Calmann-Lévy, éditeurs (p. 224-225).


1er octobre.

Des éclats de rire partent de la terrasse, Rahba et Yasmine ont frotté, savonné, décrassé le « célibataire ». Et voici qu’il échappe à leurs mains, tout nu, et gambade au soleil avec ivresse.

C’est un pauvre petit corps au ventre ballonné, aux membres trop grêles. Mais la figure de ouistiti ne manque pas d’un charme touchant et drôle, avec son grand front proéminent, son minuscule nez qui s’étale, sa bouche malicieuse, et surtout ses yeux immenses, au sombre éclat, sous les cils très longs et retroussés.

Saïd prend fort bon air dans les vêtements neufs qu’il consent enfin à passer : une chemise, un caftan vert pomme, recouvert d’une belle mansouria en mousseline. Puis la djellaba de laine, dont le capuchon encadre de blanc sa petite tête brune.

Kaddour a rapporté tout cela du souk, ce matin, et il n’a pas oublié les amulettes : mains en argent, piécettes, coraux et cornalines qu’il s’agit de suspendre tout au long de la mèche si comi quement tressée, sur la gauche, au sommet du crâne. Saïd est donc Aïssaoui ?

— En vérité ! répond-il avec orgueil, et il se met à danser en scandant rituellement le nom d’Allah.

Kaddour, et les petites filles très satisfaites contemplent Saïd. Il a l’air d’un « fils de hakem » dans ses beaux vêtements. On l’enverra étudier à la mosquée, pour qu’il nous fasse honneur.

— Je veux bien devenir un lettré, consent le bambin.