De Figuris veneris ou les Multiples visages de l’amour/00-1

Editions du chat qui pelote (p. Frontisp.-iv).

En manière d’ouverture

« Philœus, te voilà fort et beau, ne joue donc plus tout seul de ta flûte enchantée, comme jadis en tes soirs adolescents et fiévreux ; confie la plutôt aux mains rythmées, aux lèvres harmonieuses et aux cuisses orageuses des courtisanes échauffées ; et tu seras étonné des modulations multiples et inattendues qu’elles en tireront jusqu’à ton évanouissement absolu. »

Le guide qui va vous introduire dans une maison que les moralistes interdisent mais vers laquelle courent tous les hommes et toutes les femmes, car c’est l’immortelle maison de l’Amour ce guide ne ressemble en rien aux matrones tarifées qui ont fourni à la littérature un modèle aussi répété que désuet,

C’est un grave professeur de philosophie, soucieux, à l’excès, des littératures antiques, et qui, en recueillant, avec un soin aussi patient que prolongé, les textes des auteurs, même les plus classiques a pu réunir, selon les critiques les plus avisés, la plus complète et la plus étourdissante anthologie érotique que l’on puisse concevoir par classification. »

Il a dressé l’échiquier des plaisirs humains, physiques et antiphysiques connus et pratiqués, ainsi que de la prostitution depuis les temps les plus reculés.

Pour ce titre, les érudits les plus sévères ne lui ont pas ménagé leur crédit.

De cet ouvrage les citations n’ont pas manqué en Allemagne, en Italie, en Angleterre et dans les pays centraux : en France, elles furent très rares et incomplètes, toujours introuvables.

L’exposé que nous en donnons ici respecte l’édition originale de l’auteur dite « édition de Cobourg 1824 », mais afin d’en rendre la lecture plus attrayante, plus romanesque en quelque sorte, nous l’avons débarrassée de son texte original en latin, de ses nombreuses citations en latin qui, de tout temps, lui ont conféré l’allure d’une thèse de doctorat à l’usage des seuls érudits professionnels.

Au demeurant, le lecteur s’apercevra, sans effort au cours de l’ouvrage ainsi présenté, que toutes les citations, tant celles concernant les vieux auteurs grecs et latins que celles ayant trait aux auteurs spéciaux du moyen-âge, du XVIe siècle ou autre sont conformes à des textes difficilement accessibles, et qu’elles représentent une somme de travail et de recherches méthodiques sur laquelle la préface de l’auteur lui-même fournira d’utiles précisions.

En effet, Forberg, né en 1770, dans le duché de Saxe Altenbourg et mort en 1848 offrit à la vie l’existence calme et laborieuse d’un savant d’outre-Rhin.

Jamais, il ne fut un homme à scandales. Professeur de philosophie dès l’âge de vingt-trois ans à la Faculté d’Iéna, alors dans toute sa splendeur, ses ouvrages de métaphysique le classèrent tout de suite parmi les plus remarquables adeptes de Kant et lui valurent l’amitié admirative de Fichte,

De pareils états de services se passent de commentaires.

Quand Forberg, nommé en 1807 Conservateur de la bibliothèque aubique de Cobourg, attacha la curiosité de son esprit à des soucis, en apparence moins philosophiques, il y apporta autant de sérieux que dans sa chaire de Faculté, en présence de ses élèves difficiles et nombreux auxquels il dispensait un enseignement supérieur,

À la tâche d’établir en l’honneur des multiples manifestations de l’Amour comme une fresque immense il s’attacha en toute conscience et sans relâche aucune.

En vain Ovide, lui opposa, dès le début, que pour faire un exposé complet des procédés des putains, il ne suffirait pas de cent bouches, de cent langues.

En vain trouva-t-il pareil obstacle dans les Entretiens d’Aloisia Sigea qui déclaraient : « Toutes les inflexions et les contorsions du corps sont autant de formes du baiser. On n’en peut préciser le nombre, non plus qu’on ne saurait enseigner quelle est la plus luxurieuse. Chacun prend conseil de son caprice, du lieu, du temps, pour adopter telle attitude qui lui convient. Tout le monde n’a pas la même manière d’aimer. »

Rien ne le rebute. Et, les postures dont il a décrit la nomenclature dépassent, en nombre et de beaucoup, celles de la courtisane Cyrane surnommée Dodékamekanon, parce qu’en fait elle ne connaissait que douze attitudes, comme il est dit dans Aristophane.

Aussi et bien que sur le seuil de son ouvrage Forberg, par une inscription, ait fait défense à Caton et aux censeurs d’y pénétrer, nous n’hésitons pas à en recommander la lecture aux moralistes et même aux Sénateurs de la troisième République lesquels n’hésitent pas, selon l’exemple laissé par feu l’empereur Tibère, à se rendre en des maisons spéciales où l’on peut voir comme au temps de l’historien Suétone « des chambres diversement aménagées, avec des ornements reproduisant des tableaux, sujets et personnages les plus lascifs, ainsi que le modèle des postures à prendre. »

Même ces Messieurs Honorables y laissent quelquefois leur peau : mais cela ne fait de mal à personne pas plus que n’en fera la lecture de cet ouvrage.

l’éditeur.