De l’Homme/Section 9/Chapitre 24

SECTION IX
Œuvres complètes d’Helvétius, De l’HommeP. Didottome 12 (p. 17-19).


CHAPITRE XXIV.

L’intérêt cache au prêtre honnête homme les maux du papisme.

Les contrées les plus religieuses sont les plus incultes. C’est dans les domaines ecclésiastiques que se manifeste la plus grande dépopulation : ces contrées sont donc les plus mal gouvernées. Dans les cantons catholiques de la Suisse regnent la disette et la stupidité ; dans les cantons protestants, l’abondance et l’industrie. Le papisme est donc destructeur des empires : il est sur-tout fatal aux nations qui, puissantes par leur commerce, ont intérêt d’améliorer leurs colonies[1], d’encourager l’industrie, et de perfectionner les arts.

Mais, chez les divers peuples, qui rend l’idole papale si respectable ? La coutume. Qui, chez ces mêmes peuples, défend de penser ? La paresse. Elle y commande aux hommes de tous les états. C’est par paresse que le prince y voit tout avec les yeux d’autrui ; et par paresse qu’en certains cas les nations et les ministres chargent le pape de penser pour eux.

Qu’en arrive-t-il ? Que le pontife en profite pour étendre son autorité et confirmer son pouvoir.

Les hommes, en général, aiment mieux croire qu’examiner ; et le clergé, en conséquence, vit toujours, dans la paresse de penser, le plus ferme appui de la puissance papale.

Ne peut-on réveiller l’attention des magistrats, et les éclairer sur les dangers auxquels l’intolérant papisme exposera toujours les souverains ?



  1. Les colonies naissantes se peuplent par la tolérance ;et pour cet effet il faut y rappeler la religion aux principes sur lesquels Jésus l’a fondée.