De la révulsion au point de vue théorique

ÉCOLE NATIONALE VÉTÉRINAIRE DE TOULOUSE


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DE LA RÉVULSION


AU


POINT DE VUE THÉORIQUE


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THÈSE POUR LE DIPLOME DE MÉDECIN VÉTÉRINAIRE


Présentée et soutenue le 1er juillet 1874


PAR


CAMILLE FAUGÈRE


Né à Lézignan (Aude)
(De deux douleurs simultanées, mais non situés dans le même lieu, la plus forte obscurcit l’autre)
(Hippocrate. Aphorisme, 46, section 2. Traduction de Littré.)


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TOULOUSE


IMPRIMERIE DES ORPHELINS JULES PAILHÈS


Rue du Rempart Saint-Étienne, 30


─ 1874 ─


ÉCOLES NATIONALES VÉTÉRINAIRES


inspecteur général

M. H. BOULEY, O. ❄, membre de l’Institut de France, de
l’Académie de Médecine, etc.
――――
ÉCOLE DE TOULOUSE

directeur

M. LAVOCAT ❄, membre de l’Académie des sciences de
Toulouse, etc.

professeurs :

MM. LAVOCAT ❄, Tératologie.
LAFOSSE ❄, Pathologie spéciale.
Police sanitaire et Jurisprudence.
Clinique et consultations.
LARROQUE, Physique.
Chimie.
Pharmacie et Matière médicale.
Toxicologie et Médecine légale.
GOURDON, Hygiène générale et Agriculture.
Hygiène appliquée ou Zootechnie.
Botanique.
SERRES, Pathologie et Thérapeutique générales.
Pathologie chirurgicale et obstétrique.
Manuel opératoire et Maréchalerie.
Direction des exercices pratiques.
ARLOING, Anatomie générale, et Histologie.
Anatomie descriptive.
Physiologie.

chefs de service :
 
MM. MAURI, Clinique et Chirurgie. Zoologie. Extérieur des animaux domestiques.
BIDAUD, Physique, Chimie et Pharmacie.
N…… Anatomie générale et descriptive. Histologie normale. Physiologie.
JURY D’EXAMEN
――
MM. BOULEY O. ❄, Inspecteur-général.
LAVOCAT ❄, Directeur.
LAFOSSE ❄, Professeurs.
LARROQUE,
GOURDON,
SERRES,
ARLOING,
MAURI, Chefs de Service.
BIDAUD,
N…


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PROGRAMME D’EXAMEN
Instruction ministérielle du 12 octobre 1866.
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THÉORIE Épreuves
écrites
Dissertation sur une question de Pathologie spéciale dans ses rapports avec la Jurisprudence et la Police sanitaire, en la forme soit d’un procès-verbal, soit d’un rapport judiciaire, ou à l’autorité administrative ;
Dissertation sur une question complexe d’Anatomie, de Physiologie et d’Histologie.
Épreuves
orales
Pathologie médicale spéciale ;
Pathologie générale ;
Pathologie chirurgicale ;
Maréchalerie, Chirurgie ;
Thérapeutique, Posologie, Toxicologie, Médecine légale ;
Police sanitaire et Jurisprudence ;
Agriculture, Hygiène, Zootechnie.
PRATIQUE Épreuves
pratiques
Opérations chirurgicales et Ferrure ;
Examen clinique d’un animal malade ;
Examen extérieur de l’animal en vente ;
Analyses chimiques ;
Pharmacie pratique ;
Examen pratique de Botanique médicale et fourragère.

À MON PÈRE, À MA MÈRE,
Recevez, comme gage de mon affection et de ma gratitude, ce modeste travail, fruit de vos bontés et de votre amour pour moi.


À MON FRÈRE, À MA BELLE-SŒUR,

Gage d’affection !



À TOUS MES PARENTS



À TOUS MES PROFESSEURS

En souvenir de leurs savantes leçons.



À MES AMIS
G. FAUGÈRE.


AVANT-PROPOS




Il n’est pas de question qui ne soit difficile à un commençant, en médecine surtout, où les opinions les plus contradictoires sont soutenues par des hommes également distingués par leur savoir.

Bien des controverses ont régné et existent encore sur la question que nous allons mettre à l’étude, et, nous ne nous faisons pas illusion, ces divergences d’idées rendront notre travail plus laborieux et plus difficile. Qu’on nous pardonne donc si nous nous égarons dans ce point de science, car si nos critiques étaient trop sévères envers nous, ils ne nous prendraient le plus souvent en défaut qu’en bonne et savante compagnie.

Beaucoup d’auteurs ont étudié la question ; le champ est moissonné, et il n’y a pas grand chose pour le glaneur tardif. Nous ne pourrons donc que compulser des écrits, faire un choix des meilleures opinions, chercher la vérité au milieu de ces idées nombreuses et adverses, trop heureux si nous ne nous égarons pas outre mesure dans ce labyrinthe trompeur. Et s’il nous arrive d’oublier cette ligne de conduite, qu’on ait des égards pour notre plume inexpérimentée, qu’on se représente la difficulté de la science médicale, difficulté que n’ont pas surmontée même les médecins les plus illustres.

Essayer de démontrer l’importance de la révulsion serait., ce nous semble, disserter inutilement. Nos confrères le comprendront sans aucun doute, leur clinique de chaque jour parlant mieux que tous les arguments possibles.

C. F.


DÉFINITION




On peut définir la révulsion l’action par laquelle une maladie en fait diminuer ou disparaître une seconde, non située dans le même lieu et non sympathique de la première.

Essayons de démontrer l’exactitude de cette définition. Nous avons d’abord établi deux nuances : une révulsion qui amoindrit et une qui anéantit. La pratique démontre, en effet, que deux maladies peuvent vivre simultanément en antagonisme, varier en sens inverse, de manière que l’une augmentant d’intensité fasse diminuer la seconde, et réciproquement, sans que l’une éteigne nécessairement l’autre. Nier ce t’ait, ce serait dire que deux exutoires ne peuvent pas suppurer en même temps sur le corps, ce que contredit la pratique. Il y a donc des révulsions partielles.

Quant à la révulsion complète, des faits cliniques nombreux démontrent qu’elle a lieu très-souvent.

L’action à distance est le caractère distinctif des révulsifs ; cette opinion est admise par tous les médecins et fait différer la révulsion de la substitution.

Nous avons dit encore que la maladie révulsée ne devait pas être sympathique de la maladie révulsante. Maurice Raynaud (thèse d’agrégation, 1866) n’est pas de cet avis ; voici ses propres paroles : « Soit donc le cas d’une douleur utérine causée par une ulcération, et amenant une névralgie iléo-lombaire. Vous cautérisez l’utérus et vous guérissez l’ulcération ; du même coup, vous guérissez la névralgie ; il y a bien là une révulsion. Inversement l’on peut agir, jusqu’à un certain point, sur la douleur utérine, en agissant sur la névralgie ; mais il est bien évident que, la lésion primitive subsistant, ce mode de révulsion sera bien plus incertain dans ses effets, et n’aura généralement qu’une efficacité temporaire. »

On ne peut nier l’existence de la relation de sympathie entre les deux affections ; or, cette sympathie reconnue, nous ne craignons pas d’exprimer une opinion contraire à celle de M. Raynaud, c’est-à-dire qu’il n’y a pas révulsion. Voici pourquoi : en étudiant ce sujet, nous verrons que, pour que la révulsion ait lieu, il faut qu’une maladie se développe pendant qu’une autre diminue ; de sorte que quand l’une d’elles (la maladie révulsée) a disparu, l’autre (la maladie révulsante) est arrivée à son état de développement le plus avancé. Ainsi, loin de se développer ensemble, de diminuer ensemble, deux maladies, dont l’une révulse l’autre, marchent en sens inverse. Or, cela a-t-il lieu dans le cas cité par M. Raynaud ? Évidemment non. De plus, puisqu’il s’agit de deux maladies liées par une sympathie, il est clair que la maladie primitive joue, relativement à l’affection sympathique, le rôle de cause. On est donc forcé de convenir qu’il n’y a pas là révulsion ; puisque c’est un fait général de thérapeutique qui préside à la guérison : pour faire disparaître la maladie, il faut faire disparaître la cause. Qu’on remarque bien, d’ailleurs, que ce n’est pas par une maladie artificielle que la névralgie guérit, c’est au contraire par la guérison du mal primitif.

Dans une révulsion, on remplace une maladie par une autre, tandis que dans le cas ci-dessus on fait disparaître deux affections à la fois ; les deux faits n’ont donc aucune analogie. Et qu’on n’invoque pas la douleur produite par la cautérisation, car nous répondrions : Cautérisez ailleurs que sur l’ulcère, et guérissez si vous le pouvez !

Cette interprétation erronée, suivant nous, est une conséquence de la définition admise par M. Raynaud : « Avec Hanter, dit-il, je définis la révulsion : la cessation d’une action morbide dans une partie, par suite de la production d’une action dans une autre partie. » Un mot restrictif rendrait cette définition exacte ; le fait discuté plus haut le démontre.

Cazenave (thèse d’agrégation, 1840) dit : « La révulsion ou la dérivation est indifféremment pour moi un acte organique complexe dans lequel l’état physiologique ou l’état anormal d’une partie est diminué, modifié, annihilé par suite d’un travail organique, normal ou anormal, survenu spontanément ou provoqué artificiellement dans une autre partie. »

Nous trouvons cette définition bonne ; mais nous en soustrairions le mot modifié comme trop vague et même contradictoire avec le sens de diminution, si cette modification s’entend dans le sens d’augmentation. Nous adressons, en outre, à cette définition le même reproche qu’à celle de Hunter et Raynaud pour la question de sympathie.

Pécholier (thèse d’agrégation, 1857) s’exprime ainsi : « Si un mouvement fluxionnaire se porte sur un organe noble, trouble sa fonction et compromet la santé, l’art, à l’exemple de la nature, cherchera à en faire naître un autre qui, luttant avec le premier, ou l’éteindra rapidement ou diminuera du moins son action. Tel est le point de départ de la révulsion et de la dérivation. »

Pécholier, comme on voit, base sa théorie sur cette vieille idée bathézienne : la fluxion. La notion est bonne, sans doute, mais à la condition qu’on y rattache une idée matérielle ; or, c’est ce que ne fait pas cet auteur. « La fluxion, dit-il, est avec ou sans matière. La fluxion sans matière est la fluxion nerveuse, etc. »

Une fluxion nerveuse… voilà un de ces nombreux écarts de l’école vitaliste, voilà où on en vient quand on ne veut rien réformer d’une doctrine aussi exclusiviste. L’âme, l’esprit vital, voilà des mots encore que l’école vitaliste emploie sans les définir et sur lesquels elle base les théories fondamentales de l’art médical.

Si vous demandez à un vitaliste pourquoi le rein, la peau, le poumon sympathisent dans leurs fonctions dépuratrices, il vous répond que c’est là un phénomène vital, et cependant la réjection aqueuse du poumon est de nature purement physique. Nous conclurons donc que, comme tout système exagéré, le vitalisme ne satisfait pas l’esprit, en particulier surtout dans la question que nous traitons.

Bouchardat définit la révulsion : « Toute action, modification ou travail provoqués vers un lieu plus ou moins éloigné d’un organe malade, dans le but d’attirer l’influx morbide et de favoriser ainsi la guérison. »

Toutes les fois qu’on applique les révulsifs, on ne provoque pas la révulsion, et cependant on produit toujours « une action, une modification, un travail. » Un sinapisme sans effet n’est pas un révulsif, c’est simplement un irritant ; il n’est pas agent thérapeutique, il est agent pathogénique.

Bouchut et Després disent : « Guérir une maladie en provoquant un autre état morbide sur une partie voisine ou éloignée du premier mal, voilà ce qu’est la révulsion. » Outre que cette définition ne s’applique qu’à la révulsion artificielle, elle a encore le défaut de celle de Hunter et Raynaud.


SYNONYMIE


La révulsion a reçu bien des noms que les uns regardent comme synonymes, et auxquels, les autres attachent, des sens différents. Voyons ce qu’il y a de vrai dans ces croyances.

La dérivation n’est autre chose que la révulsion s’exerçant près de l’organe malade.

La révulsion diffère-t-elle de la, dérivation ?… Voici l’opinion de Galien : « On détourne, dit-il, le sang, et on l’attire vers d’autres points, tantôt par une dérivation vers le voisinage, tantôt par une révulsion vers les points contraires ; ce que les Grecs appellent dans le premier cas parocheteusin, dans le second antispasin. Car ce sont là des moyens inventés par Hippocrate contre toute évacuation immodérée. Par exemple, attire-t-on vers les narines ce qui s’évacue-par la gorge, c’est une dérivation vers le voisinage ; l’attire-t-on vers le siège, c’est une révulsion. De même, les flux par le rectum : nous les dérivons par la vulve, nous les révulsons par le vomissement. Car c’est ainsi que la nature elle-même à coutume d’agir. »

L’école de Montpellier a conservé cette distinction : Bérard, Alquié, Quissac, Marotte, Pécholier, a l’exemple d’Hippocrate, de Galien. et de Barthez s’en montrent partisans, malgré l’opinion générale qui tend à confondre ces deux notions. Jules Guérin prend une opinion mixte : d’après lui, la révulsion consisterait en une action irritante, passagère, agissant par conséquent sur l’élément solide du corps, tandis qu’une évacuation d’humeurs constituerait la dérivation. C’est un essai de conciliation qui ne peut être adopté. « Il est évident, dit Alfred Luton, que, si l’arbitraire suffisait pour définir les mots, il y avait là une base de transaction toute trouvée. » Cazenave, Luton, confondent la révulsion et la dérivation. Maurice Baynaud est aussi d’avis de confondre les deux termes, qui ne représentent pour lui qu’une chose. S’il nous était permis de nous ranger dans un camp, nous serions avec ces derniers. Qu’on ait remarqué, en effet, que les révulsifs éloignés du siège du mal réussissent moins que près, nous l’admettons, nous l’affirmons même ; mais est-ce une raison pour établir une division entre ces agents ?… Dans une pneumonie, qu’est-ce qu’un sinapisme au plat des cuisses ?… Un révulsif. Sur la poitrine ?… Un dérivatif. Et sur l’épaule, dans le même cas ?… Ni l’un ni l’autre ou bien un agent mixte : voilà la fiction !

Si on se laissait guider par une pareille logique, on devrait aussi donner des noms différents aux révulsifs n’ayant pas la même puissance. On le voit, c’est une complication qui ne profite à rien, et qui est toujours une complication.

Spoliation. — Considérons-nous, les évacuants de toute sorte, tant internes qu’externes, comme des agents distincts de la révulsion. Que nous les appelions spoliateurs ou autrement, devons-nous les écarter de notre sujet ?… Non. La question, en effet, se résume à savoir si ces agents sont révulsifs, c’est-à-dire s’ils guérissent en agissant en dehors du siège du mal. Or, les diurétiques, qui agissent sur les reins, les sudorifiques, qui agissent sur la peau, guérissent les hydropisies, l’ascite, par exemple, pour nommer une maladie dont le siège soit différent du lieu d’élection des agents cités. Les spoliateurs appartiennent donc bien aux agents de la méthode thérapeutique qui nous occupe ; nous ne les éloignerons pas, par conséquent, de notre cadre.

Trousseau et Pidoux ont donné encore un nouveau nom à la révulsion, qu’ils appellent méthode transpositive. Nous avions déjà trop de dénominations pour que celle-là ne fût pas inutile. Elle est exacte, nous l’admettons, parce qu’elle n’exprime que le fait brut ; mais, comme on ne doit s’attacher qu’aux innovations utiles, et que le nom proposé par ces auteurs ne vaut pas plus que les autres, nous ne nous en servirons pas.

En résumé : révulsion, dérivation, spoliation, méthode révulsive, dérivative, spoliative, transpositive, seront représentés par un seul nom : RÉVULSION.


HISTORIQUE


Hippocrate en parle beaucoup Bans ses aphorismes, dont l’un, le fameux duobus doloribus… sert de base encore à la révulsion. Les connaissances nombreuses et remarquables de cet auteur sur ce sujet font même soupçonner qu’il ne l’a pas connu le premier. D’autres médecins ont sans doute avant lui fait des observations qui lui ont été léguées par la tradition ou par des écrits perdus depuis longtemps. Nous ne pouvons néanmoins nous refuser à croire que ce grand homme, observateur incomparable, ait ajouté beaucoup à l’édifice médical, surtout à la révulsion qu’il parait avoir si bien comprise. Parcourons ses aphorismes et citons-en les principaux ayant trait à la question.

« Ne pas mettre en mouvement ce qui se juge ni ce qui est jugé, et n’innover ni par des évacuants ni par d’autres excitations, mais laisser les choses en l’état. »

Pour Hippocrate, la maladie se juge par la crise. Celle-ci est le dernier effort de l’organisme contre l’action morbifique, effort qui se fait par l’union de toutes les forces du corps, et qui tend à rejeter l’humeur morbide ; dans cette lutte à outrance, un des adversaires est anéanti : si la maladie a le dessus, la mort arrive ; si c’est le corps, il y a guérison. Or, cette crise, nous dit Hippocrate, ne cherchez pas à la modifier, à la déplacer, « laissez les choses en l’état. »

Et tirant de suite une conclusion pratique de ce que fait la nature :

« Les humeurs qu’il faut évacuer, les évacuer du côté où elles tendent le plus, par les voies convenables, »

C’est-à-dire que, quand on provoque une crise artificielle, on doit imiter le plus possible la crise naturelle, vu que celle-ci s’effectue toujours « par les voies convenables. »

Enfin, nous trouvons encore l’important aphorisme qui sert de fondement à la révulsion :

« De deux douleurs simultanées, mais non situées dans le même lieu, la plus forte obscurcit l’autre. »

Et en beaucoup d’autres endroits, Hippocrate parle en grand maître de la révulsion :

« Chez une femme, le vomissement de sang cesse, quand les règles font éruption. »

« Chez une femme dont les règles manquent, il est bon que du sang s’écoule par les narines. »

« Si vous voulez arrêter les règles d’une femme, appliquez sur les mamelles une ventouse aussi grande que possible. »

« Le vomissement qui survient spontanément dans une longue diarrhée, la guérit. »

« Dans une ophtalmie, être pris de diarrhée est avantageux. »

« Il est fâcheux qu’un érysipèle répandu au dehors rentre en dedans, mais avantageux que du dedans il vienne au dehors. »

« Dans une angine, il est bon qu’il survienne un gonflement externe du cou. »

« Dans l’angine, quand il survient du gonflement et de la rougeur à la poitrine, c’est bon signe, car la maladie se porte au dehors. »

Nous ne poursuivrons pas davantage l’énumération de ces admirables sentences, que le père de la médecine écrivait, il y a plus de deux mille ans, et qui nous sont arrivées intactes, parce que, basées sur l’observation, elles sont invulnérables comme la vérité. Néanmoins, nous reviendrons peut-être à cette étude qui présente tant d’attraits et d’enseignements, et si, dans le cours de notre modeste travail, nous avons besoin d’une sanction certaine, nous demanderons à Hippocrate l’appui de son nom et de son génie.

Celse, qui vivait au siècle d’Auguste, ne semble pas avoir, beaucoup de foi dans les révulsifs, peut-être par parti pris contre les enseignements du médecin de Cos, vu que cela ne l’empêche pas de conseiller les ulcères faits au fer rouge, dans la coxalgie, les ventouses au voisinage de la gorge dans les angines. Enfin parlant de la péri pneumonie, il dit : « Il est utile d’appliquer sur la poitrine du sel bien écrasé et mêlé avec du cérat, parce qu’il en résulte une légère érosion de la peau, qui sert à provoquer sur ce point l’afflux de la matière dont le poumon est accablé. »

C’est bien là de la révulsion.

Arétée découvrit l’onguent vésicatoire, agent si précieux et si employé encore aujourd’hui en thérapeutique. Dans son idée, cette préparation attirait au dehors les humeurs putrides.

L’école empirique, dont Philinus de Cos fut le chef, fit sans doute grand usage des révulsifs, car, se basant sur l’observation seule, elle dut connaître l’avantage de ces agents.

Erasistrate rejetait la saignée, dont le seul effet, pour lui était la déplétion, et qui avait l’inconvénient d’affaiblir les malades. En remplacement, il prescrivait l’abstinence. Nous croyons inutile de faire ressortir ce qu’il y avait de mauvais dans cette manière de voir. Il ne reconnaissait aux purgatifs ni propriétés attractives ni propriétés électives par lesquelles ils pouvaient appeler l’humeur morbide, et, en conséquence, il les bannissait de la thérapeutique : c’était une conduite bien peu sage.

Asclépiade de Bithynie fut encore un adversaire de la révulsion, mais il maintint la saignée.

Les méthodistes employèrent la révulsion. Voici ce qu’ils faisaient dans la pratique de la métasyncrise : « Après d’interminables préparations, après des bains et des vomitifs plusieurs fois répétés, ou lui rasait la tête (au malade) à contre poil, on la frottait avec du nitre, puis on employait la paroptèse (ou cuisson sur un brasier) ; après quoi on couvrait de ventouses le dos et la nuque, puis venait le dropax ou emplâtre adhésif dont on couvrait le corps, et que l’on arrachait de vive force, puis la sinapisation, etc.) » (Raynaud).

Galien établit la différence entre la révulsion et la dérivation, comme nous l’avons dit ailleurs. La révulsion, d’après lui, s’opère latéralement à la direction du flux ou en sens inverse de cette direction. Elle se fait, par rapport au corps, suivant quatre directions ;

  1. De haut en bas ou en sens inverse ;
  2. D’avant en arrière ou réciproquement ;
  3. De dedans en dehors ou en sens contraire ;
  4. De, droite à gauche, ou vice versa.

Enfin, elle doit se faire « à travers les vaisseaux communs », remarque importante.

Sous la Renaissance, les médecins, en voulant amplifier les idées de Galien et d’Hippocrate, les faussèrent et les rendirent inintelligibles en y ajoutant bon nombre de principes erronés.

Brissot, qui vivait vers 1514, pour n’avoir pas voulu adopter ces doctrines telles que les comprenaient ses conteporains, pour avoir essayé de montrer leur dissemblance avec celles d’Hippocrate, fut victime de l’intolérance fanatique de ses contemporains et forcé de quitter sa patrie.

Vers le XVIIe siècle, Fernel, Houllier, Laurent Joubert enseignent et cherchent à expliquer la révulsion ; mais il est clair qu’ils font fausse route, et cela à cause de cette idée préconçue de l’humeur morbide. Ils admettent, par exemple, des purgatifs particuliers à chaque espèce d’humeur : bile, atrabile, phlegme ; les topiques ont des vertus semblables.

Mais la physiologie va faire un grand pas, la révulsion sera mieux comprise.

Harvey découvre la circulation, et sa découverte produit une telle secousse dans la science que certains nient par esprit de doctrine ce que la pratique avait démontré depuis tant de siècles : Bellini nie la révulsion et, après lui, toute l’école iatro-mathématicienne.

Sydenham, l’Hippocrate moderne, fut un observateur trop sagace pour la rejeter. Les théoriciens de son temps firent mieux encore, ils cherchèrent à l’expliquer.

Boërhaave et tous les partisans de la doctrine iatro-mécanique employèrent les révulsifs ; le premier « ne voyait dans l’action des sudorifiques, des diurétiques et des différents exutoires qu’une élimination d’humeurs. » — Raynaud.

Les solidistes font de la révulsion ; voici ce que dit Cullen : « L’utilité évidente des vésicatoires près de la partie affectée, dans les maladies inflammatoires, me porte à croire qu’ils modèrent le spasme des vaisseaux situés profondément, en occasionnant une dérivation vers la peau et en produisant un épanchement. »

Hunter en donne une explication nouvelle, il n’emploie plus le mot humeur ; il le remplace par une irritation : c’est une nouvelle doctrine.

Pinel dit la même chose.

Brown change le terme et le remplace par celui d’excitation ; mais qu’importe.

Enfin, Broussais arrive, domine le monde médical, bâtit un système sur l’irritation qu’il combat par la contre irritation ou révulsion ; mais il bannit les purgatifs, de peur de provoquer la gastro-entérite. C’est une grande faute.

Barthez distingue la révulsion de la dérivation ; il pose comme règle : Révulsez les maladies aiguës, dérivez les maladies chroniques :

« 1° Lorsque, dit-il, dans une maladie, la fluxion sur un organe est imminente, qu’elle s’y forme et s’y continue avec avidité, comme aussi lorsqu’elle s’y renouvelle par reprises périodiques ou autres, on doit lui opposer les évacuation se des attractions révulsives par rapport à cet organe.

« 2° Lorsque la fluxion est parvenue à l’état fixe, dans lequel elle se continue avec une avidité beaucoup moindre qu’auparavant (dans les maladies aiguës), ou lorsqu’elle est devenue faible et habituelle (dans les maladies chroniques), on doit, en général, préférer les attractions et les évacuations dérivatives qui se font dans les parties voisines de l’organe qui est le terme de la fluxion. »

Malgaigne, de nos jours, nie la révulsion. Nous ne rapporterons pas la longue discussion qui eut lieu à l’Académie de médecine en 1855, discussion très-savante, qui aurait dû convertir ce schismatique médecin. MM. Boulet et Leblanc y ont représenté noblement la médecine vétérinaire et ont fourni dans ces mémorables séances des documents d’une importance particulière.

Tous les vétérinaires, éclairés par les nombreuses réussites que procurent les révulsifs, admettent et utilisent l’efficacité de ces agents. Il n’est que peu de maladies dans le traitement desquelles ils ne les fassent entrer.


CLASSIFICATION DES RÉVULSIFS


Une classification bien simple vient à l’esprit : il y a des révulsifs hygiéniques, médicamenteux, chirurgicaux. On peut établir dans chacun de ces groupes diverses divisions, comme, par exemple, des révulsifs médicamenteux irritants, non irritants, externes, internes, etc. Mais à quoi bon un classement qui sépare le séton du vésicatoire ? C’est un artifice et rien de plus, il n’enseigne rien pour l’application ; aussi le rejetons-nous, bien que Gintrac l’ait appuyé de son nom.

Bérard, partisan des idées barthéziennes, divise les révulsifs en attractifs doux, — attractifs irritants, — attractifs évacuants ou non évacuants, — attractifs rapides ou lents.

Le mot attractif n’est pas du goût de tous les auteurs, et en particulier de M. Ravnaud : « Je ne m’arrêterai pas, dit-il, à démontrer ce que ce mot attractif, d’une physionomie bien surannée, présente de singulier lorsqu’on l’applique au noxa ou à la cautérisation transcurrente. »

Cazenave considère les modes de révulsion suivants : Par douleur, — par congestion, — l’inflammation, — par modification de la circulation, — par augmentation d’action organique, par action organique particulière.

Maurice Raynaud fait la division suivante : 1° Révulsion par actes morbides élémentaires : douleur, — congestion, — hypersécrétion, — inflammation.

2° Révulsion par actes morbides complexes : Douleur et congestion, — congestion et hypersécrétion ; — douleur, congestion, inflammation ; — douleur, congestion, inflammation, sécrétion.

Les défectuosités nombreuses que l’on rencontre dans ces classifications prouvent bien l’extrême difficulté que l’on trouve quand on veut grouper les révulsifs en se basant sur leur mode d’action. La multiplicité des éléments à considérer, l’imperfection des connaissances acquises sur leur manière d’agir ; voilà autant d’écueils contre lesquels on vient se heurter.

On nous trouvera peut-être peu modeste de proposer la classification suivante :

RÉVULSIFS Non irritants Hypérémiques Émollients, nains tièdes, hydrothérapie par réaction, vêtements chauds, etc.
Hyperécrétoires Laxatifs, expectorants, diurétiques doux, sudorifiques.
Irritants Hypérémiques à un degré variable Rubéfiants, caustiques, cautérisation actuelle, incendiaire, moxas, électro ou galvano-puncture, ventouses, médicaments internes irritants.
Spoliateurs Directs Saignés de toute sorte.
Indirects Hypersécrétoires Sternutatoires, silagogues, vomitifs, purgatifs, diurétiques chaude.
Suppuratifs Vésicatoires, troschiques.

Cette division repose, comme on le voit, sur le mode d’action de ces agents. Nous avons écarté les considérations résultant de leurs qualités de médicaments externes, internes, médicamenteux ou chirurgicaux, circonstances qui ne disent rien quant à leur action thérapeutique. Nous aurions voulu les diviser en irritants, hypérémiques, hypersécrétoires, etc. ; mais était-ce possible ? Quel est l’agent irritant qui ne soit hypérémique ?… Et quel est l’agent hypérémique qui ne soit évacuant employé avec persistance ?… Qu’on ait donc égard à la difficulté qu’occasionne la coexistence de plusieurs propriétés, car s’il nous est donné d’imaginer en théorie une classification parfaite, il est douteux qu’elle soit applicable pratiquement dans toute sa conception.


Effets des Révulsifs


Nous ne décrirons pas les effets de chaque révulsif en particulier, étude trop longue et peu profitable. Nous nous en tiendrons aux effets de chaque classe d’agents, et encore en ferons-nous une description très sommaire, afin de nous borner aux généralités.


Des hypérémiques


L’hypérémie à sa source dans l’innervation des capillaires ; nous allons le démontrer. Et d’abord pour les agents non irritants, Dira-t-on qu’ils distendent les parties par imbibition ? En partie, nous nele nions pas ; mais nous ne pouvons admettre que, seule, cette propriété physique produise la tuméfaction. Par un bain tiède, la peau se relâche, le sang la pénètre mieux ; par l’action d’un bain froid, au contraire, elle se condense et le sang est chassé vers le centre du corps. Si on admet qu’il y a imbibition dans les deux cas, l’explication est de nulle valeur parce que les effets sont entièrement contraires ; et si on nie l’imbibition dans le cas du bain froid, comment expliquer ce fait autrement que par une raison physiologique ?… L’effet physique du froid sur les solides est trop peu de chose, croyons-nous, pour expliquer suffisamment l’intensité de cette action refoulante. Il faut donc qu’il se produise une paralysie des capillaires par suite de la nature ou de la température des agents hypérémiques non irritants : un cataplasme de farine de fin est émollient par sa nature, et un bain tiède par sa température.

Quant aux hypérémiques irritants, puisqu’ils amènent aussi la congestion, ils relâchent les capillaires ; et, puisqu’ils augmentent la chaleur, ils maintiennent ou augmentent l’activité de la circulation capillaire dans la partie congestionnée. Essayons de trouver l’explication de ce phénomène. Les fibres musculaires qui entrent dans la composition histologique des capillaires ont une tonicité normale qui règle le calibre de ces vaisseaux : appelons A. ce calibre physiologique. Si une quantité immodérée de sang vient, par une cause quelconque, affluer dans une partie du corps, celle-ci augmentant de volume, chaque capillaire doit se ressentir de la distension générale, et son diamètre intérieur doit en être augmenté ; nous le désignerons par la lettre B. On sait que normalement ces petits vaisseaux se contractent pour aider à la circulation du sang ; par la contraction, le calibre A prendra une dimension que nous représentons par la lettre C et qui sera nécessairement moindre que A. Le capillaire B, qui est congestionné, doit lui aussi se contracter ; si cette action n’existait pas, en effet, le sang séjournerait dans les canaux qui le contiennent et perdrait de sa température, de sorte que la partie tuméfiée se refroidirait.

Il existe donc deux forces dans les capillaires : une tonique qui est perdue pour l’impulsion sanguine et une contractile qui fait cheminer le sang : la différence des calibres du vaisseau en repos et en contraction donne la mesure de l’action transmise au liquide. La force tonique est continuelle et la contractile intermittente ; la première est un obstacle à la circulation, puisqu’elle résiste à la poussée sanguine, la seconde, très variable, donne l’impulsion. On comprend que la contraction de B, bien que ce vaisseau soit dilaté, puisse être plus forte que celle de A. Mais ce n’est là qu’une explication mécanique ; il n’est pas aussi facile de trouver une explication physiologique. La tonicité et la contractilité des vaisseaux viennent d’une même source, du grand sympathique. Comment expliquer qu’elles ne varient pas dans le même sens ?… Encore un mystère de la vie ; il faut nous contenter du fait primordial.


Des spoliateurs.


Les spoliateurs ne diffèrent radicalement qu’en apparence des hypérémiques ; au fond les différences sont moins grandes qu’on ne le croirait à priori. Par exemple, la saignée diffère des hypérémiques seulement en ceci : que ces derniers mettent le sang en réserve dans une partie du corps pendant un temps limité, tandis que la saignée le met hors du corps définitivement : les hypérémiques sont, si on ne trouve pas trop outrée notre manière de voir, des spoliateurs temporaires, tandis que les spoliateurs proprement dits sont des agents définitifs. Mais, dans les deux cas, l’effet produit est une déplétion du système circulatoire.

Comme nous ne devons pas traiter de chaque évacuant en particulier, nous voudrions d’un même coup d’œil envisager la méthode spoliatrice. Mais il existe sur la saignée un point de doctrine diversement apprécié par les auteurs, et que nous ne pouvons passer sous silence : il s’agit de la saignée révulsive. Doit-on admettre que la saignée attire le sang vers le lieu où on la pratique ?… Voilà la question. Nous distinguerons trois cas : saignée veineuse, capillaire, artérielle.


Spoliateurs directs. — De la saignée en général.


A. Saignée veineuse. — La poussée cardiaque est très affaiblie quand le sang a parcouru les capillaires ; arrivé aux veines, il possède peu de son impulsion première, de sorte qu’il est presque exclusivement dévolu à ces vaisseaux centripètes de le faire progresser. Quelques puissances accessoires, telles que la pesanteur, la contraction musculaire, etc. viennent parfois la seconder dans leur rôle ; mais ces puissances sont inconstantes ; quelquefois même, elles sont contraires à la marche du sang. La circulation veineuse n’est donc dépendante que dans une très faible mesure de celle des artères et des capillaires et ne peut influencer que faiblement la circulation dans ces derniers vaisseaux. La saignée veineuse produit donc une légère déplétion sur les parties dont la veine incisée reçoit : le sang ; rien ne le démontre mieux que les saignées qu’on fait communément aux veines angulaires de la face dans les opthalmies aiguës.

Néanmoins, notre croyance est que l’on s’exagère les avantages de l’emploi de ces saignées. Le résultat est d’autant plus favorable que l’on agit plus directement sur la partie tuméfiée. Il ne faut pas croire, par exemple, que la saignée à la veine jugulaire, qui reçoit l’angulaire, aurait d’aussi bons effets que l’ouverture de ce dernier vaisseau, et cela pour cette raison que le sang pris à la jugulaire est fourni par tous les troncs qui viennent se dégorger dans ce vaisseau et que dès lors l’angulaire n’en donne qu’une partie. Nous pouvons donc conclure que : la saignée aux petites veines est réplétive locale, et que la saignée aux grandes veines est plutôt générale.

B. Saignée capillaire. — C’est dans les capillaires que le sang rencontre le plus de résistance pour son passage. Si on se rappelle le schéma classique de la circulation, on sait que l’arbre circulatoire est ramifié à l’infini à la périphérie ; là, les canaux sanguins sont d’un calibre très réduit, ce qui augmente les surfaces intérieures de ces cylindres, et conséquemment, la force de frottement, antagoniste de la force ventriculaire. Cette perte de force est considérable et diminue fortement la poussée du cœur ; mais il y a dans ces petits vaisseaux une disposition anatomique qui continue l’action centrale, c’est la présence de fibres musculaires lisses, qui se contractent péristaltiquement, dans une direction centrifuge. Si on incise un certain nombre de ces capillaires, le sang sort, et la résistance que ce liquide devait encore éprouver avant d’arriver aux veines n’existant plus, la force antagoniste de la poussée cardiaque est diminuée d’autant ; et, comme le ventricule transmet des pressions égales partout, et que le courant prend nécessairement la direction où il y a le moins de résistance, l’artère qui alimente la partie incisée recevra une plus grande quantité de fluide nourricier ; la saignée capillaire est donc attractive mais dans une proportion très faible. L’hémorrhagie a, en outre, pour résultat immédiat de dégorger les capillaires lésés ainsi que leurs voisins, et s’ils ont été distendus par l’inflammation, ils peuvent revenir à leur état normal par une réaction, soit mécanique, soit physiologique. « C’est ici, dit Maurice Raynaud, pour expliquer l’action locale de ces saignées, qu’il importe de se rappeler cette indépendance des circulations capillaires locales qui est aujourd’hui l’un des points les mieux établis de la physiologie. Il en résulte que des piqûres, des mouchetures pratiquées sur une région donnée, auront pour effet de désemplir très spécialement cette région et non une autre ; de plus, cet effet pourra se prolonger un certain temps. »

La saignée capillaire a donc surtout des effets locaux mais ; comme son action s’étend au delà de la partie lésée par l’instrument, il peut y avoir parfois indication et avantage de l’employer à proximité d’une partie phlogosée ; lorsqu’on ne peut l’employer sur la partie même.

C. Saignée artérielle. — Qu’on se représente le jeu d’une pompe foulante fonctionnant régulièrement : la poussée du piston se transmet au liquide qui passe alors dans le tuyau d’écoulement, en quantité égale au fluide déplacé. Mais, si une seconde issue est ouverte, l’écoulement du tuyau sera diminué de tout ce qui s’écoulera par la nouvelle voie. La pompe, c’est le cœur, le tuyau d’écoulement, c’est la voie des artères et des capillaires. Si on incise légèrement une artère, le sang s’échappera ; néanmoins une partie arrivera encore au réseau périphérique, si l’ouverture n’est pas assez large pour laisser échapper tout le sang envoyé par chaque ondée dans le vaisseau. Dans tous les cas, le sang qui affluera dans les vaisseaux de la superficie alimentés par le tronc blessé ne sera pas si abondant et sera d’autant plus amoindri que la plaie sera plus grande et que l’écoulement aura plus duré. La saignée artérielle est donc le moyen le plus sur d’anémier une partie ; mais son effet ne peut être que momentané, car, dès qu’on fermera la plaie, le liquide sanguin reviendra dans la région qui en avait été privée. En raison de la rapidité de l’écoulement, la pression diminue vite dans le vaisseau atteint, et le sang est dérivé en quelque sorte. L’hémorrhagie artérielle est donc attractive. Mais cette attraction n’a lieu que de la plaie au cœur ; au delà, nous le répétons, le sang est moins abondant, parce qu’il est détourné par la saignée. En résumé : 1° la saignée capillaire est toujours déplétive locale et petit être révulsive ;

La saignée artérielle est révulsive puisqu’elle guérit à distance, mais par une action différente de la précédente : la première, soutire le sang qui est arrivé aux parties, la seconde, l’empêche d’y arriver.

La saignée veineuse a des effets déplétifs, quand elle s’applique aux petites veines, généraux, aux grandes veines.


Spoliateurs indirects


Nous ne nous arrêterons pas aux propriétés hypérémiantes de ces agents, propriétés qui varient beaucoup suivant chacun d’eux, et dont quelques-uns même peuvent être dépourvus complétement. Si un sudorifique, par exemple, provoque un transport de sang à la peau, indispensable à la diaphorèse, quelle congestion peut produire un diurétique mucilagineux dans les reins, une décoction de pruneaux dans l’intestin ? Si réellement ces médicaments provoquent une réplétion des vaisseaux de ces parties, ce ne peut être qu’une réplétion légère et passive due à la paralysie des vaso-moteurs. On serait d’autant plus porté à le croire que la stagnation du sang amène toujours la séparation de ses éléments et l’extravasation de son sérum nous citerons pour mémoire les œdèmes qui surviennent souvent chez nos animaux après quelques jours de repos. Si un purgatif doux comme la décoction de pruneaux agissait autrement, s’il déterminait une stimulation des glandes intestinales, quelque signe, une sensation, une douleur, si légère qu’elle fût, nous avertirait de ce qui se passe profondément dans nos organes, tandis que la purgation est insensible. Il est évident, néanmoins, que, lorsque la propriété hypérémique existe, elle doit être prise en considération, et qu’elle contribue pour quelque chose dans les effets obtenus.

Les spoliateurs agissent surtout par une évacuation abondante de liquides. Toute perte de liquide produisant une déplétion dans le système circulatoire, nous pouvons, jusqu’à un certain point, les comparer à une saignée, et, du moins, s’ils n’enlèvent pas au sang tous ses principes, peuvent-ils avoir une action favorable sur les vaisseaux congestionnés en provoquant leur détente. Qu’on nous permette ici de faire une digression dans le domaine de la physiologie, et de dire un mot de l’antagonisme des fonctions sécrétoires, dont la connaissance est absolument nécessaire à nôtre sujet.

Antagonisme des fonctions sécrétoires. — Trois systèmes principaux de dépuration se partagent l’assainissement du corps : la peau, le poumon, les reins. Ces trois émonctoires travaillent solidairement et sans cesse à cette dépuration, et, si l’un d’eux se ralentit dans sa tâche, les deux autres compensent par leur suractivité le retard occasionné. Quand la peau, par exemple, reçoit l’action persistante du froid, son tissu se resserre, son sang est repoussé vers le centre du corps, et ses sécrétions diminuent notablement. Cela étant donné, expliquons-nous pourquoi l’action cutanée est remplacée par les deux autres : le poumon et les reins.

Le premier effet produit par la réfrigération de la peau est la stagnation dans le sang d’une certaine quantité d’eau qui le rend plus abondant et plus aqueux et qui augmente sa pression. Ces modifications survenues dans le torrent circulatoire expliquent facilement pourquoi l’exhalation du poumon dont la nature n’est pas vitale, mais physique, ainsi que nous l’avons déjà dit, est plus considérable. Quant à la sécrétion des reins, elle est nécessairement en raison directe de la richesse du sang en eau et de la tension artérielle. L’explication de cette loi physiologique repose sur la disposition des corpuscules de Malpighi : une artérielle enroulée comme un peloton, continuée par une veinule semblablement disposée, le tout renfermé dans une cavité globulaire, origine des tubes urinifères ; voilà les éléments de la dépuration rénale. Nous devons rappeler que le vaisseau efférent a un calibre plus réduit que l’afférent, d’où il résulte que le sang, pour passer dans le vaisseau veineux, éprouve une résistance d’autant plus considérable que la tension artérielle est plus forte, car cette tension dilatant seulement, l’artériole exagère ainsi la différence des diamètres intérieurs des vaisseaux rénaux et augmente la difficulté du passage du sang ; or, la sécrétion urinaire est en raison directe de cette résistance. Cette explication nous amène à croire que la sympathie qui existe entre la peau et les reins n’est pas de nature nerveuse, mais tient aux dispositions anatomiques que nous venons de résumer.

Notre manière de voir est, il est vrai, purement mécanique ; mais le raisonnement semble la sanctionner. Quelle serait, au contraire, l’explication des vitalistes ?… Celle-ci, par exemple : la diminution de la vitalité (le la peau produit un excès de vie dans les reins.

C’est là citer un fait, mais ce n’est pas l’expliquer.

Qu’on nous permette de faire ici un emprunt à l’ouvrage d’un savant physiologiste vétérinaire, M. Colin, professeur à l’École vétérinaire d’Alfort : « Les glandes à sécrétion continue, dit-il, ne peuvent, pas plus que les autres, jouir toutes à la fois d’une grande activité. La prépondérance de quelques-unes d’entre elles n’est acquise qu’aux dépens des autres dont l’action se ralentit. Ainsi dès que la transpiration cutanée augmente, la sécrétion urinaire diminue, et vice versa ; quand les exhalations du tissu cellulaire et des séreuses deviennent abondantes, c’est au détriment des sécrétions cutanées et muqueuses, lorsque celle du lait tarit, celle de la graisse devient rapide. Cet antagonisme entre les sécrétions normales, les unes relativement aux autres, se produit également pour les sécrétions morbides spontanées ou provoquées dans un but thérapeutique. Aussi est-ce d’après la connaissance de ce fait que, dans le traitement des maladies, on active une sécrétion pour en tarir une autre : celle de l’intestin pour affaiblir celle des mamelles, celle des reins et de la peau pour ralentir les exhalations séreuses ; c’est dans ce même but aussi qu’on détermine des sécrétions factices, des exutoires pour combattre les hypercrinies.

« Alors, cependant, ce moyen de dérivation ne devient efficace qu’au tant que la sécrétion surexcitée ou la sécrétion nouvelle est effectuée par un tissu ou un organe d’une autre nature que celui de la sécrétion qui doit être diminuée ; il ne faut pas exciter la sécrétion d’une muqueuse pour tarir celle d’une autre membrane de ce genre ; il faut encore moins provoquer une sécrétion dans une partie de la peau pour suspendre celle d’une autre du même tégument, car chaque muqueuse a des sympathies avec toutes les autres, et chaque partie de la peau avec les autres parties de l’enveloppe cutanée. D’ailleurs, la révulsion ne saurait devenir bien efficace, si la sécrétion nouvelle ne soustrait à la masse du sang plus de matériaux que celle que l’on doit modifier ou suspendre. »

A. Hypersécrétoires. — Nous avons présenté en quelques mots les relations qui existent entre les principales sécrétions, en considérant surtout le cas où l’une d’elles vient à diminuer. Si, au contraire, l’une augmente, les deux autres diminuent. Cette loi existe même pour les sécrétions accidentelles, comme pour les exutoires ou les dépôts séreux. On comprend l’importance de cette loi pour combattre les dépôts aqueux pathologiques ; tous les évacuants conviendront : diurétiques, purgatifs, sudorifiques.

Voici comment M. Tabourin explique l’action de ses médicaments ; bien que ses idées se rapportent aux vésicants, l’explication est parfaitement applicable : « Si la partie nutritive du sang est versée inutilement au dehors, l’absorption intestinale ne suffira bientôt plus aux besoins du corps, et alors celui-ci devra entamer ce qu’il a en réserve. Dès lors, la résorption prendra une activité extraordinaire, la graisse disparaîtra la première, quelques matériaux provenant des sécrétions excrémentielles entreront ensuite dans la circulation, puis enfin viendra le tour des produits morbides épanchés dans les tissus, ce qui explique l’action résolutive des dérivatifs sur les engorgements internes ou externes. »

Comme Tabourin, nous croyons à l’effet fondant des vésicants et des hypersécrétoires ; mais ce qui disparaît d’abord, ce n’est pas la graisse et quelques éléments de sécrétions normales, comme le pense cet auteur, ce sont, dans la plupart des cas, les productions morbides. Il arrive bien parfois qu’un exutoire produirait plutôt le marasme que la disparition de certains produits épanchés ou organisés, mais cela est exceptionnel. Le séton employé contre un œdème le fait disparaître sans porter la moindre atteinte à l’embonpoint du sujet. A part cette restriction qui nous semble judicieuse, l’opinion de M. Tabourin est parfaitement admissible.

On pourrait donc répéter ici que, normalement, l’organisme règle ses dépenses sur son avoir, mais que, quand la maladie prévaut contre lui, il fait des écarts étonnants, qui peuvent amener chez lui un amaigrissement excessif, et la mort même par épuisement de son budjet.

B. Suppuratifs. — Parlerons-nous de ce genre d’évacuants ?…, Ce que nous avons dit sur les hypersécrétoires nous semble parfaitement applicable, et nous voulons éviter les redites. « Appliqués localement, dit Tabourin, les dérivatifs (suppuratifs) agissent d’abord comme les révulsifs ; mais une fois que la suppuration est établie, ils prennent des caractères particuliers. Le pus est du sang moins les globules ; ce liquide morbide présente donc la même composition que le plasma du sang. On conçoit, d’après cela, qu’une sécrétion purulente prolongée peut affaiblir l’économie au point d’amener le marasme, et par suite la mort du sujet. »

SIÈGE DES RÉVULSIFS


Le célèbre Barthez, qui admettait la vieille distinction établie par Galien entre les révulsifs et les dérivatifs, posait comme règle : si la maladie est aiguë, agissez loin du mal, par conséquent révulsez ; si elle est chronique, rapprochez l’action révulsive le plus possible, c’est à-dire dérivez.

Nous avons dit ce qu’il fallait penser de cette idée aussi inutile qu’inexacte. Quant au principe ci-dessus, la pratique s’est prononcée contre lui en dernier ressort. On voit, en effet, tous les jours employer les révulsifs le plus près possible du siège du mal. Pour une fièvre inflammatoire avec imminence de localisation sur le poumon, on applique sur la poitrine le sinapisme, qui est l’agent employé généralement. Pour une pneumonie aiguë au début, on agit de même. Voilà donc des faits cliniques qui contredisent l’opinion de Barthez.

Une condition à rechercher encore, c’est la grande sensibilité et la richesse du réseau sanguin de la partie sur laquelle l’agent doit agir, car la révulsion se produisant d’autant plus facilement que la maladie artificielle est plus intense, si le siège choisi seconde le remède, l’action de ce dernier sera plus forte et conséquemment plus efficace. C’est ce qui fait sans doute qu’en médecine vétérinaire, on choisit souvent pour lieu d’élection la face interne des membres, où la peau est fine, sensible, délicate. Ceci nous explique encore pourquoi dans une méningite, une encéphalite aiguë, on fait agir les révulsifs sur les membres, au lieu de les rapprocher de l’encéphale, car la peau du cou, seule partie où on pourrait les appliquer, est épaisse, couverte de poils longs, plus grossiers là que partout ailleurs, qu’elle est d’une sensibilité peu prononcée, autant de circonstances défavorables à l’action des irritants. Il n’y a donc pas là une exception à la règle posée plus haut, mais un choix bien raisonné entre deux principes, qui sont incompatibles dans le cas particulier dont nous parlons, et une préférence motivée pour la condition de sensibilité, qui nous paraît ici plus avantageuse que la condition de proximité.

Cependant, il y a, selon nous, un point bien raisonné dans les principes de Bailliez. Il dit, en effet, de révulser les flux périodiques. Supposez, par exemple, qu’on ait à combattre ces prédispositions qu’ont certaines personnes pléthoriques aux épistaxis, par suite d’un transport fréquent de sang vers la tète. Les bains de pieds irritants, très souvent ordonnés, constituent un des meilleurs préservatifs, pour cette raison que les capillaires des parties inférieures s’habituent peu à peu à ce surcroît de liquide sanguin et se distendent lentement pour suffire au nouvel office qu’on exige d’eux. Les artères qui leur portent le sang prennent, elles aussi, un calibre convenable, de sorte que la spoliation, d’artificielle et passagère qu’elle était, devient constitutionnelle et par conséquent définitive. La prédisposition qui frappait les parties supérieures peut de cette manière être attirée complètement vers les parties inférieures. Si on agissait près du mal primitif, les artères sources, en s’harmonisant avec la nouvelle capacité capillaire, ne pourraient priver de sang la partie prédisposée, ou, tout au moins, l’effet obtenu serait-il considérablement amoindri. On voit par là la différence qu’il doit y avoir dans le mode d’emploi des agents destinés à amener un changement passager et ceux qui doivent amener une modification stable.

L’effet atrophiant des dérivatifs prouve qu’il convient de les appliquer plus près encore que les révulsifs. La condition de proximité devient dans ce cas indispensable à la guérison. Quand on traite, par exemple, un œdème par des frictions de liniment ammoniacal effectuées sur la partie engorgée, la résolution se fait presque à vue d’œil. Obtiendrait-on ce résultat aussi promptement, si on agissait ailleurs que sur le mal ?… Sur une contusion, l’onguent vésicatoire a des effets excellents qu’il ne procurerait pas s’il n’était appliqué exactement sur la partie malade.

Donc, au lieu de poser comme règle : révulser ce qui est aigu, dériver ce qui est chronique, Barthez aurait dit dire : dériver ce qui est aigu, mais dériver plus encore ce qui est chronique. Et, puisque nous n’admettons pas la distinction de ce médecin, nous devons conclure comme suit : Révulser près du mal les maladies aigües, très près du mal ou sur le mal même les maladies chroniques.

Indications fournies par les sympathies. — Nous ne définirons pas les sympathies, parce qu’elles ne sont pas de notre sujet. Nous nous poserons seulement une question : l’organe A est malade et sympathise avec B à l’état physiologie que ; ne pourra-t-on pas plus facilement révulser la maladie de A en agissant sur B qu’en exerçant, ailleurs la médication ?… Nous croyons devoir répondre affirmativement. L’utérus et les mamelles, par exemple, sympathisent normalement ; y a-t-il congestion du premier de ces organes, on applique des ventouses aux mamelles et cela avec un succès qui ne peut évidemment dépendre que d’une condition particulière du point choisi pour siège de l’action. En agissant ainsi, on peut arrêter la métrorrhagie, comme on peut le concevoir par cet aphorisme hippocratique : Si vous voulez arrêter les règles d’une femme, appliquez sur les mamelles une ventouse aussi grande que possible.

Aussi n’est-il pas étonnant de voir tel siège choisi de préférence à un autre, alors que rien ne semble indiquer la raison de ce choix. C’est que l’expérience a sans doute démontré qu’il valait mieux faire ainsi qu’autrement ; il est sage alors de se rendre aux faits, dont la logique est au-dessus de tout ce qu’on peut écrire. « Ainsi, il y a des conditions anatomiques préétablies qui rendent très acceptable la pensée qu’une action portée sur un point retentira, par là même, et dans un ordre constant, sur tel autre point » (Raynaud). Pour expliquer cette corrélation, le même auteur fait remarquer que, lorsqu’un nerf mixte se distribue, les fibres sensitives se rendent à la partie de la peau qui est mue par les muscles dépendant des fibres motrices du même nerf ; il croit « qu’il existe des relations analogues entre l’innervation sensible d’une région cutanée et l’innervation vaso-motrice des viscères correspondants. » Tout porte à croire qu’il en est ainsi, autant la constitution du grand sympathique que la physiologie pathologique de la révulsion. Où trouverait-on d’ailleurs la raison de ce fait ? Pourquoi un sinapisme sur la poitrine, dans la pneumonie agit-il plus efficacement qu’ailleurs ? N’invoquez pas la communication capillaire, vous savez bien qu’elle n’existe pas. Tout ne se passe donc pas d’après les lois physiques, il y a là un fait physiologique. Cette hypothèse explique l’habitude qu’on a de faire agir les révulsifs sur les régions épigastriques dans les affections de l’estomac, hypogastrique pour celles de l’utérus, aux apophyses mastoïdes et à la nuque pour les ophtalmies, en médecine humaine. Cependant, on le comprend, il faut peser la question de gravité de la maladie provoquée. Ce serait peu raisonnable de révulser sur l’utérus le mal qui est aux mamelles, par exemple. Mais c’est là une question de tact que nous ne devons pas aborder.

Un mot encore sur l’hypothèse de M. Raynaud. L’idée ne nous semble pas entièrement nouvelle ; nous la trouvons en germe dans le Traité de thérapeutique générale de Delafond, un auteur vétérinaire. Voici, en effet, ce qu’il écrivait dans son édition de 1843 : On sait que les vaisseaux capillaires forment un réseau continu dans l’épaisseur des organes, que ceux des parois des cavités splanchniques, par exemple, ont des communications avec ceux des membranes qui tapissent ces cavités, et que les vaisseaux de celles-ci s’anastomosent avec ceux des organes qu’elles recouvrent ; que d’un autre côté les divisions et les subdivisions à l’infini des nerfs qui portent la sensibilité dans plusieurs parties, sont des nerfs provenant de la même origine, et que d’ailleurs les nerfs, soit du mouvement, soit du sentiment, soit de la vie organique, ont entre eux beaucoup de réunions. Or, si le phénomène de la révulsion réside tout à la fois dans une douleur produite, dans une fluxion sanguine capable de détourner la douleur pathologique et de la fixer au lieu de la révulsion, en outre de détourner l’afflux sanguin qui s’opère sur l’organe malade pour l’amener aussi au lieu de la révulsion, on conçoit que moins la distance sera grande entre l’organe malade et le lieu de la révulsion, plus la transposition de la douleur, plus l’afflux sanguin seront faciles et prompts à détourner ; qu’au contraire, plus cette distance sera grande, plus ces deux effets, et surtout la dérivation sanguine seront lents et tardifs à s’opérer. »

L’idée de M. Raynaud est bien exprimée dans ce texte, mais d’une manière moins précise, moins hardie.

La conclusion à tirer de ce raisonnement est qu’il faut révulser sur les points sympathisants.

Peut-on se servir d’organes malades ? — Il semblerait d’abord qu’on dût placer les révulsifs sur des sièges malades, afin que, l’irritation apportée par le médicament s’ajoutant à celle qui existe déjà, on obtînt une action plus forte et partant plus efficace. Nous verrons, en pénétrant dans la question, que ce principe n’a rien de fixe. Supposons que nous avions un sujet atteint de congestion cérébrale et d’entérite aigüe en même temps ; administrerons-nous un drastique pour révulser la maladie cérébrale ?… Les bons cliniciens nous diront non. Voyons si les raisons théoriques confirment cette conduite.

Tout est réciproque dans la révulsion ; la définition que nous en avons donnée le prouve bien ; or, il existe deux maladies à différents degrés d’acuité : l’une, la plus forte, dans l’organe central des sensations, l’autre, la plus faible, dans une partie éloignée ; pourquoi l’aphorisme d’Hippocrate se trouve-t-il en défaut dans ce cas ? C’est que, évidemment, il y a entre les deux maladies une relation qui fait que la nature semble se conduire comme si elles avaient un siège unique. Agirons-nous donc sur l’intestin ? Non, car nous augmenterions son irritation sans profit pour la maladie cérébrale. Dans ce cas, par conséquent, pas de purgation.

Mais qu’on suppose une contusion au voisinage d’un os ; ici, la partie douloureuse à un très fort degré, ce n’est pas évidemment la peau, c’est l’os, quand il a été atteint ; néanmoins la peau participe à la phlogose ; appliquera-t-on dans ce cas la règle précédente ?… Non. Nous voyons journellement employer l’onguent vésicatoire sur la partie contusionnée, et les cures nombreuses qu’on obtient de cette médication prouvent bien qu’elle est excellente.

Supposons, en troisième lieu, que la suppression d’une suppuration ancienne ait déterminé une pleurésie, une pneumonie par répercussion. Dans ce cas, les révulsifs sont indiqués, et la pratique enseigne qu’il faut les placer sur le siège du mal primitif : c’est qu’il est survenu dans cette partie une espèce d’habitude qui a apporté des changements dans sa structure, sa vascularisation ; tout s’y est disposé pour la suppuration ; c’est pourquoi elle sera plus facilement provoquée sur ce lieu qu’ailleurs. C’est ici le lieu d’invoquer ces relations incompréhensibles dont nous ne connaissons absolument que l’existence, mais au moins d’une manière certaine : les sympathies. C’est malheureux de n’avoir à donner qu’un nom inconnu pour une explication. M H. Bouley l’a éludée par un joli mot : les vieilles suppurations, dit-il prennent « droit de bourgeoisie » dans l’économie ; et ce droit, chacun le sait, n’est pas de ceux qui s’abandonnent facilement.


INTENSITÉ DE LA RÉVULSION


Nous avons déjà cité l’aphorisme où Hippocrate, dans une phrase a écrit presque toutes les lois de la révulsion : « De deux douleurs simultanées, mais non dans le même lieu, la plus forte obscurcit l’autre. » La douleur étant le symptôme saillant de la maladie, les deux mots, à notre avis, sont ici synonymes. Cela étant admis, voyons si nous devons accepter, sans modification aucune, l’opinion du savant de Cos. Disons d’abord que deux maladies étant données, en deux sièges différents et d’intensité inégale, l’une « n’obscurcit » pas nécessairement l’autre ; c’est une restriction. L’aphorisme hippocratique devrait donc être remplacé par celui-ci : « De deux maladies existant simultanément dans l’organisme, et non dans le même lieu, si l’une anéantit l’autre, c’est toujours la plus forte. » Cette opinion est celle de deux auteurs dont le talent est bien connu dans le monde médical ; nous avons nommé Trousseau et Pidoux : Si une irritation, disent-ils, a produit une fluxion inflammatoire, il est difficile d’obtenir la résolution par les médicaments irritants ; ceux-ci apportent même parfois de l’aggravation dans la maladie, à moins qu’ils ne soient d’une puissance exceptionnelle ou que l’inflammation ne soit très légère.

À l’appui de cette opinion, ces auteurs citent les médications de Velpeau et de Gendrin dont nous aurons l’occasion de parler plus loin. Ils disent encore : on devra agir sur une surface d’autant plus grande que l’inflammation sera elle-même plus intense et plus étendue. Voici d’ailleurs leur texte : « Dans un catarrhe bronchique suffocant, on applique à la jambe ou sur le sternum un vésicatoire peu étendu, et si les accidents ne sont pas conjurés, on accuse l’impuissance du remède, quand il ne faut accuser que l’impéritie du médecin. Comment, en effet, supposer qu’une phlegmasie bronchique qui occupe peut-être une surface de plusieurs mètres carrés sera révulsée par un vésicatoire de quelques centimètres d’étendue, plus aisément qu’une fluxion de poitrine grave ne le serait par une saignée de quelques grammes ? Il faut faire ce que fait M. Velpeau avec tant de succès. Il a compris qu’il fallait proportionner la médication à l’intensité et à l’étendue de l’inflammation et nous l’avons vu à l’aide de vésicatoires qui occupaient toute la surface d’un membre, arrêter des phlegmons profonds qui menaçaient de produire d’effroyables désordres. Ainsi s’expliquent les succès de M. Gendrin, qui au début et dans l’acmé d’une pleurésie ne craint pas de recouvrir d’un vésicatoire énorme tout un côté de la poitrine. »

On se ferait une mauvaise idée de l’intensité de l’action révulsive, si on la mesurait au moyen de la douleur produite par les agents employés ; il suffit, pour que l’action révulsante l’emporte, que l’afflux des liquides organiques soit plus considérable que dans la maladie qu’on veut révulser ou que la surface révulsante soit très-vaste. Une abondante sueur, un vésicatoire qui produit de la suppuration et pas de douleur guérissent souvent une pleurésie circonscrite. Une éruption cutanée guérit une entérite même très-forte, et cependant la première n’occasionne qu’un peu de prurit et rien de plus. Si cependant, on pouvait ramener à un seul point toutes les impressions de la périphérie, la douleur serait plus forte que celle produite par l’inflammation intestinale.

Sont encore de cet avis, MM. Bouchot et Desprès qui conseillent d’étendre en surface les révulsifs faibles qui ne peuvent pas agir profondément, qui conviennent que ces agents agissent en raison directe de la vitalité des parties, et que les révulsifs sécrétoires ne sont efficaces qu’à la condition d’avoir une grande puissance.

Pour ces derniers médicaments, l’explication est toute simple ; un seul exemple clinique peut nous convaincre. Supposons que, dans un hydrothorax, il s’accumule par jour dans la poitrine un litre de sérosité. Si les diurétiques administrés ne peuvent en évacuer qu’un demi-litre, il se déposera encore un demi-litre de liquide ; par conséquent, la maladie sera moins grave, mais elle ne sera que palliée et non guérie. Ce raisonnement pourrait, jusqu’à un certain point, s’appliquer aux congestions.

Pour trouver l’explication de la révulsion par douleur, Maurice Raynaud cherche d’abord dans l’histologie du système nerveux une raison probable des sympathies. Comme nous employons ce mot dans un sens particulier, disons, une fois pour toutes, que nous parlons des sympathies par extension : l’organe A, par exemple, est-il malade et provoque-t-il une maladie dans l’organe B, voilà ce que nous appelons sympathie par extension.

Vu les communications que chaque cellule nerveuse entretient avec les cellules voisines ainsi qu’avec les fibres nerveuses de sentiment et de mouvement, on peut, d’après l’opinion de Lionel Beale, considérer chacun de ces éléments comme étant placé au centre de plusieurs courants nerveux. On explique ainsi pourquoi une action agissant sur un nerf peut se communiquer à des cellules en relation avec le circuit qui dessert le cordon excité.

Si on ajoute à cette remarque la notion d’extériorité des sensations perçues, c’est-à-dire que toute sensation qui provient d’un point pris sur le trajet d’un nerf est rapportée par le sensorium commune à la périphérie du corps dans la partie où les fibres excitées vont se ramifier, on peut donner de la sympathie l’explication suivante : une sensation convenable communique à des cellules nerveuses, voisines de celles qui sont excitées, un ébranlement qui est transmis au cerveau, lequel extériorise les sensations multiples qui en résultent. Mais il a été remarqué que, si l’excitation première-dépasse certaines limites, l’équilibre, au lieu de se rompre davantage, se rétablit. Ainsi le cerveau extériorise une sensation légère et localise une sensation forte ; dans ce dernier cas, nécessairement, la sensation périphérique disparaît.

Il est probable, dit M. Raynaud, que les révulsifs douloureux n’agissent pas autrement, et que la douleur ainsi produite, par cela même qu’elle est plus vivement sentie, imprime aux cellules qui sont en communication avec la cellule artificiellement excitée un ébranlement, une modification dynamique, laquelle suffit à rétablir ce que je viens d’appeler l’équilibre nerveux. — J’avoue que je me sers de cette expression un peu métaphorique, faute d’en trouver une meilleure.

Ceci nous expliquerait, jusqu’à un certain point l’avantage que l’on trouve à placer les révulsifs au voisinage des parties douloureuses. Un vésicatoire, des pointes de feu, appliqués sur la cuisse pour une sciatique n’atteignent évidemment point le tronc nerveux lui-même ; ces moyens agissent sur les ramifications périphériques de la peau ; l’excitation est transmise au centre nerveux ; là elle se répartit sur un certain nombre de cellules qui sont en communication intime avec celles d’où émargent les fibres constituantes du tronc sciatique lui-même, et l’effet est d’autant plus sûr que les connexions préétablies sont plus étroites.

C’est en réfléchissant sur les variations incessantes de la nature que le médecin finit par ne plus s’étonner des faits, même contradictoires, dont il est témoin. Tantôt une maladie en fait naître une autre, tantôt c’est le contraire qui a lieu. Voilà la nature, elle est si bizarre et si changeante que ceux qui ont voulu écrire son histoire en posant des règles fixes se sont toujours égarés. Aussi, quoique le raisonnement du savant auteur que nous avons nommé plus haut nous semble fondé, nous sommes loin de le croire à l’abri de toute objection : la nature est comme la volonté ; on ne peut pas prédire sûrement ce qu’elle fera.


DURÉE DE LA RÉVULSION


Elle dépend essentiellement de l’effet à obtenir. A-t-on à combattre une inflammation qui débute, alors que l’action morbide est bornée à l’irritation et au fluxus sanguin, et qu’il n’est pas encore survenu des modifications organiques dans les solides ? On emploiera les irritants hypérémiques, et, parmi ceux-ci, on choisira des agents dont l’action soit proportionnée à l’intensité du mal. Supposons, pour préciser, qu’on emploie un sinapisme contre une pneumonie au début, on ne fera qu’une seule application pourvu qu’elle produise un engorgement suffisant pour amener l’action révulsive. Mais, si on n’obtient pas d’effet, il n’y aura pas d’inconvénient à faire une nouvelle application. Dans tous les cas, le sinapisme est un agent prompt à agir et qui doit rester peu de temps sur le corps. Ce que nous disons des sinapismes est applicable à tous les agents hypérémiques irritants. Par conséquent, l’action destinée à détourner un courant sanguin pathologique sera toujours prompte.

Mais si une suppuration doit être attirée au dehors, l’effet ne sera pas si rapide, car il faut produire un travail organique capable de donner une évacuation, soit sérosité, soit pus. Prenons le médicament suppuratif par excellence, la cantharide, et parmi les préparations dont cet agent est la base, choisissons l’onguent vésicatoire. S’il faut évacuer par la voie cutanée la suppuration d’un abcès inter-organique, on fera d’abord une application, qui sera renouvelée autant de fois que le praticien le jugera nécessaire pour produire un exutoire qui donne des produits abondants. Dans tous les cas, l’application sera persistante et n’agira que lentement relativement aux irritants simplement congestionnels.

Est-ce un flux hydropique à combattre ? Ici, la ténacité de l’affection donne l’indication de persister longtemps dans le traitement évacuant. Les diurétiques, changés de temps à autre, pour ne pas laisser s’établir ce que les thérapeutistes ont appelé la tolérance des médicaments ; voilà toute la médication à employer.

Sans pousser plus loin ces exemples, une règle ressort très évidente de ces considérations, c’est que, plus la maladie est aiguë, plus les agents doivent être rapides dans leurs effets.

En médecine humaine, on emploie quelquefois les exutoires permanents pour combattre certaines maladies chroniques. Dans la médecine des animaux, ces exutoires n’étant pas employés, nous n’aurons pas à nous prononcer sur leur utilité.

Que faut-il penser des exutoires employés dans certains cas de maladies contagieuses ? Doit-on croire que le virus est évacué par ces émonctoires ?… mais le corps a des émonctoires naturels, pourquoi ne s’en sert-il pas ? Pourquoi le moyen n’est-il pas applicables contre toutes les maladies virulentes ? Cette explication est donc peu probable. Cependant si la pratique démontre les bons effets de ce moyen, on doit l’employer.


CHOIX DES RÉVULSIFS


Nous ne voulons pas ici passer en revue tous les révulsifs, car nous ferions alors l’histoire de ces agents et non celle de la révulsion. Nous nous en tiendrons à dire dans quelle classe on doit prendre les antagonistes des maladies considérées elles-mêmes groupées d’après leur nature. C’est ici surtout que ressort l’utilité d’une bonne classification des agents dont nous étudions la manière d’agir. Malheureusement, comme nous l’avons dit, les auteurs n’ont fait que des groupements trop artificiels pour avoir aucune utilité pratique. Ces raisons nous ont déterminé à proposer nous-même une méthode que nous n’avons pas la prétention de croire meilleure que les autres, mais qui nous a paru plus commode pour le plan que nous nous étions tracé pour notre petit travail. Nous prions donc les hommes instruits qui écriront à l’avenir sur ce sujet de guider les débutants dans ce point difficile : les classifications sont des simplifications avantageuses et in dispensables à l’esprit, et, quant à la question, elle est digne, ce nous semble, d’être approfondie.

Les révulsifs doivent agir dans le sens dominant du symptôme de la maladie. — Ce principe est si évident que nous n’essaierons même pas de l’établir : il est élémentaire qu’on doit opposer une douleur, une congestion, une inflammation, un flux séreux, à une douleur, une congestion, une inflammation ; un flux séreux. En règle générale, par conséquent, une congestion cérébrale sera combattue par des pédiluves irritants, mais, si l’affection persiste, on emploie les purgatifs. Au premier abord, cette conduite semble en désaccord avec le principe posé, mais la contradiction n’est qu’apparente. En effet, un purgatif ne jouit pas seulement de la propriété évacuante révulsive, c’est-à-dire capable de contrebalancer ou de diminuer un flux, il possède encore la vertu de produire : 1° une hypérémie à un degré plus ou moins prononcé ; 2° une déplétion du système circulatoire qui favorise la résorption de la congestion. Un vieil adage dit : « purger, c’est saigner. » Si cette formule n’est pas l’expression exacte de la vérité, elle est vraie du moins pour les effets immédiats de la purgation et de la saignée, c’est-à-dire la déplétion ; la purgation remplace donc l’évacuation que produit la lancette ou la flamme. Voici comment M. Tabourin explique cette action : « Les purgatifs, en irritant la muqueuse intestinale et en appelant dans le système circulatoire abdominal une grande quantité de sang, exercent à l’égard des autres parties du corps, et notamment de la peau, de la poitrine, des centres nerveux, des membres, etc., une action révulsive très énergique et d’autant plus puissante qu’elle s’établit sur une surface énorme chez les herbivores, et dépassant celle de la peau elle-même en étendue. » Nous pourrions multiplier ces exemples, mais sans aucun profit : le bon sens médical fait indiquer les diurétiques, les purgatifs, les sudorifiques contre les dépôts hydropiques, parce qu’en évacuant par les émonctoires naturels de l’économie une certaine quantité de sérosité, on diminue ainsi, et d’une manière proportionnelle, le liquide épanché dans les divers tissus de l’organisme.

Les sétons, le vésicatoire à demeure conviennent contre les inflammations, car ils évacuent une matière identique à celle que produisent ces dernières. La saignée n’est qu’un évacuant complet qui n’épargne aucun élément du sang ; elle convient aux congestions comme les évacuants purulents conviennent aux maladies inflammatoires à leur période de suppuration.


Applications en général.


Toutes les inflammations, les affections générales dans leurs localisations peuvent être traitées par les révulsifs ; mais celles à fond spécifique résistent généralement. Ainsi que nous l’avons annoncé, nous n’avons pas envisagé la révulsion sous le rapport de son histoire clinique ; aussi n’aurons-nous pas à spécifier davantage. Nous nous permettrons néanmoins de citer un exemple remarquable de l’emploi pratique de cette méthode ; nous voulons parler d’un cas clinique dont nous avons suivi les détails avec minutie, dans nos études scolaires, ayant soigné nous-même le sujet dont il sera question. Nous rapporterons les détails intéressants de cette cure à la suite de notre conclusion et en manière d’application de ce que nous aurons dit.





CONCLUSIONS


La révulsion et la dérivation doivent être confondues.

La révulsion est d’autant plus active que son siège est plus rapproché de l’organe malade.

Il faut éviter d’exaspérer les organes précieux atteints de maladie.

S’il est utile d’obtenir une modification définitive du système circulatoire, il faut agir loin du mal.

L’action qui doit révulser doit être plus intense que celle qui doit disparaître,

L’action révulsive doit être d’autant plus prolongée que la maladie est plus chronique.

Le révulsif choisi doit agir dans le sens du symptôme dominant de la maladie.

Pour favoriser l’action des révulsifs, on doit employer d’abord les antiphlogistiques, saignées, calmants, etc., à moins de contre-indications.


Exemple clinique.


Le 27 octobre 1873, un cheval poitevin, âgé de huit ans, est amené dans les hôpitaux de l’École. Le propriétaire donne pour renseignements que, il y a environ quinze jours, son animal s’est laissé tomber dans le brancard de sa charrette, et que depuis il a des apparences de maladie.

28. — Examen à l’écurie. — Attitudes déréglées. L’animal se tient au bout de la longe, tend la tête immodérément et s’appuie sur la crèche par son menton ; il garde cette pose quelquefois demi-heure et même davantage.

En dehors de l’écurie, tête basse, portée dans l’axe du corps ; un membre antérieur reste fléchi, tantôt l’un, tantôt l’autre, pour favoriser cette flexion. Mouvements difficiles, marche chancelante, faiblesse des reins. Sens affaiblis : le claquement du fouet impressionne peu l’animal ; ses pupilles sont dilatées. Pas de paralysie. Appétit et soif exagérés. Artère tendue, pouls fort, accéléré. Chaleur augmentée dans la région de la nuque. Diagnostic : méningo-encéphalite chronique incomplètement établie et s’accompagnant de phénomènes aigus.

Traitement : L’état du pouls indique la saignée ; on la pratique à la jugulaire, on retire 6 livres de sang. On place deux sétons, un de chaque côté de l’encolure qu’on anime avec de l’essence de térébenthine. Capote matelassée sur la nuque tenue constamment mouillée avec de l’eau fraîche. Frictions sinapisées sur les 4 membres, qu’on recouvre ensuite avec des bandes de flanelle. A l’intérieur, purgatif avec : séné, 30 grammes ; eau, 1 litre ; faites infuser et ajoutez : aloès hépatique, 40 grammes. À prendre à jeun en une seule dose. De plus, sel marin, 120 grammes ; eau q. s. pour 4 lavements à administrer dans la journée.

29. — Les sétons ont produit une forte tuméfaction, mais les frictions sinapisées et le purgatif sont restés sans effet.

Traitement : Trois lavements dans la journée avec : Sulfate de soude, 150 gr. ; eau, q. s. Essence de térébenthine pour les sétons ; eau fraîche sur la nuque.

30. — Le purgatif du 28 étant resté sans effet, on le renouvelle aujourd’hui. Mêmes lavements ; mêmes soins aux sétons. Renouvellement des frictions sinapisées.

31. — Coma très prononcé ; on remarqua hier que l’animal se mettait sur ses genoux et restait deux ou trois minutes dans cette position ; on a vu deux fois le même fait. L’animal ne pousse pas au mur, mais il reste longtemps appuyé sur la mangeoire par son maxillaire inférieur. Les sétons suppurent beaucoup, le purgatif est encore sans effet.

Traitement : Eau fraîche, essence. En remplacement du sulfate de soude, on emploie : Émétique, 20gr. ; eau, q.s. pour 4 lavements à donner dans la journée. Vésicatoire, 20 gr. pour le trajet extérieur des sétons.

1er novembre. — Même état. Même traitement.

2. — Même état. Même traitement qu’hier, et de plus friction sous le ventre dans une étendue de 5 décimètres avec : huile de croton-tiglium, 50 gouttes ; huile d’olives, 50 gouttes ; mélangez.

3. — L’engorgement produit au ventre est considérable, il a au moins 6 centimètres d’épaisseur ; il est recouvert de grosses phlyctènes ; partout ailleurs perlent des gouttelettes séreuses. L’animal s’appuie moins sur la mangeoire ; il a la bouche fraîche, ses excréments sont devenus mous : amélioration.

Traitement : Le même qu’hier moins la friction d’huile de croton.

4. — L’engorgement du ventre a encore augmenté, et, par contre, celui des sétons a diminué d’une manière étonnante : L’animal tousse ; sa toux est grasse et résulte de l’application de l’eau fraîche. On suspend donc l’irrigation.

Traitement : Émétique, 22 gr. pour les lavements. Essence pour les sétons.

6. — L’animal s’appuie moins sur la mangeoire, les sétons ne suppurent plus, l’engorgement du ventre a diminué un peu. Appétit bon ; le malade a mangé de la paille avidement. Même traitement.

7-8-9. — L’amélioration se fait lentement. Même traitement.

10. — Plus de toux, sétons taris, engorgement du ventre diminué considérablement. La persistance du coma indique l’administration des excitants ; en conséquence on donne un électuaire avec : Poudre de gentiane. 24 gr. ; noix vomique rapée, 4 gr. ; miel, 200 g. Administrez en deux doses.

Le malade étant retiré des hôpitaux, le 10, on ordonne l’administration du même électuaire avec 1 gr. de plus de noix vomique pendant 1 ou 6 jours. Nous avons appris depuis que quelques jours avaient suffi pour achever entièrement la guérison. C’est là un exemple remarquable d’application de la méthode révulsive : Frictions sinapisées, sétons, purgatifs, vésicants, rien n’y manque. Si nous n’avions vu beaucoup d’autres guérisons par les révulsifs, nous avouons que le cas ci-dessus aurait été de nature à nous convaincre de leur efficacité. Ce qui surtout nous a frappé, c’est la disparition, avec une rapidité étonnante, des engorgements des deux sétons, en même temps que l’accroissement énorme de la tumeur produite par l’huile de croton, un des médicaments les plus violents que l’on connaisse. Nous avons donc pu constater dans ce cas clinique deux choses : la révulsion de la maladie naturelle et celle des deux maladies artificielles représentées par les deux exutoires. Force est donc de se rendre devant les faits : la révulsion n’est pas une fiction. Nous joignons notre faible voix à celle de tant de bons observateurs pour contredire ceux qui ne croient pas à son existence. N’en déplaise à M. Malgaigne, de l’Académie de médecine, la révulsion n’est pas un mythe !

C. Faugère




Toulouse, Imp. des Orphelins, Jule PAILHÈs, Rempart St-Étienne, 30.