D’aimer (Elskamp)

(p. 43-50).





d’Aimer.






d’Aimer.



Or, puisqu’ils l’ont dit les grands-parents,
que mon bonheur est avec Vous ;
puisqu’ils l’ont voulu les grands-parents ;

puisqu’ils Vous ont désignée de geste,
soyez ma belle chanson de geste,
et, trop, n’ayez crainte en moi vers Vous.

Car sachez que je suis un enfant,
et que Vous êtes un peu moi-même,
comme l’avaient dit les grands-parents ;



et que j’ai plein, pour Vous, dans mon âme
d’une susceptibilité bonne,
comme seule en a fleuri Votre âme ;

et que je veux que Tu me pardonnes
pour tout le bien que je sais en moi,
moi qui veux tant que Tu me pardonnes.

Mais j’ai construit*

Et Vous serez ma belle actrice,
mon bourreau d’or et mon supplice,

et mes pinceaux et mes couleurs
à tous les panneaux de mon cœur ;

et Vous serez mon eau-de-vie
qui fait rire, au verre, la vie ;

et, de nuit, Vous serez mon songe
de femmes dans les bleues féeries



des lampes de candeur qui plongent
aux abysses des insomnies.

Mais j’ai construit*

Mais j’ai construit une petite maison
dans les lointains dimanches où je fus seul ;
mais j’ai construit une petite maison ;

et j’ai voulu qu’il n’y fut d’autres, au seuil,
que Vous, et Votre tête, et Vos belles mains,
et Vos yeux qui semblent des ronds dans l’eau ;

et j’ai choisi, pour mon unique musique,
Votre voix qui me dira comme de l’eau,
aux dimanches où sera Votre musique ;

et j’ai trouvé de très-étranges parfums
qui deviendront Votre chair et Votre robe,
en chemin de senteur vers Vos cheveux bruns ;


Et j’ai construit une petite maison
dans tes lointains dimanches où je fus seul,
mais j’ai construit en Vous seule ma maison.

Mais j’ai construit*

Car Vous verrez, au sang de mes veines,
une plante bien-aimée qui marche
vers mon bon cœur, et monte les marches
de tous mes bonheurs et de mes peines :

et c’est Vous qui serez cette reine,
par les silencieuses langueurs
de mes pensées changeant de couleur,
et c’est Vous qui serez cette reine ;

car Vous serez bonne de bonté
à ma grand’ville végétative,
loin des pâles féodalités
de mes seigneureries maladives.

Mais j’ai construit*


Or, loin des juifs et d’obscénité,
des juifs et du faux regard qui tente,
au dimanche de la nudité,
et loin des juifs qui voient et qui mentent,

avec Vous, j’irai songer nos corps
vers les étangs nouveaux sous les arbres,
et, loin, voir s’ils feraient bien en marbre,
dans la forêt où la Belle dort ;

ou plus doux, nous irons, en décor,
évangéliser les innocences
de la chair que nous sommes encor
dans le bon vierge de l’inscience,

en des jeux d’enfants, lénifiés
de Vos cheveux et des mains heureuses
des anges sûrs de Nos chairs dormeuses,
et de l’Animal pacifiées.

Mais j’ai construit*


Mais joie morte, et bien plus mort dimanche,
c’est la fin d’aimer, car Vous partez ;
et jeux, c’est la mer devenue blanche
des mouchoirs d’adieux, car Vous partez ;

et c’est déjà trop tard à du soir,
et le ciel tout équivoque d’anges ;
et c’est déjà trop tard à du soir,
et déjà Vous êtes comme un ange ;

car loin du toujours, loin du jamais,
c’est au pays du bleu paradis
que Vous allez planter un beau mai,
et loin du toujours, loin du jamais ;

et loin de moi qui vais bien pleurer
après Vous d’adieux au grand vaisseau lent,
d’où si loin sont, et tant adorées,
vos mains en petits pavillons blancs.