Des Fleurs de bonne volonté/Célibat, célibat, tout n’est que célibat

Des Fleurs de bonne volontéMercure de FranceII. Poésies (p. 171-172).

XX

CÉLIBAT, CÉLIBAT,
TOUT N’EST QUE CÉLIBAT

Sucer la chair d’un cœur élu,
Adorer de souffrants organes,
Être deux avant qu’on se fane !
Ne serai-je qu’un monomane
Dissolu
Par ses travaux de décadent et de reclus ?

Partout, à toute heure, le thème
De leurs toilettes, de leurs airs,
Des soirs de plage aux bals d’hiver,
Est : « Prenez ! ceci est ma chair ! »
Et nous-mêmes,
Nous leurs crions de tous nos airs : « À moi ! je t’aime !


Et l’on se salue, et l’on feint…
Et l’on s’instruit dans des écoles,
Et l’on s’évade et l’on racole
De vénales et tristes folles ;
Et l’on geint
En vers, en prose. Au lieu de se tendre la main !

Se serrer la main sans affaires !
Selon les cœurs, selon les corps !
Trop tard. Des faibles et des forts
Dans la curée des durs louis d’or…
Pauvre Terre !
Histoire Humaine ; — histoire d’un célibataire…