Des injections iodées

ÉCOLE NATIONALE VÉTÉRINAIRE DE TOULOUSE


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DES


INJECTIONS IODÉES


PAR


Jean-Marie Fontan


De St-Sever de Rustan (Hautes-Pyrénées).


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THÈSE


POUR LE DIPLOME DE MÉDECIN VÉTÉRINAIRE


Juillet 1877


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CASTRES


TYPOGRAPHIE DU PROGRÈS


12, RUE MONTFORT, 12
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1877.


À MON PÈRE, À MA MÈRE

FAIBLE TÉMOIGNAGE DE RECONNAISSANCE ET D’AMOUR FILIAL



À MON FRÈRE — À MES SŒURS



À MES AMIS



À MES PROFESSEURS



AVANT-PROPOS
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Les injections iodées, nées dans la médecine humaine, ont été importées en vétérinaire où elles sont généralement délaissées par la plupart des praticiens, ce qu’il n’est permis d’attribuer qu’à l’incertitude qui a régné jusqu’à ce jour sur le degré d’innocuité de ce nouveau moyen.

Le chirurgien, avant d’adopter une opération dans sa pratique usuelle, doit posséder d’une manière exacte, précise et approfondie, les chances de succès que peut lui offrir la méthode qu’il se propose de mettre en usage. On conçoit dès lors que l’idée vague et obscure qui a existé jusqu’ici sur tout ce qui concerne les injections iodées ait arrêté l’extension de ce moyen curatif précieux.

Pendant ces deux dernières années, de nombreux cas pathologiques ont été traités à l’École par ces injections ; les brillants succès que j’ai vu obtenir de leur application m’ont pleinement démontré leur efficacité, lorsqu’elles sont judicieusement pratiquées. Aussi serait-il à désirer que l’usage de cette médication fût plus répandu dans la médecine des animaux, car les vétérinaires pourraient infailliblement retirer de son emploi d’immenses avantages.

C’est à ce titre que les injections sodées m’ont paru mériter une monographie spéciale.

Les découvertes récentes dont elles ont été l’objet, quelques documents puisés dans la médecine de l’homme et les observations que j’ai pu recueillir à la clinique de l’École, sont les principaux éléments qui m’ont servi de base pour combler les nombreuses lacunes des rares écrits qui ont été publiés en médecine vétérinaire sur le sujet de cet opuscule.

J.-M. FONTAN


DES INJECTIONS IODÉES




DÉFINITION


On désigne sous le nom d’injection iodée une opération qui consiste à introduire dans des cavités naturelles ou accidentelles, une quantité plus ou moins considérable de teinture d’iode, pure ou diluée à des degrés divers, dans le but de produire une action thérapeutique.

Ces injections ont pour effet de modifier la vitalité des parois de ces cavités, et par suite de leur puissance sécrétoire, préalablement troublée par l’influence de causes morbides. Les modifications que les injections iodées apportent dans les sécrétions anormales qu’elles servent à combattre, consistent, suivant les cas, soit à amoindrir ces dernières, soit à les tarir complètement, soit enfin à changer la nature des liquides sécrétés. Cet aperçu général de la nature, des indications et des effets des injections iodées ne donnent qu’une idée fort vague de ce moyen chirurgical ; mais cette idée s’éclaircira progressivement à mesure que les divers points que ces injections présentent à l’étude seront mis à jour, avec les détails que sonleur importance comporte.


HISTORIQUE


Les injections iodées comptent au nombre des plus brillantes découvertes de la chirurgie moderne. En 1839, Velpeau, pratiquant une injection de ce genre dans un kyste fémoral poplité, injecta par hasard la synoviale de l’articulation, sans que l’opération fût suivie d’effets fâcheux. En 1841, Bonnet, se basant sur l’efficacité de cette opération, eut l’idée de l’appliquer au traitement de l’hydrocèle d’abord, puis à celui des hydarthroses, kystes, abcès froids, hygromas, etc., et de toutes les hydropisies en général. Ces injections furent répétées depuis par plusieurs médecins, et avec des résultats variables, pour combattre les hydropisies articulaires et tendineuses. Malgré les quelques insuccès qui furent signalés, cette nouvelle conquête de la science n’en resta pas moins dans la pratique.

Cette innovation, ayant ainsi pris naissance dans la chirurgie humaine, ne tarda pas à être introduite dans la chirurgie vétérinaire. C’est à M.  Leblanc que revient la gloire de l’avoir appliquée le premier à la médecine de nos animaux domestiques. Ayant d’abord expérimenté sur des chevaux destinés à être sacrifiés, les excellents résultats qu’il obtint de ce nouveau moyen le poussèrent à le mettre en usage sur des chevaux d’une plus grande valeur. En 1847, ce praticien distingué publia dans sa Clinique vétérinaire un long Mémoire dans lequel il relatait 25 cas heureux d’injections iodées dans les synoviales articulaires, ce qui le portait à conclure qu’elles pouvaient être efficacement et impunément pratiquées, même dans les séreuses des grandes articulations, où elles ne produisent qu’une inflammation peu intense, amenant constamment la guérison.

L’efficacité du nouveau moyen, quoique si hautement proclamée par celui qui en était le promoteur, ne fut cependant acceptée par les praticiens qu’avec une certaine défiance, et des expériences furent aussitôt entreprises pour prouver l’innocuité de cette méthode. MM.  H. Bouley, Lafosse et Rey, ainsi que quelques vétérinaires praticiens, pratiquèrent de nombreuses injections, tant expérimentales que thérapeutiques. Ces expériences ne furent pas toujours couronnées de succès ; car, dans un certain nombre de cas, les injections produisirent l’inflammation suppurative de l’articulation ou de la gaîne tendineuse, et presque fatalement la perte des animaux. Mais à côté de ces résultats fâcheux, de nombreuses réussites furent signalées par plusieurs praticiens éminents, tels que Cambron, Pressecq, Verrier aîné de Rouen, Barry, Porel, Festal Philippe, Perosino de Turin, etc.

Là ne se sont pas bornés les usages des injections iodées. Depuis longtemps déjà, on les avait employées chez l’homme comme moyen de traitement de l’ascite et de l’hydrothorax. En 1863, M.  St-Cyr en fit usage avec un grand succès pour combattre les mêmes affections chez nos animaux.

Enfin, les injections qui nous occupent ont reçu depuis ces derniers temps une nouvelle application, dans le but d’obtenir l’atrophie de certains organes glandulaires, dont les canaux excréteurs sont atteints de fistules difficilement curables. Usitées contre les fistules salivaires dans les premières années qui suivirent leur découverte, ces injections avaient été presque entièrement délaissées dans la suite, lorsque, en 1871. M.  Lafosse entreprit de nouvelles expériences à ce sujet. Les espérances qu’il avait conçues se réalisèrent, car les succès qu’il obtint prouvèrent irréfutablement que les injections iodées jouissent, contre les fistules salivaires, de propriétés curatives à peu près infaillibles.

Ainsi donc, il est aujourd’hui parfaitement démontré que les injections iodées constituent un moyen qui, par son efficacité incontestable et son facile emploi, est destiné à prendre rang parmi les opérations usuelles de la chirurgie vétérinaire.


INDICATIONS & CONTRE-INDICATIONS


Les injections iodées constituent un moyen thérapeutique qui joue aujourd’hui un rôle très important dans le traitement de certaines affections de nos animaux. Aussi il est indispensable que le vétérinaire qui veut les mettre en usage, connaisse quelles sont, d’une façon précise, les indications qui réclament leur emploi, et les contre-indications qui interdisent leur usage, sous peine d’essuyer de nombreuses et préjudiciables déceptions.

Les affections contre lesquelles on les a préconisées sont très nombreuses ; je les diviserai en deux groupes : le premier comprendra les hydropisies de membranes closes ; les fistules salivaires formeront à elles seules le second groupe.

Les membranes closes dont l’hydropisie est combattue par les injections iodées sont elles-mêmes très diverses. On peut les ranger sous quatre chefs, à savoir : 1o les bourses muqueuses ; 2o synoviales tendineuses ; 3o les synoviales articulaires ; 4o les séreuses splanchniques. J’examinerai successivement les lésions de ces quatre ordres d’organes, attendu que les résultats de l’opération varient considérablement suivant la catégorie de membranes que l’on considère.


HYDROPISIES DE MEMBRANES CLOSES. — 1o Bourses muqueuses. — Les bourses muqueuses sont creusées dans le tissu conjonctif sous-cutané, principalement sur les parties saillantes des grandes articulations, entre la peau et les saillies osseuses. Leur hydropisie les transforme en tumeurs indolentes que l’on nomme hygromas. Celles que l’on observe au boulet, au genou, au coude (éponge), à la pointe du jarret (capelet), sont presque toujours guéries par les injections iodées, comme l’ont prouvé les observations publiées par MM.  Verrier aîné, Rey et quelques autres praticiens. — Il en est de même des kystes (que l’on peut ranger à côté des hygromas), et notamment des kystes sous-cutanés de la gorge du chien, provenant soit de morsures, soit de contusions, soit d’un état pathologique de la glande tyroïde. Enfin, ce moyen peut être également avantageux contre le mal de garrot, et le mal de nuque, lorsqu’ils se présentent à l’état de kyste sérieux.

2o Synoviales tendineuses. — C’est contre les hydropisies de ces séreuses que les injections iodées reçoivent l’emploi le plus fréquent. Ces hydropisies constituent ce que l’on désigne sous les noms de vessigons tendineux, molettes tendineuses. Les vessigons simples ou chevillés du creux du jarret sont presque constamment guéris par l’emploi méthodique des injections iodées, comme le démontrent les nombreux cas de succès publiés par MM. Cambron, Rey, Barry, H. Bouley, les frères Verrier de Rouen, Leblanc, Festal, Liard, Dupont, etc. Il faut être très réservé en ce qui concerne le vessigon tendineux carpien, car on constate assez fréquemment dans ce cas des symptômes d’arthrite, avec indiviationinduration persistante des tissus environnants. Toutefois, d’après M. H. Bouley, on obtiendrait par l’emploi des injections iodées dans le vessigon carpien des cures merveilleuses. — Dans les molettes, ce procédé, outre qu’il ne réussit pas toujours, est souvent dangereux : aussi ne doit-il être employé dans ces cas qu’avec une certaine circonspection. Cependant tous les praticiens n’ont pas été également malheureux, car aux insuccès presque constants de M.  Rey, on peut opposer les succès obtenus par MM.  Verrier, Porel, H. Bouley, etc. Aussi il est à présumer que la plupart des accidents fâcheux que l’on a cités provenaient du modus faciendi plutôt que de propriétés nuisibles inhérentes au médicament lui-même. Cette assertion semble, en effet, être prouvée par la remarque faite à l’École de Lyon, que, dans les cas de molettes, les réussites par les injections iodées sont aujourd’hui bien plus fréquentes qu’autrefois.

3o Synoviales articulaires. — Parmi les affections qui peuvent frapper les grandes articulations, l’hydropisie de leurs synoviales (vessigons articulaires, molettes articulaires), constitue une des plus graves, à cause de la tenacité avec laquelle elle résiste aux agents, soit médicamenteux, soit chirurgicaux qu’on lui oppose. Les injections iodées ont été conseillées par M.  Leblanc qui, de concert avec le docteur Thierry, a employé ce mode de traitement dans un très grand nombre de cas de ce genre, sans éprouver un seul revers. Mais les résultats malheureux qui ont été obtenus par les expérimentateurs les plus habiles tels que Bouley jeune, Delwart, Perosino, Rey, Lafosse, ont nécessairement causé un temps d’arrêt pour la propagation du traitement dont il s’agit. Depuis que ces accidents ont été constatés, les observateurs autres que M.  Leblanc n’ont guère pratiqué des injections iodées dans les articulations.

Que faut-il conclure de ces faits : C’est que les injections iodées ne doivent être employées contre les hydropisies des séreuses articulaires qu’à titre de ressource extrême, lorsque tous les autres moyens de traitement ont été reconnus impuissants. Ces considérations s’appliquent principalement à la jointure du jarret. Contre le vessigon rotulien, les injections iodées ne réussissent pas toujours ; de plus, l’arthrite suppurée est, comme pour l’articulation du jarret, une des complications les plus fréquentes. Les mêmes observations s’appliquent aux hydarthroses du boulet et du genou.

4o Séreuses splanchniques. — Ces membranes sont au nombre de trois : la plèvre, la péritoine et l’arachnoïde ; mais les deux premières surtout, sont souvent le siège d’hydropisie ; en outre, ce sont les seules facilement accessibles à l’opérateur pour l’évacuation du liquide épanché, et, au besoin, pour la pratique des injections iodées. Ce dernier moyen, fréquemment employé chez l’homme dans les cas d’ascite et d’hydrothorax, avec d’heureux résultats, ne l’a été encore en vétérinaire que bien rarement. Mais les expériences de MM.  Leblanc et Thierry et les quelques observations de M.  Saint-Cyr font présumer que, dans les affections précitées, les injections iodées peuvent constituer une ressource très précieuse.

FISTULES SALIVAIRES. — Sous ce titre je n’aurai en vue que les fistules du canal de Sténon, attendu que c’est pour elles seules que les injections iodées ont été pratiquées, du moins jusqu’à ce jour. Il n’est pas à dire cependant qu’elles ne pussent rendre de précieux services dans le traitement d’affections semblables d’autres organes glandulaires, tels que la glande maxillaire la glande lacrymale, les glandes testiculaires même.

Toutes les fistules du canal de Sténon, néanmoins, ne sont pas de nature à réclamer l’injection iodée. À ce point de vue, deux divisions doivent être établies : 1o celles dans lesquelles la partie du canal comprise entre la fistule et la bouche n’est pas obstruée, sont facilement combattues par des applications d’onguent vésicatoire, d’oxymellite de cuivre, d’onguent égyptiac, ou bien par les divers procédés de compression ou de cautérisation ; 2o celles où le canal est obstrué par des corps étrangers (aliments ou calculs) que l’on n’a pu extraire ou refouler, et dont la présence a été suivie de l’oblitération de la partie antérieure du conduit ; ces fistules, dis-je, sont ordinairement guéries par la création d’un canal artificiel entre la bouche et la fistule, résultat que l’on fait suivre de l’application de quelqu’un des procédés préconisés pour les circonstances ordinaires.

Seulement, parmi les fistules de la seconde catégorie, celles qui sont peu éloignées de la bouche permettent seules de rétablir assez facilement des communications artificielles, tandis qu’il n’en est plus de même lorsque les fistules siégent sur un point du canal situé loin de la cavité buccale.

C’est en pareil cas que, vu l’impuissance de tous les moyens connus pour obtenir l’oblitération du conduit fistuleux, se rétablissant toujours, soit sur place, soit sur un nouveau point, on a pensé à pratiquer l’extirpation de la glande. Cette opération a été conseillée par M.  Leblanc, qui l’a tentée le premier sur le cheval ; mais les difficultés et les dangers que cette extirpation présente doivent la faire bannir du domaine de la pratique. C’est à cette opération que l’injection iodée doit être substituée, car cette dernière est d’une exécution facile, exempte de danger, et dont le succès est certain, comme l’ont prouvé les expériences de notre professeur distingué M.  Lafosse, et les nombreux succès que lui a valus l’application de ce nouveau moyen.


PROCÉDÉ OPÉRATOIRE


La description du procédé opératoire des injections iodées comprendra l’examen de quatre points principaux : 1o la préparation du liquide à injecter ; 2o les instruments nécessaires pour l’opération ; 3o la position à donner à l’animal ; 4o enfin, le manuel opératoire.


I. — PRÉPARATION DU LIQUIDE A INJECTER


L’alcoolé iodique se prépare, d’après le Codex, en faisant dissoudre à froid une partie d’iode dans 12 parties d’alcool à 86° centésimaux. Telle est la teinture d’iode ordinaire. Il importe qu’elle soit récemment préparée, car, dans le cas contraire, elle renferme de l’acide iodhydrique qui lui donne des propriétés trop irritantes pouvant nuire au succès de l’opération. — Une question assez importante doit être résolue tout d’abord : faut-il employer la teinture d’iode pure, ou faut-il l’étendre d’une certaine quantité d’eau ? De plus, ce dernier cas échéant, à quel degré de dilution doit-on la soumettre : En règle générale, la teinture d’iode doit rarement être injectée à l’état pur, (sauf dans certains cas de kystes, d’hygromas et de fistules salivaires), parce que le travail inflammatoire qu’elle provoque sous cette forme est souvent trop intense, ce qui peut amener des accidents graves et même mortels, surtout si cette phlogose est accompagnée d’autres circonstances défavorables, soit individuelles, soit atmosphériques, soit hygiéniques. Il est donc préférable de diluer la teinture à un degré plus ou moins considérable. Il faut cependant qu’elle soit assez concentrée pour qu’elle produise de bons résultats, c’est-à-dire pour qu’elle puisse modifier à un degré suffisant les tissus sécrétant sur lesquels on la fait agir. Il existe donc un point de concentration intermédiaire que le tact du praticien peut seul déterminer, car il doit être subordonné au plus ou moins d’ancienneté du mal, au tempérament du sujet, ainsi qu’au degré de sensibilité des tissus sur lesquels on opère. À ces divers points de vue, on peut dire d’une manière générale que l’on doit étendre la teinture d’iode d’autant plus que les sujets sont plus nerveux et les lésions plus récentes ; en outre, la concentration doit être en raison inverse de la sensibilité des organes malades : ainsi, relativement forte pour les bourses muqueuses et les synoviales tendineuses, elle doit être faible pour les séreuses splanchniques et les synoviales articulaires, dont la sensibilité est bien plus exquise que dans les premières.

Ces considérations générales étant posées, voici quelques chiffres approximatifs basés sur la pratique, qui peuvent servir de points de repère : pour les hygromas et les kystes, la teinture d’iode s’emploie pure ou diluée dans un égal volume d’eau ; on la dilue au 1/3, au 1/4 ou au 1/5 pour les hydropisies des synoviales tendineuses ; au 1/5… au 1/8 pour l’hydrothorax et l’ascite ; au 1/8, au 1/9 ou au 1/10 pour les hydarthroses ; enfin, dans les cas de fistules salivaires, que l’on injecte la teinture d’iode pure ou étendue de deux ou trois fois son volume d’eau, on arrive toujours à obtenir le résultat que l’on poursuit, c’est-à-dire l’atrophie de la glande et le tarissement de la sécrétion.

En préparant le mélange de teinture d’iode et d’eau, on obtient un précipité noirâtre d’iode. L’injection d’une pareille matière dans les tissus produit une inflammation trop intense dans certains points. Lorsqu’on commença à pratiquer les injections iodées, on se contentait d’agiter ce mélange au moyen d’une baguette, et le précipité d’iode était introduit pur dans le sac synovial ou séreux. Aussi c’est à ce mode de préparation que doivent être attribués le plus grand nombre des accidents si fréquents d’autrefois. Depuis on a recommandé d’ajouter quelques gouttes d’une solution concentrée d’iodure de potassium pour empêcher la précipitation de l’iode. On voit chaque jour les excellents résultats de ce nouveau moyen de dilution.


II. — INSTRUMENTS


Les instruments nécessaires pour pratiquer les injections iodées varient suivant que l’on doit opérer sur des membranes closes ou sur des glandes.

A. — Dans le premier cas, deux instruments sont indispensables : 1o un trocart fin ; 2o une seringue dont la canule entre dans celle du trocart en s’y ajustant exactement. — Jules Guérin avait imaginé une seringue spéciale qui avait l’avantage de pouvoir être introduite en place avant d’être chargée du médicament, et que l’on pouvait ensuite recharger sans la déplacer ; et un trocart particulier, à pointe ayant la forme de lancette, au moyen duquel on évitait toute déperdition de médicament et toute pénétration d’air dans la cavité. Mais ces instruments sont beaucoup trop compliqués, et leur emploi est impossible dans la pratique usuelle des vétérinaires. On préfère aujourd’hui se servir d’une seringue en cuivre dont les canules, au nombre de deux, l’une pour l’aspiration du liquide morbide, l’autre pour l’injection, s’adaptent à vis ; la tige du corps de pompe est graduée, ce qui permet de mesurer la quantité de liquide introduit. Mais cette seringue est généralement peu employée, et la plupart des vétérinaires se servent d’une seringue ordinaire dont la dimension est en raison directe de la quantité de liquide que l’on veut injecter. On se sert ordinairement d’un trocart de 15 centimètres environ de longueur, dont la tige, du diamètre de 2 à 4 millimètres, se termine en pyramide triangulaire. La canule de la seringue doit s’emboîter hermétiquement dans l’ouverture du tube du trocart située près du manche. — Un stylet mince ou une aiguille à tricoter, et un bistouri droit, sont encore des instruments qu’il est bon de préparer, car leur emploi peut devenir nécessaire.

B. — Lorsqu’on veut opérer sur des glandes, une seringue ordinaire et une canule suffisent : la canule est ordinairement en fer blanc, droite ou légèrement courbe, de 10 à 11 centimètres de longueur, et dont l’une des extrémités est d’un diamètre assez faible (2 ou 3 millimètres environ) pour pouvoir être introduite dans le canal de Sténon par la fistule existante, tandis que l’extrémité opposée s’évase légèrement en entonnoir pour recevoir à frottement la canule de la seringue.


III. — POSITION À DONNER À L’ANIMAL


Cette position varie suivant la région où l’injection doit être pratiquée.

A. — Lorsqu’on doit opérer sur les membres, dans les cas de vessigons, de molettes, d’hygromas, par exemple, MM.  Leblanc et Barry proposent de maintenir l’animal debout, attendu que, dans cette position, la tension de la tumeur est plus facilement obtenue en levant le membre opposé, et la ponction est ainsi facilitée. M.  Rey conseille au contraire de coucher préalablement l’animal. Il est, en effet, préférable de ne pratiquer l’opération que lorsque l’animal est abattu, et que le membre sur lequel on doit agir est solidement fixé. Cette précaution offre le double avantage d’assurer la sécurité de l’opérateur contre les mouvements désordonnés auxquels l’animal pourrait se livrer, malgré tous les moyens dont on dispose pour le contenir debout, mouvements qui, en outre, rendraient l’opération difficile et même dangereuse : car au moment où l’instrument traverse la peau, l’animal s’agite violemment, et le trocart peut, en pénétrant trop profondément, léser les tissus sous-jacents et amener des complications plus ou moins graves. Le membre à opérer est placé dans l’extension et si, dans ce cas, il y a relâchement de la poche, il faut avoir soin de la tendre avec la main gauche, qui sert de point d’appui.

B. — Pour opérer sur les séreuses splanchniques, l’animal peut être maintenu debout ou couché. C’est le praticien qui doit juger de la position qu’il doit donner au sujet, et du mode de contention qu’il doit mettre en usage, se basant à cet effet sur le degré d’énergie et d’irritabilité du sujet, ainsi que sur la taille de ce dernier.

C. — La position debout peut suffire pour opérer sur les glandes salivaires, mais seulement lorsque l’animal est peu irritable ; dans le cas contraire, il est préférable de coucher le sujet pour que la tête soit bien assujétie, ce qui facilité considérablement les derniers temps de l’injection.


IV. — MANUEL OPÉRATOIRE.


Le manuel opératoire des injections iodées ne peut être exposé dans une description générale, attendu que les divers temps de l’opération varient suivant qu’on la pratique dans l’un des cas suivants : 1o hydropisies de cavités closes superficielles ; 2o hydropisies de cavités closes profondes ; 3o fistules salivaires. Aussi je l’examinerai successivement dans ces trois ordres de lésions :


1o Hydropisies de cavités closes superficielles


Sous ce titre, j’envisage simultanément les molettes et les vessigons, tendineux et articulaires, les hygromas et les kystes. Toutes ces lésions ont pour caractère commun de se présenter sous l’aspect de tumeurs sous cutanées qui font saillie à la surface de la peau. C’est cette particularité, qui doit les rapprocher, les grouper, au point de vue du manuel opératoire des injections iodées.

Ce manuel, dans les cas que je viens de signaler, comprend deux temps principaux : 1o la ponction de la tumeur ; 2o l’injection de teinture d’iode.

a, — Ponction de la tumeur. — L’animal étant convenablement fixé, et les poils étant préalablement coupés sur le point où la ponction doit être effectuée, l’opérateur produit au moyen de la main gauche la tension de la poche, et tient de la main droite le trocart, en plaçant l’index à deux centimètres environ de l’extrémité de la canule, pour limiter la partie qui doit être introduite dans les tissus. Il pratique la ponction sur le point le plus saillant de la tumeur, en effectuant avec précaution une pression progressive combinée à un mouvement de demi-rotation, l’instrument étant dirigé presque perpendiculairement à la surface de la peau. La sensation d’une résistance vaincue annonce à l’opérateur que la pointe du trocart a pénétré dans l’intérieur de la cavité, ce qui indique qu’il faut cesser toute pression pour éviter de léser les tissus sous-jacents. La ponction ne doit pas être faite obliquement, de façon à faire parcourir à l’instrument un certain espace sous les téguments avant d’arriver sur la paroi propre de la cavité, afin de prévoir l’extravasation du liquide dans le tissu conjonctif sous-cutané, ce qui amènerait la formation d’abcès.

L’introduction convenable du trocart étant faite, on retire le poinçon d’une main pendant que l’autre retient la canule en place ; on permet ainsi l’écoulement du liquide en excès. Ce liquide s’écoule quelquefois par un jet, mais fréquemment aussi d’une manière lente : il est alors nécessaire de favoriser sa sortie en pratiquant sur la tumeur une sorte de massage, et en plaçant la canule dans diverses positions. Mais cette dernière peut s’obstruer par la présence de flocons fibrineux contenus dans le liquide, ce qui empêche l’extraction de celui-ci : on écarte ces flocons par l’introduction d’un stylet dans l’intérieur de la canule.

Malgré ces précautions, la cavité ne se vide jamais complètement par suite de la présence des compartiments organisés ou des anfractuosités qui existent à l’intérieur. Cette circonstance, qui se rencontre principalement dans les cas de vessigons tendineux, a pour effet de diminuer les propriétés irritantes de la teinture d’iode, par suite de l’action diluante exercée sur celle-ci par la synovie non évacuée. Aussi arrive-t-il quelquefois que la tumeur synoviale se reproduit, ce qui est dû à ce que la poche n’a pas été assez vidée avant d’y faire pénétrer l’injection. Donc, en règle, il faut vider le plus possible.

b. — Injection de la teinture iodée. — Une fois le liquide extrait, on procède à l’injection. À cet effet, la séringue, préalablement remplie, est introduite par sa canule dans celle du trocart, et, maintenant ces instruments rapprochés, on pousse le piston de la seringue jusqu’à ce que l’on éprouve une certaine résistance qui annonce la réplétion de la cavité. Quand une première injection ne suffit pas pour remplir la poche, on en fait une seconde, une troisième, etc., si cela est nécessaire, en ayant soin, chaque fois que l’on retire l’instrument, d’obturer au moyen du doigt, l’orifice de la canule pour éviter une trop grande pénétration d’air et la sortie du liquide.

La quantité de teinture d’iode à injecter est, proportionnelle au volume de la cavité : l’important est qu’elle soit en quantité suffisante pour qu’elle puisse agir sur toute l’étendue des parois de la poche. Au maximum, une quantité égale à celle du liquide extrait suffit. On peut en mettre beaucoup moins, en ayant soin de malaxer la tumeur afin de faire pénétrer l’injection dans tous les diverticules de la poche. C’est ainsi que l’on doit agir dans les grandes cavités contenant plusieurs litres de liquide : dans ces cas, 100 à 250 gram. de teinture sont suffisants.

La durée du séjour du liquide irritant dans l’intérieur de la poche ne peut être déterminée d’une façon précise : quelques secondes ; une, deux, trois minutes au plus suffisent toujours pour les kystes séreux simples. L’essentiel est que le liquide se mette en contact avec tous les points des parois de la cavité. Lorsque ce contact est complètement effectué, on ouvre l’orifice de la canule, et le liquide injecté est projeté au dehors. On facilite sa sortie en pressant la tumeur en différents sens. Mais malgré cette compression, on ne peut parvenir à l’évacuer complètement ; il en reste une portion qu’il est impossible d’extraire, ce qui n’a pas d’inconvénients, car certains opérateurs laissent écouler seulement ce qui peut sortir sans aucune pression artificielle.

Soins après l’opération. — Il n’est pas nécessaire d’appliquer de pansement ; toutefois si l’on craint l’introduction de l’air, on peut obturer l’orifice de la piqûre avec un petit emplâtre de poix noire ou de cire fondue, ou bien avec de la pâte de térébenthine. Mais il faut se garder d’entretenir la partie d’un bandage compressif, qui favoriserait l’infiltration du liquide, gênerait la circulation et deviendrait une cause d’inflammation exagérée. De même l’emploi d’éponger humides ou de plumasseaux imbibés d’eau froide doit être délaissé.

L’animal qui vient d’être opéré doit être soumis à la diète pendant deux ou trois jours pour prévenir une fièvre traumatique trop intense. Si, malgré cette précaution, la réaction dépasse les limites modérées, on la combat par la saignée et les boissons nitrées ; on calme l’inflammation locale en faisant de temps en temps sur la partie des lotions d’eau froide blanchie par l’extrait de saturne. Un repos absolu est indispensable pendant les premiers jours, attendu que les mouvements de la locomotion ne peuvent qu’être nuisibles en fatiguant l’articulation ou la gaine tendineuse injectées. Il est même prudent d’opérer dans un local le plus rapproché possible de l’écurie où le cheval doit être conduit après l’opération. Après un repos d’une dizaine de jours, le cheval de trait peut reprendre son travail ordinaire ; on attend quelques jours de plus pour un service au trot. Depuis cette époque, l’animal peut continuer à travailler sans interruption jusqu’à complète guérison.


2o Hydropisies de cavités closes profondes

Les détails que je viens d’exposer précédemment me dispenseront de m’étendre aussi longuement pour le manuel opératoire des injections iodées dans les cas d’hydropisies de cavités closes profondes, c’est-à-dire des séreuses splanchniques.

Dans l’ascite, le flanc gauche chez le cheval et le chien, le droit chez le ruminant sont les lieux d’élection dans la généralité des circonstances ; dans l’hydrothorax, c’est à la partie inférieure du septième espace intercostal, à quelques millimètres au dessus des articulations sterno-costales correspondantes que l’opération s’effectue. Dans tous les cas, voici comment se pratique l’injection on perce d’abord la peau avec la pointe du bistouri droit, puis on enfonce le trocart comme il a été dit plus haut, et on favorise l’écoulement par des compressions et des manipulations appropriées. Il est bon cependant de laisser une certaine quantité de liquide dans la séreuse pour que les propriétés irritantes de la teinture d’iode soient affaiblies. Après avoir injecté le médicament d’après les mêmes règles que dans les cavités closes superficielles, il est indispensable d’exercer des pressions sur les parois inférieures de la cavité et même de rouler l’animal pour que la teinture d’iode se mette en contact avec tous les points de la séreuse. Puis, par les mêmes moyens, on extrait la plus grande quantité possible du liquide que l’on vient d’introduire. On termine enfin par l’application sur l’ouverture cutanée d’une suture entortillée ou d’une épingle, en ayant soin d’empêcher toute introduction d’air.

Il importe de prendre cette dernière précaution pendant les divers temps de l’opération, car la présence de l’air, surtout dans les plèvres, pourrait causer de graves complications. Aussi, il est prudent, pour prévenir cet accident, de lier, à l’exemple de M. Reybaud, sur l’ouverture extérieure de la canule du trocart, un petit sac de baudruche mouillé, que l’on perfore à l’extrémité opposée à l’ouverture de la çanule. Par cette disposition, si une inspiration appelle l’air extérieur lorsque le liquide cesse de s’écouler par l’ouverture du sac, les parois de ce dernier l’accolent entr’elles et sur l’ouverture de la canule, d’où obstacle à l’introduction de l’air.


3o Fistules salivaires

Le manuel opératoire des injections iodées pratiquées dans les cas de fistules salivaires est excessivement simple, au moins dans la plupart des circonstances.

L’animal étant convenablement fixé, l’opérateur procède à la dissection, le plus souvent facile, mais parfois aussi très laborieuse du canal de Sténon. Il introduit ensuite dans la fistule l’extrémité la plus fine de la canule, et l’enfonce à 1 ou 2 centimètres de profondeur dans le canal, en remontant vers l’origine de ce dernier organe ; puis il la fixe au moyen d’une ligature. — Pendant qu’un aide maintient la canule dans cette position, l’opérateur remplit la seringue de liquide d’injection, et introduit dans la canule à demeure celle de la seringue. Puis, pendant que d’une main il tient ces deux instruments rapprochés, il pousse de l’autre le piston de la seringue, jusqu’à ce qu’il éprouve une certaine résistance, indice de la réplétion complète des culs-de-sacs et du système canaliculaire de la glande. Cela fait, il ne reste plus qu’à enlever avec précaution la seringue d’abord, la canule à demeure ensuite, et à empêcher l’évacuation de l’injection par l’application d’une ligature à 1 centimètre environ de l’ouverture du canal.

La quantité de liquide nécessaire pour l’ampliation de la glande parotide est bien plus faible qu’on ne le croirait au premier abord, d’après la connaissance de la structure spongieuse de cette dernière ; car, d’après M.  Lafosse, elle n’admet guère plus de 3 ou 4 centilitres dans l’ensemble de ses canaux, de ses canalicules et des culs-de-sacs demi-sphériques par lesquels ces derniers se terminent.

Remarque. — Nous avons vu plus haut que, lorsqu’on injecte la teinture d’iode dans les séreuses, une plus ou moins grande quantité de liquide médicamenteux doit être évacuée peu de temps après son introduction. Quand l’injection se pratique dans la parotide ou dans toute autre glande, la matière irritante doit au contraire y séjourner indéfiniment pour qu’elle soit apte à annihiler les fonctions physiologiques de la glande. En effet, le degré de sensibilité et la puissance absorbante de ce dernier organe étant relativement faibles, on pourrait déjà déduire que le simple contact de l’agent irritant avec l’épithélium glandaire ne produirait qu’une action photogène peu intense et passagère, insuffisante par suite pour amener la formation d’un exsudat qui put oblitérer complètement les canalicules et les culs-de-sacs glandulaires.


EFFETS


Les effets des injections iodées comprennent des effets généraux et des effets spéciaux.


1. — EFFETS GÉNÉRAUX


Lorsqu’une substance irritante est mise en contact avec des tissus jouissant d’une certaine vitalité, le phénomène morbide primordial que sa présence entraîne, c’est l’inflammation : aussi ce processus morbide apparaît dans les tissus des organes où l’injection de teinture d’iode a été pratiquée. Mais quelles sont les modifications intimes qui se passent dans ces tissus pendant que les diverses périodes de l’inflammation se déroulent ?

Je ne passerai pas en revue les propriétés pharmacodynamiques de la teinture d’iode ; il me suffira de dire que ce médicament, employé en injections, agit uniquement par ses propriétés irritantes. À cette irritation produite par la teinture d’iode sur les éléments anatomiques succède chez ceux-ci un trouble nutritif qui a pour effet de leur communiquer une vitalité exagérée. Cette vitalité exige, pour s’entretenir, l’apport d’une plus grande quantité de matériaux d’assimilation : c’est ainsi qu’il s’opère un appel exagéré de ceux-ci au torrent circulatoire, et ainsi s’accomplit l’issue d’une quantité plus ou moins considérable de produits liquides à travers les parois des vaisseaux. Ces troubles de l’exosmose vasculaire provoquent donc la formation d’un œdème dans le tissu enflammé, et de plus un gonflement de ses éléments anatomiques, gonflement qui s’accompagne bientôt de leur prolifération : de là la tumeur extérieure que l’on perçoit quelques heures après l’injection iodée. — Par l’effet de ce trouble exosmotique et de l’infiltration œdémateuse, les nerfs de la partie enflammée, sont comprimés par le liquide exsudé et les vaisseaux voisins gonflés ; de plus, les nerfs eux-mêmes sont irrités : de ces deux causes résulte une douleur plus ou moins vive que l’animal témoigne sous l’impression des attouchements extérieurs sur la région phlogosée. — En même temps que ces phénomènes se passent dans la trame des tissus qui constituent les parois de la cavité, un exsudat libre s’accumule dans l’intérieur de celle-ci pour y subir certaines transformations que j’énumérerai en leur lieu.

Des troubles d’endosmose se produisent parallèlement à ceux d’exosmose, et ils représentent la rentrée dans les vaisseaux capillaires des matériaux de désassimilation anormale effectuée par les éléments anatomiques. La formation de ces déchets plus considérables est en effet une conséquence de l’activité fonctionnelle exagérée de ces éléments. Ces troubles endosmotiques ont pour effet l’altération du liquide sanguin d’où apparition des symptômes généraux de l’inflammation. Si ces lésions du sang restent dans des proportions modérées, elles restent occultes ; mais, si elles dépassent certaines limites, la fièvre inflammatoire se traduit au dehors par l’ensemble de ses symptômes, et notamment par la fréquence du pouls et l’augmentation de la chaleur animale.

L’irritation inflammatoire qui trouble les échanges endo-exosmotiques entre les éléments anatomiques et le sang, retentit aussi jusque sur les vaisseaux de la partie enflammée, et engendre des troubles circulatoires qui ont pour conséquence la production d’une stase sanguine. Cette stase résulte d’une excitation des nerfs vaso-moteurs par l’agent irritant, excitation bientôt suivie d’une paralysie par épuisement nerveux : de là inertie complète et dilatations irrégulières des vaisseaux. Pendant que le travail d’exsudation s’effectuait, le plasma sanguin a traversé en grande partie les parois vasculaires ; les corpuscules sanguins se sont accumulés dans les capillaires, d’où épaississement local du sang, et souvent même extravasation de sa matière colorante, suite de l’augmentation de la tension artérielle. Le sang se ralentit, oscille, puis s’arrête dans les capillaires, d’où résulte la rougeur inflammatoire que l’on ne peut percevoir chez nos animaux, mais qui n’en existe pas moins.

À ces symptômes d’inflammation aiguë succède un travail de régression pendant lequel les infiltrations plastiques s’organisent à leur surface, tout en condensant les parois de la cavité. En même temps les vaisseaux capillaires de l’organe subissent de profondes modifications ayant pour résultat de substituer à la disposition primitive qui présidait à leur sécrétion une disposition nouvelle plus dense, moins développée, et jouissant conséquemment d’une activité sécrétoire moindre. Les observations microscopiques démontrent à cet effet que le sang des capillaires anciens se coagule dans leur intérieur par suite de la stagnation, et s’organise par la formation de capillaires nouveaux destinés à suppléer aux anciens vaisseaux oblitérés. Enfin le liquide séro-gélatineux épanché dans le tissu cellulaire extérieur aux parois de la cavité s’organise à son tour et acquiert ainsi une densité et une rigidité plus grandes.

Bientôt enfin commence la résorption des produits épanchés, résorption très lente à s’effectuer et toujours incomplète.

Ces quelques détails de physiologie et d’histologie pathologiques expliquent suffisamment le mode d’action de la teinture d’iode dans la trame ultime des tissus.


II. — EFFETS SPÉCIAUX

Je les envisagerai successivement : 1o dans les séreuses synoviales ; 2o dans les séreuses splanchniques ; 3o dans les glandes.

1o Séreuses synoviales

Les effets des injections iodées dans les séreuses synoviales peuvent être divisés en externes et en internes.

Effets externes. — Les phénomènes extérieurs qui surviennent aussitôt après l’opération, varient suivant les sujets opérés, car, tandis que certains boîtent manifestement, d’autres ne présentent pas ce symptôme ; tout au plus ont-ils un peu de raideur dans les mouvements. Mais au bout de quelques heures apparaissent les symptômes d’une inflammation locale plus ou moins vive : la région opérée se tuméfie et devient le siège d’une forte douleur qui retentit sur l’organisme entier en produisant une fièvre de réaction, faible chez les animaux peu irritables, très intense au contraire chez ceux doués d’un tempérament nerveux, tels que les chevaux de sang qui restent parfois plusieurs jours couchés sur la litière sans pouvoir se relever. La réaction varie aussi suivant la région opérée : c’est à l’articulation du jarret que ses effets sont le plus intenses ; Ils sont moindres pour la jointure rotulienne, plus faibles encore pour les gaines tendineuses.

Lorsque la tuméfaction est ainsi produite, l’inflammation devient suppurative, ou reste dans la limite exsudative. Dans le premier cas, l’animal éprouve d’atroces souffrances et succombe le plus souvent ; dans le second, que l’on constate le plus fréquemment lorsque l’injection a été pratiquée suivant les règles acquises à la science par les faits, voici ce que l’on observe, l’engorgement signalé augmente encore pendant les quarante-huit heures qui suivent l’opération, de telle sorte que son pourtour dépasse de 4 ou 5 centimètres la circonférence de la tumeur primitive. Le praticien ne doit donc pas être étonné de cette tuméfaction considérable, vu qu’elle est indispensable au succès de l’opération. Au bout d’un jour ou deux, la partie opérée, molle jusque-là, prend la consistance des tissus indurés : c’est un indice de la réussite de l’injection. En même temps, la chaleur et la douleur diminuent graduellement, et la boiterie disparaît vers le huitième jour. À cette époque il reste encore la tumeur qui a notablement diminué de volume, mais dont la résorption complète demande un temps très long pour s’effectuer : quatre ou cinq mois au minimum, une année même parfois. Il faut être prévenu de cette particularité, et d’un autre côté il est bon que le propriétaire de l’animal en soit préalablement instruit.

Lorsque l’opération est suivie de succès, ce qui arrive dans la plupart des cas, la lésion a complètement disparu sans que la ponction ai laissé la moindre trace. Dans les cas rares où la tumeur a persisté en conservant sa mollesse, il y a indication de réitérer l’injection avec un liquide plus concentré, mais cinq ou six mois seulement après la première. Si la tumeur conserve sa dureté, il faut savoir patienter, car dans ce cas la résorption survient infailliblement.

Effets internes. — À l’injection iodée dans les synoviales succèdent la série des phénomènes que j’ai signalés en parlant des effets généraux. C’est ainsi que l’on voit se développer tout d’abord l’inflammation, due l’action directe que la teinture d’iode exerce sur la nutrition des éléments anatomiques. Pour que cette action soit thérapeutique, il faut que l’inflammation reste dans des proportions modérées, qu’elle soit exsudative et non suppurative. Cette inflammation est essentiellement modificatrice de l’appareil vasculaire local, et par suite, des modifications se produisent aussi dans les éléments anatomiques qui sont le siège de la phlogose. C’est ainsi que se succèdent les phénomènes suivants : injection de la synoviale baignée par le topique liquide, exsudation de matière fibrino-albumineuse, et par suite diminution de la capacité de la synoviale par la formation de fausses membranes dans les diverticules les plus éloignés du centre du mouvement.

En outre, la synovie a pris une teinte rougeâtre ou brunâtre, la première due à l’exsudation de matière colorante du sang qui s’est opérée à travers les parois des vaisseaux congestionnés, et la deuxième résultant de son mélange avec la liqueur thérapeutique dont on fait usage. Mais cette couleur trouble de la synovie n’existe que pendant les premiers jours qui suivent l’opération : une nuance plus claire apparaît bientôt jusqu’à ce qu’enfin le liquide lubrifiant ait recouvré ses caractères physiologiques. Dans les diverticulums de la synoviale se forment des accolements des parois épaissies. L’état inflammatoire décroît insensiblement, et la séreuse, par l’effet d’une résorption progressive, revient à son état normal, sauf un peu de congestion qui persiste assez longtemps.

Telle est la marche de la phlogose lorsqu’elle reste dans des proportions modérées ; mais à côté de ces beaux résultats, il est aussi des cas très nombreux, surtout pour les séreuses articulaires, qui sont suivis de complications formidables : suppuration amenant la destruction des jointures ; formation de bourgeons charnus, d’ulcères sur les surfaces articulaires, qui finissent par contracter des adhérences amenant l’annulation complète des mouvements. Alors une maladie incurable, l’ankylose, peut en être la conséquence ; et, si les animaux ne succombent pas à l’inflammation suppurative, ils ne sont plus aptes à rendre les services auxquels on les destine. Or, dans une hydarthrose, ce que l’on se propose d’obtenir par les injections iodées, c’est la réduction du volume de la séreuse synoviale, tout en conservant intact le jeu de l’articulation.


2o Séreuses splanchniques

Les considérations détaillées que j’ai présentées en parlant des effets généraux vont me dispenser de m’appesantir sur les effets spéciaux des injections iodées dans les séreuses splanchniques. Je vais donc me borner à énumérer les particularités auxquelles ces injections donnent lieu dans ces dernières membranes.

A. — Effets apparents. — Les phénomènes apparents, consécutifs à l’opération, sont loin d’être aussi nombreux et aussi tranchés que ceux que nous avons vus se dérouler dans les synoviales : douleurs plus ou moins vives se traduisant par des mouvements désordonnés de l’animal, augmentation de la chaleur animale, fièvre de réaction, tels sont les symptômes constants que l’opération engendre. La diarrhée, la diminution momentanée de la sécrétion urinaire et un météorisme passager auquel succède un affaissement progressif de la cavité qui ramène celle-ci à son volume normal, se montrent lorsque l’injection a été pratiquée dans la cavité péritonéale. Une gêne plus ou moins intense de la respiration est le seul symptôme particulier saillant qui accompagne l’introduction de la teinture d’iode dans les plèvres. Ces manifestations inflammatoires sont favorables au résultat de l’opération ; la phlogose qui leur donne naissance doit être combattue par les moyens antiphlogistiques ordinaires. La diarrhée, quand elle n’est pas trop considérable, doit être respectée les premiers jours.

B. — Effets profonds. — Comme dans les synoviales, l’apparition de l’inflammation de la séreuse est le fait primordial qui advient après l’injection irritante. Cette inflammation débute par une forte fluxion sanguine qui s’accompagne d’une extravasation de sérosité, et non de matières fibrino-albumineuses comme dans les synoviales : c’est-à-dire que dans le premier cas, la phlogose s’arrête à son stade initial, tandis que dans le second elle acquiert une intensité plus grande en passant à sa phase exsudative. Ce fait s’explique par cette raison que le liquide iodé dont on se sert pour les séreuses splanchniques est bien moins actif que celui que l’on emploie pour les synoviales, ces deux ordres de membranes jouissant d’un degré de sensibilité à peu près identique.

Le sérum, après avoir filtré à travers les parois des capillaires, est ensuite résorbé par ces vaisseaux encore dilatés ; la séreuse se ratatine et revient à son volume normal par la rétraction du tissu conjonctif. Cependant, il reste toujours un certain degré d’épaississement, dernier vestige des changements profonds qui se sont opérés dans la structure intime de la membrane par l’effet de l’injection, et qui ont eu pour résultat final l’anéantissement de l’hypersécrétion préexistante. Je ferai remarquer, enfin, qu’il ne s’établit pas d’adhérence entre les deux feuillets (pariétal et viscéral) de la séreuse, car, une telle disposition amènerait facilement une gêne considérable dans les mouvements d’organes que les séreuses doivent faciliter.


3o Glandes salivaires

De même que dans les synoviales, l’injection iodée dans les glandes salivaires donne naissance à une série d’effets que l’on peut distinguer en externes et en internes.

Effets externes. — Les symptômes apparents qui se manifestent après l’introduction de la teinture d’iode dans la parotide présentent une grande analogie avec ceux que l’on observe dans les synoviales : c’est ainsi que la parotide injectée s’engorge trois ou quatre heures environ après l’opération, et devient douloureuse. Mais, ce qui est surtout à noter, c’est que l’on constate pendant la mastication que l’écoulement de la salive a déjà subi un ralentissement marqué, et que cette dernière n’a plus sa transparence habituelle. Vingt-quatre heures après l’opération, la douleur et la tuméfaction ont augmenté, ce qui rend la mastication difficile ; mais tout écoulement a disparu, même lorsqu’on fait mâcher des aliments. Il faut cependant avoir la précaution de tenir l’animal au régime blanc pendant deux ou trois jours, car, il est de remarque que « lorsqu’il reçoit ses repas ordinaires, bien que l’écoulement aille se ralentissant de plus en plus, il ne cesse complètement qu’après trois ou quatre jours, » comme M.  Lafosse l’a constaté dans ses expériences.

C’est à cette époque que la cicatrisation de la fistule s’effectue en même temps que la tuméfaction et la douleur acquièrent leur summum d’intensité, qu’elles conservent pendant cinq ou six autres jours. Puis elles décroissent insensiblement, et disparaissent avec la gêne de la mastication vers le quinzième jour environ. Au bout d’un mois, on peut s’apercevoir que la parotide s’est légèrement déprimée ; mais cet affaissement est peu prononcé au bout de six semaines, époque vers laquelle il cesse de s’accroître.

Effets internes. — Le contact irritant de la teinture d’iode avec le tissu glandaire produit, comme dans les synoviales, un processus inflammatoire qui a pour résultat consécutif l’épanchement d’une exsudation, la formation de fausses membranes qui s’organisent, adhèrent entr’elles et se résorbent ensuite dans une certaine mesure. En définitive, l’atrophie de la glande est complète, car voici ce que l’on constate sur un sujet d’expérience un mois après l’injection :

La parotide a diminué environ de moitié, soit en volume, soit en poids ; son tissu est pâle et ferme au toucher, ses lobules sont beaucoup plus petits qu’à l’état normal, les uns oblitérés, les autres en voie d’obstruction. Le tissu conjonctif interlobulaire est condensé, comme fibreux. Le canal de Sténon présente, dans le point où on avait établi la fistule, un tissu cicatriciel dur, fibreux, criant sous le scalpel. La partie antérieure est dilatée et renferme un liquide blanc, albumineux, qui n’est autre chose que de la salive mêlée à du mucus ; son ouverture sur le mamelon muqueux où il se termine dans la bouche a conservé ses dimensions normales. La partie postérieure, celle où l’injection a été pratiquée n’a pas changé de volume, mais ses parois sont tellement épaissies que la lumière du conduit n’est plus représentée que par un point grisâtre à peine apparent.

Remarque. — Par l’emploi de l’injection iodée, il semble tout d’abord que l’individu opéré doive être privé de la quantité de salive sécrétée par la glande parotide que l’on a atrophiée. Mais s’il en est ainsi dans les premiers jours qui suivent l’opération, cela est de peu de durée, et bientôt la glande opposée, en vertu de la loi de balancement, supplée à cette sécrétion tarie par une sécrétion plus active. L’autopsie prouve, en effet, que la glande opposée à celle qui a été injectée a augmenté d’environ un tiers en volume, que ses lobules sont plus gros qu’à l’état normal, que ses vaisseaux sont dilatés et permettent un plus grand afflux de sang. En un mot, il est évident, palpable, que ses fonctions sont suractivées pour suppléer à sa congénère et fournir la salive indispensable aux fonctions digestives.

Avant de terminer ce qui a trait aux effets des injections iodées dans les glandes salivaires, je vais relater un cas de fistule du canal de Sténon que j’ai eu l’occasion d’observer l’année dernière à la clinique de l’École. Je ferai suivre cette observation de quelques réflexions qu’elle m’a suggérées.

Observation. — Le sujet qui en fait l’objet est un cheval ariégeois, âgé de 5 ans, amené à l’École le 14 juin 1876. Récemment acheté, il porte sur la mâchoire inférieure (côté droit) une fistule d’où s’écoule un liquide très clair pendant que l’animal prend ses repas.

15 juin. — Voici ce que l’examen de la région permet de constater : Sur le bord refoulé du maxillaire, à cinq centimètres environ du point d’émergence du canal de Sténon, existe une plaie d’où la salive s’écoule en abondance pendant que l’on fait mâcher l’animal. La parotide est légèrement engorgée et présente une cicatrice à sa surface. Plus en avant, vers le trajet du nerf sous-zygomatique et de la branche maxillaire de la cinquième paire se montre une seconde cicatrice. On remarque encore une déviation des lèvres de droite à gauche ; l’intérieure est pendante et laisse apercevoir la muqueuse buccale.

Diagnostic : fistule salivaire et paralysie faciale à droite.

Cette dernière est probablement due à une lésion traumatique de l’un ou des deux nerfs précités.

Traitement : on essaie de pousser dans la glande une injection de teinture d’iode pure à la température de 34° ; mais on ne peut parvenir à pratiquer l’opération convenablement, vu qu’il est impossible de trouver l’ouverture fistuleuse du canal, masquée qu’elle est par la présence d’un diverticule de 5 centimètres environ de profondeur ; perpendiculaire à la direction du canal, et dont les parois sont constituées par du tissu induré. — Contre la paralysie, application du feu vis-à-vis des branches nerveuses déjà nommées. — Régime : paille hachée et farine d’orge.

16 juin. — Léger engorgement à la partie inférieure de la parotide ; écoulement salivaire moins abondant. Ces deux symptômes indiquent que l’injection, quoique effectuée dans de mauvaises conditions, a eu cependant pour effet la pénétration du liquide dans une partie de la glande.

17-18 juin. — L’écoulement salivaire continue ; on se borne à tenir le malade au régime déjà prescrit.

19 juin. — On abat l’animal, on débride la plaie, ce qui met à découvert l’infundibulum déjà signalé. On cherche en vain l’orifice du canal de Sténon caché par l’hémorragie ; on remet la dissection au lendemain.

20 juin. — On essaie de découvrir l’origine du conduit excréteur ; la dissection en est très laborieuse par suite de l’état pathologique des tissus de la région. On termine par une injection de teinture d’iode.

21 juin. — Engorgement assez considérable de la parotide.

22 juin. — La tuméfaction diminue ; quand l’animal mange, il sort par la plaie un liquide muco-purulent peu abondant.

23-24-25 juin — Même état : friction d’onguent vésicatoire sur la parotide.

26-27-28-29-30 juin. — Écoulement moins abondant. On panse la plaie avec de l’onguent vésicatoire.

1er-2-3-4 juillet. — On réitère l’injection iodée ; mais on n’est pas certain qu’elle ait pénétré dans la glande par la fistule du canal, car on n’a pu parvenir à retrouver cette dernière.

5-6 juillet. — Pas d’amélioration ; nouvelle injection.

7 juillet. — On panse la plaie deux fois dans la journée avec de l’onguent vésicatoire.

8-9 juillet. — On continue le même traitement après avoir pratiqué une injection nouvelle.

10 juillet. — Grande amélioration ; écoulement peu abondant pendant la mastication.

11-12-13 juillet. — La quantité de salive qui sort de la plaie est insignifiante ; le propriétaire retire son animal en bonne voie de guérison.

Au mois de janvier dernier, cet animal fut présenté à la clinique de l’École, pour cause d’irrégularité dentaire : la fistule était complètement guérie, et n’avait laissé pour toute trace qu’une cicatrice dépilée, fort peu étendue, et un affaissement à peine sensible de la glande.

Réflexions. — Cette observation, tout à fait exceptionnelle, semblerait démontrer que les injections iodées ne jouissent pas toujours de l’efficacité que j’ai cherché à mettre en relief jusqu’ici. Mais si l’on examine les diverses circonstances qui ont empêché dans le cas présent d’observer les règles essentielles concernant le manuel opératoire de l’injection, on s’explique facilement quelle a été la cause de la lenteur des résultats obtenus.

En effet, les divers moyens que l’on a mis en usage pour mettre à découvert l’orifice fistuleux du canal parotidien sont restés sans résultats positifs. Cette particularité, jointe à la grande résistance que l’on a constamment éprouvée pour pousser l’injection dans les tissus, permet de supposer que le liquide irritant ne pénétrait qu’en très faible quantité dans l’intérieur de la glande, et que la majeure partie de ce liquide s’insinuait à travers les mailles du tissu conjonctif avoisinant, et restait ainsi logé dans les espaces plasmatiques dont ce tissu est creusé. Mais en admettant que l’injection ait suivi ce dernier trajet (hypothèse qui me semble la plus probable), comment a-t-elle pu déterminer l’atrophie de la parotide, quoique le contact du liquide phlogogène avec l’épithélium glandulaire ne se soit pas opéré ? Voici l’explication qui me paraît la plus vraisemblable : la teinture d’iode injectée dans le tissu conjonctif doit l’enflammer infailliblement ; cette inflammation du tissu conjonctif se propagera au tissu glandulaire par contiguïté de tissu. En envahissant ainsi l’organe sécréteur, la phlogose perdra de son intensité à mesure qu’elle s’éloignera du point où la cause irritante a agi ; mais si on la ravive par intervalles au moyen de nouvelles injections, elle acquerra au bout d’un temps plus ou moins long et après un nombre suffisant d’injections, un degré égal à celui de l’inflammation qui succède à l’introduction directe de la teinture d’iode par le canal excréteur. On conçoit ainsi par quel mécanisme on arrive, quoique indirectement, au résultat désiré.

Donc, jusqu’à ce que des expériences spéciales aient levé tous les doutes, on peut déduire de l’observation que je viens de citer qu’il est infiniment probable, sinon sûr, que l’injection de teinture d’iode dans le tissu conjonctif qui entoure la parotide peut suffire pour amener à la longue l’atrophie de la glande.

M.  Lafosse dit avec raison[1] que la connaissance positive de ce fait serait d’une très haute importance dans la pratique. En effet, la découverte de la fistule du canal excréteur, rendue parfois impossible, comme nous venons de le voir, deviendrait ainsi inutile, ou tout au moins très secondaire.


CONCLUSIONS


Voici quelles sont, en résumé, les inductions pratiques qui découlent des considérations exposées dans le cours de cet opuscule :

1o La ponction suivie de l’injection iodée est déjà entrée dans le domaine de la chirurgie vétérinaire usuelle pour les hygromas du jarret (capelet), du coude (éponge), du genou et du boulet ; pour les kystes sous-cutanés de la gorge du chien, et pour ceux qui précèdent parfois les maux de garrot ou de taupe.

2o Ce même moyen fournit d’excellents résultats contre le vessigon tendineux du jarret, où il ne cause jamais d’accidents graves : les insuccès sont très rares. Le vessigon guéri par l’injection iodée ne se reproduit pas. — Il faut être plus réservé dans le cas de vessigon carpien. Dans le traitement des molettes, il y a à craindre la suppuration et des accidents mortels : mais ils sont rares relativement aux succès.

3o On doit se montrer très circonspect lorsqu’il s’agit des articulations, à cause des résultats déplorables que l’injection peut entraîner. Il faut alors, sinon proscrire ce moyen, du moins ne l’employer que comme une ressource extrême, exceptionnelle, très dangereuse, en prévenant le propriétaire de l’animal que des complications graves sont à craindre.

4o Les rares observations signalées jusqu’à ce jour concernant les hydropisies des séreuses splanchniques portent à supposer que, dans ces cas, l’injection iodée peut devenir une utile ressource au praticien.

5o Enfin, l’efficacité constante de ce nouveau moyen dans le but d’annihiler les fonctions sécrétoires des glandes permet d’établir aujourd’hui qu’il n’existe plus de fistules salivaires incurables.

J.-M.FONTAN.
  1. Note recueillie à son cours (1877).