Description de la Chine (La Haye)/Extrait du Pen tsao de l’empereur Chin nong

Scheuerlee (3p. 547-558).


EXTRAIT


DU PEN TSAO DE L’EMPEREUR CHIN NONG.


TEXTE.


Il y a cent-vingt sortes de drogues ou remèdes du premier ordre, qui dans la médecine tiennent le rang, et font comme la fonction du Souverain. Les remèdes sont de la nature des aliments, et par leur suc nourrissant, servent à l’entretien de la vie, ressemblant en cela au Ciel.

Comme ces remèdes n’ont aucune qualité vénéneuse ou maligne, quelque quantité que vous en preniez, et quelque longtemps que vous en usiez, ils ne font jamais de mal. En un mot, si vous voulez avoir le corps dispos et léger, entretenir les esprits dans une juste égalité, et conserver votre embonpoint, même dans la vieillesse, usez des remèdes contenus dans le premier livre.

Il y a aussi cent-vingt sortes de drogues ou remèdes du second ordre, qui dans la médecine font comme la fonction de ministres ou d’officiers domestiques. Ces remèdes donnent au corps une disposition qui rend l’homme plus capable des fonctions propres de sa nature, dont ils tiennent en quelque façon.

Entre ces remèdes il y en a qui ont une qualité maligne, et il y en a qui sont entièrement innocents ou incapables de nuire : c’est pourquoi il faut apporter un grand soin à connaître leurs vertus et leurs usages. En un mot, si vous voulez diminuer la violence des maladies, et rétablir les forces débilitées, servez-vous des remèdes contenus dans le second livre.

Pour les drogues ou remèdes du bas ordre, il y en a cent-vingt-cinq sortes, qui dans la médecine font comme la fonction d’officiers du dehors, et ceux-ci servent particulièrement à guérir les maladies. Ils tiennent de la nature de la terre, et ont tous beaucoup de malignité, ou quelque qualité vénéneuse. Il ne faut pas en user longtemps de suite. En un mot, si vous voulez chasser hors du corps un froid, une chaleur étrangère, un mauvais air, ou quelque malignité qui peut se trouver dans les esprits, lever quelque obstruction, ou dissiper quelques amas d’humeurs, et guérir les maladies, ayez recours aux remèdes du troisième livre.

Parmi les remèdes, il y en a qui tiennent lieu de Kiun, ou souverain : il y en a qui tiennent lieu de Tchin, ou ministres du dedans ; et il y en a qui tiennent lieu de Tso ché, ou d’officiers du dehors. Et la bonté d’une médecine vient de la juste proportion et du tempérament de ces diverses sortes de remèdes. Le Kiun, ou souverain, doit être unique. Il faut deux Tchin, ou ministres du dedans, trois Tso, ou officiers généraux au-dehors, et cinq Ché, ou officiers subalternes. Un Kiun, trois Tchin, et neuf Tso ché, est aussi une juste proportion.

Entre les remèdes, il y en a qui tiennent de la nature d’yn, il y en a aussi qui tiennent de la nature d’yang, et c’est à quoi il faut avoir extrêmement égard, quand on les joint les uns aux autres. Certains remèdes ont aussi entr’eux des relations ou rapports, semblables à ceux qui se trouvent entre la mère et l’enfant, et entre le frère aîné et le cadet.

Les choses qui sont employées dans les remèdes, sont de diverses sortes. Si vous parlez de celles qui sont tirées des végétaux, ce sont la racine, la tige, la fleur, le fruit, et les feuilles, etc. Si vous parlez de celles qui sont douées de sentiment, ce sont la peau, les os, et la chair.


Commentaire.

Le médecin Yuen sou dit : dans tout le genre des choses médecinales, qui ont leur racine en terre, cette moitié, qui est hors de terre, et qui s’élève en haut, est formée par le feu et les esprits, qui montent dans le corps de la plante, et les rameaux d’où naissent les feuilles, s’appellent ken, ou branches : et cette moitié qui est dans la terre, est formée par le suc et les esprits, qui descendent dans le corps de la plante, et ses branches qui pénètrent en terre, s’appellent chao, ou rameaux.

A l’égard des malades, dont la maladie réside dans le chang tsiao, ou tchong tsiao, c’est-à-dire, dans la cavité supérieure ou mitoyenne du corps, il faut se servir du ken, ou branche, c’est-à-dire, des parties supérieures de la plante : et à l’égard de ceux dont la maladie réside dans la cavité inférieure, ou hia tsiao, qui est le bas-ventre, il faut se servir des chao, ou rameaux des racines ; c’est-à-dire, des parties inférieures de la plante. Les ken, ou les branches de la plante, montent en haut ; et les chao, ou racines, descendent en bas.

La moitié supérieure du corps de l’homme tient d’yang, et de la nature du ciel : ainsi les remèdes convenables pour cette partie du corps, c’est la tête, ou les sommités des plantes ; le corps de la plante, c’est-à-dire, le tronc, est pour les maladies du tchong tsiao, ou cavité mitoyenne, qui est le haut-ventre. La moitié inférieure du corps de l’homme tient de la nature de la terre, et conséquemment les chao, ou racines des plantes, sont propres pour les maladies qui résident en bas.


TEXTE.


On distingue sept sortes de remèdes. Il y en a de simples, c’est-à-dire, qui ne se joignent avec aucun autre ; et il y en a de composés. Parmi les composés il y en a qui ne sauraient se passer les uns des autres, et qui demandent d’être toujours joints ensemble : il y en a qui s’entraident réciproquement : il y en a qui s’appréhendent les uns les autres : il y en a qui ont antipathie entre eux : il y en a d’opposés et de contraires : enfin il y en a qui se tuent, ou se mortifient mutuellement.

Il faut une grande attention dans l’assemblage ou emploi de toutes ces sortes de remèdes. Vous ferez bien de vous servir des remèdes qui ne peuvent se passer les uns des autres, et de ceux qui s’aident réciproquement ; mais donnez-vous de garde de vous servir de ceux qui ont antipathie entre eux, et qui sont contraires. Vous pouvez user de ceux qui ont quelque qualité maligne ou vénéneuse, pourvu que vous y joigniez ceux qui ont la vertu de subjuguer cette malignité : mais pour ceux qui ont antipathie entre eux, et qui se tuent mutuellement, ne les joignez jamais ensemble.


Commentaire.

Pao ching dit : dans le Pen tsao de Chin nong, il est traité de trois cent soixante-cinq sortes de remèdes, ou choses médecinales, parmi lesquelles il y en a soixante-onze sortes, qui sont simples, et ne souffrent le mélange d’aucune autre : il y en a douze sortes de celles qui ne sauraient se passer les unes des autres : il y en a quatre-vingt-dix sortes de celles qui s’entraident mutuellement ; soixante-dix-huit sortes de celles qui se craignent réciproquement ; soixante sortes de celles qui ont antipathie entre elles ; dix-huit sortes de celles qui sont contraires et opposées ; trente-six sortes de celles qui se tuent, et qui se mortifient les unes les autres.

Li ché tching dit : Il y a des remèdes de sept sortes ou qualités différentes.

La première sorte, qui est des simples, c’est-à-dire, de ceux qui se prennent seuls, et sans admettre aucune composition.

La seconde sorte est de ceux qui ne sauraient se passer les uns des autres, et qu’il faut toujours joindre ensemble : tels sont le gin seng, ou la réglisse, le hoang ki, le tchi mou[1] et leurs semblables.

La troisième sorte est de ceux qui s’entr’aident, ou se servent les uns les autres.

La quatrième sorte est de ceux qui ont une antipathie réciproque, et qui rendent réciproquement inutiles leurs vertus.

La cinquième sorte est de ceux qui se craignent ou qui se nuisent mutuellement. La sixième sorte est de ceux qui sont contraires ou incompatibles.

La septième sorte est de ceux qui se tuent, ou se détruisent réciproquement. Dans les anciennes recettes on employait assez communément la quatrième et sixième sorte : la seconde et troisième sorte sont employées dans les recettes des empereurs : la cinquième et la sixième sorte sont employées dans les recettes des princes : et la quatrième et septième sorte sont employées dans les recettes des tyrans, ou princes violents.


TEXTE.


On distingue les drogues ou choses médecinales par cinq saveurs : et ainsi il y en a d’aigres, de salées, de douces, d’amères, et d’un goût fort (sapore gravi). On les distingue aussi par les quatre qualités de l’air, suivant quoi il y en a d’une qualité froide ou chaude, tempérée et fraîche.


Commentaire.

Tsong ché distingue les drogues par rapport aux esprits, c’est-à-dire, aux petits corps spiritueux qui en émanent, et qui sont les véhicules des odeurs, et les divise en deux classes ; à savoir de celles qui ont bonne odeur, et de celles qui en ont une mauvaise.


TEXTE.


On les distingue encore en deux autres espèces générales ; savoir en celles qui ont une qualité vénéneuse ou maligne, et celles qui n’ont aucune mauvaise qualité.


Commentaire.

Le médecin Ki pe cao dit : Il y a des maladies invétérées et de nouvelles : il y a de grandes recettes et de petites. Selon la nature ou la qualité des maladies, il faut user de remèdes innocents, ou de ceux qui ont une qualité maligne. Quand pour guérir les maladies, on emploie des remèdes qui ont une grande malignité, si la maladie avait dix degrés de griéveté, ces remèdes en pourront diminuer six degrés : les remèdes qui ont une malignité médiocre, en diminueront sept degrés ; et ceux qui n’ont que fort peu de malignité, en diminueront huit degrés. Quand on emploie des remèdes qui n’ont aucune qualité maligne, de dix degrés de maladie, ils en emporteront neuf.

Pour ce qui est des espèces qui sont purement du genre des aliments, tels que sont les grains, la viande des animaux, les fruits, les herbes et les légumes, pourvu qu’on n’y fasse aucun excès, il ne faut pas craindre d’en recevoir aucun préjudice.

Le même auteur dit encore qu’à l’égard des maladies, ou des sujets qui peuvent résister aux remèdes, lesquels ont quelque qualité vénéneuse ou maligne, on peut employer une dose plus forte ; à l’égard de ceux qui ont peine à y résister, il faut que la dose soit petite.


TEXTE.


Il y a des temps propres pour cueillir et pour préparer les choses médecinales. Il y en a qu’il faut faire sécher au soleil, et il y en a qu’il faut faire sécher à l’ombre.


Commentaire.

Hong king dit : le temps de cueillir les choses qui entrent dans la composition des remèdes, est le commencement de l’année. Et c’est depuis le commencement du règne des Han, que cette coutume s’est établie. La raison pourquoi la plupart des racines médecinales se cueillent dans la seconde et huitième lune, c’est qu’au commencement du printemps la sève montant en grande abondance, est dans sa force ; et ne faisant alors que commencer à faire bourgeonner les plantes, elle ne s’est pas encore distribuée ni consumée, comme elle fait ensuite, dans la production des branches et des feuilles. Quant au temps de l’automne, les feuilles et les branches venant à se dessécher, alors le suc ou la sève coulant en bas, retourne vers son origine.

Au reste, si on cueille ces racines au printemps, il faut ordinairement le faire le matin : et si c’est en automne, il faut que ce soit le soir, pour la même raison.

Pour ce qui est du temps auquel il faut cueillir les fleurs, les fruits, les feuilles, et les tiges ou troncs des plantes, il n’en faut point observer d’autre que celui de leur parfaite maturité.

Sing sseë miao dit : que les anciens médecins, suivant cet endroit du texte de Chin nong, qui regarde la manière de cueillir, de préparer, et de sécher les drogues et les choses médecinales, et les employant selon la méthode prescrite, de dix malades qu’ils traitaient, ils en guérissaient huit ou neuf.

Mais les médecins d’à présent, ignorant le temps de cueillir et de ramasser les drogues, aussi bien que la nature du terroir où elles croissent, et ne sachant si elles sont vieilles ou nouvelles, pleines de suc ou vides, de dix malades, auxquels ils donnent des remèdes, ils n’en sauraient mettre la moitié sur pied.

Ma tchi dit : Il y a beaucoup de gens qui abusent de cette pratique de faire sécher à l’ombre une partie des choses médecinales : car, par exemple, si on prend des cornes tendres de cerf, qui ne font que de pousser, et qu’on les fasse sécher à l’ombre, elles se pourrissent ; et si on les fait sécher au feu, on réussit.

Au reste, les racines des arbres et des herbes qui auront été cueillies avant la neuvième lune, doivent être séchées au soleil : et celles qui auront été cueillies après ce temps-là, doivent être séchées à l’ombre.

Li ché tchin dit : Comme les mêmes plantes sont différentes entre elles à cause de la diversité du terroir ou des climats du nord et du Sud ; et de la diversité des temps, ou Tsé ki, suivant lesquels elles croissent, et par rapport à leurs racines et à leurs tiges : aussi le temps et la manière de les cueillir, et de les préparer, doivent être différents : ce qui est conforme au sentiment de Cong tchi yo, qu’il cite en cet endroit.

À ce sujet on rapporte un proverbe qui est en vogue dans le marché Kia mou, dont le sens est assez véritable, savoir, que ceux qui achètent les drogues et les remèdes, doivent avoir deux yeux ; qu’un suffit à ceux qui les mettent en usage ; c’est-à-dire, aux médecins ; et qu’aucun n’est nécessaire à ceux qui les prennent de la main du médecin.


TEXTE.


A l’égard des drogues et des remèdes, il y a manière de connaître la qualité du terroir ou du sol qui les porte ; de discerner les véritables des fausses, et les nouvelles des vieilles.


Commentaire.

Hong king dit : Toutes sortes de drogues ou de choses médecinales ont un sol particulier où elles croissent.

Tsong ché dit : Quand vous voulez user des drogues, ayez égard à la nature du terroir, d’où elles viennent : et vous pourrez en faire un bon usage.

Cao, en parlant des drogues vieilles et nouvelles, en rapporte de six sortes, qui doivent être vieilles pour avoir un bon effet dans la médecine ; et dit ensuite que toutes les autres doivent être fraîches et nouvelles, suivant le sentiment de Hong king : mais il en ajoute quelques autres, parmi lesquelles est le tai hoang, ou la rhubarbe, qu’il prétend être meilleure, et avoir beaucoup plus de force, étant vieille que fraîche.


TEXTE.


Les drogues et les choses médecinales, selon que leur nature est différente, doivent être préparées en différentes manières. C’est pourquoi il y en a dont on fait des pilules, et il y en a qu’on broie seulement, et qu’on réduit en farine ou en poudre. On en fait cuire dans l’eau certaines sortes, et d’autres on les fait infuser dans le vin. Il y en a aussi qu’on fait frire dans l’huile ou dans la graisse, tel qu’est le sain de cochon. Certaines espèces peuvent être préparées en plusieurs de ces manières : et quelques-unes ne doivent jamais se donner préparées avec du vin ou d’autre potion. En un mot, pour ne point errer en cette matière, il faut avoir égard à la nature de chaque espèce.


Commentaire.

Hong king dit : suivant la diversité des maladies, il faut donner les remèdes, ou en pilules, ou en poudre, ou en potion et manière de bouillon, ou avec un véhicule de vin, ou en électuaire, c’est-à-dire, préparés et cuits, ou frits avec de la graisse.

Hao to dit : Entre les maladies, il y en a qu’on guérit avec les remèdes en potion ; d’autres se guérissent avec les pilules ; quelques-unes avec des poudres ; les unes par le moyen des purgatifs, d’autres avec les vomitifs ; certaines avec le secours des sudorifiques.

Les remèdes en potion ou breuvage sont propres à laver les entrailles, à rendre le mouvement du sang libre, et à mettre yn et yang, dans un juste tempérament. Les pilules servent à chasser les vents et le froid étranger hors du corps, à lever les obstructions, et à porter le suc alimentaire dans toutes les parties du corps.

Les remèdes donnés en poudre, chassent hors du corps la malignité des vents, du froid, du chaud, et de l’humidité, et désopilent les viscères, rendent le ventre libre, sont amis de l’estomac.

Dans les maladies où il faut purger, si l’on néglige de le faire, cette négligence cause plénitude du ventre et des intestins, et gonflement vers la région du cœur.

Dans celles où il faut employer les sudorifiques, si on ne fait pas suer le malade, tous les pores de la peau se bouchent, le malade devient chagrin, le mouvement des esprits est interrompu, et le malade meurt.

Quand il faut user de vomitifs, et qu’on néglige de le faire, cette négligence fait enfler la région de la poitrine, rend la respiration difficile, empêche les aliments de pénétrer dans toutes les parties du corps, et cause à la fin la mort.

Cao dit : Les remèdes en potion ou breuvages, sont pour guérir les grandes maladies. Les remèdes en poudre, sont pour guérir les maladies soudaines. Les pilules, sont pour guérir les maladies lentes, et qui sont longtemps à se former.

Les remèdes préparés par la mastication étaient anciennement en vogue, c’est-à-dire, avant qu’on eût trouvé la manière de fabriquer des instruments de fer pour les hacher et les inciser. Alors on mâchait avec les dents les espèces dont on voulait user : on en exprimait le suc, et on le donnait au malade. Cette sorte de préparation était pour faciliter le mouvement des humeurs de bas en haut, et pour les distribuer plus aisément dans tous les vaisseaux.

Toutes les fois qu’on veut guérir une grande maladie, il faut faire bouillir les espèces qu’on y veut employer, dans le vin, pour en chasser l’humidité : il faut y ajouter du gingembre vert, pour rétablir ce qu’il peut y avoir[2] d’esprits dissipés ; plus, de grosses jujubes, pour dissiper les vents et le froid ; plus, du blanc d’oignon, pour dissiper les phlegmes de la poitrine.

Quand on veut que les remèdes ne pénètrent pas jusqu’aux vaisseaux, mais qu’ils dissipent seulement les amas d’humeurs qui peuvent être dans l’estomac, dans les viscères, et autres endroits des entrailles, il faut les réduire en poudre fine, et les délayer avec le miel. Quand ils sont d’une nature et saveur un peu grossière, les remèdes en poudre se délaient seulement avec l’eau chaude : mais quand ils sont d’une nature et saveur plus fine, il faut les faire bouillir et les donner au malade avec le sédiment.

Pour dissiper ou évacuer les phlegmes de la pituite du bas-ventre, on emploie les pilules ; mais il faut qu’elles soient grosses, rondes, et polies : elles doivent être de médiocre grosseur pour le haut-ventre ; et très petites pour la poitrine.

Pour faire qu’elles descendent toutes entières dans l’estomac, et qu’elles mettent plus de temps à se défaire, il faut les enduire d’une couche de colle : et pour faire qu’elles se défassent promptement, il faut les donner avec du vin ou avec du vinaigre.

Yuen fou dit : Quand le siège de la maladie est à la tête, au visage, ou à la peau, il faut cuire dans le vin les espèces donc vous voulez user : s’il est entre le nombril et la gorge, il faut les laver seulement avec le vin : mais si la maladie réside dans le bas-ventre, il faut employer les espèces toutes crues ; celles néanmoins qui sont d’une qualité froide, doivent être mises dans le vin, puis séchées, pour empêcher qu’elles ne fassent mal.


TEXTE.


Si vous entreprenez de traiter quelque maladie, il faut premièrement examiner sa cause avec tous les symptômes qui ont précédé, et qui suivent. Et si vous trouvez qu’aucun des cinq viscères, ni aucun endroit des entrailles n’est épuisé, qu’il n’y ait point de dérèglement dans le pouls, que l’humide radical, ou la vigueur naturelle n’est point dissipée, par le moyen des remèdes vous remettrez le malade sur pied. Quand une fois la maladie est formée, des malades que vous traiterez, n’espérez pas d’en guérir plus de la moitié. Mais lorsque le mal est extrême, il est très difficile d’y apporter remède.


Commentaire.

Hong king dit : A moins qu’un médecin, quelque habile d’ailleurs qu’il puisse être, ne fasse attention à la voix et à la couleur ; comment pensez-vous qu’il puisse, par le seul pouls, connaître si le sujet qu’il observe est malade ou non.

Li ché tchin dit : dans le premier âge, les anciens préparaient les remèdes, mais ils n’en usaient point, leur santé étant parfaite. Dans le moyen âge, la vigueur avec la vertu ayant dégénéré, lorsqu’il survenait quelque incommodité, de dix mille personnes qui prenaient des remèdes, il n’y en avait pas un qui ne recouvrât sa première santé. Pour ce qui est du temps présent, on emploie les remèdes qui ont des qualités vénéneuses et malignes, pour attaquer le mal, quand il est retranché au-dedans ; et les pierres de cauterre, les poinçons, et les mèches, pour châtier le mal, quand il est dans les dehors : et avec tous ces artifices, on a bien de la peine à en retirer quelque avantage, etc.

Chun yn y dit : Il y a six sortes de malades qu’on ne saurait guérir. La première sorte, est des présomptueux ou superbes, qui ne veulent point avoir égard à la raison. La seconde sorte, est des avares, qui ont plus de soin de leurs biens, que de leur propre corps. La troisième sorte, est des indigents, à qui le vêtement et la nourriture manquent. La quatrième sorte, est de ceux en qui yn et yang sont déréglés. La cinquième sorte, est de ceux, qui, à cause de leur extrême faiblesse et maigreur, sont incapables de toutes sortes de remèdes. Et la sixième sorte, est de ceux qui ajoutent beaucoup de foi aux charlatans et aux imposteurs, et n’en ajoutent aucune aux médecins.

Tsong ché dit : Il y a six défauts auxquels on tombe assez communément dans la médecine. Le premier, est un défaut d’examen et de recherche des causes des maladies. Le second, est un défaut de confiance au médecin de la part du malade. Le troisième, est un défaut d’attention au temps. Le quatrième, est un défaut de prudence dans le choix d’un bon médecin. Le cinquième, est un défaut de discernement pour connaître la maladie du sujet[3].

Il y a huit choses, lesquelles il faut observer soigneusement dans les malades ; à savoir, la plénitude ou l’épuisement, le chaud ou le froid, les causes internes ou externes des maladies, et la région où elles résident, savoir, le dedans ou le dehors.

Toutes les fois qu’on examine quelque maladie, il faut avoir égard à l’air, à la couleur, et au pouls du malade, aussi bien qu’à ses forces, à l’habitude de sa chair, de ses os, et de sa peau, et même à son naturel, et à ses passions.

Que si le malade a un pouls qui ne soit pas propre de la maladie dont il est attaqué, et que le médecin ne puisse pas connaître par une autre voie sa véritable disposition, comment peut-il lui donner des remèdes à propos ? Ainsi c’est un grand abus qui règne aujourd’hui parmi les personnes riches, savoir, que quand les femmes sont malades, elles se tiennent closes et fermées sous leurs courtines, et présentent au médecin leur bras, couvert d’une étoffe de soie, comme pour leur faire deviner leur maladie. J’ai ouï dire qu’il y en a, qui ne permettent pas même au médecin de leur toucher le bras de la sorte ; mais seulement un fil de soie qu’on leur attache au poignet, et sur lequel le médecin peut appuyer la main, à quelques pieds de distance.


TEXTE.


Quand on emploie les remèdes qui ont quelque qualité maligne ou vénéneuse, pour guérir les maladies, il faut commencer d’abord par une dose légère, et petite comme un grain de la plus petite sorte de millet ; et il faut désister dès que le mal est passé. Que si le mal ne passe pas, il faut doubler la dose. Si cela ne fait rien, il la faut décupler. En un mot, la quantité, qui est précisément nécessaire pour chasser le mal, est la juste mesure ou dose de ces sortes de remèdes.


Commentaire.

Hong king dit : Parmi les remèdes dont on se sert maintenant, il n’y a que deux sortes de remèdes simples, qui aient une qualité vénéneuse. Si vous en usez, il n’en faut prendre que la grosseur d’un de ces sortes de pois, appelés pa teou, conformément à ce qu’on lit dans un autre endroit du texte de ce livre.

Si vous usez d’un remède qui soit simple, sans aucune composition, et qui ait une qualité vénéneuse, il n’en faut prendre à la fois qu’une pilule de la grosseur d’un grain de sima, ou gergelin.

Si vous usez de remèdes composés de deux espèces, dont une ait une qualité vénéneuse, prenez deux pilules à la fois de la grosseur d’un grain de chenevi.

Si vous usez de remèdes composés de trois espèces, dont il y en ait une vénéneuse ; prenez trois pilules de la grosseur d’un pois, de l’espèce appelée hou teou.

Si vous usez de remèdes composés de quatre espèces, dont une ait quelque qualité vénéneuse ; prenez quatre pilules de la grosseur d’un pois de cette espèce, qu’on appelle siao teou.

Si vous usez de remèdes composés de cinq espèces, dont une ait quelque qualité vénéneuse ; prenez cinq pilules de la grosseur d’un gros pois, ou de l’espèce appelée ta teou.

Si vous usez de remèdes composés de six espèces, dont une ait quelque qualité vénéneuse ; prenez-en six pilules de la grosseur d’une graine de l’arbre, appelle tong chu : et ainsi des autres remèdes composés de sept, de huit, de neuf, et dix espèces, suivant le nombre desquelles il faut prendre le même nombre de pilules, et toutes de la grosseur de la graine de l’arbre tong chu ; en quoi il faut avoir égard a la pesanteur, aussi bien qu’au volume ou à la grosseur.

Tong ché dit : Quoique cette règle soit certaine, il ne faut pas laisser d’avoir égard à l’âge et à la complexion du malade ; à la disposition présente où il se trouve ; savoir, s’il sent plénitude ou épuisement ; si la maladie est récente ou invétérée. Il faut aussi examiner les degrés de malignité des remèdes vénéneux, quand on en use. En un mot, il ne faut pas s’attacher opiniâtrement à suivre cette règle à la lettre en toutes occasions ; mais il la faut modifier, selon que les différentes circonstances le requerrent.


TEXTE.


Il faut traiter les maladies qui viennent d’une cause froide avec les remèdes chauds ; et celles qui viennent d’une cause chaude, avec les remèdes froids. Dans celles où les aliments ne se digèrent pas bien, il faut user de purgatifs et de vomitifs : les tumeurs malignes et enflures de ventre, où il y a des vers ou d’autres insectes, se guérissent avec les remèdes qui ont quelque qualité vénéneuse. Les apostumes, les abcès, et autres tumeurs se guérissent avec les remèdes propres des plaies.

On traite les maladies ou incommodités causées par les vents et l’humidité, c’est-à-dire, par quelques humeurs froides, avec des remèdes vénéneux et humides. En un mot, chaque remède doit être proportionné à la maladie pour laquelle il est fait.


Commentaire.

Hong king dit : Quoique les remèdes, chacun en particulier, soient simples, on les emploie la plupart à guérir plus de dix sortes de maladies. Mais il faut surtout faire attention à la vertu et propriété principale d’un chacun.

Li ché tchin dit : Il y a des remèdes, dont la saveur et l’odeur, c’est à-dire, les qualités, ont de la force, et d’autres dont les qualités sont faibles. Il y en a qui opèrent doucement, et il y en a qui le font avec violence. Dans la détermination des doses il y a du plus ou du moins : la force des malades à supporter les remèdes, est plus ou moins grande, etc.

Dans les maladies qui viennent de la chaleur, il faut éloigner la chaleur : dans celles qui viennent de froid, il faut éloigner le froid : dans celles qui viennent de fraîcheur, il faut éloigner le frais, et dans celles qui viennent de chaleur médiocre, il faut éloigner cette chaleur.

Dans les maladies qui sont de la poitrine, et au-dessus du diaphragme, il faut prendre les remèdes après avoir mangé. Dans celles qui résident au-dessous du cœur et de l’estomac, il faut prendre les remèdes avant que d’avoir mangé. Pour celles qui résident dans les quatre vaisseaux des membres, il faut prendre les remèdes à jeun, et le matin ; et dans celles qui ont leur siège dans les os et dans la moelle, il faut prendre les remèdes après une forte réfection, et sur le soir.

Hong king dit : Entre les remèdes il y en a qu’on prend dans du vin, et il y en a qu’on prend dans de l’eau, ou dans du bouillon de riz : les uns se prennent infusés à froid, et les autres veulent être pris chauds. Ces sortes de remèdes qui se prennent par manière de breuvage, ou se prennent seulement une fois, ou se réitèrent plusieurs fois. Les remèdes qu’on donne par manière de breuvage, et qu’on fait bouillir, se prennent, ou après avoir longtemps bouilli, ou après un seul bouillon. En un mot, chaque sorte de remède a sa préparation particulière.

Cao dit : Telle était la pratique admirable des anciens à donner ou à prendre des remèdes. Lorsque le siège de la maladie résidait en la partie supérieure, ils réitéraient plusieurs fois la prise : mais la dose ou quantité était petite à chaque fois. Lorsque la maladie avait son siège dans la région inférieure, ils réitéraient aussi plusieurs fois la prise : mais la dose ou quantité était plus grande. Les petites prises sont propres pour humecter peu à peu la région supérieure, et les grandes prises servent à humecter et à rétablir les parties inférieures.

Au reste, toutes les fois qu’on rencontre ces paroles dans les recettes, Fen tsai fou san fou, redoublez et réitérez la prise. Cela se doit entendre par rapport à la disposition du malade, à ses forces, à la grièveté de la maladie, suivant quoi il faut diminuer ou augmenter le nombre des prises et la dose, et ne pas s’attacher opiniâtrement à cette règle.


TEXTE.


Les principales maladies sont causées, les unes par les vents, les autres par le froid. Il y en a où le froid et le chaud se succèdent par intervalles réglés : et de ce genre sont les fièvres intermittentes, parmi lesquelles sont la tierce et la quarte. Outre cela il y a des maladies, dans lesquelles se trouvent les maux de cœur, les nausées, les vomissements. Il y a encore l’enflure de ventre, la diarrhée, le ténesme, la constipation, ou dureté de ventre, la suppression des urines et la dysurie, la difficulté de respirer, la jaunisse, les indigestions, les obstructions et oppilations, le vertige, l’épilepsie, la phrénésie, l’esquinancie, l’apoplexie, les douleurs de dents, la surdité, l’éblouissement, les diverses sortes d’abcès, de tumeurs, et d’apostumes, les diverses sortes de maladies, d’épuisement de forces et d’esprits propres des hommes, les diverses sortes de maladies propres des femmes, etc.


Commentaire.

Hong king dit : Entre toutes les sortes de maladies qui se peuvent traiter avec les remèdes, si nous parlons seulement de celles qui sont causées par le froid, et qui sont du genre de Chang han, on en peut compter plus de vingt sortes différentes, qui ont des signes et des symptômes, tous différents les uns des autres.


  1.  1
  2. La chaleur naturelle.
  3. Le sixième manque dans l’original.