(pseudo non identifié)
Éditions de Minuit, 8 rue de Tracy (p. 49-62).
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V

Les deux cousines se retrouvèrent au moment de la promenade. Jacqueline était bien un peu gênée après ce premier contact très intime, mais Colette de Verneuse avait un air des plus naturels, et en une matinée, tout lui était familier au domaine.

Absolument tout, même et surtout l’âme et le cœur de la petite cousine…

La délicieuse Jacqueline ! Combien Colette la comprenait… sans s’étonner le moins du monde de la facilité extrême avec laquelle elle avait glissé immédiatement sur la pente qui mène au chemin de Lesbos.

Il n’avait pas fallu grand temps à l’amoureuse experte, qu’était Mademoiselle de Verneuse, pour analyser les sentiments les plus profonds de la petite châtelaine de Rembleynes.

Ignorante jusqu’ici des choses de l’amour et ne connaissant un peu du mystère charnel que par la contemplation de son propre corps, Jacqueline en était arrivée à une sorte de narcissisme bien naturel, qui avait immédiatement changé de voie, et qui s’était reporté sur sa jolie cousine, sur cette autre elle-même.

Ainsi en est-il pour plus d’une petite fille, dont l’amour d’une ou de plusieurs compagnes, précède l’amour pour un être d’un autre sexe.

Colette de Verneuse avait à merveille compris cet exquis mécanisme, et c’est avec joie qu’elle avait constaté combien sa cousine était une proie facile.

Car si Mademoiselle de Verneuse, en grande amoureuse, aimait les caresses du mâle, elle préférait de beaucoup celles plus subtiles et délicieuses d’une jeune femme.

Et tout de suite, elle jugea que la charmante Jacqueline se montrerait bientôt experte en cet art délicat.

Le grand parc qui entoure le château est un des plus jolis ornements du vaste domaine de Rembleynes.

Commencé au dix-septième siècle, qui fut la belle époque de l’art des jardins, il fut embelli et agrandi par la suite, et chaque époque lui apporta sa note spéciale.

C’est ainsi qu’à l’issue du grand jardin à la française, dont les larges allées bien symétriques semblent être l’illustration toute abstraite des livres de Descartes, le délicieux fouillis du jardin dit anglais vient donner une note exquisement romantique.

Là, ce ne sont qu’allées tournantes et sinueuses dont les courbes se perdent dans des miniatures de forêts habitées par des nymphes et des satyres de marbre. Là, tout est calme voluptueux, et nul bruit ne pénètre, à part le bruissement des feuilles et le glouglou des fontaines.

Madame de Rembleynes n’allait pour ainsi dire jamais dans cette partie du vaste parc. Et comme elle, Jacqueline, ne connaissait guère pour ses promenades quotidiennes, que les sévères allées du jardin français qui s’étend derrière le château, et où elle errait doucement en lisant quelque roman très chaste, écrit spécialement pour les jeunes personnes convenables.

Mais comme l’on pense, la jolie Colette découvrit tout de suite le voluptueux mystère du jardin romantique ! Dès le premier jour, en compagnie de Jacqueline, elle alla saluer nymphes et satyres, et ce lui fut l’occasion de donner à la petite cousine attentive et charmée, quelques utiles leçons.

…Oui, oui, chérie, comme les nymphes des bois, nous allons nous coucher dans l’herbe tendre ; va, nos robes claires ne craignent rien, elles sont faites justement pour les joies champêtres. Et, puis, si elles nous gênent, rien n’est plus facile que de les laisser s’envoler ! Tiens, regarde !…

Et d’un geste prompt, l’impudique Colette envoie promener sa robe blanche et rose, non pas par dessus les moulins, d’ailleurs absents, mais par dessus un buisson propice, sur lequel elle s’étale en une belle tâche claire.

— Oh ! Colette !…

C’est Jacqueline qui pousse ce cri d’envie et de surprise, et aussi d’admiration ; car la grande cousine vient d’apparaître voluptueusement splendide dans son gracieux déshabillé. Aucun jupon pour dissimuler le galbe harmonieux des mollets, non, rien, car le volant de la combinaison est tellement fin, tellement transparent, qu’il laisse voir les cuisses sortant du froufrou exquis du petit pantalon rayé par le ruban rose des jarretelles, venant mettre une tache mignonne sur le blanc de la peau et du linge très fin et délicatement soyeux.

Non ! jamais, la douce Jacqueline n’a vu un si gracieux déshabillé… Et, avidemment, amoureusement, elle regarde Colette de Verneuse, laquelle se couche sans plus de façon sur l’herbe haute et tendre qu’elle foule de son corps de déesse.

Sans trop oser quitter sa robe, Jacqueline se couche près d’elle… pour pousser un nouveau cri de surprise et d’admiration.

Colette vient de rejeter ses beaux bras en arrière et de mettre ses mains sous sa nuque. Puis, elle replie ses jambes légèrement écartées… Aussi, quel spectacle s’offre aux yeux effarés de la petite cousine !

Le pantalon moule étroitement les plus merveilleuses fesses qu’il fut donné à Jacqueline de contempler jusqu’ici, et par une anomalie qui semble énorme à la petite châtelaine, le pantalon est franchement ouvert en son milieu d’une grande fente qui laisse sortir la plus splendide des toisons brunes, dont les touffes frisées se mêlent à l’herbe verte.

Oh ! comme cela est joli ! Et combien ce merveilleux spectacle affole la petite Jacqueline ! La mignonne enfant sent une rougeur l’envahir, et un singulier désir empoigner tout son être ! Elle est là, couchée sur le ventre, jolie fleur parmi les hautes herbes, et elle contemple cette autre fleur d’amour couchée devant elle.

Instinctivement, elle s’approche. Va-t-elle oser ce qu’elle a envie de faire ?… Pourquoi pas ?… Colette de Verneuse n’entr’ouvre-t-elle pas un peu plus ses jolies cuisses, en une invitation silencieuse ?…

En une seconde, Jacqueline prend son parti. Après de rapides réflexions, elle passe à l’action — ah ! celle-là, comme elle doit être classée parmi celles qui sont contraires à la pureté ! — Oui, car il doit être bon de fourrager parmi cette herbe verte écrasée, et d’effleurer des lèvres, la brune toison très fine dont les touffes frisées sortent si tentantes de la large fente de soie !…

Jacqueline doucement, rampe et s’approche. Elle se trouve entre les belles courbes des mollets, et elle frôle de ses cheveux et de ses joues, les fins bas de soie. Une odeur pénétrante qui doit être le doux parfum de l’amour, l’envahit toute et la grise ; et la voici comme une chatte gourmande devant sa proie.

…Mais, quoi donc ? Qu’arrive-t-il ?… Elle se sent poussée maintenant par les hauts talons des chaussures de Colette, qui viennent de se placer sur ses épaules. Et voici qu’en un brusque mouvement, la grande cousine facilite la manœuvre !…

Alors, Jacqueline n’hésite plus ! Et de toute sa force voluptueuse et juvénile, elle se lance dans la mystérieuse et délicate exploration, cherchant à travers les broussailles de la douce forêt la fleur très précieuse vers laquelle ses lèvres amoureuses aspirent…

 

Maintenant, Colette de Verneuse est toute secouée par un léger tremblement. Ses beaux yeux langoureux sont fermés à demi, et lentement, elle caresse les boucles blondes de la petite cousine dont le visage est toujours enfoui dans la profondeur voluptueuse et intime.

— Ah ! Jacqueline chérie, comme je t’aime !…

Et brusquement, Colette arrache la robe fine qui drape le corps de sa cousine, enlève jupon et chemise qui cachent la tendre chair, tandis qu’elle-même, dans ces mouvements, s’est dénudée davantage.

Elle attire à elle, maintenant, sa chère adoratrice, ivre de la jouissance donnée et par contrecoup reçue. Car Jacqueline sent bien que c’était là le but de cette excursion champêtre dans le domaine silencieux des satyres et des nymphes ; et elle est heureuse et fière d’avoir satisfait au plus secret désir de la belle Colette, désir qui d’ailleurs correspondait au sien.

Ah ! comme elle s’est rendue compte, la charmante et amoureuse Jacqueline, à ce voluptueux contact et à la douceur veloutée de la chair, à cette pression de son visage sur l’intimité de l’impudique Colette, à cette communion de ses lèvres avec d’autres lèvres humides et frémissantes, que c’était bien là le merveilleux accomplissement de son long désir, la réalisation de ses rêves solitaires !…

Les voici maintenant, les deux jolies bacchantes, pressées l’une contre l’autre, en un seul bloc de chair ; les voici pâmées sous les baisers qu’elles échangent, se faisant pénétrer mutuellement l’une dans l’autre, toute leur âme voluptueuse.

Et dans le silence du grand parc solitaire, au seul bruit des feuilles qui bruissent, légèrement agitées par le vent très doux, et au murmure des fontaines dont l’eau claire s’écoule dans les vasques de marbres, se mêlent maintenant les frémissements d’amour des deux jolies filles dont les ébats se prolongent à l’ombre des buissons propices.