuse. Rien d’ailleurs n’empêche de rattacher à une période déterminée le plus grand nombre des modifications qui ont contril)ué à donner à ces documents leur physionomie définitive. On peut en conséquence penser que le Yahtviste et VElohiste ont pris leur forme actuelle aux ix' et vin' siècles, c’est-à-dire aux dates que les critiques marquent pour leur éclosion. On expliquera par là, si l’on veut, les traits et caractères de ces documents qui les rapprochent de la 753

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littérature prophétique. Il est, d’autre part, tout à fait loisible d’admeltre, si l’on s’y croit fondé au point de vue criLi(]ue, que, vers le milieu du vif siècle, ces deux documents ont été fondus en un seul récit (.lE).

97. — 6° La reconnaissance des documents et de leurs divergences entraîne des conséquences quant à leur utilisation. Sur ce terrain plus qu’ailleurs, la prudence et la discrétion seront les règles de l’exégèle catliolique ; mais il ne faut pas hésiter à formuler les principes. Il n’y a pas de raison de se refuser à admettre que, soit par respect pour leurs sources, soit pour d’autres motifs, les rédacteurs ont pu conserver deux recensions du même récit ; en d’autres termes, rien n’oblige à exclure a priori la présence des doublets. D’autre part, quand il s’agit de recueillir les données de ces récits parallèles, l’historien ne doit pas se croire obligé de juxtaposer les renseignements particuliers aux divers documents, comme s’ils devaient nécessairement se compléter les uns les autres. Souvent, au contraire, il devra faire abstraction de ces divergences pour s’attacher à la substance même des faits.

98. — 7° Le cas des sections historiques du Code sacerdotal est plus complexe. Les critiques y reconnaissent une part dont le fond est le même que celui du Yahwiste et de VElohiste. Il serait dillicile sans doute de les amener à voir dans ces récils autre chose qu’un remaniement de ceux qui ont pris leurs premières formes dans les documents dont nous venons de [larler. Ici encore, toutefois, on aurait le droit de faire remarquer qu’à prendre les choses en elles-mêmes, rien ne s’op[iose à ce que cette source ait pour point de départ une troisième relation de l’époque du grand fondateur de la nation israélile. Une eonséipience en découlerait au point de vue de l’utilisation pratique de ces sections. Le secrétaire de Moise auquel elles remonteraient pouvait poursuivre un bvit spécial en sa rédaction ; mais, au point de vue de la fidélité, il se trouvait exactement dans les mêmes conditions que ses collègues. C’est donc à d autres considérations qu’il faut recourir pour expliiiuer certaines particularités que les critiques se plaisent à relever. Cette explication pourrait être fournie par les modifications et retouches que ces récits auraient subies au cours des siècles et spécialement à une époque déterminée, v. g. au temps de l’exil.

99. — 8° Les critiques, d’autre part, admettent pour les récits du Code sacerdotal des emprunts faits à des sources particulières, autres que J et E. Rien n’empêche de supposer de telles additions ; rien ne s’oppose non plus à ce que l’on reconnaisse des insertions qui tirent leur origine de la tradition orale. La seule garantie exigée est que ces additions, si elles sont tant soit peu notables, aient été faites par un auteur inspiré.

100. — 9" Quand il s’agit d’apprécier la valeur historique des changements que ces modifications et ces additions ont apportées à la teneur primitive de l’histoire, diverses considérations sont à faire. Il faut se demander si l’auteur inspiré qui a fait ces additions a voulu, non seulement consigner une tradition, mais encore la prendre sous sa responsabilité, la faire entrer dans son enseignement. Au cas où l’on constaterait avec la certitude voulue que l’auteur sacré ne s’est pas prononcé, il y aurait à voir si l’on ne se trouve pas en présence d’un développement analogue à ceux qui se rattachent au genre midraschique, ou encore en présence d’un épisode relevant d’un autre genre littéraire. On sait, v. g., qu’à propos des éjjisodes des filles de Salphad, on a parlé de cas de conscience (.Vi/m., xjcvii, i-ii ; xxxvi). Il va de soi que les conclusions auxquelles on

aboutirait, en ces constatations, ne sauraient porter atteinte à la substance même de l’histoire.

101. — io° l’arrai les documents légaux, il en est un qu’il faut tout d’abord mettre à part pour en revendiquer l’authenticité mosaïque. C’est le Décalogue. Débarrassé des quelques amplifications qu’il a reçues dans l’Exode et le Dcutéronome, le Dccalugiie primitif n’est autre chose, en dehors du précepte du sabbat, que l’énoncé des conséquences les plus fondamentales de la notion du Dieu unique, jaloux et moral, que Moïse a mise à la base de son enseignement. D’autre part, il faudrait avoir des certitudes bien précises sur l’origine du sabbat pour prétendre qu’il n’en pouvait être question à l’époque des migrations du.Sinaï, pour soutenir que la seule présence d’une ordonnance relative au sabbat nous ramène ou temps de l’exil. Autre est la date à laquelle remonte le principe même de l’institution, autre l’époque à laquelle certaines modalités ont prévalu dans la pratique.

lOS. — 11° On peut et on doit pareillement faire remonter à Moïse le Code de l’alliance. Nous pensons à ses éléments principaux ; il est fort possible que divers préceptes aient été ajoutés dans la suite en vue de l’adapter à des circonstances et à des besoins nouveaux. Les points de ressemblance avec la loi de llamraourapi montrent que, longtemps avant l’époque de l’exode, beaucoup des législations du Code de l’alliance faisaient partie du patrimoine commun des races sémitiques. D’autres ordonnances se rattachent à ces usages des nomades qui remontent à une haute antiquité et qui n’ont cessé de prévaloir jusqu’à nos jours. Quant aux règlements qui se rapportent à l’agriculture, ils suggèrent deux remarques : d’abord que, conformément aux indications de la Genèse, les Hébreux du temps de Moïse étaient plutôt des seminomades, en voie de se fixer, que des nomades proprement dits ; ensuite que, dans ses législations, Moïse avait en vue leur prochain établissement. — Les mêmes réflexions s’appliquent au petit Code de la rénovation de l’alliance. (Ex., xxxiv, i 1-26)

103. — 12* A propos du Denléronome, on peut et doit admettre cette donnée des sections historiques qu’un rappel de la Loi et une rénovation de l’alliance ont pris place dans les plaines de Moab, qu’un nouveau code a synthétisé les obligations sur lesquelles Moïse voulait provoquer de nouveaux engagements. Quelle était l’étendue de ce code ? Il se peut que, par ses proportions et par les préceptes qu’il mettait en relief, il rappelât d’assez près le Code de l’alliance^. Dans cette perspective, la plupart des lois nouvelles qui figurent en notre Deuiéronome auraient été insérées à des dates postérieures pour faire face à des besoins nouveaux. Il est tout aussi permis de s’arrêter à l’époque de Josias (Engelkemper ) qu’à celle de Samuel (de Hunimelauer). D’ailleurs de telles additions se conçoivent, mieux que de toute autre façon, dans l’hypothèse d’une revision générale de la législation. Il va de soi que nous n’adhérons pas pour autant aux théories si compliquées et d’ailleurs si spéciales de M. Steuernagel.

104. — 13° D’une part, rien ne s’oppose à ce qu’un bloc assez considérable des ordonnances qui figurent au Code sacerdotal remontent à Moïse ou même aux temps antérieurs ; il s’agit surtout des

1. Le Code de la rcnovatlon d^ l’alliance ne se borne-t-il pas déjà à renouveler les ordonnances les plus fondoiLientales du Code de l’alliance ? Il n’est pas s.’ins intérêt de rappeler que certains critiques rattachent le Code de l’alliance aux plaines de^loab comme 6 son contexte primitif et aussi que certains critiques traitent le Deuléronome comme une revisio.i du Code de l’alliance. 755

MOÏSE ET JOSUE

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règlements qui consacrent des pratiques cultuelles d’un usage général dans les milieux sémitiques. Mais, d’autre part, aucune partie des codes du Penlateuque n’est plus aple que le rituel à recevoir de nombreux accroissements au cours des siècles. On pourrait en conséquence, si un examen sérieux suggérait une telle adhésion, souscrire à bon nombre des conclusions des critiques touchant les travaux de coordination, de revision, d’amplilication, auxquels les diverses sections du Code sacerdotal auraient été soumises dans la suite des temps, notamment pendant l’exil et à l’époque d’Esdras.

Deuxième Section

Les sources extrabibliques

105. — I. Témoignages directs. — Si nous avons insisté si longuement sur V He.rateuque, c’est qu’il constitue à beaucoup près notre principale source d’information pour la période dont nous avons à esquisser l’histoire. Le reste des Livres Saints, il est vrai, renferme de nombreuses allusions aux temps de la sortie d’Egypte et de la conquête de Canaan, et nous ne manquerons pas de leur prêter attention. Mais aucun de ces écrits ne contient une présentation nouA elle des faits et de l’époque qui doivent nous occuper. D’autre part, nous n’avons pas, en dehors de la Bible, de témoignages directs dont la valeur soit à l’abri de tout conteste. Sans doute, JosKi’iiB, en ses Antiquités, s’appesantit sur la période mosaïque ; il y revient encore dans son traité Contre Appion. Mais c’est à peu près constamment en suivant et en glosant les récits du Penluteuque ; si quelquefois il en déborde les données, c’est souvent pour faire place à des légendes qui ne méritent aucun crédit. Dans le traité Contre Appion, il allègue bien l’autorité de Manéthon, mais c’est seulement pour quelques détails particuliers : d’ailleurs, on ne peut se lier aveuglément aux assertions de cet historien lui-même.

106.^ II. Témoignages indirects. — Heureusement d’autres sources d’information projettent sur le sujet de notre étude une lumière qui, pour l’atteindre indirectement, n’en concourt pas moins à éclairer nombre de points auparavant obscurs.

1° Ce sont d’abord les inscriptions et papyrus égyptiens. Les relations des Hébreux avec la vallée du Nil ont été plus nombreuses à l’époque qui nous occupe qu’à aucune autre de leur histoire. Les documents qui, même sans nous fournir aucune donnée directe sur Israël (liste deTouthmèsIII, stèle de Ménephtah), nous renseignent sur l’état du royaume des pharaons au temps du séjour en Egypte et de l’exoile sont des plus intéressants à consulter (cf. A. Mallon, Egypte, dans Dictionnaire Apologétique de la foi catholique, t. I, col. 1301-13 : 53).

107. — 2" Les rapports des (ils d’Israël avec la vallée du Tigre et de l’Euphrate ne prendront place qu’à une période beaucoup plus avancée de leur histoire. Mais certains documents cunéiformes présentent des renseignements précieux sur l’état des diverses régions de l’Asie occidentale au temps de Moïse, notamment sur l’état de Canaan. Les lettres de Tell el-Amarna sont pour nous d’une valeur inestimable (cf. A. COXDAMIN, BaBVLONE ET LA BiBLE, dans Dictionnaire Apologétique…, t. I, col. 327-390).

108. — 3" On ne saurait passer sous silence les fouilles palestiniennes. Les documents que l’on en a retirés sont, il est vrai, pour la plupart anépigraphes, puisqu’on n’a rencontré de rares inscriptions qu’à Tell el-Hesi, Tell Ta’anak et Tell el Jezari. Mais grâce aux classifications dont elles ont été l’objet à

mesure qu’elles se multipliaient, les trouvailles ont leur langage à tenir, leurs dépositions à faire entendre. — a) S’il s’agissait surtout de l’exploration superficielle du sol, il faudrait mentionner en premier lieu les expéditions de M. Victor Guérin ; elles ont été racontées et décrites, sans parler du volume spécialement consacré à Jérusalem, dans le bel ouvrage Description géographique, historique et archéologique de la Palestine, dont les sept volumes se sont échelonnés entre les années 1868 et 1880. Cet ouvrage fait aujourd’hui encore autorité ; mais au point de vue de notre sujet, il ne fournit que quelques identifications toi)ographiques d’importance tout à fait secondaire. Il faut porter à peu près le même jugement sur les campagnes (187 1 -1877 pour la Palestine occidentale, 1881-188Il pour la Palestine orientale) du Palestine Exploration Fund, dont les résultats ont été consignés dans les trois volumes des Mémoire of the i’Krs’er 0/ H’estern Palestine (1881, 1882, 1883 ; sans parler de An Introduction to the Surver of ll’estern Palestine par Trelawny S-^unders, 1881) el dans le volume des Memoirs of the Surfey of Eastern Palestine du Captain C. R. Conder (1889 ; ouvrage précédé d’une série de monographies sur diverses étapes de l’exploration).

109. — l>) Mais, fondée en 1865, la société britannique dont nous parlons s’est proposé un autre but, à savoir les fouilles et l’exploration du sous-sol. Cette partie de son œuvre est pour nous du plus vif intérêt. Déjà les résultats obtenu.s sont considérables ; ils ont été exposés, au fur et à mesure de leur réalisation, dans le Oua : terly.étalement de la Société et dans une série de publications spéciales. Jérusalem devait d’abord attirer l’attention des savants chercheurs ; son exploration fut l’objet d’une première série de campagnes (1867-1870 ; cf. NValter MoRitisoN, The Recovery of Jérusalem, 1871 ; Captain Warhek, Underground Jérusalem, 1876 ; et le quatrième volume des Memoirs ofthe.S’iir-ev of Western Palestine, 1884). Jamais on ne la perdit de vue dans la suite et la société encouragea les travaux de M. Clermont-Ganeau et du D’Schick ; une nouvelle série de fouilles eut lieu dans les années 1894-1897 (cf. F. J. Bliss, Excavations at Jérusalem 1801-1897, publié en 1898). — c) Cependant des chantiers étaient ouverts en divers endroits de la Judée : à Tell el Hésy (Lachis) en 1890-1892 (cf. W. M. Flindbrs Pktrie, J’ell el Ilesy [l.achish], 1891 ; F. J. Buss, -J Mound of Many Ciiies [l.achish 1894) ; à Tell Zakariya, Tell es Safi, Tell el Judeideh et Tell Sandahannah, en 1898-1900 (cf. F. J. Bijss et R. A. Stewart Macalisteh, Excavations in Palestine, 1898-lS00, publié en 1903), à Tell el Jezari (Gezer) en 1902-1905 et 1907-1909 (cf. R. A. Stewart Macalisteh, Bible Sidelights front the Mound of Gezer, 1906 ; The Excavation of Gezer, 190- : >-l905 and 1907-1909, publié en 1911) ; à.Ain Shems (Beth Sliemesh), en 1911-1912 (cf. Duncan Mackbnzie, The Excavations at Ain Shems, dans The Annual du Quarterh Statement, 2= vol., 1, 9121913 ; un premier article siu- le même sujet avait été publié par le même auteur dans l’Annual de 1912). La dernière campagne du Fund avant la guerre a été consacrée, en 1913-191’1, à l’exploration de la Palestine méridionale (négéh, notamment région de Cadès ; cf. G. L. WooLLKY and T. E. L.*.wrbnce, The Jl’ilderness of Zin, dans The.4nnual, ’i' -vol., I914-1915) ; i déjà le désert de l’Exode avait été exploré en 1869-’1870 (cf. Professor Edward Palmbr, The désert of’Exodus, iSji)^ I

1, Sur les travaux du Palestine Exploration Fund, cf Col. Sir C. M. Watso.n, Fifty yenrs’Work ia the Holy Land A Record and Summary, 1865-Î915 ; 1915. 757

MOÏSE ET JOSUÉ

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110. — d) Les Anglais n’ont pas été seuls à explorer les pays bibliques ; au cours îles années igoSigoS, le Deutsche PaUistina-Vercin a fouillé Tell el-Muteselliui, emplacement de l’ancienne Megidilo, sur la bordure méridionale de la grande plaine d’Esdrelon (cf. D’G. Schumacher, Tell-el-Mutesellim, liericUt iiber die 1903 bis 1905 mil Untentutziiiig Sr. Maj. des Deutschen Kaisers und der Ùeutsc/ieu Orienl-Gesellschafl fon Deutscheii Verein ziir Erforschuiig Piiliistinas feianslaltenen AusgraOungen. I Band : Objelcti’er FundherichI, 1908 [nous ne pensons pas qu’un deuxième volume ait été livré au publie avant la guerre]). — e) De son cùlé, une mission autrichienne commençait en 1902 l’exploration de Tell Ta’annak, à S ou 9 kilomètres au Sud-Sud-Esl de Tell-el-Mulesellim ; elle la poursuivait au Cours de l’année suivante, pendant un laps de temps étroitement limité par les lirmans, et avait l’avantage de mettre au jour trois tablettes cunéiformes (cf. Ernst Sbllin, Tell Ta’annek, hericht iiber eiiie… Aasgrabung in Paliistina, nebsl eineni Anhang von F. IlHOsrsS ::Die Keilschrifttexie von Ta’annek, 190/1) ; M. Sellin, cette fois au nom de la Deutsche Orient- Geseltschuft, revenait au terrain de la fouille en 1904 et découvrait huit nouvelles tablettes (cf. Ernst SEi.u : i, Eine Nachlese auf dem Tell Ta’annek in Paliistina, nebst einem Anhang von F. Huos.Nv : Die neugefundenen Keilschrif’tte.xte von Ta’annek, 1906). Sous les auspices favorables des deux mêmes sociétés, autrichienne puis allemande, M. Sellin, accompagné de plusieurs notabilités scientifiques, inaugurait, en 1907, les fouilles de Jéricho ; il les poursuivait en 1908 et 1909 (cf. Ernst Selli.n und Cari’Watzingkr, Jéricho, Die Ergebnisse der Ausgrabiingen, igiS). — /) Entre temps, au nom de l’Université américaine de Harvard, MM. D. G. Lyon, G. A. Reisner, G. Schumacher et G. S. Fisher exploraient à Sébastiyeh le site de l’ancienne Samarie (cf. D. G. Lyon, T ! ie Harvard Expédition to Samaria, Extrait de The Harvard Theologicnl Review, 190g, 12 pages ; G. A. Reisnbh, Ï^Ve Harvard Expédition to Santaria : Excavations of 1909, luèræ Revue, igio, 16 pages). — g) Mentionnons enfin : les fouilles exécutées à Jérusalem sur la colline de l’Ophel, en 1909- 1910, par une société de savants anglais et dont les résultats ont été publiés par le R. P. Vincent, d’abord dans la Bévue Biblique (igii.p. 566-5gi ; 1912, p. 86-1 II, 424-453, 544-574). puis dans un volume à part : Jérusalem souterraine ; les fouilles réalisées, au cours de l’hiver de igiS, sur le terrain delà cité de David, par M. Raymond Weill, pour le comitte (le M. le baron Edmond de Rothschild (cf. la note de la Bévue Biblique, ig15, p. aSo).

Seconde Partie

L’ŒUVRE DE MOÏSE ET DE JOSUÉ

m, — L’œuvre de Moise comprend deux éléments très distincts. — D’une part, la série d’interventions qui eut pour résultat de faire sortir d’Egypte les tils de Jacob et de les amener en vue de la Terre Promise. En ce domaine l’activité de Moïse a pour complément celle de Josué, qui aboutit à l’installation des Israélites en Canaan ; les rapports sont si étroits entre les œuvres de ces deux grands personnages qu’elles doivent être envisagées comme les parties intégrantes d’un même tout. — D’autre part, c’est au nom du seul Moise que se rattachent les documents législatifs qui tiennent une si grande place dans le Pentateuque. — De là les deux sections suivantes :

I. De l’Eqypte a la Terre Promise.

II. La législation mosaïque.

Première Section

De l’Egypte à la Terre Promise

113. — Si nous voulons nous rendre un compte sutlisamment exact de l’œuvre de Moïse et de Josué, du rôle qu’ils ont joué dans la délivronce ilcs fils de Jacob oppriuiés en Egypte, dans la constitution du peuple d’Israël, dans l’introduction de ce peuple en terre de Canaan, il impoi te d’abord de reconstituer brièvement le milieu historique au sein duquel ils ont évolué. La Bible nous fournil à cet égard des données précises et explicites. A les extraire on gagnera avant tout de se faire une idée plus juste, [)lus concrète, de la i)hysionomie de ces hommes qui furent puissants en discours et en actes. Mais aussi l’apologétique y trouvera une preuve des plus frappantes, bien qu’assez peu exploitée, des droits qu’ont à la confiance de l’historien les récits du Pentateuque. — Quand le terrain aura été préparé de la sorte, il sera beaucoup [)lus aisé de tracer le tableau, nécessairement sommaire, de l’activité de Moïse et de Josué. Nous ne manquerons pas d’ailleurs en cette esquisse de tenir compte des systèmes qui, souvent élaborés en dehors ou en marge des données biljliques, ont dénaturé nombre des faits de l’exode. — Le simple exposé de cette grande œuvre et de ses résultats suffirait à en mettre en relief le caractère surnaturel. La Rible toutefois nous fournit à cet égard des indications plus précises. Les carrières de Moïse et de Josué nous apparaissent, en des moments particulièrement décisifs, fécondes en prodiges, en miracles proprement dits. L’apologétique ne peut se désintéresser de ces faits ; elle doit au contraire les prendre en très particulière considération. — De là ces trois sous-titres et subdivisions :

I. Le milieu historique de Moïse et de Josué,

II. L’œuvre de Moise et de Josué.

III. Les miracles de Moïse et de Josué.

I. — Le milieu historique de Moïse et de Josué 1" Points de repère géogi ; ^pIiiques

113. — Les allusions géographiques ne sauraient manquer d’être nombreuses dans une esquisse historique de l’œuvre de Moïse et de Josué. Pour éviter les parenthèses et digressions qui ralentiraient notre marche, il nous parait à propos de poser dès maintenant quelques points de repère. Les régions dont nous avons ; "i parler sont, avant tout, la Palestine et la péninsule du Sinaï. La topographie de la Basse Egypte et du pays de Gessen est suffisamment connue pour que nous n’ayons pas à y insister.

114. — 1° La Palestine. — A. Les frontières. — a) Il De Dan à Bersabée » (Jud.. xx, 1 ; I Sam., iii, 20 ; U Sam., III, 10 ; XVII, I I ; etc. cf. I CAron., xxi, 2 ; Il C/irnn., xxx, 5), « De l’entrée de Hamath jusqu’au torrent d Egypte » {I Heg., viii, 65 ; II C/iron., vii, 8 ; cf. les expressions similaires I Chrun., xiii, 5 ; Am., vi, 14 ; Ez., xlvii, 19, 20, etc.), telles sont les deux formules les plus synthétiques employées pour désigner les limites de la Palestine au Nord et au Midi. Elles ne sont pas absolument synonymes. — b) Le site de Dan est unanimement identilié avec Tell el Qadi, sur celle des sources du Jourdain qui donne naissance au bras appelé Nahr el Leddan. La limite septentrionale qui passerait à Dan rejoindrait assez naturellement, en travers.int le Merdj et’.4t/tin, le cours inférieur du Llfàni ou Qâsimlyé. Or le Merdj el’Ayân n’est autre chose tpie la partie la plus méridionale de cette vallée de Cœlésyrie [aujourd’hui El-Biqà’) qui, située entre le Liban et l’Antiliban, correspond à l’entrée de Hamath. Vers l’Est, la ligne septentrionale poussei-ait sans doute jusqu’à Bâniyàs, à la source la plus orientale du Jourdain. De la sorte les deux terminologies « depuis Dan » et « depuis l’entrée de Hamath » sont à peu près équivalentes. — c) Au Sud, Bersabée se trouverait sur une limite qui, partant de l’embouchure du wâdi Ghazzé et suivant d’abord le cours de cette vallée, se continuerait 759

MOÏSE ET JOSUÉ

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par le ivâdt el Mll/t, puis, sans doute, par le i'âdî ez-Zuivtra^ pour aboutir vers le Midi de la mer Morte. Le torrent d’Egypte, identifié avec le wâdl cl 'Ari’sh, nous conduit bien plus au Sud ; la frontière dont il serait le point de départ nous amènerait au wàdi el Fîqra qui se ]ette dans la région marécageuse du Ghôr es-Safiyeh^ au Sud de la mer Morte et ou Nord du ivâdi el 'A’aba. Du côté de l’Est, la frontière méridionale lapins naturelle est le torrent de Zéréd (i^'ddi el //<' «  « ) » ^"i '^^ jette au Sud de la mer Morte. — d] La frontière d’Occident est plus facile à tracer ; c’est la mer Médilerrance. On noiera toutefois que le territoire ph<^nicien de Tyr constitue une enclave. — e) La limite d’Orient est formée parles grands déserts syrien et arabique. Au Nord, la plaine inféconde est interrompue par de vastes territoires volcaniques, terrains plots ou légèrement ondulés et montagnes : D/oîàn, Jiauràn [Djébcl ed-Drûz), etc. ; mais au Midi, ce sont les vastes étendues de sol aride, tantôt tout en sable, tantôt couvert de pierres.

115- — é. La topographie. — fl) La vallée du Jourdain distribue la Palestine en deux régions tiès distinctes. La division est singulièrement accentuée par l’extraordinaire dépression du lit du fleuve. Au point où se joignent les sept brandies qui vont constituer le cours d’eau, on est ( quarante mètres au-dessus du niveau de la Méditerranée ; le niveau du lac Ilouleli n’est plus qu'à deux mètres. Puis la déclivité s’accentue avec une extrême rapidité ; la surface du lac de Tibériade est déjà à doux cent buit mètres au-dessous de celle de la Grande Mer ; h la latitude de Jéricbo, le pont du Jourdain nous fait descendre à trois cent soixante-quinze mètres ; l’embouchure du fleuve est à quatre cenis mètres environ. D’autre part, la vallée, presque toujours encaissée, en dehors de la i-égion située au nord du lac Houleh et de la plaine de Jéricho, est dominée par des sommets souvent assez élevés au-dessus du niveau méditerranéen etaux pentes parfois très rapides. On o : sur les berges du cours supérieur, des hauteurs de 900 mètres (Djébél IJfinln) à l’Ouest et de 1.29'i mètres [Tell esrh-Schëcha) ô l’Est ; la plaine de Jéricho est dominée, à l’Ouest parles hauteurs de Jérusalem (790 mètres), à l’Est par celles de //cNAân (87't mètres). A l’Ouest de la mer Morte, on s'élève à plus de 1.000 mètres aux environs d’Hébron ; à l’Est, el Kerah est ù 9'j9 mètres. C’est donc ]>ar une véritable crevasse que sont séparées les régions de Transjordane et di* Cisjordane.

116. — b) La Transjordane (région orientale) est divisée en plusieurs zones par les affluents du Jourdain ou de la mer Morte. 0*1 notera surtout : — « ) Entre le ScrTat el-Mciiâdiré [Yarmuk du Talmud) et le Nahr ez-Zerqà [Yabbôq de la Bible) la région fertile et boisée du 'Adjlun (ancien pays de Galaad), — /3) Entre le Nahr ez-Zertjà et le ivâdi MOdjib (ancien 'Ârnôn), une région dans laquelle la zone cultivable, assez étendue au nord du ivâdi Hcsbân^ va se rétrécissant au Sud et qui fut le pays des Ammonites.

— y) A peu près pareil à cette seconde zone est le pays compris entre le ivâdi el Môd/'ib (Arnon) et le ivâdl el Ilesâ (torrent Zéréd de la Bible) ou pays de Moab.

117. — c] La Cisjordane. — « ) Elle est divisée en deux régions très distinctes par cette grande plaine du Nahr el~ Muqatla' (plaine d’Esdrelon de la Bible) qui a son point dedépart au Djébél Fuqn' a (xoni% Gilbô^' de la Bible) et aboutit à la Méditerranée entre le promontoire du Carniel et Saînt-Jean-d’Acre ; parla trouée de Zé'.rln (yizi-é[ ']/ de la Bible) cette plaine communique, à l’Est, avec celle de Bcsân [Béyt^'*.v'ôn de la Bible) qui aboutit au Jourdain. Au Nord, la Galilée ; au Sud, la Samarie, puis le pays de Juda.

— /3) Au Sud de la frontière de Bersabée et surtout de celle du torrent d’Egypte, s'étendent des espaces désertiques sur lesquels nous aurons à revenir. Bersabée, qui est à 2'iO mètres, appartient déjà à la région du Négéb [nég'^^éb^) de Juda. — y) Par des pentes, tantôt assez douces, tantôt escarpées, on s'élève à la deuxième région ou région de la montagne (^ar). Elle commence avec la montagne d’Hébron et se continue jusqu'à la plaine d’Esdrelon par une ligne faîtière qui partage les eaux entre les affluents de la mer Morte et du Jourdain, d’une part, et, d’autre l)art, les cours d’eau qui se jettent dans la Méditerranée ; les hauteurs varient entre 1.050 mètres et 700 mètres. Sauf aux environs d’Hébron, la montagne de Juda est pauvre, dénudée ; très peu de ouadis ont des cours d’eau perpétuels ; la montagne d’Ephraïm est plus fertile et le devient davantage à mesure que l’on avance vers le Nord.

— 5, Du côté de l’Est, le sol s’affaisse par des pentes très rapides, sillonnées de ravins très profonds, vers la vallée du Jourdain ; dans la région judéenne, ces pentes ont un caractère nettenieiit désertique. La vallée est appelée aujourd’hui El Gkôr. Depuis l’endroit où elle s'élargit jusqu'à la mer Morte, elle porte dans la Bible le nom de 'Arâb'^âh ; la fertilité de la grande plaine de Jéricho fut toujours proverbiale. — « } Vers la Méditerranée, les pentes {'^sëd^ot^) de la montagne de Juda sont assez rapides et participent un peu aux caractères du négéb : elles aljoutissent à la plaine large et féconde que la Bible appelle 'S'^t'é/fl/i. Cette plaine côtière va se rétrécissant vers le Nord, surtout au delà de Jafla, le long de la montagne d’Ephraïm (plaine de Saron) ; les contreforts du Carmel viennent presque jusqu'à la mer. -- t) Au Nord de la plaine d’Esdrelon, la Galilée, par sa ligne faîtière, par les déclivités rapides qui mènent au Jourdain ou au lue de Tibériade, par les pentes douces qui descendent du côté de la Méditerranée, rappelle à beaucoup d'égards la montagne de Samarie ; toutefois, en dehors de la plaine de Snint-Jean-d’Acre, les pentes atteignent le plus souvent jusqu’au rivage. D’autre part, la Galilée est la partie la mieux arrosée et la plus fertile de toute la Cisjordane.

118- — G. Canaan et Terre Promise. — a) Dans Gen., X, 15-19, Canaan apparaît comme le territoire occupé par toutes les tribus et tous les peuples de race cananéenne. Le vers, 19 lui assigne comme limite septentrionale Sidon ; mais, d’après les vers. 17, 18, il faudrait remonter beaucoup plus haut, jusqu’au Nord de Tripoli, jusqu'à Hamath sur l’t^ronte. D’après le vers 19, la frontière méridionale descend à l’Ouest jusqu'à Gaza dans In direction de Gérare (h’hirbei Vmm D/arrâr, au Sud-Est de Gaza [?]), à l’Est jusqu'à Lésa' dans la direction de Sodome. — b) Mais cette acception Inrge est absolument exceptionnelle dans la Bible. D’ordinaire Canaan désigne, d’une façon très concrète, la Terre Promise aux patriarches. Or le pays dans lequel pussent ou séjournent les patiiarches et dont la possession est assurée à leurs descendants, n’est autre que la Cisjordane (Gen., xii, 6-9 ; xiii, 1-4, 12-18 ; xxiil, 1, 2, 17-19 ; XXXIII, 18 » ; xxxv, 6 ; XLvm, 3, 7 ; xlix, 30). C’est dans ce pays que les fila d’Israël veulent retourner au sortir d’Egypte ; c’est vers ce pays que Moïse envoie les espions (Num., xui, 2. 17, 21, '^2 [Vulg. 3, 18, 22, 23]), qu'à deux reprises les Israélites, châtiés pour leurs mutineries, tentent inutileanent de monter (Nurn., xiv, 39-45 ; XXI, t-3 ; cf. xxxiii, ). Quand, après avoir contourné Edom et Moab, Israël a conquis le royaume de Séhon l’Amorrhéen et y a établi deux de ses tribus, il n’est encore ni en Terre Promise, ni en Canaan (Nitm.^ xxxii, 17, 19, 28-32). Canaan, au sens précis de ce mot, n’est donc autre chose que la Cisjordane. C’est aussi ce qui

résulte de la description dos frontières de Num., xxxiv, 2-12, bien que le tracé de la limite, au Nord et au Nord-Est, prête à quelque confusion (cf. vain Kasteren, La frontière septentrionale dr la Terre Promise, dans Revue Biblique, 1895, p. 23-36 ; M. J. Lagrange, À la recherche des sites bibliques^ dans Conférences de Saint- Etienne y 1910-1911, p. 3-56).

119. — 2" La péninsule du Sinaï. — A, Ses limites. — La péninsule du Sinaï fait immédiatement suite au négéb de Bersabée et an Sud de la Palestine. — a) Elle a pour frontière septentrionale : depuis le canal de Suez jusqu à l’embouchure du ivâdi el rîsh, la mer Méditerranée ; ensuite le ivâdi el Abi/ad, un des aflluenls du r'âdi el 'Arfsh) les dernières pontes du négéb ; enfin le massif monta^^neux cjui constitue la berge occidentale du it'âdi el 'Araba. prolonijation méridionale de la dépression du Jourdain et de la mer Morte. — /') La continuation de ce massif constitue d’abord la frontière orientale ; puis c’est le golfe élnnitique ou golfe d’Aqaba. — c) Au Sud, la péninsule se termine en pointe [Ras Mnhammed). — d) Du cap, le golfe sinnïtique de la mer Rouge constitue d’abord la frontière occidentale jusqu'à Suez ; elle se continuait jus<prà la Méditerranée par la série des Lacs Amers, auxquels correspond approximativement le tracé du canal. On sait qu’au delà du golfe de Suez, à l’Occident, s'étend l’Egypte. — e] Il est à propos de signaler un point de la péninsule arabique qui est en bordure du golfe élanitique. C’est le pays de Mu ?ur (Musrî des inscriptions assyriennes, Musran des inscriptions minéennes) ; un des centres paraît avoir été Ma 'on. On remarquera que ce nom de Mtisri est le même (parfois Misri) qui, dans les textes 761

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cunëifornies, désigne l’Egypte. Mois les niinales us » yl’ieniies n’en ilistingiient pas moins liés rictti’iiiint les deux régions. — f) Ce pays purait avoir été aussi le centre du territoire des Madianites qui tiennent une place importante dans l’histoire de l’exode et des precnicrs temps de l'éloblissement en Canaan. Plolémée et divers géogrophos arabes ont, en ell’et, signalé une ville de Madianu dans ces régions ; celait sans doute le point de fixation des tribus qui peu à peu s’attachaient à la vie sédentaire. D’autres tribus, qui avaient gardé les instincts nomades, s'écartaient souvent à de grandes dis lances, conduites tanlùt par la nécessité d’assurer des pâturages à leurs troupeaux, tantôt par les hasards de la razzia (cf. Jud., ti-tiii).

120. — B. Sa lnpo « raph’ie. — a) La nature elle-même a divisé la péninsule du Sinai en deux régions des plus distinctes. Elles sont délimitées)iar la longue chaîne de montagnes qui porte le nom de Djébél et-Tih (montagne de l'égarement).

b) La régiou que cette chaîne laisse uu Nord et au NordEst est de beaucoup la plus vaste de la péninsule. — a) C’est un immense plateau calcaire qui va s’inciiriant vers la Méditerranée, très aride et d’aspect désertiiiuc. Il ne faudrait pourtant pas s’en exagérer l’uniformité. Au Nord-Est se trouve une série d'élévations assez accentuées, qui se rattachent aux dernières ramifications du négt’b judéen. De ces hauteurs descendent une série de ouadis qui constitueront, en rejoignant ceux qui iennent du Vjébcl et-rih, le wddi el 'Ariscli ou torrent d’Egypte. — ^) Ces ouadis n’ont pas d’eau j^ermancnte. Les pluies sont rares ; on ne compte guère plus d’une vingtaine d’orages par an, dans les mois de décembre à mars. Toutefois leur répétition même fait que l’eau pénéti-e le sol ; on la trouve parfois en creusant le sable ù peu de profondeur ; il reste assez d’humidité en tout cas pour entretenir, sur les rives du ouadi, une égétation plus ou moins abondante. On rencontre donc, au travers <lu plateau, de véritables oasis ; elles deviennent plus nombreuses vers le Nord et le ntgéb que vers le Sud. Mais, telle tiue la nature l’a faite, cette contrée ne peut être habitée que [jar des bédouins et des pasteurs. — y) L’un tles caractères les plus saillants de cette région septentrionale, c’est qu’elle renferme les routes qui mettent en communication l’Asie et r.ifritpie. Il y a d’abord la très impoitante route de la côte qui, du Nord arrivant à Gaza et de là passant par le Qala’at ft ^Arîsh^ à l’embouchure du ouaili de ce nom, atteint, après un parcours de trois jours, le niveau à' Et Qanfara ; ce fut toujours l’un des principaux moyens de communication. Plus secondaire était la route de Sûr (dérèk^ ^^), qui descendait d’Hébiouù Bersabée, inclinait ensuite vers l’Uiiest et rejoignait la précédente ; elle desservait sui’tout le Sud de la Palestine. Une troisième route traversait la péninsule de l’Ouest à l’Est ; parlant des environs de Suez et passant p.rr le Qala’at en-Nakel, elle aboutissait à Aqaba, au Nord du golfe élaniticpie. De lii, elle se divisait en plusieurs ramitications ; 1 une allait vers le Musur ei l’Arabie méridionale, une antre contournait la rive orientale du wtidi el 'Araba et remontait veis le Nord, ù la lisière des déserts ; une outre emprunt -ît le wâdi el ^Araba lui-même pour contluire soilen Pale-tine, soiten Transjordane. Au Qala’at en-ia/iel^unp quatrième route coupait la précédente à angle dioit ; du Sud de la

péninsule elle montait à Cadés et, de là, vei s la Palestine. Des voies secondaires s’njoataient aux |)i-écédentes : telle celle qui de Cadès menait directement en Egypte.

ISl. — 5) Dans cette même région septenti-ionale, un cei-tain nombre de points sont à discerner. Le grand désert s’appelle aujourd’hui, comme la montagne qui le limite,

désert de Tih ; c’est le désert de Pavan i miil>>bai p, i[']i nu)

de la Bible, dont le chef-lieu Paran n’t'-tait pevit-être autre que Nakel. Il s'étendait jusqu’au néf^éb et aux fr’ontières de la Palestine et renfermait Cadès. Toutefois, en plusieurs textes, nullement inconciliables avec l-s précédents, In région désertique qui entoui-e Ciidès prend un nom particulier ; c’est le désert de Sin ('>m). Peut-être qu’au Nord-Ouest, vers la frontière d’Egypte, on avait aussi le nom particulier de désert de Sûr. — £) Tirs importants & noier sont les monts So îr. On sait que les monts Séir étaient au pays lies Edomilos. Mais on ne doit pas pour autant identifier Séir et Edom. Le pays des Edomites a présenté, en effet, au cours de l’histoire, des extensions très variables ; à certaines dates il a compris les deux ver sants du ^-âdi el 'Araba. Or les textes bibliques et même certains documents égyptiens ne permettent pas de donner une telle extension à la dénomination de monts Séir. Les monts Séir sont à chercher au Nord-Est de la péninsule sinaïtiipie, au Sud du pays de Juda, dans le voisinage de Cudès (Gen., xiv, (î, 7 ; Num., sx, 1(1 ; xxxiii, 2, 37-40 ; XXXI V, 3 ; Deut, , i, 2, '14, 4(1 ; il, 1 ; yoj.. xi, 17 ; xii, 7 ; xv, 1, 10, 21). Il faut donc songer principalement au plateau des 'Azâzimé qui constitue la frontière occidentale de lu section sO[itealrionale du ifiidi el 'Araba. — ;) Enfin, dans le Nord de la péninsule du Sinai, il faut signaler Cadès (Qâd'>'êi), C’est une oasis qui, on le sait, lient une grande place dans les récits de l’exode. Elle est située au iord de la montagne imposante qui porte le nom de Djébél Araif, au.Nord du Djebel.ineiga et du Djébél .Miii^ratlt ; le nom de Aïti Qadeis (ou Gadis) semble perpétuer le souvenir du vieux site biblique, bien que l’on puisse hésiter à identifier avec cette source celle qui joue un si grand rùle dans les récits de la migration. D’autres sourcesjaillissentdans le voisinage -.'Aùiet UuUeral, 'Ain Qossaima, 'Aïii Muneilleh, etc. — i) On notera <pie le grand désert de Paran fut le territoire propre des tribus amalécites.

ISS. — c) Le Djébél et-Tih, qui forme la limite du plateau désertique, envoie de sa partie Ouest-Siid-Oueet un certain nombre de ramifications qui aboutissent au golfe de Suez ; à l’Est, la région montagneuse s'étend jus(pi'à Aqaba. Mais au Sud-Ouest, uu Sud et au Sud-Est, une plaine sablonneuse (Uebhet er-Hamlé) sépare le Djébél el-Ti’b du grand massif méridional qui constitue la pointe de la péninsule. Cette région forme avec la précédente le plus saisissant des contrastes. — a).u lieu de la plaine monotone aux légères ondulations, on se trouve en présence d’un inexti’icable enchevêtrement d’arêtes de montagnes que dominent des pics de granit rouge, parfois fort élevés. Les hauts plateaux sont souvent arides ; mais les vallées, arrosées par des cours d’eau perpétuels, sont aptes à la culture ; la vaste oasis de Férân est sans doute l’un des endroits les plus attirnnls el les plus fertiles de l’univers. Bref, ce n’est plus le désert dans lequel seuls les bédouins peuvent conduire leurs troupeaux de ouadi en ouadi, c’est un séjour de sédentaires qui, de fait, donna asile, ii certaines époques, i des multitudes de moines. — /3) Du cftté de l’Est, le massif alleinl jusqu'à la mer. A l’Ouest, il est séparé du golfe de Suez, par une glande plaine de sable (el Qa’a) dominée, entre autres sommets, pur ceux du Djébél Serbâl (2, 06Û m.). A l’intérieur du massif, celle magnifique montagne est tout proche de cette oasis de Fêrân, si capable de retenir un peuple en migration ; une large vallée (wâdi 'Aleydt), propre aux campements et renfermant quelques palmeraies, conduit jusqu’aux premiers gradins du rude escalier qui mène aux pics. — /) Nous dirons que le Djébél S’ervii/ dispute l’honneur d’avoir été le piédestal de Yahweh à une autre montagne, qui se troi ; ve uu centre même du massif el au pied de laquelle se développe la vaste plaine er-Hiilia : c’est le Djébél Mûsa (2.292 mètres), à moins que ce ne soit l’un des pics voisins ; Djéb. Safsaf, Djéb. Kdierin (2.f106 mètres).

S° Les flls d’Israël et les grands peuples

123. — Les mouvements qui se sont déroules dans l’Asie occidentale ont toujours été conditionnés par les vicissitudes de l’histoire des deux grandes nations qui sans cesse ont cherché à englober dans leur domaine le rivage de la Méditerranée : les maîtres de la grande plaine du Tigre et de l’Euplirale, d’une part, et, de l’autre, les maîtres de la vallée du Nil. Dès que l’un de ces empires s’est développé au détriment et aux dépens de l’aulre, la Palestine en a di’i reconnaître, de gré ou de force, la stipréniatie. Elle n’a joui de l’indépendance, elle n’a |)u vivre de sa vie propre et s’organiser à son aise que dans l’un des deux contextes suivants : quand les deux empires étaient l’un et l’autre trop puissants pour être tentés d’einpicler sur leurs domaines respectifs ; quand, au contraire, ils étaient trop all’aiblis pour étendre leurs convoitises au delà de leurs frontières naturelles. On entrevoit sans peine que les migrations patriarcales, le séjour des Ois de Jacob en Egypte, leur exode et 763

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leur inslallalion en Canaan ont été conditionnés iiar la situation des grands empires à l'époque où ces événements ont pris place. Si nous remontions jusqu’aux ancêtres d’Israël, nous constaterions sans doute que la migration des Aljraliamides se rattache à une période où des ennemis extérieurs — les Elaniites(?) — mettaient en situation pénible les groupements de Sémites installes en Chaldée. On sait de reste que l’arrivée des Hébreux en Egypte eut lieu à un moment où des Asiatiques, les Hjksos, exerçaient la suprématie dans la vallée du Nil. L’exode, à son tour, et la pénétration en Canaan se placent à une période où, d’un côté, les pharaons nationaux montraient de l’hostilité envers les éléments de population étrangère cantonnés en divers districts de leur empire, où, d’un autre côté, leur autorité sur l’Asie antérieure n'était pas telle qu’ils pussent empêcher des immigrants de s’y établir et d’y fonder et organiser des nationalités nouvelles. Mais les articles Bauvlonb et la Bible (.. Condamin, Dictionn. Apoloi ;., I, col. 827-390) etEuYPTE (.A. Mallon, Vict. Jpolof ;.^ 1, col. 1301-1343) nous dispensent d’insister sur ce sujet.

30 Les fils d’Israël et les petits peuples de Palestine

184. — Aussi bien y a-t-il plus d’intérêt, au point de vue du sujet qui nous occupe, à insister sur les petits peuples avec lesquels les vicissitudes de l’exode et de la conquête amèneront les tils d Israël en contact ou en conflit. La manière dont les renseignements fournis par la Bible, d’une manière tout occasionnelle, cadrent avec les données des documents étrangers est une des preuves les plus palpables que les récits sacrés ne procèdent pas des souvenirs plus ou moins vagues d’une tradition toute légendaire. De ces petits peuples il est question en divers contextes. La Genèse en parle en ses listes ethnographiques et quand elle ouvre devant les patriarches les perspectives de l’avenir, leur décrivant la terre que leurs descendants doivent un jour occuper. L’Exode et les Nombres y font allusion, soit quand ils reprennent les promesses, soit quand ils racontent les premières péripéties de l’expédition. On les retrouve dans le Deiitéronume, comme on y retrouve une foule d’allusions aux événements et aux promesses dont il est question dans les livres antérieurs. Les récits de la conquête, en Josiié, entraînent, comme tout naturellement, la mention fréquente des peuples à déposséder. Le plus souvent, hélas ! nous n’avons à relever que des listes, plus ou moins développées, de nations et de tribus. Mais nous rencontrons à l’occasion des allusions historiques que nous n’aurons garde de négliger.

183. — 1° Les pHiis penphs de Palestine. — a)L' ! Iexaleur/ue coniinit, en ])remier lieu, des groupes de peuples autochtones, aborigènes, disperses eu Transjordaue et en Cisjordanc. Ceux qui les voient sont t]a|)pés de leur haute taille ; ce sont lies géants, en présence desquels ils se sentent pareils à des sauterelles (A' « m., xiii, 33 [Vulg. 34]). Un nom générique les désigne, nom étrange, le même en apparence que celui qu’on donne aux mânes du. "'/ ; on les nomme R’p^à'im (Gen., xiv, 5 ; xv, 20 ; Deut., 11, 11, 20 ; iii, 11, l’i-.Jns., xii.4 ; xiii. 12 ; xyii, 15). Toutefois, selon les endroits où ils résident, leurs divers groupes portent des noms plus spécifiques : 'Enum [Gen., xiv, 5 ; Deul., Il, 10, 11), 2amjummi’m (Gfn., XIV, 5 ; Deut., il, 20), Ilôrim [Gen., xiv, 6 ; Deut., II, 12), 'Enài/im {'"iiiiqi’m, Deut., 11, 10. 11, 21 ; /os., 11, 21, 22 ; xiv, 12. 15) ou fils de 'Endq [b’né[y’hânàq : JVum., xiii, 33 [Vulg, 3'*] ; Z)eii<., ix, 2 ; Jos.. XV, 14 = Jud., i, 20).

186. — h) Les premiers immigrants dont on s’occupe sont les Abrahamides, dans lesquels les Israélites reconnaîtront des consanguins plus ou moins rapprochés. La Bible les suit pendant trois générations. Ce sont d’abord

les tils de Nachor et d’Aran, frères d’Abraham, qui, comme lui et ses lils, sont appelés à devenir des chefs de peuples. Les descendants de iNaclior se meuvent en dehors du contexte qui nous occupe. lien va autrement des descendants d’Aran qui, [> ; ir son fils Lot, est l’ancêtre des Aimiionites et des Mocibites. Le premier tils d'.hraham sera Isniæl, père d' ! toute une série de tribus du désert qui, tout en étant reconnues pour npparteni à la race sémitique* demeureront en marge de 1 histoire que nous avons à esquisser. Il en sera de même des descentlants de la plupart des tils qui viendront à Abraham par Ccïura. L’un d’eux toutefois sera Vancdlie dvs Madiunites ; cette ti’ibu, avec laquelle Mo’ise et les enfuitts de Jacob entretiendront des rapports, sera donc, elle aussi, une tribu sémitique de même sang qu’eux. L’héritier principal d'.braham sera /saac, auquel ou attribue seulement deux fils, les deux jumeaux Jacob et Esaii, celui-ci l’ancêtre des Edonntes.

137* — c) Plus importants pour l’histoii-e que nous écrivons sont les immigrants qui occupent la Terre Promise et qui en seront chassés par les fils de Jacob. }n nom générique les désigne, celui de Cananéens (A « a '" « /'[y]). Ce nom est parfois seul employé (Gen., xii, 6 ; xxiv, 3, 37 ; L, 11 ; Num., xxi, 3 ; Jos., xvi, 10[é15] ; xvii, 12, 13, 16, 18) ; il est alors en corrélation avec le terme de Canaan qui, nous l’avons vu, est l’appellation ordinaire de la Cisjordane et de la Terre Prouiise. A l’occasion toutefois on associera aux Cananéens, pour une région particulière, tel ou tel autre peuple, T. g., les Pbéréiéei^s [Gen., xiii, 7 ; xxxiv, 30), Amalec [Num., xiv, 25, 43, 45) ; ou bien encore on notera qu'à côté des Cananéens, le pays renferme d’autres habitants (Jos., vii, 9)..Mais, le plus souvent, ce nom prend place dans des listes de peuples, plus ou moins stéréotypées, renfermant trois [Ex., xxiii, 28), cinq (Ex., XIII, 5 ; iVum., xiii, 29 [Vulg. 30]), six [Ex., 111, 8, 17 ; XXI II, 23 ; xxxiii, 2 ; xxxiv, 11 ; Deut., xx, 17j ; Jos., ix, 1 ;

XI, 3 ; XII, 8), sept (Deul., tu, 1 ; Jos., iii, 10 ; xxiv, 11) noms de peuples. Il est possible d’ailleurs que certaines variations dans l'étendue des listes soient imputables aux copistes ; la liste la plus étendue est celle de Gen, , XV, 19-21 (dix peuples). Les critiques ont cherché à caractériser les documents de VHexateuque, par le nombre de nations qu’ils signalaient en Canaan ; on a remarqué notamment que le Yahwiste est seul à s’en tenir à l’appellation générique de Cananéens. Les peuples que VEluhtste (ou JE) et le Deutt-ronomisie mentionnent, à côté de ces derniers, sont : les Amorrhéens ou Emorites (niùr ! [y'] ; Gen., XV, 21 ; Ex., iii, 8, 17 ; xxiii, 23 ; xxxiii, 2 ; xxxiv, II ; Nnm., xiii, 2y[30] ; Deut., i, 7 ; TU, 1 ; xx, 17 ; /o »., m, 10 ; V, !  ; IX, 1 ; xi, 3 ; xii, 8 ; xiii, 4 ; xxiv, 8, 11) ; les Héthéens ou Hittites (hUti[y ; Gen., xv, 20 ; Ex., ni, 8, 17 ; siii, ô ; xxiii 23, 28 ; xxxiii, 2 ; xxiiv, 11 ; jViim., xui, 29[30j ; Deut., vii, 1 ; xx, 17 ; Jos., ili, 10 ; ix, 1 ; xi, 3 ;

XII, 8 ; XXIV, 11) ; les Phérézéens ou Perizzites {/>'r<. - :  ! [ ! /] ; Gen., XIII, 7 ; xv, 20 ; xxxiv, 30 ; Ex., iii, 8, 17 ; xxiii, 23 ; XXXIII, 2 ; xxviT, 11 ; Deut., ti, 1 ; xx, 17 ; Jos., lii, 10 ; 11, 1 ; XI, 3 ; XII, 8 ; xxiv, 1 1 1 ; les Hévéens ou Tlivviles (/iiniiv([y] ; £x., iii, 8, 17 ; XIII, 5 ; xxiii, 23, 28 ; ixxiii, 2 ; xxxiv, 11 ; Deut., VII, 1 ; xx, 17 ; Jos., iii, 10 : ix, 1 ; 11, 3 ; xii, 8 ; xiii, 3 ; XXIV, 11) ; les Jébuséens ou Yebusites (y’b^itsi[y' Gen-, XV, 21 ; i'.r., iii, 8, 17 ; xiii, 6 ; xxiii, 23 ; xxxiii, 2 ; xxxiv, 11 ;.Vum., xiii, 29[30] ; Deut.. vii, 1 ; xx, 17 ; 70 «., iii, 10 ; IX. 1 ; XI, 3 ; xii, 8 ;.xiiv.ll) ; les Gergéseens ou Girgaschites (, ?"'^ « i[.'y] ; Gen., xv, 21 ; Deut., vii, 1 ; Jos., ni, 10 ; XXIV, li) ; Amaîec (' « mô'êy ; A' «  « i., xiii, 29[30] ; xit, 25, 43, 451. La liste de Gen., xv, 19-21, ajoute trois autres noms ; les Cinéens ou Qènites (q<{y]"i[y]), 'es Cénézéens ou Qenizzites (q’ai : zi[y'), les Cadmonéens ou Qadmoniles {qadnu, ni[y]).

138. — d) Aussi intéressantes que la présence de tels ~ et tels noms dans les listes bibliques sont certaines omissions. Celle notamment des Philistias dans les séries du Pentateuque. Elle est même d autant plus frappante à cet endroit que dans Josué (xiii, 2, 3) u tous les districts des Philistins » et les « cinq princes des Philistins » sont mentionnés dans « le pays qui reste à conquérir ». On notera qu’il est question des Philistins dans la grande liste elhnograiihique de la Genèse (Gen., x, 14).

189. — 2" Situation ethnographique des peuples palestiniens au moment de la conquête. — Cette situation présente beaucoup de différences selon les divers peuples dont il est question. — a) Les Repltaïm se présentent dans un étal de profonde décadence. Au 765

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temps d’Abraham et de Chodorlahomor, on a l’impression d’une race encore vigoureuse, constituant des groupes capables d’atlirer l’altenlion d’un conquérant (Ceri., XIV, 5, 6). Une très longue période s'écoule avant qu’ils ne reparaissent sur la scène de l’histoire. On les retrouve dans le rapport des espions que Moïse a envoyés explorer la Terre Promise ; une des causes de l’elfroi que ces émissaires ont éprouvé a été la rencontre des lils d’Enac dans le voisinage d’Uébron ; mais déjà on compte ces lils d’Enac et les explorateurs insistent sur leur haute taille et leurs caractères de géants (An ; »., xiii, 22, 28, 33 [Vulg. 23, 29. 34 ;  ; cf. Deut., i, l’i). Le Deutéroiiome renferme des renseignements concrets. Les Rephaïm(ii, 10, 21) sont nettement répartis en quatre groupes ou races : Emim, Zamzummim, Horim ('?), Enaclm. Mais ces peuples sont des peuples du passé et ils ont été supplantés comme les Cananéens le seront un jour par les Israélites (/Jeiit., 11. 10, 11, 12, 20, 21, 22, 23 ; III, 13 ; cf. Gen.^ xxxvi, 20-30). Au moment où les tils de Jacob arrivent dans les plaines de Moab, dans cette Traiisjordaiie qui est une vraie terre de Rephaïm(fle(((., 11, 20 ; iii, 13), on ne connaît plus qu’un roi de race aborigène. C’est Og, de Basan {Deut., III, 8-11 ; cf. Jos., XII, 4, 5) ; encore est-il présenté comme le souverain d’un royaume amorrhéen (Deut., iii, 8-1 i). De nouveau la race est en voie de disparaître ; comme on lit ailleurs, Og est le dernier reste des Rephaïm (Jos., xiii, 12). Quant aux Enacîm, c’est bien en Gisjordane qu’il les faut chercher (Deut., IX, 2). Au temps où Josué va les réduire, ils sont cantonnés dans la montagne, montagne de Juda et d’Israël (Jos., xi, 21, 22 ; cf. xvii, 15), mais surtout région d’Hébron (Jos., xi, 21 a ; xiv, 12, 15 ; XV, 13, 14 ; XXI, 11 ; Jud., i, 20). Dans la Sephélah, ils ne sont plus qu'à l'état de survivance à Gaza, à Geth, à Asdod (Jus., xi, 22 ; cf. I ! Sam., xxi, 16, 18, 20, 22 ; cf. I Citron., XX, 4, 6, 8).

130. — i) Parmi les Abrahamides, les tribus demeurées nomades n’ont pas d’histoire. Il n’en est pas de même de celles qui se sont fixées à l'état sédentaire et organisées en peuples. Tels d’abord les Moabites. Nous n’avons à peu près aucun renseignement sur leur histoire jusqu’au temps de l’exode et il y a peu à prendre dans l’allusion à l’allure prophétique du Cantique de Moïse (E.i., xv, |5). Les Nombres et le Deutéronome nous fournissent des données plus fermes. On y apprend que Moab forme maintenant un peuple qui a son roi (ium., xxii, 4> 10 ; Jus., XXIV, 9), autour duquel gravitent des princes et des anciens (Num., xxii, j, 8, 14 ; xxiii, 6). Les Moabites ont chassé du pays qu’ils occupent les aborigènes connus sous le nom d’Emîm (Deut., 11, 10, 11). Leur frontière méridionale paraît être le torrent de Zéred (7Vum., xxi, II, 12 ; Deut., 11, 13 ; ci.Num., xxxiii, 44)i sans doute identique au wâdi et Ahsà ou el Hésil. Entre la dépression de la mer Morte et le désert oriental, le territoire s'étend jusqu'à l’Arnon (norfi Mûdjiti). Telle est du moins la frontière septentrionale au moment de l’arrivée des Israélites ; au delà s'étend le pays de Séhon l’Araorrhéen (A'/im., XXI, 13, 15 ; XXII, 36 ; cf. Deut., 11, 18, 19 [Ar, aujourd hui 'Arâ'iv, est sur l’Arnon], 36). Ou remarquera toutefois qu’en plusieur> textes on nomme pas de Moab la région dans laquelle les Israélites s’arrêtent en face du Jourdain, avant et après avoir vaincu Séhon {IVuni., XXI, 20 ; XXII, I ; xxvi, 3, 63 ; xxxi, 12 ; xxxiii, 48, 49, 50 ; XXXV, i ; xxxvi, 13 ; Deut., 1, 5 ; xxxiv, 1, 6, 8 ; Jos., xiii, 82) ; c’est le pays qui entoure le Pisga (Num., xxi, 20), les sommets de Nébo et d’Abarim(A’Hm., xxxiii, 47. 48 ; Deut., xxxiv, i, 5) ; la région orientale de la vallée du Jourdain el notamment les environs de Sillim en font également partie

{Num., XXV, I ; Deut., xxxiv, 6, 8). D’ailleurs la population de ce district renferme encore des éléments moabites, comme le |)rouve l'épisode des filles qui corrompent les Israélites (Num., xxv, 1). Il est clair qu'à une période antérieure à celle qui nous intéresse, Moab s était étendu au delà de l’Arnon ; la mille d’ailleurs le dit explicitement et allribue le refoulement à Séhon l’Amorrhéen (Jum., xxi, 26 ; cf. vers 29). Déjà afi’aiblis, les Moabites redoutent que les Israélites leur causent de nouveaux dommages (Num., XXII, 4) ; de là les démarches en vue d’obtenir les malédictions de Balaam (Num., xxiixxiv).

131. — c) D’après Deut., 11, 18, ig, il semblerait qu’en quittant le pays de Moab, on arrive aussitôt chez les Ammonites. Ceux-ci sont, en effet, censés s'étendre depuis l’Arnon juscju’au Yabboq (Deut., ii, 37 ; cL Jud., XI, l3, 22), sur le territoire primitivement occupé par lesZamzummim(We(((., II, 20). Mais, à l'époque qui nous occupe, ils avaient subi des réductions. A l’origine, en ell’et, leur domaine allait du désert de l’Est à la rive du Jourdain ; ils s’en souviendront lorsque, à l'époque des Juges, ils voudront recouvrer leurs anciennes frontières (Jud., xi, 13). Mais il y a longtemps déjà que les Moabites ont passé l’Arnon et les ont refoulés (vid.supr. b.). Depuis lors, les Amorrhéens sont venus et ont occupé la partie orientale dé la vallée du Jourdain, les pentes qui conduisent aux plateaux, les plateaux euxmêmes, ne laissant aux Ammonites qu’une bande de territoire à la lisière du désert (Jud., xi, 22, présente la conquête comme plus complète encore) ; à leur tour les Amorrhéens s'étendent depuis l’Arnon jusqu’au Yabboq (Nuhr ez-Zerqâ ; Num., xxi, 24 ; Deut., II, 36, 3^ ; Jos., xii, 2 ; cf. />eu<., ui, 16 ; Jos., xiii, 10, 25, 26).

133 — d) Ammonites et Moabites ont donc subi de nombreuses vicissitudes attestant que leur constitution est déjà ancienne. Tout autre est la reijrésentalion que la Bible nous donne de l'état des Edomites, ou descendants d’Esaii, à la période qui nous occupe. Dune part, la montagne de Séir, dans laquelle ils se sont établis (Gen., xxxii, 4 LVulg. 3J ; xxxiii, 14, 16 ; xxxvi, 8, 9 ; Num., XXIV, i^ ; Deut., ii, ! , b, 8, 29), ne favorise peut-être pas une organisation aussi stable et aussi régulière que les territoires de Moab et surtout d’Ammon ; elle est, en outre, contiguë au désert méridional dont l’attrait ne manque pas d'être séduisant pour des tribus qui sans peine se souviennent de leur étal nomade. D’autre part, les Edomites sont un peuple plus jeune que les précédents et ils n’ont pas encore eu le temps de prendre une physionomie propre, ni leur place définitive dans l’histoire. Au premier abord, la population apparaît comme très mélangée ; c’est l’impression que donne la Genèse, ce chapitre xxxvi notamment, qui pousse l’histoire bien au delà de la période patriarcale. Les Edomites occupent l’ancien lerritoire des Horréens {/^eu/., 11, 12, 22) ; mais l’expulsion ou l’extermination n’ont l)as été complètes (^/'e/i., xxxvi, 20-30). Ce n’est pas non plus sans conséquence qu’Esaii épouse des femmes étrangères à la race sé[uitique(6^eH., xxvi, 34, 35 ; XXXVI, 1, 2 ; cf. vers. 20) ou même une femme appartenant aux tribus nomades du désert (Ge «., xxviii, 8, 9) ; ces unions contribueront à accentuer la diversité des éléments constitutifs de la nation. Défait, Edom paraît se composer d’un centre de population stable, bien campé dans la montagne de Séir ; il est organisé de bonne heure et possède des rois bien avant qu’il n’en soit question pour Israël (Gen., xxxvi, 31 -39). Quand les fils de Jacob, partis de Cadès, arriveront à la frontière, Edom aura déjà un roi et pourra lever un peuple nombreux et une armée forte pour e8

s’opposer au passage des émigrants(i^ » m., xx, 14-21) et les contraindre à contourner le pays (^JVum., xx, 21, 22 ; XXI, 4 [cî.Jucl., xi, 17, 18] ; cf.Deut., 11, 1-8, 29, uneprésenlation de l’incident, légèrement dittorente). Autour de ce noyau stable toutefois, gravitent des tribus qui, tout en s’y rattachant par des liens plus ou moins lâches, n’ont pas encore renoncé à la vie nomade (Geii., xxxvi, lô-ig, 40-43).

133. — e) Parmi les immigrants étrangers à la race patriarcale, ceux qui attirent d’abord l’attention sont les Cananéens. On remarquera la situation qui leur est faite ilans la table ethuograpliique de Cen., x. Cette table, personne ne l’ignore, relève et souligne des afBnités ethniques et géographiques, aussi souvent, sinon plus, qu’elle ne signale des parentés propreuient dites. Or, malgré des atlinités de langue, de type et d’usages, les Cananéens sont nettement détachés des Sémites ; ce sont des descendants de Cham (Gen., x. 6). Toutefois ce qui est plus frappant encore, c’est l’énorme progéniture qui est mise au compte de Canaan ; laissant de côté les peuples qui n’intéressent pas notre sujet, nous voyons groupés autour de lui les Héthéens, les Jébuséens, les Amorrhéens, les Gergésoens, les Hévéens (Gen., x, 16, 17), c’est à-dire, exception faite des Phérézéens, la totalité des noms qui figurent dans les listes des habitants de la Terre Promise. C’est dire qu’au moment où cette table ethnologique a été rédigée, les Cananéens dominaient en cette région tous les autres groupes nationaux, soit que ceux-ci appartinssent à la même race, soit qu’ils fussent d’origine différente. Pour la même raison, le nom de Cananéen suflît, en nombre de contextes, à désigner tous les habitants de la Gisjordane (Ex., xiii, 1 1 ; / « <L, i, 3, 9, 10, 1- ;), et c’est en ce sens qu’on peut dire(yH(L, i, y) que les Cananéens habitaient la montagne, le riégéb (cf. I, 17), la Sepliélah, et, d’une façon plus concrète encore, la région d’Hébron(/i(rf., i, 10 ; cf. A’urn., xiv, 25 ; [toutefois, dans un texte parallèle à ce dernier passage, Deut., i, 44, l’Amorrhéen est substitué au Cananéen et à l’Amalécite] ; xxi, i, 3). Quand il ne les remplace pas tous, ce nom ne manque jamais de figurer dans les listes de peuples (Gen., xv, 21 ; E.I., xxiii, ïi, 28 ; XXXIV, ii ; Deut., vii, i ; xx, 17 ; Jos., IX, 1 ; XII, 8 ; XXIV, 11), souvent en premièie place(£’jr., ui, 8, 17 ; xiii, 5 ; xxxiii, 2 ; Jos., iii, 10 ; vu, 9 ; XI, 3 ; Jud., i, 4, 5). Mais il faut faire attention aux textes qui précisent la situation de ces Cananéens par rapport aux autres éléments de la population. On les voit d’abord, au temps d’Abraham, dans la région de Sichem (GeH., XII, 6 ; cf. xxxiv, 30), dans celle de Béthel et de Haï (Gen., xiii, 7), d’une manière plus générale, dans tout le pays où séjourne le patriarche (Gen., xxiv, 3, 37, [il n’y a pas à tirer de conséquences de Gen., l, 11, le seul texte, d’ailleurs diiUcile à interpréter, qui paraisse les signaler eu Transjordane]). Us semblent, par conséquent, couvrir à cette date à peu près tout le pays. On dirait qu’au temps de l’occupation leur domaine s’est déjà un peu rétréci. On nous les montre spécialement sur la cote méditerranéenne et dans la vallée du Jourdain ou’Arâb^àk (Num., xiii, 29 [Vulg. 30] ; cf. Deiit., i, 7 [ ?|et/os., V, i, pour la côie ; Dent., xi, 30 pour la’ardhdh). Il est d’ailleurs surtout question, à l’époque de Josué, de la partie septentrionale de la côte, au Nord d’Ekron (Jus, xiii, 3 ; cf. Jud., iii, 3), ou encore, depuis ( ?) M^’ârâh qui est aux Sidoniens jusqu’à Apliec (dans la plaine de Saron ; /os., XIII, 4). Nous trouvons aussi les Cananéens à Gézer à la lisière de la plaine de Saron (Jos., xvi, 10 ; cf. Jud., I, 29), sur la côte de Dor (Taniûra) au Sud du Carmel, dans la plaine d’Esdrelon et dans celle de Bethsan [Jos., xvii, 11, 12, 13, 16, 18 [ ?] ; ci. Jud.,

I, 27, 28). Ils sont dans les contrées les plus fertiles du pays et ils y sont si fortement implantés que tout d’abord les Israélites ne pourront pas les en chasser. On les voit de nouveau dans la Galilée, pays plus accidenté sans doute, mais non moins prospère ; ils sont dans les districts qu’occuperont plus tard les tribus de Zabulon (Jud., 1, 30), Aser (Jud., I, 31, 32) et Ncphtali [Jud., 1, 33). Toutefois, quelle que soit leur force et la richesse de leur territoire, on a l’impression d’un commencement d’affaiblissement. Non seulement la contrée qu’ils occupent n’est pas continue ; non seulement il y a des enclaves qui sont aux mains d’autres groupes ethniques ; mais il semble que, sur ces groupes et ces enclaves, les Cananéens ne sont plus en mesure, au moment où arrivent les Hébreux, de faire prévaloir leur autorité.

134. — /) Entre ces groupes, déjà secondaires, il faut surtout prendre en considération les Amorrhéens et les Héthéens. Ues Amorrhéens il est d’abord question à propos de l’expédition de Chodorlahomor. Le roi élamite les rencontre à Has’sôn-Tâmâr (Gen., xiv, 7) ; c’est au retour de Cadès et après qu’il a frappé les Amalécites du désert et du négéh ; c’est donc dans la montagne de Juda (cf. xiv, 13, qui les met en relation avec Hébron ; xv, 16, qui parait témoigner dans le même sens). L’épisode des espions nous ramène dans la même région (Num., xiii, 29 [Vulg. 30]) ; de même le récit de la tentative faite par les Israélites pour entrer en Terre Promise vers le Sud, malgré la défense de Mo’ise (Deut., i, 7, 19, 20, 27 ; cf. Num., xiv, 39-45, où n Amalécite » et « Cananéen » ont sans doute remplacé » Amorrhéen). En ce dernier contexte d’ailleurs, ces ennemis apparaissent redoutables et, quand la bénédiction divine lui manque, capables d’iniliger un désastre à Israël. D’autre part, la portion que Jacob a prise aux Amorrhéens avec son épée et son arc et que, sur le point de mourir, il donne à Joseph (Gen., xlviii, 22 ; allusion possible à Gen., xxxiii, 19 ou xxxiv, ou à une autre tradition concernant les mêmes faits) semble nous conduire à Sichem. Aussi bien, les textes ne manquent pas qui signalent ce peuple comme habitant d’une manière générale la montagne de Cisjordane [Jos., V, i [par opposition aux Cananéens qui sont sur la côte] ; vii, 7 ; x, 6, 12 ; xiii, 4 ; xxiv, 15, 18 ; cf. Jud., VI, 10 ; I Sam., vii, 14 ; dans Jud., i, 36 môri’fi] est sûrement à remplacer par dômiy]). Une autre série d’épisodes nous signale un royaume amorrhéen en Transjordane, au nord de l’Arnon et du pays de Moab, entre ie Jourdain et la bande de territoire ammonite. C’est le royaume de Sélion, dont la capitale est Hésebon (Hésbàn) et que les fils d’Israël devront conquérir pour aborder au Jourdain (Num., XXI, 13, 21, 32 [cf. vers. 24] ; xxii, 1, 2 ; xxxii, 33, 39 ; Deut., I, 4 ; II. 24 ; ’U) 2 ; IV, 46 ; XXXI, 4 ; Jos., xii, 2 ; xiii, 10, 21 ; etc. [cf. Deut., iii, 8 ; iv, 47 ; Jos., II, 10 ; IX, 10]). De toutes ces données une impression se dégage. Au moment de la conquètg, il y a longtemps que les Amorrhéens ont pied en Canaan et ils sont encore singulièrement forts. Dans la Cisjordane du Sud, ils sont capables de tenir tête à Isr.iél ; dans la Transjordane, ils se croient assez puissants pour le braver. Mais ce n’est pas sans raison qu’on nous les montre à peu près constamment confinés dans la montagne. Ils ont été exclus par les Cananéens de la partie la plus convoitée du territoire, de toutes les plaines. C’est une première marque de leur affaiblissement. D’autre part, on peut croire que l’influence cananéenne n’a pas été étrangère au mouvement qui, à une date sans doute assez récente, les a portés en Transjordane pour s’y tailler

un territoire au détriment des Moabiles et, indirectement, (les Anuuonites. Une troisième marque de leur alfaiblissement paraît encore dans le récit même de la conquête de la Cisjordane ; c’est dans la montagne seulement, et donc seulement dans les territoires proprement amorrhéens, queles Israélites parviendront d’abord à s’implanter.

135. — g) Sur les Héthéens les données sont plus sommaires. Une fois et dans un texte sans analogue, le i( pays des Héthéens » est synonyme de tout Canaan pris en son sens large (/ « *., i, 4 ; cette leçon manque dans les Septante). Au temps des patriarches, le récit de l’achat par Abraham de la caverne de Macpélah nous montre les « fils de Hetli » dans la région d’Hébron (Gen., xxiii ; cf. xiv, 9, 10 et xlix, 29, 30, 82) ; c’est dans le voisinage, sinon plus près de la montagne de Séir, qu’Esaii prend des femmes de la même race (GcH., XXVI, 34, 35 ; cf. xxxvi, 2) ; le rapportdes espions signale le Héthéen dans la même montagne (A’dm., XIII, 29 [Vulg. 30]). D’autres textes donnent une autre impression pour le moment de la conquête. Le pays des Héthéens est distinct de la Terre Promise (Jud., i, 26). Il est au Nord, dans la montagne du Liban, vers l’Hermon, selon le sens probable de Jos., xi, 3 et Jud., iii, 3, où le mot « Hévéen » paraît avoir remplacé « Héthéen « (t’iti.in/r.L). C’est là qu’au temps des rois d’Israël les Héthéens formeront un royaume puissant (cf. I Reg., x, 29 ; XI, 1). Ainsi donc, à l'époque des patriarches, les Héthéens, dont le vrai séjour étaitla Cœlésyrie, où on les verra plus tard former un état important, avaient débordé dans la Palestine et, envahissant le territoire, poussé jusqu'à Hébron. Pour ce motif, ils figurent dans les listes des peuples à conquérir et à déposséder de la Terre Promise ; mais déjà, au temps de l’invasion, on a l’impression que leur prestige a singulièrement diminué en Canaan.

136. — /')Nous ne ferons guère que citer les autres peuples qui prennent place dans les listes : Jébuséens, Hévéens, Phérézéens, Gergéséens, Cinéens, Cénézéens, Cadmonéens. De plusieiu’s d’entre eux on ne connaît que le nom. Le groupe sur lequel les renseignements sont les plus précis est celui des Jébuséeus. Ils sont peuple de montagne (fus, . XI, 3). Le rapport des espions les signale dans la montagne de Juda, plutôt dans la région d’Hébron (jVum., xni, 29 [Vulg. 30]). Mais ils sont surtout en conne.xion avec Jérusalem (Jus., xviii, 16) qui, de ce fait et contrairement aux données des inscriptions (Tell el-Amarna), prend sous le calame de certains rédacteurs le nom de Jébus (Jud., xix, 10, 11 ; cf. Jos., XV, 8 et XVIII, 16). Ils y constituent une force avec laquelle les envahisseurs doivent compter et que tout d’abord les fils de Juda (Jos., xv, 63) ou, selon une autre source, les flls de Benjamin (Jud., i, 21) ne peuvent réduire. Israël ne les dominera et ne conqueri-a sa capitale qu’au temps de David et grâce à son action vigoureuse (II Sam., v, 6-g ^ I Cliron., XI, 4-6). — ï) Pour le temps des patriarches, on mentionne des Hévéens au pays de Sichem (<en., xxxiv, 2). Mais c’est plus au Sud qu’est leur véritable séjour. L’un de leurs principaux centres à l'époque de la conquête est Gabaon (El-Djib ; Jos., IX, 3 sv. ; cf. XI, ig) ; ils forment une petite confédération qui groupe autour de ce chef-lieu les localités de K’p^iiâh, Berot^ et Qiryat-Y' ârim (Jos., IX, 17). — j) Ce sont les Phérézéens qu’il faut surtout chercher vers le Nord, près de Bétliel et de liai, à l'époque d’Abraham (Gen., xiii, 7), près de Sichem au temps de Jacob (Gen., xxxiv, 30), sur le bord méridional de la plaine d’Esdrelon dans les jours de Josué (Jos., xvii, 15) ; Jud., i, 4, 5 semble toutefois les mettre en relation avec le pays de

Tome m.

Juda. — k) On notera que les Cinéens, les Cénézéens et, sans doute aussi, les Cadmonéens ne sont pas vis à-vis d’Israël dans la même situation que les peuples qui précèdent ; lils du désert, plus ou moins étroitement apparentés à la race sémitique, ils pourront contracter des relations d’amitié avec le peuple de Dieu et même se fondre avec les fils d’Israël ; nous le verrons plus loin à propos des Cinéens.

137. — l) Au terme de cette étude, les Philistins méritent une attention spéciale. Nulle part dans le Pentateuque ils ne figurent aux listes des peuples à conquérir. En revanche, lorsque Josué, devenu vieux, a conscience d’avoir accompli sa tâche, il ne manque pas de signaler parmi les pays et les peuples à réduire <i tous les districts des Philistins (Jos., xiii, 2), les cinq princes des Philistins » (Jos., xiii, 3 ; cf. Jud., ni, 3). Au début de la période des Juges, ce peuple ne semble pas constituer un danger pour Israël. L'épisode auquel fait allusion Jud., iii, 31 ne parait pas avoir une portée générale et d’ailleurs le texte est douteux (un certain nombre de manuscrits des Septante [54, 58, 69, ^5, 76, 106, 121, 134, Aldina, Slave] répètent ce verset après Jud., xvi, 31, où il trouve un contexte beaucoup plus naturel). Au contraire, à partir de l'époque de Sarason et pendant les premiers temps de la royauté, les Philistins vont jusqu'à mettre en péril l’existence du peuple de Dieu. Or on sait que les Philistins étaient, eux aussi, des immigrants, qu’ils venaient de Caplitor et, pour cette raison, étaient dits descendants des Caphtorim ou même appelés Caphtorim (Gen., x, 14 ^ 1 Cliron., i, 1 2 [lire : et les Caphtorim, d’où sont sortis les Philistins] ; Deul., II, 23 ; Am., ix, ^ ; Jer., XLvii, 4). Dès lors, si les Philistins sont absents des listes de la Genèse et de l’Exode, ne serait-ce pas qu’au temps des patriarches, ils étaient encore absents du pays, qu’aux jours de Moïse ils n’y étaient pas encore fermement installés ? A l'époque de la conquête, au contraire, et dans les derniers jours de Josué, ils avaient l’organisation qu’ils devaient garder dans la suite, ils apparaissaient comme des adversaires dangereux, dignes d'être traités à la façon des Cananéens (/os., XIII, 3). Bref, l’immigration philisline coïnciderait à peu près avec l’immigration Israélite. C’est précisément parce que les deux peuples seraient en même temps en voie de s'établir et de se chercher un territoire fixe, que les conflits et les luttes deviendraient si âpres dans la suite. A cette conception on peut faire une objection. En effet, si les Philistins n’y figurent jamais sur la liste des peuples à conquérir, leur nom n’est pas pour autant absent de la Genèse et de 'E.rode. C’est ainsi qu’Abiraélech, roi de Gérare (Gen., xx, 1, 2 ; xxvi, I, 17-25), avec lequel Abraham et Isaac entretiennent des relations et contractent des alliances (Gen., XXI, 22-34 ; XXVI, 20-33), est appelé roi des Philistins (Gen., XXVI, 1, 8) ; son pays est appelé pays des Philistins (Ce »., XXI, 82, 34 ; cf XXVI, 14, 15, 18). Mais beaucoup de critiques estiment que la mention des Philistins à cet endroit est un anachronisme imputable à un rédacteur d’une date postérieure à l'époque mosaïque. La même explication rendrait pareillement raison d’y ?.r-., XIII, 17 et xxiii, 31 (xv, 14 se présente comme prophétique).

138. — 3° Siluation politique des peuples de Palestine au moment de la conquête. — Les constatations qui précèdent nous laissent déjà entrevoir la population de Canaan comme très morcelée, du fait de la multiplicité des races. Les détails que nous pouvons recueillir sur la situation politique du pays sont de nature à confirmer cette impression. — a) Il y a toujours intérêt à consulter la table ethnographique

25 771

MOÏSE ET JOSUÉ

772

de Gen., x. Or, bien que neltement asiatique par son origine et son territoire, Canaan est dans cette liste associé à trois groupes africains, Kiii, Misraim et J’iil, comme descendant de Jfam (Geii., x, 6). On en peut sans doute conclure qu’au moment où le catalogue a été dressé, Canaan se mouvait dans l’orbite de la grande puissance africaine, était en dépendance de l’Egypte. Les liens étaient, nous le verrons, des plus lâches. — l>) Il est vrai que nous n’avons, pour la période patriarcale, que des renseignements très maigres et très vagues. La facilité avec laquelle les ancêtres d’isracl passent en Egypte montre que les Asiatiques de la côte regardent toujours volontiers du côté de la vallée du Nil. D’autre part, la liberté avec laquelle les petites nations, Moab, Ammon, Edom, peuvent s’organiser, permet de ]ionser que les pharaons n’ont ou n’exercent, en dehors de leurs frontières naturelles, qu’une autorité limitée. Pour ce qui concerne le Canaan proprement dit, les patriarches n’ont que rarement alîaire avec ces principicules qui auront bientôt une grande importance, mais dont, pour le moment, le rôle paraît effacé. Chodorlabomor en frappe cinq au Sud de la mer Morte, donc hors de Canaan (Cen., XIV, 8). Le roi de Gérare est pareillement en dehors delà frontière du pays ; d’ailleurs les affaires qu’il traite avec Aiiraham et Isaac sont d’ordre essentiellement local (Gen., xx, xxi ; xxvi). Le seul prince vraiment cananéen avec lequel les patriarches aient affaire est Melcbisédecli de Salem (Jérusalem ?) ; mais sa démarche n’a, semble-t-il, rien qui puisse intéresser son suzerain (Gen., xiv, 1^-20).

J39. — c) Des renseignements précis nous sont fournis par le livre de Justié et le récit de la conquête. Au moment où les Israélites envahissent le pays, Canaan apparaît comme divisé en une multitude de

« royaumes ». La liste des rois vaincus (^os., xii, 9-2^)

en mentionne trente et un. Il est à croire qu’elle n’est pas exhaustive ; rien ne démontre, en effet, que tous les souverains du pays se soient levés contre les Hébreux ou aient été frappés par eux. De l’étendue du territoire de ces principicules on peut se faire une idée quand on voit un roi de Haï à côté d’un roi de Béthel, un roi de Debir à côté d’un roi d’Hébron, un roi de Lachis à côté d’un roi d’Eglon ; quelques kilomètres séparent parfois une capitale de sa voisine. — d) Non moins que par le nombre de ces

« royaumes » et par l’exiguïté de leur territoire, on

est frapjié par leur indépendance réciproque. Aucun lien ne paraît les rattaclier ; ni l’autorité prédominante de l’un d’entre eux ne les groupe, ni, semblet-il, l’influence d’une suprématie étrangère. On nous dit bien qu’à la nouvelle de l’arrivée des Israélites et du passage du Jourdain, tous les rois des Amorrhéens et des Cananéens sont atterrés et perdent courage (./ys., v, i ; cf. II, 9-1 3). Mais on ne les voit pas, dès le début, tenter un essai de résistance commune et coordonnée. Les rois de Jéricho (Jos., vi), de Haï (Jos., VII, VIII ; cf., pour Béthel, JucL, i, 22-26) sont seuls en présence d’un ennemi qui est pourtant l’ennemi commun. Sans doute, deux coalitions se forment ensuite, celle des rois du Midi (.los., x) et celle des rois du Nord (705., xi). Mais, d’une part, ni Adonisédec de Jérusalem, ni Jabin d’Asor n’agissent comme ayant une suprématie quelconque sur ceux qui les entourent ; ils usent simplement du prestige que leur assure leur situation et l’importance de leur capitale. D’autre part, leur action apparaît restreinte. Le roi de Jérusalem, à propos duquel les données sont plus concrètes, ne groupe que quatre rois, ceux d’Hébron, de Yarmuth, de Lachis, d’Eglon (Jus., i, 3). Ni celui de Libna (los., X, 29, 30), ni celui de Debir (los., x, 38, io) ne

faisaient partie de l’alliance ; quant à celui de Gézer, il s’est ravisé après coup, pour venir porter secours au roi de Lachis (Jos., x, 33). — e) Nous nous trouvons donc en présence d’une sorte de féodalité, d’un agrégat de princes qui traitent sur un pied d’égalité et ne reconnaissent aucune suprématie locale. Us ne semblent guère non plus se préoccuper de la suprématie égyptienne ; ni ils ne consultent les pharaons sur leurs mouvements, ni ils n’implorent leurs secours. L’Egypte est loin et, au moment où son prestige est menacé, elle n’a pas l’air de songer à le dél’endre. De nouveau nous sommes en présence d’un grand morcellement, d’un véritable émiettement de territoire ; la situation politique complète, à cet égard, l’oeuvre de la multiplicité des races. On peut ajouter que cet état de Canaan facilitera singulièrement la conquête.

4 " Les données bibliques et les documents étrangers

140. — De la consultation biblique qui précède, il faut tirer une double conséquence : — a) Les renseignements que nous avons groupés ne sont en aucune manière extraits d’un tableau d’ensemble de la migration Israélite. Tout au contraire, ils sont pris à droite et à gauche, empruntés à des contextes très multiples. On ne saurait donc être surpris de relever assez fréquemment des discordances de détail. Elles témoignent de la variété des sources auxquelles nous avons puisé et du respect avec lequel les rédacteurs en ont conservé les particularités. — h) Ce qui, toutefois, est beaucoup plus frappant, c’est l’accord général de tous ces éléments pour nous fournir, de la période et du milieu auxquels nous nous intéressons, un tableau à la fois très compréhensif et très nuancé. Cette constatation a déjà par elle-même une grande valeur apologétique. Un pareil tableau présente, en efl’et, toutes les chances d’être conforme à la réalité. Dès lors, il faut se refuser à regarder les documents sur lesquels il repose comme de plusieurs siècles postérieurs à l’époque qu’ils décrivent’. A i)lusieurs siècles de distance, on ne saurait répandre, au travers d’une œuvre disparate, une i)areille série de détails concrets, parfois minimes, qui aboutiraient à former d’une période ancienne une peinture parfaitement cohérente et, en plusieurs endroits, très délicatement nuancée. La tradition orale est, de son côté, impuissante à conserver à l’état dispersé des éléments qui puissent se réunir en un tout aussi harmonique. Sans doute les canaux par lesquels ces renseignements nous parviennent peuvent être très divers, les dates où ils ont pris leurs formes propres peuvent être, elles aussi, fort variées. Mais ils dérivent tous d’un même courant dont la source remonte à l’époque et aux événements qu’ils illustrent. La comparaison de ces données avec celles des documents étrangers ne fera qu’accentuer ces conclusions.

141. — 1’Les données de l’archéologie palestinienne ^.— ha plupart des documents de l’archéoiogie palestinienne sont anépigrai)hes ; on ne saurait donc y rechercher des données d’une trop grande précision technique et surtout chronologique. Ils ont toutefois leur langage, que tiennent, chaque groupe à sa manière, les poteries, les restes de mobilier, les bibelots, le matériel funéraire, le matériel cultuel ; la place que ces éléments occupent dans les couches superposées, telle ou telle inscription qui, à un étage

1. C’est suitout l’époque mosaïque que nous avons en

TUP.

2. Cf. P. Hugues Vincent, Canaan d’après l’rrploralion récente, surtout le chap. TU, Canaan dan » l’histoire générale. 73

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u un autre, vient par hasard les accompagner, perlettent de dater avec quelque approximation leurs éposilions. Au début, ce langage ne fut retenu et iterprété qu’avec de très grandes hésitations. Mais

1 constance et la similitude des renseignements btenus, à mesure que s’ouvraient de nouveaux clianiers de fouilles, ont permis de procéder avec une récision et une exactitude toujours croissantes. — ) Les découvertes réalisées remontent jusqu’aux péiodes paléolithiques et néolithiques. C’est au terme e cette dernière, au moment où se multiplient, le jng de la vallée du Jourdain et notamment sur les lateaux de la Transjordane, les monuments mégaliliiques de toutes formes et de toute proportion, u’on peut coordonner les nombreuses traces de la ude civilisation de ces peuples auxquels, sans préiger d’ailleurs la question de leur origine, nous vous appliqué l'épithèle, toujours relative, d’autobtoncs. Une grande invasion va bientôt leur porîr un coup fatal, sans pourtant les exterminer à ce oint que, çà et là et longtemps encore, il n’en puisse iibsister des restes puissants.

143. — i) C’est dans la première moitié du troiièmo millénaire (3000-2500) qu’il faut placer l’inasion. Elle est sémitique par ses origines et ses iractères ethniques ; nous avons vu que, consultée vec discernement, la Bible n’y contredit pas. Celle uraigration couvre un immense territoire, tout celui uquel, dans son sens le plus large, s’applique le îrme biblique de cananéen (Gen., x, lô-ig). Avec ux, ces nouveaux venus apportent une civilisation elativement avancée et ils n’auront à faire que de ares emprunts à ces aborigènes desquels les distinueront, dès l’abord, des pratiques très caractéristiues, surtout en matière d’usages funéraires. Ces îiiniigrants sont les Cananéens. Leur emprise sur

2 pays sera telle qu’elle se maintiendra pendant de angs siècles. Leur civilisation jouira d’une très rande stabilité ; les influences étrangères n’en altéeront pas les lignes essentielles, surtout quand il 'agira des pratiques funéraires et cultuelles ; les nvasions, toujours limitées et transitoires, n’y prouiront que des perturbations de surface. Pour longemps, le pays et ses habitants mériteront cette ppellation de « cananéens » qui, malgré sa génératé, paraîtrasullisante à tel document du T’enlaleuque.

143. — c) Toutefois une civilisation ne demeure amais complètement à l’abri desinlluencesqui résulent des relations internationales, tantôt paclUques t tantôt hostiles. Les Sémites cananéens n’apporent pas en Palestine, comme leur héritage propre, Il culture des grands peuples qui, aux plaines de Euphrate et du Tigre, ont supplanté les Sumériens t les Accadiens. Mais, pendant de longues périodes, es empires orientaux imposent leur su[iréniatie à oute l’Asie occidentale et jusqu'à la côte méditerraléenne ; on ne saurait donc être surpris de relever n Canaan des traces nombreuses de l’influence labylonienne, sinon même de l’influence de l’Elam t de Suze. — d) Une autre nation, elle aussi très luissante, semble appelée, il est vrai, à exercer sur a Palestine une action plus profonde. Quelques ournéea de désert seulement la séparent de la côte ananéenne et celle-ci est la voie normale pour les léboucliés de son industrie. On a nommé l’Egypte, léanmoins son influence est lente à percer ; tout e qui se rapporte au culte et aux usages funéaires est, en particulier, longtemps hors de son itleinte. Mais, peu à peu, dans les autres branches le la civilisation, on saisit la présence de ce noueau facteur. Bientôt même on le sent plus efficace

; t on a l’impression d’une mainmise plus énergique, sinon violente ; on va jusqu'à troiM’er des

dieux égyptiens au milieu des divinités cananéennes. Jamais néanmoins ces emprunts et ces infiltrations ne sont assez caractéristiques pour marquer une période déterminée. — e) Il en va autrement d’une autre civilisation qui entre, à son tour, en contact avec Canaan. Le centre en est dans l’ile de Crète ; de là elle a raj’onné, avec des vicissitudes et des adaptations diverses, dans les Cyclades, dans la Grèce proprement dite, à Tyrinthe et à Mycènes ; elle est arrivée jusqu’en Chypre et en Asie Mineure. D’abord anonyme, l’influence de cette culture va chaque jour croissant, dans la Syrie méridionale, jusqu’au moment où on la voit s’incarner dans un peuple d’immigrants qui vient s’installer sur les côtes de Palestine. Cette fois l’action est profonde, et à la dénomination de civilisation cananéenne des archéologues vont substituer celle de civilisation éj ; éo-cananéenne. — /') Malgré ces divers apports, le type primitif s’est conservé avec ses traits essentiels inaltérés ; au milieu du deuxième millénaire (1500) comme au début du troisième, la Cisjordane, pour ne parler que d’elle, demeure un vrai pa3s de Canaan. — g) Ce sont ces Cananéens que les patriarches ont rencontrés sur ce sol, lorsque, pour suivre leurs destinées propres, ils se sont détachés de cette seconde invasion sémitique — les Aramécns — qui de l’Orient est venue une fois encore vers l’Occident.

144. — 2° Les données de l’archéologie bahylonienne et égyptiennes. — Les documents écrits si nombreux que les découvertes modernes ont versés dans l’archéologie babylonienne et dans l’archéologie égyptienne, ne peuvent manquer de préciser ces premiers renseignements. Ils nous permettront très spécialement, et de mieux comprendre nos listes de peuples à exterminer, et de mieux apprécier la situation politique de la Terre Promise au moment de la conquête. — a) Leurs premières données aboutissent à nous faire saisir l'énorme influence que la Babylonie a exercée sur l’Asie antérieure pendant de longues périodes de la civilisation cananéenne. C’est ce qu’indiquent de la façon la plus évidente ces tablettes fameuses de Tell el-Aniarna (temps d’Aménophis IV et début du qiialorzième siècle, iS^o-iSôo [?|) auxquelles celles qui ont été découvertes à Tell Ta’anneik apportent leur complément d’informations convergentes. Un millénaire environ après l’invasion cananéenne, l’emprise chaldéenne est telle que les petites chancelleries palestiniennes emploient l'écriture et la langue assyro-babyloniennes ; bien plus, ils s’en servent jusque dans leur correspondance avec leurs nouveaux maîtres, les pharaons d’Egypte.

145. — b) A cette date, il y a, en effet, bon temps déjà que Canaan n’est plus sous l’hégémonie orientale. A la suite des troubles qu’a occasionnés l’entrée en scène de l’Assyrie, la Chaldée a dû renoncer à faire prévaloir son autorité sur l’Asie méditerranéenne. Un certain temps, les diverses peuplades qui s’y côtoyaient ont pu s’agiter à leur gré. Mais de nouveaux maîtres sont intervenus. Aux environs de 1600, un grand changement s’est opéré dans la vallée du Nil. Des souverains thébains ont entrepris de l'émanciper de la domination des princes étrangers et asiatiques, — les Hyksos, — qui y faisaient peser leur joug. Le fondateur de la dix-huitième dynastie,

l.Gf. G. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, surtout t. If. Lire pareilleuieut P. I’iiokme, Les pays bibliques au temps d El-Arnarna (extrait de la Revue Biblique, janTiei-juillel 1909). — On sait que, pour la dix-huitième et la dix-neuvième dynasties, la clironologie est loin d'être fixée d’une manière définitive : en conséquence, les dates proposées sont seulement approximatives. 775

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Ahmès, a réussi à les chasser hors du pays et à les refouler en Asie. L’un de ses successeurs, Thoutmès 111, qui rêvait de revanche, a sans doute proûté des troubles qu’y causait le frottement des races, pour s’emparer de l’Asie antérieure(entre 1500 et 1450). Au temps des Hyksos, les relations pacifiques entre la Syrie et la vallée du Nil avaient favorisé l’importation de quelques usages égyptiens en Canaan ; l’influence fut naturellement plus accentuée au temps de la vassalité. Cette dépendance fut très elTeclive pendant la période qui suivit immédiatement la conquête. Mais sous les derniers pharaons de la dixhuitième dynastie, notamment sous Aménophis IV (13 ; o-1358 ; Tell el-Amarna), les liens allèrent se relâchant. Heureusement, parmi les souverains de la dynastie suivante, il y en eut qui furent en mesure, soit de rétablir l’autorité de l’Egypte sur Canaan (Ramsès II, iag2-ia25 [?]), soit de la maintenir (Ménephtah) ; même du temps de la vingtième dynastie, Ramsès III (1200-i 179) peut encore pacifier la région et y faire reconnaître son pouvoir. C’est ainsi que l’histoire documentaire éclaire le témoignage des fouilles palestiniennes touchant l’influence, importante quoique secondaire, de l’Egypte sur la civilisation cananéenne.

146. — c) Les alternatives de pliaraons conquérants et de monarques impuissants favorisaient la reprise, au moins intermittente, de la vie nationale chez les peuples de l’Asie antérieure. Abstraction faite de ceux qui ne jouent qu’un rôle plus effacé, Jébusécns, Gergéséens, etc., il en est deux sur lesquels la Bible attire spécialement notre attention : les Amorrhéens et les Hélhéens. Les documents nous fournissent à leur sujet des renseignements précis. Les Héthéens ou Hittites, les Hatii des inscriptions cunéiformes, les Il-ta ou Kltéta des hiéroglyphes, ont leur centre national eu Asie Mineure ; leur capitale (emplacement de Boghaz-Keui moderne) est sur la frontière des futures provinces de Bithynie et de Galatie. Mais, depuis longtemps, ils se sont montrés remuants et envahisseurs. De temps à autre, ils ont poussé vers l’Est ; mais c’est vers le Sud qu’ils se sont sentis spécialement attirés. Nul doute qu’au temps des Hyksos, ils ne soient deseenilus très bas dans la Palestine, et ce sont probablement leurs menées qui ont provoqué l’expédition de Thoutmès III en Sjrie ; il y a certainement eu des périodes où le pays cananéen tout entier a pu être justement qualifié de héthéen (/os., i, /|). Au temps de Tell el-Amarna, leurs tentatives d’expansion se font au détriment des provinces vassales de l’Egypte. Leur présence est signalée en Canaan et les pharaons ont à compter avec eux. Un certain Laabaia, dont le centre d’action paraît être à Sichem, suscite dans toute la région des troubles que l’Egypte a grand’peine à réprimer. Bien iilus, on la voit reconnaître cette puissance au point de mettre des souverains héthéens à la tête des petites seigneuries de Canaan. Détail piquant : le roi de Jérusalem, Arta-hipa, appartient à cette race. On ne doit donc pas être surpris de voir la Bible nous signaler des îlots héthéens dans la Terre Promise. Au surplus, cette influence n’est pas restreinte à l'époque de Tell el-Amarna, A' Xaiéjio’ph.K III et d’Aménophis IV. Le Khéta traite avec Ramsès I, guerroie avec Séti I, puis avec Ramsès II, jusqu’au moment où. après la bataille de Cadès, il conclut avec ce dernier pharaon une paix plus durable ; il faut arriver au règne de Ramsès III pour constater l’affaiblissement de ces durs rivaux. — d) Avant d’entrer en Canaan proprement dit, les Héthéens rencontraient un autre Etat, le pays d’Aniurru, autrement dit des Amorrhéens. Les limites en sont

précisées par les inscriptions : il s'étendait depui Arwad et, à l’Est, Cadès sur l’Oronte, jusqu’au Suc de la Cœlésyrie qusqu’au Lit ànî) ; il englobait Damas Sous la poussée violente des envahisseurs, le Amurru se trouvaient fatalement, eux aussi, entra ; nés vers le Sud, c’est-à-dire en Canaan. Sans dout leurs succès ne furent jamais si complets ni leur influences aussi sensibles que ceux des Héthéens. Il trouvèrent dans les habitants du paj’s des advei saires capables de leur résister, disposés à ne leu céder que ce qu’ils ne pourraient leur refuser. Ej Canaan proprement dit, ils ne se fixèrent guère qu dans la montagne aride de Juda et en Ephraïm. Ces seulement en Trausjordane qu’ils fondèrent de établissements plus caractérisés. — e) De l’intluenc des Héthéens et des.morrhéens on ne saisit guèr la trace, pour des raisons diverses, sur la civilisa' tion cananéenne. Mais, à l'époque à laquelle nom sommes arrivés, l’action de la culture égéenne et' des plus importantes. Elle n’est pas encore sensibl au début de la dix-huitième dynastie (vers 1580 mais, au temps de Tell el-Amarna, elle pénètre d toutes parts. Ce n’est encore, il est vrai, que l’en ; preinte d’une civilisation, résultat de relations com merciales et pacifiques. Mais le temps n’est pas loi où Canaan va exercer un puissant attrait sur ce races qui sont à l'étroit dans lejir domaine maritimi Les « peuples de la mer » vont causer des inquii tudes toujours croissantes aux pharaons de la dij neuvième dynastie, aux Séti et aux Ménephtah. Soi Ramsès III, les Philistins seront signalés par lev nom dans la plaine qu’ils occuperont par la suit Tout porte à croire qu avant d’inquiéter l’Egypte, i avaient déjà jeté leur dévolu sur la Sephélah.

147. — /) Les documents, surtout ceux de Telle Amarna, nous fournissent une dernière donnée. I nous renseignent sur la situation politique de Canaa au temps d’Aménophis IV. OBiciellement la Palestir est toujours sous l’hégémonie des pharaons. Ce soi eux qui y établissent les « rbis », les gouverneur les intendants, les surveillants. Tout ce personnel ei en perpétuelle correspondance avec eux et continu de multiplier lesformules protocolaires les plus hun b ! es. Mais les lettres révèlent, de la façon la plus ei plicite, que cette suzeraineté n’est plus que nominab L’Egypte est impuissante à gouverner les pay situés en dehors de ses frontières naturelles. Lf troubles se multiplient dans la Syrie méridional ! du fait des mouvemnnts héthéens et amorrhéens des bandes de pillards, tels les Ilabiru, pénètrei dans la région et y augmentent le désordre ; des mot vements d’origine locale tendent à rendre au paj son indépendance. Non seulement les pharaons r préviennent pas ces perturbations par la vigueur d leur autorité et de leur administration ; non seule ment ils ne prennent pas l’initiative de les réprime : Mais ils ne savent plus répondre aux appels déses pérés des roitelets qui invoquent leur appui. N'étar plus reliés par une suprématie efficace, ces gouvei neurs s’isolent les uns des autres, poursuivent chacu leurs intérêts, s’habituent à ne compter que sur eu : ? mêmes. Canaan va s'émiettant en une foule de petite principautés sans cohésion. Les lettres offrent de et état de choses un tableau très vivant et très facile interpréter. Sans doute l’action de Séti I, de Ramsès IJ de Ménephtah fera à nouveau prévaloir le nom égyp tien en Palestine ; mais jamais plus ne sera réalisée I grande et forte unité queTouthraèsIlIavaitinauguréf

148. — C’est ainsi que les documents extérieur apportent leurs dépositions de tout point conforme à celles de la Bible, c’est-à-dire de VHexateuque. Le deux tableaux que l’on peut établir en coUigeant le unes et les autres présentent les ressemblances le MOÏSE ET JOSUE

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us frappantes. C’est la preuve évidente que les noignages scripturaires ont pour point de départ s sources qui prennent naissance à l'époque où les énements se sont déroulés. Ni la tradition orale, des documents notablement postérieurs n’auraient 1 réperouler un écho si fidèle de la situation ilors. llétliéens, Amorrhéens, Cananéens se scient vaporisés et nous n’aurions que des types de nvention évoluant au hasard ; les Rephaini, du fait e, même au temps de Moïse, ils sont du passé, csententdéjà ces caractères indécis.