De l’Allemagne/Seconde partie/XXII

Librairie Stéréotype (Tome 2p. 155-170).

CHAPITRE XXII.

Iphigénie en Tauride, Torquato Tasso, etc.


On donnoit en Allemagne des drames bourgeois, des mélodrames, des pièces à grand spectacle remplies de chevaux et de chevalerie. Goethe voulut ramener la littérature à la sévérité de l’antique, et il composa son Iphigénie en Tauride qui est le chef-d’œuvre de la poésie classique chez les Allemands. Cette tragédie rappelle le genre d’impression qu’on reçoit en contemplant les statues grecques ; l’action en est si imposante et si tranquille, qu’alors même que la situation des personnages change, il y a toujours en eux une sorte de dignité qui fixe dans le souvenir chaque moment comme durable.

Le sujet d’Iphigénie en Tauride est si connu, qu’il étoit difficile de le traiter d’une manière nouvelle ; Goethe y est parvenu néanmoins, en donnant un caractère vraiment admirable à son héroïne. L’Antigone de Sophocle est une sainte telle qu’une religion plus pure que celle des anciens pourroit nous la représenter. L’Iphigénie de Goethe n’a pas moins de respect pour la vérité qu’Antigone ; mais elle réunit le calme d’un philosophe à la ferveur d’une prêtresse : le chaste culte de Diane et l’asile d’un temple suffisent à l’existence rêveuse que lui laisse le regret d’être éloignée de la Grèce. Elle veut adoucir les mœurs du pays barbare qu’elle habite ; et bien que son nom soit ignoré, elle répand des bienfaits autour d’elle, en fille du roi des rois. Toutefois elle ne cesse point de regretter les belles contrées où se passa son enfance, et son âme est remplie d’une résignation forte et douce, qui tient pour ainsi dire le milieu entre le stoïcisme et le christianisme. Iphigénie ressemble un peu à la divinité qu’elle sert, et l’imagination se la représente environnée d’un nuage qui lui dérobe sa patrie. En effet, l’exil et l’exil loin de la Grèce, pouvoit-il permettre aucune jouissance que celle qu’on trouve en soi-même ! Ovide aussi, condamné à vivre loin de la Tauride, parloit en vain son harmonieux langage aux habitants de ces rives désolées : il cherchoit en vain les arts, un beau ciel, et cette sympathie de pensées qui fait goûter avec les indifférents même quelques-uns des plaisirs de l’amitié. Son génie retomboit sur lui-même, et sa lyre suspendue ne rendoit plus que des accords plaintifs, lugubre accompagnement des vents du nord.

Aucun ouvrage moderne ne peint mieux, ce me semble, que l’Iphigénie de Goethe, la destinée qui pèse sur la race de Tantale, la dignité de ces malheurs causés par une fatalité invincible. Une crainte religieuse se fait sentir dans toute cette histoire, et les personnages eux-mêmes semblent parler prophétiquement, et n’agir que sous la main puissante des dieux.

Goethe a fait de Thoas le bienfaiteur d’Iphigénie. Un homme féroce, tel que divers auteurs l’ont représenté, n’auroit pu s’accorder avec la couleur générale de la pièce, il en auroit dérangé l’harmonie. Dans plusieurs tragédies on met un tyran, comme une espèce de machine qui est la cause de tout ; mais un penseur tel que Goethe n’auroit jamais mis en scène un personnage sans développer son caractère. Or, une âme criminelle est toujours si compliquée, qu’elle ne pouvoit entrer dans un sujet traité d’une manière aussi simple. Thoas aime Iphigénie ; il ne peut se résoudre à s’en séparer en la laissant retourner en Grèce avec son frère Oreste. Iphigénie pourroit partir à l’insçu de Thoas. Elle débat avec son frère, et avec elle-même, si elle doit se permettre un tel mensonge, et c’est là tout le nœud de la dernière moitié de la pièce. Enfin Iphigénie avoue tout à Thoas, combat sa résistance, et obtient de lui le mot adieu, sur lequel la toile tombe.

Certainement ce sujet ainsi conçu est pur et noble, et il seroit bien à souhaiter qu’on put émouvoir les spectateurs, seulement par un scrupule de délicatesse ; mais ce n’est peut-être pas assez pour le théâtre, et l’on s’intéresse plus à cette pièce quand on la lit que quand on la voit représenter. C’est l’admiration, et non le pathétique qui est le ressort d’une telle tragédie ; on croit entendre en l’écoutant un chant d’un poëme épique, et le calme qui règne dans tout l’ensernble gagne presque Oreste lui-même. La reconnoissance d’Iphigénie et d’Oreste n’est pas la plus animée, mais peut-être la plus poétique qu’il y ait. Les souvenirs de la famille d’Agamemnon y sont rappelés avec un art admirable, et l’on croit voir passer devant ses yeux les tableaux dont l’histoire et la fable ont enrichi l’antiquité. C’est un intérêt aussi que celui du plus beau langage, et des sentiments les plus élevés. Une poésie si haute plonge l’âme dans une noble contemplation, qui lui rend moins nécessaire le mouvement et la diversité dramatiques.

Parmi le grand nombre des morceaux à citer dans cette pièce, il en est un dont il n’y a de modèle nulle part : Iphigénie, dans sa douleur, se rappelle un ancien chant connu dans sa famille, et que sa nourrice lui a appris dès le berceau : c’est le chant que les Parques font entendre à Tantale dans l’enfer. Elles lui retracent sa gloire passée, lorsqu’il étoit le convive des dieux à la table d’or. Elles peignent le moment terrible où il fut précipité de son trône, la punition que les dieux lui infligèrent, la tranquillité de ces dieux qui planent sur l’univers, et que les plaintes des enfers ne sauroient ébranler ; ces Parques menaçantes annoncent aux petits-fils de Tantale que les dieux se détourneront d’eux, parce que leurs traits rappellent ceux de leur père. Le vieux Tantale entend ce chant funeste dans l’éternelle nuit, pense à ses enfants, et baisse sa tête coupable. Les images les plus frappantes, le rhythme qui s’accorde mieux avec les sentiments, donnent à cette poésie la couleur d’un chant national. C’est le plus grand effort du talent que de se familiariser ainsi avec l’antiquité, et de saisir tout à la fois ce qui devoit être populaire chez les Grecs, et ce qui produit, à la distance des siècles, une impression si solennelle.

L’admiration qu’il est impossible de ne pas ressentir pour l’Iphigénie en Tauride de Goethe n’est point en contradiction avec ce que j’ai dit sur l’intérêt plus vif, et l’attendrissement plus intime que les sujets modernes peuvent faire éprouver. Les mœurs et les religions, dont les siècles ont effacé la trace, présentent l’homme comme un être idéal, qui touche à peine la terre sur laquelle il marche ; mais dans les époques et dans les faits historiques, dont l’influence subsiste encore, nous sentons la chaleur de notre propre existence, et nous voulons des affections semblables à celles qui nous agitent.

Il me semble donc que Goethe n’auroit pas du mettre dans sa pièce de Torquato Tasso la même simplicité d’action et le même calme dans les discours qui convenoient à son Iphigénie. Ce calme et cette simplicité pourraient ne paraître que de la froideur et du manque de naturel dans un sujet aussi moderne, sous tous les rapports, que le caractère personnel du Tasse et les intrigues de la cour de Ferrare.

Goethe a voulu peindre dans cette pièce l’opposition qui existe entre la poésie et les convenances sociales, entre le caractère d’un poëte et celui d’un homme du monde. Il a montré le mal que fait la protection d’un prince à l’imagination délicate d’un écrivain, lors même que ce prince croit aimer les lettres, ou du moins met son orgueil à passer pour les aimer. Cette opposition entre la nature exaltée et cultivée par la poésie, et la nature refroidie et dirigée par la politique, est une idée mère de mille idées.

Un homme de lettres placé dans une cour doit se croire d’abord heureux d’y être ; mais il est impossible qu’à la longue il n’éprouve pas quelques-unes des peines qui rendirent la vie du Tasse si malheureuse. Le talent qui ne seroit pas indompté cesseroit d’être du talent ; et cependant il est bien rare que des princes reconnoissent les droits de l’imagination et sachent tout à la l’ois la considérer et la ménager. On ne pouvoit choisir un sujet plus heureux que Le Tasse à Ferrare, pour mettre en évidence les différents caractères d’un poëte, d’un homme de cour, d’une princesse, et d’un prince agissant dans un petit cercle avec toute l’âpreté d’amour-propre qui remueroit le monde. L’on connoit la sensibilité maladive du Tasse, et la rudesse polie de son protecteur Alfonse, qui, tout en professant la plus haute admiration pour ses écrits, le fit enfermer dans la maison des fous ; comme si le génie qui part de l’âme devoit êlre traité ainsi qu’un talent mécanique dont on tire parti, en estimant l’œuvre et dédaignant l’ouvrier.

Goethe a peint Léonore d’Est, la sœur du duc de Ferrare, que le poëte aimoit en secret comme appartenant par ses vœux à l’enthousiasme, et par sa foiblesse à la prudence ; il a introduit dans sa pièce un courtisan sage, selon le monde, qui traite Le Tasse avec la supériorité que l’esprit d’affaires se croit sur l’esprit poétique, et qui l’irrite par son calme et par l’habileté qu’il emploie à le blesser sans avoir précisément tort envers lui. Cet homme de sang froid conserve son avantage en provoquant son ennemi par des manières sèches et cérémonieuses, qui offensent sans qu’on puisse s’en plaindre. C’est le grand mal que fait une certaine science du monde : et dans ce sens, l’éloquence et l’art de parler diffèrent extrêmement ; car pour être éloquent, il faut dégager le vrai de toutes ses entraves, et pénétrer jusqu’au fond de l’âme où réside la conviction ; mais l’habileté de la parole consiste au contraire dans le talent d’esquiver, de parer adroitement avec quelques phrases ce qu’on ne veut pas entendre, et de se servir de ces mêmes armes pour tout indiquer, sans qu’on puisse jamais vous prouver que vous ayez rien dit.

Ce genre d’escrime fait beaucoup souffrir une âme vive et vraie. L’homme qui s’en sert semble votre supérieur, parce qu’il sait vous agiter, tandis qu’il reste lui-même tranquille ; mais il ne faut pas pourtant se laisser imposer par ces forces négatives. Le calme est beau quand il vient de l’énergie qui fait supporter ses propres peines ; mais quand il naît de l’indifférence envers celles des autres, ce calme n’est rien qu’une personnalité dédaigneuse. Il suffit d’une année de séjour dans une cour ou dans une capitale pour apprendre très-facilement à mettre de l’adresse et de la grâce même dans l’égoïsme : mais pour être vraiment digne d’une haute estime il faudroit réunir en soi, comme dans un bel ouvrage, des qualités opposées : la connoissance des affaires et l’amour du beau, la sagesse qu’exigent les rapports avec les hommes, et l’essor qu’inspire le sentiment des arts. Il est vrai qu’un tel individu en contiendroit deux ; aussi Goethe dit-il dans sa pièce que les deux personnages qu’il met en contraste, le politique et le poëte, sont les deux moitiés d’un homme. Mais la sympathie ne peut exister entre ces deux moitiés, puisqu’il n’y a point de prudence dans le caractère du Tasse, ni de sensibilité dans son concurrent.

La susceptibilité souffrante des hommes de lettres s’est manifestée dans Rousseau, dans Le Tasse, et plus souvent encore dans les écrivains allemands. Les écrivains français ont été plus rarement atteints. C’est quand on vit beaucoup avec soi-même et dans la solitude qu’on a de la peine à supporter l’air extérieur. La société est rude à beaucoup d’égards pour qui n’y est pas fait dès son enfance, et l’ironie du monde est plus funeste aux gens à talent qu’à tous les autres : l’esprit tout seul s’en tire mieux. Goethe auroit pu choisir la vie de Rousseau pour exemple de cette lutte entre la société telle qu’elle est, et la société telle qu’une tête poétique la voit ou la désire ; mais la situation de Rousseau prêtoit beaucoup moins à l’imagination que celle duTasse. Jean-Jacques a traîné un grand génie dans des rapports très-subalternes. Le Tasse, brave comme ses chevaliers, amoureux, aimé, persécuté, couronné, et jeune encore mourant de douleur à la veille de son triomphe, est un superbe exemple de toutes les splendeurs et de tous les revers d’un beau talent.

Il me semble que dans la pièce du Tasse les couleurs du midi ne sont pas assez prononcées : peut-être seroit-il très-difficile de rendre en allemand la sensation que produit la langue italienne. Néanmoins c’est dans les caractères surtout qu’on retrouve les traits de la nature germanique plutôt qu’italienne. Léonore d’Est est une princesse allemande. L’analyse de son propre caractère et de ses sentiments, à laquelle elle se livre sans cesse, n’est point du tout dans l’esprit du midi. Là l’imagination ne se replie point sur elle-même ; elle avance sans regarder en arrière. Elle n’examine point la source d’un événement ; elle le combat ou s’y livre sans en rechercher la cause.

Le Tasse est aussi un poëte allemand. Cette impossibilité de se tirer d’affaire dans toutes les circonstances habituelles de la vie commune que Goethe attribue au Tasse est un trait de la vie méditative et renfermée des écrivains du nord. Les poëtes du midi n’ont pas d’ordinaire une telle incapacité ; ils ont vécu plus souvent hors de la maison, sur les places publiques ; les choses et surtout les hommes leur sont plus familiers.

Le langage du Tasse, dans la pièce de Goethe, est souvent trop métaphysique. La folie de l’auteur de la Jérusalem ne venoit pas de l’abus des réflexions philosophiques, ni de l’examen approfondi de ce qui se passe au fond du cœur ; elle tenoit plutôt à l’impression trop vive des objets extérieurs, à l’enivrement de l’orgueil et de l’amour ; il ne se servoit guère de la parole que comme d’un chant harmonieux. Le secret de son âme n’étoit point dans ses discours, ni dans ses écrits : il ne s’étoit point observé lui-même ; comment auroit-il pu se révéler aux autres ? D’ailleurs il considéroit la poésie comme un art éclatant, et non comme une confidence intime des sentiments du cœur. Il me semble manifeste et par sa nature italienne, et par sa vie, et par ses lettres, et par les poésies même qu’il a composées dans sa captivité, que l’impétuosité de ses passions, plutôt que la profondeur de ses pensées, causoit sa mélancolie ; il n’y avoit pas dans son caractère, comme dans celui des poètes allemands, ce mélange habituel de réflexion et d’activité, d’analyse et d’enthousiasme qui trouble singulièrement l’existence.

L’élégance et la dignité du style poétique sont incomparables dans la pièce du Tasse ; et Goethe s’y est montré le Racine de l’Allemagne. Mais si l’on a reproché à Racine le peu d’intérêt de Bérénice, on pourroit avec bien plus de raison blâmer la froideur dramatique du Tasse de Goethe ; le dessein de l’auteur étoit d’approfondir les caractères, en esquissant seulement les situations ; mais cela est-il possible ? Ces longs discours pleins d’esprit et d’imagination, que tiennent tour à tour les différents personnages, dans quelle nature sont-ils pris ? Qui parle ainsi de soi-même et de tout ? Qui épuise à ce point ce qu’on peut dire sans qu’il soit question de rien faire ? Quand il arrive un peu de mouvement dans cette pièce, on se sent soulagé de l’attention continuelle qu’exigent les idées. La scène du duel entre le poëte et le courtisan intéresse vivement ; la colère de l’un et l’habileté de l’autre développent la situation d’une manière piquante. C’est trop exiger des lecteurs ou des spectateurs, que de leur demander de renoncer à l’intérêt des circonstances pour s’attacher uniquement aux images et aux pensées. Alors il ne faut pas prononcer des noms propres, ni supposer des scènes, des actes, un commencement, une fin, tout ce qui rend l’action nécessaire. La contemplation plaît dans le repos ; mais lorsqu’on marche, la lenteur est toujours fatigante.

Par une singulière vicissitude dans les goûts, les Allemands ont d’abord attaqué nos écrivains dramatiques, comme transformant en Français tous leurs héros. Ils ont réclamé avec raison la vérité historique pour animer les couleurs et vivifier la poésie ; puis tout à coup ils se sont lassés de leurs propres succès en ce genre, et ils ont fait des pièces abstraites, si l’on peut s’exprimer ainsi, dans lesquelles les rapports des hommes entre eux sont indiqués d’une manière générale, sans que le temps, le lieu, ni les individus y soient pour rien. C’est ainsi, par exemple, que dans la Fille naturelle, une autre pièce de Goethe, l’auteur appelle ses personnages le duc, le roi, le père, la fille, etc., sans aucune autre désignation ; considérant l’époque pendant laquelle l’événement se passe, le pays et les noms propres presque comme des intérêts de ménage, dont la poésie ne doit pas s’occuper.

Une telle tragédie est véritablement faite pour être jouée dans le palais d’Odin, ou les morts ont coutume de continuer les occupations qu’ils avoient pendant leur vie ; là le chasseur, ombre de lui-même, poursuit l’ombre d’un cerf avec ardeur et les fantômes des guerriers se battent sur le terrain des nuages. Il paroît que, pendant quelque temps, Goethe s’est tout-à-fait dégoûté de l’intérêt dans les pièces de théâtre. L’on en trouvoit dans de mauvais ouvrages ; il a pensé qu’il falloit le bannir des bons. Néanmoins un homme supérieur a tort de dédaigner ce qui plaît universellement ; il ne faut pas qu’il abjure sa ressemblance avec la nature de tous, s’il veut faire valoir ce qui le distingue. Le point qu’Archiniède cherchoit pour soulever le monde est celui par lequel un génie extraordinaire se rapproche du commun des hommes. Ce point de contact lui sert à s’élever au-dessus des autres ; il doit partir de ce que nous éprouvons tous, pour arriver à faire sentir ce que lui seul aperçoit. D’ailleurs, s’il est vrai que le despotisme des convenances mêle souvent quelque chose de factice aux plus belles tragédies françaises, il n’y a pas non plus de vérité dans les théories bizarres de l’esprit systématique. Si l’exagération est maniérée, un certain genre de calme est aussi une affectation. C’est une supériorité qu’on s’arroge sur les émotions de l’âme, et qui peut convenir dans la philosophie, mais point du tout dans l’art dramatique.

On peut sans crainte adresser ces critiques à Goethe ; car presque tous ses ouvrages sont composés dans des systèmes différents ; tantôt il s’abandonne à la passion, comme dans Werther et le Comte d’Egmont. Une autrefois il ébranle toutes les cordes de l’imagination par ses poésies fugitives. Une autrefois il peint l’histoire avec une vérité scrupuleuse, comme dans Goetz de Berlichingen. Une autrefois il est naïf comme les anciens, dans Herman, et Dorothée. Enfin il se plonge avec Faust dans le tourbillon de la vie ; puis, tout à coup, dans Le Tasse, la Fille naturelle, et même dans Iphigénie, il conçoit l’art dramatique comme un monument élevé près des tombeaux. Ses ouvrages ont alors les belles formes, la splendeur et l’éclat du marbre ; mais ils en ont aussi la froide immobilité. On ne sauroit critiquer Goethe comme un auteur bon dans tel genre et mauvais dans tel autre. Il ressemble plutôt à la nature, qui produit tout et de tout ; et l’on peut aimer mieux son climat du midi que son climat du nord, sans méconnoître en lui les talents qui s’accordent avec ces diverses régions de l’âme.